En cours au Siège de l'ONU

8576e séance – matin
CS/13885

Conseil de sécurité: le Président et le Procureur du Mécanisme résiduel salués par la majorité des délégations pour le travail effectué

En cette Journée mondiale de la justice internationale, la majorité des intervenants au Conseil de sécurité a salué, aujourd’hui, le travail effectué par le Président et le Procureur du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux.  Le juge Carmel Agius, Président du Mécanisme, a souligné que tous ceux et celles qui s’investissent dans l’état de droit ont un rôle à jouer dans la lutte contre l’impunité, en particulier de nos jours, où le déni du génocide et le révisionnisme resurgissent tant dans les pays de l’ex-Yougoslavie qu’au Rwanda. 

Le juge a indiqué que l’une de ses priorités est d’améliorer la coordination entre les deux divisions du Mécanisme à La Haye et à Arusha et l’harmonisation de leurs pratiques et procédures, le but étant que les procédures judiciaires résiduelles en cours soient menées à terme avec efficacité et dans les meilleurs délais.  Cette approche a été saluée par les membres du Conseil de sécurité, d’autant plus que le Mécanisme fonctionne actuellement sur un budget 2018-2019 révisé à la baisse.

Le Mécanisme, a dit le juge, assure aussi d’autres fonctions qui attirent moins l’attention que les affaires pénales, notamment la protection des victimes et des témoins, le suivi des affaires renvoyées aux juridictions nationales, la conservation de ses propres archives mais aussi celles des Tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda (TPIR) et pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), l’assistance aux juridictions nationales et le contrôle de l’exécution des peines.  Il est revenu sur la complexité de l’exécution des peines, un volet dans lequel le Mécanisme compte sur le soutien des États Membres et d’autres acteurs principaux. 

Le manque de coopération des États a été dénoncé par le Procureur du Mécanisme, M. Serge Brammertz, s’agissant en particulier des huit derniers fugitifs mis en accusation par le TPIR, alors même que son Bureau a été en mesure d’identifier des pistes particulièrement intéressantes sur les endroits où plusieurs d’entre eux se trouvent.  Les États-Unis, qui ont offert une prime allant jusqu’à 5 millions de dollars pour toute information conduisant à l’arrestation de ces huit individus, ont lancé: « nous ne cesserons de vous traquer ».  Le Rwanda a reproché au Royaume-Uni, à la France et à l’Afrique du Sud d’avoir donné refuge à des génocidaires rwandais, plus précisément à 10 des 500 fugitifs que ses autorités judiciaires recherchent.  La France a indiqué que les deux affaires renvoyées par le TPIR devant les juridictions françaises ont connu des développements importants au cours de l’année 2018. 

Elle a annoncé la décision du Président Emmanuel Marcon de renforcer les moyens matériels et financiers dédiés à la poursuite des participants au génocide rwandais qui se trouveraient en France pour pouvoir rapidement ouvrir des poursuites et pouvoir les traiter plus efficacement.  L’Afrique du Sud a dit prendre « très au sérieux » son obligation de coopérer avec le Mécanisme.  Se félicitant des efforts sud-africains, l’Allemagne a estimé que le fait que des membres du Conseil de sécurité aient des réticences à coopérer avec le Mécanisme constitue une entrave à l’exercice de la justice « illégale et inacceptable ». 

Le Rwanda a, après avoir dressé un bilan sévère du legs des huit dernières années du Mécanisme, dit compter désormais sur de véritables consultations avant l’examen de toute demande de libération anticipée.  La Belgique a appelé, à cet égard, au respect de la résolution 2422 (2018) qui encourage le Mécanisme à envisager l’instauration d’un régime de libération anticipée sous conditions.  Elle s’est donc félicitée de ce que le nouveau Président compte engager des consultations avec d’autres parties concernées et qu’il étudie actuellement des solutions adéquates. 

Au cours de la période écoulée, à la division de La Haye, le Bureau du Procureur a bien avancé dans les dernières affaires transférées par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, a indiqué le Procureur du Mécanisme.  Mais surtout, le 20 mars dernier, la Chambre d’appel du Mécanisme a confirmé les déclarations de culpabilité prononcées contre Radovan Karadžić pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre et la Chambre d’appel l’a condamné à l’emprisonnement à vie. 

S’il s’est félicité de la coopération de la Serbie dans l’affaire Stanišić et Simatović, la Secrétaire d’État aux affaires politiques de la Croatie a pour sa part souhaité un même niveau de coopération dans l’affaire Petar Jojić et Vjerica Radeta.  La Croatie, dont la position est que le pays dans lequel les crimes ont été commis a la responsabilité première de poursuivre, juge « inacceptable » le fait que la Serbie veuille juger les crimes commis sur le territoire croate.  La coopération avec la Serbie se heurte aussi, a dit la Secrétaire d’État, à des problèmes s’agissant de la question des personnes disparues, dont 1 892 Croates.  La Serbie n’est pas du tout pressée d’ouvrir ses archives alors que cette question est un des éléments clefs de la poursuite du dialogue avec la Croatie et un critère important du processus d’accession de la Serbie à l’Union européenne. 

La Ministre serbe de la justice, qui a espéré que les choses s’arrangeront avec la Croatie, a reproché au Mécanisme de vouloir définir le contexte politique de la coopération de son pays avec l’Union européenne, en remplaçant les arguments juridiques par des arguments politiques.  Elle a rejeté l’idée de donner au Procureur du Mécanisme une « influence » dans le processus de prise de décisions concernant les libérations anticipées de personnes condamnées.  Une telle évolution porterait préjudice aux efforts déployés par la Serbie pour que ses ressortissants condamnés par le Mécanisme ou le TPIY purgent leur peine sur son territoire. 

La Bosnie-Herzégovine, qui s’est dite déterminée à enquêter, poursuivre et punir toute personne responsable de crimes de guerre, a été appelée avec la Serbie et la Croatie à combattre la négation des crimes de guerre et la glorification des criminels.  La semaine dernière encore, un ministre a qualifié le génocide de Srebrenica de « faux » et un parlementaire a félicité Ratko Mladić pour ce même génocide, qu’il a qualifié d’« opération militaire brillante ».  Il est urgent que les dirigeants politiques au plus haut niveau fassent preuve de responsabilité, s’est impatienté le Procureur. 

