Conseil de sécurité: après la défaite de Daech, toutes les communautés iraquiennes réclament justice pour les crimes subis, affirme le Chef de l’Équipe d’enquêteurs de l’ONU
Toutes les communautés iraquiennes ont été touchées et leur message est très clair: Daech doit répondre de ses actes, a affirmé aujourd’hui, devant le Conseil de sécurité, le Conseiller spécial et Chef de l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes.
Présentant son deuxième rapport depuis son arrivée en Iraq le 30 octobre 2018, M. Karim Asad Ahmad Khan a indiqué que le fait marquant de ces six derniers mois est que les survivants de toutes les communautés en Iraq réclament que justice soit faite sur la base de preuves objectives. Le rapport cite les chiites, les sunnites, les yézidis, les chrétiens, les kaka’i, les shabak ou encore les turkmènes. De Mossoul à Tikrit, en passant par Dahouk et Sinjar, ce ne sont pas des revendications revanchardes que l’on entend mais une détermination à faire éclater au grand jour l’idéologie perverse de Daech, dans le cadre des procès judiciaires.
Deux grandes vérités sont devenues évidentes, au cours de ces six derniers mois, a dit M. Khan: malgré sa barbarie, Daech n’a pas réussi à diviser la population iraquienne et le désir de justice est clair partout. Le Conseiller spécial a dit l’avoir constaté d’un bout à l’autre du spectre politique en Iraq et dans toutes les communautés. C’est la preuve de l’échec « cuisant » de Daech.
Créée par la résolution 2379 (2017), l’Équipe, qui a fait des progrès notables, a axé son action sur la collecte, la préservation et l’archivage des éléments de preuve sur les attaques commises par Daech contre la communauté yézidie dans la région de Sinjar en août 2014; les crimes commis par Daech à Mossoul entre 2014 et 2016, notamment l’exécution de membres de minorités religieuses, les crimes liés à des actes de violence sexuelle et de violence fondée sur le genre et les crimes contre les enfants; et le massacre de cadets non armés de l’armée de l’air iraquienne perpétré à l’école de l’air de Tikrit en juin 2014.
À ce jour, l’Équipe a recueilli 600 000 témoignages vidéo et 15 000 pages de documents internes de Daech fournis par des journalistes. Mais, a prévenu le Conseiller spécial, la collecte des éléments de preuve n’est pas une fin en soi. L’idée n’est pas de créer des archives « intéressantes » mais bien de contribuer à consolider les canaux pour que ces preuves puissent nourrir les enquêtes menées par le système judiciaire iraquien. Aujourd’hui même, l’Iraq a insisté sur le fait que tout usage des preuves autre que celui prévu par la législation nationale doit se faire en coopération avec les tribunaux et au cas par cas.
Les travaux de l’Équipe doivent pleinement respecter les procédures judiciaires des tribunaux iraquiens, conformément au droit international applicable, a-t-il, une nouvelle fois, insisté. La responsabilité première de traduire en justice les auteurs des atrocités incombe aux autorités iraquiennes, a renchéri l’Indonésie, qui a invoqué le plein respect de la souveraineté de l’Iraq et de sa compétence pour les crimes commis sur son territoire. C’est sur ce principe que se fonde d’ailleurs la résolution 2379, a souligné la Fédération de Russie.
Il est particulièrement important pour l’Iraq, ont plaidé les États-Unis, de travailler, dans un processus fondé sur le droit, pour établir les responsabilités. À cet égard, ont-ils estimé, l’Équipe joue un rôle critique, y compris celui de veiller à ce que les excavations des charniers et la collecte des éléments de preuve se fassent dans le respect des normes internationales. Ces éléments de preuve doivent être partagés, a affirmé l’Allemagne. Mais la Côte d’Ivoire a estimé qu’il faut d’abord aplanir les divergences d’interprétation de la résolution 2379, notamment face aux préoccupations que les preuves réunies par l’Équipe puissent conduire à l’application de la peine de mort.
