En cours au Siège de l'ONU

8660e séance – matin
CS/14015

Conseil de sécurité: la Procureure de la CPI avertit que l’impunité en Libye est un obstacle à la paix et à la stabilité du pays

Lors de la présentation, ce matin, au Conseil de sécurité, de son dix-huitième rapport semestriel sur la situation en Libye, la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Mme Fatou Bensouda, a averti les délégations que la persistance de l’impunité dans ce pays représente un obstacle et une menace à la paix et la stabilité.

Mme Bensouda a appuyé sa mise en garde sur le fait que les mandats d’arrêt internationaux lancés contre MM. Saïf al-Islam Kadhafi, le fils de l’ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, Al-Tuhamy Mohamed Khaled et Mahamoud Mustafa Busayf Al-Werfalli restent sans effets depuis plusieurs années.  Elle a rappelé que ces personnes recherchées par la CPI sont accusées d’avoir commis des crimes graves, notamment des crimes de guerre, des actes de torture et des crimes contre l’humanité, entre autres.

Or, selon les informations « fiables » dont dispose la Cour, ces fugitifs vivent en toute liberté en Libye, à Zintan en ce qui concerne M. Khadafi et à Benghazi en ce qui concerne M. Al-Werfalli, ou au Caire, en Égypte, pour ce qui est de M. Al-Tuhamy.  La Cour sait de plus que le fugitif Al-Werfalli, suspecté d’avoir commis des décapitations publiques, a été promu lieutenant-colonel par le général Khalifa Haftar, commandant en chef de l’Armée nationale libyenne.  « Cela prouve que le général Haftar n’a pas l’intention de le livrer à la CPI », a affirmé Mme Bensouda, l’exhortant toutefois à procéder à l’arrestation et à la remise de M. Al-Werfalli à la CPI.

Nombre de délégations ont, elles aussi, déploré que les mandats d’arrêt internationaux lancés contre ces personnes n’aient pas été exécutés, notamment celles de la Côte d’Ivoire, du Pérou ou encore de la Pologne.  Cette situation a été jugée « inquiétante » par l’Allemagne, tandis que le Royaume-Uni a souligné que la justice pénale internationale est un « effort collectif » qui appelle la coopération de tous les États.

Dans ce contexte, ces délégations, dont celle des États-Unis, ont jugé « honteux » que les auteurs de crimes commis contre le peuple libyen continuent de jouir de l’impunité.  Les groupes et individus libyens qui protègent et donnent asile aux fugitifs doivent les remettre sans délai, car la reddition de comptes enverrait un message fort et dissuasif à toutes les personnes qui pourraient avoir commis des atrocités, ont-ils plaidé.

Estimant, elle aussi, que la lutte contre l’impunité constitue une des clefs de la résolution du conflit, la France a insisté sur le fait que les mandats d’arrêt internationaux doivent être exécutés, par toutes les parties prenantes, « au premier rang desquelles les parties libyennes ».

En l’absence de coopération, la Belgique a estimé que le Conseil de sécurité devrait examiner toutes les mesures possibles afin de faciliter l’arrestation et la remise à la Cour des trois suspects, y compris l’inscription sur les Listes de sanctions, des personnes contre lesquelles la Cour a émis un mandat d’arrêt.

« Les fugitifs recherchés par la CPI ne vivent plus sur le sol libyen », s’est défendue pour sa part la Libye, imputant par ailleurs la lenteur des poursuites au climat sécuritaire qui prévaut sur le terrain.  La délégation a également souligné que le Gouvernement d’entente nationale enquêtait lui aussi sur les crimes internationaux commis en Libye, notamment les frappes aériennes lancées par le général Haftar.  « La Libye est capable de mener ces enquêtes si on lui en donne la possibilité et lorsque la situation sécuritaire sera améliorée », a insisté le représentant. 

Les autres pays membres du Conseil de sécurité ne reconnaissant pas la juridiction de la CPI, dont la Chine ou la Guinée équatoriale et la Fédération de Russie, ont livré peu de commentaires, cette dernière s’étant contentée de dire que « le peuple libyen mérite paix et sécurité ».

