Conseil de sécurité: Appels au maintien de la Mission de l’ONU et la levée des sanctions au Soudan
À deux semaines de la fin du mandat de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD), plusieurs membres du Conseil de sécurité ont demandé aujourd’hui la prorogation du mandat pour une période de six mois, la levée des sanctions économiques et financières imposées au Soudan et sa suppression de la liste des parrains du terrorisme.
Le Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, M. Jean-Pierre Lacroix, a relayé ces appels. De retour de la visite qu’il a effectuée au Soudan, du 7 au 10 octobre, aux côtés du Commissaire de l’Union africaine, M. Smaïl Chergui, dont un arrêt d’un jour à El-Fasher, M. Jean-Pierre Lacroix a fait part de développements « remarquables » depuis sa dernière intervention au Conseil, le 26 août dernier. Le Secrétaire général adjoint s’est attardé sur la signature le 11 septembre dernier de la Déclaration de Djouba sur les mesures de confiance en prévision des négociations et la relance économique.
Cette Déclaration signée par le Conseil souverain et un certain nombre de groupes armés, dont plusieurs groupes du Darfour, est, a-t-il expliqué, une feuille de route et un accord de renforcement de la confiance. Les parties ont effet convenu d’un cessez-le-feu, de l’ouverture de couloirs humanitaires, de la libération des prisonniers de guerre, de la levée des interdictions de voyager visant les dirigeants des mouvements et de la création d’un comité préparatoire des négociations de paix. Pour la première fois dans l’histoire moderne du Soudan, ce processus est ouvert à presque tous les groupes armés, s’est réjoui le Secrétaire général adjoint.
Avec le Commissaire de l’Union africaine, a-t-il poursuivi, nous avons été en mesure de discuter avec nos interlocuteurs soudanais des défis liés au transfert des responsabilités principales de la MINUAD aux institutions gouvernementales, dont la protection des civils et la sécurité. Nous avons aussi discuté de la perspective d’un engagement à plus long terme de l’Union africaine et de l’ONU après le retrait de la Mission. Les responsables soudanais ont insisté sur la nécessité pour la communauté internationale d’appuyer sans équivoque le nouvel élan de paix au Darfour et déploré le fait que, malgré l’initiative du Premier Ministre de le rencontrer, le 30 septembre à Paris, Abdul Wahid al-Nur, chef du Mouvement de libération du Soudan (MLS), continue de rejeter le processus de transition et le nouveau Gouvernement.
On attend toujours qu’il se joigne au processus, s’est impatienté le Secrétaire général adjoint, en appelant, avec le Soudan, à n’épargner aucun effort pour faire comprendre à tous les groupes concernés l’impératif de saisir l’élan de la paix. Le Gouvernement, a-t-il encore indiqué, a demandé plus de temps pour formuler ses besoins s’agissant d’un possible mécanisme de suivi à la Mission mais un groupe de travail conjoint a été créé qui devrait finaliser les options à présenter en décembre 2019.
Pour l’avenir immédiat, le Secrétaire général adjoint a proposé deux options au Conseil de sécurité. La première option consisterait en un rééquilibrage géographique aux termes duquel l’effectif maximum autorisé du personnel en tenue et du personnel civil de la MINUAD serait inchangé pendant une période initiale de six mois. Mais la MINUAD concentrerait sa présence géographique dans cinq à six bases d’opérations situées dans le centre du Jebel Marra, où des éléments armés sont encore actifs, contre 13 bases actuellement. Selon une seconde option, le retrait de la MINUAD se déroulerait comme prévu pour s’achever à la fin de juin 2020.
Le Secrétaire général a penché pour la première option, préconisant une approche qui alignerait la prochaine phase de transition du maintien à la consolidation de la paix au Darfour avec le rythme des pourparlers de paix à Djouba. On ne retire pas une mission au moment où des négociations s’engagent après plus d’une décennie de conflit, ont acquiescé l’Allemagne, la Belgique, la France et la Pologne. La transition ne réussira que si elle parvient à mener à bien deux priorités fixées par le Premier Ministre: faire la paix et relancer l’économie, a insisté la France. À ce propos, le Secrétaire général adjoint a relayé l’appel du Secrétaire général à la levée de toutes les sanctions économiques et financières imposées au Soudan et à la suppression de ce dernier de la liste des pays parrains du terrorisme. Il a été soutenu par l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire et la Guinée équatoriale, et naturellement, par le Soudan.
