Le Conseil de sécurité débat des moyens de renforcer le respect du droit international humanitaire
Conseil de sécurité CS/13917
8596e séance – matin 13 août 2019
Soixante-dix ans après l’adoption, le 12 août 1949, des quatre Conventions de Genève, le Conseil de sécurité s’est interrogé, ce matin, sur les moyens de mieux appliquer le droit international humanitaire, ce corpus de lois qui, selon le Ministre des affaires étrangères de la Pologne, a joué un rôle vital pour juguler la brutalité qui a cours en temps de conflit armé. Face à la complexité croissante des conflits armés, le développement de nouvelles menaces, comme le terrorisme international et la multiplication des acteurs non étatiques, les intervenants ont confronté leurs vues sur les moyens juridiques et pratiques de faire face aux nouvelles évolutions.
Les membres du Conseil ont pu s’appuyer sur des exposés liminaires de M. Miguel De Serpa Soares, Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques et Conseiller juridique de l’ONU, M. Peter Maurer, Président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), et Mme Annysa Bellal, chercheuse et conseillère stratégique en droit international humanitaire à l’Académie de droit international humanitaire et de droits humains à Genève.
Dans un premier temps, le Conseiller juridique de l’ONU a rappelé que l’Article 3 commun aux quatre Conventions, qui concerne les conflits armés non internationaux et énonce en quoi consiste un minimum de traitement humain, notamment à l’égard des personnes qui ne participent pas directement aux hostilités ou encore des blessés et malades, avait marqué un moment historique pour l’humanité, car c’était la première fois que ce type de conflits armés se voyait réglementé par un traité multilatéral.
M. De Serpa a également observé qu’il aura fallu attendre 1967 pour voir le Conseil de sécurité invoquer les Conventions de Genève dans une résolution. Depuis, cet organe y fait expressément référence et a assuré un rôle crucial pour faire respecter le droit international humanitaire (DIH), que ce soit en mettant en place des tribunaux pénaux internationaux pour juger des crimes de guerre, des crimes de masse ou des crimes contre l’humanité, en créant des commissions d’enquêtes sur des violations du DIH ou en confiant aux opérations de maintien de la paix des mandats pour la protection des civils, sans oublier les autorisations de livraison transfrontière d’aide humanitaire et l’imposition de sanctions contre les auteurs de violations du DIH.
Le Ministre des affaires étrangères de la Pologne, M. Jacek Czaputowicz, qui présidait la séance, a estimé que le plus grand défi pour assurer la protection de la vie humaine dans le contexte des conflits modernes était le respect des règles existantes par les groupes armés étatiques et non étatiques, notant que les conflits modernes sont caractérisés par une augmentation du rôle des acteurs non étatiques.
M. Czaputowicz a également relevé que l’intelligence artificielle et les systèmes d’armes létaux autonomes, comme les robots militaires et les armes cybernétiques, réduisaient le rôle et le contrôle des facteurs humains pendant la guerre et étaient davantage à même de causer des dommages indiscriminés aux civils. Intervenant au nom de la Côte d’Ivoire et de la Guinée équatoriale, l’Afrique du Sud a, de plus, averti que les armes téléguidées et les systèmes d’armes létaux autonomes conduisaient à « déshumaniser la guerre » et a relevé que leur usage et les destructions qu’elles peuvent causer avaient de sérieuses implications juridiques, éthiques et pratiques pour le droit international humanitaire.
« En tant que « document vivant », notre compréhension du droit international humanitaire doit refléter les réalités actuelles », avait insisté au préalable le Président du CICR en citant, lui aussi, plusieurs « dilemmes nouveaux », dont la guerre urbanisée, l’augmentation du nombre de groupes armés, et les nouvelles lignes de front ouverte par la technologie dans le cyberespace, les systèmes d’armes létaux autonomes et la technologie à distance.
Si des délégations se sont interrogées sur les raisons de la persistance de violations du droit humanitaire, M. Maurer a estimé que la poursuite des violences ne signifiait pas que le droit était inadéquat, mais que les efforts pour le faire respecter étaient sont insuffisants. En écho à de nombreuses interventions sur l’importance de renforcer l’état de droit pour mieux appliquer le DIH, M. Maurer a demandé aux États de participer à un dialogue constructif et ouvert avec le CICR sur ces questions importantes. « Le monde, ne peut se permettre de passer à côté de l’opportunité de préserver l’humanité sur ces nouvelles frontières », a-t-il notamment affirmé.
Les Conventions de Genève constituent la clef de voute du droit international humanitaire qu’il s’agit de faire respecter, a rappelé le Ministre des affaires étrangères de l’Allemagne, M. Heiko Maas. Or, « nous ne sommes pas à la hauteur des attentes des plus vulnérables, nous ne sommes pas à la hauteur de nos obligations juridiques et morales », a-t-il notamment déploré.
Préoccupée du fait que certaines parties iraient mêmes jusqu’à intégrer sciemment les violations de ces règles dans leur stratégie militaire pour priver les populations de tout secours et obtenir leur reddition, la France a incité la communauté internationale à faire de l’accès de l’aide humanitaire aux populations civiles sa priorité. En ce sens, la France et l’Allemagne entendent présenter en septembre un appel à l’action humanitaire, destiné à identifier les actions concrètes que les États peuvent prendre pour renforcer le respect du droit international humanitaire.
De son côté, Mme Annysa Bellal, conseillère stratégique en droit international humanitaire, a estimé que la pression par les pairs demeurait un mécanisme « intéressant » pour améliorer le système global de protection du DIH. Elle a également proposé, dans le cadre de l’obligation de respecter et de faire respecter les Conventions de Genève, de conditionner le comportement des parties au conflit à l’aide financière qu’elles peuvent recevoir du Fonds des Nations Unies pour la consolidation de la paix.
