Soixante-quatorzième session,
63e séance – matin
AG/12261

L’Assemblée générale adopte les deux dernières résolutions de sa soixante-quatorzième session dont l’une sur la revitalisation de ses travaux

L’Assemblée générale s’est une nouvelle fois réunie aujourd’hui en personne pour adopter des résolutions sur la revitalisation de ses travaux et l’interaction entre les Nations Unies, les parlements et l’Union interparlementaire.  C’est hier qu’elle a convoqué sa toute première réunion plénière en personne, depuis les mesures de distanciation sociale imposées par la pandémie de COVID-19, pour entériner ses dernières décisions et résolutions, dont les plus de 70 textes adoptés tacitement, entre le 27 mars et le 31 août.  L’Assemblée, qui a aussi réinscrit plusieurs points à l’ordre du jour de sa soixante-quinzième session, l’a fait à l’issue d’un vote pour la situation en Azerbaïdjan, les territoires ukrainiens temporairement occupés et la responsabilité de protéger.

Le Président de l’Assemblée générale, M. Tijjani Muhammad-Bande du Nigéria, a donc expédié les affaires courantes avant de passer le marteau, le 15 septembre prochain, à M. Volkan Bozkir, diplomate et ancien Ministre turc des affaires de l’Union européenne (AG/12250).

Entre le 27 mars et hier, compte tenu des « circonstances extraordinaires » imposées par la pandémie mais aussi de la  nécessité pour elle de continuer de prendre « les décisions essentielles relatives à l’Organisation », l’Assemblée adoptait ses textes par « la procédure d’approbation tacite » qui autorise son Président à faire circuler auprès de tous les États Membres les projets de décision et de résolution.  Si dans les 72 heures qui suivent, aucune objection n’est faite, le texte est considéré comme adopté, avant d’être entériné par la procédure normale en plénière « dès que les circonstances le permettront » (74/544).

Aujourd’hui, l’Assemblée s’est penchée en personne sur une résolution relative à la revitalisation de ses travaux (A/74/L.90).  Par ce texte, l’Assemblée décide de créer à sa soixante-quinzième session un groupe de travail spécial chargé de trouver de nouveaux moyens de renforcer son rôle, son autorité, son efficacité et son efficience, notamment en faisant fond sur les acquis des sessions passées et sur les précédentes résolutions et en faisant le point de l’application de ces dernières.  L’Assemblée prie son Président de formuler en temps voulu des propositions visant à éliminer les lacunes, les chevauchements et les doubles emplois de l’ordre du jour en ce concerne le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et elle prie aussi ses six grandes commissions de faire de même.

Au nom de l’Union européenne, l’Allemagne a souligné l’importance de cette résolution en ce soixante-quinzième anniversaire de l’ONU.  Elle a reconnu que, compte tenu de la pandémie de COVID-19, très peu de progrès ont été accomplis.  Elle s’est félicitée de ce que ce renouvellement « technique » du mandat du Groupe de travail souligne la nécessité du processus d’alignement.  À cet égard, l’Allemagne s’est avoué déçue par une absence de résultats tangibles, imputable, a-t-elle dit, à l’impact de la COVID-19 sur les méthodes de travail de l’Assemblée mais surtout au manque de volonté de ceux qui refusent de s’engager de façon constructive dans les discussions, s’agissant en particulier des chevauchements entre les ordres du jour de l’Assemblée générale et du Conseil économique et social (ECOSOC).  Nous sommes déterminés à aller de l’avant, a martelé l’Allemagne.

Le Mexique a présenté la résolution sur l’interaction entre les Nations Unies, les parlements et l’Union interparlementaire (A/74/L.85), en parlant d’un texte à « vocation démocratique » importante puisqu’il salue la collaboration entre les parlements et l’ONU pour atteindre les objectifs communs.  Le texte appelle à éliminer les violences contre les femmes dans la sphère politique et demande au Secrétaire général un rapport dans lequel l’accent sera mis sur les contributions des États membres, des parlements, de l’ONU et de l’Union interparlementaire qui visent à accroître la représentation des femmes dans les parlements. 

La résolution, a poursuivi le Mexique, souligne aussi le rôle des parlementaires dans la riposte contre la pandémie et insiste sur l’accès aux médicaments et aux vaccins sans discrimination aucune.  Le texte salue la contribution des parlementaires à la réalisation du Programme 2030 et donne des outils pour l’autonomisation des jeunes.  La résolution, a conclu le Mexique, est le fruit d’un processus ouvert, inclusif et transparent.  Cinq réunions ont été organisées et toutes les positions ont été prises en compte.  C’est donc un projet équilibré et pertinent, un projet, a-t-il souligné, qui a toujours été adopté sans vote.

