En cours au Siège de l'ONU

8668e séance – matin
CS/14024

Conseil de sécurité: « la réconciliation ne saurait se substituer à la justice, ni même ouvrir la voie à l’amnistie pour les crimes les plus graves », prévient le Secrétaire général

« La réconciliation ne saurait se substituer à la justice, ni même ouvrir la voie à l’amnistie pour les crimes les plus graves », a mis en garde le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, lors du débat public organisé, aujourd’hui, par le Conseil de sécurité sur le rôle de la réconciliation dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Une réconciliation réussie contribue à prévenir la résurgence des conflits, en plus de former le terreau de sociétés plus résilientes, pacifiques et prospères, a assuré M. Guterres.  Cela est surtout vrai dans le sillage de violences et de violations des droits de l’homme à large échelle, a-t-il dit, ajoutant que du Cambodge au Rwanda, en passant par l’Irlande du Nord et la Bosnie-Herzégovine, les processus de réconciliation avaient contribué à résoudre les conflits ethniques, religieux ou politiques.  « C’est pour cette raison que promouvoir la réconciliation et briser le cercle de l’impunité fait partie intégrante de notre travail », a expliqué le Secrétaire général.

Nous assistons aujourd’hui à des manifestations populaires partout à travers le monde, a-t-il relevé.  Même si chaque cas est unique, des dénominateurs communs apparaissent, à savoir un déficit de confiance des populations vis-à-vis des institutions politiques, et la dénonciation répétée des conséquences négatives de la mondialisation et des technologies qui aggravent les inégalités.  Les gouvernements doivent répondre à ces manifestations par le respect de la liberté d’expression et de rassemblements pacifiques et aux revendications populaires par le dialogue et la réconciliation afin d’éviter toute polarisation, a plaidé M. Guterres, pour qui les réformes économiques peuvent jouer un rôle dans la réconciliation.

Compte tenu de la nature changeante et de la complexité des conflits, le concept de réconciliation en lui-même doit évoluer et s’adapter pour devenir plus que jamais inclusif et élargi.  « La réconciliation doit venir de l’intérieur, avec la participation de tous, notamment des femmes, de la société civile, des dirigeants religieux et des jeunes », a encore fait valoir le Secrétaire général, ajoutant, comme la Directrice des programmes et du développement au Centre Elman pour la paix et les droits de l’homme, Mme Ilwad Elman, que les processus de paix qui ignorent leurs voix sont voués à l’échec. 

Les femmes sont systématiquement exclues dans beaucoup de processus, or quand elles sont associées elles sont « gages de réussite », a témoigné la jeune femme d’origine somalienne.  La résolution 1325 (2000) sur les femmes et la paix et la sécurité a presque 20 ans, « n’en faites pas une célébration symbolique mais utilisez-la » dans les mandats pour garantir la parité, a-t-elle lancé.  Prenez les mesures nécessaires pour accroître le nombre de femmes participant aux efforts de paix, a enjoint Mme Elman.  Pour qu’une paix soit durable, il faut que les populations apprennent à vivre ensemble au sortir d’une guerre, a analysé M. Alpaslan Özerdem, Doyen de la School for Conflict Analysis and Resolution, à la George Mason University.  D’après lui, la réconciliation est à la fois « un processus de restauration des relations brisées » et un processus « sur mesure » qui doit toujours se fonder sur des approches locales.  La réconciliation n’a pas lieu qu’après un conflit violent; elle peut intervenir à tout moment et partout, et, parfois, elle est peut-être la première option pour parvenir à la paix. 

Le Ministre d’État pour le Commonwealth, les Nations Unies et l’Asie du Sud du Royaume-Uni, M. Tariq Ahmad, qui présidait le débat, a souligné que l’application du principe de responsabilité est un élément important de la réconciliation, car « l’impunité ne doit plus être une option ».  C’est pour cette raison que le Royaume-Uni soutient la politique d’opposition de l’ONU aux amnisties pour les crimes les plus graves, y compris dans le contexte des négociations de paix.  La justice et la lutte contre l’impunité sont en effet indispensables à une réconciliation juste et durable, a renchéri la France, convaincue que la Cour pénale internationale (CPI) joue, et doit jouer, un rôle central à cet égard.  Les États-Unis ont pour leur part appuyé les mécanismes internationaux d’enquête sur les violations des droits de l’homme en Syrie ou au Myanmar.  En revanche, la Fédération de Russie a mis en garde contre la politisation des processus de réconciliation et « les solutions venues de l’extérieur ».  Elle a dénoncé les dispositifs de justice internationaux qui sont souvent fondés sur le « deux poids, deux mesures ».  Dans le même esprit, la Chine a rappelé à la communauté internationale qu’elle doit rester impartiale et objective pour désamorcer les conflits.

L’expérience montre en tout cas qu’il n’y a ni « panacée », ni « modèle unique » ou « feuille de route pratique » pour la réconciliation, ont fait valoir plusieurs délégations, parmi la soixantaine qui ont participé à cette séance.  Certaines ont vanté leur expérience en la matière, que leur pays soit passé par ce processus, ou qu’il l’ait appuyé dans d’autres.  L’Afrique du Sud, « pionnière » avec sa Commission vérité et réconciliation créée après la fin de l’apartheid, a choisi sa voie et chaque pays doit trouver la sienne, a dit son représentant. La Belgique et le Rwanda aussi ont insisté sur la nécessité pour chaque société de trouver la « bonne combinaison » sur la base de ses mécanismes nationaux.  La Sierra Leone, qui a traversé une guerre civile dans les années 90 a de son côté pu entreprendre la réconciliation après la mise en place du tribunal spécial pour la Sierra Leone établit avec l’aide de l’ONU pour juger les individus portant les plus grandes responsabilités dans les crimes commis durant la guerre. Pareillement, l’histoire récente de la Côte d’Ivoire a appris à ses habitants qu’un processus de réconciliation est une tâche « ardue et de longue haleine », qui exige à la fois la volonté des parties aux conflits à aller à la paix et le soutien constant de la communauté internationale.

L’établissement des responsabilités est bien l’un des outils clefs pour faire avancer vers la paix, car sans justice, a reconnu le Liban, il ne peut y avoir de paix.  Certes, le besoin de justice aux fins de réconciliation est un requis, mais les mécanismes de réconciliation et les initiatives de justice transitionnelle ne peuvent être imposés par des forces externes, a insisté la Sri Lanka.  À son tour, le Guatemala a insisté sur l’appropriation nationale et le rôle incontournable du leadership local.  Le délégué de l’Union européenne a indiqué que la guerre est aujourd’hui « impensable » au sein de cet espace économique parce que « nous avons construit des institutions qui sont l’expression de notre réconciliation ».  Pourtant, sans une véritable volonté d’apprendre des erreurs du passé et un travail continu pour promouvoir la réconciliation, il n’y a pas d’avenir pour la paix, même en Europe, a-t-il averti.

CONSOLIDATION ET PÉRENNISATION DE LA PAIX

Le rôle de la réconciliation dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales (S/2019/871)

Déclarations

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a déclaré que les processus de réconciliation soutenus par la communauté internationale peuvent avoir un « impact crucial » sur la vie des gens.  Une réconciliation réussie contribue à prévenir la résurgence des conflits, en plus de former le terreau de sociétés plus résilientes, pacifiques et prospères.  Cela est surtout vrai dans le sillage de violences et de violations des droits de l’homme à large échelle, a-t-il dit, ajoutant que du Cambodge au Rwanda, en passant par l’Irlande du Nord et la Bosnie-Herzégovine, les processus de réconciliation avaient joué un rôle pour résoudre les conflits ethniques, religieux ou politiques.  C’est pour cette raison que promouvoir la réconciliation et briser le cercle de l’impunité fait partie intégrante de notre travail, a encore déclaré le Chef de l’Organisation.

Selon lui, alors que le rôle vital de la réconciliation est reconnu, il est désormais temps de faire évoluer ce concept, afin de s’adapter à la nature changeante des conflits, car ceux-ci deviennent de plus en plus complexes.  De son point de vue, les inégalités économiques et politiques se creusent, amplifiées par les crises climatiques et les nouvelles technologies; les espaces démocratiques s’amenuisent, sous les effets des politiques identitaires, de la discrimination et des discours de haine.  Il faut donc, aujourd’hui, que les processus de réconciliation prennent en compte tous ces défis, et soient plus que jamais inclusifs et élargis, a encore déclaré le Secrétaire général, ajoutant que pour réussir, la réconciliation doit avoir un impact sur les individus et les institutions politico-sociales.

Poursuivant son intervention, M. Guterres a estimé qu’il existe une conscience de plus en plus grande du rôle de la réconciliation dans la prévention des causes profondes des conflits.  Or, nous assistons aujourd’hui à des manifestations populaires partout à travers le monde.  Même si chaque cas est unique, des dénominateurs communs apparaissent, à savoir un déficit de confiance des populations vis-à-vis des institutions politiques, et la dénonciation répétée des conséquences négatives de la mondialisation et des technologies qui aggravent les inégalités.  Les gouvernements doivent répondre à ces manifestations par le respect de la liberté d’expression et de rassemblements pacifiques et aux revendications populaires par le dialogue et la réconciliation afin d’éviter toute polarisation, a plaidé le haut fonctionnaire, pour qui les réformes économiques peuvent jouer un rôle dans la réconciliation. 

M. Guterres a également déclaré que les processus de réconciliation d’aujourd’hui doivent remplir deux conditions.  Ils doivent tout d’abord être basés sur les communautés et les sociétés affectés par les conflits: « La réconciliation vient de l’intérieur, avec la participation de tous, notamment des femmes, de la société civile, des dirigeants religieux et des jeunes. »  Les processus de paix qui ignorent leurs voix sont voués à l’échec.  Les processus de réconciliation doivent également être axés sur les victimes et leurs souffrances, la compréhension des mobiles des auteurs de violations, l’application du principe de responsabilité, la garantie de réparations et de justice.  « Il n’y a pas de réconciliation sans justice ni de justice sans réconciliation », a-t-il résumé.  Pour ce faire, les mécanismes de justice transitionnelle, y compris les commissions vérité et réconciliation, peuvent être efficaces pour parvenir à un tel objectif.  Cela dit, « la réconciliation ne saurait se substituer à la justice, ni même ouvrir la voie à l’amnistie pour les crimes les plus graves », a prévenu le Secrétaire général, avant de rappeler que le Conseil de sécurité avait réaffirmé l’importance de la lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves en vertu du droit international.  Avant de conclure son intervention, M. Guterres a rappelé que l’ONU s’emploie à intégrer des programmes de réconciliation dans ses activités de rétablissement et de consolidation de la paix, d’appui technique ou de justice transitionnelle, notamment en République centrafricaine, au Soudan du Sud, en Colombie, en Tunisie, au Yémen ou encore en Gambie. 

Pour qu’une paix soit durable, il faut que les populations apprennent à vivre ensemble au sortir d’une guerre, a déclaré M. ALPASLAN ÖZERDEM, Doyen de la School for Conflict Analysis and Resolution, à la George Mason University.  Les victimes, les auteurs de crimes et les autres membres des communautés touchées par la guerre doivent entreprendre de se réconcilier les uns avec les autres, sur les plans politique et personnel.  Il s’agit pour tous de recadrer et de réhumaniser la relation avec l’autre.  En somme de rétablir la confiance, déterminer les responsabilités et à terme accepter l’héritage du passé.  C’est « un processus de restauration des relations brisées », a-t-il expliqué.

La réconciliation doit s’attaquer aux blessures profondes du conflit, a poursuivi M. Özerdem, mais elle est aussi un apprentissage du vivre ensemble.  Il n’est donc pas surprenant que le concept de réconciliation n’ait pas la même signification pour tout le monde.  De fait, les sociétés post-conflit sont composées de groupes d’acteurs disparates, ayant des expériences du conflit et des codes et valeurs culturels différents.  Ainsi, a-t-il poursuivi, les parents dont les enfants ont été victimes d’une rafle voudront savoir ce qui s’est réellement passé et voir les auteurs traduits en justice. 