PROMOTION ET RENFORCEMENT DE L’ÉTAT DE DROIT DANS LE CADRE DES ACTIVITÉS DE MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES (S/2019/629)
DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE
Déclarations
M. JOÃO MIGUEL FERREIRA DE SERPA SOARES, Secrétaire général adjoint aux affaires juridiques et Conseiller juridique des Nations Unies, a rappelé que les quatre Conventions de Genève avaient été adoptées le 12 août 1949 puis entrées en vigueur le 21 octobre 1950, et qu’elles figurent depuis au cœur du droit international humanitaire (DIH). Il a expliqué qu’elles n’étaient pas entièrement inédites à leur époque, les trois premières Conventions ayant été inspirées par d’autres traités. Il a ensuite précisé la portée de chacune des quatre conventions. La première traite des blessés et des malades, parmi les forces armées, sur le champ de bataille ; la deuxième, des blessés, malades et naufragés des forces armées opérant en mer ; et la troisième, des prisonniers de guerre ; la Quatrième Convention étant, quant à elle, le premier traité conçu spécifiquement pour veiller à la protection des civils en temps de conflit armé.
Après avoir précisé que la plupart des dispositions des quatre Conventions de Genève s’appliquait à des conflits internationaux, le Conseiller juridique s’est attardé sur l’Article 3 commun à ces quatre Conventions qui lui, concerne les conflits armés « ne présentant pas un caractère international et surgissant sur le territoire de l'une des Hautes Parties contractantes ». Cet Article commun, a-t-il expliqué, comprend des dispositions relatives au traitement des personnes ne participant pas de manière active aux hostilités, y compris les membres des forces armées ayant déposé leurs armes. L’Article 3 a marqué un moment historique pour l’humanité, a expliqué le Conseiller juridique, car c’était la première fois que les conflits armés non internationaux se voyaient ainsi réglementés par un traité multilatéral. À ce titre, l’Article 3 occupe une place particulière dans le droit international humanitaire, d’autant plus, a-t-il ajouté, que c’est le dispositif le plus fréquemment appliqué dans le cadre des conflits armés contemporains qui revêtent souvent un caractère non international.
S’attardant ensuite sur les objectifs communs et les valeurs partagées entre les Conventions de Genève et la Charte des Nations Unies, M. De Serpa Soares a fait observer que si la Charte de l’ONU ne fait pas référence directement au droit international humanitaire – et encore moins aux Conventions de Genève de 1949, qui lui sont postérieures - elle reprend dans son préambule l’importance de préserver les générations futures du fléau de la guerre et de proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, ainsi que dans la dignité et la valeur de la personne humaine. En outre, l’Article 1 de la Charte appelle à réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordre humanitaire, entre autres. Après avoir indiqué que le DIH était devenu l’un des domaines les plus importants du droit international, il a rappelé que l’Article 89 du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève exige que, dans les cas de violations graves des Conventions, les Hautes Parties contractantes s’engagent à agir en coopération avec l’ONU et conformément à la Charte des Nations Unies.
Dans la pratique, l’ensemble des organes de l’ONU a eu à gérer, d’une manière ou d’une autre, différents aspects du DIH, a expliqué le Conseiller juridique. Mais, a-t-il précisé, c’est seulement en 1967 que le Conseil de sécurité a invoqué pour la première fois les Conventions de Genève de 1949 dans une résolution. Depuis, a-t-il ajouté, cet organe y fait souvent expressément référence et a assuré un rôle crucial pour faire respecter le DIH. M. De Serpa Soares a cité plusieurs mesures concrètes, comme la mise en place de tribunaux pénaux internationaux pour juger des crimes de guerre, des crimes de masses ou des crimes contre l’humanité. Il a aussi parlé de la création, également par le Conseil de sécurité, de commissions d’enquêtes sur des violations du DIH ou de mandats pour la protection des civils confiés aux opérations de maintien de la paix. Le Conseil autorise également les organisations humanitaires à livrer une aide par-delà les frontières, appelle le Secrétaire général à faire rapport sur la protection des civils et impose des sanctions contre les auteurs de violations du DIH. L’ampleur des mesures prises par le Conseil de sécurité démontre que celui-ci a beaucoup de potentiel et de souplesse pour veiller au respect du DIH, a estimé le Conseiller juridique.
M. De Serpa Soares a aussi fait observer que l’ONU était une entité auquel le droit international humanitaire s’applique, notamment dans un contexte où les opérations de maintien de la paix sont de plus en plus ciblées. Bien que les Conventions de Genève de 1949 ne contiennent pas de dispositions spécifiques à la protection des Casques bleus, les personnels des missions doivent bénéficier de la protection de l’Article 3 des Conventions, a-t-il estimé. Il a relevé que l’application de la Convention de 1994 sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé dans les pays qui n’y sont pas partie, ne peut se faire qu’avec la conclusion d’accords spéciaux sur les statuts des forces et le statut de la mission. Il a ensuite exhorté le Conseil de sécurité à veiller à ce que les attaques contre les Casques bleus fassent l’objet d’enquêtes et de jugements
M. De Serpa Soares a enfin mis l’accent sur le cadre spécifique confié à la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), qui s’est vu doté par le Conseil de sécurité d’un mandat spécifique pour mener des opérations offensives ciblées dans le plein respect du DIH. Il a expliqué qu’il avait fallu établir des procédures afin que les personnes capturées par la MONUSCO soient traitées dans le respect des normes du droit international et conclure un accord avec le pays hôte pour veiller à ce que les personnes transférées à cet État soient traitées dans le respect des normes internationales en vigueur. Enfin, il a fallu fournir des conseils à la Mission pour savoir comment traiter les actes contraires au DIH commis par son personnel.
