En cours au Siège de l'ONU

8642e séance – matin
CS/13990

Yémen: les membres du Conseil de sécurité saluent la désescalade mais exigent le respect des accords conclus pour alléger les souffrances

Les membres du Conseil de sécurité ont salué, ce matin, les premières « lueurs d’espoir » apparues au Yémen, notamment avec la désescalade dans le Sud. Mais ils ont aussi constaté la fragilité de cette évolution et le caractère « catastrophique » de la situation humanitaire, ce qui les a amenés à demander que soit conclu un véritable accord de paix global, afin d’alléger les souffrances de la population.

Présentant par visioconférence depuis Riyad un état des lieux, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, M. Martin Griffiths, a parlé d’un calme relatif à Aden et d’une absence notable de combats intenses dans les zones de conflit, grâce à « la retenue des belligérants » sur le terrain.

M. Griffiths a en particulier salué les efforts diplomatiques de l’Arabie saoudite, qui parraine les pourparlers de Djedda entre le Gouvernement du Yémen et le Conseil de transition du Sud, région où l’agitation risquait depuis l’été d’ajouter à la guerre civile qui oppose le Gouvernement et les milices houtistes depuis cinq ans.  L’Envoyé spécial a souligné l’importance d’un accord rapide entre les deux parties, afin de rétablir la souveraineté du Gouvernement à Aden et le fonctionnement des institutions étatiques sur l’ensemble du territoire.  « Il existe des possibilités qu’il faudra saisir, mais les défis persistent » a-t-il conclu, en souhaitant pouvoir exposer « davantage de raisons d’espérer » lors de son prochain compte-rendu.   

Les réunions organisées en septembre avec les parties yéménites, en marge de l’Assemblée générale, par les membres permanents du Conseil ainsi que l’Allemagne, le Koweït et la Suède, ont déjà permis de lever certains obstacles à la discussion.  Mais la confiance est indispensable pour que l’accord sur la démilitarisation du port d’Hodeïda soit pleinement mis en œuvre, a notamment prévenu M. Griffiths.

« Cette lueur d’espoir, nous souhaitons qu’elle se cristallise mais nous n’y sommes pas encore », a appuyé la représentante du Royaume-Uni.  « Les représentants du Sud doivent être associés au Gouvernement pour enclencher un cercle vertueux » a-t-elle estimé, en saluant également, comme beaucoup d’autres intervenants, l’action facilitatrice de l’Arabie saoudite.

Concernant le conflit entre le Gouvernement et les houtistes, plusieurs  membres du Conseil ont jugé essentiel de mettre pleinement en œuvre les accords déjà conclus, regroupés principalement dans l’Accord de Stockholm de décembre dernier, approuvé par le Conseil dans sa résolution 2451 (2018), accords qui ont déjà contribué à réduire les violences.  Pourtant, la représentante du Royaume-Uni s’est dite très inquiète de l’intensification des attaques des houthistes contre l’Arabie saoudite ces derniers mois, alors que ses homologues de la France et de l’Allemagne saluaient l’annonce, le 20 septembre, par ces mêmes houthistes, de l’arrêt de leurs frappes.

Les membres du Conseil sont toutefois apparus d’accord pour dire qu’il fallait aller au-delà des engagements actuels.  Seul un accord de paix global permettra de mettre durablement fin aux souffrances de la population yéménite, ont-ils reconnu, en accord avec le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Mark Lowcock . 

En dépit de la relative baisse de tension, 30 lignes de front sont actuellement ouvertes au Yémen a rappelé M. Lowcock, qui a cité le chiffre de 13 civils tués chaque jour en moyenne en septembre, soit le mois le plus meurtrier pour les civils depuis le début de l’année.  Pour lui, les belligérants doivent impérativement honorer leurs obligations au titre du droit international humanitaire.  Pour accéder aux populations, le défi est permanent, « en particulier au nord » a-t-il insisté, en évoquant le spectre de la famine et un risque élevé de choléra faute d’hygiène.

« Treize morts par jour ce n’est pas acceptable », ont renchéri les États-Unis, qui se sont présentés comme le principal bailleur de fonds du Yémen, avec plus de 2 milliards de dollars depuis 2015.  La hausse brutale du prix du carburant, entrave l’acheminement de l’aide, la délivrance des services d’hygiène de base et de l’eau, ont alerté plusieurs intervenants, notamment les représentants de la Belgique et de la République dominicaine.

