Conseil de sécurité: la situation sécuritaire reste préoccupante en Afrique centrale, explique le Chef du Bureau régional des Nations Unies
En présentant, cet après-midi, au Conseil de sécurité le rapport semestriel du Secrétaire général sur les activités du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC), le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef du BRENUAC, M. François Loucény Fall, est allé droit à l’essentiel: de façon générale, a-t-il dit, la situation politique et sécuritaire en Afrique centrale demeure « préoccupante ».
M. Fall a également évoqué les effets des changements climatiques et écologiques et des catastrophes naturelles sur la stabilité de l’Afrique centrale.
La sous-région fait toujours face au terrorisme de Boko Haram dans le bassin du lac Tchad. Entre le 1er juin et le 30 septembre 2019, 130 atteintes à la sécurité impliquant Boko Haram ont été signalées au Cameroun et 25 autres au Tchad, a rapporté M. Fall, causant respectivement la mort de 98 et 22 victimes civiles. Des affrontements violents survenus le 10 juin près d’une installation militaire à Darak, au Cameroun, ont en outre coûté la vie à plus de 15 soldats camerounais.
En République démocratique du Congo (RDC) et en République centrafricaine (RCA), c’est l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) qui continue de commettre des exactions contre des civils, a poursuivi le Représentant spécial. La LRA aurait enlevé 172 personnes, dont 29 enfants, en RDC, et 37 personnes, dont 8 enfants, en RCA. Par ailleurs, au cours du mois dernier, deux attaques contre des pétroliers ont été signalées dans le golfe de Guinée.
Invité à s’exprimer devant le Conseil, le Directeur adjoint des politiques du projet « ENOUGH », M. Sasha Lezhnev, n’a pas mâché ses mots. Il faut, a-t-il dit, lutter contre le blanchiment d’argent et sanctionner « les réseaux qui s’en prennent à la paix » et qui sont impliqués dans le trafic d’armes en échange d’or et de diamants, plutôt que d’essayer de remonter la chaîne des responsabilités à travers les maillons les plus faibles.
M. Lezhnev a dénoncé les groupes criminels qui opèrent « en toute impunité », recrutant au passage des groupes armés et des responsables corrompus. De nombreux présidents de la région sont au pouvoir depuis plus de 40 ans, « plus longtemps que la moyenne d’âge de leur population », a-t-il relevé, et les citoyens sont de plus en plus impatients devant l’absence de réformes démocratiques. Cette dichotomie crée un risque sérieux de déstabilisation, a-t-il averti. « Les vieux modèles ne fonctionnent plus pour cette génération. »
À ce sujet justement, le Représentant spécial a salué les « quelques » mesures prises par le Gouvernement camerounais après le dialogue national qu’il a organisé. Il a jugé essentiel de renforcer cette dynamique en assurant l’inclusion, « afin d’apaiser les griefs sous-jacents de ceux qui se sentent marginalisés ». Au Tchad, il faut un engagement multiforme et continu de la part des autorités, d’autant plus que le pays doit tenir des élections en 2020 et 2021, tandis que les autorités de la République du Congo doivent, à leur tour, promouvoir un dialogue national dans le contexte de l’élection présidentielle de 2021.
L’Afrique du Sud, s’exprimant au nom de la Côte d’Ivoire et de la Guinée équatoriale, a pour sa part salué les efforts entrepris par les États d’Afrique centrale pour parvenir à la stabilité politique, sociale et économique. En particulier, les membres africains du Conseil ont espéré que le dialogue national organisé par le Cameroun représentera un pas significatif pour résoudre les divergences dans ce pays.
L’Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis ont demandé la même chose au Gouvernement camerounais qui doit traduire au plus vite en actes les recommandations issues de ce dialogue national. « Il faut agir et pas seulement parler », ont tancé les États-Unis, pour qui « ce qui était une crise politique est devenu une crise humanitaire », avec plus de 500 000 personnes déplacées, 50 000 réfugiés et 1,5 million de personnes qui ont besoin d’aide. Le Royaume-Uni s’est dit disposé à apporter son assistance pour la mise en œuvre des recommandations relatives à la pluralité linguistique dans l’administration et l’éducation ou encore la régionalisation.