Pour de nouveaux dirigeants, l’opportunité serait plutôt d’enterrer le passé et de se concentrer sur les défis du présent, alors que pour d’anciens combattants, la réconciliation pourrait revêtir la forme du pardon pour amorcer un nouveau départ.  C’est pour toutes ces raisons que la réconciliation doit être « un processus sur mesure », suffisamment souple pour s’adapter à l’évolution de la dynamique socioéconomique et politique post-conflit, a préconisé l’intervenant.  En d’autres termes, la réconciliation, dans une perspective minimaliste, pourrait consister à atteindre l’objectif de coexistence.  Dans une approche plus large, elle soulignerait l’importance du pardon et de la reconstruction de la confiance. 

De plus, il faut garder à l’esprit qu’une réconciliation réussie est à la fois un résultat et un processus.  Il en résulte une confiance, une reconnaissance et une acceptation mutuelles, ainsi qu’une prise en compte des besoins et des intérêts de l’autre partie.  En tant que processus, elle devrait incorporer une vaste gamme de changements structurels et psychologiques.  Mais d’abord, qu’a-t-on appris des expériences passées?

Tout d’abord, a analysé M. Özerdem la réconciliation devrait être une expérience transformationnelle, non pas pour apprendre à pardonner et à oublier, mais pour apprendre à se souvenir et à changer.  Il a donné l’exemple de la reconstruction du pont de Stari Most, à Mostar, en Bosnie-Herzégovine, La communauté internationale a construit une copie presque identique du pont, un grand succès, certes, mais sans donner aux Serbes, aux Croates et aux Bosniaques la possibilité de construire des ponts de confiance entre eux pendant sa reconstruction. 

Ensuite, la réconciliation doit toujours être basée sur les approches, le vocabulaire et les acteurs locaux, a préconisé l’universitaire.  Car, ce n’est qu’à travers des approches locales que nous pourrons panser les blessures émotionnelles profondes laissées par le conflit.  Or, ce n’est pas souvent l’option choisie par les politiques, a-t-il regretté.  Il a illustré son propos en citant la bravoure et la clairvoyance du prévôt Richard Howard qui, à la suite du bombardement de la Cathédrale de Coventry au Royaume-Uni, a prôné la réconciliation à la place de la revanche.  Par ailleurs, a-t-il poursuivi, le soutien financier et les projets ne deviennent utiles que lorsqu’ils font partie d’un processus plus vaste, conçu et dirigé localement.  La mise en place d’une commission vérité et réconciliation n’est pas suffisante, même si elle est nécessaire pour remédier aux injustices passées et établir les faits. 

« La réconciliation est un processus et pas uniquement un simple programme », a insisté M. Özerdem.  La réconciliation n’a pas lieu qu’après un conflit violent; elle peut intervenir à tout moment et partout, et, parfois, elle est peut-être la première option pour parvenir à la paix.  De fait, la réconciliation est importante car, a-t-il averti, si les traumatismes individuels et collectifs ne sont pas réglés, les griefs résiduels peuvent contribuer à perpétuer la violence, notamment parmi les générations futures. 

Mme ILWAD ELMAN, Directrice des programmes et du développement au Centre Elman pour la paix et les droits de l’homme, a expliqué qu’elle venait de Somalie, État qui s’est effondré en 1991.  La première tentative de réconciliation a eu lieu aux premiers jours de la guerre mais comme tous les rebelles n’étaient pas signataires, ce fut un échec.  Depuis, de nombreuses tentatives ont été lancées mais personne n’a travaillé sur de nouveaux fondements propices au changement, a-t-elle regretté. 

Mme Elman s’est donc félicitée de ce débat, car selon elle, la réconciliation est la partie la plus difficile du cycle de paix.  Elle a évoqué les affrontements dans une région somalienne ou 50 000 personnes ont été déplacées et des milices stationnées sur les lignes de front, « à un jet de pierre de la communauté internationale ».  Après une médiation, la signature de l’accord de paix a été célébrée à l’étranger mais, dès que les dirigeants sont rentrés, il y a eu une nouvelle flambée de violence. 

Quand on demande aux femmes et aux jeunes ce qu’il faut faire pour que les combattants déposent les armes, la réponse est toujours: « Parlez leur ».  Mais les processus qui excluent les citoyens et les populations sont voués à l’échec, a averti Mme Elman.  Il faut toujours tenter de trouver une solution à l’échelle de la nation entière et restaurer la confiance des populations dans les institutions.  La violence continuera d’éclater si la population ne pense pas pouvoir régler ses problèmes via des institutions fiables.  En l’absence d’un cadre de réconciliation et d’efforts parallèles pour désarmer les milices, les politiques d’exclusion et de marginalisation impactent les mécanismes de transition, surtout quand la discrimination s’applique aux femmes, et alimentent les griefs.

Les femmes sont systématiquement exclues dans beaucoup de processus, or quand elles sont associées elles sont « gages de réussite », a témoigné l’intervenante.  La résolution 1325 (2000) sur les femmes et la paix et la sécurité a presque 20 ans, « n’en faites pas une célébration symbolique mais utilisez-la » dans les mandats pour garantir la parité, a-t-elle lancé.  Prenez les mesures nécessaires pour accroître le nombre de femmes participant aux efforts de paix, a-t-elle plaidé en notant que les femmes, et surtout les jeunes femmes, sont plus exposées aux risques de devenir des victimes de guerre, mais sont aussi souvent à l’origine d’initiatives originales.

Enfin, l’absence de soutien financier est également une source d’échec, a constaté Mme Elman.  À maintes reprises, nous avons entendu les États fragiles nous dire qu’ils voulaient davantage de soutien à la réconciliation, a-t-elle remarqué, avant de poser une question: l’ONU et les membres du Conseil de sécurité pourraient-ils envisager de travailler avec les fonds déjà existants et qui sont présents dans différents pays?

M. TARIQ AHMAD, Ministre d’État pour le Commonwealth, les Nations Unies et l’Asie du Sud du Royaume-Uni, a déclaré que la réconciliation est une étape majeure pour l’établissement d’une paix durable.  C’est pour cette raison que le Royaume-Uni reste un ferme soutien de la vision du Secrétaire général sur la pérennisation de la paix et qu’il a toujours plaidé en faveur du rôle des dirigeants religieux.  Selon le Ministre, ces derniers peuvent amplifier les voix des communautés les plus vulnérables et soutenir la réconciliation et la paix par la médiation ou en encourageant le dialogue entre différents groupes.  À cet égard, la délégation du Royaume-Uni présentera au Conseil de sécurité, un projet de résolution sur la persécution des chrétiens et personnes d’autres confessions, a indiqué le représentant. 

M. Ahmad a également déclaré que la justice transitionnelle pouvait soutenir les personnes persécutées et jeter les bases de la paix.  Mais pour que ces mécanismes fonctionnent, ils doivent inclure toutes les composantes de la société, dont les femmes, les enfants, les communautés religieuses et leurs dirigeants.  Cependant, cette inclusivité « vitale » doit être adaptée au pays concerné.  De plus, l’application du principe de responsabilité est un élément important de la réconciliation, car l’impunité ne doit plus être une option, a dit le Ministre.  C’est pour cette raison que le Royaume-Uni soutient la politique d’opposition de l’ONU aux amnisties pour les crimes les plus graves, y compris dans le contexte des négociations de paix.

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a estimé que pour réussir à long terme, il est indispensable d’axer les efforts de réconciliation sur la reconstruction de l’état de droit, la consolidation des institutions publiques et la confiance des personnes affectées par le conflit.  Il est tout aussi impératif de mettre fin au climat d’impunité pour instaurer la confiance, notamment par la poursuite et la condamnation des auteurs de violence et la réparation aux victimes car les séquelles des atrocités du passé mettent des années à cicatriser.  Pour « semer les graines de la réconciliation », a poursuivi le représentant, il faut exploiter le potentiel des institutions éducatives, qui jouent un rôle central pour la cohésion sociale, la promotion de la compréhension et la reconnaissance de la diversité.

S’agissant de l’ONU, M. Singer Weisinger a recommandé que les efforts de réconciliation soient davantage canalisés dans le travail pragmatique des agences, lesquelles sont dotées d’une vaste expérience et d’outils comme l’impartialité et la neutralité pour contribuer à la réconciliation.  Des femmes ont joué un rôle fondamental dans les processus de réconciliation en Colombie, au Guatemala, au Libéria, en Irlande du Nord ou aux Philippines, a-t-il souligné à titre d’exemples.  Insistant par ailleurs sur l’inclusion des jeunes, en particulier pour ce qui a trait à la sensibilisation et à la compréhension des dynamiques locales du conflit, il a aussi cité l’initiative « Dialogue pour l’avenir » en Bosnie-Herzégovine, qui a été conjointement mise en œuvre par les agences de l’ONU, la République de Serbie et le Monténégro, pour créer des espaces de dialogue constructif entre plusieurs communautés. 

M. MARTHINUS VAN SHALKWYK (Afrique du Sud) a mentionné le rôle de la Commission dialogue, vérité et réconciliation dans son pays après le démantèlement du système d’apartheid.  Établie afin de garantir une amnistie aux responsables de crimes publiquement reconnus et confessés, elle a permis aux victimes de confier ce qu’elles avaient vécu, de prendre des mesures de réparation en leur faveur, de restaurer leur dignité et leur humanité et de faire des recommandations en vue de prévenir de futurs nouveaux abus.

De nombreux Sud-Africains ont ainsi eu la possibilité de se présenter devant la Commission lors des audiences publiques, aussi bien les victimes que les auteurs de violations, a rappelé M. Van Shalkwyk.  La Commission a été chargée du processus de réconciliation et de « préparer l’avenir tout en réparant le passé », les questions devant être appréhendées avec le plus grand soin et de manière équilibrée pendant et après la période de transition vers une démocratie constitutionnelle.  Les compromis ont été parfois douloureux, cependant c’était là notre façon de nous réconcilier après des décennies d’oppression, a-t-il témoigné.  Il est important cependant de savoir qu’il n’y a pas de réponse unique, chaque processus devant tenir compte des conditions nationales.  L’Afrique du Sud a choisi la sienne et chaque pays doit trouver sa voie pour jeter des ponts entre le passé et un avenir prometteur: le débat entre la paix et la justice se poursuit à chaque étape et chaque État doit trouver son propre équilibre.

Le représentant a cité l’Archevêque Desmond Tutu pour qui la création de la Commission a été « pionnière » et a joué un rôle important pour la phase de transition entre oppression et démocratie.  Car, soit les dirigeants de l’ancien ordre sont jugés voire exécutés, soit on glisse les vieux problèmes sous le tapis et les ignore, l’Afrique du Sud a opté pour une troisième voie, a précisé M. Van Shalkwyk.  La paix durable ne dépend pas que de la signature d’un accord de paix, il faut aussi créer un environnement stable et un développement durable, favorable à la reconstruction et la réconciliation.  Le rôle de l’ONU dans la consolidation de la paix et de la sécurité doit être redéfini, a-t-il conclu.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a déclaré que la communauté internationale ne peut plus seulement se contenter de discuter de la réconciliation, mais doit prendre des mesures sur le terrain.  Pour cela, elle doit envisager des stratégies efficaces de réconciliation nationale, qui incluent des mécanismes de justice transitionnelle pour l’établissement des responsabilités, tout en prenant en compte la situation et les droits des victimes.  Pour cela, l’ONU dispose de plusieurs instruments pour promouvoir la réconciliation, a rappelé le représentant, en soulignant que parmi ces moyens, figurent les opérations de maintien de la paix et les Représentants spéciaux du Secrétaire général.  Il faut également analyser et faire appel au potentiel de la Commission de consolidation de la paix.  Outre ces outils, il faut promouvoir et utiliser les organisations régionales et garantir des financements suffisants.  Mais les processus de réconciliation doivent aussi tenir compte des spécificités des pays concernés, tout en étant inclusifs, a plaidé le délégué en conclusion.

Pour M. ZHANG JUN (Chine), il faut réfléchir à pérenniser et à renforcer la paix, la réconciliation étant une condition préalable, « sous peine de ranimer la flamme du conflit à tout moment ».  Ce qui impose que toutes les parties agissent à l’unisson avec l’aide de la communauté internationale, a-t-il insisté.  Cependant, le respect de la souveraineté nationale est une condition préalable à la réconciliation: chaque pays ayant sa spécificité, il ne peut y avoir de panacée universelle, donc la communauté internationale doit respecter avant toute chose la souveraineté et l’intégrité territoriale des États, et prendre en compte leurs particularités sans imposer de formules de l’extérieur.  De telles pratiques doivent être évitées et personne n’a le droit de juger ou de donner des leçons.