« Le Soudan d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celui de ces dernières décennies », a martelé le pays, se félicitant d’un nouveau départ après la « révolution glorieuse » de décembre dernier. La situation au Darfour, a-t-il aussi estimé, ne doit plus être considérée comme relevant du Chapitre VII de la Charte. Elle relève plutôt de la consolidation de la paix et du développement. Le Soudan, ont pressé les États-Unis, doit nous informer rapidement de ce qu’il attend de la prorogation du mandat de la MINUAD. Que la priorité soit donnée à la paix et à la stabilité, a répondu le Soudan.
RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD (S/2019/816)
Déclarations
M. JEAN-PIERRE LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, a indiqué qu’il revient juste du Soudan où il s’est rendu, du 7 au 10 octobre, aux côtés du Commissaire de l’Union africaine, M. Smaïl Chergui. Pendant ma visite, a-t-il expliqué, je me suis entretenu avec le Premier Ministre Abdalla Hamdok, le Vice-Président du Conseil souverain, le général Mohamed Hamdan Dagalo et le corps diplomatique, sans oublier les hauts responsables des gouvernements central et local, dont le Gouverneur par intérim du Darfour septentrional, au cours d’un séjour d’un jour à El-Fasher.
Le Secrétaire général adjoint a fait part de développements « remarquables » depuis sa dernière intervention au Conseil, le 26 août dernier. Il a rappelé la formation du nouveau gouvernement dont les priorités sont la réalisation d’une paix globale et durable au Soudan et la relance économique. Le 11 septembre, le Conseil souverain et un certain nombre de groupes armés, dont plusieurs groupes du Darfour, ont signé la Déclaration de Djouba sur les mesures de confiance en prévision des négociations. La Déclaration, a-t-il estimé, est une feuille de route et un accord de renforcement de la confiance au terme de laquelle les parties sont convenues d’un cessez-le-feu, de l’ouverture de couloirs humanitaires, de la libération des prisonniers de guerre, de la levée des interdictions de voyager visant les dirigeants des mouvements et de la création d’un comité préparatoire des négociations de paix. Les négociations ont donc commencé le 14 octobre à Djouba avec pour objectif de parvenir à un accord de paix d’ici au 14 décembre 2019. Pour la première fois dans l’histoire moderne du Soudan, ce processus devrait être largement ouvert à presque tous les groupes armés, s’est réjoui le Secrétaire général adjoint.
Mais, le 16 octobre, les négociations se sont arrêtées pendant 24 heures après que la MPLS-N dirigée par Abdel Aziz al-Hilu a suspendu sa participation, accusant le Gouvernement d’avoir violé la cessation des hostilités à Khor Waral, dans le Kordofan méridional. Le même jour, le chef du Conseil souverain publiait un décret annonçant un cessez-le-feu sur l’ensemble du pays. La situation sécuritaire globale est restée largement inchangée au Darfour, malgré plusieurs incidents. Toutefois, la Mission a noté que le fait que les autorités aient détourné leur attention vers les problèmes sécuritaires à Khartoum a créé un vide dans le fonctionnement des institutions chargées de la sécurité dans les États du Darfour, où la criminalité s’est aggravée. Entre temps, des affrontements armés sporadiques entre les forces du Gouvernements et l’Armée de Libération du Soudan-faction Abdul Wahid se sont poursuivis dans le Jebel Marra, avec des mouvements contre les positions des Forces armées du Soudan autour de Golo.
La situation humanitaire, a poursuivi le Secrétaire général adjoint, est toujours caractérisée par les tendances identifiées dans le rapport spécial du 30 mai. La Mission a continué de mettre en œuvre son mandat, y compris la composante « protection des civils ». Malgré les problèmes, elle a poursuivi ses activités de transition, en menant avec l’équipe de pays des Nations Unies les activités des programme conjointes prévues dans le cadre des fonctions de liaison avec quatre États du Darfour. L’extension de ces fonctions de liaison au Jebel Marra devrait commencer en janvier 2020, même si les questions de sécurité et la présence limitée de l’équipe de pays continuent de freiner le processus d’expansion dans le secteur.