La résolution, a rappelé la France, prévoit que le partage des preuves s’effectue dans le respect des meilleures pratiques de l’ONU et des standards internationaux en la matière. « Il s’agit ici de s’inscrire dans le droit fil de la pratique établie des tribunaux et mécanismes internationaux créés par les Nations Unies », a ajouté la Belgique, en évoquant les garanties procédurales, la protection des victimes et des témoins ou encore la non-application de la peine de mort. La Fédération de Russie a aussi jugé « injuste » que seuls l’Iraq et les pays voisins aient à assumer tout le fardeau des processus judiciaires. Elle s’est inquiétée de l’absence de solutions pour le rapatriement des combattants terroristes étrangers dans leur pays d’origine. Il faut donner la priorité à cette question, a acquiescé la Chine.
MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES (S/2019/407)
Déclarations
Dès le départ, nous avons cherché à entendre la voix et à écouter l’expérience des survivants, des témoins et des communautés, a affirmé M. KARIM ASAD AHMAD KHAN, Conseiller spécial et Chef de l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes. Toutes les communautés, a-t-il fait observer, ont été touchées par les crimes de Daech et leur message est très clair: Daech doit répondre de ses crimes.
L’Équipe d’enquêteurs, a dit M. Khan, a entendu des victimes parler dans des termes atroces des crimes qu’elles ont subis, ce qui ne fait que souligner l’urgence du travail pour concrétiser la promesse de la résolution 2379 (2017) du Conseil de sécurité.
Lorsque nous avons commencé à travailler avec les victimes, a poursuivi M. Khan, nous avons pris conscience qu’elles voulaient que justice soit faite, mais une justice fondée sur des preuves concrètes et pas sur des revendications revanchardes. Mon équipe et moi, a dit le Conseiller spécial, nous applaudissons leur résilience et leur volonté de faire éclater au grand jour l’idéologie perverse de Daech au cours des procès.
Ces six derniers mois, des progrès significatifs ont pu être faits, comme en témoigne le fait que l’Équipe reçoit maintenant des éléments de preuve conformément à sa stratégie d’enquête et ses règles d’engagement. L’Équipe compte désormais un personnel de 79 membres, contre 10 il y a six mois, dont plus de 55% de femmes, y compris aux postes de responsabilité, qu’il s’agisse d’enquêteurs, d’experts de la protection des victimes ou encore de légistes.
En mai 2019, M. Khan a dit avoir annoncé, avec le Premier Ministre iraquien, la nomination de Mme Salama Hason al-Khalifa à la tête du Bureau de la promotion de la participation nationale et de l’appui de l’Équipe. Il a applaudi l’engagement de la nouvelle Chef en faveur de l’état de droit et de la justice. Sa nomination montre que « le Gouvernement iraquien appuie le travail de mon équipe », s’est-il réjoui.
L’Équipe a également quitté l’hôtel dans lequel elle était basée et a maintenant des bureaux permanents dans la zone internationale où elle peut archiver ses éléments de preuve conformément aux critères internationaux et assurer des formes de soutien essentielles aux autorités nationales, y compris la transmission des témoignages par visioconférence pour soutenir les procès en cours dans les différents tribunaux nationaux.
L’Équipe a axé son action sur la collecte, la préservation et l’archivage des éléments de preuve sur les attaques commises par Daech contre la communauté yézidie dans la région de Sinjar en août 2014; les crimes commis par Daech à Mossoul entre 2014 et 2016, notamment l’exécution de membres de minorités religieuses, les crimes liés à des actes de violence sexuelle et de violence fondée sur le genre et les crimes contre les enfants; et le massacre de cadets non armés de l’armée de l’air iraquienne perpétré à l’école de l’air de Tikrit en juin 2014.
L’approche indépendante et impartiale de l’Équipe, fondée sur la collaboration, s’illustre dans ses activités de collecte d’informations auprès de tous les acteurs. Sur la base de ses partenariats avec des organisations internationales et non gouvernementales, l’Équipe a été en mesure de recueillir 600 000 témoignages vidéo et 15 000 pages de documents internes de Daech fournis par des journalistes. M. Khan a cependant tenu à rappeler que la collecte des éléments de preuve en tant que tel n’est pas une fin en soi. L’idée n’est pas de créer des archives intéressantes mais bien de contribuer à consolider les canaux pour que ces preuves puissent nourrir les enquêtes judiciaires en Iraq.