M. PETER MAUER, Président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a déclaré qu’en adoptant les Conventions de Genève, il y a 70 ans, les États avaient fait une déclaration essentielle: même en temps de conflit armé, entre pires ennemis, il doit y avoir des limites sur les souffrances que l’on peut s’infliger. Symbole de notre humanité partagée, a-t-il ajouté, les Conventions de Genève ont permis de limiter les impacts dévastateurs des conflits. Il y a vu « un des plus grands accomplissements de la coopération entre États », qui démontre ce qui est possible lorsque les États prennent des mesures collectives et individuelles pour honorer le droit et les principes humanitaires. Loin d’être mus par de seuls nobles idéaux, a-t-il ajouté, les États qui ont négocié le texte connaissaient la réalité de la guerre et ont établis des règles pragmatiques pour protéger et respecter la vie et la dignité humaines.
Pour M. Mauer, le droit international humanitaire demeure un outil essentiel pour aider les États à gérer les défis découlant des conflits, y compris les opérations de lutte antiterroriste menées dans le cadre de conflit armé. Il permet d’établir un équilibre entre les impératifs militaires et l’humanité. Le Président du CICR a aussi expliqué que le droit international humanitaire était « visible » lorsque les malades et les blessés étaient évacués vers des lieux sûrs, lorsque les personnes détenues étaient traitées avec dignité, lorsque le sort des personnes disparues était enfin connu et lorsque l’aide humanitaire était livrée par-delà des lignes de conflit. L’impact du droit international humanitaire se manifeste aussi au travers des actes de retenue, lorsque les civils sont épargnés d’un pilonnage direct ou que les professionnels médicaux peuvent travailler sans craindre d’être menacés ou ciblés.
Lorsqu’il est respecté, a-t-il poursuivi, le droit international humanitaire permet de limiter les risques de dommages physiques et sociaux aux communautés sur le long terme, et ainsi d’éviter l’effondrement total de villes et autres localités, réduisant le nombre de déplacés et permettant aux écoles, hôpitaux et marchés de rester ouverts.
Le Président du CICR a ensuite dénoncé les conséquences des violations du droit international humanitaire, à commencer par les tueries indiscriminées, les actes de torture et de viols, la destruction des villes et les traumatismes psychologiques. Ces violations continues du droit ne signifient pourtant pas que le droit est inadéquat, mais plutôt que les efforts pour le respecter le sont, a-t-il nuancé. À ses yeux, il importe non seulement d’intégrer le droit international humanitaire aux doctrines officielles et procédures militaires mais aussi de veiller à ce qu’il devienne une norme de comportement éthique parmi les forces armées et les individus.
M. Maurer a appelé les États à faire preuve de vigilance et à redoubler d’efforts pour ratifier les traités découlant du droit international humanitaire, renforcer les doctrines militaires et les règles d’engagement, et veiller à ce que l’entraînement militaire « socialise » les règles et principes du droit international humanitaire. Il faut également développer une législation nationale qui soit compatible avec les obligations internationales et veiller à la formation des parlementaires et des professionnels dans le domaine juridique.
En tant que « document vivant », notre compréhension du droit international humanitaire doit refléter les réalités actuelles, a-t-il poursuivi. Il a cité plusieurs « dilemmes nouveaux », notamment la guerre urbanisée, l’augmentation du nombre de groupes armés, ainsi que les nouvelles lignes de front ouvertes par la technologie dans le cyberespace ou encore les systèmes d’armes létaux autonomes.
Face à ces nouveaux défis, le CICR travaille aux cotés des États sur l’application des concepts de base du droit international humanitaire dans ces domaines émergeants, a indiqué M. Maurer. Nous leur demandons de participer à un dialogue constructif et ouvert avec nous sur ces questions importantes, a-t-il ajouté, avant d’affirmer en conclusion que le monde ne pouvait se permettre de passer à côté de l’opportunité de préserver l’humanité sur ces nouvelles frontières.
Mme ANNYSA BELLAL, conseillère stratégique en droit international humanitaire à l’Académie de droit international humanitaire et de droits humains à Genève, a indiqué avoir construit son exposé sur la base de l’Article 3 commun aux quatre Conventions de Genève. Dans ce cadre, elle a choisi de développer trois points spécifiques, à commencer par la nature prolongée des conflits armés contemporains et la valeur de l’intégration du droit international humanitaire. Compte tenu de leur nature, les conflits de notre temps ont de profonds impacts sur la santé mentale et physique de ceux qui subissent ces événements traumatisants, ce qui réduit les possibilités de construire un avenir solide dans l’après-conflit. Dans ces circonstances, a-t-elle noté, aucune institution ne peut se permettre de travailler isolément. D’autres règles de droit, comme les droits de l’homme, sont aussi pertinentes, de même que les normes relevant du développement humain, économique et social, a relevé la chercheuse.
À ses yeux, il est important d’intégrer le droit international humanitaire dans tous les systèmes juridiques pertinents et de bâtir des passerelles entre les institutions de mise en œuvre afin de créer des ripostes efficaces, coordonnées et plus intégrées face à des situations prolongées de violence. Cela a déjà été fait, a-t-elle noté. Par exemple, le 15 avril 2019, l’Organisation mondiale de la Santé a dénoncé les violations du droit international humanitaire dans le cadre du conflit armé en Libye. Pour Mme Bellal, cet appel, par une institution dont le droit international humanitaire n’est pas le mandat principal, est intéressant car il démontre que la communauté internationale ressent le besoin d’être associée à la mise en œuvre des normes humanitaires.
