Le Conseil de sécurité proroge d’un an, jusqu’au 15 septembre 2020, le mandat de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye
À l’unanimité de ses membres, le Conseil de sécurité a adopté, ce matin, la résolution 2486 (2019) qui proroge d’un an, jusqu’au 15 septembre 2020, le mandat de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), chargée de faciliter le processus de transition dans ce pays, dont la capitale, Tripoli, continue d’être le théâtre de combats entre les forces du Gouvernement d’entente nationale de M. Faiez al-Serraj et celles de l’Armée nationale libyenne (ANL) du général Khalifa Belqasim Haftar.
Conformément aux préconisations formulées, lors de son briefing du 4 septembre, par le Représentant spécial pour la Libye et Chef de la MANUL, M. Ghassan Salamé, le Conseil profite de ce texte présenté par le Royaume-Uni, porte-plume pour la Libye, pour adapter légèrement le mandat de la Mission en y ajoutant la notion d’« appui modulable » pour toute forme de trêve ou de cessation des hostilités qui serait convenue entre les parties.
Le Conseil prie ainsi le Secrétaire général d’évaluer « les mesures à prendre pour parvenir à un cessez-le-feu durable » mais aussi « le rôle que pourrait jouer la MANUL dans la fourniture d’un appui modulable concernant le cessez-le feu et ce qui devrait être fait pour relancer le processus politique ». Il lui demande en outre de rendre compte dans ses rapports périodiques des « progrès accomplis dans la réalisation de ces objectifs ».
Dans la foulée de sa déclaration à la presse du 5 juillet, dans laquelle il appelait à un « cessez-le-feu durable » observé par toutes les parties, position consensuelle réaffirmée plusieurs fois en août, le Conseil réitère cet appel dans le préambule de la résolution 2486 (2019). Le texte exhorte également les parties à engager un dialogue politique sous la direction de M. Salamé.
S’agissant de l’embargo sur les armes, le Conseil durcit le ton, engageant, dans le préambule de la résolution, tous les États Membres à le « respecter pleinement », conformément à la résolution 2441 (2018) et à toutes les résolutions précédentes sur la question. En écho aux informations du Représentant spécial faisant état d’un afflux de combattants étrangers, il demande ensuite à tous les États Membres de « ne pas intervenir dans le conflit et de ne prendre aucune mesure susceptible d’aggraver le conflit ».
Dans le même ordre d’idées, le Conseil « se félicite des efforts déployés par le Groupe d’experts du Comité des sanctions concernant la Libye pour enquêter sur les violations de l’embargo, et souligne son intention de veiller à ce que ceux qui le violent répondent de leurs actes devant le Comité des sanctions ».
Enfin, face aux combats qui, depuis le 4 avril, date du début de l’offensive de l’ANL sur Tripoli, ont fait plus de 100 morts et 300 blessés parmi les civils, et forcé 120 000 autres à quitter leur foyer, selon les chiffres fournis par M. Salamé, le Conseil se déclare « gravement préoccupé » par la poursuite de ces hostilités et par « le fait que les infrastructures civiles sont prises pour cibles ». Il s’inquiète par ailleurs de ce que « le conflit est exploité par des groupes terroristes et par des groupes extrémistes violents ».
LA SITUATION EN LIBYE (S/2019/682)
Texte du projet de résolution (S/2019/724)
Le Conseil de sécurité,
Rappelant sa résolution 1970 (2011) et toutes ses résolutions ultérieures sur la Libye, notamment les résolutions 2259 (2015) et 2434 (2018),
Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de la Libye,
Prenant note des rapports du Secrétaire général sur la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) (S/2019/19 et S/2019/682),
Exprimant son appui sans réserve aux efforts que déploient la MANUL et le Représentant spécial du Secrétaire général, Ghassan Salamé, et soulignant le rôle central joué par l’Organisation des Nations Unies pour faciliter un processus politique inclusif dirigé et maîtrisé par les Libyens,
Engageant toutes les parties à œuvrer ensemble dans un esprit de compromis, à s’abstenir de toute action susceptible de compromettre le processus politique, à faire preuve de retenue, à protéger les civils et à s’engager sérieusement sur la voie de la réconciliation nationale, rappelant qu’il ne saurait y avoir de solution militaire en Libye, et appelant à nouveau toutes les parties à s’engager en faveur d’un cessez-le-feu durable et d’un dialogue politique sous la direction du Représentant spécial du Secrétaire général,
Se déclare gravement préoccupé par les hostilités qui se poursuivent à Tripoli et dans les environs ainsi que par le fait que les infrastructures civiles sont prises pour cibles, et s’inquiétant de ce que le conflit est exploité par des groupes terroristes et par des groupes extrémistes violents,
Demandant instamment que les femmes participent pleinement, effectivement et véritablement à toutes les activités liées à la transition démocratique, au règlement des conflits et à la consolidation de la paix, et appuyant les efforts déployés par le Représentant spécial du Secrétaire général pour favoriser le renforcement du rôle et de la participation des femmes venant de tous les horizons de la société libyenne au processus politique et aux institutions publiques,