Sur la base des dernières discussions, l’Équipe espère pouvoir apporter un concours tangible à une affaire en cours dans les tribunaux nationaux, ce qui représenterait « un jalon crucial pour nous ». M. Khan a remercié le Gouvernement de l’Iraq et le Gouvernement régional du Kurdistan pour l’appui apporté à son équipe. Il a aussi remercié d’autres autorités locales et souligné que cette collaboration exemplaire et conforme aux règles d’engagement de l’Équipe, au cours de ces six derniers mois, est l’un des grands succès de ce premier stade du travail.
Des avancées significatives ont été réalisées au cours des six derniers mois mais la faculté de l’Équipe à exécuter son mandat reste tributaire du soutien du Conseil de sécurité et de la communauté internationale, a souligné M. Khan, qui a salué les fonds qui lui ont été versés par le truchement du Fonds d’affectation spéciale. Ces fonds ont permis de financer l’excavation des charniers et le soutien psychologique aux victimes et aux témoins, ainsi que la mise en place d’une infrastructure technique et technologique pour les analyses d’ADN et les analyses légistes et autres éléments de preuve.
Remerciant les États Membres qui ont déjà contribué au Fonds d’affectation spéciale, M. Khan a annoncé que la semaine dernière, les Émirats arabes unis ont fait une nouvelle contribution généreuse. À ce jour, l’Équipe a pu compter sur le soutien de l’Allemagne, de l’Arabie Saoudite, de la Suède et de la Turquie qui lui ont offert leurs experts et personnel national à titre gracieux. Ces contributions sont essentielles à la fois pour les travaux de l’Équipe d’enquête mais aussi pour le message de la communauté internationale: elle reste unie dans sa détermination à poursuivre en justice les auteurs des crimes. « Les procès justes survivront à l’histoire », a-t-il pronostiqué.
Pour M. Khan, deux grandes vérités sont devenues évidentes, au cours des derniers mois: malgré sa barbarie, Daech n’a pas réussi à diviser la population iraquienne et le désir de justice est clair partout. M. Khan a dit l’avoir constaté d’un bout à l’autre du spectre politique en Iraq et dans toutes les communautés. C’est la preuve de l’échec « cuisant » de Daech qui a échoué à intimider la population iraquienne, ce que montrent les témoignages recueillis.
Mme SUSAN JANE DICKSON (Royaume-Uni) a souligné l’importance de recruter davantage de personnel local au sein de l’Équipe d’enquêteurs et a remercié le Gouvernement iraquien pour son appui à cette dernière. Elle a encouragé l’Équipe à resserrer sa collaboration avec les autorités du pays. Cette coopération étroite, a-t-elle ajouté, doit également se baser sur un appui sans faille de la communauté internationale. La représentante a en outre salué les progrès « remarquables » réalisés par l’Équipe au cours de ces six derniers mois, dont l’aménagement d’un nouveau siège, l’adoption d’un système d’enquête et l’excavation des charniers à Sinjar. Elle a dit attendre avec impatience les premiers résultats de l’excavation qui doit être menée à Mossoul.
La représentante a en outre appelé l’Équipe à faire part au Conseil de tout problème rencontré dans l’accomplissement de sa mission et à lui communiquer le plus de détails possible sur ses stratégies d’enquête. Pour ce faire, la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI) et l’Équipe doivent travailler main dans la main, a-t-elle ajouté. La représentante a enfin annoncé que son pays compte allouer 1 million de livres sterling supplémentaires au budget de l’Équipe, ce qui portera la contribution britannique à 2 millions de livres au total. Elle a encouragé les États Membres à donner à l’Équipe les fonds nécessaires pour une bonne exécution de son mandat.
Mme CHERITH NORMAN-CHALET (États-Unis) a prévenu que son pays ne cessera de demander des comptes à Daech pour les atrocités qu’il a commises contre tous les Iraquiens. Elle s’est réjouie de ce que le Conseil de sécurité ait réitéré son soutien unanime au mandat de l’Équipe d’enquêteurs lors de sa toute première visite en Iraq, le mois dernier. La représentante s’est félicitée des progrès enregistrés jusqu’ici par l’Équipe et a rappelé que son pays a versé une somme de 2 millions de dollars pour financer la première excavation des charniers à Sinjar. L’accès à de tels sites est crucial pour une collecte professionnelle et impartiale des éléments de preuve sur les atrocités « inimaginables » commises contre les yézidis. Naturellement, a souligné la représentante, l’argent seul ne suffira pas à garantir une collecte efficace des preuves. Elle a donc salué l’engagement du Gouvernement iraquien à travailler étroitement avec l’Équipe, à laquelle il doit offrir un espace pour qu’elle puisse fonctionner avec efficacité.