Le dialogue et la médiation sont le seul moyen de parvenir à la réconciliation: les parties doivent s’engager dans un climat de confiance et s’abstenir de recourir à la force.  Les services de bons offices et de médiation sont des outils importants, notamment ceux conduits par le Conseil de sécurité qui doit aussi laisser s’épanouir le rôle des organisations régionales.  Quant à la communauté internationale, elle doit rester impartiale et objective pour désamorcer les conflits.  Les agences de l’ONU doivent renforcer leurs synergies en faveur du développement durable, qui constitue une stratégie de réconciliation et une solution efficace aux conflits régionaux souvent imputables à la pauvreté et au sous-développement. 

M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a déclaré que compte tenu de son histoire, le thème de la réconciliation importe à son pays.  De ce fait, sa délégation pense que la réconciliation passe par la lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves.  C’est une des raisons pour lesquelles l’Allemagne soutient les deux mécanismes internationaux, impartiaux et indépendants établis pour faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne et au Myanmar.  S’agissant de la Syrie, l’Allemagne a estimé qu’il n’y aura pas de réconciliation sans justice.  Et pour cette raison, la justice allemande continuera de mener des enquêtes sur les graves crimes commis dans ce pays, a prévenu le représentant.

Il a également déclaré que la réconciliation pouvait aussi passer par des solutions locales, taillées au plus près des contextes spécifiques.  Ces solutions doivent cependant être inclusives et intégrer les femmes, les jeunes et les enfants.  Ces mécanismes doivent en outre viser une appropriation nationale afin de garantir les systèmes de justice transitionnelle.  Enfin, la réconciliation ne peut être promue sans les outils dont dispose l’ONU, dont la Commission de la consolidation de la paix, l’Allemagne étant son plus important bailleur de fonds, a précisé son représentant, avant d’engager les autres pays à lui emboiter le pas. 

« Il n’existe pas de feuille de route pratique pour la réconciliation », a déclaré M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique), ajoutant qu’il n’y a pas de raccourci ni de solution simple pour surmonter les divisions après un conflit.  La clef est dans la confiance et un environnement favorisant le respect mutuel et la résilience face à l’intolérance, défi extrêmement difficile, a-t-il admis, en rappelant qu’après les deux guerres mondiales, la Belgique avait entamé un processus de réconciliation, avec des répercussions jusqu’à nos jours. 

Chaque société devant trouver son propre chemin vers la réconciliation, le représentant a souligné qu’il s’agissait d’un processus « très long et pénible » mais que chaque pays devait prendre une série de mesures à court, moyen et long terme pour y parvenir, et s’efforcer de « trouver la bonne combinaison » pour prévenir de nouveaux conflits.  Il a préconisé une approche centrée sur les victimes, qui prenne en compte la dimension locale et humaine des conflits, et renvoyé aux initiatives de réconciliation locale dans le cadre de l’Accord de paix en Colombie, tels « Le cinéma pour la réconciliation » à Meta, ou le projet « Paddling for Peace » dans le département de Caqueta, qui rassemble victimes et ex-combattants.  La réconciliation passe également par un processus inclusif, prenant en considération les expériences particulières de chaque groupe de personnes lors de conflits et le rétablissement de la confiance des citoyens en leurs institutions. 

M. Pecsteen de Buytswerve a également souligné la prise en compte, par le Conseil de sécurité, de l’apport de la justice transitionnelle, notamment à travers la déclaration présidentielle du 6 juin 2004, ainsi que l’inclusion de mesures de justice transitionnelle dans les mandats de plusieurs opérations de la paix, en soutenant les capacités nationales.  Jugeant positif que les nouveaux standards intégrés en termes de désarmement, démobilisation et réinsertion prêtent dorénavant attention à cette forme de justice, il a proposé, en conclusion, une réflexion plus large afin de dégager quelques principes clefs pour guider le Conseil dans ses futures décisions. 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a estimé que la conclusion d’accords de paix et la reconstruction ne sont possibles que si les parties trouvent une solution mutuellement acceptable en s’inscrivant dans la durée: seul un dialogue national inclusif permet de surmonter les divergences internes et d’apporter une solution durable, a-t-il insisté.  Lors de la phase de consolidation de la paix, il importe que le gouvernement et la société se rendent bien compte de l’importance de l’appropriation nationale pour réussir la transition: cela signifie que l’État est le premier responsable de la sécurité de sa population et que tous les groupes doivent être conscients de leur apport au processus de paix.  Les agences des Nations Unies doivent de leur côté appuyer ces efforts internes, car l’ONU dispose des outils nécessaires, par l’entremise du Secrétaire général, de ses Envoyés spéciaux, des opérations de paix et des équipes de pays.

Cependant, les équipes de l’ONU doivent coopérer avec les gouvernements officiels et avec les autorités nationales et la communauté internationale pour avoir une approche dépolitisée et ne pas imposer des solutions venues de l’extérieur ou dictées par des intérêts propres qui mineraient une véritable réconciliation.  À cet égard, le représentant a jugé que la justice internationale et le fait d’établir les responsabilités n’allait pas toujours dans le sens de la réconciliation mais pouvait alimenter les divergences.  Ce qui ressort dans plusieurs États, avec des « règlements de comptes politiques » grâce aux organes internationaux de justice, a-t-il dénoncé.  Il faut chaque fois trouver le bon équilibre entre le rétablissement de la paix et la justice, même si c’est souvent difficile.  L’établissement des faits lors des processus judiciaires et les jugements peuvent apporter une contribution très précieuse aux processus de normalisation des relations, mais seulement si ces processus ne sont pas politisés, a-t-il insisté.  Or, les dispositifs de justice internationaux sont souvent fondés sur deux poids, deux mesures, comme pour l’ex-Yougoslavie: le Tribunal et le Mécanisme résiduel ne sont pas un franc succès dans les Balkans, avec la condamnation de détenus serbes alors que les fautes de certains Kosovars ont été passées sous silence, a dénoncé M. Polyanskiy.  Ceci ne fait qu’attiser les tensions et la méfiance dans la région.  Force est de constater que la CPI a pris une voie similaire, a-t-il regretté, notamment dans le dossier libyen.

Pour le représentant, les tribunaux internationaux ont une relation lointaine aux processus de réconciliation post-conflit: à l’inverse au Rwanda, un système de justice locale a vu le jour en raison de l’échec du tribunal international qui n’a examiné qu’une centaine d’affaires.  En fait, ces juges devraient rendre la justice mais aussi permettre la réconciliation des sociétés en associant les populations locales.  En conclusion, les organes de justice internationales dans le cadre des réconciliations nationales ne sont pas la seule solution et il convient d’en étudier la valeur ajoutée, a-t-il estimé.

M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) a cité l’expression contenue dans l’acte constitutif de l’UNESCO selon laquelle: « les guerres naissent dans l’esprit des hommes, et c’est dans l’esprit des hommes qu’il faut ériger les défenses de la paix ».  Il a rappelé que l’histoire récente de la Côte d’Ivoire a été marquée par des évènements certes douloureux, mais riches en enseignements.  Elle nous a appris notamment, a-t-il relevé, qu’un processus de réconciliation est une tâche ardue et de longue haleine, qui exige à la fois la volonté des parties aux conflits à aller à la paix et le soutien constant de la communauté internationale.  Ainsi, à l’échelle nationale, la réconciliation doit être « l’épine dorsale » de toute stratégie de sortie de crise et de consolidation de la paix.  De plus, elle doit s’inscrire dans une démarche holistique qui tient compte des causes profondes du conflit et associe les acteurs politiques et sociaux sans exclusion.  M. Adom a affirmé que le processus de réconciliation, « véritable catharsis nationale » doit permettre aux victimes et aux bourreaux de se pardonner mutuellement et de transformer leurs divergences et leurs traumatismes en un nouveau contrat social. 

C’est à la lumière de ces exigences que le Gouvernement ivoirien a mis en place, dès la fin de la crise post-électorale en 2011, la Commission dialogue, vérité et réconciliation, chargée de restaurer le dialogue entre toutes les composantes sociopolitiques du pays.  La Commission nationale pour la réconciliation et l’indemnisation des victimes a pris son relai en mai 2015.  Le représentant a souligné que la réconciliation doit impliquer davantage les femmes et les jeunes, premières victimes des violences en période de conflit, mais également potentiels artisans de la paix et de la stabilité.  Il a aussi mis l’accent sur la justice transitionnelle et la mise en œuvre du principe de responsabilité, notamment dans les cas d’atteintes graves aux droits de l’homme.  M. Adom a estimé que l’appui au développement de la communauté internationale et des partenaires s’avère indispensable pour le renforcement des institutions de justice transitionnelle, l’indemnisation, la prise en charge psychologique, ainsi que la réinsertion sociale des victimes de guerre.  Il a ajouté que des mécanismes de régulation socioculturelle tels que les alliances et les pactes de paix pourraient grandement contribuer au succès des processus de réconciliation nationale.  C’est ce qui a présidé à la création de la Chambre nationale des rois et chefs traditionnels, en vue de renforcer davantage les acquis du processus de réconciliation en Côte d’Ivoire.

M. LUIS UGARELLI (Pérou) a déclaré que, compte tenu de la nature complexe et multidimensionnelle du concept de réconciliation, les dirigeants religieux, politiques, syndicalistes, sociaux, culturels et médiatiques, notamment, sont appelés à jouer un rôle central pour instaurer un climat propice au lancement de politiques de réconciliation et ajuster leur mise en œuvre.  Dans ce cadre, l’établissement de commissions de paix, vérité et réconciliation ont montré à quel point il importe de connaître les faits afin d’être mieux à même de les comprendre et de les interpréter, de faciliter leur acceptation et le pardon.  Il a insisté sur les gestes symboliques lors de la mise en place de politiques intégrales tendant à apaiser le souvenir des événements, y compris des mesures visant à retrouver les personnes disparues lors du conflit, conformément à la résolution 2474 du Conseil. 

De la même façon, les processus de désarmement, démobilisation et réintégration des ex-combattants représentent une composante importante du processus de réconciliation et permettent aussi de supprimer une menace potentielle à la paix.  En cas d’atrocités, de génocide et de crimes contre l’humanité, il faut lutter contre l’impunité et envisager plusieurs formes de reconnaissance et d’indemnisation des victimes, a-t-il proposé, invitant également la communauté internationale à assumer sa responsabilité par la création de tribunaux ad hoc et le renvoi à la Cour pénale internationale pour les atteintes les plus graves aux droits de l’homme et au droit international humanitaire.  À cet égard, il a appuyé le Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d’aider à juger les auteurs, ainsi que l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies pour promouvoir la responsabilité pour les crimes perpétrés dans l’État islamique d’Irak et du Levant (Daech).  Enfin, le représentant a souligné l’importance de la diplomatie préventive s’agissant des causes profondes des conflits, grâce à une action plus soutenue des organisations régionales et sous-régionales et des États voisins pour rapprocher les parties avant la violence. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a soutenu la dynamique de la diplomatie de la paix, impulsée par le Secrétaire général, en expliquant que « l’ONU doit davantage investir en amont des conflits, pour les prévenir, et en aval, pour construire des paix durables ».  C’est la raison pour laquelle la France salue les efforts visant à renforcer les capacités de médiation, d’alerte précoce et de soutien à la réconciliation, notamment grâce à la montée en puissance du fonds de consolidation de la paix.  Soulignant que la justice et la lutte contre l’impunité sont indispensables pour permettre une réconciliation juste et durable, le représentant a rappelé que la France est profondément convaincue que la Cour pénale internationale (CPI) joue, et doit jouer, un rôle central et essentiel au niveau international dans cette lutte.  Il a également salué les efforts de l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes (UNITAD) et a confié que la France continuera aussi d’apporter son soutien politique et financier au mécanisme d’enquête international impartial et indépendant en Syrie.

Pour prévenir de nouvelles atrocités, les processus de réconciliation doivent accorder une place particulière à la mémoire et aux victimes, a poursuivi M. de Rivière en saluant dans ce contexte l’action des mécanismes de justice transitionnelle, tels que la Commission dialogue, vérité et réconciliation en Afrique du Sud, et celle des tribunaux pénaux internationaux.  L’enseignement des plus jeunes doit, selon lui, prendre le relais pour éviter toute résurgence des divisions qui alimentent les violences.  Soulignant qu’il s’agit là de la responsabilité des gouvernements et des acteurs locaux, le représentant s’est dit « préoccupé de voir que le déni du génocide des Tutsis au Rwanda et la glorification des criminels de guerre de l’ex-Yougoslavie subsistent dans certains discours ».  Il a également insisté sur la protection des droits des rescapés, et notamment la mise en place de mécanismes d’indemnisation. 