De l’avis de la conseillère stratégique, il est évident que la reconstruction financière et économique d’un pays sortant d’un conflit peut conduire à la paix durable et bénéficier à la société. À cet égard, le Fonds de consolidation de la paix des Nations Unies vise justement à offrir un engagement plus durable aux pays qui émergent d’un conflit. Dans ce cas, le droit international humanitaire demeure applicable, a-t-elle indiqué. C’est ainsi, a poursuivi la chercheuse, que sur les 33 pays ayant reçu un financement de ce Fonds, au moins 11 se trouvent dans une situation de conflit armé pour lequel le droit international humanitaire est applicable. À ses yeux, on pourrait imaginer, dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 1 des Conventions, de conditionner le comportement des parties au conflit à l’aide financière qu’elles peuvent recevoir du Fonds.
En deuxième point, Mme Bellal a constaté que la majorité des conflits sont de nature non internationale, avec des acteurs non étatiques. Ce qui compte, c’est la protection des civils et de ceux qui ont déposé les armes, a-t-elle fait valoir. De fait, les Conventions de Genève, leurs protocoles additionnels et le droit international humanitaire ont évolué pour réguler le comportement des acteurs non étatiques. Selon la chercheuse, il est aujourd’hui bien connu que les groupes armés organisés doivent respecter le droit international humanitaire, y compris les règles se rapportant à la conduite des hostilités.
Elle a jugé essentiel de sensibiliser les acteurs armés non étatiques au respect des normes internationales afin de renforcer la protection des civils. D’après une étude récente, au moins cinq différents organes et agences de l’ONU ont élaboré des politiques et des consignes sur la façon d’engager un dialogue avec des acteurs non étatiques, a-t-elle précisé, citant le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, le Département des opérations de maintien de la paix, le Secrétariat des Nations unies, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés. Toutefois, a-t-elle poursuivi, il y a des questions auxquelles la communauté internationale n’a pas suffisamment tenu compte, notamment sur la façon dont ces groupes peuvent mettre en œuvre le droit international humanitaire. Il est par conséquent important d’accroître l’appropriation du droit international, a-t-elle plaidé.
En dernier point, Mme Bellal a fait valoir que l’évaluation par les pairs est un processus bien connu dans la communauté scientifique. Ce qui est positif dans ces examens, est que le produit fini est plus pertinent et contribue de façon significative au débat général. Depuis la trente-deuxième conférence du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, les États ont réaffirmé leur volonté d’œuvrer à la mise en œuvre du droit international humanitaire. Si un consensus n’a pas encore été atteint, tous ont reconnu que le droit international humanitaire demeure le cadre juridique approprié pour réguler la conduite des parties au conflit. Au niveau international, des mécanismes comme l’Examen périodique universel ont permis de faire avancer des questions politiquement sensibles comme le respect des normes en matière de droits de l’homme. Reconnaître les avantages de la pression par les pairs demeure, selon elle, un mécanisme intéressant pour améliorer le système global de protection du droit international humanitaire.
M. JACEK CZAPUTOWICZ, Ministre des affaires étrangères de la Pologne, a souligné que les quatre Conventions de Genève et les trois Protocoles qui les complètent constituent un corpus de lois important qui a joué un rôle vital pour juguler la brutalité qui a cours en temps de conflit armé. Il a estimé que si l’on veut protéger les victimes des guerres, il importe d’assurer le respect des principes et règles du droit humanitaire, lesquels sont codifiés dans les conventions de Genève depuis 1949. Selon le Ministre, le plus grand défi pour assurer la protection de la vie humaine dans le contexte des conflits modernes est le respect des règles existantes par les groupes armés étatiques et non étatiques. Ensuite, du fait de nouvelles pratiques dans les conflits armés actuels, il faudrait adopter de nouvelles pratiques appropriées et des politiques qui soient en adéquation avec le droit international humanitaire, a-t-il estimé.
M. Czaputowicz a aussi souligné que les acteurs non étatiques ne ciblent pas uniquement des adversaires, mais également la population civile. De même, l’intelligence artificielle et les systèmes d’armes létaux autonomes, comme les robots militaires et les armes cybernétiques, réduisent le rôle et le contrôle des facteurs humains pendant la guerre. Il a ainsi relevé que ces systèmes d’armes sont plus à même de causer des dommages indiscriminés aux civils.
Préoccupé par le fait que les règles actuelles n’assurent pas toujours une protection appropriée aux civils, le Ministre a proposé un respect strict des règles générales par tous les acteurs, afin d’améliorer le sort des civils. De même, des mécanismes efficaces de mise en œuvre des normes humanitaires et l’assurance de punition en cas de violation doivent s’imposer.
Parmi les principes clefs des conventions de Genève, M. Czaputowicz a mis en exergue l’obligation de protéger les civils, les prisonniers de guerre, les blessés et les naufragés, et ensuite la nécessité de limiter le droit des parties en conflit sur la manière de conduire leurs opérations et sur le choix des armes utilisées. Il a noté que la nouvelle réalité des conflits modernes fait voir une augmentation du rôle des acteurs non étatiques, tandis que la persistance de vides juridiques entrave la mise en œuvre du droit international humanitaire. Le Ministre s’est donc interrogé sur la possibilité de modifier le droit international humanitaire, puisque seule une portion congrue de celui-ci peut s’appliquer aux acteurs non étatiques. Ou alors, a—t-il suggéré, il faut partir du cadre existant pour élaborer de nouvelles règles adaptées aux nouveaux défis.