En fin de séance, le représentant du Yémen a assuré que son gouvernement s’efforçait de garantir la paix et faisait preuve « d’une grande souplesse » dans la mise en œuvre des accords.  Le Gouvernement est ainsi prêt à déployer des observateurs pour faciliter la désescalade et prévenir les incidents et violations de l’Accord de Stockholm, a-t-il ajouté.  Mais il a demandé à la communauté internationale de garantir l’application des accords conclus, faute de quoi les chances de paix ne peuvent que s’amenuiser.  En effet, a-t-il accusé, « les milices houthistes se nourrissent de la guerre dans le pays , tout comme l’Iran ».

Enfin, avec le Royaume-Uni, le représentant yéménite a mis en garde contre le risque de marée noire de grande ampleur lié à l’abandon du pétrolier Safer en mer Rouge, susceptible de déverser des quantités de pétrole « quatre fois supérieures à celle de la marée noire de l’Exxon Mobil dans les années 90 » en Alaska, a-t-il précisé. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

M. MARK LOWCOCK, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a rappelé les cinq priorités définies par l’ONU pour répondre à la situation au Yémen: la protection des civils, l’accès humanitaire, le financement des opérations de secours, le soutien à l’économie et la recherche d’une solution politique. 

Sur le premier point, M. Lowcock a donné le chiffre effroyable de 13 morts en moyenne par jour au cours du mois de septembre, soit le mois le plus meurtrier pour les civils depuis le début de l’année.  Rappelant que 30 lignes de front étaient actuellement ouvertes au Yémen, il a renouvelé les appels de l’Organisation à un cessez-le-feu national immédiat, toutes les parties au conflit devant honorer instamment leurs obligations au titre du droit international humanitaire en protégeant les civils et les infrastructures civiles. 

M. Lowcock a également souligné le défi permanent que représente l’accès humanitaire à travers le pays, en particulier dans le nord, tant sont nombreuses les restrictions de déplacements imposées par les autorités du mouvement Ansar Allah.  Il a déploré que l’accès ait été rendu impossible par ces dernières dans les zones touchées par de récentes inondations ayant affecté plus de 12 000 familles des localités de Hajjah et Hodeïda. 

M. Lowcock a ensuite abordé la situation dans le sud du pays où, a-t-il salué, progressent les pourparlers entre le Gouvernement et le Conseil de transition du Sud, les parties étant conscientes qu’une reprise des hostilités dans la région impacterait les populations civiles et la conduite des opérations humanitaires.  Or, a-t-il noté, plusieurs organisations ont récemment suspendu leurs programmes dans des zones d’Abiyan et de Chaboua en raison d’affrontements. 

Pour ce qui est du financement de l’aide humanitaire, le Coordonnateur des secours d’urgence a reconnu que nombre d’agences avaient encore le plus grand mal à mobiliser les fonds nécessaires à leur bon fonctionnement.  Il a néanmoins salué les contributions effectuées en marge du débat général de l’Assemblée générale par l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Koweït, qui ont alloué respectivement 550, 200 et 88 millions de dollars aux différents dispositifs humanitaires onusiens.  M. Lowcock a précisé que le plan d’aide était désormais financé à hauteur de 65%. 

Abordant le volet économique de la situation au Yémen, M. Lowcock a expliqué que, parce que le pays importe à peu près la totalité de ses biens, les prix avaient plus que doublé depuis l’effondrement de l’économie nationale l’an dernier.  « Les biens de consommation les plus élémentaires sont de fait hors de prix pour des millions de personnes, au point que celles-ci ne sont pas en mesure d’acheter la nourriture vendue sur les marchés », a-t-il précisé.  S’il a salué les efforts du Gouvernement pour stabiliser le taux de change, payer davantage de fonctionnaires et consolider l’économie, il a retenu que ceux-ci ne pourraient suffire à lever l’obstacle majeur que constitue le manque de devises étrangères.  « J’appelle les partenaires du Yémen à injecter de manière régulière des devises étrangères de façon à stabiliser le taux de change sur la durée et permettre ce faisant une baisse durable des prix de la nourriture et d’autres marchandises, notamment le carburant », a lancé M. Lowcock. 