La situation sécuritaire de ces pays est aussi la conséquence de la déstabilisation de la Libye, qui a mis en en péril la sécurité et la stabilité de ses voisins, a souligné le représentant de la Fédération de Russie, préoccupé par la résilience de Boko Haram, qui lui permet de mener des incursions au Tchad et au Cameroun et par l’afflux de combattants étrangers. Son pays s’est dit, lui aussi, disposé à fournir son expertise pour lutter contre la piraterie dans le golfe de Guinée.
Pour résoudre leurs problèmes, les États africains et la communauté internationale doivent prendre conscience de l’importance du développement afin de répondre aux causes sous-jacentes des défis qu’ils affrontent, a plaidé la Chine.
LA SITUATION EN AFRIQUE CENTRALE - S/2019/913
Déclarations
M. FRANÇOIS LOUCÉNY FALL, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC), a déclaré que, de façon générale, la situation politique et sécuritaire en Afrique centrale demeure « préoccupante ». En effet, a-t-il dit, la sous-région continue de faire face à des défis sécuritaires, humanitaires, socio-économiques et en matière de droits de l’homme. Le terrorisme représente toujours une menace à la stabilité de la sous-région, en particulier dans le bassin du lac Tchad, où le groupe terroriste Boko Haram reste actif. Dans le bassin du Congo, la République du Congo a décrété l’état de catastrophe naturelle après les graves inondations qui ont affecté environ 50 000 personnes. À cet égard, M. Fall a souligné les effets des changements climatiques sur la stabilité de l’Afrique centrale.
La situation est également préoccupante en ce qui concerne la sécurité maritime. Ainsi, l’attaque d’un pétrolier au nord-ouest de Sao Tomé-et-Principe a été signalée le 7 novembre dernier. Une autre attaque a été signalée le 20 novembre au large de Malabo, a rapporté le Représentant spécial, avant de se dire encouragé par les efforts déployés par les États de la sous-région pour améliorer les capacités en matière de coopération en renforçant la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC).
S’exprimant sur les situations spécifiques du pays, M. Fall a indiqué que le Cameroun avait organisé un dialogue national du 30 septembre au 4 octobre dernier, qui s’est achevé par une série de recommandations destinées à répondre à la crise dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest. Au terme de ce dialogue, « quelques » mesures ont déjà été prises, telles que la libération de certains prisonniers et l’envoi de délégations gouvernementales dans lesdites régions afin de sensibiliser sur les recommandations. Le Gouvernement a également annoncé la tenue d’élections législatives et municipales en février 2020. Mais le chef du principal parti d’opposition, M. Maurice Kamto, a annoncé que son parti ne participerait pas à ce scrutin, car selon lui, les conditions ne sont pas réunies pour que le vote ait lieu dans les régions en crise, ce que conteste le Gouvernement, a relevé M. Fall.
Or, a-t-il insisté, il est essentiel de renforcer la dynamique créée par ce dialogue en assurant l’inclusion dans la mise en œuvre des recommandations, y compris sur une décentralisation accrue, l’aide au développement et le désarmement, la démobilisation et la réintégration, « afin d’apaiser les griefs sous-jacents de ceux qui se sentent marginalisés ». De la même manière, la tenue d’élections crédibles et transparentes en 2020 dépendra de tels efforts et sera un « test capital » pour la démocratie dans le pays.
S’agissant du Tchad, le Représentant spécial a déclaré que la situation sécuritaire des trois provinces frontalières avec la Libye et le Soudan représente toujours un risque pour la consolidation de la paix durable. Alors qu’elles sont toujours en état d’urgence, il faut un engagement multiforme continu de la part des autorités, d’autant plus que le Tchad poursuit les préparatifs pour la tenue d’élections en 2020 et 2021.
Quant à la République du Congo, le Représentant spécial, a dit qu’il fallait poursuivre les efforts visant à créer un environnement politique favorable à la tenue de l’élection présidentielle de 2021. Il a appelé les autorités et toutes les autres parties à contribuer à la tenue d’un dialogue national inclusif et constructif à cet effet. Une assistance internationale constante est en outre nécessaire pour la stabilisation de la région du Pool. De même, une contribution financière est indispensable pour aider le Gouvernement congolais à mettre en œuvre le programme de désarmement, démobilisation et réintégration, a-t-il conclu.
M. SASHA LEZHNEV, Directeur adjoint des politiques du projet ENOUGH, a invité les membres du Conseil de sécurité à s’intéresser aux aspects financiers des crises de la région et les partenaires internationaux à renforcer la transparence pour prévenir les conflits. Il a recommandé en particulier de s’engager contre le blanchiment d’argent et de « sanctionner les réseaux qui s’en prennent à la paix ».