L’indépendance et l’impartialité sont essentielles pour la crédibilité de l’Équipe, a-t-elle insisté. Aucun segment de la société iraquienne n’a échappé à la terreur de Daech. Il faut donc faire un récit équilibré et factuel du cours des évènements pour refléter la voix de tous les Iraquiens. Le travail que l’Équipe vient de commencer à Mossoul enverra un message important à tous les Iraquiens, y compris la communauté sunnite: la communauté internationale n’a pas oublié les atrocités qu’elles ont subies. Il est particulièrement important pour l’Iraq, a conclu la représentante, de travailler, dans un processus fondé sur le droit, pour établir les responsabilités. L’Équipe joue un rôle critique à cet égard, y compris celui de veiller à ce que les excavations et la collecte des éléments de preuve se fassent dans le respect des normes internationales.
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a jugé que les mécanismes créés par la résolution 2379 (2017) du Conseil font prévaloir la « justice humaine » et créent des moyens appropriés pour dédommager les victimes de Daech en Iraq. Nous savons très bien que la responsabilité de la lutte contre le terrorisme est de nature internationale, a affirmé le représentant. Aussi a-t-il appelé tous les partenaires et la communauté internationale à appuyer l’Iraq dans sa lutte, par exemple en soutenant le travail de l’Équipe. Beaucoup reste en effet à faire, a estimé le représentant, pour éradiquer la présence de Daech en Iraq, démanteler ses cellules dormantes et résoudre le problème des combattants terroristes étrangers. De manière générale, le représentant a appelé à endiguer les sources de financement de Daech et à s’attaquer aux causes profondes du terrorisme et de l’extrémisme violent.
M. TIÉMOKO MORIKO (Côte d’Ivoire) s’est inquiété du fait que les crimes entrant dans le champ d’investigation de l’Équipe ne sont pris en compte par la législation iraquienne que sous l’acception « crimes terroristes ». Le représentant a noté que le caractère transnational des actions de Daech, entre juin 2014 et juin 2016, appelle à l’identification d’espaces de coopération judiciaire entre les États de la région, afin que les individus détenus au-delà des frontières iraquiennes répondent des crimes commis sous la bannière de Daech. La Côte d’Ivoire exhorte donc le Conseiller spécial à poursuivre sa coopération avec les autorités iraquiennes, les communautés ethniques et religieuses affectées, la société civile, les groupes dont les contributions pourraient impulser davantage l’action de l’Équipe, même s’il faut veiller à l’impartialité, l’indépendance et la crédibilité.
M. Moriko a plaidé pour davantage d’implication des femmes dans les enquêtes. Il a salué par ailleurs la mise en place du programme de protection des témoins par l’Équipe, tout en se félicitant de sa coopération avec la mission de l’ONU et INTERPOL. Il a estimé qu’il importe d’aplanir au plus vite les divergences d’interprétation de la résolution 2379 (2017), notamment face aux préoccupations exprimées par certains membres du Conseil de sécurité pour qui les preuves réunies par l’Équipe pourraient conduire à l’application de la peine de mort.
Enfin, le représentant a souligné la nécessité de trouver des réponses durables aux causes structurelles de l’insécurité et de l’instabilité dans « nos pays et régions ». Il a appelé à des stratégies nationales et régionales de développement économique et social qui soient soutenues par la communauté internationale. Pour M. Moriko, il est nécessaire de veiller à le reconstruction économique et sociale en Iraq, tout comme dans d’autres régions meurtries par le terrorisme, la criminalité transfrontalière organisée et les conflits communautaires.