« Je vous invite tous à défendre et à protéger notre héritage judiciaire, qui a établi maintes fois, au-delà de tout doute raisonnable, que ce dont le monde a été témoin en 1994 puis en 1995 était un génocide, commis conjointement avec d’autres crimes internationaux parmi les plus graves et les plus atroces », a conclu le Président du Mécanisme.

MÉCANISME INTERNATIONAL APPELÉ À EXERCER LES FONCTIONS RÉSIDUELLES DES TRIBUNAUX PÉNAUX (S/2019/417)

Déclarations

M. CARMEL AGIUS, Président du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux, depuis février 2019, a expliqué que même si le Mécanisme est maintenant solide et bien établi, ses premiers mois au poste de président n’ont pas pour autant été faciles.  Sa fonction consiste à diriger une institution qui opère sur deux continents, avec des juges et des fonctionnaires issus de plusieurs systèmes juridiques et travaillant dans des fuseaux horaires différents.  Nous devons donc répartir nos efforts pour régler les questions résiduelles liées à deux conflits distincts, a expliqué le juge, qui fait partie du Mécanisme dès 2012 et qui a été juge au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) pendant de nombreuses années.

Malgré le mandat « singulier » du Mécanisme et les nombreux problèmes qui se poseront sans aucun doute, le juge s’est dit fermement résolu à veiller à ce que les procédures judiciaires résiduelles en cours dans les deux divisions du Mécanisme, à Arusha et à La Haye, soient menées à terme avec efficacité et dans les meilleurs délais.  Il s’est également engagé à améliorer la coordination entre les deux divisions et l’harmonisation de leurs pratiques et procédures et à faire tout son possible pour promouvoir un environnement de travail positif afin de favoriser au plus haut point le moral et les performances du personnel.

Revenant au rapport sur l’avancement des travaux du Mécanisme pour la période allant du 16 novembre 2018 au 19 mai 2019, le juge Agius a expliqué qu’au cours des sept années d’existence du Mécanisme, les juges ne se sont retrouvés ensemble qu’à deux reprises, lors de réunions plénières, dont la deuxième a eu lieu cette année, à Arusha, au mois de mars.  C’était l’occasion pour le Président et les juges de discuter des questions pratiques et substantielles, et de rencontrer les membres du personnel qui travaillent en Tanzanie. 

Le juge a rappelé que d’autres fonctions que le Mécanisme tient de son statut attirent moins l’attention que les affaires, notamment la protection des victimes et des témoins, le suivi des affaires renvoyées aux juridictions nationales, la conservation de ses propres archives mais aussi celle du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et du TPIY, l’assistance aux juridictions nationales et le contrôle de l’exécution des peines. 

Le juge a souligné que la justice ne se termine pas avec le prononcé d’un jugement ou d’un arrêt.  Le cadre juridique du Mécanisme confère au Président de larges pouvoirs de contrôle de l’exécution des peines que « je ne prends pas à la légère ».  « Mon devoir, a affirmé le Président, est, et restera, l’application des règles de droit et je continuerai de le faire de manière responsable, approfondie et aussi transparente que possible. »  Les décisions, a-t-il expliqué, mettent en jeu l’exercice du pouvoir discrétionnaire du Président et exigent une appréciation attentive au cas par cas et une mise en balance de tous les éléments pertinents.

En tant qu’institution judiciaire, le Mécanisme est tenu de respecter strictement son obligation de protéger les droits de tous les détenus, qu’ils fassent l’objet de procédures en cours ou pendantes ou qu’ils soient dans l’attente de leur transfert dans l’État chargé de l’exécution de leur peine.  Depuis le 5 décembre 2018, le Mécanisme applique un nouveau cadre règlementaire régissant les questions liées à la détention, qui peut servir de modèle à d’autres institutions.  Sur ce point, le Mécanisme a été guidé par la nécessité d’harmoniser les pratiques entre les établissements pénitentiaires à La Haye et à Arusha.

S’agissant de ses fonctions liées à l’exécution des peines, le Mécanisme continuera de compter sur le soutien des États Membres et d’autres acteurs principaux.  Il est clair que pour avoir une influence durable sur la paix et la justice internationales, nous devons tous rester fermement résolus non seulement à mener les procès en première instance et en appel et à exercer activement notre mission judiciaire, mais aussi à répondre aux questions qui se présenteront à l’avenir, a déclaré le juge, qui s’est dit conscient de la complexité du sujet de l’exécution des peines.  Il a remercié au passage les pays qui soutiennent de manière constante le Mécanisme dans ce domaine.  Il a saisi cette occasion pour signaler une situation « délicate et très regrettable » relevant de la compétence du Mécanisme.  Il s’agit du sort des neuf personnes acquittées et libérées qui demeurent à Arusha, dont une depuis 2004, et ce, dans une incertitude judiciaire « inacceptable ».  Ces personnes devraient être libres de commencer une nouvelle vie, dès lors qu’elles ont purgé leur peine ou n’ont même pas été déclarées coupables, mais elles ne peuvent pourtant pas, s’est indigné le juge.  Si le Mécanisme fait tout son possible pour trouver une solution à long terme, le sort de ces neuf personnes est une responsabilité qu’il partage avec les États Membres, a-t-il précisé, en appelant à régler cette situation.

En cette Journée mondiale de la justice internationale, le juge Agius a rappelé qu’il ne s’agit pas seulement de la responsabilité des instances judiciaires internationales.  Tous ceux et celles qui s’investissent dans l’état de droit ont un rôle à jouer dans la lutte contre l’impunité, en particulier de nos jours où le déni du génocide et le révisionnisme resurgissent tant dans les pays de l’ex-Yougoslavie qu’au Rwanda.  Cela implique de défendre les procédures judiciaires et les décisions rendues, et de dénoncer les personnes qui tentent de déformer la vérité, telle qu’elle a été établie par les tribunaux internationaux et nationaux.  Par conséquent, il a rappelé à ceux et celles qui nient la légitimité du TPIY, du TPIR et du Mécanisme que c’est le Conseil de sécurité qui a chargé ces institutions d’instruire les crimes commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda et de poursuivre, juger et punir les auteurs de ces crimes. 