Au cours de son intervention, Mme Bensouda a également abordé la question des crimes commis contre les migrants en Libye, précisant que son équipe continue à collecter des données et des preuves liées aux crimes commis dans les centres de détention et qu’elle évalue la faisabilité de présenter ces affaires devant la CPI.  La Procureure a toutefois souligné que la CPI est une cour de dernier ressort, en accord avec le principe de complémentarité, et qu’elle n’agit que lorsque les États n’enquêtent pas sérieusement ou ne lancent pas de poursuites pour les graves crimes internationaux, ou s’ils sont incapables de le faire. 

À ce sujet, la Côte d’Ivoire a estimé que l’élargissement du champ de compétence de la CPI aux crimes commis contre les migrants se révèle comme une « nécessité absolue », tandis que la Belgique s’est félicitée que la stratégie de coopération de la Cour ait déjà produit des résultats positifs et concrets dans des enquêtes et poursuites nationales.

LA SITUATION EN LIBYE                                        

Déclarations

Mme FATOU BENSOUDA, Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), présentant son dix-huitième rapport sur la situation en Libye, a commencé par dire sa « sérieuse » préoccupation face à l’escalade de la violence en Libye pendant la période à l’examen.  Les informations indiquent en effet qu’il y a eu un nombre important de civils tués, des milliers de personnes déplacées et une augmentation du nombre d’enlèvements, de disparations forcées et de détention arbitraire partout en Libye.

Elle a averti qu’à moins d’un soutien sans équivoque venant du Conseil de sécurité et de la communauté internationale pour mettre immédiatement un terme au conflit, la Libye risque de se retrouver entraînée dans un conflit lancinant.  L’implosion de la Libye doit peser lourdement sur la conscience de la communauté internationale et galvaniser l’action pour aider les autorités libyennes à assurer la stabilité du pays et mettre un terme aux cycles de violence, d’atrocité et d’impunité.

Mme Bensouda a averti que l’impunité est à la fois un obstacle et une menace à la paix et la stabilité et doit être combattue par la loi.  Elle a ensuite indiqué que son bureau avait réalisé des progrès supplémentaires dans le cadre des enquêtes en cours et continue de travailler sur des demandes d’émission de mandats d’arrestation.

S’agissant de l’affaire contre le suspect M. Saïf al-Islam Kadhafi, la Procureure a indiqué que ce dernier a interjeté appel de la décision de rejet par la Cour de l’exception d’irrecevabilité présentée par sa défense.  La Chambre d’appel a récemment ordonné qu’une audience soit programmée du 11 au 12 novembre 2019 à La Haye afin d’entendre les soumissions et observations dans l’appel de M. Kadhafi.  Elle a indiqué que le Conseil de sécurité avait également été invité à soumettre ses observations, notant toutefois que celui-ci avait décidé de ne pas le faire.  Quelle que soit l’issue de la procédure de recevabilité, la Libye demeure soumise à l’obligation d’arrêter et déférer M. Kadhafi à la Cour, a-t-elle souligné.

Outre M. Kadhafi, le mandat d’arrêt lancé contre M. Al-Tuhamy Mohamed Khaled reste sans effets depuis plus de six ans, tandis que les deux mandats dont est l’objet M. Mahamoud Mustafa Busayf Al-Werfalli sont en souffrance depuis plus de deux ans.  Elle a rappelé que les trois fugitifs sont accusés d’avoir commis des crimes graves, notamment des crimes de guerre, des actes de torture et des crimes contre l’humanité, entre autres.