À propos précisément du carburant, le Secrétaire général adjoint a signalé que les prix excessifs du carburant sapaient l’acheminement de l’aide humanitaire, le fonctionnement des systèmes municipaux de fourniture d’eau et des usines d’assainissement et celui des hôpitaux.  En conclusion, M. Lowcock a déclaré que les fonds reçus récemment au titre du plan d’aide permettraient aux agences humanitaires de maintenir en vie des millions de personnes: « Plus doit être fait pour non seulement réduire les souffrances de ces personnes mais pour y mettre fin », a-t-il dit. 

M. MARTIN GRIFFITHS, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, a souligné que la situation dans le sud du pays restait volatile, marquée par un calme relatif à Aden et l’absence notable de combats intenses dans les zones de conflit.  M. Griffiths a voulu voir dans cette évolution le témoignage de la retenue des belligérants sur le terrain.  Saluant les efforts diplomatiques de l’Arabie saoudite qui parraine les pourparlers de Djeddah, il a rappelé l’importance d’un accord rapide entre le Gouvernement du Yémen et le Conseil de transition du Sud: « Il est de la première importance que le Gouvernement retourne à Aden et que les institutions étatiques redeviennent pleinement opérationnelles », a-t-il dit.  

M. Griffiths a jugé que la confiance était indispensable pour que l’Accord sur Hodeïda soit pleinement mis en œuvre et, qu’à cet égard, l’établissement d’un centre d’opération conjointe rattachée à la Mission des Nations Unies en appui à l’Accord sur Hodeïda, avait déjà entraîné une réduction significative des violations du cessez-le-feu.  D’autre part, M. Griffiths a salué la libération de 290 détenus par les autorités d’Ansar Allah et l’autorisation du Gouvernement de faire entrer dans Hodeïda des navires transportant du carburant.  « Cette importance décision permettra de répondre aux besoins humanitaires », a-t-il dit. 

Enfin, l’Envoyé spécial a noté que l’évolution de la situation offrait des motifs d’espoir, en souhaitant toutefois que, lors de la prochaine séance d’information du Conseil de sécurité sur le Yémen, les indications positives et les raisons d’espérer soient encore plus franches et nombreuses.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a salué la réduction des violences sur place, tout en estimant qu’un dernier effort était nécessaire.  Sur le plan humanitaire, en dépit des bonnes nouvelles, certains éléments risquent de plonger la population dans la famine: 13 victimes par jour, c’est beaucoup trop, a déclaré la représentante.  Sur le plan politique, elle s’est dite très inquiète de l’intensification des attaques houthistes contre l’Arabie saoudite ces derniers mois.

Cette lueur d’espoir, nous souhaitons qu’elle se cristallise et soit plus visible, mais nous n’y sommes pas encore, a résumé Mme Pierce.  Pour le Royaume-Uni, le Conseil de sécurité doit appeler toutes les parties à tout faire pour franchir cette prochaine étape et doit clairement faire davantage.  Dans le Sud, l’inclusion est la clef de la stabilité: les représentants du Sud doivent être associés au Gouvernement pour enclencher un cercle vertueux.  La représentante a en ce sens salué l’action des Saoudiens, qui ont participé aux pourparlers avec le Conseil de transition du Sud et les dirigeants du mouvement. 

Mme Pierce a mis en garde contre le risque de marée noire, qui dégraderait l’environnement et les capacités de pêche si le pétrolier Safer venait à exploser.  Enfin elle a demandé à chacun de contribuer à l’assistance humanitaire, comme l’a fait son pays, qui a versé 87% de sa contribution. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a dit se réjouir des signes positifs encourageants en vue de la résolution du conflit dont a fait état M. Griffiths, même si la mise en œuvre de l’Accord de Stockholm a été lente.  Le Koweït, qui appuie toutes les initiatives visant le règlement définitif de cette guerre, reste disposé à accueillir de nouveau une rencontre visant à parvenir à la paix au Yémen, sur la base des trois paramètres agréés dans la résolution 2216 (2015) et l’Accord de de Stockholm, a dit le représentant. 