Avec le Commissaire de l’Union africaine, a indiqué le Secrétaire général adjoint, nous avons été en mesure de discuter avec nos interlocuteurs soudanais des défis liés au transfert des responsabilités principales de la Mission de l’ONU aux institutions gouvernementales, dont la protection des civils et la sécurité. Nous avons aussi discuté de la perspective d’un engagement à plus long terme de l’Union africaine et de l’ONU après le retrait de la Mission. Le Premier Ministre a clairement demandé une transition « bien séquencée » du maintien à la consolidation de la paix au Darfour, conforme aux priorités et au calendrier du Gouvernement et tenant compte des discussions en cours, tout en définissant les prochaines étapes.
Le Secrétaire général adjoint a rappelé qu’après l’examen stratégique de la Mission, une référence spécifique avait été faite sur l’importance de la reprise des pourparlers de paix pour conclure un accord de paix global dans tout le Darfour et créer ainsi les conditions d’une stratégie de sortie réussie de la Mission.
Pendant nos entretiens, a-t-il précisé, les responsables soudanais ont insisté sur la nécessité pour la communauté internationale d’appuyer sans équivoque le nouvel élan de paix au Darfour et les deux zones initiées avec les pourparlers en cours à Djouba. Nos interlocuteurs, a-t-il avoué, ont déploré le fait que, malgré l’initiative du Premier Ministre de le rencontrer, le 30 septembre à Paris, Abdul Wahid al-Nur continue de rejeter le processus de transition et le nouveau gouvernement. On attend toujours qu’il se joigne au processus, a souligné le Secrétaire général adjoint, en appelant à n’épargner aucun effort pour faire comprendre à tous les groupes concernés l’impératif de saisir l’élan de la paix.
Le Gouvernement, a-t-il encore indiqué, a demandé plus de temps pour formuler ses besoins s’agissant d’un possible mécanisme de suivi à la Mission. Toutefois, à la vingt-septième réunion tripartite sur la Mission, le 7 octobre dernier, à Khartoum, un groupe de travail conjoint a été créé qui devrait finaliser les options à présenter en décembre 2019. S’agissant de l’avenir immédiat de la Mission, le Secrétaire général a proposé deux options au Conseil de sécurité. La première consiste à faire passer le nombre de ses sites de 13 à 5 principalement au centre du Jebel Marra où les éléments armés sont toujours actifs. Pendant une période initiale de six mois, la Mission aurait le même plafond pour le nombre d’hommes en uniforme. Elle garderait une capacité de réserve adéquate pour pouvoir intervenir dans les endroits desquels elle s’est retirée. En vertu de la seconde option, la Mission procèderait immédiatement à son retrait lequel devrait s’achever à la fin du mois de juin 2020.
Pour les deux options, il a été décidé, en accord avec le Gouvernement, que les sites fermés seraient remis aux autorités de transition. L’ONU maintiendrait une présence dans les endroits évacués grâce aux fonctions de liaison qui seraient créées en regroupant la Mission, l’équipe de pays et les instituions soudanaises, en appui à l’état de droit, aux droits de l’homme et aux solutions durables en faveur des déplacés et des communautés locales. Le Secrétaire général adjoint a préconisé, dans ce contexte, une approche qui alignerait la prochaine phase de transition du maintien à la consolidation de la paix au Darfour avec le rythme des pourparlers de paix à Djouba. En conséquence, la première option serait plus conforme. Il a conclu sur l’importance de la relance économique et a relayé l’appel du Secrétaire général à la levée de toutes les sanctions économiques et financières imposées au Soudan et à la suppression de ce dernier de la liste des pays parrains du terrorisme.