Cette année, les États-Unis ont réclamé la suppression de l’alinéa 6 du préambule qui dit « consciente du rôle important que joue le système des Nations Unies et du rôle de premier plan de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ».  Dans ce cas, a bondi le Mexique, nous demandons un vote séparé ».   Cet alinéa, s’est-il impatienté, a fait l’objet de consultations et se fonde sur un libellé agréé par l’Assemblée générale.  L’amendement américain a été rejeté par 161 voix contre, la voix pour des États-Unis et six abstentions, avant que la résolution ne soit adoptée sans vote. 

La Hongrie s’est plutôt montrée préoccupée par le paragraphe 14 du dispositif qui appelle l’Union interparlementaire et les organismes compétents des Nations Unies à concourir à ce que les migrations et la mobilité se fassent de façon ordonnée, sûre, régulière et responsable, notamment en mettant en place des politiques migratoires planifiées et bien gérées.  Ce texte, a critiqué la Hongrie, fait référence au Pacte de Marrakech que plusieurs pays ont rejeté.

Compte tenu des conséquences de la pandémie de COVID-19 sur l’économie et le marché de l’emploi dans les pays de destination, on ne peut, a-t-elle argué, promouvoir la migration.  Plutôt que d’encourager les gens à partir de chez eux, on devrait mettre l’accent sur le développement durable des pays d’origine.  Avec la pandémie, a insisté la Hongrie, les gouvernements doivent s’attaquer à des défis sanitaires et économiques pour soulager leur population.  La migration ou la mobilité n’est donc pas souhaitable, compte tenu des risques pour la sécurité et la santé.

Le paragraphe 14, ont aussi décrié par les États-Unis, est comme contraire à la législation nationale.  Ils en ont profité pour se dissocier des paragraphes faisant mention de l’Accord de Paris sur le climat duquel ils se sont retirés et pour rejeter une nouvelle fois l’alinéa 6 et le paragraphe 6 du dispositif qui parle de l’OMS.  Les États-Unis ont répété l’argument selon lequel l’accès sans discrimination aux médicaments et aux vaccins pourrait étouffer l’innovation. 

Coauteur de la résolution, la Fédération de Russie s’est félicitée de l’adoption de la résolution et s’est dite convaincue qu’un échange d’opinions non politisé entre parlementaires peut permettre de trouver des solutions efficaces aux problèmes de l’heure.  Elle s’est dite impatiente d’accueillir en 2022 la conférence mondiale, organisée par l’Union interparlementaire, pour le dialogue interconfessionnel et interethnique, avec la participation de chefs d’État, de parlementaires et de représentants des religions du monde entier.

L’Assemblée générale a réinscrit plusieurs points non permanents à l’ordre du jour de sa soixante-quinzième session.  L’Arménie s’est dissociée de l’inscription du point lié à la « situation  en Azerbaïdjan ».  Celle du point relatif à la « situation dans les territoires ukrainiens temporairement occupés » a été plus controversée.  Au nom de l’Union européenne, l’Allemagne a réaffirmé son appui à l’indépendance, à la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale de l’Ukraine.  Nous ne reconnaissons pas, a-t-elle martelé, l’annexion illégale de la Crimée et de la Ville de Sébastopol par la Fédération de Russie, laquelle est une violation du droit international et une menace à l’ordre juridique internationale.

L’Allemagne a exigé le respect des droits de l’homme dans les territoires occupés, des enquêtes sur les disparitions forcées et les meurtres et un accès sans entrave des observateurs.  Elle a naturellement demandé la pleine mise en œuvre des résolutions de l’Assemblée sur cette question, en insistant sur la responsabilité particulière de la Fédération de Russie, en la matière.  Elle a conclu en appuyant le format Normandie, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et le Groupe de contact trilatéral.  Il faut redoubler d’efforts dans les négociations pour parvenir à un règlement du conflit, a-t-elle insisté.

En la matière, la Fédération de Russie doit s’acquitter de ses obligations, a renchéri la Géorgie qui a vu dans les actions russes une violation grave de la Charte des Nations Unies et de l’Acte final d’Helsinki.  Le Royaume-Uni s’est particulièrement inquiété de la situation dans les zones de l’est qui échappent au contrôle du Gouvernement ukrainien.  L’Assemblée doit à tout prix, ont martelé à leur tour les États-Unis, continuer d’examiner les actes d’agression de la Fédération de Russie sur le territoire ukrainien.  L’Ukraine a justement appelé toutes les délégations a appuyé l’inscription du point à l’ordre du jour.

