Le Conseil de sécurité reconduit d’un an l’Opération de l’ONU et de l’Union africaine au Darfour, reportant à plus tard la question de son retrait
À la demande expresse du nouveau Gouvernement soudanais, le Conseil de sécurité a décidé, cet après-midi, de proroger pour une durée d’un an le mandat de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) et de maintenir le niveau actuel de ses effectifs jusqu’au 31 mars 2020, date à laquelle le Conseil entend prendre une décision finale quant au calendrier de retrait de l’Opération.
La question du rythme et de l’ampleur du retrait de la MINUAD, créée en 2003 afin d’instaurer la paix dans la province soudanaise du Darfour, divise depuis maintenant deux ans les membres du Conseil. En juillet 2018, ces derniers s’étaient toutefois mis d’accord, dans la résolution 2429, sur une réduction progressive des effectifs de l’Opération dans la perspective d’un retrait au 30 juin 2020, « sous réserve qu’aucun changement important n’intervienne dans les conditions de sécurité au Darfour et que les grands indicateurs soient atteints ».
En juin 2019, dans sa résolution 2479, le Conseil avait pourtant reconduit la MINUAD pour une durée de quatre mois, jusqu’à la date d’aujourd’hui, sans modification de son mandat, ni réduction supplémentaire du plafond de ses effectifs. Cette prorogation « à titre provisoire et exceptionnel », faisait suite au renversement par l’armée soudanaise de l’ex-Président du pays, M. Omar al-Bashir, et reflétait les préoccupations du Conseil quant à la période d’incertitude politique et sécuritaire traversée par le Soudan.
Depuis lors, la situation dans le pays a été marquée par des développements positifs, comme le note la résolution 2495 (2019), adoptée aujourd’hui à l’unanimité par le Conseil. Le texte salue en effet la signature, le 17 août, de la Déclaration constitutionnelle sur la mise en place d’un nouveau gouvernement de transition dirigé par des civils et d’institutions de transition, l’entrée en fonctions, le 21 août, du Premier Ministre et du Conseil souverain et la formation, le 8 septembre, du nouveau Gouvernement. Le Conseil salue également l’amélioration des conditions de sécurité au Darfour, tout en se déclarant préoccupé par la précarité de la situation sécuritaire dans certaines zones de la province. Il se félicite, enfin, des décisions prises par le Gouvernement soudanais pour faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et de l’accord signé, le 25 septembre, entre ce dernier et la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, afin d’ouvrir un bureau de pays et des bureaux locaux au Soudan.
Eu égard à ces évolutions, conformément au courrier adressé le 22 octobre au Secrétaire général par le nouveau Gouvernement soudanais, le Conseil décide de reconduire la MINUAD jusqu’au 31 octobre 2020 et de maintenir son mandat actuel d’appui au processus de paix et aux activités de consolidation de la paix, ainsi que de protection des civils.
Sur la base des recommandations du Rapport spécial du Président de la Commission de l’UA et du Secrétaire général de l’ONU (S/2019/816), le Conseil décide en outre de maintenir jusqu’au 31 mars 2020 les plafonds actuels en matière d’effectifs militaires et policiers de la MINUAD, qui conservera toutes ses bases d’opérations pendant la période, à l’exception de son état-major de secteur au Darfour méridional. Ce dernier sera fermé et restitué au Gouvernement soudanais, qui s’est engagé à l’utiliser à des fins exclusivement civiles.
Quant au calendrier de retrait de l’Opération, le Conseil annonce son intention de se prononcer sur les mesures à prendre et sur la mise en place d’une présence de suivi de l’Opération, d’ici au 31 mars 2020. Il se basera pour cela sur le rapport spécial que le Secrétaire général et le Président de la Commission de l’UA sont tenus de lui présenter, le 31 janvier 2020 au plus tard.
Lors de la précédente reconduction de l’Opération au mois de juin, certains membres du Conseil, à l’instar de la Fédération de Russie, avaient appelé à respecter le calendrier de retrait, fixé au 30 juin 2020. Les conditions sont réunies pour passer du maintien à la consolidation de la paix, avait alors affirmé la Russie. D’autres, au contraire, à l’image du Royaume-Uni et de l’Allemagne, tous deux porte-plumes de la présente résolution, avaient jugé nécessaire de marquer une pause dans le processus de retrait de la MINUAD.