Concernant la situation humanitaire, le Koweït reste engagé à alléger la souffrance des populations.  Il a versé 600 millions de dollars au plan de secours humanitaire, dont 350 millions entièrement versés aux organismes de secours.  Pour cette raison, la délégation souligne l’importance de ne pas mettre des entraves à la livraison et acheminement de l’aide humanitaire et des produits pétroliers au port d’Hodeïda, a conclu le représentant. 

Pour M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis), les informations sur l’insécurité alimentaire sont inquiétantes, même avec l’aide des agences humanitaires.  Les États-Unis ont versé 2,2 milliards de dollars depuis 2013 ce qui en fait l’un des plus grands bailleurs au Yémen, a fait observer le représentant.

Mais la seule façon de mettre fin aux souffrances est d’en finir avec la guerre par une solution politique, a poursuivi le représentant.  La mise en œuvre de l’Accord sur Hodeidah ne peut suffire sans une solution plus large.  En même temps, les États-Unis se réjouissent de constater que les discussions entre le Gouvernement du Yémen et le Conseil de transition du Sud ont bien avancé.  Ils espèrent que ces discussions permettront aux Nations Unies d’avancer vers un accord d’ensemble.  L’heure est venue d’agir de manière concrète, a conclu le représentant.

M. NICOLAS DE RIVIÉRE (France) a jugé la situation humanitaire au Yémen « catastrophique » et estimé que la réponse du Conseil devait être à la hauteur.  La protection des civils et des personnels humanitaires et celle des infrastructures civiles doivent être une priorité absolue.  Tout doit être fait pour garantir un accès humanitaire immédiat, sûr et sans entrave, a-t-il insisté, dénonçant les restrictions croissantes imposées par les houthistes et appelant à verser les contributions nécessaires sans délais.

Seule une solution politique permettra de mettre durablement fin aux souffrances de la population yéménite et elle doit intervenir au plus vite, a rappelé le représentant, qui a demandé aux parties de rechercher une telle solution le plus rapidement et activement possible.  Il a déploré que l’Accord sur Hodeïda ne soit pas entièrement mis en œuvre.  Il a en revanche salué l’annonce faite par les houthistes le 20 septembre de l’arrêt de leurs frappes et la désescalade qui s’en est ensuivie. 

M. de Rivière a dit redouter que les affrontements au Sud n’ouvrent un nouveau front.  Il a salué les progrès permis par le dialogue de Djeddah lancé à l’initiative de l’Arabie saoudite.  Il a souhaité qu’un accord, jugé imminent, aboutisse effectivement au plus vite.

Mme BERIOSKA ILUMINADA MORRISON GONZÁLEZ (République dominicaine) a dit espérer que les négociations en vue d’aboutir à l’ouverture de couloirs humanitaires aboutiront rapidement, afin de soulager les souffrances de la population.  Elle s’est dite encouragée que l’Accord sur Hodeïda reste en vigueur mais s’est inquiétée que la démarcation des zones minées ne soit pas encore achevée, alors qu’elle est indispensable à la facilitation d’un accès humanitaire effectif et à la reprise de l’activité économique, surtout dans les ports.  La représentante s’est notamment inquiétée de l’augmentation brutale du prix du carburant, à Sanaa et ailleurs, qui entrave le fonctionnement des services de base, y compris des hôpitaux, et renchérit le prix des aliments. 

Au-delà du conflit, le sous-développement continue de priver des millions d’enfants d’éducation et d’espoir, a ajouté Mme Morrison González, qui a insisté sur l’urgence absolue de verser les contributions nécessaires au plan de réponse humanitaire, de façon qu’il bénéficie de financements suffisants et prévisibles.  Ce n’est de toute façon que par la voie politique qu’il pourra être mis fin à ce conflit, a conclu la représentante. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a jugé que l’initiative lancée à Djeddah était « louable ».  Avec l’annonce de la cessation des attaques contre l’Arabie saoudite, il est à espérer que ces initiatives conduisent à la paix, car cette crise n’a pas d’issue militaire, a poursuivi le représentant, ajoutant qu’il était important de respecter et de mettre en œuvre l’Accord de Stockholm.

M. Nebenzia a également estimé que la meilleure manière de résoudre la question humanitaire était de parvenir à la conclusion d’un accord de paix général qui aurait pour effet de restaurer la paix et la confiance de manière globale dans la région.