M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume Uni) a déclaré que l’allocution du Premier Ministre du Soudan, lors de la Semaine de haut niveau de l’Assemblée générale, est un bon exemple des changements intervenus, ces derniers mois. On peut également considérer que la formation du Gouvernement, avec une présence forte de femmes, ainsi que la levée des restrictions à l’accès humanitaire sont des pas importants. Tous ces efforts, ainsi que les pourparlers avec les groupes armés au Darfour et la transition doivent être encouragés et soutenus par les acteurs sur le terrain, dont l’Union africaine, a estimé le représentant. S’agissant du mandat de la Mission de l’ONU, le représentant a jugé que, compte tenu de la situation toujours préoccupante, des consultations seront sans doute encore nécessaires. Il faudra aussi laisser au Gouvernement soudanais le temps de faire des propositions.
Pour M. JUERGEN SCHULZ (Allemagne) la question est de savoir comment soutenir au mieux le Gouvernement de transition face à ses priorités. Il a dégagé deux priorités: garantir la stabilisation et la présence d’experts aux pourparlers et sécuriser les investissements étrangers; et obtenir de l’ONU et l’Union africaine un ensemble de mesures d’appui pour aider le Gouvernement soudanais. Le représentant a donc voulu que l’on n’amoindrisse pas la capacité de la MINUAD pendant le processus de retrait. Dans un premier temps, a-t-il estimé, il serait plus judicieux de maintenir sa présence pour préserver l’engagement international au moment « crucial » où les pourparlers de paix sont en cours et pour soutenir les efforts de médiation. On ne retire pas une mission au moment où des négociations s’engagent après plus d’une décennie de conflit, a martelé le représentant.
Mme ANNE GUEGUEN (France) a lancé un appel à la mobilisation du Conseil de sécurité, en soutien à la transition soudanaise. Elle a précisé que cette transition réussira si elle parvient à mener à bien deux priorités fixées par le Premier Ministre: faire la paix et relancer l’économie. La France a promis un soutien économique de 60 millions d’euros pour la période de transition. Elle entend aussi accélérer le traitement de la dette extérieure soudanaise et accueillir une conférence des bailleurs. Mme Gueguen a estimé qu’il est temps de retirer le Soudan de la liste des États parrains du terrorisme. Elle a salué l’accord entre le Bureau de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et les autorités soudanaises afin de permettre l’ouverture de plusieurs bureaux au Soudan, notamment au Darfour.
Afin d’accompagner au mieux le processus de paix, la déléguée a jugé souhaitable de ne pas précipiter le départ de la MINUAD. Elle a appuyé la recommandation du Secrétaire général et du Président de la Commission de l’Union africaine de maintenir, pour six mois, les effectifs de la MINUAD. Le désengagement de la Mission au beau milieu des négociations risquerait de fragiliser le processus de paix, a-t-elle averti, à son tour, avant de suggérer de recentrer le mandat sur le processus de paix et les fonctions de liaison avec l’État. Elle ajouté que la protection des civils et le soutien à l’acheminement de l’aide humanitaire doivent rester aussi des missions prioritaires pour la MINUAD, jusqu’à la fin de son mandat. Enfin, la France est favorable à un mécanisme de suivi ambitieux après le départ de la MINUAD. L’appui de l’ONU et de l’Union africaine à l’élaboration d’une nouvelle constitution et à la préparation des élections serait tout à fait pertinente, a conclu la représentante.
M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a jugé important de soutenir le Gouvernement soudanais pendant la phase de transition par une présence internationale. Malgré les espoirs, il s’est dit préoccupé par la criminalité accrue et les attaques contre des ONG au Darfour et par les déplacements de population qui minent les espoirs des Soudanais. Il a cité en particulier les violations perpétrées ces derniers mois contre les enfants dont 35 ont été tués ou mutilés. La MINUAD joue un rôle « essentiel » pour vérifier les atrocités commises au Darfour. Que se passera-t-il ensuite? Le Gouvernement de transition, a voulu le représentant, doit informer rapidement le Conseil de ce qu’il attend de la prorogation du mandat. Il y a une voie pour la paix au Soudan, tant que les parties restent engagées à y parvenir.
Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a déclaré que l’évolution de la situation politique au Soudan offre au Conseil de sécurité, une occasion « unique » de mettre en place une transition pacifique, en tirant profit de ce nouvel élan. Elle a donc lancé un appel aux groupes armés pour qu’ils rejoignent dans leur ensemble ce mouvement. La représentante a également estimé que le processus politique au Soudan est intimement lié à la situation au Darfour. Alors que l’on discute du mandat de la MINUAD, il est essentiel d’y inclure le soutien au processus politique et à la surveillance de la situation au Darfour, a estimé la représentante.