M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a jugé qu’il est temps que le Gouvernement et le peuple iraquiens tournent leur attention vers la réconciliation et l’édification d’un État représentant tout le monde. Protéger et aider les survivants de Daech doit être au centre des efforts, tout comme une enquête fondée sur des preuves et des témoignages. Il faudra du courage politique et de la coopération, et ici, au Conseil, nous devons nous tenir aux côtés du peuple iraquien dans cette phase cruciale, a souligné le représentant. Il a aussi souligné que la responsabilité première de traduire en justice les auteurs des atrocités incombe aux autorités iraquiennes. Il a encouragé l’Équipe d’enquêteurs à fonctionner dans le plein respect de la souveraineté de l’Iraq et de sa compétence pour les crimes commis sur son territoire.
Combattre l’impunité est une urgence et un impératif mais cette lutte doit se faire dans le respect des principes d’égalité souveraine et d’intégrité territoriale. La coopération est cruciale. La faculté de l’Équipe à exécuter son mandat dépend aussi de sa faculté à garder la confiance et l’appui non seulement du Gouvernement iraquien mais aussi du peuple, y compris la société civile et les leaders communautaires. Le représentant a donc salué les efforts de l’Équipe pour développer des relations avec un large éventail de communautés religieuses.
Pour M. JOSEPH EDWIN HAYDN DAVIES (Afrique du Sud), il va sans dire que l’établissement des responsabilités et la justice sont essentiels pour la reconstruction d’un pays. Il a salué le travail de l’Équipe qui, a-t-il dit, a un rôle essentiel mais aussi indépendant à jouer pour veiller à ce que les auteurs des crimes odieux commis par Daech soient jugés. Le représentant s’est dit préoccupé par le fait que malgré sa défaite, Daech représente toujours une menace en Iraq. L’Équipe doit donc faire passer un message clair: la communauté internationale ne fermera pas les yeux devant les crimes.
M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a estimé que la région du Moyen-Orient constitue toujours un véritable point d’ancrage pour Daech. Dans ce cadre, il a jugé très important que l’Équipe continue de bénéficier de l’appui des autorités iraquiennes. La collecte de preuves et l’excavation des charniers doivent se faire dans le respect des règles internationales et de la souveraineté de l’État iraquien, a poursuivi le représentant. C’est sur ce principe que se fonde la résolution 2379 (2017) du Conseil. Le représentant s’est félicité du travail réalisé au cours de ces six derniers mois par l’Équipe et a dit compter que les autorités iraquiennes entameront très prochainement des procédures judiciaires contre les terroristes sur la base des informations fournies par l’Équipe.
Il serait toutefois injuste, a-t-il estimé, que seul l’Iraq et les pays voisins aient à assumer tout le fardeau.Le représentant s’est en effet inquiété de l’absence de solutions pour le rapatriement des combattants terroristes étrangers dans leur pays d’origine.Il a appelé M. Khan à ne pas céder aux tentations « politico-judiciaires » et à s’en tenir au mandat créé par la résolution 2379, afin de garantir l’impartialité et l’ouverture qu’il faut.
M. ANDREAS JOSEF GLOSSNER (Allemagne) a salué les progrès majeurs réalisés au cours de ces six derniers mois par l’Équipe d’enquêteurs et a insisté sur l’importance qu’il y a à traduire en justice les responsables des crimes atroces pour la reconstruction du pays. C’est ce que souligne la résolution 2379 (2017), a-t-il fait remarquer, puisqu’elle traduit la détermination du Conseil de sécurité à faire toute la lumière sur ces crimes, qu’ils soient le fait d’acteurs étatiques ou non étatiques. Le représentant a souligné que la mission de l’ONU et l’Équipe d’enquêteurs partagent des objectifs communs comme le renforcement de l’état de droit en Iraq et l’établissement des responsabilités pour les crimes commis par Daech. Il a salué les bonnes relations de travail entre l’Équipe, les organes pertinents et la société civile iraquienne, notamment avec la Commission internationale pour les personnes disparues.
Le représentant a encouragé le Conseiller spécial à envisager des possibilités de collaboration avec d’autres pays parce que les crimes commis par Daech ne se limitent pas au territoire iraquien. Il a salué l’engagement du Gouvernement iraquien en faveur de l’état de droit et d’une franche collaboration avec l’Équipe, « qui a un véritable potentiel pour améliorer le système judiciaire et l’état de droit en Iraq ». L’Iraq devrait d’ailleurs incorporer les dispositions sur les crimes internationaux dans sa législation nationale, a estimé le représentant qui a également insisté pour que les éléments de preuve collectés par l’Équipe puissent être partagés.