Il a également noté que l’absence de mécanismes clairs de responsabilisation, applicables à tous, sans distinction, empêche l’imposition de sanctions. Il a ainsi rappelé que le juriste polonais auteur du terme « génocide », Raphael Lemkin, avait jadis demandé « pourquoi le meurtre d’un million de personnes est moins important que celui d’une seule ». Selon M. Czaputowicz, l’impunité ne sera éradiquée que lorsqu’on jugera tous les auteurs présumés d’atrocités. Et c’est de prime abord la responsabilité des États, mais cela peut aussi se faire par le biais de la coopération judiciaire entre États et par la collaboration avec la Cour pénale internationale (CPI), a-t-il indiqué.
M. HEIKO MAAS, Ministre des affaires étrangères de l’Allemagne, a rappelé qu’à la suite de la Deuxième Guerre mondiale, au cours de laquelle des millions de personnes ont été tuées par les Allemands et de nombreuses villes réduites en cendre, la communauté internationale avait affirmé: « Plus jamais ça ». Les Conventions de Genève ont été adoptées et demeurent aujourd’hui l’une des réalisations dont la communauté internationale est la plus fière. Elles constituent, en effet, la clef de voute du droit international humanitaire qu’il s’agit de faire respecter, a-t-il souligné. Si des questions relevant du droit international figurent régulièrement à l’agenda du Conseil de sécurité, des experts montrent que des violations continuent d’être commises. « Peut-ont parler de progrès quand le Conseil de sécurité se réunit encore et encore et que des personnes civiles continent de mourir? », s’est-il interrogé, reconnaissant que la complexité des guerres et la présence de groupes extrémistes et terroristes sont autant de défis. Jour après jour, des personnels humanitaires et médicaux sont attaqués, des écoles et des hôpitaux pris pour cibles, a-t-il dénoncé. « Nous ne sommes pas à la hauteur des attentes des plus vulnérables, nous ne sommes pas à la hauteur de nos obligations juridiques et morales », a-t-il dit.
Pour M. Maas, c’est une menace à la paix et à la sécurité internationales quand des dizaines de milliers de personnes meurent et que d’autres craignent pour leur vie. De fait, il est de notre devoir d’appliquer et de faire appliquer le droit international humanitaire, a-t-il estimé. « Respectons les principes dont nous sommes tous convenus il y a 70 ans », a-t-il plaidé, ajoutant que ceux qui attaquent les personnels humanitaires doivent être traduits en justice. C’est pourquoi, a-t-il encore souligné, que nous contribuons aux enquêtes menées en Syrie. Dans ce contexte, l’objectif de la diplomatie doit être de sensibiliser au droit international humanitaire, comme le font, à leur niveau, les Forces allemandes déployées sur différents théâtres.
Ces mesures concrètes, pour l’application des Conventions de Genève et pour le respect du droit international humanitaire, font d’ailleurs partie des initiatives lancées conjointement par la France et l’Allemagne en avril dernier, a indiqué le Ministre, appelant tous les États Membres à se joindre aux deux pays. « Nous ne devons pas oublier les horreurs dont nous avons été les témoins », a-t-il affirmé avant de souligner que les Conventions de Genève sont toujours un signe d’espoir et que tout progrès accompli dans leur mise en œuvre permettra de sauver des vies par dizaines.
M. JUN ZHANQ (Chine) a exhorté les gouvernements et partis en conflit à « s’acquitter honnêtement » de leurs responsabilités en matière de droit international humanitaire (DIH). « Les gouvernements sont les premiers responsables du respect du droit international humanitaire » a insisté le représentant de la Chine. Le délégué s’est félicité des efforts du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) qui adhère au principe de neutralité, d’impartialité et d’indépendance. « La mise en œuvre du droit international humanitaire doit être renforcée en mettant l’accent sur les mécanisme existants », a insisté le représentant de la Chine. Il a ensuite constaté que les nouvelles formes de conflits comme la cybertechnologie et les agissements de groupes armés non traditionnels remettent en cause l’applicabilité du droit international humanitaire.
Par ailleurs, le représentant de la Chine a estimé que le Conseil de sécurité devrait accorder une grande importance aux causes sous-jacentes des conflits. « Le Conseil de sécurité devrait s’acquitter avec honnêteté de ses missions de maintien de la paix et de la sécurité internationales », a encore insisté le représentant. Il a appelé à favoriser le dialogue plutôt que la confrontation. Il a ensuite rappelé que la Chine est un des premiers pays à avoir adhéré aux Conventions de Genève et que son pays les promeut en renforçant les législations nationales et en menant des formations dans l’armée et des activités de sensibilisation dans la société.
Mme KAREN PIERCE (Royaume –Uni) a fait valoir que le droit international humanitaire est le meilleur cadre juridique pour assurer la paix et la sécurité internationales. Pour le Royaume-Uni, a-t-elle souligné, l’appui à la justice pénale internationale et au droit international humanitaire sont des éléments cruciaux de nos normes internationales. De fait, a-t-elle ajouté, la justice et la responsabilisation pour les crimes les plus graves sont une mesure juste et cruciale pour construire la paix sur le long terme. À cette aune, le Gouvernement britannique considère que la Cour pénale internationale a un rôle important de responsabilisation lorsque les États ne peuvent ou ne veulent pas se conformer au droit international humanitaire, a poursuivi Mme Pierce. Elle a encore indiqué que, lors de la prochaine conférence du CICR , le Royaume-Uni présentera un rapport volontaire, avec pour sujets centraux la justice et la responsabilisation, la prévention des violences sexuelles et la lutte contre les traumatismes.