Les processus de réconciliation doivent être « les plus inclusifs possibles » et associer tous les segments de la société, a plaidé M. de Rivière.  À cet égard, il a insisté sur le rôle des femmes, plus particulièrement dans les processus de paix.  La France salue les efforts, en ce sens, du Fonds pour la consolidation de la paix, dont un tiers des projets financés sont sensibles au genre.  Le représentant a mis en exergue le fait que les processus de réconciliation se jouent aussi au niveau local, en citant le travail « exemplaire » mené par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) pour favoriser la signature d’accords de paix et de réconciliation locaux, qui ont ouvert la voie à la signature, le 6 février dernier, d’un accord de paix global.

M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a rappelé l’expérience de première main de son pays s’agissant de la promotion de la réconciliation dans le règlement des conflits communautaires à Ambon, Poso et Aceh au début des années 2000.  À cette aune, il a indiqué que l’appropriation nationale et l’inclusivité sont des éléments clefs de la réconciliation, les femmes jouant un rôle majeur.  Un autre élément essentiel pour la réconciliation est la création d’un environnement propice, a-t-il dit, en plaidant notamment pour le règlement des causes profondes des conflits.  Le développement économique doit être encouragé dans le même temps afin que la population puisse toucher directement les dividendes de la paix, a-t-il dit.  Enfin, le délégué a déclaré que la communauté internationale doit apporter le soutien nécessaire à la réconciliation, en particulier un soutien technique et financier. 

Pour M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale), encourager la réconciliation sociale est une façon stratégique de prévenir et résoudre les conflits, en s’appuyant sur le développement de commissions de paix, de la promotion du dialogue et celle de la réconciliation chez les jeunes et les femmes.  C’est en suivant cette logique que le Gouvernement de la Guinée équatoriale organise régulièrement des dialogues nationaux entre tous les partis politiques reconnus, afin d’ouvrir un large espace d’échanges sur divers aspects de la vie politique, économique et socioculturelle du pays.  Ces dialogues sont la base du climat d’harmonie et de concorde nationale qui règne en Guinée équatoriale, a assuré la délégation.  Pour prévenir les éruptions de violence et encourager la tolérance, les commissions de paix s’emploient, par exemple, à dissiper les rumeurs et à plaider pour des solutions non violentes aux conflits.  La résolution 2419 (2018) rappelle que l’inclusivité des jeunes est essentielle pour avancer dans les processus et objectifs de consolidation de la paix, a relevé la délégation, insistant en conclusion sur leur nécessaire participation dans tous les aspects de la consolidation de la paix. 

Mme CHERITH NORMAN-CHALET (États-Unis) a déclaré que le Conseil de sécurité a de nombreuses opportunités d’agir pour promouvoir la réconciliation, à commencer par la Syrie.  À cet égard, les États-Unis sont fermement convaincus que le Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations du droit international commises dans ce pays a un rôle essentiel à jouer dans la collecte d’informations sur les crimes graves.  Saluant les progrès réalisés par ledit mécanisme, la représentante a annoncé que son pays allait lui fournir 2 millions de dollars supplémentaires cette année via le budget ordinaire de l’ONU.

Les États-Unis estiment également que le Conseil peut agir en ce qui concerne la situation au Myanmar.  Selon Mme Norman-Chalet, il sera essentiel de lutter contre les abus commis par les forces de sécurité envers des groupes de minorités ethniques afin de parvenir à une réconciliation significative.  À cette fin, la délégation accueille avec satisfaction la Mission internationale indépendante d’établissement des faits au Myanmar qui documente les violations des droits de l’homme commises dans ce pays depuis 2011, notamment contre les Rohingya dans l’État rakhine et contre d’autres communautés vulnérables à Kachin, dans le Shan, et ailleurs dans le pays.  Les États-Unis appuient en outre le Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar. 

S’agissant de l’Iraq, Mme Norman-Chalet a considéré qu’il ne faut pas hésiter à demander des comptes à l’État islamique pour les atrocités commises à l’encontre de tous les Iraquiens.  Car, pour entamer un processus de guérison et de réconciliation, il faut élaborer un compte rendu équilibré et véridique des événements, a-t-elle soutenu, ajoutant que les États-Unis appuient fermement le mandat de l’Équipe d’enquête des Nations Unies chargée de promouvoir la responsabilité pour les crimes commis par Daech/État islamique d’Iraq et du Levant (UNITAD).  Enfin, au Soudan du Sud, si les efforts engagés par divers acteurs peuvent contribuer à une certaine réconciliation, ils ne sont pas suffisants sans une entreprise plus vaste, dirigée par le Gouvernement, visant à panser les blessures causées par la guerre de 5 ans. 

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a dit qu’en absence d’une définition unanime du terme « réconciliation » et du fait qu’il n’existe pas de modèle universel, il devrait néanmoins être possible de s’accorder sur le fait que la réconciliation doit être « centrée sur les survivants » et que son processus et ses priorités doivent être établis par les communautés affectées.  La réconciliation nationale et la consolidation de la paix ne peuvent avancer si certains groupes vulnérables ou des minorités sont discriminés ou marginalisés, a fait valoir la représentante. 

Si les religions et les croyances sont souvent considérées comme des facteurs de conflit, on pourrait également les appréhender comme faisant partie de la solution.  Mme Wronecka a ainsi pris l’exemple de son pays où l’Église a joué un rôle positif en créant un dialogue social, ce qui a contribué, il y a une trentaine d’années, à des changements pacifiques et démocratiques en Pologne.  Selon elle, le dialogue interreligieux et interculturel est crucial pour bâtir une paix durable. 

Le représentant de l’Allemagne a répondu à la Fédération de Russie qui a attaqué la justice pénale internationale qui est pour l’Allemagne essentielle, a-t-il indiqué avant de poser trois questions: pensez-vous que les procès de Nuremberg, référence en matière de justice internationale, n’auraient pas dû avoir lieu? S’agissant du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, pensez-vous qu’il n’est pas bon que MM. Mladic et Karadzic aient été tous deux accusés?  Enfin pour ce qui est d’une politique de « deux poids, deux mesures », la Russie peut-elle reconnaître qu’une cour spéciale internationale a vu le jour à la Haye pour juger des combattants accusés de crimes contre l’humanité?

Le représentant de la Fédération de Russie a refusé de répondre en arguant que ces questions étaient adressées à M. Dimitri Polanski qui s’était absenté et qu’il ne voulait pas transformer cette thématique de la réconciliation en une « séance d’introspection du passé ».  Mais il a assuré qu’une réponse serait apportée sur le plan bilatéral ultérieurement.

M. PÉTER SZIJJÁRTÓ (Hongrie) a constaté qu’il y avait « beaucoup d’hypocrisie » dans les débats internationaux.  Selon lui, « il faut arrêter de s’attaquer, de s’ostraciser et de s’accuser les uns les autres ».  Ce n’est que comme cela que l’on peut parvenir à la réconciliation.  Or, celle-ci est mise en péril avec les tentatives de remettre en cause des droits universels, comme celui de chaque peuple de choisir son mode de vie et son modèle social.  Aujourd’hui, ceux qui veulent conserver leur identité culturelle et religieuse sont considérés comme « rétrogrades », a-t-il déploré, en regrettant que l’on protège davantage les droits de minorités violentes qui menacent le « vivre ensemble ».  Il faut au contraire aider les gens à vivre en paix et en sécurité chez eux et renvoyer les personnes violentes chez elles, a-t-il dit. 

S’exprimant au nom des pays nordiques, Mme MONA JUUL (Norvège) a estimé que toute transition vers une paix durable impose de reconstruire les relations et d’inscrire les droits des victimes au cœur des processus.  Dans les sociétés déchirées par les conflits, la participation des responsables civiques, religieux et sociaux est indispensable pour créer une dynamique de réconciliation et instaurer le dialogue.  L’exemple flagrant et inspirant est celui de l’Afrique du Sud avec la Commission dialogue, vérité et réconciliation, a-t-elle estimé.  Les dialogues religieux et interreligieux ont également prouvé leur utilité pour encourager la cohésion sociale et la paix durable, mais surtout, tout processus de réconciliation doit associer les communautés affectées et leurs membres, a souligné la déléguée.

L’ONU a de puissants outils à sa disposition pour prêter assistance aux parties, a-t-elle poursuivi: le Conseil de sécurité se doit de rester suffisamment impliqué et d’utiliser tous les outils en sa possession pour promouvoir la réconciliation, y compris dans les phases les plus sensibles; il doit continuer de développer ses partenariats avec les organisations régionales dont l’Union africaine; la Commission de consolidation de la paix doit être mieux utilisée car elle a un rôle important à jouer; et l’ONU doit davantage traiter des causes profondes des conflits et promouvoir le développement socioéconomique.  De plus, le renforcement de la diplomatie de la paix préconisée par le Secrétaire général doit être soutenu ainsi que les réformes engagées, et le système des Nations Unies doit adopter une approche plus globale liant sécurité, développement humain et droits de la personne.  Enfin, dans le cadre de tous ces efforts, l’autonomisation des femmes est essentielle car exclure la moitié de la population des processus de paix ne marche tout simplement pas, a-t-elle relevé.  Mais l’Organisation devra pour ce faire disposer des ressources nécessaires, a-t-elle martelé.

M. JÜRG LAUBER (Suisse) a rappelé que depuis plus de 15 ans et dans de nombreux pays partenaires, la Suisse soutient et accompagne la justice transitionnelle et les efforts déployés dans la manière de traiter le passé.  Selon la Suisse, il faut adopter une approche centrée sur le processus afin de contribuer à la transformation des relations, ce qui est un facteur central de la réconciliation.  De même, le traitement du passé doit se faire de manière holistique et séquentielle.  Ainsi, une coordination continue et concertée des efforts au sein de l’ONU, y compris du Conseil de sécurité, avec les autorités nationales et les autres acteurs concernés est nécessaire.  Ensuite, le représentant a souligné que les efforts réalisés au niveau local ont de bonnes chances de rencontrer le succès.  L’ONU, y compris le Conseil de sécurité, doit donc être un catalyseur de ces dynamiques positives et contribuer à les valoriser.  En outre, pour la Suisse, l’inclusion est essentielle, et en plus des élites politiques, les représentants de groupes politiques et sociaux, dont les minorités, doivent participer au processus.  M. Lauber a appelé le Conseil de sécurité à reconnaître le rôle irremplaçable que la société civile joue dans la réconciliation et la consolidation de la paix.  Le Conseil doit également adopter une position claire sur la nécessité de protéger les défenseurs des droits de l’homme dans les points pertinents de son ordre du jour, a-t-il plaidé.

Pour Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis), les processus de réconciliation et de médiation permettent de mettre en place un règlement des conflits conforme aux souhaits des peuples de la région du Moyen-Orient qui rejettent le sectarisme.  Les Émirats arabes unis, a-t-elle dit, ont toujours promu le dialogue pour épargner des conflits à la région; la tolérance n’est pas un slogan mais la clef de voûte de leur diplomatie.  Le pays a lancé ces dernières années plusieurs initiatives dont la reconstruction de Mossoul.  La représentante a exhorté la communauté internationale à veiller à l’inclusion des femmes et des jeunes dans les processus de réconciliation et à associer les pays de la région.  À titre d’exemple, elle a salué le rôle de l’Arabie saoudite pour « resserrer les rangs au Yémen » et l’Accord de Riyad.  De même, les efforts de médiation au Soudan ont montré l’importance des acteurs régionaux et elle a appelé le Conseil à renforcer encore ses liens avec les organismes régionaux.  Les parties aux conflits doivent pour leur part s’engager en tout bonne foi dans les processus de réconciliation, sans chercher à les manipuler à des fins politiques, a-t-elle conclu.