M. PAUL DUCLOS (Pérou) a estimé que les informations fournies par MM. Lowcock et Griffiths, ainsi que celles récoltées auprès des organisations de la société civile et des organismes des Nations Unies, permettaient d’appréhender la situation de manière équilibrée et objective.  De plus, l’Envoyé spécial a fait état de signes positifs qui peuvent aboutir à des progrès tangibles vers une paix durable au Yémen, s’est réjoui le représentant, citant la décision unilatérale de Ansar Allah de libérer les prisonniers et de cesser ses attaques sur le territoire saoudien.  Le Pérou attend, de même que les membres de la Coalition internationale dirigée par l’Arabie saoudite intervenant au Yémen, une réponse aux demandes de la communauté internationale, car il est important de réduire les tensions sur le terrain.  À cet égard, le Pérou salue les bons offices déployés par l’Arabie saoudite et espère que ces efforts aboutiront à un accord permettant de consolider les institutions yéménites et de garantir l’intégrité territoriale du pays. 

M. JUN ZHANG (Chine) a salué la médiation de l’Arabie saoudite qui a permis des pourparlers entre le Gouvernement et le Conseil de transition du Sud: il est essentiel que les parties continuent de discuter dans l’intérêt de leurs populations, dans le respect de la souveraineté et de l’indépendance du Yémen, a-t-il estimé. 

Il est essentiel aussi de mettre en œuvre les accords déjà conclus comme l’Accord sur Hodeïda qui a contribué à réduire les violences, a poursuivi M. Zhang.  Il faut de même saluer les progrès réalisés dans le déminage et la gestion des ports, essentiels à la reprise de l’activité économique et à la livraison de l’aide humanitaire.  Le représentant a appelé l’Envoyé spécial à conserver le lien établi avec toutes les parties pour jeter les bases d’un accord solide.  Il a conclu en regrettant que la situation humanitaire ne cesse de se dégrader, avec un risque de famine et de choléra.

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a dit se réjouir du bon fonctionnement du mécanisme de désescalade et du Centre des opérations conjointes.  Mais la Belgique appelle les parties à mettre en œuvre entièrement l’Accord de Stockholm, soit l’accord concernant le port d’Hodeïda, mais aussi la libération de tous les prisonniers et les mesures concernant la ville de Taïz. 

Le Représentant a également estimé que les prochaines étapes du processus politique devaient être inclusives, avec une participation significative des femmes et des jeunes.  Dans ce contexte, la Belgique salue les pourparlers organisés par l’Arabie saoudite à Djeddah visant à trouver une solution à la situation dans le sud du pays.

Dans un autre domaine, la Belgique reste préoccupée par la crise humanitaire et l’impact des pénuries de carburant.  Elle exhorte donc les parties à faciliter l’accès de l’aide humanitaire et à respecter le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme.  Elle les appelle aussi à cesser toutes les hostilités dans l’ensemble du pays et à protéger les enfants de la violence.

M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a regretté qu’ en dépit d’une position unifiée du Conseil de sécurité selon laquelle le conflit au Yémen ne peut être résolu militairement, la violence se poursuive sans interruption dans divers provinces du pays.  Il a exhorté toutes les parties au conflit à faire de la protection des civils une priorité et à respecter au niveau national un cessez-le-feu afin de prévenir des déplacements de population, des pertes humaines et des dégâts aux infrastructures supplémentaires.  En outre, toutes les restrictions sur les flux d’aide et d’importation d’articles humanitaires doivent cesser, a exhorté le représentant.

M. Lewicki s’est toutefois félicité des développements positifs survenus depuis la dernière séance du Conseil de sécurité à ce sujet, dans la libération unilatérale de détenus par Ansar Allah.  « Nous espérons que toutes les parties s’appuieront sur cet élément pour parvenir à des progrès tangibles » sur la mise en œuvre de la partie de l’Accord de Stockholm concernant l’échange de prisonniers », a déclaré le représentant, qui s’est également félicité de l’engagement financier de l’Arabie saoudite, qui permettra aux agences humanitaires de continuer à fournir une assistance cruciale.