M. YAO SHAOJUN (Chine) a salué les efforts conduits par le Soudan pour lancer un processus de paix global et inclusif avec l’aide de ses partenaires internationaux. Le Nations Unies doivent soutenir le pays dans ces efforts visant à relancer le processus de paix au Darfour. La communauté internationale doit pour sa part aider le Soudan à faire repartir son économie et l’aider à maintenir la sécurité au Darfour. Toute la procédure doit être conforme aux précédentes résolutions du Conseil de sécurité, a insisté le représentant, avant de rappeler que son gouvernement a contribué de façon significative à la MINUAD et qu’il entend maintenir son soutien pour pousser le Soudan sur la voie de la paix et de la prospérité.
M. ALEXANDER V. REPKIN (Fédération de Russie) a constaté, à son tour, une évolution positive de la situation au Soudan. Les endroits quittés par les Casques bleus restant stables, il a estimé qu’il faut rester dans l’optique d’une diminution de la présence de la MINUAD, dans l’esprit de la résolution 2429. La priorité aujourd’hui est de consolider la paix et le développement. Le représentant s’est donc rallié à l’appel visant la levée des sanctions contre le Soudan afin de faciliter la tâche à son gouvernement. Il a en outre estimé qu’il faut tenir dûment compte de l’avis du Soudan dans tout renouvellement de mandat.
Mme KAREN VAN VLIERBERGE (Belgique) a salué les engagements des nouvelles autorités soudanaises concernant le respect des droits de l’homme et les libertés fondamentales des Soudanais. Elle s’est aussi félicitée de l’accord signé par les autorités avec le Bureau de la Haut-Commissaire aux droits de l’homme le 25 septembre pour l’établissement d’un bureau au Soudan, tout en encourageant les autorités à mettre en œuvre cet accord pleinement et le plus vite possible. Pour la Belgique, l’évolution actuelle au Soudan offre une opportunité « inédite » de construire une paix durable au Darfour et la Déclaration de Djouba du 11 septembre représente une étape « formidable ». La représentante a ainsi appelé toutes les parties, en particulier les mouvements armés, à engager des négociations constructives, précisant que ce moment représente une occasion unique de mettre fin aux multiples conflits qui déchirent le pays depuis trop longtemps.
En ce qui concerne le Darfour, Mme Van Vlierberge a plaidé pour que soit assuré la protection des civils, y compris un accès humanitaire libre et sans entrave. Elle a aussi souligné l’importance de la lutte contre l’impunité pour répondre aux violations contre les enfants et les femmes. En outre, pour la Belgique, le processus de sortie de la MINUAD ne peut être déconnecté de l’évolution dans le reste du pays. Ainsi, un renouvellement du mandat de la MINUAD de six mois s’impose, sans réduire ses effectifs militaires et civils, a précisé la représentante. En ce qui concerne les conditions précises pour la transition et pour un mécanisme de suivi prudemment calibré au Darfour, elle a appelé à « la patience ». Le Conseil doit prendre une décision mieux informée dans les mois à venir, après les recommandations du Groupe de travail Union africaine-ONU-Soudan.
S’exprimant au nom des A3- Afrique du Sud, Côte d’Ivoire et son propre pays, Mme AMPARO MELE COLIFA (Guinée équatoriale), s’est dite convaincue que les engagements relatifs aux mesures de confiance contenues dans la Déclaration de Djouba sont « la feuille de route idoine » pour mener à bien les 39 mois de la période de transition. Elle s’est réjouie des profonds changements survenus, au cours de cette année, après toutes les pertes en vies humaines. Les sacrifices consentis ont ouvert aux Soudanais la voie d’une paix durable propice au développement et à la prospérité, dans le cadre de la vision d’un « nouveau Soudan » conforme aux aspirations panafricaines énoncées dans la doctrine « Faire taire les armes d’ici à 2020 ».