Poursuivant, la représentante s’est inquiétée du fait qu’en Ukraine, les citoyens de Crimée sont privés d’accès aux services fondamentaux parce qu’ils ont été privés de citoyenneté, ce qui est contraire au droit international humanitaire. Au Mali et au Sahel, la détérioration de la sécurité entraîne des violations du droit international humanitaire perpétrées par les milices et les forces armées. Mais, c’est en Syrie que ces violations atteignent de terribles niveaux, a-t-elle dénoncé, évoquant la famine, les détentions arbitraires, les personnes chassées de leurs foyers à Alep et ailleurs, ce qui, là encore, est contraire au droit international humanitaire et au principe d’humanité.
Nous n’avons pas de réponse quant au retour du droit international humanitaire en Syrie, ni sur les raisons pour lesquelles les autorités syriennes ne respectent pas les Conventions de Genève et bombardent des écoles et des hôpitaux. Se félicitant de la commission d’enquête décidée par le Conseil, elle a assuré que les responsables devront répondre de leurs actes pour des violations relevant de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. Avant de conclure, la représentante a rappelé que l’effort humanitaire de son pays en Syrie s’élevait à plus de 3 millions de dollars et a affirmé que « ce n’est qu’ensemble que nous pourrons lutter contre la nature complexe des conflits ».
M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud), qui s’est exprimé également au nom des deux autres pays africains membres du Conseil de sécurité (Côte d’Ivoire et Guinée équatoriale), a estimé que les Conventions de Genève sont la pierre angulaire du droit international humanitaire. Il a déploré le fait que des milliers de gens, à travers le monde, continuent de payer un lourd tribut du fait des conflits armés, notamment les femmes et les enfants, et sont parfois obligés de se réfugier dans d’autres pays. Le représentant a appelé la communauté internationale à trouver des solutions à la question de l’utilisation d’enfants soldats et au problème de l’exploitation et des abus sexuels en temps de conflit. Et dans cette ère nouvelle d’extrémisme, le respect historique des travailleurs humanitaires, du personnel médical, des écoles et des hôpitaux et d’autres infrastructures civiles essentielles n’est plus de mise, a-t-il dit.
Le délégué a relevé que les conflits en Afrique retardent la paix et la sécurité sur le continent, sachant qu’il s’agit là de prérequis pour la prospérité de l’Afrique. Et ces défis sont plus inquiétants quand on note l’évolution des conflits traditionnels avec, par exemple, l’usage de technologies modernes qui laissent la place désormais à l’usage de nouvelles méthodes létales, y compris des armes téléguidées et des systèmes d’armes létaux autonomes qui conduisent à « déshumaniser la guerre ». Ainsi, leur usage et les destructions qu’elles peuvent causer ont de sérieuses implications juridiques, éthiques et pratiques sur le droit international humanitaire.
Le représentant a aussi demandé que le Conseil de sécurité assure le respect de la sécurité des humanitaires, puisque sans cela, a-t-il indiqué, il ne sera pas facile d’apporter de l’aide aux populations dans le besoin. Pour les pays africains membres du Conseil, la meilleure manière d’assurer le respect du droit international humanitaire et de mettre fin aux souffrances des civils et des personnes vulnérables, est d’empêcher qu’il y ait des conflits armés. De même, a souligné le représentant, la responsabilisation est tout aussi cruciale. Il a appelé à mettre fin à l’impunité, notamment en poursuivant en justice les auteurs de crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Et c’est la responsabilité première des États de le faire, y compris par des mécanismes améliorés d’assistance légale mutuelle.
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a déclaré que la violence et la souffrance dans le monde ne diminuent pas malgré les engagements de la communauté internationale, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, de maintenir la paix et la sécurité internationales. Il a estimé que la consolidation du droit international humanitaire est plus urgente que jamais et a déploré que les quatre Conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels ne bénéficiant pas du respect requis. « Ces textes sont souvent ignorés et négligés comme on peut le voir en Palestine, en Syrie et dans les territoires rohingya », a ajouté le représentant du Koweït. Il a estimé que le meilleur moyen de favoriser le respect du droit international humanitaire était de consolider l’état de droit.
Le représentant a dit l’importance du Conseil de sécurité pour faire respecter le droit international humanitaire (DIH) et consolider l’état de droit en garantissant le respect à part entière des résolutions adoptées par l’ONU. Il a rappelé que les Casques bleus sont aussi responsables de la protection des civils conformément au mandat qui leur a été confié. Le représentant du Koweït a aussi jugé nécessaire de demander des comptes à ceux qui sont responsables de crimes de guerre, de crimes de masse et de crimes contre l’humanité. Il a souligné l’importance des régimes de sanctions qui peuvent jouer un rôle important s’ils sont utilisés de manière efficace et transparente.
Le non-respect des normes de droit international humanitaire a des conséquences « inacceptables » sur les populations civiles, a déploré M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine), dénonçant les États en conflit qui, « à dessein ou par omission », bafouent ces normes et manquent à leur responsabilité de protéger leur population. À ses yeux, la prolifération de groupes non étatiques sans scrupules présente également un défi « des plus complexes », qui rend nécessaire une action urgente de la part des États affectés, ainsi que des organisations internationales et régionales.
Le représentant a, par ailleurs, appelé à diffuser davantage les principes fondateurs du droit international humanitaire, notamment dans le cadre de la formation des forces armées. Il a également appelé à faire en sorte que ces principes soient disponibles dans toutes les langues minoritaires des populations affectées par des conflits. Enfin, le représentant a estimé que le Conseil de sécurité devait garantir le respect des mandats des opérations de maintien de la paix de l’ONU, tout en tenant compte des caractéristiques sociale, économique et géopolitique qui pèsent sur la prolongation des conflits.