De même, il convient de leur rappeler que ce sont les juridictions nationales, et non des dirigeants politiques et des individus, qui sont chargées de continuer à mener à bien ces fonctions.  « Je vous invite donc tous à défendre et à protéger notre héritage judiciaire, qui a établi maintes fois, au-delà de tout doute raisonnable, que ce dont le monde a été témoin en 1994 puis en 1995 était un génocide, commis conjointement avec d’autres crimes internationaux parmi les plus graves et les plus atroces », a tranché le Président du Mécanisme.

M. SERGE BRAMMERTZ, Procureur du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux, a souligné que la priorité de son Bureau est, « comme toujours », de mener rapidement à terme les procès ad hoc en première instance et en appel.  Au cours de la période écoulée, à la division de La Haye, le Bureau a bien avancé dans les dernières affaires transférées par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).  Mais surtout, le 20 mars dernier, la Chambre d’appel du Mécanisme a confirmé les déclarations de culpabilité prononcées contre Radovan Karadžić pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre.  En outre, la Chambre d’appel a accueilli l’appel interjeté par le Bureau et a donc condamné Radovan Karadžić à l’emprisonnement à vie. 

S’agissant du nouveau procès dans l’affaire Stanišić et Simatović, le Bureau a terminé l’exposé de ses moyens de preuve et la Défense vient de commencer à présenter les siens.  Dans cette affaire, la République de Serbie s’est efforcée de coopérer pleinement avec le Bureau, en répondant rapidement à un certain nombre de demandes d’assistance importantes. 

Pour ce qui est de la procédure en appel dans l’affaire Mladić, le Bureau a terminé la rédaction de ses arguments écrits et s’est également penché sur un certain nombre d’autres questions, notamment sur des requêtes aux fins d’admission de nouveaux éléments de preuve. 

À la division d’Arusha, le juge unique a, le 7 décembre 2018, décidé de ne pas renvoyer l’affaire d’outrage Turinabo et consorts devant les autorités rwandaises et ordonné que le procès se tienne devant le Mécanisme.  Le Bureau est donc fortement engagé dans la préparation du procès et les procédures de la phase de mise en état, tout en poursuivant ses travaux dans le cadre de la procédure connexe en révision dans l’affaire Ngirabatware

Pour ce qui est des huit derniers fugitifs mis en accusation par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), les nouveaux efforts déployés ont permis d’identifier des pistes particulièrement intéressantes sur les endroits où plusieurs fugitifs se trouvent.  Il a pris contact en conséquence avec un certain nombre d’États pour obtenir leur coopération.  Mais un certain nombre de questions relevant de la coopération des États ont eu une incidence négative sur le travail, a regretté le Procureur.  Pour certains d’entre eux, la coopération avec le Bureau n’est pas une priorité.  Comme hier, par exemple, l’Afrique du Sud a confirmé par une note verbale son entière détermination à coopérer avec le Bureau, le Procureur a espéré que « cette fois-ci », les actions suivront sans délai. 

S’agissant des poursuites engagées à l’échelle nationale, le Procureur a indiqué que les autorités rwandaises recherchent toujours plus de 500 fugitifs et dans les pays issus de la Yougoslavie, les juridictions nationales doivent encore traiter de milliers d’affaires.  Ces juridictions réclament un soutien, une assistance et des conseils pour mettre pleinement en œuvre les stratégies nationales en matière de crimes de guerre.  L’année dernière, a dit le Procureur, nous avons reçu 333 demandes d’assistance visant à obtenir des éléments de preuve, soit plus que jamais auparavant, et les tendances montrent que cette année encore, le Bureau devrait recevoir un nombre de demandes sans précédent. 

Le Procureur a conclu sur le déni des crimes et la glorification des criminels de guerre.  Dans le cas du Rwanda, le déni de génocide se poursuit aujourd’hui, et pour ce qui est des pays issus de la Yougoslavie, la situation a considérablement empiré.  La semaine dernière encore, un ministre a qualifié le génocide de Srebrenica de « faux » et un parlementaire a félicité Ratko Mladić pour ce même génocide, qu’il a qualifié d’« opération militaire brillante ».  Il est urgent que les dirigeants politiques au plus haut niveau fassent preuve de responsabilité, s’est impatienté le Procureur. 

En cette Journée mondiale de la justice internationale, nous soulignons l’importance de la lutte contre l’impunité pour les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les crimes de génocide, a déclaré M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou), soulignant que les travaux du Mécanisme s’inscrivent pleinement dans cette perspective.  Le représentant a accueilli favorablement les priorités du Mécanisme et a salué « la rapidité, l’efficacité et la transparence » avec lesquelles le Mécanisme s’est acquitté de ses « activités judiciaires intenses » au cours de la période considérée.  Il a invité le Mécanisme à poursuivre ses efforts pour trouver un équilibre entre les systèmes de droit romano-germanique et la common law anglo-saxonne. 

Le représentant a en outre rappelé que l’efficacité de Mécanisme dépend avant tout de la coopération des États, qui doivent notamment donner suite à ses jugements et condamnations, et respecter ses arrêts et demandes d’assistance.  De ce point de vue, le représentant a souligné l’appui fourni par plusieurs gouvernements africains et européens pour accueillir dans leurs prisons les personnes condamnées.  Le représentant a pris note des mesures prises par le Président du Mécanisme pour répondre aux préoccupations exprimées par le Conseil dans sa résolution 2422 (2018), concernant la libération anticipée des personnes condamnées, dont certaines n’ont exprimé aucun regret pour les crimes commis.  De telles libérations, a-t-il estimé, ne doivent pas se décider sans consulter systématiquement d’autres magistrats du Mécanisme, mais aussi les gouvernements concernés.  En conclusion, le représentant a appelé le Conseil à faire preuve d’unité dans son appui au Mécanisme.

M. TIEMOKO MORIKO (Côte d’Ivoire) a pris note de l’état d’avancement des travaux du Mécanisme et a salué l’engagement du Président du Mécanisme à entreprendre des consultations élargies en vue de garantir une plus grande transparence et de mieux examiner les effets des libérations anticipées.  Le représentant a notamment exhorté le juge Carmel Agius à envisager l’instauration de conditions pour les libérations anticipées dans les cas qui s’y prêtent, comme recommandé par le paragraphe 10 de la résolution 2422 (2018) du Conseil.