Mme Bensouda a ensuite affirmé que son bureau disposait « d’informations fiables » sur les lieux où se trouvent ces trois fugitifs.  Selon elle, M. Kadhafi se trouve à Zintan, en Libye et M. Al-Tuhamy vivrait au Caire, en Égypte.  Quant à M. Al-Werfalli, il vivrait librement à Benghazi et aurait même été promu lieutenant-colonel par le général Khalifa Haftar, commandant en chef de l’Armée nationale libyenne, en dépit des crimes de guerre qui lui sont reprochés et qu’il a commis, notamment des décapitations.  Cette promotion prouve que le général Haftar n’a pas l’intention de poursuivre ce fugitif, a-t-elle affirmé, exhortant ensuite tous les États, dont la Libye et l’Égypte, à faciliter l’arrestation immédiate et le transfèrement de ces fugitifs à la Cour.

Revenant à la situation sur le terrain, Mme Bensouda s’est déclarée profondément inquiète au sujet des informations qui indiquent que depuis le début du mois d’avril plus de 100 civils ont été tués, 300 autres blessés et 120 000 personnes déplacées en raison du conflit.  Elle a vivement condamné l’attaque à la voiture piégée à Benghazi, le 10 août, qui a tué cinq personnes, dont trois membres du personnel des Nations Unies, et a blessé de nombreux civils.  Elle a également dénoncé le bombardement indiscriminé de l’aéroport de Mitiga à Tripoli; les multiples attaques contre les travailleurs de la santé et les installations médicales, ainsi que les raids aériens contre le centre de détention de migrants de Tajoura qui ont fait 53 morts et 130 blessés le 2 juillet.  « Je n’hésiterai pas » à lancer de nouveaux mandats d’arrêt contre les plus hauts responsables des crimes présumés relevant de la juridiction de la CPI, a-t-elle asséné. 

En ce qui concerne les crimes présumés contre les migrants en Libye, Mme Bensouda a rappelé que son équipe continue à collecter des données et des preuves liées aux crimes commis dans les centres de détention et qu’elle évalue la faisabilité de présenter ces affaires devant la CPI.  La Procureure a toutefois souligné que la CPI est une cour de dernier ressort, en accord avec le principe de complémentarité, et qu’elle n’agit que lorsque les États n’enquêtent pas sérieusement ou ne lancent pas de poursuites pour les graves crimes internationaux, ou s’ils sont incapables de le faire. 

Conformément à son objectif stratégique 6, le Bureau de la procureure aide activement les États à enquêter et poursuivre, a fait savoir Mme Bensouda.  Ces efforts ont notamment permis d’identifier quels sont les acteurs judiciaires les mieux placés pour enquêter et lancer des poursuites pour les crimes liés à la migration qui sont commis en Libye.

Mme Bensouda a reconnu la coopération du Bureau du procureur général de la Libye et a remercié plusieurs États pour leur soutien, notamment l’Italie, les Pays-Bas, la Tunisie, le Royaume-Uni, la Lituanie, l’Irlande, l’Espagne et la France.  Elle a ensuite de nouveau exhorté le général Haftar à procéder à l’arrestation et à la remise de M. Al-Werfalli à la CPI.

Dans une intervention très brève, M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a regretté le rapport « particulièrement étriqué » de la Procureure près de 10 ans après le début de la crise en Libye.  Il s’est contenté de citer Mme Fatou Bensouda qui a affirmé que « le peuple libyen mérite paix et sécurité », fin de citation, a-t-il souligné.

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a regretté que les trois mandats d’arrêt délivrés par la CPI n’aient toujours pas pu être exécutés.  Or, a-t-il précisé, le Bureau du procureur dispose toujours d’informations relatives à la localisation des trois suspects: M. Kadhafi à Zintan, dont les brigades sont les alliées du Gouvernement d’entente nationale; M. AI-Werfalli dans la région de Benghazi contrôlée par l’Armée nationale libyenne du général Haftar; et M. Al-Tuhamy au Caire en Égypte.