Discuter de questions « multidimensionnelles et complexes » ne contribuera en rien à trouver une solution durable à une question qui fait déjà l’objet d’un accord, a rétorqué l’Iran, en parlant de l’Accord de Minsk.  Quand un mécanisme interne existe, a-t-il professé, y mêler l’Assemblée générale ne peut qu’exacerber les divergences et saper les cadres internationalement reconnus.  Laissons le temps au temps au lieu de se précipiter, a conseillé l’Iran, devant une question « qui ne concerne que l’Ukraine et la Fédération de Russie ».  Hors de ce cadre, aucune solution ne sera viable, a-t-il prévenu. 

L’Assemblée veut se faire l’otage des approches néfastes, en inscrivant à son ordre du jour « un point artificiel » qui n’a aucun rapport avec les solutions aux problèmes mondiaux urgents, a commenté la Fédération de Russie.  L’Assemblée se laisse bercer dans la réalité alternative d’un pays qui refuse un dialogue civilisé avec son propre peuple, préférant se poser en victime de facteurs extérieurs.  L’Ukraine, a affirmé la Fédération de Russie, n’a plus de territoire temporairement occupé depuis les années 40.  La Crimée a été rattachée au terme d’un referendum par lequel 96% des électeurs ont voté pour.

Mais personne ne voit que dans le Donbass, s’est énervée la Fédération de Russie, l’Ukraine fait la guerre à ses propres citoyens qui ont refusé de reconnaître “le coup d’État”.  Le Conseil de sécurité le sait et c’est la raison pour laquelle il a reconnu l’Accord de Minsk que l’Ukraine refuse toujours de respecter.  En Ukraine comme partout ailleurs, le dialogue reste la seule voie, a souligné la Fédération de Russie, indignée que les autorités ukrainiennes choisissent de mépriser les revendications des populations du Donbass, entraînant avec elles l’Assemblée pour condamner une prétendue occupation russe.

La demande de la Fédération de Russie de mettre aux voix la décision d’inscrire le point à l’ordre du jour a été perçue par l’Ukraine comme une tentative de mettre des bâtons dans les roues de l’Assemblée et de l’empêcher d’étudier une question est « très importante » pour la communauté internationale.  Chaque État, a argué l’Ukraine, a le droit d’être entendu et quand on vous demande de rejeter l’inscription d’une question, on vous demande en fait de renoncer à ce droit.  C’est une question que l’Assemblée examine depuis 2014 et le maintien de ce point à l’ordre du jour offrira un cadre pour se pencher sur tous les aspects de ce « problème complexe ».  Ce sera même une plateforme pour la Fédération de Russie, a fait valoir l’Ukraine, en plaidant une dernière fois pour la protection « du droit d’être écouté ».

La décision d’inclure le point à l’ordre du jour a été adoptée par 81 voix pour, 17 voix contre et 65 abstentions.  

Une nouvelle fois, s’est lassée la Syrie, nous sommes devant un acte  politisé pour provoquer l’escalade et faire pression sur la Fédération de Russie, au détriment de la paix, de la sécurité et de la stabilité internationales, et des relations « historiques » entre les peuples ukrainien et russe.  À son tour, la Syrie a attiré l’attention sur l’Accord de Minsk, « approuvé formellement par le Conseil de sécurité ».  Elle a jugé que l’Assemblée viole son mandat quand elle se saisit d’une question qui relève dudit Conseil de sécurité.  Les « États occidentaux » devraient renoncer à leur ingérence et leur détermination à revenir à l’époque de la guerre froide.  Un règlement durable est possible dans le cadre des formats établis et des modalités agréés par les parties.  Il n’existe aucune alternative à un règlement pacifique du conflit, a souligné l’Arménie. 

C’est peut-être l’inscription du point relatif à la « responsabilité de protéger les populations civiles victimes de crimes de génocide, de crimes contre l’humanité, du nettoyage ethnique et de crimes de guerres » qui a suscité le débat le plus long.  Au nom de l’Union européenne, l’Allemagne a estimé qu’une discussion à l’Assemblée générale sur ce concept permettra de comprendre les différents points de vue, de poursuivre sur cette lancée pour parvenir au consensus et de reconstruire en mieux après la pandémie. 

C’est la troisième fois, s’est encore lassée la Syrie, que nous voyons un comportement décevant de la part de certains États qui manipulent la procédure.  Nous ne sommes pas contre le fond de la question, s’est-elle défendue.  Mais « ce jeu unique », qui a commencé il y a trois ans, devient lassant.  L’on voulait d’abord se limiter à une seule session mais depuis lors, tous les ans, le même jeu recommence avec d’autres joueurs enthousiastes.  La Syrie s’est surtout élevée contre le troisième pilier du concept: « la responsabilité de la communauté internationale de protéger lorsque, manifestement, un État n’assure pas la protection de sa population ».