Le représentant a par ailleurs noté le rôle prépondérant des juridictions nationales dans la recherche et la poursuite des auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocides commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda.  À cet égard, il a salué l’assistance multiforme apportée par le Mécanisme à ces juridictions, afin de rendre effectifs le principe de complémentarité et la prise en charge par les autorités nationales de l’établissement des responsabilités après un conflit.

Le renforcement de la coopération entre les États Membres et le Mécanisme est nécessaire pour accroître l’efficacité de ce dernier, a par ailleurs estimé le représentant.  « Malheureusement, mon pays note avec regret l’insuffisance de la coopération judiciaire entre les pays de l’ex-Yougoslavie, faisant ainsi planer le risque de voir les auteurs de crimes trouver refuge dans les États voisins », a déploré le représentant.  Dans ce contexte, il a salué le dialogue engagé par le Bureau du Procureur du Mécanisme avec les parquets et les autorités nationales de la région, en vue de promouvoir la coopération judiciaire régionale en matière de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide.  Le représentant a également appuyé l’initiative prise par la Serbie d’organiser une conférence régionale des procureurs chargés de ces crimes.  Le Mécanisme a besoin d’une meilleure coopération entre tous les États Membres dans le cadre des poursuites contre les derniers fugitifs soupçonnés de génocide, de l’exécution des peines et de la réhabilitation et de la réinsertion des personnes acquittées, a-t-il enfin déclaré.

M. FABRICE FIZE (France) a espéré que les faits établis de manière définitive dans l’affaire Karadžić feront l’objet d’une acceptation sans ambiguïté et qu’ils serviront de fondement à la réconciliation.  Le représentant a insisté sur la coopération des États avec le Mécanisme, prévenant que « les crimes commis par les fugitifs ne sauraient rester impunis ».  Il a particulièrement encouragé la coopération interétatique dans la région de l’ex-Yougoslavie pour compléter l’assistance judiciaire offerte par le Mécanisme.  Le représentant s’est dit préoccupé par l’évaluation de nouveau négative de la coopération judiciaire régionale: « à son plus bas niveau depuis des années ».  Les pays issus de l’ex-Yougoslavie doivent coopérer avec le Mécanisme et lutter eux-mêmes contre l’impunité.  Ce sont deux dimensions indissociables et essentielles à la réconciliation et à la stabilité régionale, elles-mêmes primordiales pour l’avenir des Balkans occidentaux, a martelé le représentant. 

Il a indiqué, à propos du Rwanda, que les deux affaires renvoyées par le TPIR devant les juridictions françaises ont connu des développements importants au cours de l’année 2018.  La France continuera, a-t-il promis, à traiter ces affaires « avec toute la diligence et la rigueur nécessaires ».  Le représentant a informé le Conseil de la décision du Président Emmanuel Marcon de renforcer les moyens matériels et financiers dédiés à la poursuite des participants au génocide qui se trouveraient en France.  Ce renforcement poursuit un double objectif: ouvrir rapidement des poursuites et pouvoir les traiter plus efficacement.  Comme le Procureur, le représentant a conclu sur la négation des crimes et rappelé que le déni de génocide est passible de sanctions pénales en France. 

Nous n’épargnerons aucun effort pour contrer les discours de déni à l’égard des faits bien établis, a-t-il martelé, avant de rappeler qu’à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire du génocide rwandais, le Président Macron a fait du 7 avril une journée de commémoration officielle du génocide des Tutsis.  Enfin, sur la question de demandes de libération anticipée, il a appelé au respect de la résolution 2422 (2018) et a encouragé le Mécanisme à poursuivre ses discussions en vue de se doter d’un régime clair de libération anticipée qui enrichisse utilement la jurisprudence internationale. 

En termes de charge de travail, M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a noté que, durant la période considérée, le Mécanisme avait rendu 225 décisions et arrêts.  « C’est un résultat très impressionnant compte tenu de la situation budgétaire tendue et des opérations diminuées du Mécanisme », a salué le représentant, notant également avec satisfaction que les méthodes de travail mises en place par le Mécanisme ont permis à ses juges de rendre des jugements « rapides », dans le cadre de procédures judiciaires « plus courtes ».  Il a également noté que, sur les 225 décisions rendues, 142 concernaient, non pas des crimes fondamentaux, mais des requêtes liées à d’autres fonctions résiduelles.

S’agissant justement de l’assistance apportée par le Mécanismes aux juridictions nationales, le représentant a jugé très importants les programmes de renforcement des capacités pour que tous les cas déférés à des instances nationales soient traités dans le respect des normes.  Les États ont la responsabilité principale de mettre un terme à l’impunité et de poursuivre les responsables des crimes les plus graves, mais ils doivent également bénéficier d’une assistance et d’un appui, a-t-il estimé, précisant toutefois que cela ne doit pas retarder la conclusion par le Mécanisme des procès en suspens. 

La justice ne pourra être rendue tant qu’il y aura des fugitifs, a par ailleurs estimé le représentant, appelant à renforcer la coopération entre États Membres pour faire en sorte que ces fugitifs soient traduits en justice.  Le représentant a noté les problèmes importants auxquels se heurtent les poursuites à l’échelle nationale.  Il a dit partager les préoccupations des victimes du génocide rwandais, qui attendent toujours que justice soit rendue.  Il a par conséquent exhorté les États Membres à les entendre. 

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) s’est dite encouragée par les priorités fixées par le Président et le Procureur du Mécanisme et par leur détermination de mener à bien les procédures judiciaires en cours dans les temps impartis, tout en veillant au respect des normes internationales.  Elle a salué les solutions innovantes et efficaces trouvées à cet effet, notamment la coordination et l’harmonisation des procédures.  La représentante a aussi dit apprécier le travail de protection des victimes et des témoins que le Mécanisme effectue, ainsi que l’assistance qu’il apporte aux juridictions nationales.  Elle a pris note des problèmes auxquels le Mécanisme est confronté, y compris ceux liés aux ressources, aux fugitifs et aux personnes acquittées et libérées.  À cet égard, elle a rappelé que le Conseil de sécurité a exhorté à de nombreuses reprises les États qui abriteraient les fugitifs à coopérer avec le Mécanisme.  Les institutions de justice pénale internationale jouent un rôle majeur dans la lutte contre l’impunité, a conclu la représentante, qui a assuré le Mécanisme du soutien de la Pologne.