La prorogation pour un an du mandat de l’Opération répond efficacement à la volonté des autorités soudanaises « d’éviter un vide sécuritaire au Darfour », s’est félicité le Royaume-Uni, qui a vu dans cette adoption à l’unanimité l’ouverture d’un nouveau chapitre dans l’histoire des relations entre le Soudan et le Conseil. Nul doute que cette reconduction de 12 mois de l’Opération, dont cinq dans sa forme actuelle, permettra d’éviter qu’un tel vide sécuritaire ne se produise, a affirmé la France. C’est également la marque de notre vif soutien envers la paix au Darfour et le Premier Ministre soudanais, a estimé l’Allemagne, exhortant tous les groupes armés à se rallier sans conditions préalables aux négociations de paix.
Dans la perspective du passage de la phase du maintien de la paix à celle de consolidation de la paix en 2020, l’Allemagne a insisté pour que la mission politique spéciale destinée à prendre le relais de la MINUAD soit adaptée aux besoins du Soudan. Nous espérons en effet qu’il s’agit de la dernière prorogation de la MINUAD, ont déclaré les États-Unis, estimant que le Soudan avait tout intérêt, également, à ce que la Mission se retire l’an prochain.
Invité à s’exprimer, ce dernier a remercié le Conseil pour son appui au Gouvernement civil soudanais durant la période de transition actuelle, à l’image de la reconduction de la MINUAD et du maintien de sa présence géographique et de ses effectifs jusqu’au 31 mars. Cela nous donne les coudées franches pour préparer une paix globale dans l’ensemble du pays et mettre en œuvre des mesures de confiance avec les groupes armés, a salué le représentant soudanais. Le pays s’est également dit prêt à étudier les options disponibles pour définir un mécanisme idoine, destiné à prendre le relais de la MINUAD. En gage de son engagement en faveur de la paix, le Soudan a annoncé la création d’une commission nationale pour la paix, qui sera chargée de la coopération entre les institutions de l’État pour pallier les effets du conflit. Pour tourner définitivement la page du conflit, le pays a également demandé à la communauté internationale d’appuyer sa radiation de la liste des États soutenant le terrorisme, qui constitue actuellement un frein au développement économique soudanais.
RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD – (S/2019/816)
Texte du projet de résolution (S/2019/849)
Le Conseil de sécurité,
Réaffirmant toutes ses résolutions antérieures et toutes les déclarations de sa présidence concernant la situation au Soudan, et soulignant qu’il importe de s’y conformer et de les appliquer pleinement,
Réaffirmant avec force son attachement à la souveraineté, à l’unité, à l’indépendance et à l’intégrité territoriale du Soudan,
Réaffirmant les principes fondamentaux du maintien de la paix, à savoir notamment le consentement des parties, l’impartialité et le non-recours à la force, sauf en cas de légitime défense ou pour la défense du mandat, considérant que le mandat de chaque mission de maintien de la paix est adapté à la situation du pays concerné, soulignant que les mandats qu’il autorise sont conformes aux principes fondamentaux, réaffirmant qu’il escompte l’exécution intégrale de ces mandats et rappelant à cet égard sa résolution 2436 (2018),
Se félicitant de la signature, le 17 août 2019, de la Déclaration constitutionnelle sur la mise en place d’un nouveau gouvernement de transition dirigé par des civils et d’institutions de transition, et se félicitant également de l’entrée en fonctions du Premier Ministre et du Conseil souverain, le 21 août 2019, et des Ministres, le 8 septembre 2019,
Se félicitant de l’engagement pris dans la Déclaration constitutionnelle d’instaurer une paix juste et globale au Soudan en s’attaquant aux causes profondes du conflit et à ses conséquences, approuvant à cet égard le lancement des négociations de paix, le 14 octobre 2019, et notant avec satisfaction le rôle du Gouvernement sud-soudanais dans l’appui à ces négociations,
Demande au Gouvernement soudanais, aux mouvements armés du Darfour et à toutes les parties concernées, y compris les représentants des personnes déplacées, à saisir l’occasion et à engager des négociations de paix inclusives, sans conditions préalables et dans le respect de la Déclaration constitutionnelle, et encourageant les parties au conflit à conclure rapidement un accord de paix,
Soulignant qu’il est impératif que le retrait de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD) tienne compte des progrès réalisés dans le processus de paix,
Notant avec satisfaction l’amélioration des conditions de sécurité au Darfour, tout en se déclarant préoccupé par le fait que la sécurité demeure précaire dans certaines parties du Darfour en raison des activités déstabilisatrices d’un certain nombre d’acteurs, qui aggravent l’insécurité, les menaces contre les civils, les violences intercommunautaires et les actes criminels, et compromettent le développement et l’état de droit,