Les groupes rebelles, les milices des groupes criminels et leurs facilitateurs génèrent des centaines de millions de dollars chaque année grâce au trafic de ressources naturelles comme l’or, les diamants et d’autres minerais, a dénoncé M. Lezhnev. Ces agissements constituent une cause majeure d’affrontement dans la région, car leurs auteurs, qui tiennent à préserver leurs affaires, n’hésitent pas à entraver les accords de paix, a-t-il expliqué. L’intervenant a estimé que le Conseil et le Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC) peuvent jouer un rôle pour les contrer puisque les groupes d’experts sur la République centrafricaine (RCA) et la République démocratique du Congo (RDC), par exemple, ont produit de multiples rapports sur l’exploitation illégale des richesses minières au profit de groupes armés, qui les exportent à travers les frontières régionales et vers les Émirats arabes unis.
Il faut cibler les réseaux qui contrôlent ce commerce transfrontalier plutôt que d’essayer de remonter la chaîne des responsabilités à travers les maillons les plus faibles, a préconisé M. Lezhnev, même s’il est plus facile de viser les intermédiaires. Ces réseaux sont souvent impliqués dans le trafic d’armes en échange d’or et de diamants. Son organisation a détaillé l’an dernier comment de l’or extrait en RDC pouvait se retrouver sur les marchés occidentaux à travers un réseau d’entreprises « coordonné par un homme d’affaire belge » via des manufactures en Ouganda, à Dubaï, et en Belgique même. Ces criminels continuent d’opérer en toute impunité, recrutant au passage des groupes armés et des responsables corrompus.
Par ailleurs, de nombreux présidents de la région sont au pouvoir depuis plus de 40 ans, « plus longtemps que la moyenne d’âge de leur population », a relevé M. Lezhnev, et les citoyens sont de plus en plus impatients devant l’absence de réformes démocratiques. Cette dichotomie crée un risque sérieux de déstabilisation, a-t-il averti, d’autant plus que cinq des pays de la région sont classés parmi les pays les plus exposés au risque de meurtres de masse par le Musée de l’Holocauste aux États-Unis. Et que tous sont en bas du classement de Transparency International, a-t-il encore indiqué.
D’après lui, la meilleure façon de maintenir une stabilité est donc d’appuyer les réformes que les pays de l’Afrique centrale pourraient engager, car la majorité de la population de ces pays exige de leur gouvernement des mesures de lutte contre la corruption et que les responsables rendent des comptes. « Les vieux modèles ne fonctionnent plus pour cette génération », a martelé M. Lezhnev.
L’intervenant a lui-même proposé des réformes, dont celle du secteur bancaire que les criminels utilisent pour les transferts financiers. Il faut viser ces établissements, entités multinationales qui permettent que ces transferts de fonds existent et facilitent le financement des conflits, a-t-il insisté. Le Conseil et le BRENUAC pourraient donc travailler avec ces banques, et se réunir régulièrement avec les pays de la région pour voir comment les sanctions seraient respectées.
De même le Conseil de sécurité pourrait rencontrer les acteurs du commerce de l’or, comme il l’a fait avec énergie pour les « diamants du sang », et faire face avec le Groupe d’action financière (GAFI) au risque de financement des activités terroristes par ces commerces. Le GAFI lui-même et les organes régionaux peuvent jouer leur rôle de prévention car ils mènent des évaluations conjointes sur le financement du terrorisme et des conflits et échangent des informations et des renseignements. Le Groupe d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique centrale a besoin sur ce point d’un soutien plus important de la communauté internationale et d’un véritable engagement. Là encore, le Conseil a un rôle plus efficace à jouer, a-t-il estimé.
Les sanctions ciblées sont également un moyen important et utile de mettre la pression sur les auteurs de troubles, a encore fait valoir M. Lezhnev. Bien souvent, elles sont appliquées contre des individus qui ne voyagent pas. Or, pour être efficaces, elles doivent cibler les réseaux et les facilitateurs internationaux qui profitent de la guerre et qui, ayant des comptes bancaires à l’étranger, se trouvent ainsi plus vulnérables. Enfin, a-t-il conclu, le Conseil doit donner davantage de moyens aux groupes d’experts. Il devrait aussi intégrer cette dimension financière dans le mandat des missions dans la région.