Notant que la Cour dépend entièrement de la coopération des États dans l’exécution de ses mandats d’arrêt, M. Pecsteen de Buytswerve a exhorté toutes les autorités concernées à faciliter la remise immédiate de chacun des intéressés à la CPI.  À défaut, la Belgique estime que le Conseil de sécurité devrait prendre ses responsabilités en examinant toutes les mesures possibles afin de faciliter l’arrestation et la remise à la Cour des trois suspects.  Le Conseil pourrait par exemple envisager d’inscrire sur les Listes de sanctions des personnes contre lesquelles la Cour a émis un mandat d’arrêt.

Concernant les allégations de crimes commis contre les migrants en Libye, la Belgique salue la stratégie du Bureau visant à coopérer avec la Libye et les autres États concernés afin d’appuyer les enquêtes et poursuites menées au niveau national, la CPI étant complémentaire des juridictions pénales conformément au statut de Rome.  Le représentant s’est ainsi félicité que la stratégie de coopération de la Cour ait déjà produit des résultats positifs et concrets dans des enquêtes et poursuites nationales.

Pour Mme SHERAZ GASRI (France), la CPI constitue le pilier de la lutte contre l’impunité à l’échelle internationale et doit pouvoir agir et exercer ses prérogatives sans entraves.  Elle a dénoncé les violations multiples des droits de l’homme et du droit international humanitaire et noté que le trafic de migrants, qui sont détenus par milliers arbitrairement, s’est encore multiplié ces derniers mois, le tout accompagné de disparitions forcées et de violences sexuelles.  Elle a également réitéré l’inquiétude de la France au sujet de la disparition de la députée, Mme Siham Sergewa, à Benghazi, au mois de juillet.  Pour la représentante, il devient chaque jour plus urgent que les parties libyennes reprennent le dialogue et aboutissent sans délai à un cessez-le-feu et à une solution politique durable, sur la base des principes agréés à Paris, Palerme et Abou Dhabi.  Cette solution politique doit préparer la voie à des élections législatives et présidentielle crédibles, a-t-elle souligné.

Elle a réaffirmé son plein soutien au Représentant spécial et à son plan en trois points et à la tenue d’une conférence internationale à Berlin qui, a-t-elle ajouté, doit permettre à la communauté internationale d’apporter un soutien « clair et unanime » à la reprise du dialogue avant la tenue d’une conférence interlibyenne qui pourrait être organisée par l’ONU et l’Union africaine. 

Dans ce contexte, a-t-elle enchaîné, la lutte contre l’impunité constitue une des clefs de la résolution du conflit, et la poursuite et la condamnation des criminels sont nécessaires à la reconstruction de l’État et à la restauration de la vie démocratique.  La déléguée a souligné que la lutte contre l’impunité dans le contexte libyen nécessite une coopération pleine et entière de toutes les parties prenantes, « au premier rang desquelles les parties libyennes ».  Les mandats d’arrêt internationaux doivent être exécutés et les crimes les plus graves commis en Libye depuis 2011 doivent faire l’objet d’enquêtes et de poursuites, y compris les crimes commis par Daech.

Mme Gasri a par ailleurs salué l’attention de la Procureure à l’égard des crimes commis à l’encontre des migrants, déplorant la gravité et l’ampleur de cette situation intolérable.

M. JULIAN SIMCOCK (États-Unis) a jugé honteux que les auteurs les plus notoires de crimes commis contre le peuple libyen continuent de jouir de l’impunité.  Il a notamment appelé les groupes et individus libyens qui protègent Saïf al-Islam Kadhafi et Mahmoud al-Werfalli à les remettre aux autorités sans délai et ceux qui donnent asile à Al-Tuhamy Mohamed Khaled, l’ancien chef des renseignements libyens, à faire de même.  Il a également indiqué que son gouvernement suit de près le procès intenté par la Cour suprême libyenne à Abdullah Al-Senussi.

« La reddition de comptes pour les architectes des heures les plus noires de la Libye enverrait un message fort et dissuasif à tout agresseur potentiel et à toutes les personnes impliquées dans l’actuel conflit qui pourrait avoir commis des atrocités », a-t-il affirmé.  Il a regretté que la communauté internationale n’ait pas fait davantage pour rendre justice aux personnes pour les souffrances endurées aux mains de ces individus.

