En cours au Siège de l'ONU

8567e séance – matin
CS/13865

Conseil de sécurité: face à l’escalade du conflit à Edleb, l’Envoyé spécial appelle à un nouveau mode d’appui international en faveur de la paix en Syrie

« Nous avons clairement besoin d’un mode renouvelé d’appui international » en faveur de la paix en Syrie, a déclaré ce matin, au Conseil de sécurité, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour ce pays.  M. Geir Pedersen, qui intervenait par visioconférence depuis Genève, a aussi jugé qu’il était grand temps de stabiliser la situation à Edleb, de parvenir à un cessez-le-feu national, de créer un comité constitutionnel et d’instaurer un climat de confiance entre les parties syriennes.

« Depuis le début de mon mandat, ce Conseil m’a offert son plein appui », a apprécié M. Pedersen.  « Après six mois à ce poste, je réalise combien cela est complexe et difficile, mais j’entrevois aussi les possibilités de tracer la voie pour sortir de ce conflit », a-t-il assuré. 

Notant que les discussions et la coopération internationales peuvent aider les Syriens à surmonter les obstacles auxquels ils font face, l’Envoyé spécial a constaté que pour l’heure, « aucun groupe international de négociation ne regroupe tous les principaux acteurs internationaux dont le soutien peut garantir des mesures concrètes et réciproques à tous les niveaux ».  De ce fait, M. Pedersen a dit envisager de trouver une formule qui tiendrait compte des exigences du format d’Astana, de celles du « Small Group format », sans oublier les membres permanents du Conseil de sécurité.  Par ailleurs, il a dit espérer que la question syrienne sera à l’ordre du jour des discussions qui vont débuter demain, au Japon, dans le cadre du G20.

« J’ai hâte de tester directement, lors de mes engagements à venir, si une formule pour laquelle j’ai veillé à avoir l’adhésion de tous, peut faire avancer la mise en place d’un comité constitutionnel », a annoncé l’Envoyé spécial.  Il a aussi dit vouloir consulter prochainement le Gouvernement à Damas, ainsi que les dirigeants de la Commission de négociation syrienne, pour finaliser les détails en suspens et permettre à l’ONU de faciliter les travaux du comité constitutionnel à Genève.

Si le comité constitutionnel peut être « une porte d’entrée », il ne résoudra pas à lui seul le conflit ou les défis auxquels la Syrie est confrontée, a toutefois averti M. Pedersen.  Il a fait observer que les choses pourraient avancer si des mesures tangibles et réciproques de confiance entre les parties étaient mises en œuvre, y compris sur le terrain.  Par exemple, des progrès concernant les détenus, les personnes enlevées et les personnes disparues pourraient avoir un réel impact. 

À Edleb, où se trouvent trois millions de civils, M. Pedersen a mis en garde contre le risque d’un « scénario pas de guerre, pas de paix », à savoir: des lignes de front pratiquement gelées; cinq armées internationales dans un risque de confrontation perpétuel; la poursuite de la violation de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance de la Syrie; le fait que des personnes déplacées et des réfugiés ne peuvent toujours pas rentrer chez eux; une insurrection renforcée de Daech avec des groupes terroristes et des combattants étrangers; et toujours pas de solution politique en vue.  Selon M. Petersen, « Edleb n’est pas seulement un problème humanitaire, qui ne concerne que la Syrie; c’est potentiellement une poudrière qui pourrait conduire à une escalade régionale. »

Par ailleurs, l’Envoyé spécial n’a pas manqué d’insister sur le respect du droit international humanitaire dans la lutte contre le terrorisme.  En effet, « même les guerres ont des règles qu’il faut respecter », a déclaré le Koweït. 

Les États-Unis ont, pour leur part, exigé que les groupes sur le terrain, y compris Hay’at Tahrir el-Cham, la Fédération de Russie et le régime d’Assad, « cessent immédiatement les opérations militaires et reviennent aux lignes originales de l’accord de cessez-le-feu de Sotchi de 2018 ».  De même, a indiqué le représentant américain, le Conseil de sécurité doit reconnaître que les efforts du groupe d’Astana pour faire avancer le processus politique ont échoué et il est temps d’encourager l’Envoyé spécial à essayer d’autres voies pour parvenir à une solution politique en vertu de la résolution 2254 (2015).  « En attendant que le régime d’Assad et la Russie prennent des mesures concrètes en vue d’une désescalade complète, immédiate et vérifiable à Edleb, les États-Unis continueront à appliquer des pressions diplomatiques et économiques par tous les moyens disponibles pour isoler le régime et ses alliés », a-t-il prévenu.  Les sanctions imposées à la Syrie sont essentielles au règlement du conflit, a renchéri l’Allemagne.