M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a partagé les préoccupations concernant la détérioration de la situation dans les régions dites anglophones au Cameroun. Si la délégation se félicite de la tenue d’un dialogue national, elle attend maintenant que le Gouvernement du Cameroun traduise en actes les recommandations issues de ce dialogue, notamment en ce qui concerne la pluralité linguistique dans l’administration et l’éducation ou encore la régionalisation. Le Royaume-Uni reste disposé à aider le Cameroun dans cet objectif, a dit le représentant, appelant aussi la communauté internationale, la CEEAC et l’Union africaine à participer à ce processus. « Une approche unie pour le Cameroun s’impose », a-t-il ajouté.
Concernant la situation dans le bassin du lac Tchad, M. Allen a jugé essentiel de garantir la stabilité dans cette région, notamment avec la Force conjointe du G5 Sahel et une bonne mise en œuvre de la résolution 2349 (2017). Sa délégation espère aussi que les élections à venir au Burundi permettront à ce pays de retrouver la stabilité.
S’exprimant au nom des pays africains membres du Conseil de sécurité, à savoir l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire et la Guinée équatoriale, son pays, Mme AMPARO MELE COLIFA a espéré que l’extension du mandat du BRENUAC jusqu’au 31 août 2021 lui permettrait de suivre de près les cycles électoraux dans la sous-région et de faire face aux menaces liées aux activités mercenaires, au terrorisme, à la piraterie et à la criminalité organisée. Leurs attaques, et notamment celles de Boko Haram qui sème la terreur depuis 2009, causent des pertes considérables en vies humaines et constituent une grave menace à la paix et à la sécurité en Afrique centrale et de l’Ouest, a souligné Mme Mele Colifa. Rappelant l’adoption de la résolution 2457 (2019) « Faire taire les armes en Afrique » sous sa présidence en février dernier, la représentante équato-guinéenne s’est dite convaincue qu’elle marque une étape et contribuera à préserver les générations à venir du fléau de la guerre.
Elle a ensuite salué les efforts entrepris par les États d’Afrique centrale pour parvenir à la stabilité politique, sociale et économique. Elle s’est également félicitée du dialogue national qui vient de se tenir au Cameroun, voulant croire qu’il s’agit d’un pas positif et significatif pour résoudre les divergences. À cet égard, la visite récente du Président de la Commission de l’Union africaine et des Secrétaires généraux de l’Organisation internationale de la Francophonie et du Commonwealth a permis d’échanger des points de vue sur la mise en œuvre des conclusions du dialogue national, a noté la déléguée. Elle a encouragé les autorités camerounaises à respecter la volonté de leur peuple et à rétablir la confiance afin de parvenir à la réconciliation et à la stabilité dans les régions affectées.
Revenant aux activités du BRENUAC, la représentante a salué ses efforts pour encourager les pays de la sous-région à soutenir l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine et a plaidé pour la réactivation de la Commission conjointe bilatérale entre la République centrafricaine et tous ses voisins afin de s’attaquer aux problèmes transfrontaliers.
Toujours au nom des trois pays africains du Conseil, la représentante a accueilli avec satisfaction l’accord tripartite signé par la République démocratique du Congo, l’Angola et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), ouvrant la voie à un mécanisme pour le retour des réfugiés de manière sûre, volontaire, digne et durable. Elle s’est par ailleurs inquiétée du nombre élevé de déplacés internes, du nombre de réfugiés et de demandeurs d’asile en Afrique centrale. La situation des personnes déplacées est aggravée par les activités déstabilisatrices des groupes armés et des attaques permanentes contre les communautés, qui sont en outre exposées aux inclémences des changements climatiques, à la dénutrition, au choléra et à l’Ebola, ce qui exige une assistance technique, sanitaire et financière de la part de la communauté internationale, a conclu la délégation.
Mme BERIOSKA ILUMINADA MORRISON GONZÁLEZ (République dominicaine) a déploré la détérioration de la situation sécuritaire dans certaines parties de la région, en particulier celle du lac Tchad, en raison des attaques perpétrées par Boko Haram, et au Cameroun. La représentante a condamné les abus commis contre les civils et les enlèvements perpétrés par l’Armée de résistance du Seigneur. S’inquiétant aussi des effets néfastes des changements climatiques, la représentante a salué la tenue à Brazzaville d’une réunion ministérielle extraordinaire de la CEEAC, l’adoption d’une position sous-régionale commune sur la contribution des forêts d’Afrique centrale dans la lutte mondiale contre les changements climatiques et l’engagement des gouvernements à réduire les menaces pesant sur la deuxième forêt pluviale du monde. Elle s’est dite convaincue que cette initiative contribuerait positivement à l’amélioration des conditions de vie des personnes vivant dans les forêts et les centres urbains.