M. KIMIHIRO ISHIKANE (Japon) a souligné trois questions clefs nécessaires pour soutenir un processus de réconciliation durable.  Ce processus doit être inclusif et ouvert aux femmes, aux jeunes, aux dirigeants communautaires et religieux et au secteur privé.  Il doit permettre le développement socioéconomique et garantir aux victimes des inégalités, en particulier les jeunes, des opportunités professionnelles.  Troisièmement, le processus doit disposer de cadres durables pour créer des institutions fortes avec une large appropriation nationale.  Ces trois éléments ne sont pas indépendants, mais plutôt des parties d’un tout, a insisté le représentant, pour qui la question est de savoir comment la communauté internationale peut accélérer leur mise en œuvre en appui de la réconciliation.  L’un des moyens les plus efficaces est de veiller à ce que nos efforts reflètent les voix de la population sur le terrain, a estimé M. Ishikane.  « Nous devons garantir une approche axée sur les personnes mettant l’accent sur la valeur de la sécurité humaine », a estimé le représentant.

M. OMAR CASTAÑEDA SOLARES (Guatemala) a rappelé que son pays avait été affecté par un conflit interne qui s’est terminé avec la signature des accords de paix en 1996 sous l’égide de la communauté internationale.  Fort de cette expérience, le représentant a affirmé que les efforts internationaux doivent être orientés vers les contextes sociopolitiques et historiques, en insistant sur l’appropriation nationale et sur le rôle incontournable du leadership local.  À cet égard, il a mis en exergue le rôle des autorités élues, des chefs de file communautaires et religieux. 

M. Castañeda Solares a souligné par ailleurs que le Conseil avait à sa disposition des outils de renforcement des processus de réconciliation, en l’occurrence le respect des droits de l’homme et la réalisation du développement durable.  Si les processus de réconciliation et de réparation exigent du temps, a-t-il dit, il faut néanmoins les revitaliser en accordant une attention particulière aux besoins de la population, car le manque d’opportunités et l’exclusion sociale risquent de dégénérer en conflit.  Il a enfin insisté sur la résolution 1325 (2000) et l’importance des femmes en tant qu’acteurs indispensables dans la résolution des conflits, agents du changement en phase avec la réalité de leur environnement. 

Des processus de réconciliation efficaces facilitent le règlement de problèmes nationaux, y compris les questions du souvenir et de la commémoration, a estimé Mme SUSAN WANGECI MWANGI (Kenya).  Les Commissions vérité et réconciliation qui fleurissent un peu partout jouent un rôle essentiel, en impliquant les groupes ethniques et religieux et permettant d’inclure toutes les populations.  L’identification et l’intégration d’acteurs clefs, communautaires et religieux, permet d’articuler les contributions en faveur de la paix.  Les écoles et universités sont aussi des partenaires indispensables.  En 2017, après les élections au Kenya, le Président et l’opposition ont accepté de lancer un processus inclusif qui a transformé la situation dans le pays et l’a mis sur la voie de la réconciliation afin de créer « un Kenya pour tous ».  Les femmes ont été au cœur des efforts de paix et de réconciliation et ont participé aux règlements de conflits communautaires dans plusieurs comtés, a témoigné la représentante.  La communauté internationale doit dans ces cas-là jouer un rôle d’appui, a-t-elle plaidé en réclamant un soutien technique et financier.

M. MAURO VIEIRA (Brésil) a déclaré que la réconciliation a un rôle important à jouer pour pérenniser la paix.  L’expérience du Brésil, qui a appuyé divers processus de paix à travers le monde, c’est qu’il n’y a pas de panacée ou de modèle unique.  Chaque processus doit être adapté au contexte local et tenir compte des priorités nationales, a affirmé le représentant, insistant sur le rôle du développement en la matière.  Le représentant a également insisté sur le rôle de la Commission de la consolidation de la paix.  Selon le représentant, la valeur ajoutée de la CCP repose sur sa composition géographique qui lui permet de s’adapter aux exigences de paix à large échelle.  Sur cette base, la délégation a appelé le Conseil de sécurité à rechercher l’avis de ladite commission, en particulier dans le domaine des missions politiques spéciales. 

Pour Mme MARIA ANGELA ZAPPIA (Italie), tout processus de transition et de paix est spécifique, mais on peut en tirer quelques enseignements: d’abord c’est toujours un processus de longue haleine dont il faut garantir l’appropriation nationale à tous les niveaux – communautaire, religieux, civil.  En outre, la participation des femmes est essentielle pour garantir l’inclusion mais trop peu d’entre elles y participent à l’heure actuelle.  L’Italie a d’ailleurs lancé le réseau des médiatrices de la Méditerranée et en septembre dernier, ici même à New York, le réseau international des médiatrices.  Les dirigeants religieux et de la société civile sont également des partenaires avérés comme la communauté de Sant’ Egidio l’a prouvé en République centrafricaine ou encore le rôle clef de la conférence épiscopale en RDC lors de la dernière crise.  Alors qu’on élabore les mandats des missions de paix, des objectifs concrets et précis devraient être toujours ajoutés concernant les processus de paix et la communauté internationale doit être chargée d’y veiller.  Enfin, les pays fournisseurs de contingents doivent utiliser leurs capacités de dialogue pour faciliter les médiations et rapprocher les parties.

M. NUNO VAULTIER MATHIAS (Portugal) a déclaré que l’expérience de son pays en matière de réconciliation en Angola et au Timor Leste lui a permis de tirer des leçons.  Parmi celles-ci, il y a le fait que la réconciliation permet de reconstruire des sociétés.  D’après le représentant, la réconciliation ne doit pas être recherchée après la conclusion d’un accord de paix, mais au contraire être intégrée en amont de tous les efforts de paix.  De plus, la réconciliation doit inclure un processus d’appropriation nationale, avec la pleine participation de l’ensemble de la société.  Par ailleurs, rendre justice aux individus et communautés affectées par le conflit peut jouer un rôle central dans la lutte contre la résurgence de la haine et de la violence.  Et dans ce cadre, les mécanismes telles que les commissions vérité et réconciliation, les missions indépendantes d’établissement des faits ou les mécanismes d’arbitrage ont fait preuve de leur efficacité, a-t-il conclu. 

M. NEVILLE MELVIN GERTZE (Namibie) a déclaré que si l’on regarde la liste interminable de conflits non résolus et le temps que ce Conseil consacre chaque année à débattre de la résolution des conflits, « veuillez me pardonner de conclure que la paix doit être ennuyeuse ».  Si nous voulons garantir que les conflits ne ressurgissent pas, une certaine forme de réconciliation entre les parties doit avoir lieu, a estimé le représentant.  La réconciliation fait partie intégrante de tout processus de consolidation de la paix.  Elle nécessite de remédier aux injustices structurelles dans les domaines politique, social, judiciaire et économique et peut prendre différentes formes, notamment les commissions vérité et réconciliation et les systèmes judiciaires.  L’ONU a longtemps joué un rôle de premier plan dans la promotion et la garantie de la réconciliation, a indiqué M. Gertze qui a aussi rappelé l’expérience de son pays en matière de réconciliation et d’édification de la nation depuis l’indépendance et la fin de l’apartheid.  Il a parlé de la genèse de la Commission de la consolidation de la paix dont l’objectif est de proposer des stratégies intégrées de maintien de la paix et de relèvement après le conflit, de réunir ensemble tous les acteurs et mobiliser les ressources.  Avant de terminer, le représentant a précisé que, si l’on insiste trop sur la nécessité de promouvoir le dialogue au sein des parties, l’impact des parties extérieures sur ce processus ne doit pas être ignoré.  Il existe de réels dangers que des intérêts acquis de parties externes compromettent parfois les processus de réconciliation, a relevé la délégation en conclusion.

Pour M. MUNIR AKRAM (Pakistan), l’existence même des Nations Unies est un symbole de réconciliation, puisqu’elles sont nées de la discorde, ce qui prouve que les États peuvent surmonter leurs divergences.  Les Casques bleus pakistanais ont contribué à faire cesser plusieurs conflits en Afrique notamment et ces efforts doivent se poursuivre, sans pratiquer d’approches à l’emporte-pièce.  Les processus de réconciliation dirigés par les pays eux-mêmes et qui prennent compte une justice transitionnelle axée sur les victimes sont le meilleur moyen d’aller vers une paix pérenne.  L’inclusivité s’impose dans les processus de réconciliation et toutes les populations doivent être associées, a-t-il insisté.  Le développement est un élément essentiel à la reconstruction des communautés déchirées et les raisons des conflits doivent être répertoriées.  Le Pakistan ayant appuyé un processus de paix en Afghanistan, le représentant a souhaité que celui-ci aboutisse après la libération d’otages effectuée hier et appelé la  communauté internationale à aider de son côté les réfugiés afghans à rentrer chez eux.

La réconciliation demeure un dispositif utile partout où les conflits font rage, cependant l’objectif principal des Nations Unies est de prévenir ces conflits.  Hélas, a-t-il poursuivi, le Conseil de sécurité a un bilan mitigé sur ce point quand il s’agit de faire face aux menaces: il est mutique sur certains dossiers, a-t-il insisté, se disant en particulier très préoccupé face à son absence de réaction lors des violations des résolutions sur le Cachemire par l’Inde, alors qu’il peut par ailleurs imposer parfois rapidement des sanctions.  Mais pour cela il faut un engagement politique de la part de la communauté internationale.  Le fait que moins de 0,25% des dépenses militaires sont investies dans la paix, montre le long chemin qui reste à parcourir.

M. BONIFACE RUTIKANGA (Rwanda) a rappelé que le moteur de la réconciliation au Rwanda avait été la volonté politique des dirigeants d’œuvrer en faveur de l’unité nationale et que cette volonté politique est indispensable pour que les efforts de paix aboutissent.  Après le génocide de 1994, le Gouvernement rwandais a créé la Commission nationale d’unité et de réconciliation qui a joué un rôle clef pour lutter contre la division de la société et ses clivages.  Le modèle de réconciliation permet à la société de dépasser un passé de divisions et de se tourner vers un avenir partagé, a-t-il expliqué. 

La note de cadrage indique à raison que la réconciliation est dépendante de la justice transitionnelle, a poursuivi M. Rutikanga.  Cette justice et la réparation qui l’accompagne passent au Rwanda par un système de cours appelé « gacaca ».  Après le génocide, il était urgent d’aider la population à rebâtir, et les femmes à différents postes de responsabilité ont joué un rôle essentiel en ce sens.  Elles ont lancé des dialogues communautaires qui ont aidé à apaiser les relations entre les groupes, par exemple entre les prisonniers et les victimes.  S’agissant de la réinstallation et de la réintégration des réfugiés, le Gouvernement a compris qu’il fallait une solution définitive pour envisager la réconciliation et reconnaître que le retour est un droit absolu et un facteur d’unité nationale, a dit le représentant.  De même, la démobilisation et la réintégration des combattants sont la clef de la réconciliation, car le processus a été basé sur la confiance et l’acceptation par la communauté de ces anciens soldats.  Enfin, le représentant a souligné l’importance de l’appropriation des processus de réconciliation, chaque société ayant ses propres mécanismes, et appelé la communauté internationale à les soutenir.

L’Australie est sur le chemin de la réconciliation entre les Australiens autochtones et non autochtones, a indiqué M. MITCHELL FIFIELD (Australie).  Ainsi le cadre de travail intitulé « Close the gap » comprend une série de mesures pour offrir des opportunités économiques aux citoyens autochtones à travers une politique d’achat –« Indigenous Procurement Policy »- qui accroît la demande de biens et de services autochtones, stimule le développement économique de cette partie de la population et élargit son secteur commercial.  De son côté, le secteur privé joue un rôle important dans la réconciliation avec le programme intitulé « Raising the Bar » créé par les entreprises dans le but de dépenser plus de 3 milliards de dollars pour acheter des services auprès de fournisseurs autochtones au cours des cinq années à venir.  Au niveau international, M. Fifield a mis en exergue l’appui de son pays à la consolidation de la paix à Bougainville dans le cadre du partenariat bilatéral avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée.  

M. GERT AUVÄÄRT (Estonie) a axé son intervention sur le rôle de la justice et des juridictions internationales en tant qu’instruments de réconciliation des communautés amenées à réapprendre à coexister au sein d’une même société.  Même lorsque le conflit prend fin, les souffrances, la douleur et l’humiliation restent vivaces dans le cœur et l’esprit des personnes affectées, d’où le risque d’une résurgence du conflit, a-t-il remarqué.  Pour garantir la justice, a-t-il rappelé, le Conseil a établi, ou aidé à mettre en place, des cours et tribunaux internationaux pour juger notamment les auteurs des crimes les plus graves commis au cours de conflits.  Pour l’Estonie, ces institutions judiciaires peuvent constituer un moyen précieux d’établissement de la vérité, d’écoute des victimes et de reddition de la justice.