Rappelant que les parties libyennes ont pris l’engagement de collaborer dans une logique constructive avec l’Organisation des Nations unies pour organiser des élections législatives et présidentielles crédibles et pacifiques et de respecter les résultats de ces scrutins, comme convenu à Paris en mai 2018, à Palerme en novembre 2018 et à Abou Dhabi en février 2019, se félicitant du travail accompli par la Haute Commission électorale nationale et par le Comité central des élections municipales pour préparer et conduire les élections nationales et municipales, se félicitant également du concours que la MANUL apporte à cette entreprise, et reconnaissant le rôle essentiel que le Représentant spécial du Secrétaire général joue dans les consultations menées avec les parties libyennes pour poser les bases constitutionnelles des élections et adopter les lois électorales nécessaires,
Demandant à nouveau à tous les Libyens de contribuer dans un esprit constructif à l’unification des institutions militaires et économiques libyennes, à la constitution de forces nationales de sécurité unifiées et renforcées, placées sous le contrôle des autorités civiles, et à l’unification de la Banque centrale de Libye,
Conscient qu’il est nécessaire de planifier le désarmement, la démobilisation et la réintégration des groupes armés et d’édifier une architecture de sécurité inclusive et placée sous le contrôle des autorités civiles pour toute la Libye,
Se félicitant du dialogue économique qui se tient en Libye et dans la région et du rôle que la MANUL joue à l’appui de cette initiative, demandant aux autorités libyennes d’améliorer la situation de trésorerie et de lutter contre l’économie de prédation, notamment les taux de change sur le marché noir, rappelant que le Premier Ministre Serraj a demandé à la MANUL et au Représentant spécial du Secrétaire général de faciliter l’examen financier des institutions économiques et financières et d’accompagner les efforts visant à réunifier ces institutions, soulignant qu’il importe de collaborer avec les institutions financières internationales, et s’inquiétant de l’immixtion de groupes armés dans les institutions souveraines de la Libye,
Rappelant que les ressources pétrolières de la Libye doivent profiter à tous les Libyens et rester sous le contrôle exclusif de la National Oil Corporation, et que le Gouvernement d’entente nationale conserve le contrôle exclusif des institutions économiques et financières du pays, avec la responsabilité d’assurer la distribution équitable des ressources dans tout le pays,
Rappelant également qu’il est nécessaire que les États Membres cessent de soutenir les institutions parallèles qui ne sont pas parties à l’Accord politique libyen, comme il est précisé dans celui-ci, et cessent tout contact officiel avec elles,
Se déclarant gravement préoccupé par la détérioration de la situation humanitaire en Libye, à savoir la dégradation des conditions de vie et l’insuffisance de services de base, ainsi que par la situation dans laquelle se trouvent les migrants, les réfugiés et les déplacés, qui sont notamment exposés à la violence sexuelle et fondée sur le genre, et engageant les autorités libyennes à atténuer d’urgence les souffrances du peuple libyen en accélérant la prestation des services publics,
Exhortant toutes les parties à prévenir et à combattre la violence sexuelle en temps de conflit et engageant les autorités libyennes à mettre fin à l’impunité des auteurs de crimes de violence sexuelle et fondée sur le genre conformément à ses résolutions applicables, en particulier la résolution 1325 (2000),
Réaffirmant que toutes les parties doivent se conformer aux obligations que leur imposent le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme, selon qu’il convient, et soulignant que quiconque est responsable de violations du droit international humanitaire et de violations des droits de l’homme doit répondre de ses actes,
Engageant les autorités libyennes à prendre toutes les mesures nécessaires pour enquêter sur les violations du droit international des droits de l’homme et sur les informations faisant état de violations des droits de l’homme, dont des faits de torture, de violence sexuelle et fondée sur le genre et de mauvais traitement commis dans les prisons et les centres de détention, et pour en traduire les auteurs en justice,
Se déclarant à nouveau préoccupé par le trafic de migrants et de réfugiés et par la traite d’êtres humains qui sévissent sur le territoire libyen, et se félicitant du travail mené par la MANUL pour coordonner et appuyer la fourniture de l’aide humanitaire aux réfugiés et aux migrants,
Demandant à nouveau à tous les États Membres d’appuyer sans réserve les efforts déployés par le Représentant spécial du Secrétaire général, engageant les États Membres à user de leur influence auprès des parties pour parvenir à un cessez-le-feu et relancer un processus politique inclusif, et demandant à nouveau à toutes les parties de coopérer pleinement aux opérations de la MANUL, notamment en prenant toutes les mesures voulues pour garantir la sécurité et la totale liberté de circulation du personnel des Nations Unies et du personnel associé,