La situation humanitaire dans plusieurs parties de l’Afrique centrale est en effet préoccupante, a poursuivi la représentante, attirant l’attention en particulier sur le Cameroun, où l’escalade de la violence et l’insécurité affectent la vie de centaines de milliers de civils, au premier rang desquels les femmes et les enfants. La représentante a fermement condamné l’assassinat d’un acteur humanitaire le 1er décembre dans le nord-ouest du pays et exhorté les organisations régionales à intensifier leurs efforts de médiation et de dialogue entre les parties, afin d’instaurer la confiance et la volonté politique nécessaires pour construire une paix durable dans tout le pays. En conclusion, elle a exhorté tous les pays d’Afrique centrale à élargir l’espace démocratique et à faire des avancées concrètes pour améliorer les processus de dialogue avec les divers acteurs politiques et de la société civile, dans l’objectif de faire face aux problèmes communs causés par les groupes armés, les activités illicites et la transhumance.
M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) s’est dit très préoccupé par la situation au Cameroun à quelques mois de l’échéance du 9 février 2020, date prévue pour les prochaines élections législatives et locales. Il a salué les autorités camerounaises pour la tenue du dialogue national et la libération de prisonniers politiques, félicitant toutes les parties pour leur engagement dans le cadre de la médiation suisse en vue de résoudre la crise des régions anglophones. Notant que les régions anglophones restent le théâtre d’hostilités et d’abus des droits de l’homme, le représentant a rappelé que seul le dialogue et la négociation permettront de trouver des solutions. Il a appelé à ne pas oublier les autres crises au Cameroun, dont la crise humanitaire et celle liée au terrorisme de Boko Haram. « Le manque de couverture du plan humanitaire –à hauteur de 41%- ne fait qu’accroître les défis », a-t-il dit avant de souligner aussi les problématiques du climat et de la sécurité.
Parmi les développements positifs, le représentant de la Belgique a cité l’adoption des nouveaux code pénal et de procédure pénale par le Gabon, qui augmentent –de manière substantielle– les peines prévues pour les crimes environnementaux, mais aussi l’adoption d’une position commune au niveau subrégional de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) concernant les contributions des forêts de l’Afrique centrale dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques. En outre, il a invité le Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC) à prendre en compte plus systématiquement, dans ses activités de rapportage, les effets des changements climatiques, les changements écologiques et désastres naturels. Il a rappelé que l’impact de ces facteurs s’étend des déserts tchadiens aux forêts de la République centrafricaine, et des eaux du golfe de Guinée aux collines burundaises. Il a souligné la nécessité de doter les différentes missions déployées en Afrique centrale d’un mandat robuste permettant de faire face à la problématique de l’exploitation illégale des ressources naturelles.
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a jugé essentiel que les pays eux-mêmes participent à la prévention et au règlement des crises et conflits régionaux. Pour lui, l’Afrique centrale joue un rôle essentiel dans la lutte contre le terrorisme sur le continent, où la dissémination d’éléments terroristes s’accompagne du pillage et de l’exploitation illégale des ressources naturelles. Ainsi, il s’est dit inquiet de la résilience de Boko Haram, qui lui permet de mener des incursions actives au Tchad et au Cameroun où le groupe s’en prend aux civils, à l’ONU et aux ONG ainsi qu’aux postes militaires. Surtout, a-t-il insisté, que des combattants étrangers affluent pour le rejoindre dont ceux de l’EI.
Les approches concertées sont donc particulièrement importantes, a fait observer la délégation russe. Elle s’est dite prête à continuer de travailler dans les différentes instances pour contrer ces actions en particulier dans les domaines du financement et du blanchiment d’argent. Il a salué l’accord de paix du 6 mai en RCA qui continue d’être un socle solide qu’il faut continuer de soutenir, tout en se disant préoccupé de la piraterie dans le golfe de Guinée. Il a proposé l’expertise de son pays en la matière en la souhaitant utile, se disant préoccupé par l’activité persistante de la LRA qui continue de mener des activités de banditisme dans la région dont la RDC, le Soudan et le Cameroun. En conclusion, M. Polyanskiy a affirmé que les difficultés et menaces de l’Afrique centrale sont étroitement liées, la déstabilisation d’un pays mettant en péril la sécurité et la stabilité de ses voisins.