Le représentant a tenu à rappeler qu’il est de la responsabilité première des États de prévenir les crimes internationaux et d’y répondre.  Il a aussi souligné que les mécanismes internationaux complètent, mais ne remplacent pas, les tribunaux nationaux.  Il a conclu qu’il est du devoir du Conseil de sécurité de garantir la justice et de promouvoir le droit international en réagissant résolument aux graves violations de ce droit.  

M. ENRIQUE JAVIER OCHOA MARTÍNEZ (Mexique) a indiqué que la réconciliation est une phase « complexe de deuil » dont l’objectif avoué est de faire en sorte que les blessures des sociétés puissent cicatriser et céder le pas à une nouvelle étape d’un projet commun et collectif orienté vers l’avenir.  Ce processus exige dialogue et vérité historique, avec une place fondamentale donnée à la justice transitionnelle.  Il a renvoyé, à cet égard, à la Déclaration présidentielle de 2010 sur l’état de droit.

Le représentant a aussi réitéré les dispositions de la déclaration de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur l’état de droit sur le plan national et international (2012), en particulier celles traitant de mesures judiciaires et non judiciaires tendant à garantir la reddition de la justice, apporter aux victimes des moyens de recours, promouvoir la réconciliation et établir des entités indépendantes de supervision des systèmes de sécurité, ou encore rétablir la confiance institutionnelle.  Il a affirmé qu’il ne peut y avoir de réconciliation sans développement, ni développement sans réconciliation nationale, avant de réitérer la corrélation entre les objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et la paix.  

Selon M. MOHAMED FATHI AHMED EDREES (Égypte), la réconciliation nationale constitue la condition de l’avènement d’une paix pérenne, comme l’ont souligné en 2016 deux résolutions jumelles au Conseil de sécurité et à l’Assemblée générale.  Cette réconciliation à son sens implique un investissement du Gouvernement et des acteurs locaux dans un dialogue nécessaire pour éviter une récurrence des conflits.  Le délégué a souligné l’importance d’un système judiciaire efficace, du désarmement et de la réinsertion.  Il a par ailleurs loué le rôle moteur de l’ONU et de la Commission de consolidation de la paix, plaidant pour une meilleure coordination avec les organisations régionales pour éviter un isolement des États concernés.  Le délégué égyptien a insisté sur la volonté politique nécessaire à la réconciliation et sur le respect crucial du concept d’appropriation nationale du processus.  Rappelant le rôle de l’Égypte à la présidence de l’Union africaine, il a redit la nécessité de trouver « des solutions africaines aux problèmes africains », illustrée par le Forum d’Assouan réunissant les partenaires africains dans le domaine de la sécurité et du développement, et la contribution égyptienne aux troupes de maintien de la paix.

Pour M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein), il y a une prise de conscience du fait que le Conseil de sécurité ne peut plus se limiter à mettre fin aux conflits, mais qu’il doit aussi « casser le cycle des conflits ».  C’est ce qui explique en partie la création de la Commission de consolidation de la paix en 2005, a-t-il poursuivi en estimant que la paix durable ne peut se faire que quand les opposants acceptent de tenir compte du passé tout en s’engageant pour un avenir commun meilleur.  Le représentant a rejeté toute « impunité de facto ou de jure » pour les crimes les plus graves.  M. Wenaweser a préconisé d’adopter une approche au cas par cas de la responsabilité de rendre des comptes.

Par ailleurs, pour que la réconciliation soit durable, elle doit inclure tout le monde, a-t-il insisté, en particulier les femmes et les jeunes qui doivent participer à ces processus, ainsi que les groupes minoritaires, la société civile, les leaders religieux et les représentants autochtones.  Il faut aussi que la réconciliation remédie aux causes profondes des divisions.  C’est dans cet esprit que le Liechtenstein travaille actuellement sur un manuel pour les médiateurs, les communautés touchées et les États dont le but est de regrouper les meilleures pratiques permettant de prévenir et de régler les conflits intraétatiques.  Cela se fonde sur cinq grands principes, a expliqué M. Wenaweser, à savoir l’autogouvernance, la protection des droits des minorités, des processus de réconciliation inclusifs, la prise en compte du contexte historique ainsi que du rôle d’État tiers touchés par ces conflits. 

M. NAGARAJ NAIDU KAKANUR (Inde) a rappelé que la réconciliation est un processus long et tortueux.  L’imposition d’échéances ou de lignes de conduites artificielles ne peuvent que déboucher sur des échecs, a-t-il dit.   Il a souligné la nécessité d’une appropriation nationale d’un tel processus, mais aussi d’un appui pour le renforcement des institutions étatiques après un conflit.  Le délégué a appelé au renforcement du système judiciaire international et de l’état de droit, tout en mettant en garde contre toute sélectivité dans l’application de la règle de droit à l’échelle internationale.  Dans un tel contexte, l’ONU doit jouer un rôle d’appui et de facilitation, sans imposer d’obligations, a-t-il dit. « Si la consolidation de la paix devait aller au-delà d’un exercice d’ingénierie sociale, nous devrions alors reconnaître que les ressources dédiées à une telle consolidation existent au sein même des sociétés en proie à un conflit. »

Mme AMAL MUDALLALI (Liban) a rappelé que le Conseil de sécurité est autorisé à appeler les parties à résoudre leurs différends par la négociation, la médiation et la conciliation, et estimé que ces trois outils étaient essentiels à la préservation de la paix et de la sécurité internationales.  Mais la réconciliation ne peut survenir sur du vide, c’est un processus indispensable pour tourner la page des conflits et ouvrir la porte à l’apaisement et au pardon.  Le Conseil a plus de douze conflits à son ordre du jour.   Certains ont résisté à toute tentative de solution et il semble impossible que les parties adverses puissent un jour coexister, a analysé la représentante.  Mais elles le pourront cependant grâce au pouvoir de la réconciliation, a-t-elle assuré, à condition de respecter certaines valeurs et principes universels.  L’établissement des responsabilités est l’un d’entre eux pour avancer vers la paix car sans justice, il ne peut y avoir de paix.  La vérité est également très importante pour la réconciliation car elle libère les victimes et les empêche de perpétrer de nouvelles violences.

Mais, a-t-elle poursuivi, le Conseil doit commencer par mettre fin aux conflits alors que nombre d’entre eux sont « gérés » et non pas réglés. Il doit s’attaquer aux raisons des hostilités plutôt que se demander comment y mettre fin, s’intéresser aux causes profondes étant indispensable pour progresser vers la paix, mettre fin à l’occupation, l’oppression et garantir un règlement équitable et durable. Imposer un règlement peut fonctionner un certain temps mais risque aussi de semer les graines de futurs conflits.   La réconciliation ne peut survenir si la rancœur persiste et si l’injustice demeure, a encore plaidé la représentante, pour qui l’assistance étrangère doit respecter les sensibilités locales et culturelles.

Selon M. OMAR KADIRI (Maroc), sans un processus de réconciliation réussi, les risques de retomber dans une situation de conflit augmentent de manière significative, au détriment des populations, particulièrement sur le continent africain.  Remarquant que la réconciliation a souvent été associée à la justice transitionnelle, M. Kadiri a souhaité que soit mis en avant le rôle de premier plan des leaders communautaires et religieux, qui, particulièrement dans les sociétés « qu'on pourrait qualifier de traditionnelles », bénéficient d’une aura et d’un respect importants, qu’ils n’hésitent pas à mettre au profit de leurs communautés en cas de conflit.  « Leur rôle est d’autant plus important dans le cas d’un conflit religieux. » 

M. Kadiri a mis l’accent sur le principe d’appropriation nationale, « principe cardinal » permettant d’adapter l’expérience en matière de réconciliation aux spécificités d’un pays.  Il s’est aussi félicité du rôle croissant joué par les femmes dans les processus de réconciliation, conformément à l’agenda sur les femmes et la paix et la sécurité.  Le Maroc s’est enfin associé aux délégations ayant cité la Commission de consolidation de la paix comme un des organes les mieux placés pour aborder les questions liées à la réconciliation.  Il a souligné la nécessité, pour tout processus de réconciliation, de se décliner aussi bien au niveau national que local, afin que le dialogue local alimente le dialogue national: ainsi, l’on s’assure de l’inclusivité du processus, mais également de son appropriation nationale. 

Selon M. MICHAL MLYNÁR (Slovaquie), l’intégration d’un plus grand nombre de groupes ethniques ou religieux marginalisés dans les forces armées et de police, les structures de sécurité et les institutions de l’État, ainsi que la promotion d'un changement culturel en faveur de politiques publiques non discriminatoires, peuvent contribuer à répondre aux griefs après un conflit. L'inclusion se révèle être indispensable pour réaliser une réforme durable du secteur de la sécurité, y compris en ce qui concerne l'instauration d'un climat de confiance, ingrédient essentiel de la prévention, a ajouté le représentant.  La réconciliation s’inscrit dans le cadre des efforts plus vastes visant à stabiliser des sociétés déchirées par un conflit, dans lesquelles des institutions démocratiques, qu’il s’agisse de l’appareil de sécurité ou du système judiciaire, sont essentielles à la stabilité à long terme, a insisté M. Mlynár.  Il a aussi souligné l’importance des partenariats dans les processus régionaux et sous-régionaux de consolidation et de maintien de la paix.

M. SILVIO GONZATO de l’Union européenne a indiqué que la guerre est aujourd’hui « impensable » au sein de cet espace économique parce « nous avons construit des institutions qui sont l’expression de notre réconciliation. » Pourtant, sans une véritable volonté d’apprendre des erreurs du passé et un travail continu pour promouvoir la réconciliation, il n’y a pas d’avenir pour la paix, même en Europe, a indiqué le représentant.  Il a plaidé pour une amélioration des politiques en la matière, rappelant que si 75% des mandats du Conseil de sécurité visent à la réconciliation, il n’y a pas de définition de la réconciliation ou de lignes directives communément agréées.  Les religions, qui sont souvent instrumentalisées pour semer la division, devraient s’inviter dans les processus de réconciliation, pour revenir ainsi « à leur essence véritable ».  Les dignitaires religieux au niveau local peuvent agir en tant que médiateurs tant ils peuvent jouir de la confiance de leurs communautés, a aussi déclaré M. Gonzato.  Enfin, le délégué a appelé de ses vœux une participation accrue des femmes aux efforts de réconciliation. 

Mme KIRA CHRISTIANNE DANGANAN AZUCENA (Philippines) a fait valoir l’expérience de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) dans le cadre des processus de réconciliation au lendemain d’un conflit.  Ainsi, depuis sa création en 2011, l’Institut de l’ASEAN pour la paix et la réconciliation est devenu un centre d’excellence en matière de renforcement des capacités dans la résolution des conflits régionaux et au-delà.  Mme Azucena a en outre salué l’établissement du Registre des femmes de l’ASEAN pour la paix en tant qu’initiative phare pour répertorier les expertes de la région dans le domaine de la paix et la réconciliation.  Elle a également souligné, au plan national, l’importance de la signature, en juillet 2018, de la Loi Bangsamoro pour la région autonome musulmane de Mindanao, dont l’enseignement majeur tiré est que la signature d’un accord de paix n’est que le début du processus : celui-ci est véritablement parachevé lorsque chaque Philippin « s’approprie la paix » et les dividendes du progrès et de la sécurité, a-t-elle commenté.

Pour M. FREDRIK HANSEN, Observateur du Saint-Siège, le sujet de ce débat est à la fois essentiel pour la paix et la stabilité des générations actuelle et future, mais figure également au cœur de la mission de l’Église catholique.  Citant le cas de la République centrafricaine où la violence avait éclaté le long de lignes confessionnelles, et où la réconciliation a été possible grâce à la prise de position de trois hommes: l’archevêque catholique de Bangui, un pasteur évangélique de la ville et un imam qui ont su créer une plateforme interconfessionnelle au niveau national, qui a été répliquée sur le plan local dans tout le pays.  Le pape François s’est lui-même rendu en RCA en novembre 2015, a rappelé l’observateur pour lequel les leaders religieux doivent être unis et prouver à leurs fidèles que la diversité, qu’elle soit ethnique ou religieuse, ne doit pas être un obstacle à l’unité nationale et que ces divisions peuvent être dépassées par la fraternité.  À cet égard, il a rappelé l’invitation adressée par le pape à l’Imam du troisième district de Bangui à aller ensemble à la rencontre du peuple, « un signe fort » qui a eu un impact positif significatif selon lui, puisque les parties au conflit ont été obligées de se remettre en question, de mettre leurs préjudices de côté et d’aller vers l’autre avec confiance.