Le représentant a également pointé les trafiquants et passeurs qui profitent de la vulnérabilité des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile en Libye.  Il a réclamé la reddition de comptes pour tous les responsables impliqués dans ces réseaux.  Il a évoqué des informations faisant état de très nombreuses violations des droits, de la part de nombreuses milices, forces de sécurité et de certaines parties au pouvoir.

Le conflit a également de graves conséquences déstabilisantes sur le plan humanitaire et a provoqué des vagues importantes de déplacements, y compris parmi la population migrante et réfugiée, a-t-il relevé.  Il a averti que la prolongation du conflit rendra la livraison de services de base encore plus difficile et ne fera que contribuer à l’instabilité politique et sécuritaire.  Aussi a-t-il demandé un retour rapide à une solution politique et apporté son soutien à M. Ghassan Salamé pour ses efforts visant à obtenir une solution politique à la crise, notant par ailleurs les graves risques physiques auxquels il s’expose ainsi que l’équipe de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL).

Le représentant a par ailleurs rappelé l’objection de principe des États-Unis à toute affirmation de la juridiction de la CPI sur les ressortissants d’États qui ne sont pas parties au Statut de Rome, précisant cependant que cette position n’amoindrit en rien l’appui qu’accorde son pays à la reddition de comptes pour les crimes d’atrocité, les violations du droit international humanitaire et les violations graves des droits de l’homme.

M. TIEMOKO MORIKO (Côte d’Ivoire) s’est tout d’abord inquiété de la décision prise par l’Union européenne de suspendre temporairement, depuis le 27 mars 2019, le déploiement de ses moyens navals de l’opération SOPHIA.  Craignant par ailleurs que les efforts visant à obtenir un cessez-le-feu et à ramener les parties au conflit à la table des négociations ne soient vains, il a souhaité que la prochaine conférence internationale sur la Libye, prévue à Berlin, permette de faire taire les armes et de relancer durablement le processus politique de sortie de crise.

Le représentant a ensuite noté avec regret que des mandats d’arrêt visant des ressortissants libyens n’ont pu être exécutés à ce jour, en raison notamment du contexte sécuritaire actuel qui affecte les capacités institutionnelles du Gouvernement d’union nationale de s’acquitter de ses obligations en vertu du Statut de Rome.

Il a appelé les parties libyennes à lever tous les obstacles à une pleine coopération avec la CPI, afin de traduire les présumés auteurs de crimes, devant les juridictions internationales compétentes.  La lutte contre l’impunité doit faire partie intégrante du processus de réconciliation nationale afin de créer les conditions d’une paix durable en Libye, a-t-il souligné.

M. Moriko a par ailleurs salué la déclaration faite par la Procureure, le 8 mai 2019, de poursuivre la recherche d’éléments de preuves relatifs aux allégations de crimes commis contre les migrants.  L’élargissement du champ de compétence de la CPI aux crimes commis contre les migrants se révèle comme une nécessité absolue, a-t-il affirmé.

M. PAUL DUCLOS (Pérou) s’est dit très préoccupé par la poursuite du conflit armé en Libye, notamment par les « attaques indiscriminées et délibérées » contre la population et l’infrastructure civiles.  Il a réitéré la nécessité d’une solution pacifique sur la base de l’accompagnement de la communauté internationale, en particulier les organisations régionales et les pays exerçant une influence. 

Le représentant a lancé un appel aux autorités de Libye, de même qu’à celles de tout État concerné, à exécuter les mandats d’arrêt lancés par la Cour, notamment celui contre M. Al-Werfalli, dont les « multiples crimes ignobles » restent impunis et représentent un « affront permanent » à la confiance sur laquelle les institutions juridictionnelles doivent compter pour une dissuasion effective.  Il a par ailleurs fait observer que le conflit en Libye offre en outre un espace de plus en plus important à des organisations terroristes comme l’État islamique d’Iraq et du levant (Daech) ou Boko Haram. 