M. YAO SHAOJUN (Chine) a appelé à régler de manière prioritaire le problème du retour des combattants terroristes étrangers. Il a appuyé les efforts de l’Iraq pour traduire les terroristes de Daech en justice, conformément à la loi nationale. Le représentant s’est, à son tour, félicité du travail accompli par l’Équipe d’enquêteurs, qui s’est efforcée au cours des derniers mois à mettre au point une stratégie d’enquête, à recruter ses membres et à procéder à l’excavation des charniers. Tout en saluant les progrès réalisés jusqu’ici, le représentant a appelé l’Équipe à continuer de travailler en étroite collaboration avec la mission de l’ONU, ainsi qu’avec les contreparties iraquiennes, pour prévenir le retour des terroristes.
Le représentant a salué l’appui du Gouvernement iraquien et de la population à l’Équipe d’enquêteurs, un appui qui revêt une importance capitale pour un travail réussi. L’Équipe doit s’acquitter de son mandat en respectant « scrupuleusement » la résolution 2379 (2017) et la souveraineté de l’Iraq, a-t-il précisé, tout en l’appelant à poursuivre ses efforts pour recruter des ressortissants iraquiens. Le représentant a enfin appelé la communauté internationale à adopter une politique de tolérance zéro contre le terrorisme. En tant que pays victime de ce fléau, la Chine est prête à aider tous les États Membres qui en feraient la demande.
« Même si cela a été souvent dit », M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a répété que la paix n’est possible que si la justice est rendue, et pour cela, il faut avant tout garantir l’établissement des responsabilités sur la base d’éléments de preuve solides. C’est pourquoi le travail de l’Équipe est essentiel, a-t-il estimé. Daech doit rendre des comptes après les crimes atroces qu’il a commis en Iraq et la Pologne se félicite du renforcement de l’Équipe et de sa bonne coopération avec les autorités iraquiennes, mais aussi avec les autorités locales et la société civile, a souligné le représentant. Cette coopération montre la volonté et l’engagement du Gouvernement iraquien à garantir la justice, a-t-il estimé, ce qui est une condition sine qua non de la réconciliation nationale.
Il a appelé tous les acteurs pertinents à apporter leur appui à l’Équipe pour qu’elle puisse pleinement s’acquitter de son mandat. À cet égard, il a insisté sur la diversité de son personnel pour pouvoir refléter toutes les composantes de la société iraquienne au-delà du personnel international. Garantir la justice aux victimes des crimes de Daech nécessite des preuves crédibles et solides, conformément aux normes internationales, a fait observer le représentant, en remerciant le personnel de l’Équipe.
Les travaux de l’Équipe portent aujourd’hui sur les crimes commis par Daech au Sinjar, à Mossoul et à Takrit, a rappelé Mme MARIE-LAURE CHARRIER (France). « C’est une première étape », a-t-elle déclaré, estimant que justice doit être rendue à l’ensemble des victimes des crimes les plus graves commis par Daech sur la totalité du territoire iraquien, y compris ceux commis par les dirigeants et commandants régionaux.
Pour y parvenir, la représentante a appelé l’Équipe à continuer de travailler avec tous les acteurs, qu’il s’agisse des autorités iraquiennes, des acteurs locaux, des associations de victimes, des ONG, des représentants de toutes les composantes de la population iraquienne ou des États Membres. Dans ce cadre, elle a salué la coopération entre la mission de l’ONU et l’Équipe, dont les mandats sont complémentaires, notamment en matière de lutte contre l’impunité. Les Nations Unies ont un rôle de premier plan à jouer pour appuyer les autorités iraquiennes dans la réforme de la gouvernance, le renforcement du système judiciaire et la consolidation de l’état de droit, a-t-elle ajouté.