Le représentant syrien s’est quant à lui élevé contre ceux qui considèrent le Conseil de sécurité comme une « entité privée », dénonçant également la « politisation des sanctions ».  Même son de cloche pour son homologue russe qui a demandé à certains pays de renoncer aux sanctions unilatérales qui ne cessent d’aggraver la situation sur le terrain.  « Ce sont les civils qui en souffrent le plus », a-t-il martelé en promettant que son pays allait poursuivre son aide bilatérale à la Syrie, et son aide multilatérale à travers l’ONU.  Il a par ailleurs assuré que les garants d’Astana s’évertuent toujours à mettre en œuvre le mémorandum de septembre dernier, tout en arguant que « la stabilité de la région d’Edleb serait assurée s’il n’y avait pas d’ingérence étrangère ». 

Dans le nord-est de la Syrie, a plaidé la France, « nous devons poursuivre nos efforts pour éradiquer totalement et durablement la menace de Daech et stabiliser la région ».  C’est le message unanime qu’ont porté les directeurs politiques de la coalition internationale contre Daech réunis à Paris, le 25 juin. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

Intervenant en visioconférence depuis Genève, M. GEIR PEDERSEN, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, a présenté la situation politique du pays.  Dans la région d’Edleb, où se trouvent trois millions de civils, les frappes aériennes, bombardements, tirs de roquette et de mortier et l’usage indiscriminé de la force continuent de tuer des civils et de déplacer des centaines de milliers de personnes.  M. Pedersen a insisté pour que la lutte contre le terrorisme respecte les droits de l’homme et le droit international humanitaire.  De fait, les lignes de front ne se sont pas déplacées, du moins pas de manière significative, a-t-il affirmé avant de souligner que le groupe terroriste Hay’at Tahrir el-Cham a une présence importante dans la zone de désescalade.  Il s’est également inquiété de rapports faisant état d’échanges de tirs entres des forces gouvernementales syriennes et des postes militaires turcs à Edleb.  « Edleb n’est pas seulement un problème humanitaire, qui ne concerne que la Syrie; c’est potentiellement une poudrière qui pourrait conduire à une escalade régionale. »

Tant la Turquie, où il s’est rendu au début du mois, que la Fédération de Russie, où il se rendra la semaine prochaine, lui ont assuré qu’elles restaient attachées au mémorandum d’accord de septembre 2018 et avaient constitué un groupe de travail.  Encore faut-il attendre de voir si ces assurances se reflètent sur le terrain, a ajouté l’Envoyé spécial.  Il a appelé à « un cessez-le-feu à l’échelle nationale », comme le prévoyait la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité. 

Outre Edleb, M. Pedersen a mentionné deux situations humanitaires préoccupantes à Roukban et Hol.  Il a estimé que l’escalade et les troubles actuels envoient également le « mauvais signal » aux réfugiés syriens.  Ainsi, cela ne fait que renforcer leurs doutes sur les conditions de sécurité, la conscription et les moyens de subsistance en Syrie, a—t-il argué. 

M. Pedersen a insisté sur l’importance de stabiliser la situation à Edleb, pour éviter le risque d’un « scénario pas de guerre, pas de paix », à savoir: des lignes de front pratiquement gelées; cinq armées internationales dans un risque de confrontation perpétuel; la poursuite de la violation de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance de la Syrie; le fait que des personnes déplacées et des réfugiés ne peuvent toujours pas rentrer chez eux; une insurrection renforcée de Daech avec des groupes terroristes et des combattants étrangers; et toujours pas de solution politique en vue.

L’Envoyé spécial a rappelé avoir essayé de relancer un processus politique dirigé par les Syriens et fondé sur la résolution 2254 (2015).  « J’ai hâte de tester directement, lors de mes engagements à venir, si une formule pour laquelle j’ai veillé à avoir l’adhésion de tous, peut faire avancer la mise en place d’un comité constitutionnel », a-t-il annoncé.  Il a aussi dit vouloir consulter prochainement le Gouvernement à Damas, ainsi que les dirigeants de la Commission de négociation syrienne, estimant qu’il est temps de finaliser les détails en suspens, afin de permettre à l’ONU de faciliter les travaux du comité constitutionnel à Genève.

Si le comité constitutionnel peut être « une porte d’entrée », il ne résoudra pas à lui seul le conflit ou les défis auxquels la Syrie est confrontée, a toutefois averti M. Pedersen.  Il a fait observer que les choses pourraient avancer si des mesures tangibles et réciproques de confiance entre les parties étaient mises en œuvre, y compris sur le terrain.  Par exemple, des progrès concernant les détenus, les personnes enlevées et les personnes disparues pourraient avoir un réel impact.  Il a ajouté avoir accordé la priorité à la libération unilatérale de femmes, d’enfants, de malades et de personnes âgées.  Ensuite, l’amélioration de l’accès à l’information et à la communication est une autre étape.  De ce fait, le Gouvernement et l’opposition devraient établir et consolider des listes d’individus qu’ils détiennent ou sur lesquels ils détiennent des informations, ainsi que ceux qu’ils recherchent.  C’est là le vœu des Syriens de tous horizons, à l’intérieur et hors du pays, qui plaident, sans y croire véritablement, pour une solution politique. 