M. BADER A. ALMUNAYEKH (Koweït) a émis le vœu de voir tous les scrutins qui doivent se tenir dans la sous-région l’année prochaine se dérouler dans de bonnes conditions, notamment au Burundi et en République centrafricaine. Il a également insisté sur la nécessité de lutter contre les activités du groupe terroriste Boko Haram et de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) afin de ramener la stabilité et de promouvoir le développement dans les pays touchés par ces organisations, d’autant que ces pays, a-t-il insisté « regorgent » de ressources naturelles.
M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a espéré que les pays concernés déploieront les efforts nécessaires à la tenue de leurs scrutins respectifs en temps et en heure, et a exhorté les pays de la région à tisser des relations de confiance avec tous les partenaires internationaux et régionaux. Il s’est dit très inquiet des informations faisant état de violations des droits de la personne par toutes les parties au conflit au Cameroun et les a appelées à cesser les violences pour entamer un dialogue ouvert et sans exclusive. La situation sécuritaire dans la région reste fragile, a–t-il fait valoir en citant notamment le nord et l’est du Tchad, les incursions de Boko Haram et les activités de la LRA dans plusieurs zones: les initiatives internationales de lutte contre ce groupe requièrent l’appui de toute la communauté internationale a-t-il insisté. Mais les acteurs régionaux doivent aussi jouer leur rôle. Un consensus a été dégagé sur la réforme institutionnelle de la CEEAC et le représentant a espéré qu’elle serait adoptée au plus vite.
Après avoir salué le travail du BRENUAC, M. HUMBERTO VELÁSQUEZ (Pérou) a noté avec préoccupation la persistance de dynamiques d’insécurité et d’instabilité dans la région, dont des épisodes de violence intercommunautaire, l’exacerbation des tensions politiques, l’extrémisme, les actions de groupes armés, la détérioration de la situation humanitaire et les violations des droits de l’homme. Dans ce contexte d’urgence, il a jugé indispensable le rôle constructif et complémentaire des organisations régionales, afin d’aborder de manière intégrale des sujets tels que la transhumance, les conflits intercommunautaires, les déplacés et la sécurité maritime dans le golfe de Guinée. À cet égard, le représentant a encouragé le renforcement de la coopération entre le BRENUAC et le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS) dans la lutte contre les groupes terroristes. Il a également souligné les synergies que le BRENUAC peut développer avec la CEEAC dans des domaines tels que la réforme institutionnelle et la lutte contre le trafic illicite de ressources naturelles. S’agissant des violations des droits de l’homme commises non seulement par les groupes armés mais aussi par les forces de l’ordre, le représentant a appelé les gouvernements de la sous-région à orienter leurs efforts vers la lutte contre l’impunité, par le biais de profondes réformes de leurs systèmes de justice.
M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a insisté sur les progrès réalisés depuis le début de l’année en Afrique centrale malgré les difficultés qui persistent. Les efforts bilatéraux et internationaux portent leurs fruits, a-t-il estimé, il faut donc en tirer parti pour mieux aider les pays de la région et garantir à ceux-ci un avenir meilleur. Cependant, a ajouté le représentant, les causes profondes des conflits doivent faire l’objet d’une analyse concrète. De même, après des années de trouble, les pays de la région doivent instaurer des relations de bon voisinage entre eux et des relations de confiance avec les populations.
Hélas, a déploré M. Syihab, la région est la cible du trafic de ressources naturelles, ainsi que des activités de Boko Haram et de la LRA, qui doivent cesser. Les partenariats entre les organisations régionales, sous-régionales et les Nations Unies sont essentiels. D’après le principe selon lequel « les voisins connaissent mieux la situation », ces organisations jouent un rôle essentiel, a rappelé le représentant en citant l’Union africaine. Il a appelé le BRENUAC à apporter un soutien accru à la CEEAC. Si les défis persistent dans la région, il revient au Conseil de sécurité de continuer d’appuyer les pays pour en sortir, a conclu le représentant.