S’agissant du partage des preuves avec les tribunaux iraquiens dans le cadre des procédures judiciaires, la représentante a rappelé que la résolution 2379 (2017) prévoit que ce partage s’effectue dans le respect des meilleures pratiques de l’ONU et des standards internationaux en la matière. Elle a, par ailleurs, appelé tous ceux qui sont susceptibles de détenir des informations pertinentes sur des crimes commis par Daech à les fournir à l’Équipe. Nous encourageons en particulier les États Membres à coopérer avec l’Équipe de manière opérationnelle, le cas échant, en concluant des accords de coopération. Pour sa part, la France entend coopérer pleinement avec le Conseiller spécial et ses équipes et elle se félicite que des contacts aient d’ores et déjà été pris avec les autorités françaises compétentes.
Enfin, la représentante a salué les autorités iraquiennes pour leur détermination à intégrer la lutte contre l’impunité aux efforts de stabilisation, de reconstruction et de réconciliation de toutes les composantes de la société iraquienne, « élément clef » pour prévenir toute résurgence de Daech dans le pays. Elle a salué en particulier l’appui du Gouvernement à l’Équipe et la mise en place par cette dernière d’un comité directeur pour fixer les modalités de la coopération. Il est important que le Conseil de sécurité apporte son soutien aux efforts entrepris par les autorités iraquiennes, a indiqué en conclusion la représentante, appelant à approfondir pour cela les travaux de l’Équipe et à les inscrire dans la durée.
M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a salué l’Équipe d’enquêteurs, qui a travaillé selon lui « de façon constructive et harmonieuse », en collaboration avec les autorités locales, la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI) et les agences de l’ONU sur le terrain. Nous espérons que cette collaboration va perdurer et même s’accroître dans les mois à venir, a-t-il ajouté. Le représentant a salué l’appui du Gouvernement à l’Équipe. Il a aussi salué la première série d’excavation des charniers qui a eu lieu dans le village de Kojo à Sinjar, dans le nord-ouest de l’Iraq, en mars et en avril derniers, dans le respect des rites et coutumes locales. Il a également salué l’attention accordée par l’Équipe aux crimes de violence sexuelle et sexiste. Dans ce cadre, le représentant a voulu que l’on veille à ce que les mécanismes d’enquête garantissent la protection des victimes comme des témoins. Il a félicité l’Équipe pour les mesures prises en ce sens.
Le représentant a en outre appelé à éviter que les familles des terroristes ne pâtissent pas des crimes commis par leurs proches, en particulier les femmes et les mineurs. Ces derniers doivent toujours être traités comme des victimes, même quand ils sont suspectés d’avoir participé aux crimes commis par des membres de leur famille, a-t-il insisté. Le représentant a enfin appelé au maintien de l’appui régional et international au Gouvernement iraquien, tant sur le plan juridique que financier.
M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) a souligné l’importance de la résolution 2379 (2017) et jugé fondamental que les responsables des « crimes atroces et énormes » commis par Daech entre juin 2014 et décembre 2017 soient traduits en justice. Les « découvertes énormes et glaçantes » de plus de 200 fosses communes avec les dépouilles de milliers de personnes n’en méritent pas moins, a-t-il ajouté. Le représentant a salué les efforts menés par l’Équipe d’enquêteurs pour lancer les stratégies initialement prévues dans son mandat, ainsi que les stratégies mises en place par la suite, comme les visites sur le terrain sur des scènes de crimes en Iraq et le contact établi avec les autorités nationales, les groupes de survivants et les leaders civils et religieux du pays. Il a également salué les processus opérationnels pour l’établissement et la conservation de preuves ainsi que pour la gestion de l’information. Le représentant a remercié les Gouvernements de l’Allemagne, de l’Arabie saoudite, de la Suède et de la Turquie qui ont fourni des experts pour former l’Équipe, avant de demander aux autorités iraquiennes et à l’ONU de poursuivre leur coopération avec l’Équipe.
M. MARC PECSTEEN de BUYTSWERVE (Belgique) a affirmé que pour reconstruire une société résiliente sur des bases solides en Iraq, il est primordial de lutter contre l’impunité. Étant donné que Daech fait partie des principaux auteurs de violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme qui ont eu lieu en Iraq, la Belgique et le Royaume-Uni ont organisé, en septembre 2016, une manifestation ministérielle de haut niveau afin de lancer une réflexion sur la meilleure manière de poursuivre ces crimes odieux sur le plan pénal. C’est également dans ce contexte que la Belgique a coparrainé la résolution 2379 (2017) établissant l’Équipe d’enquêteurs.