M. TIEMOKO MORIKO (Côte d’Ivoire) a d’abord exprimé sa vive préoccupation face à l’ampleur de la détérioration continue de la situation humanitaire au Yémen, « qui fait craindre une menace de famine généralisée ».  Il a également dit redouter que, comme l’indique le rapport du Secrétaire général, un conflit prolongé au Yémen puisse faire de ce pays le plus pauvre du monde, avec près de 80% de la population vivant sous le seuil de pauvreté, dont 65% dans une pauvreté extrême. 

Le représentant a estimé que seul un dialogue inclusif, avec l’appui des acteurs régionaux et internationaux, permettrait de trouver une issue pacifique et durable à la crise yéménite.  Il a ainsi salué l’adoption de la Déclaration présidentielle du 29 août 2019 appuyant les actions de l’Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Martin Griffiths, visant à relancer les négociations globales.  Après avoir appelé le Conseil de sécurité à poursuivre les efforts en vue d’assurer le succès des pourparlers de Djeddah, le représentant a exhorté les belligérants à appliquer sans réserve l’Accord de Stockholm, dont la partie relative au redéploiement des forces militaires des ports de Hodeïda, de Salif et de Ras Issa.  Il a répété que le conflit pouvait être résolu par le dialogue inclusif parce qu’« ouvert à la participation des populations du Sud, des femmes et de la société civile ».  

Mme AMPARO MELE COLIFA (Guinée équatoriale) s’est inquiétée que les progrès tant attendus dans le cadre de l’Accord de Stockholm ne soient pas au rendez-vous, ainsi que de la tournure qu’a pris le conflit ces derniers mois.  La représentante n’en a pas moins reconnu les efforts inlassables de l’Envoyé spécial du Secrétaire général, du Comité de coordination du redéploiement et des Nations Unies.  Elle a aussi estimé que le niveau de collaboration entre les différentes parties avait permis d’avancer.  Elle a ainsi salué le « résultat positif » produit par le comité de coordination en juillet et septembre, qui a permis l’accord sur les ports et l’activation du mécanisme d’action tripartite sur le cessez le feu.  Mais il est important que ces accords se traduisent concrètement sur le terrain, a fait observer Mme Mele Colifa.

L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont manifesté la volonté de faciliter un dialogue entre les parties yéménites, a rappelé Mme Mele Colifa, qui a souhaité que cette initiative contribue aux efforts des Nations Unies.

La représentante a aussi cité un rapport des Nations Unies sur les droits de l’homme citant une série d’atrocités constitutives de crimes de guerre: elle a appelé les parties au conflit à veiller au respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme et à trouver une solution politique pérenne pour sortir du « cauchemar » en cours depuis cinq ans.

M. JUERGEN SCHULZ (Allemagne) a salué les progrès enregistrés ces derniers mois, notamment la libération des prisonniers, l’annonce de la cessation d’attaques contre l’Arabie saoudite ou encore les pourparlers lancés à Djeddah.  Ce sont des mesures de nature à restaurer la confiance, a estimé le représentant, ajoutant qu’il faudrait maintenant progresser vers un accord plus global de paix.  L’Allemagne qui déplore le manque de progrès dans la mise en œuvre de l’Accord de Stockholm, reste engagée à jouer le rôle qui est le sien, a dit son représentant.

Le représentant a jugé « glaçante » la situation humanitaire et dénoncé les entraves imposées à l’accès de l’aide.  Aujourd’hui, cinq millions de personnes en sont privées, a-t-il déploré, saluant toutefois les contributions de l’Arabie saoudite.  Dans ce contexte, M. Schulz a appelé les parties à faciliter l’accès aux populations dans le besoin de l’aide et des travailleurs humanitaires.

M. ROLLIANSYAH SOEMIRAT (Indonésie) a déclaré qu’améliorer la sécurité et accélérer la désescalade devaient constituer la priorité au Yémen.  C’est pourquoi l’Indonésie se réjouit des signes positifs allant dans ce sens, y compris les développements positifs survenus à Aden et la réduction de la violence dans le sud du pays.  L’autre priorité doit être la reprise des pourparlers de paix avant la fin de cette année.  Et à cette fin, le Gouvernement du Yémen, les milices houthistes, de même que les autres parties prenantes, doivent reprendre le dialogue dans le but de s’engager dans une cessation plus large des hostilités et pour mettre un terme au conflit.