Soulignant qu’il importe de veiller à ce que les mesures de sanction existantes soient pleinement appliquées et à ce que les violations soient signalées au Comité des sanctions concernant la Libye, et rappelant à cet égard que les personnes et entités se livrant ou prêtant leur concours à des actes qui menacent la paix, la stabilité ou la sécurité en Libye peuvent faire l’objet de sanctions ciblées conformément à la résolution 2441 (2018),
Engageant tous les États Membres à respecter pleinement l’embargo sur les armes conformément à la résolution 2441 (2018) et à toutes les résolutions précédentes sur la question, et engageant également tous les États Membres à ne pas intervenir dans le conflit et à ne pas prendre de mesures susceptibles d’aggraver le conflit,
Rappelant qu’il a constaté, dans sa résolution 2213 (2015), que la situation en Libye continuait de menacer la paix et la sécurité internationales,
1. Décide de proroger jusqu’au 15 septembre 2020 le mandat de la MANUL, mission politique spéciale intégrée placée sous la direction du Représentant spécial du Secrétaire général et chargée de mener des activités de médiation et des missions de bons offices dans le strict respect du principe d’appropriation nationale en vue d’appuyer:
i) Un processus politique inclusif et un dialogue sur la sécurité et l’économie;
ii) La poursuite de la mise en œuvre de l’Accord politique libyen;
iii) Le renforcement des dispositions du Gouvernement d’entente nationale en matière de gouvernance, de sécurité et d’économie, et notamment la réforme économique en collaboration avec des institutions financières internationales;
iv) Un éventuel cessez-le-feu;
v) Les étapes ultérieures de la transition libyenne, y compris le processus constitutionnel et l’organisation des élections;
2. Décide également que, sous réserve des contraintes opérationnelles et des conditions de sécurité, la MANUL doit s’acquitter des tâches suivantes:
i) Apporter une assistance aux principales institutions libyennes;
ii) Appuyer, sur demande, la fourniture de services essentiels et l’acheminement de l’aide humanitaire, dans le respect des principes humanitaires;
iii) Surveiller la situation des droits de l’homme et en rendre compte;
iv) Appuyer la sécurisation des armes incontrôlées et du matériel connexe et lutter contre leur prolifération;
v) Coordonner l’assistance internationale et appuyer, en lui fournissant conseils et assistance, le Gouvernement d’entente nationale dans son action visant à stabiliser les zones sortant de conflit, y compris celles qui ont été libérées du contrôle de Daech;
3. Prie le Secrétaire général d’évaluer les mesures à prendre pour parvenir à un cessez-le-feu durable, le rôle que pourrait jouer la MANUL dans la fourniture d’un appui modulable concernant le cessez-le feu et ce qui devrait être fait pour relancer le processus politique, et de rendre compte dans ses rapports périodiques des progrès accomplis dans la réalisation de ces objectifs;
4. Rappelle qu’il a décidé que tous les États Membres devaient respecter l’embargo sur les armes conformément à la résolution 2441 (2018) et toutes ses résolutions précédentes sur la question, demande à tous les États Membres de ne pas intervenir dans le conflit et de ne prendre aucune mesure susceptible d’aggraver le conflit, se félicite des efforts déployés par le Groupe d’experts du Comité des sanctions concernant la Libye pour enquêter sur les violations de l’embargo, et souligne son intention de veiller à ce que ceux qui le violent répondent de leurs actes devant le Comité des sanctions;
5. Prie la MANUL d’adopter systématiquement une démarche soucieuse d’équité entre les sexes dans l’exécution de son mandat et d’aider le Gouvernement d’entente nationale à assurer la participation pleine, effective et véritable des femmes à la transition démocratique, aux efforts de réconciliation, au secteur de la sécurité et aux institutions nationales, ainsi que la protection des femmes et des filles contre les violences sexuelles et fondées sur le genre en conformité avec la résolution 1325 (2000);
6. Constate que, depuis le 30 mars 2016, la MANUL a progressivement établi une présence constante en Libye, et se félicite des progrès accomplis par la Mission pour rétablir une présence à Tripoli, à Benghazi et dans d’autres parties de la Libye au fur et à mesure que les conditions de sécurité le permettent;
7. Accueille avec satisfaction les progrès accomplis par la MANUL dans la mise en œuvre d’une stratégie politique globale et d’une plus grande intégration et coordination stratégique de la Mission et des organismes, fonds et programmes des Nations Unies en Libye pour soutenir l’action menée sous la conduite du Gouvernement d’entente nationale en vue de la stabilisation du pays et invite la Mission à poursuivre ses efforts en ce sens;
8. Prie le Secrétaire général de continuer de lui rendre compte tous les 60 jours au moins de la mise en œuvre de la présente résolution;
9. Prie également le Secrétaire général de lui faire rapport, selon qu’il conviendra, après la tenue de consultations avec les autorités libyennes, sur les recommandations concernant l’appui que doit apporter la MANUL aux étapes ultérieures de la transition libyenne et les dispositions en matière de sécurité devant permettre à la Mission de rester agile et apte à faire face à l’évolution de la situation sur le terrain;
10. Décide de rester activement saisi de la question.