M. YAO SHAOJUN (Chine) a partagé l’analyse du Représentant spécial en ce qui concerne la situation sécuritaire prévalant dans la sous-région, marquée notamment par la présence de Boko Haram et les défis en matière humanitaire et de développement. C’est pour cette raison que la Chine estime que les États africains et la communauté internationale doivent prendre conscience de l’importance du développement afin de répondre aux causes sous-jacentes des défis qu’ils affrontent. La Chine estime également que ces processus doivent se faire sur la base d’une appropriation régionale ou nationale. Car, a poursuivi le représentant, il y a des États qui ne souhaitent pas l’ingérence des Nations Unies ou de quelque autre partie.
M. JUERGEN SCHULZ (Allemagne) a loué le « travail important » du BRENUAC et son rôle crucial dans la stabilisation de la région, mais s’est inquiété de la situation précaire sur le terrain, perturbée par des défis tels que les effets des changements climatiques sur la sécurité et la stabilité, le terrorisme transfrontalier de la LRA et de Boko Haram, les conflits entre fermiers et éleveurs, ainsi que la prolifération des armes légères et de petit calibre. Ces menaces déstabilisent la région, exacerbent la crise humanitaire et sapent les chances d’un dialogue politique, a-t-il déploré. M. Schulz a souligné que ces problèmes, qui ne s’arrêtaient pas aux frontières nationales, devaient être traités conjointement. À ce titre, l’une des tâches du BRENUAC devrait être de promouvoir l’intégration régionale par le truchement d’organisations telles que la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). L’Allemagne a encouragé une coopération rapprochée du BRENUAC avec les autres acteurs de la région, y compris le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), les bureaux de pays, ainsi que des agences plus spécialisées, comme les agences de contre-terrorisme telles que le Bureau de lutte contre le terrorisme (BLT) ou la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme (CTED).
En outre, l’Allemagne a jugé important que le BRENUAC inclut dans son travail les effets des changements climatiques sur la stabilité et la sécurité régionales, qu’il renforce son Agenda sur les femmes et la paix et la sécurité et qu’il soutienne un processus politique plus inclusif. L’implication de la société civile est également importante, a estimé M. Schulz, qui a, par ailleurs, recommandé une coopération stratégique du BRENUAC avec d’autres groupes régionaux, surtout la CEEAC qui, de concert avec l’Union africaine, a un rôle de diplomatie préventive important à jouer. Particulièrement inquiète de la détérioration de la situation au Cameroun et de son impact négatif sur toute l’Afrique centrale, l’Allemagne s’est dite déçue que la situation ne se soit pas améliorée depuis le Grand dialogue national (GDN) et que chaque camp continue d’utiliser la violence, et qualifié de « cas de violence inacceptable » les tirs de séparatistes sur un avion commercial, signalés le 1er décembre dernier. M. Schulz a enfin déclaré que le Gouvernement camerounais devait publier et mettre en œuvre au plus vite les recommandations du Grand dialogue national: un statut spécial pour les régions anglophones est une approche prometteuse appelant à être davantage étayée, a conclu le représentant.
Rappelant que le Conseil de sécurité s’efforce de résoudre les questions les plus pressantes, Mme CHERITH NORMAN-CHALET (États-Unis) s’est dit profondément préoccupée par la situation qui se dégrade rapidement au Cameroun avec des abus, des violations des droits de l’homme, des assassinats extra-judiciaires et des détentions arbitraires conduits en toute impunité. « Ce qui était une crise politique est devenu une crise humanitaire », a-t-elle déploré. Les parties au conflit limitent l’action humanitaire et 65% des régions du sud-ouest et du nord-ouest sont hors d’accès pour l’aide. Depuis le début des troubles, des centaines de personnes sont mortes et plus de 500 000 personnes sont déplacées et 50 000 réfugiées. Selon l’UNICEF, 1,5 million de personnes ont besoin d’aide, soit 50 fois plus par rapport à 2017.
La représentante a demandé au Gouvernement et aux séparatistes de laisser l’accès libre à ces zones pour garantir que l’aide humanitaire parvienne à ceux qui en ont besoin. Elle a lancé un appel à toutes les parties en ce sens et au respect des droits de la personne. La situation au Cameroun requière une action immédiate de toutes les parties: « il faut agir et pas seulement parler », selon le slogan de la présidence du Conseil ce mois-ci, a-t-elle martelé en exhortant le BRENUAC à prendre une position décisive et à engager les parties à un dialogue ouvert, sans conditions préalables, pour éviter toute tentative de solution militaire.