Convoquant l’histoire de son pays, M. MATHIAS LICHARZ (Allemagne) a tenu à témoigner du caractère « crucial » de la poursuite des crimes graves.  Un pays ou une région, « paralysé » par ces crimes horribles, ne peut commencer le processus important de réconciliation et recoudre le tissu social que s’il sait que la justice prévaudra.  Le représentant a donc appelé les États qui abriteraient les fugitifs à les arrêter et les transférer au Mécanisme.  Il a particulièrement souligné que le fait que des membres du Conseil de sécurité aient des réticences à coopérer avec le Mécanisme constitue une entrave à l’exercice de la justice « illégale et inacceptable ».  Il s’est donc félicité de la note verbale de l’Afrique du Sud, « car les membres du Conseil doivent guider par l’exemple ». 

Le représentant s’est en revanche dit préoccupé par le manque de progrès et d’efficacité dans les procès menés dans les pays de l’ex-Yougoslavie.  Il s’est inquiété de la tolérance accrue aux discours nationalistes, en particulier en Bosnie-Herzégovine, en Croatie et en Serbie, qui pourraient devenir des refuges pour les criminels.  Il a condamné la glorification de ces criminels tout comme la négation du fait que des crimes de guerre ont été commis dans l’ex-Yougoslavie.  Il a appelé tous les pays de la région à lutter contre cette désinformation.  Il a indiqué, en conclusion, que son propre pays a accepté que quatre personnes sur les 18 condamnées par la TPIY exécutent leurs peines dans les prisons allemandes.  Il a encouragé les autres pays à faire de même. 

M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a estimé que le rapport d’activité du Mécanisme démontre que cette structure n’a de cesse de violer les termes de la résolution 1966 (2010) du Conseil.  Contrairement aux objectifs fixés lors de sa création, le Mécanisme fait preuve d’une « vitalité sans comparaison ».  Il y a 20 ans, a rappelé le représentant, les forces aériennes de l’OTAN ont effectué des raids aériens pendant des mois contre l’ex-Yougoslavie.  Ces attaques ont coûté la vie à des centaines de personnes, y compris de nombreux enfants.  Or le TPIY a refusé d’enquêter sur ces crimes et a construit « tout un mythe », rejetant l’intégralité de la responsabilité des crimes commis dans les Balkans sur Belgrade.  « Et le Mécanisme a parfaitement pris le relais », a tranché le représentant. 

À titre d’exemple, il a cité le fait que la peine de Radovan Karadžić a été revue et renforcée.  Quant à l’affaire Ratko Mladić, elle est toujours à l’examen, a-t-il regretté, dénonçant les tentatives d’influencer les juges dans ces affaires.  De plus, une nouvelle affaire d’outrage semble être une tentative de prolonger « artificiellement » l’existence du Mécanisme.  Le représentant s’est par ailleurs dit préoccupé par l’état de santé de Ratko Mladić, qui pourrait ne pas avoir accès aux soins de santé nécessaires. 

« Nous comptons sur un assainissement de la situation », a dit le représentant, précisant que son pays ne s’acquittera pas de sa contribution au budget du Mécanisme.  Il a par ailleurs reproché au Procureur du Mécanisme de ne pas avoir mentionné la résolution pertinente du Conseil de sécurité lorsqu’il a fait référence au Kosovo.

M. XOLISA MFUNDISO MABHONGO (Afrique du Sud) a pris note des préoccupations du Procureur s’agissant, en particulier, de la coopération des États.  Ces derniers, a-t-il souligné, ont l’obligation internationale de coopérer avec le Mécanisme et le Procureur.  Comme tous les États, l’Afrique du Sud prend cette obligation internationale « très au sérieux ».  Le représentant a rappelé, dans ce cadre, que son pays a été contacté par le Procureur pour une demande d’assistance.  Nous avons communiqué cette requête, a-t-il affirmé, aux autorités compétentes et nous travaillons activement à la question, comme nous l’avons dit au Procureur. 

M. ABDULAZIZ A. M. A. ALAJMI (Koweït) a rappelé que le Conseil de sécurité a créé le Mécanisme pour terminer les fonctions résiduelles du TPIR et du TPIY.  Il a salué les priorités fixées par le nouveau Président du Mécanisme qui a dit miser sur la coordination et l’harmonisation des procédures et sur l’amélioration des performances de son personnel.  Il a rappelé que le fait que l’Assemblée générale n’ait pas approuvé la proposition budgétaire du Mécanisme pour 2018-2019 a amené ce dernier à réviser ses ambitions à la baisse et à licencier des membres de son personnel.  Le Mécanisme doit avoir les moyens de son mandat, a plaidé le représentant, qui a dit attendre avec intérêt les derniers verdicts, dans les délais prévus.  Il a salué à cet égard les propositions du Président sur la réduction graduelle des effectifs.  La responsabilité de localiser et d’arrêter les fugitifs, a-t-il conclu, n’incombe pas seulement au Mécanisme.  Il a appelé tous les États Membres à coopérer. 

Mme EMILY PIERCE (États-Unis) a estimé que les travaux en suspens du Mécanisme concernent des affaires « très importantes », notamment la procédure d’appel dans l’affaire Mladić, les procès en cours dans l’affaire Stanišić et Simatović et les procédures préliminaires concernant l’affaire Turinabo.  Alors que nous venons de commémorer l’anniversaire du génocide à Srebrenica, a-t-elle ajouté, nous devrions également mentionner l’arrêt rendu par la Chambre d’appel en mars dernier concernant l’affaire Karadžić, qui a confirmé sa condamnation pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre.

Il y a 24 ans, après l’expulsion de Srebrenica de 30 000 femmes, enfants et personnes âgées, tous Bosniaques de confession musulmane, plus de 8 000 hommes et garçons, ont été assassinés, a rappelé la représentante.  La Chambre d’appel a confirmé que ces meurtres, « le plus grand massacre en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale », ont résulté directement de la décision de Karadžić et de ses complices de « détruire les musulmans de Srebrenica ».

Pour atteindre ses objectifs « pervers », Karadžić et d’autres se sont d’abord lancés dans une campagne de propagande présentant les musulmans et les Croates de Bosnie comme les ennemis des Serbes, a poursuivi la représentante, dénonçant la façon dont les auteurs ont exploité cette méfiance et cette suspicion pour créer un climat dans lequel le génocide est devenu possible.