Le représentant a salué le travail de M. Khan, jugeant encourageantes les premières activités de collecte et d’analyse d’éléments de preuve, ainsi que les discussions menées quant à l’appui que l’Équipe pourrait fournir dans le cadre des procédures engagées sur le plan national. En matière de partage des éléments de preuve, le représentant a dit espérer que l’Équipe veillera, en tant que mécanisme indépendant et impartial des Nations Unies, à se conformer aux politiques et bonnes pratiques de l’ONU, ainsi qu’au droit international. « Il s’agit ici de s’inscrire dans le droit fil de la pratique établie des tribunaux et mécanismes internationaux créés par les Nations Unies », a noté le délégué en évoquant les garanties procédurales, la protection des victimes et des témoins ou encore la non-application de la peine de mort. La Belgique souhaite du reste que tous les auteurs de crimes, quelle que soit leur affiliation, puissent répondre de leurs actes devant les cours et tribunaux iraquiens. M. Pecsteen de Buytswerve a conclu en déclarant que ce mécanisme constitue un espoir immense pour les nombreuses victimes, et « il est de notre devoir de ne pas les décevoir ».
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a réitéré sa conviction que le travail de l’Équipe d’enquêteurs fait partie d’un plan, sur demande du Gouvernement de l’Iraq, dont le but est non seulement de garantir que justice soit rendue pour les actes terroristes commis par Daech, mais aussi de contribuer à la réconciliation en Iraq. Il a réaffirmé son appui à ladite équipe pour qu’elle continue de mener sa mission de manière impartiale, indépendance et crédible, conformément à la Charte des Nations Unies et aux normes applicables du droit international ainsi qu’aux politiques et meilleures pratiques de l’Organisation. Le représentant a salué la relation de respect et de coopération qui existe entre l’Équipe et le Gouvernement iraquien, rappelant que les activités de l’Équipe doivent compléter les enquêtes menées par les autorités nationales en Iraq. Il est important, de l’avis de M. Meza-Cuadra, de mettre l’accent sur les analyses médico-légales et les exhumations. En ce qui concerne les preuves recueillies, il a vu leur intérêt non seulement pour l’Iraq mais aussi pour d’autres États qui souhaiteraient les utiliser. Enfin, il a plaidé pour que l’Équipe d’enquêteurs reçoive les moyens nécessaires pour accomplir sa mission.
M. MOHAMMED HUSSEIN BAHR ALULOOM (Iraq) a remercié les membres du Conseil pour leur toute première visite dans son Iraq. Il s’est dit impatient d’achever le processus de nomination des experts iraquiens au sein de l’Équipe d’enquêteurs. Le Gouvernement de l’Iraq, a-t-il réitéré, s’est engagé à faciliter les travaux de l’Équipe, en appelant tous les organes gouvernementaux à accompagner la collecte des preuves, dans le respect de la souveraineté nationale. Les travaux de l’Équipe doivent pleinement respecter les procédures judiciaires des tribunaux iraquiens, conformément au droit international applicable, a-t-il insisté. Tout usage de preuve autre que celui prévu par la législation iraquienne doit se faire en coopération avec les tribunaux et au cas par cas. La communauté internationale doit redoubler d’efforts pour fournir une assistance technique et financière adaptée à l’Iraq, dans le cadre des procédures judiciaires en cours.
Le représentant a salué le travail que l’Équipe fait auprès des victimes et des témoins. Il a précisé que la loi de 1962 sur les mineurs a été amendée pour s’adapter aux besoins d’une société moderne. Nous avons également établi un tribunal de la jeunesse dans différentes régions. Cette législation « souple » devrait permettre aux tribunaux de prendre des décisions adaptées, tout en tenant compte des besoins spécifiques des mineurs. Le représentant a insisté en conclusion sur la nécessité de poursuivre la coordination entre le Gouvernement iraquien et l’Équipe, dans le respect de la souveraineté et de la compétence du pays. Les preuves doivent être utilisées pour compléter les enquêtes menées dans les procédures judiciaires pilotées par les organes iraquiens compétents, a-t-il insisté.