L’implication de la communauté internationale reste « essentielle » pendant et après cette période de transition, a souligné la représentante, en réitérant son appel à la levée immédiate des sanctions économiques et financières imposées au Soudan et à la suppression de ce dernier de la liste des parrains du terrorisme, pour faciliter les activités économiques et les investissements étrangers. À l’instar du Soudan, a poursuivi la représentante, la MINUAD « a atteint un moment critique de son histoire ». En préparant son retrait, il faudra veiller à ce qu’en cette période de transition du maintien à la consolidation de la paix, l’on prenne des décisions aux « implications transcendantales ».
Cela signifie, s’est expliqué le représentant, qu’il faut prendre en considération tous les acteurs et le contexte global dans lequel opère la MINUAD. Il a salué la stratégie conjointe Union africaine-ONU pour le successeur de la MINUAD et a espéré un retrait responsable. Il a néanmoins conseillé de bien voir si les conditions sont réunies avant la fermeture de la MINUAD, compte tenu des capacités très limitées de l’État soudanais et du Gouvernement de transition d’exercer leur autorité sur l’ensemble du territoire. Il faut tenir compte de la situation régionale, des attentes du peuple soudanais et de l’opinion des autorités, a insisté le représentant qui a encouragé des mesures punitives contre ceux qui entravent le processus de paix. L’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire et la Guinée équatoriale, a-t-il martelé, condamnent « la milice » d’Abu Wahid al-Nur et invitent le Conseil et la communauté internationale à faire de même.
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a souhaité que le nouveau mandat de la MINUAD soit adapté à la situation sur le terrain et qu’il vienne confirmer son retrait futur. Le mandat doit comprendre un appui à la transition politique et refléter les mesures prises pour l’après-retrait. Le dialogue de Djouba, a dit à son tour le représentant, offre l’occasion de rétablir la paix au Darfour et le plan de retrait de la MINUAD doit tenir compte de ce développement. Le représentant a aussi insisté sur l’appropriation nationale, saluant, à ce propos, la coopération étroite entre la Mission et les autorités soudanaises. Une paix durable au Darfour passe par la poursuite de cette coopération, a-t-il insisté, avant de rappeler que le « nouveau Soudan » a besoin de notre appui » et cela commence par la levée des sanctions et son retrait de la liste des parrains du terrorisme. Ces mesures, a estimé le représentant, démontreraient que la communauté internationale soutient « véritablement » le Soudan dans les actes et pas seulement dans les paroles.
Mme BERIOSKA ILUMINADA MORRISON GONZÁLEZ (République dominicaine) a exhorté les parties à négocier « de bonne foi », à maintenir l’élan et à prendre les engagements qui s’imposent pour rétablir la confiance du peuple soudanais dans ses autorités et garantir une paix durable. En dépit des jalons positifs dans le domaine politique, il faut se garder de se détourner de la crise que traverse le Soudan, a-t-elle prévenu, soulignant que le Darfour est une zone truffée de conflits intercommunautaires non résolus et le théâtre d’une grave situation humanitaire, avec près de deux millions de personnes plongées dans une insécurité alimentaire, alors que 55% des terres arables sont en détérioration à cause de la sécheresse.
Outre les violations des droits de l’homme, principalement contre les enfants et les femmes, la violence sexuelle reste alarmante, a ajouté la représentante qui a jugé impératif de renforcer le système judiciaire et d’établir les responsabilités pour ces crimes. À cet égard, elle a salué l’ouverture de bureaux des droits de l’homme et la nomination de Mme Nemat Abdullah Mohammed Khair, première femme Présidente de la Cour suprême de justice. La représentante a également fortement plaidé pour la prise en compte de la situation des femmes et s’est félicitée de ce que le nouveau Gouvernement comprenne la première femme Ministre des affaires étrangères, Mme Asma Mohamed Abdalla. Elle a appelé au respect du quota de 40% de femmes au Parlement et à l’application de la proposition de créer des commissions nationales d’évaluation de la situation des femmes et des jeunes.