C’est parce que nous continuons à vivre dans l’ombre de ce crime que nous sommes profondément alarmés de constater que des criminels de guerre condamnés sont désormais « glorifiés » et que des « dirigeants sans scrupules réécrivent l’histoire », s’est inquiétée la représentante.  « Ceux qui nient la vérité, créent la méfiance à l’égard des institutions judiciaires, nient l’humanité de leurs voisins et exploitent la douleur des victimes pour servir leurs propres intérêts doivent être condamnés », a-t-elle estimé.  Selon la représentante, bien que Karadžić se soit caché pendant plus d’une décennie, le fait qu’il ait été retrouvé et poursuivi est un témoignage « puissant » du courage des victimes qui ont témoigné et de leur dévouement envers la justice.

Toutefois, la représentante a estimé que ce n’était pas aux victimes de rendre justice, mais aux États.  Dans ce cadre, elle s’est félicitée des efforts du Mécanisme pour retrouver les huit fugitifs rwandais toujours en fuite.  « Ces personnes sont accusées de certains des actes les plus effroyables de notre époque », a-t-elle précisé, et il est de notre responsabilité de les traduire en justice.

Les États-Unis offrent une prime allant jusqu’à 5 millions de dollars pour toute information conduisant à l’arrestation de ces huit individus.  Que cela, comme dans l’affaire Karadžić, soit un message pour eux: « nous ne cesserons pas de les chercher ».  La représentante a par ailleurs salué l’engagement pris par l’Afrique du Sud de coopérer pleinement avec le Mécanisme.  « Mais nous avons été déçus d’apprendre qu’elle n’avait pas encore donné suite à ses demandes », a-t-elle nuancé, exhortant le Gouvernement sud-africain à collaborer étroitement avec le Mécanisme dans la recherche des fugitifs.  En cette phase de transition pour le Mécanisme, la représentante a appelé à veiller à ce que sa responsabilité soit réduite au minimum.  La responsabilité de mener à bien les poursuites doit revenir au bout du compte aux autorités nationales.

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a jugé « indispensable » que tous les pays concernés coopèrent non seulement entre eux mais aussi avec le Mécanisme.  Il a déploré à cet égard, que les huit personnes mises en accusation devant le TPIR soient toujours en fuite.  Les membres du Conseil, a-t-il dit, doivent « évidemment » montrer l’exemple.  Il s’est donc réjoui que l’Afrique du Sud ait exprimé sa volonté de coopérer.  Il a soutenu l’appel du Procureur afin que les autorités sud-africaines respectent maintenant leur engagement dans la pratique, en s’exécutant dans les meilleurs délais.  Le représentant s’est également dit très préoccupé par les informations persistantes sur le déni des crimes et la glorification des criminels de guerre dans certains pays de l’ex-Yougoslavie.  Il a également regretté un nouveau ralentissement de la coopération judiciaire régionale dans les Balkans et a appelé les États concernés à inverser la tendance actuelle.  Il a tenu à rappeler les engagements qu’ils ont pris à cet égard il y a un an au Sommet des Balkans occidentaux à Londres, dans le cadre du processus de Berlin.

Par sa résolution 2422 (2018), a conclu le représentant, le Conseil a encouragé le Mécanisme à envisager l’instauration d’un régime de libération anticipée sous conditions.  Il s’est donc félicité de ce que le nouveau Président compte engager des consultations avec d’autres parties concernées et qu’il étudie actuellement des solutions adéquates. 

Mme SUSAN JANE DICKSON (Royaume-Uni) a salué les priorités que s’est fixées le juge Agius.  Rappelant que le Mécanisme continue de fonctionner avec un budget réduit, elle a salué le fait qu’il cherche néanmoins à s’acquitter de ses fonctions dans les délais prévus.  Elle a appelé à préserver un équilibre entre les fonctions pénales et les autres.  Elle a dit suivre de près les affaires en cours au titre du TPIR et a exigé que les huit fugitifs soient remis au Mécanisme sans plus tarder.  Elle a aussi pris note des affaires en cours au titre de l’ex-Yougoslavie, prévenant que leur issue dépend d’une bonne coopération des pays de la région.  Rappelant que 2019 marque le vingt-cinquième anniversaire du génocide rwandais et 2020 celui en ex-Yougoslavie, la représentante a dit que cela doit faire réfléchir à l’importance de deux Tribunaux dans la lutte contre l’impunité.  Elle n’a pas manqué de dénoncer ceux qui cherchent à nier les crimes commis.

M. LIU YANG (Chine) a pris note des « progrès constants » réalisés par le Mécanisme, au cours des six derniers mois, ainsi que des prévisions pour mener à terme les affaires en souffrance dans les délais impartis.  Le représentant a également pris note de la volonté du Président Agius de continuer d’améliorer les procédures du Mécanisme et d’accroître son efficacité, afin de conclure les travaux à temps.  Il a de plus salué les efforts du Mécanisme pour répondre aux préoccupations exprimées par le Conseil concernant la question de la libération anticipée.  En conclusion, le représentant a réaffirmé que le Mécanisme est une structure « réduite mais efficace », dont les fonctions et la taille seront amenées à être réduites encore davantage à l’avenir. 

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a souhaité plein succès au Président du Mécanisme.  L’existence de ce type d’institutions est essentielle pour la protection des droits fondamentaux de tous et la lutte contre l’impunité, a-t-il souligné.  Il a espéré que certaines des affaires en cours au titre de l’ex-Yougoslavie pourront être clôturées d’ici à la fin de 2020.  Saluant les nouvelles priorités fixées par le nouveau Président du Mécanisme en vue d’accroître la productivité et de finaliser le programme de travail, il a souligné que les pays membres du Conseil de sécurité ont une obligation particulière, surtout pour ce qui est de veiller à un budget adéquat.  Il a insisté sur une bonne coopération des États avec le Mécanisme et le Bureau du Procureur, notamment pour l’arrestation et le transfèrement des fugitifs. 