Mme ANNE GUEGUEN (France) a constaté que les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels sont trop souvent bafoués, que ce soit en Syrie, en Libye, au Yémen, en Palestine, en Afghanistan, en République centrafricaine, en République démocratique du Congo ou encore au Soudan du Sud. Certaines parties vont mêmes jusqu’à intégrer sciemment les violations de ces règles dans leur stratégie militaire pour priver les populations de tout secours et obtenir leur reddition, a-t-elle accusé. Dans ce contexte, les efforts de la communauté internationale doivent, selon elle, s’intensifier autour de trois priorités, la première étant de garantir l’accès de l’aide humanitaire aux populations civiles. Pour que le personnel humanitaire et médical puisse accéder aux civils, il doit être protégé de toute violence et ne pas être ciblé. « On ne tire pas sur une ambulance », a lancé la représentante, saluant la prise en compte de cet enjeu avec la résolution 2286. Du reste, a-t-elle ajouté, c’est pour passer des mots aux actes que la France a initié en 2017 une déclaration politique afin de favoriser la mise en œuvre de cette résolution aujourd’hui endossée par 44 États.
Pour Mme Gueguen, la deuxième priorité est la prévention des violations du droit international humanitaire. C’est ce que nous faisons en plaçant la protection des civils, et plus particulièrement des femmes et des enfants, au cœur des mandats des opérations de maintien de la paix, comme c’est le cas pour la MONUSCO, la MINUSMA et la MINUSCA, a-t-elle expliqué, appelant à ce que leurs moyens soient préservés. Nous devons aussi veiller à ce que les forces non onusiennes soutenues par ce Conseil mènent leurs opérations dans le strict respect du droit international humanitaire, a souligné la représentante. C’est, à ses yeux, ce que doit permettre le cadre de conformité des droits de l’homme de la Force conjointe du G5 Sahel. S’agissant des actions militaires de la France, a-t-elle précisé, le droit international humanitaire est intégré dès la phase de planification et fait partie intégrante de notre coopération de sécurité et de défense.
La troisième priorité mentionnée par Mme Gueguen est la lutte contre l’impunité. Il convient, a-t-elle argué, de renforcer les capacités nationales pour mener des enquêtes impartiales et indépendantes. Lorsque les mécanismes nationaux sont insuffisants ou inadaptés, il faut soutenir le recours aux mécanismes internationaux, a poursuivi la représentante, réitérant l’appel de la France à l’universalisation du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Elle a également jugé nécessaire d’améliorer la collecte d’informations, avant de qualifier d’avancée significative la mise en place de la base de données de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) qui répertorie les attaques contre les personnels et les infrastructures de santé. Elle a ensuite annoncé que la France et l’Allemagne présenteront en septembre un appel à l’action humanitaire, destiné à identifier les actions concrètes que les États peuvent prendre pour renforcer le respect du droit international humanitaire.
Mme KAREN VAN VLIERBERGE (Belgique) a proposé plusieurs pistes « simples et concrètes » pour renforcer le respect du droit international humanitaire, à commencer par la diffusion de ses règles auprès de tous les acteurs concernés. Pour ce faire, la représentante a proposé d’intégrer dans les programmes scolaires, « dès le plus jeune âge », les principes fondateurs du droit international humanitaire, afin d’ancrer une « culture d’humanité » dans la société. Ces principes doivent également être intégrés à la formation du personnel militaire, a-t-elle estimé, soulignant également le rôle des commissions nationales de droit humanitaire pour sensibiliser le public à cette question en temps de paix.
Par ailleurs, la représentante a appelé les États Membres à prendre toutes les mesures nécessaires pour remplir leur obligation de « respecter et faire respecter » le droit international humanitaire. À ses yeux, il appartient ainsi aux États de « donner l’exemple », en usant de leur influence lorsqu’ils participent à une coalition militaire ou appuient un groupe armé non étatique dans le cadre d’un conflit armé. En tant que garant de la paix et la sécurité mondiales, le Conseil de sécurité doit aussi rappeler aux États Membres et aux parties à un conflit leurs obligations, a-t-elle estimé.
La représentante a, en outre, appelé à veiller à ce que les mesures prises dans le domaine de la lutte contre le terrorisme n’entravent pas le travail des organisations humanitaires, dont l’action est « neutre et impartiale », a-t-elle rappelé. La représentante a ainsi indiqué que la Belgique et l’Union européenne (UE) organiseraient en septembre prochain, en marge du débat général de l’Assemblée générale, un évènement de haut niveau sur les effets des mesures antiterroristes sur l’espace humanitaire.
Enfin, la représentante a estimé que les États ne devaient pas uniquement se cantonner à des actions de préventions. « Il est impératif de lutter contre l’impunité pour les crimes les plus graves », a-t-elle déclaré, appelant également le Conseil à renforcer son appui aux procédures judiciaires nationales, aux mécanismes hybrides et à la Cour pénale internationale (CPI).
M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a constaté que beaucoup de choses avaient changé depuis l’adoption des Conventions de Genève, il y a 70 ans. Les nouvelles technologies permettent d’apporter une meilleure précision, mais s’avèrent aussi être une force encore plus meurtrière, tandis que la montée en puissance de groupes armés non étatiques, notamment les groupes terroristes qui n’obéissent à aucune règle, créent moults défis pour les États qui cherchent à les vaincre.