La réconciliation, bien entendu, suppose des différences.  Elle reconnaît les divisions et cherche à dépasser les difficultés qui poussent trop souvent les gens à la violence et à d’autres formes de violations de la dignité humaine, a poursuivi l’observateur.  Il faut savoir faire preuve de magnanimité pour voir le contexte plus largement, a reconnu l’observateur, pour trouver un terrain d’entente et s’investir dans un avenir meilleur, plus humain et plus prospère.  Cependant, toute vraie réconciliation ne doit en rien minimiser les souffrances, a-t-il mis en garde.  Au contraire, toute réconciliation suppose de reconnaître ces souffrances et de s’attaquer à leurs causes profondes pour pouvoir ouvrir la voie à une paix durable, ce qui n’est pas possible sans justice, a-t-il tranché.  Dès lors, promouvoir la réconciliation ne signifie pas simplement d’effacer l’ardoise et ne saurait en aucun cas servir d’excuse à l’impunité, a renchérit l’observateur pour lequel les coupables doivent être jugés et leurs victimes doivent obtenir une forme de réparation.  Dès lors, le Saint-Siège a encouragé le recours à des mécanismes de justice transitionnelle ainsi qu’à des initiatives qui partirait du bas vers le haut, et c’est précisément là que les communautés confessionnelles et les responsables religieux ont un rôle indispensable à jouer, un rôle que ne doit en aucun cas permettre l’ambivalence ou la manipulation politique.  La signature, à Dubaï en février dernier, du Document sur la fraternité humaine au service de la paix dans le monde, par le pape François et le grand Imam de la mosquée d’Al-Azhar, dont le but était de stimuler le dialogue interreligieux, est un exemple du rôle important que peuvent jouer les leaders religieux pour rapprocher les gens, a conclu l’observateur.

M. RICHARD ARBEITER (Canada) a reconnu que pour son peuple, parler de réconciliation c’est revenir sur le passé colonial du pays, notamment sa relation avec les peuples autochtones, et c’est aussi évoquer leur propre processus national pénible qui est en cours.  Au cœur de ce processus, se trouve l’opportunité pour les victimes et les survivants de s’exprimer et de se faire entendre à travers le pays.  C’est là la composante centrale de la Commission dialogue, vérité et réconciliation du Canada en rapport avec le meurtre et la disparition de femmes et de filles autochtones.  Même s’il n’y a pas un modèle unique de réconciliation, le délégué a estimé que ces processus ont des points en commun.  D’abord, la réconciliation n’est pas un évènement ou un processus unique.  Il faut en effet tenir compte des demandes de paix et de justice, compter avec le passé et aller de l’avant, la responsabilité pour les auteurs et la guérison pour les victimes.  Ensuite, une réconciliation à succès s’appuie sur l’appropriation nationale et le leadership local, et ce processus est centré sur les victimes et tient compte des communautés locales pour établir le processus et mettre en œuvre les recommandations adoptées. 

M. Arbieter a ensuite salué l’Afrique du Sud qui a démontré comment faire face au passé pour bâtir un avenir inclusif.  De ce fait, l’Afrique du Sud, a-t-il jugé, est un exemple à la fois des liens entre des inégalités systémiques et l’instabilité d’une part, et des efforts réels vers l’égalité et la stabilité, d’autre part.  Le représentant a également salué l’expérience de la Gambie où l’établissement de la Commission dialogue vérité, réconciliation et réparation a marqué une rupture profonde par rapport aux violations de l’ancien régime.  Il a rappelé que le Canada y a prêté son assistance technique aux enquêtes scientifiques et un appui financier aux organisations locales aptes à renforcer la participation des survivants de violences sexuelles et de genre.  Le délégué a aussi insisté sur le fait que chaque pays doit bénéficier d’un soutien durable de la part de la communauté internationale, fût-ce sur le plan technique, financier ou politique.  Le Canada a estimé en conclusion que le Conseil de sécurité, les organisations régionales et d’autres acteurs externes ont un rôle crucial a joué à cet effet. 

Les processus de réconciliation doivent faire l’objet d’une appropriation à l’échelle nationale et régionale, a estimé Mme RAZIYE BILGE KOÇYIĞIT GRBA (Turquie), ajoutant que les parties concernées devaient impérativement être à l’origine de ces efforts.  De son point de vue, la Commission de consolidation de la paix est idéalement placée pour promouvoir l’appropriation nationale des processus de paix, en coopération avec les organisations régionales et sous-régionales concernées, telles que l’Union africaine (UA).  La représentante a par ailleurs souligné que la réconciliation post-conflit était un processus de longue haleine, devant s’attaquer aux causes profondes des différends.  Cela suppose, a-t-elle ajouté, l’appui de l’ONU et de la communauté internationale, ainsi qu’une prise en compte de la spécificité de chaque situation nationale.  Dans cette perspective, la représentante a estimé qu’il n’existait pas de solution universelle pour promouvoir la réconciliation.

La représentant turque a en outre insisté sur l’importance des efforts de médiation et de facilitation du dialogue de la part de l’ONU.  Elle a estimé que la réconciliation devait faire partie intégrante de la stratégie de prévention des conflits de l’Organisation.  Tout en rappelant l’importance des processus de réconciliation formels, la représentante a également insisté sur l’éducation, la santé publique, la démobilisation et le désarmement comme outils de réconciliation à moyen et à long termes, capables de gommer les divisions sociales après un conflit.  La représentante a enfin jugé que la réintégration des réfugiés et des personnes déplacées devait être pleinement intégrée aux stratégies de réponse humanitaire et de consolidation de la paix.  En Syrie, notamment, elle a appelé la communauté internationale à appuyer le retour « volontaire, sûr et dans la dignité » des réfugiés, en marge du processus visant à transformer le pays en démocratie « laïque et stable ».

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a rappelé que la vision de la réconciliation en Irlande est fondée sur son propre processus de paix du « Good Friday agreement » de 1998, qui a mis fin à 30 ans de conflits en Irlande du Nord et encadre toujours la coopération des Gouvernements irlandais et britanniques.  La déléguée a noté, d’expérience, que la réconciliation doit aussi assurer l’inclusion, rappelant le rôle important joué par les organisations de femmes pour rétablir la confiance dans leurs communautés.  De même, elle a décrit le rôle joué par le fond de réconciliation qui soutient 153 ONG au niveau local.  Elle a aussi loué le travail de l’International Fund for Ireland établi en 1986 par les deux Gouvernements Britanniques et Irlandais avec l’appui des États-Unis, du Canada, de l’Australie et de l’Union européenne.  Mme Byrne Nason a enfin regretté que la réconciliation soit souvent négligée dès la fin de la violence immédiate et de l’attention de la communauté internationale.  Elle a donc suggéré qu’elle soit prise en compte dans la phase transitoire des opérations de paix, par les équipes de Pays de l’ONU; par la commission de consolidation de la paix et par le Conseil de sécurité, qui à ses yeux, devraient jouer un rôle plus important dans cette tâche.

Mme ALYA AHMED SAIF AL-THANI (Qatar) a estimé que la pérennisation de la paix était la responsabilité collective des parties prenantes et a insisté sur le rôle des Nations Unies pour les soutenir dans cet effort.  Pour que les processus de réconciliation aboutissent, a-t-elle ajouté, ils doivent être crédibles, impliquer tous les acteurs de la société et traiter des causes profondes du conflit.  Les leaders religieux et la société civile doivent être impliqués et la place des femmes garantie ainsi que celle des jeunes.  La représentante a d’ailleurs indiqué que le Qatar accueillera la troisième conférence sur la participation des jeunes aux processus de paix l’an prochain.

Pour que la réconciliation réussisse, la justice et l’établissement des responsabilités sont indispensables, surtout dans le cas de génocide et de crimes contre l’humanité, a poursuivi la représentante.  La redevabilité est à son avis un facteur important, qui peut contribuer à la non résurgence des conflits.  Elle a estimé, à cet égard, que les auteurs de crimes de guerre, de génocide et de violations des droits en Syrie devaient être jugés.

M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a souligné le rôle et l’expérience de la Commission de consolidation de la paix dans le domaine de la réconciliation, qui continue d’informer le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale et les États Membres.  Étant l’un des principaux pays fournisseurs de contingents, le Bangladesh a été amené à soutenir des processus de réconciliation dans des pays sortant d’un conflit, a-t-il rappelé.  À ce titre, il a estimé que la réconciliation peut jouer un rôle critique pour résoudre la crise des Rohingya.  Le Conseil doit, pour ce faire, jouer un rôle fondamental pour promouvoir une paix durable au Myanmar et ouvrir la voie à leur rapatriement.  Il faudra créer les conditions solides d’un dialogue ouvert entre les Rohingya d’une part, les autorités et les autres composantes de la société du Myanmar, d’autre part, pour lancer un processus durable.  Aussi le Bangladesh encourage-t-il une approche plus globale, fondée sur la prévention de la violence contre les civils non armés et le traitement des causes profondes du conflit.

Pour M. Bin Momen, le Myanmar doit adopter une stratégie claire de réconciliation qui permette aux Rohingya de rentrer vivre en bonne entente dans l’État rakhine.  Tout processus de réconciliation passera par la transparence, l’objectivité et la confiance, et les acteurs régionaux doivent s’y investir.  Le Conseil de son côté doit encourager le Myanmar à garantir un passage sûr et une assistance humanitaire aux Rohingya sur le chemin du retour.  Informé des violences sexuelles perpétrées contre des femmes Rohingya, il a jugé d’autant plus indispensable d’associer les femmes ainsi que les jeunes à tout processus de paix et de garantir l’application du principe de responsabilité.

M. ION JINGA (Roumanie) a défini la réconciliation comme la capacité à améliorer des relations endommagées.  Mais si elle doit reconnaître les erreurs du passé, restaurer la dignité des victimes et identifier les coupables de crimes, la réconciliation doit aussi être conduite de manière à améliorer les relations futures entre les parties, a-t-il insisté.  Dans ce contexte hautement sensible, il ne saurait donc y avoir une solution unique à toutes les crises.  Les communautés concernées doivent jouer le premier rôle et la paix durable ne peut être imposée de l’extérieur, même si la communauté internationale et l’ONU doivent apporter leur assistance aux communautés affectées.  Les femmes doivent être au cœur des processus de paix, mais les jeunes doivent être tout autant associés, a recommandé M. Jinga.  Il faut aussi renforcer les partenariats au sein de l’Organisation et de ses différents organes, y compris avec la Commission de consolidation de la paix.  Enfin, des cadres juridiques sont indispensables mais la réconciliation impose aussi d’enrôler l’ensemble de la société dans le processus, a-t-il conclu.

M. KAHA IMNADZE (Géorgie) a mentionné la politique de réconciliation conduite par son pays dans les régions occupées d’Abkhazie et de Tskhinvali/Ossétie du Sud en Géorgie.  Il a détaillé les trois dimensions de l’initiative de paix promue dans ces territoires.  La première dimension est la facilitation des échanges commerciaux par-delà des lignes de séparation, afin notamment que les biens produits puissent accéder au marché intérieur géorgien.  La deuxième dimension est l’accroissement des offres éducatives pour les résidents de ces territoires et une protection de la langue abkhaze.  Le délégué a indiqué que la troisième dimension est la simplification des procédures administratives, telles que l’obtention de passeports géorgiens, au bénéfice de ces résidents.  Il a enfin mentionné le programme d’accès aux soins dans la région de Tskhinvali, qui se trouve aujourd’hui gravement menacé.  Nous avons été encore les témoins d’une nouvelle tragédie, lorsque Margo Martiashvili, âgée de 70 ans, est morte en raison du refus de la Puissance occupante d’ouvrir temporairement un soi-disant point de passage pour accéder à l’hôpital le plus proche, a regretté M. Imnadze.