Mme AMPARO MELE COLIFA (Guinée équatoriale) a salué les efforts du Mécanisme pour mener ses travaux à leur terme de la manière la plus efficace possible et dans le respect des droits fondamentaux des personnes concernées par les affaires en suspens.  Elle a également salué la volonté de la nouvelle direction du Mécanisme de prendre en compte l’opinion des États concernés, notamment dans le cas de l’ex-Yougoslavie, s’agissant de la mise en liberté anticipée des condamnés, à condition que ces derniers aient purgé les deux tiers de leur peine.  La représentante a salué la dynamique lancée par le Président qui, a-t-elle dit, ne doit pas s’écarter du mandat et conduire à une augmentation du budget.  La représentante a salué les efforts programmatiques déployés pour que toutes les affaires en suspens soient réglées d’ici à 2020 et que le Mécanisme ferme ses portes en 2021.  Elle a enfin appelé à la coopération des États qui doivent fournir toute l’assistance nécessaire au Mécanisme, conformément à la résolution 2422 (2018) du Conseil.

L’objectif de fermer le Mécanisme d’ici à juin 2020 rentre en contradiction avec l’évaluation de ses responsables selon laquelle certaines affaires ne pourront être conclues avant cette date, a noté Mme NELA KUBUROVIĆ, Ministre de la justice de la Serbie.  Cela jette un doute quant à la capacité du Mécanisme de mener à leur terme les dernières affaires, dans les délais impartis, a estimé Mme Kuburović.  Cela pose également la question du cadre institutionnel des affaires restantes.

Dans ce contexte, la représentante a indiqué que certaines assertions dans le rapport du Mécanisme sont « sans fondement » et « préoccupantes », notamment le paragraphe 29 qui dit: « La politique de conditionnalité appliquée par l’Union européenne, subordonnant toute avancée dans le processus d’adhésion à la pleine coopération avec le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie et le Mécanisme, demeure un outil essentiel pour assurer une coopération continue avec le Mécanisme. »  Cette position, a lu la Ministre, définit le contexte politique de la coopération de la Serbie avec l’Union européenne, en remplaçant les arguments juridiques par des arguments politiques.  Le Mécanisme est perçu comme un outil pour exercer une pression politique, a-t-elle estimé.  Ni le Procureur, ni le Mécanisme n’ont un tel mandat.

La Serbie, a-t-elle affirmé, a coopéré en temps et en heure avec le Mécanisme.  Or, le rapport du Mécanisme n’a de cesse de dénoncer l’absence de poursuites contre des hauts responsables qui ont commis des crimes, « alors même que parmi les personnes transférées au Tribunal, on compte le Président de la République fédérale de Yougoslavie, le Président de la République de Serbie, le Vice-Président du Gouvernement fédéral, le Vice-Président du Gouvernement de la République de Serbie, trois anciens chefs d’état-major de l’armée de Yougoslavie, un ancien chef des services de sécurité et de nombreux autres généraux de l’armée et hauts officiers de la police ».  Rien d’équivalent n’a été demandé à aucun autre pays.  « Il y avait sans doute des raison juridiques à cela », a-t-elle ironisé.

Revenant sur l’affaire d’outrage concernant Petar Jojić et Vjerica Radeta, la Ministre a estimé qu’il s’agit là d’une tentative d’instrumentaliser cette affaire pour faire pression sur le Gouvernement serbe.  Cette affaire n’a rien à voir avec l’ordre juridique international sur lequel l’ONU est fondée, a insisté Mme Kuburović.  Elle a par ailleurs déclaré que son pays entretient un niveau élevé de coopération avec la Bosnie-Herzégovine.  Elle a dit espérer que la coopération avec la Croatie s’améliorera très prochainement.  Selon elle, l’organisation de réunions entre les procureurs de la région chargés des crimes de guerre témoigne du haut degré de coopération régionale.  Elle a d’ailleurs noté que le Procureur du Mécanisme a pris part, en mai dernier, à la Conférence organisée à Belgrade sur les poursuites des crimes de guerre.  Dans ce contexte, la Ministre a dit ne pas souscrire à l’évaluation du paragraphe 81 du rapport, selon laquelle « la coopération judiciaire régionale dans le domaine des crimes de guerre n’était pas satisfaisante ».  Mme Kuburović a estimé qu’à l’inverse, cette coopération est bien plus importante que lors des années précédentes. 

Par ailleurs, la Ministre s’est dite déçue par l’affirmation suivante du rapport:  « Cependant, il est inquiétant que, jusqu’à présent, aucun officier de haut rang ou de rang intermédiaire n’ait été tenu responsable, par une juridiction serbe, du nettoyage ethnique ayant visé 800 000 civils du Kosovo en mars et avril 1999. »  Ces allégations sont fausses, s’est insurgée Mme Kuburović, dénonçant des propos inspirés de la « propagande » visant à justifier le bombardement pendant 78 jours de la Serbie, il y a 20 ans, « sans la moindre raison » et sans décision du Conseil.  Personne ne semble endosser la responsabilité de cet « acte monstrueux » qui a fait des milliers de victimes, a déploré la Ministre.  Parallèlement, aucune enquête n’a été ouverte sur les crimes de guerre commis à l’encontre des Serbes et non-Albanais au Kosovo-Metohija, a-t-elle ajouté, précisant que tout effort en ce sens s’était heurté à l’obstruction de la police kosovare.

La Ministre de la justice a rejeté l’idée de donner au Procureur du Mécanisme une « influence » dans le processus de prise de décisions concernant les libérations anticipées de personnes condamnées.  Ce dernier tente, selon elle, de remettre en cause une pratique bien établie depuis une décennie.  Une telle évolution porterait préjudice aux efforts déployés par la Serbie pour que ses ressortissants condamnés par le Mécanisme ou le TPIY purgent leur peine en Serbie.  Mon pays est prêt à donner des garanties et à accepter un suivi international pour garantir que les personnes emprisonnées ne soient pas relâchées de manière anticipée sans décision préalable du Mécanisme ou du futur organe de l’ONU qui sera chargé de la question.  Mme Kuburović a appelé le Conseil à soutenir la demande serbe.  Elle a également appelé le Secrétaire général à se rendre en Serbie pour « inspecter lui-même » les prisons.