Le représentant des États-Unis a rappelé que les Conventions de Genève font partis des rares textes bénéficiant d’une adhésion universelle. « Nous avons plusieurs outils pour faire face aux violations du droit international humanitaire » a dit le représentant des États-Unis en citant notamment les tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda, pour l’ex-Yougoslavie, le Cambodge, la Sierra Leone et d’autres. Il a toutefois alerté qu’afin d’assurer la pertinence à venir des Conventions, leur respect et la reddition de compte sont essentiels, indiquant ensuite que son gouvernement appuie les efforts visant à disséminer des informations précises sur le droit international humanitaire. Ainsi, les formations des forces américaines englobent des informations détaillées sur le droit international humanitaire. « La protection des civils et personnels et infrastructures humanitaires sont notre priorité », a insisté le représentant des États-Unis. « Nous demandons à tous les États Membres et aux acteurs qu’ils soutiennent de respecter le droit international humanitaire et de demander des comptes à ceux qui ne le font pas », a-t-il conclu.
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a observé que l’histoire a connu des démarches différentes vis-à-vis des conflits armés. Autrefois, a-t-il dit, la guerre était contraire au droit. Hélas, il a fallu à l’humanité plusieurs siècles et deux conflits armés mondiaux pour comprendre l’humanisation de la guerre et élaborer en conséquence un corpus de protection. Les Conventions de Genève sont ainsi devenues le socle du droit contemporain régissant les conflits armés, a souligné le représentant. Leurs dispositions restent d’actualité, de même que d’autres instruments parfois plus anciens. Il a ainsi rappelé qu’en novembre dernier s’était tenue l’assemblée parlementaire de l’OSCE, consacrée au cent-cinquantième anniversaire de la Déclaration de Saint-Pétersbourg interdisant les projectiles incendiaires en temps de conflit armé.
Les Conventions de Genève ont représenté les leçons tirées de l’expérience amère des guerres mondiales, a résumé le représentant. Il a affirmé qu’au cours de ces conflits, l’Allemagne avait refusé de respecter les normes en vigueur dans le droit international. Les forces hitlériennes se sont laissé guider par une tactique de terre brûlée. De plus, comme le montrent les recherches, les punitions collectives ont permis de réduire la population dans les territoires occupés et la famine a été utilisée comme arme de guerre. Ces violations massives ont d’ailleurs été à l’origine des procès de Nuremberg, a-t-il encore rappelé, relevant que les accusés se sont justifiés en invoquant l’absence d’obligations concrètes vis-à-vis des civils. C’est ce qui a entraîné la convocation de la conférence politique qui a donné vie en 1949 aux Conventions, avant l’adoption en 1977 de protocoles additionnels.
Citant l’acte final des Conventions, le représentant a jugé que ces paroles sont toujours d’actualité. Néanmoins, a-t-il concédé, les conflits continuent d’être une réalité et le Conseil de sécurité est toujours contraint d’attirer l’attention sur le respect du droit international humanitaire. Aujourd’hui, a constaté le délégué, les conflits armés se font de plus en plus souvent suite à l’effondrement des institutions étatiques, après le renversement du gouvernement légitime par des forces soutenues de l’extérieur. Dans ces conditions, de nombreux États sont tentés de dissimuler les crimes d’autres pays, a-t-il déploré, profitant de l’occasion pour répondre à son homologue américain. « Comme notre État a été mentionné nommément, il semble que vous ayez des informations peu fiables », a-t-il lancé, réfutant notamment l’existence d’un conflit armé sur le territoire de la Crimée. La situation en Syrie n’est pas un thème de discussion non plus, a-t-il argué, renvoyant au respect du droit international humanitaire « au-delà de l’Euphrate ». « Il est peut-être temps de se pencher sur cette question », a-t-il indiqué. En conclusion, le représentant a plaidé pour qu’en plus des mesures pour le soutien à la paix et à la sécurité, le Conseil se penche sur les mesures permettant de limiter l’intensité des conflits et de les humaniser.
M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a appelé la communauté internationale à garantir la mise en œuvre effective du droit international humanitaire. Pour ce faire, le Conseil de sécurité doit, selon lui, s’ériger en partenaire de l’intégralité des parties à un conflit. Cela suppose notamment, a-t-il ajouté, que le Conseil présente un front uni. Dans ce cadre, le représentant a jugé primordial que les résolutions du Conseil, y compris les mesures de sanctions, telles que les embargos sur les armes, soient respectées par tous les États Membres. M. Djani a également appelé les acteurs extérieurs à un conflit à faire preuve de retenue afin de ne pas envenimer la situation.
Par ailleurs, le représentant a appelé la communauté internationale à renforcer la capacité des pays en conflit à protéger leur population et respecter le droit international humanitaire. La coopération Sud-Sud et triangulaire avec les pays en situation de post-conflit doit également faciliter l’échange de pratiques optimales en matière humanitaire, a-t-il dit.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a déclaré que le droit international humanitaire représente une norme minimale de dignité, et que les Conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels représentent les pierres angulaires de la protection des victimes des conflits, en particulier des civils. Ces conventions représentent aussi un outil fondamental pour le travail du Conseil de sécurité visant à promouvoir la paix et la sécurité internationales. Il a regretté que les discours au sein du Conseil de sécurité contrastent souvent avec la réalité sur le terrain. « Nous pensons que la bonne mise en œuvre du droit international humanitaire va au-delà de l’application des mesures de protection et concerne aussi les moyens de renforcer l’état de droit et la lutte contre l’impunité. Il a ensuite fait savoir que le Pérou avait créé une commission nationale d’étude du droit international humanitaire pour mieux diffuser ce droit.