M DANG DINH QUY (Viet Nam) a noté qu’une des causes principales du retour de la violence dans les pays se relevant d’un conflit, est le manque de prise en compte et d’investissement dans la réconciliation.  Il a insisté sur la nécessité d’une appropriation nationale, car les parties qui connaissent le mieux les causes du conflit doivent être les initiateurs et garants du processus.  Le délégué a aussi noté l’importance des organisations régionales comme le Traité d’amitié et de coopération de l’Asie du Sud-Est qui assure le règlement des différends.  Ensuite, selon lui, l’ONU peut apporter des changements normatifs salutaires et doit à ses yeux augmenter la coordination à l’intérieur du système de l’ONU et prêter assistance aux organisations régionales.

Pour Mme POLLY IOANNOU (Chypre), la réconciliation ne peut se substituer à la justice car si les responsabilités ne sont pas établies, le ressentiment entravera le retour à une paix durable.  Quelles que soient les vérités historiques et les préjugés passés, pour être crédible, un processus de réconciliation ne saurait servir à revisiter l’histoire.  Il est par ailleurs difficile d’envisager une réconciliation sans s’être accordé au préalable sur un règlement politique qui vise justement à garantir une coexistence pacifique avec la partie adverse.  Le principal défi, quand il s’agit de réconciliation, est donc d’élargir le champ d’un point de vue national à une perspective interétatique, sans entraver la justice internationale, a conclu le représentante.

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a estimé que « l’architecture de sécurité contemporaine subit une mise à l’épreuve cruciale ».  Selon lui, le manque de confiance entre grandes puissances, les vastes inégalités sociales et économiques et le sous-développement ont bloqué les progrès dans de nombreuses régions du monde.   Le délégué a mis en avant le rôle moteur de son pays en matière de sécurité collective, notant qu’il était à l’initiative de la création, il y a plus de 10 ans, du Centre régional des Nations Unies pour la diplomatie préventive en Asie centrale ainsi que la Conférence pour l’interaction et les mesures de confiance en Asie, qui se réunit depuis plus d’un quart de siècle.  Il s’est aussi réjoui d’avoir accueilli le processus d’Astana sur la Syrie, convaincu que les 13 sessions de négociations ont contribué à l’établissement de la Commission constitutionnelle pour la Syrie.  S’appuyant sur l’expérience kazakhe, M. Umarov a estimé que les mesures de confiance étaient des conditions nécessaires mais insuffisantes pour faire aboutir un processus de paix.  Il a conclu en ajoutant que la réconciliation doit intervenir à tous les niveaux des sociétés et notamment inclure les femmes et la jeunesse.

Mme SONALI SAMARASINGHE (Sri Lanka) a fait observer que les attaques du dimanche de Pâques au Sri Lanka, menées par des terroristes nationaux inspirés par Daech, ont été particulièrement dévastatrices après une décennie de paix et de chemin vers la réconciliation, la justice transitionnelle et le développement économique.  Convaincue que les sociétés qui manquent de justice et d’égalité sont des terreaux potentiels pour l’extrémisme, la Sri Lanka s’est employée à la réconciliation post-conflit en vue de parvenir à la résilience et explore actuellement la possibilité de lancer un plan stratégique pour prévenir l’extrémisme violent.  À cet égard, il est impératif que les plateformes de médias sociaux veillent à disséminer les valeurs encourageant une culture de paix plutôt que les discours de haine et la bigoterie, a ajouté Mme Samarasinghe. 

Les mécanismes de réconciliation et les initiatives de justice transitionnelle ne peuvent être imposés par des forces externes, a continué la représentante, et les efforts de réconciliation nationale doivent être fondés sur une réelle participation du public, incluant des juristes nationaux, le Gouvernement, les femmes, les minorités, les groupes affectés et la société civile.  Faute de sensibilisation et de campagnes de consultations et d’éducation, les réformes restent faibles et vulnérables, a-t-elle estimé, et l’ONU pourrait jouer un rôle important pour faciliter ces processus et aider au renforcement des capacités.  Pour sa part, la Sri Lanka touchée depuis près de 30 ans par des attaques terroristes, a déjà pris des mesures pour reconstruire ses institutions démocratiques et créer un cadre de réconciliation.  Des bureaux pour les personnes disparues et les réparations de même qu’un bureau de l’unité nationale et la réconciliation sont déjà en place et la mise en place d’une commission vérité et réconciliation est à l’examen. 

Pour M. RODRIGO A. CARAZO (Costa Rica), la paix n’est pas la conséquence automatique de l’absence de conflit et la réconciliation ne signifie pas une coexistence non violente: paix comme réconciliation doivent être constamment encouragés et de façon durable.  La réconciliation est un processus, pas un état, il n’y a pas de formule ni de recette magiques pour la paix.  Son pays, a-t-il rappelé, a décidé le 1er décembre 1948 d’abolir les forces armées, décision qui caractérisait une culture politique basée sur les mots défendant des idées.  Cette décision s’appuyait sur une conviction profonde selon laquelle « il n’y a que l’amour naissant d’une compréhension mutuelle qui puisse unir les hommes ».  Surtout, l’État a ainsi mis au cœur de son action les personnes, leur développement et leur dignité, ce qui suppose un investissement sans faille dans un environnement sûr et sain, a-t-il insisté.  La culture de paix ne peut se limiter à la prévention des conflits mais passe par la promotion des personnes et d’institutions robustes.  Alors que les peuples du monde dénoncent avec vigueur un monde plein d’inégalités, la réconciliation n’est plus un processus qui vient ressouder les sociétés, mais devient une exigence légitime des peuples qui veulent être considérés comme égaux, a conclu le représentant.

Pour M. YASHAR T. ALIYEV (Azerbaïdjan), il est essentiel de veiller à ce que les efforts de paix et les processus de réconciliation ne soient pas utilisés pour consolider des situations créées par l’usage illégal de la force et d’autres violations flagrantes du droit international.  La justice est un élément fondamental de la paix durable, a précisé M. Aliyev, regrettant que la reddition de la justice n’ait pas toujours reçu une attention suffisante dans certaines situations de conflit armé, certains responsables restant impunis pour les crimes les plus graves et étant même glorifiés au niveau national ou social.  Le représentant a également souligné combien le dialogue interculturel et interreligieux aux niveaux national et international est important pour la consolidation de la paix et la réconciliation.  Le soutien des Nations Unies aux initiatives en ce sens est essentiel pour construire des relations dépassant les stéréotypes et les idées fausses, a-t-il conclu. 

M. JAMAL FARES ALROWAIEI (Bahreïn) a jugé essentiel dans un contexte volatile d’insister sur la réconciliation.  Tout effort visant à parvenir à la paix ne pourra cependant réussir tant que des États tenteront d’imposer leur hégémonie sur d’autres.  Il faut, a dit le représentant, éviter toute ingérence dans les affaires internes des États, assurer le respect mutuel et la coopération contre l’extrémisme et le terrorisme transfrontalier qui prévaut dans différentes régions du monde, et fournir l’assistance aux peuples souffrant de ces fléaux.  Outre la participation des femmes et des jeunes, mentionnée par le Secrétaire général, le représentant a voulu insister sur le rôle que doit jouer celui-ci et les autres organes de l’ONU.  Enfin pour être sûr de ne laisser personne de côté, il faut encourager tout effort de réconciliation sur le terrain.

M. DARREN CAMILLERI (Malte) a souligné qu’un accord de paix doit, en premier lieu, unir toutes les parties à un conflit et leur instiller la volonté d’investir dans un avenir commun.  Il a mis en garde contre des solutions imposées, en particulier de l’extérieur, qui contribuent à créer du ressentiment et à aggraver les divisions.  Le délégué a ajouté qu’en prenant en compte les griefs de tous les secteurs de la société, on augmente les chances d’une paix durable, et insisté sur l’importance du rôle des femmes ainsi que des jeunes générations dans le processus de paix.  En conclusion, M. Camilleri a rappelé qu’à ses yeux la responsabilité et la reddition de comptes font partie intégrante de la réconciliation, car sans effacer le passé, ils renforcent et légitimisent les institutions. 

M. MHER MARGARYAN (Arménie) a noté que malgré la reconnaissance générale de l’importance de la réconciliation pour la paix et la sécurité, l’ampleur exceptionnelle de certains crimes, tel le génocide, requiert un cadre de réconciliation qui implique le droit à la vérité, à la justice, à la redevabilité ainsi que des garanties de non récurrence.   Selon le délégué, les discours de haine, la glorification de la haine proférée par des dirigeants politiques, le profilage ethnique, la discrimination religieuse, comme la négation du génocide, peuvent affaiblir la lutte contre l’impunité.  La réconciliation et la prévention des crimes atroces exigent donc des efforts collectifs des États Membres, des leaders religieux et de la société civile, y compris les femmes et les jeunes.  M. Mergayan a rappelé que l’Arménie, pour avoir subi le génocide dans sa partie historique, un crime qui exige une condamnation internationale, a un devoir particulier en matière de prévention.  

M. MICHAEL IMRAN KANU (Sierra Leone) a rappelé que son pays, au terme d’une guerre civile qui, dans les années 90, a causé des dizaines de milliers de morts et le déplacement de centaines de milliers de personnes, a institué une commission vérité et réconciliation visant non seulement à exposer les criminels et identifier les victimes mais aussi à offrir aux citoyens de la Sierra Leone « un miroir dans lequel ils pourraient examiner leurs propres rôles dans le conflit ».

Le représentant a souligné que ce dialogue a aidé les victimes à faire face à leurs agresseurs et à se réconcilier avec eux et à aller de l’avant.  Il a par ailleurs ajouté que la commission, en encourageant les Sierra-Léonais à ne jamais oublier le passé, a servi de feuille de route pour la construction d’une nouvelle société libérée de la peur et empreinte de fierté et de dignité.  M. Kabba a par ailleurs noté le rôle, joué jusqu’en 2013, de la Cour spéciale pour la Sierra Leone établit avec l’aide de l’ONU pour juger les individus portant les plus grandes responsabilités dans les crimes commis durant la guerre, et remercié l’ONU de son soutien à la Cour résiduelle spéciale en fonctions depuis 2013, deux institutions qui à ses yeux représentent une reconnaissance du « lien intrinsèque entre réconciliation et justice »; la lutte contre l’impunité et la paix et la stabilité du pays.

Il a néanmoins fait part de sa préoccupation, malgré quatre élections pacifiques, devant la permanence des divisions politiques qui menacent la cohésion sociale et pourraient provoquer un retour de la violence.  Sur ce point, M Kabba a loué la création prochaine d’une commission indépendante pour la paix et la cohésion nationale et celle d’un ensemble de mesures gouvernementales et locales, la « Wan Fambul » (One Family) visant à rapprocher les politiques de développement du citoyen « afin, a-t-il dit, de mieux faire avancer la nation ». 

M. LUIS GALLEGOS CHIRIBOGA (Équateur) a fait observer que les expériences du passé démontrent que la réconciliation est le seul moyen de garantir une paix durable dans les sociétés post-conflit mais que chaque situation comporte ses propres défis.  Selon lui, bien davantage qu’un simple accord entre deux parties, la réconciliation est un processus large, qui doit être franc, participatif et intégral pour être significatif.  La réconciliation n’est ni un point de départ, ni un point statique mais un processus graduel plus ou moins fort selon trois aspects: les antécédents et causes du conflit, les efforts de réparation et le niveau d’inclusion du processus.  Aussi, a poursuivi M. Gallegos, faut-il veiller à ce que les femmes, les jeunes et les personnes handicapées participent à tous les processus.  Il a plaidé pour l’éducation et la promotion de la tolérance, ainsi que pour la promotion de la confiance et de la culture de la paix, tout en rappelant qu’il fallait lutter contre l’impunité en apportant un soutien à tous les éléments de la justice transitionnelle.  Pour sa part, le Gouvernement de l’Équateur défend le dialogue comme base fondamentale de toute société pacifique, a conclu le délégué.

Le représentant de la Fédération de Russie a répondu à l’Allemagne qui l’avait interpellé ce matin: oui, le tribunal de Nuremberg est un modèle de justice internationale, qui a puni les criminels de guerre pour leurs agressions notamment contre l’URSS.  À l’époque actuelle, il a dénoncé des tribunaux qui reflètent la volonté de certains d’en finir avec les régimes qui ne leur conviennent pas, notamment dans le cas du TPYI.  Quant à la CPI, elle a, à jamais, entaché sa réputation, a tranché le délégué en conclusion.

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