Nous appuyons fermement l’entrée des pays des Balkans occidentaux à l’Union européenne, a déclaré Mme ZDRAVKA BUSIĆ, Secrétaire d’État aux affaires politiques de la Croatie.  Le processus d’accession, a-t-elle estimé, est fondé sur des critères clairs et bien connus et la pleine coopération avec le Mécanisme en fait partie.  Elle a appelé la Serbie à faire montre de cette coopération dans l’affaire Petar Jojić et Vjerica Radeta.  Elle a indiqué que l’année dernière, les Ministres de la justice croate et serbe se sont mis d’accord pour créer deux commissions communes chargées d’un accord sur la coopération dans les poursuites pour les crimes de guerre et de l’échange des listes des personnes accusées ou condamnées.  Nous ne pouvons pas dire que nous sommes extrêmement satisfaits de la manière dont les choses avancent, a-t-elle avoué.  Les commissions ont travaillé mais sans progrès réel.  La position de la Croatie est pourtant claire: le pays dans lequel les crimes ont été commis a la responsabilité première de poursuivre.  La position de la Serbie de juger les crimes commis sur le territoire croate est donc « inacceptable ».  La coopération avec la Serbie se heurte aussi à des problèmes s’agissant de la question des personnes disparues dont 1 892 Croates.  La Serbie n’est pas du tout pressée d’ouvrir ses archives alors que cette question est un des éléments clefs de la poursuite du dialogue avec la Croatie et un critère important du processus d’accession de la Serbie à l’Union européenne. 

Pour Mme VALENTINE RUGWABIZA (Rwanda), le changement de leadership à la tête du Mécanisme est l’occasion de réfléchir à son legs, ces huit dernières années, qui peut se résumer en quatre points: 11 condamnés pour des crimes de génocide ont bénéficié d’une libération anticipée; aucun des 8 fugitifs inculpés par le TPIR n’a pu être traduit en justice; 23 condamnés pour génocide et crimes contre l’humanité ont obtenu une réduction de leur peine après une procédure d’appel, passant d’une condamnation à vie à quelques années de prison, voire à un acquittement; et 9 des génocidaires libérés ou acquittés vivent dans des conditions très confortables à Arusha aux frais des États Membres, y compris le Rwanda.  Voici, en résumé, le bilan « affligeant » des anciens responsables du Mécanisme, s’est indignée la représentante.

S’agissant des libérations anticipées, elle a affirmé que l’ex-Président du Mécanisme avait fixé le critère « arbitraire » des deux tiers de la peine.  À l’exception de trois cas, les décisions de libérer n’ont jamais été notifiées au Gouvernement rwandais ni aux représentants des survivants du génocide, aux communautés victimes ou aux témoins.  Le Rwanda compte désormais sur de véritables consultations avant l’examen de toute demande de libération anticipée. 

Le Gouvernement du Rwanda attend du Président du Mécanisme le respect de l’esprit et de la lettre de la résolution 2422 (2018) du Conseil de sécurité.  Il doit, a martelé la représentante, fixer des conditions claires pour toute libération anticipée sous condition.  C’est la seule façon, a-t-elle estimé, d’empêcher ceux qui ont été libérés de promouvoir, une nouvelle fois, l’idéologie génocidaire.

Pour ce qui est des fugitifs toujours en cavale, la représentante a rappelé que le Bureau du Procureur avait indiqué, dans son dernier rapport, que les progrès dans la localisation et l’arrestation de ces derniers sont sapés par certains États et d’autres autorités pertinentes qui refusent de coopérer avec le Mécanisme.  Le Procureur général du Rwanda a envoyé plus de 1 000 mises en accusation à plus de 34 pays, demandant leur coopération dans l’arrestation et la poursuite judiciaire de ces individus et leur transfèrement au Rwanda pour qu’ils y soient jugés.  Elle s’est fait l’écho de l’appel lancé par le Procureur pour qu’ils respectent leurs obligations au titre du droit international, en apportant leur soutien à la localisation, à la traque et à l’arrestation des fugitifs. 

La représentante a saisi cette occasion pour remercier le Canada, la République démocratique du Congo (RDC), le Danemark, l’Allemagne, le Malawi, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède et les États-Unis pour avoir transféré ou poursuivi dans leurs tribunaux les génocidaires.  Elle a appelé à l’arrestation ou au procès de Vincent Bajinya, Emmanuel Nteziryayo, Charles Munyaneza, Celestine Ugirashebuja et Celestin Mutabaruka qui vivent en toute liberté au Royaume-Uni, et Munyemana Sosthene, Rwamucyo Eugene, Bivugabagabo Marcel et Twagira Charles, qui ont trouvé refuge en France, et de Kayishema Fulgence, qui vit en Afrique du Sud.  La représentante a remercié les autorités françaises pour leurs efforts actuels. 

Elle a également dénoncé les nouveaux procès et appels où certains témoins ont subi des pressions et ont été corrompus, comme dans l’affaire d’outrage de Turinabo.  Elle est revenue sur le train de vie luxueux des neuf personnes condamnées pour génocide et relâchées ou acquittées qui vivent à Arusha aux frais des États. 

La représentante a réitéré, en conclusion, la faible performance du Mécanisme, au cours de ces huit dernières années, et son échec « cuisant » dans la finalisation des affaires du TPIR.  Le Rwanda s’attend à une meilleure coopération avec le Mécanisme, sous la houlette du juge Agius et exige des États Membres qui abritent les fugitifs une pleine coopération avec le Bureau du Procureur.

Terminant sur une note positive, elle a expliqué que dans le Rwanda d’aujourd’hui, les survivants du génocide et les génocidaires vivent pacifiquement côte à côte sur les mêmes collines et dans les mêmes communautés.  La justice a été au cœur de la lutte contre l’impunité, la réunification des communautés et la reconstruction du tissu social détruit en 1994.

M. SVEN ALKALAJ (Bosnie-Herzégovine) a souligné qu’au fil des ans, la coopération entre son pays et le TPIY a été pleine et entière.  Mon pays, a-t-il affirmé, demeure déterminé à contribuer activement aux efforts du Mécanisme.  Il a remercié l’Union européenne, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) pour leur appui au renforcement des capacités humaines et matérielles des institutions judiciaires de son pays chargées de poursuivre les crimes de guerre.  Le représentant a aussi souligné l’importance d’une bonne coopération entre les Bureaux des procureurs de son pays, de la Serbie et de la Croatie.  La Bosnie-Herzégovine, a-t-il conclu, demeure déterminée à enquêter, poursuivre et punir toute personne responsable de crimes de guerre.  Nous continuerons à renforcer notre système judiciaire car une bonne justice veut dire confiance et stabilité dans le pays mais aussi dans la région des Balkans occidentaux. 

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