M. ROLLIANSYAH SOEMIRAT (Indonésie) a d’abord cité les développements encourageants et longtemps espérés au Soudan, dont la signature de la Déclaration de Djouba; l’accord donné à l’ouverture d’un bureau des droits de l’homme; et l’ouverture de pourparlers de paix à Djouba qui devront avancer grâce à un dialogue inclusif et la cessation des hostilités. Il a souligné l’importance d’organiser un retrait responsable de la MINUAD, guidé par une évaluation soigneuse de la situation sur le terrain, y compris en envisageant son maintien. Le retrait doit s’organiser de manière à préserver les acquis. Le représentant a aussi insisté sur l’impératif de conduire des consultations « ponctuelles, amples et significatives » avec les autorités soudanaises sur un mécanisme de suivi. L’Union africaine et l’ONU doivent harmoniser leurs initiatives avec tous les instruments à leur disposition. Il ne faut pas perdre de vue, a-t-il mis en garde, les besoins humanitaires et les difficultés économiques persistantes. Pour garantir la préservation des gains politiques, le Soudan doit pouvoir mobiliser une assistance financière, une aide commerciale et des investissements. La communauté internationale doit, quant à elle, faire davantage pour alléger les souffrances de la population.
M. LUIS UGARELLI (Pérou) a formé le vœu que la formation du Gouvernement, la Déclaration constitutionnelle et celle de Djouba présagent d’une nouvelle ère de paix au Soudan. Il a loué les efforts du Conseil de souveraineté et du Gouvernement pour amener à la table de négociation les groupes armés. Sans un accord inclusif, a-t-il prévenu, la paix restera difficile. Le représentant s’est d’ailleurs dit préoccupé par l’insécurité au Darfour et déploré la violence dans le Jebel Marra. Il a aussi condamné la récurrence des violations des droits de l’homme, notamment la violence sexuelle à l’égard des femmes et des enfants. Il a donc mis l’accent sur l’importance de l’accord en vue de l’ouverture au Soudan d’un bureau des droits de l’homme. Il a réaffirmé la responsabilité du Conseil de sécurité de veiller à une sortie réussie de la MINUAD pour éviter un vide qui pourrait faire renaître les tensions ou créer de nouvelles menaces.
M. OMER MOHAMED AHMED SIDDIG (Soudan) a appuyé les conclusions du Rapport du Secrétaire général et confirmé que son pays connaît un nouveau départ après la « révolution glorieuse » de décembre dernier. Le Gouvernement de transition s’est engagé dans plusieurs priorités dont la première est le retour de la paix. C’est dans ce cadre que des négociations ont commencé lundi dernier à Djouba, a-t-il rappelé. Il a dit espérer qu’un accord sera signé pour une nouvelle ère de paix au Soudan et a invité la communauté internationale à faire pression sur le chef rebelle Abdul Wahid pour obtenir de lui qu’il prenne part aux négociations.
La situation au Darfour, a estimé le représentant, ne doit plus être considérée comme relevant du Chapitre VII de la Charte. Elle relève plutôt, a-t-il jugé, de la consolidation de la paix et du développement. Il a demandé au Conseil de sécurité de donner la priorité à la paix et la stabilité lorsqu’il examinera la prorogation du mandat de la MINAUD. À son tour, le représentant a réclamé la levée des sanctions économiques et financières et le retrait du Soudan de la liste des parrains du terrorisme, « une activité à laquelle le peuple soudanais n’a jamais pris part ». Pour garantir une transition sans heurt, il a plaidé pour que les activités humanitaires soient coordonnées par le Gouvernement. Il a également plaidé pour une aide au renforcement des capacités administratives locales de l’état de droit. C’est justement dans cette optique que le pays a signé un accord avec le Bureau de la Haut-Commissaire aux droits de l’homme pour la mise en place d’un bureau des droits de l’homme au Soudan, a-t-il souligné.
« Le Soudan d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celui de ces dernières décennies », a martelé le représentant. « C’est un pays qui veut se joindre au reste de la communauté internationale, qui est épris de paix, attaché au droit international et respectueux des droits de ses citoyens », a-t-il affirmé. Le Gouvernement accorde une place particulière aux femmes dont l’une, fait historique dans la région, a été nommée Ministre des affaires étrangères, alors que trois autres ont été nommées dans le Gouvernement. Quant au Conseil législatif de transition, il comptera au moins 40% de femmes, a-t-il assuré, avant de rappeler que les Soudanaises ont grandement contribué à la révolution.