Nous voyons des États invoquer ce pilier, a accusé la Syrie, pour se lancer dans des aventures et autres actes d’agression.  Jusqu’ici, a-t-elle averti, nous n’avons pas encore réussi à mettre « des garde-fous » à ce pilier et nous doutons que l’inclusion de ce point à l’ordre du jour donne lieu à une discussion libre sur cette « idée controversée ».  Quelle serait la valeur ajoutée?  Ne risque-t-on pas de semer la discorde, en ne laissant aucune chance aux discussions informelles et donc plus libres?  On ne voit pas, s’est avancée la Syrie, de rapport entre la Déclaration du Sommet de 2005, qui n’a en rien établi les principes de la responsabilité de protéger et l’intitulé du point.  Avec ce point, a prévenu la Syrie, nous risquons de faire peser sur l’ONU la responsabilité de légitimer des agressions militaires.

Poursuivons les discussions informelles, a-t-elle conseillé, et essayons dans ce cadre, de rapprocher les points de vue, a ajouté l’Iran, sinon, a ajouté à son tour le Venezuela, nous pourrions « détruire » plus systématiquement le consensus qui a émergé entre 2005 et 2007.  Le « squelette » du concept, a confirmé la Fédération de Russie a été dessiné dans la Déclaration du Sommet de  2005 et les États ont ensuite, dans le cadre de discussions informelles, essayé « d’y ajouter de la chair ».  Mais en 2017, a-t-elle aussi confirmé, le consensus s’est effondré parce qu’un groupe d’États tient à des discussions formelles.

Depuis lors, nous voyons un recul considérable et nous ne pouvons plus parler de consensus, séparés que nous sommes par des divergences « fondamentales » qui risquent de s’exacerber si nous poursuivons sur cette voie.  Il est en effet prématuré d’entamer des discussions formelles, ont renchéri Cuba et la Chine.  La notion a encore des vides politiques et juridiques qu’il faut combler.  Informellement, nous pouvons, a poursuivi l’Égypte, affiner le concept et élargir son champ d’application à des questions telles que l’élimination de la pauvreté, la protection de l’environnement ou encore la lutte contre l’intolérance ethnique et religieuse.

Ces propos ont été soutenus par le Nicaragua qui a appelé au respect des différents points de vue, « sans réinterpréter » les engagements pris par les dirigeants du monde en 2005.  Compte tenu des divergences, il serait tout simplement contreproductif de travailler formellement sans consensus, a tranché le Myanmar.  Il est pour le moins ironique, ont persiflé les États-Unis, qu’alors que nous parlons de l’absence de consensus, certaines délégations n’hésitent pas à le briser, en refusant l’inscription du point à l’ordre du jour.  Il est temps, ont acquiescé les Philippines, de formaliser les discussions.

Je doute en effet, a avoué le Danemark, que l’arrêt du partage des expériences auquel nous nous livrons depuis trois ans, nous permettra d’aller de l’avant.  2020 marque le quinzième anniversaire du concept et il est temps d’avancer.  C’est en s’écoutant les uns les autres que l’on trouvera des solutions, a dit l’Ukraine

Avec la pandémie, les citoyens sont encore plus vulnérables, a souligné le Costa Rica qui a attiré l’attention sur l’engagement moral en faveur de la responsabilité de protéger et de ses trois piliers.  Cette question doit devenir un point permanent de l’ordre du jour de l’Assemblée générale.  Cette enceinte, a argué à son tour l’Uruguay, est le forum adéquat pour réfléchir à l’opérationnalisation du concept, d’autant plus que le Conseil de sécurité se retrouve souvent paralysé.  « Nous voulons un échange d’idées fluide pour parvenir au consensus ».

La décision d’inscrire le point à l’ordre du jour a été adoptée par 121 voix pour, 13 voix contre et 32 abstentions.  S’étant abstenu, le Pakistan a jugé inutiles toutes ces discussions sur les modalités des discussions.  

L’Assemblée a pris note des noms des Présidents de ses grandes commissions. La Première Commission chargée des questions de désarmement et de sécurité internationale sera présidée par M. Agustin Santos Maraver de l’Espagne; la Deuxième Commission chargée des questions économiques et financières, par Amrit Bahadur Rai du Népal; la Troisième Commission chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, par Mme Katalin Annamaria Bogyay de la Hongrie; la Quatrième Commission chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation, par M. Colleen Vixen Kelapile du Botswana; la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires, par M. Carlos Amorim de l’Uruguay; et la Sixième Commission chargée des affaires juridiques, par M. Milenko Esteban Skoknic du Chili.

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