Saluant les décisions prises par le Gouvernement soudanais pour faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et créer des conditions plus favorables pour les acteurs humanitaires, et encourageant la pleine application de ces décisions afin d’assurer un accès humanitaire rapide, sûr et sans entrave dans l’ensemble du Darfour,
Se félicitant de l’accord signé le 25 septembre 2019 entre le Gouvernement soudanais et la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme en vue de l’ouverture d’un bureau de pays et de bureaux locaux au Soudan, et encourageant la mise en service rapide de ces bureaux,
Prenant note du rapport spécial du Président de la Commission de l’Union africaine et du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (S/2019/816),
Prenant note également de la lettre datée du 22 octobre 2019, adressée au Secrétaire général de l’Organisation par le Gouvernement soudanais,
Estimant que la situation au Soudan menace la paix et la sécurité internationales,
Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,
1. Décide de proroger jusqu’au 31 octobre 2020 le mandat de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD);
2. Demande au Gouvernement soudanais, aux mouvements armés du Darfour et à toutes les autres parties prenantes de participer véritablement aux négociations de paix et de démontrer qu’ils font avancer ces négociations en vue d’instaurer une paix juste et globale, de façon à permettre à la MINUAD de se retirer pleinement;
3. Décide que la MINUAD continuera de s’acquitter du mandat énoncé dans la résolution 2429 (2018) et, conformément aux tâches existantes et en coopération avec l’équipe de pays des Nations Unies, concentrera ses efforts sur:
i) l’appui au processus de paix, notamment à la médiation entre le Gouvernement soudanais et les mouvements armés du Darfour; le travail de la Commission de paix nationale; le soutien à la mise en œuvre de tout accord de paix, conformément à la priorité stratégique actuelle du Gouvernement soudanais, qui cherche à instaurer une paix juste et globale;
ii) l’appui aux activités de consolidation de la paix, y compris le renforcement des équipes chargées de la liaison avec les États et leur extension au Jebel Marra;
iii) la protection des civils; la surveillance des droits de l’homme et la communication d’informations sur les atteintes à ces droits, notamment les violences sexuelles et fondées sur le genre et les violations graves commises contre des enfants; la facilitation de l’aide humanitaire et la sûreté et la sécurité du personnel humanitaire; l’appui à la création des conditions de sécurité nécessaires au retour volontaire éclairé, sûr, digne et durable des réfugiés et des personnes déplacées ou, le cas échéant, à leur intégration au niveau local ou à leur réinstallation dans un autre lieu;
4. Prend note de la première option prévue au paragraphe 45 a) du rapport spécial du Président de la Commission de l’Union africaine et du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (S/2019/816) et décide que, jusqu’au 31 mars 2020, la MINUAD maintiendra ses plafonds actuels en matière d’effectifs militaires et policiers et, en outre, qu’elle maintiendra pendant cette période toutes ses bases d’opérations pour exécuter son mandat, à l’exception de son état-major de secteur au Darfour méridional, qui sera fermé conformément aux dispositions du paragraphe 5 de la présente résolution, tout en se tenant prêt à fermer rapidement et de façon responsable d’autres bases d’opérations sur décision du Conseil;
5. Prend acte de l’engagement pris par le Gouvernement soudanais, conformément aux règles et règlements de l’Organisation des Nations Unies, d’utiliser à des fins exclusivement civiles les bases d’opérations restituées par la MINUAD, et prie instamment le Gouvernement soudanais de veiller à ce que les bases d’opérations qui ont déjà été restituées par la MINUAD et celles qui le seront à l’avenir soient également utilisées à des fins exclusivement civiles;
6. Prie le Secrétaire général et le Président de la Commission de l’Union africaine de lui présenter, au plus tard le 31 janvier 2020, un rapport spécial consacré aux questions suivantes:
i) l’évaluation de la situation sur le terrain; l’état d’avancement du processus de paix; la situation des bases d’opérations déjà restituées par la MINUAD; des recommandations sur les mesures à prendre concernant la réduction des effectifs de la MINUAD;
ii) les options concernant la mise en place d’une présence de suivi de la MINUAD, compte tenu des vues et des besoins du Gouvernement soudanais;
7. Annonce qu’il a l’intention, compte tenu des conclusions du rapport spécial demandé au paragraphe 6 de la présente résolution, de se prononcer, d’ici au 31 mars 2020, sur les mesures à prendre concernant le retrait et la sortie responsables de la MINUAD conformément au paragraphe 1 de la présente résolution, et qu’il entend adopter à la même occasion une résolution établissant la présence de suivi de la MINUAD;
8. Décide de rester saisi de la question.
à suivre...