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) s’est félicitée de la coopération des États et des autres parties prenantes avec la CPI en ce qui concerne les enquêtes sur la situation en Libye.  Elle s’est aussi fait l’écho de sa demande aux autorités compétentes de coopérer et d’exécuter les mandats d’arrêt en suspens délivrés par la Cour.  La Pologne appuie pleinement l’appel que la Procureure de la CPI a lancé aux États concernés pour qu’ils prennent toutes les mesures en leur pouvoir afin que les suspects soient arrêtés et remis à la CPI sans plus attendre.  C’est là, a-t-elle indiqué, une étape cruciale non seulement dans la lutte contre l’impunité et la responsabilisation, mais aussi dans l’instauration de l’état de droit et la dissuasion de nouveaux crimes.

Elle a souligné que la coopération avec le Bureau de la Procureure est particulièrement importante, étant donné les multiples et graves violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme qui auraient été commises depuis la publication de son précédent rapport.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a dit que son pays apporte, « comme toujours » son appui à la CPI, en termes de lutte contre l’impunité pour les crimes internationaux.  Le Koweït appuie également les efforts déployés par M. Ghassan Salamé et sa feuille de route en trois points.  Le représentant a cependant estimé que la CPI doit tenir compte du principe de complémentarité, à savoir que c’est à la Libye qu’il incombe en premier lieu de poursuivre les auteurs de crimes.

M. DIANBIN ZHANG (Chine) a estimé que seul un processus politique pourra régler la crise libyenne en cours depuis près de 10 ans et espéré que toutes les parties allaient se consulter en vue d’un cessez-le-feu.  La Chine soutient tous les efforts de stabilisation en Libye et favorisant une sortie de crise, a-t-il insisté.  Il a appelé la communauté internationale à jouer un rôle constructif en vue de la mise en œuvre du plan en trois points proposé, fin juillet, par M. Ghassan Salamé, insistant sur le fait que le processus politique ne peut être piloté que par les Libyens.  La communauté internationale doit respecter l’unité, la souveraineté et l’intégrité du territoire libyen tout en continuant de lui apporter son soutien.  Enfin, à propos de la CPI, « la position de la Chine reste inchangée », a-t-il indiqué.

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a jugé encourageants les efforts libyens pour porter certains cas devant la justice nationale.  Il a également accueilli favorablement l’accent accru placé par le Bureau de la Procureure sur la coopération et la coordination avec la Libye et les autres États concernés pour appuyer les enquêtes et poursuites nationales.

L’Afrique du Sud reste préoccupée par les combats en cours en Libye, a fait savoir le délégué qui a appelé toutes les parties prenantes à se réengager à construire une paix durable en Libye sur la base d’un dialogue politique inclusif.

M. JUERGEN SCHULZ (Allemagne) a jugé « inquiétant » que les mandats d’arrêt contre les fugitifs recherchés par la CPI n’aient pas encore été exécutés.  Tant que ces auteurs ne seront pas traduits en justice et rendus responsables de leurs actes, la CPI doit continuer de rester saisie de ces cas, a-t-il estimé.

Le représentant s’est ensuite inquiété des informations faisant état de violences sexuelles commises à l’encontre de migrants ainsi que des attaques contre des civils et des infrastructures civiles.  Il a aussi appelé au respect de l’embargo sur les armes, compte tenu des effets du flux d’armes sur la situation en Libye.  Il a appelé l’ensemble des membres du Conseil à appuyer la CPI.

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a appelé les parties libyennes à respecter le droit international humanitaire et à protéger les civils et les infrastructures civiles comme les hôpitaux, les écoles et les centres de détention.  Il a également exprimé sa profonde préoccupation concernant la situation des migrants et réfugiés en Libye et réclamé la poursuite des enquêtes sur les crimes commis contre eux dans les centres de détention officiels et officieux afin de pouvoir soumettre un dossier à la Cour sur le sujet.  Il a appelé les États à reconnaître le rôle complémentaire de la CPI dans la poursuite des enquêtes et la condamnation des auteurs de crimes de guerre et a appuyé la stratégie définie par la Procureure pour 2019-2021.