Par ailleurs, la mise en œuvre de l’Accord de Stockholm doit se poursuivre, avec l’application intégrale de l’Accord sur Hodeïda.  À cet égard, l’Indonésie salue l’activation du mécanisme tripartite d’amélioration du cessez-le-feu et de désescalade.

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du sud) a demandé aux parties au conflit d’œuvrer pour la désescalade et de s’engager pleinement dans la mise en œuvre de l’Accord de Stockholm.  Tous les pays qui ont une influence sur ces parties doivent les exhorter au dialogue, a-t-il dit.

Le représentant a déploré que la situation humanitaire ne cesse de s’aggraver, affirmant que 80% de la population, soit 24 millions de personnes, avaient besoin d’aide et de protection humanitaires sous une forme ou une autre. Parmi cette population, il faut compter que les deux tiers sont déjà dans une situation de préfamine et que 85 000 enfants de moins de 5 ans sont déjà morts de faim, a jouté le représentant.

M. Matjila a rappelé que, selon l’UNICEF, deux millions d’enfants ne vont plus à l’école et que 2 500 garçons ont rejoint les groupes de combattants, tandis que plus de la moitié des filles yéménites ont été mariées de force.  Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme estime quant à lui que, depuis le début du conflit, presque 7 000 civils ont été tués et 10 000 autres blessés.  Ce conflit a également déplacé des milliers de personne fuyant les combats et privés des millions de personne de nourriture et de médicaments.  Pour ces raisons, l’Afrique du Sud lance à nouveau un appel en faveur d’un accès de l’aide humanitaire.  Elle demande également que les parties prennent toutes les mesures pour respecter leurs obligations au titre des Conventions de Genève.

M. ABDULLAH ALI FADHEL AL-SAADI (Yémen) a assuré que son gouvernement s’efforçait de garantir la paix et de mettre fin aux souffrances de la population, faisant preuve d’une grande souplesse dans la mise en œuvre des accords et acceptant les suggestions de M. Griffiths.  Mais les milices houthistes se nourrissent de la guerre dans le pays, tout comme l’Iran qui les appuie et finance leurs activités de déstabilisation dans la région, a-t-il accusé.  Le représentant a insisté sur l’importance de l’Accord de Stockholm, qui doit être pleinement mis en œuvre car il permettrait alors d’alléger les souffrances du peuple.  Il a salué les efforts du Comité pour le redéploiement.

Conformément aux accords conclus à la sixième session du comité,  le Gouvernement s’est dit prêt à déployer des observateurs pour faciliter la désescalade et prévenir les incidents et violations de l’accord, a expliqué le représentant.  Mais il a ajouté que la communauté internationale et le Conseil de sécurité devraient faire davantage pour garantir l’application de l’Accord de Stockholm car, si les accords conclus ne sont pas appliqués, les chances de paix ne peuvent que s’amenuiser.

M. Al-saadi a salué les efforts de l’Arabie saoudite pour faciliter le dialogue en faveur du rétablissement de l’État à Aden et de l’intégrité du territoire yéménite.  L’objectif est de mettre fin aux tentatives de coup d’État lancées par les milices houthistes avec le soutien de l’Iran, a-t-il ajouté.  Les milices houthistes continuent cependant de refuser les propositions pour rouvrir aux vols intérieurs l’aéroport de Sanaa qu’elles occupent, obligeant les gens à emprunter de longs itinéraires, a ainsi dénoncé le représentant.  Les houthistes ont certes libéré des prisonniers mais cela ne suffit pas, a-t-il insisté, affirmant que ces libérations ne devraient pas faire l’objet de conditions.

M. Al-saadi a rappelé que le Gouvernement avait donné accès à 10 navires qui doivent décharger leur cargaison mais a, là encore, insisté sur le rôle « néfaste » des milices houthistes, qu’il a accusées d’entraver l’accès de l’aide humanitaire et d’intimider les personnels humanitaires.  Il a demandé sur ce point des mesures strictes pour garantir le statut des organismes d’aide présents au Yémen.

S’agissant du cas du pétrolier Safer, le représentant a mis en garde contre le risque de catastrophe de grande ampleur, des quantités importantes de pétrole « quatre fois supérieures à celle de la marée noire de l’Exxon Mobil dans les années 90 » étant susceptibles de se déverser.  Il est temps de garantir au Yémen l’établissement d’un État fédéral stable, a conclu M. Al-saadi.

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