Le représentant a ensuite regretté l’absence de progrès dans les trois affaires proéminentes citées par la Procureure et notamment d’apprendre que le général Al-Werfalli, accusé de l’assassinat de 43 personnes, ait été promu au rang de lieutenant-colonel de l’Armée nationale libyenne.  Aussi, M. Singer Weisinger a souhaité que le Conseil continue d’appuyer la coopération entre les autorités libyennes et la CPI.

M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) a fait part de sa préoccupation face à la poursuite de la violence en Libye, ainsi que des morts et déplacés qui en résultent.  Cette situation ne profite pas à la Libye, a souligné le représentant, appelant à l’unité du peuple libyen, ainsi qu’à la paix et à la stabilité dans tout le pays.  Pour cela, il faut parvenir à un cessez-le-feu et à une reprise du dialogue, sous les auspices de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), du Représentant spécial du Secrétaire général et de l’Union africaine, a-t-il plaidé.  Il importe également de répondre à la situation des migrants.  S’agissant de la CPI, le représentant a rappelé que la Guinée équatoriale ne reconnaît pas sa juridiction.

M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a exprimé sa préoccupation face aux graves violations en grand nombre du droit international et des crimes multidimensionnels commis en Libye et a souligné qu’il est de l’obligation de la Libye d’assurer la reddition de comptes des auteurs de crimes commis sur son territoire.

Il a appelé à une « autonomisation » des autorités judiciaires libyennes pour leur permettre d’exercer leur souveraineté et estimé que le renvoi de la situation en Libye à la CPI ne devrait pas empêcher les autorités libyennes d’invoquer leur compétence pour enquêter sur les violations flagrantes des droits de l’homme et traduire leurs auteurs en justice.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a appuyé le rôle fondamental de la CPI, notamment dans le contexte des violations récentes du droit humanitaire et des droits de la personne en Libye.  Elle a relevé que ce conflit a un impact inacceptable sur les civils et notamment sur les migrants et les réfugiés.  Ceux qui sont coupables de ces violations doivent être traduits en justice, a-t-elle insisté.  Elle a également souligné que la justice pénale internationale est un effort collectif qui appelle la coopération de tous les États, avant de lancer un appel à tous les États, « parties et non parties », à collaborer en ce sens.  Elle a appelé le général Haftar à remettre au plus vite M. Al-Weralli à la Cour.

Soulignant par ailleurs qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit en Libye, Mme Pierce a appelé toutes les parties au conflit à s’engager envers un cessez-le-feu immédiat. 

M. ELMAHDI S. ELMAJERBI (Libye) a déclaré que faire régner la justice en Libye relève de la compétence nationale.  Cela ne signifie pour autant pas que la Libye ne doit pas coopérer avec la CPI, sur le principe de complémentarité, a-t-il ajouté.

Le représentant a ensuite imputé la lenteur des poursuites au climat sécuritaire qui prévaut en Libye.  Cela dit, les fugitifs recherchés par la CPI ne vivent plus sur le son libyen, a-t-il assuré.

Il a ensuite déclaré que son pays enquêtait lui aussi sur les crimes internationaux commis en Libye, notamment ceux commis par les frappes aériennes lancées par le général Haftar.  « La Libye est capable de mener ces enquêtes si on lui en donne la possibilité et lorsque la situation sécuritaire sera améliorée », a insisté le représentant.  À cet égard, a-t-il ajouté, le Gouvernement d’entente nationale, « celui qui est reconnu par la communauté internationale », a déjà demandé au Conseil de sécurité d’envoyer une mission d’établissement des faits sur les attaques aériennes lancées par les « rebelles ».  La justice règnera lorsque la paix et la stabilité reviendront en Libye et que les « agresseurs seront boutés hors du territoire libyen », a-t-il conclu.

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