L’Envoyé spécial pour la Syrie a rappelé l’importance d’inclure les femmes dans tout processus politique, ajoutant aussi qu’un tel processus ne doit pas se limiter à des réunions à Genève, mais doit inclure des actions concrètes sur le terrain afin d’inspirer la confiance.  En fin de compte, c’est aux parties de prendre les mesures qui s’imposent.  Pour l’heure, débloquer l’impasse sera difficile, car il y a beaucoup de méfiance et les positions sont inflexibles.  M. Pedersen a néanmoins affirmé que les discussions et la coopération internationales peuvent aider les Syriens à surmonter ces obstacles.  Or pour l’heure, a-t-il déploré, aucun groupe international de négociation ne regroupe tous les principaux acteurs internationaux dont le soutien peut garantir des mesures concrètes et réciproques dans toutes les dimensions. 

L’Envoyé spécial a dit envisager de trouver une formule qui tiendrait compte des exigences du format d’Astana, de celles du « Small Group format » et enfin des membres permanents du Conseil de sécurité.  Par ailleurs, il a espéré que la question syrienne sera à l’ordre du jour des nombreuses discussions qui vont débuter demain dans le cadre du G20. 

« Depuis le début de mon mandat, ce Conseil m’a offert son plein appui », a apprécié M. Pedersen.  « Après six mois à ce poste, je réalise combien cela est complexe et difficile, mais j’entrevois aussi les possibilités de tracer la voie pour sortir de ce conflit », a-t-il assuré.  Il est temps de stabiliser la situation à Edleb et de réaliser un cessez-le-feu national, a-t-il répété.  Il est plus que temps de créer un comité constitutionnel.  Il est également temps de promouvoir des mesures de confiance.  « Nous avons clairement besoin d’un mode renouvelé d’appui international », a conclu l’Envoyé spécial. 

Selon lui, c’est ce genre d’actions qui indiquerait que nous nous engageons sur une voie politique conforme à la résolution 2254 (2015), à travers un comité constitutionnel travaillant dans un environnement sûr, calme et neutre, ouvrant la voie à des élections libres et équitables sous la supervision de l’ONU, et à un accord politique durable. 

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a déclaré que « les États-Unis n’accepteront aucune tentative du régime d’Assad et de ses alliés d’utiliser des moyens militaires à Edleb ou ailleurs pour saboter, contourner ou retarder davantage les efforts de l’Envoyé spécial Pedersen visant à maintenir le processus politique ».  Les membres de ce Conseil ne peuvent pas non plus accorder au régime d’autres retards pour appliquer la résolution 2254 (2015).  « L’escalade des attaques du régime contre des zones civiles, des installations et des acteurs humanitaires, y compris l’attaque d’hier sur une ambulance transportant des Casques blancs, montre que le régime d’Assad continue de croire que la force permettra de résoudre le conflit, alors que Damas cherche activement à éviter de négocier une solution politique avec des représentants de l’opposition syrienne. »

Le Conseil de sécurité doit reconnaître que les efforts du groupe d’Astana pour faire avancer le processus politique ont échoué, a estimé M. Cohen.  Le temps est venu d’encourager l’Envoyé spécial Pedersen à essayer d’autres voies pour parvenir à la solution politique énoncée dans la résolution 2254 (2015), en se concentrant sur la préparation d’élections à l’échelle nationale, observées par l’ONU, auxquelles participeraient environ cinq millions de réfugiés syriens, en assurant la libération des détenus et en instaurant un cessez-le-feu national.  « Edleb ne doit pas devenir un autre Alep », et les États-Unis estiment que des progrès sur le front politique et une véritable désescalade sont encore possibles, mais pour cela « le régime d’Assad doit reconnaître qu’un système politique sain doit tenir compte de plus d’un point de vue ».

Selon le représentant américain, « la relance du processus politique en Syrie peut et devrait commencer par un cessez-le-feu vérifiable à Edleb et dans le nord de Hama ».  Les groupes sur le terrain, y compris Hay’at Tahrir el-Cham, la Russie et le régime d’Assad, doivent immédiatement cesser leurs opérations militaires et revenir aux lignes originales de l’accord de cessez-le-feu de Sotchi de 2018.  La Turquie devrait être chargée d’éliminer les forces terroristes de la région.  Et le statut final d’Edleb devrait être négocié entre les parties, sous la médiation de l’ONU.  Les États-Unis reconnaissent qu’il n’y a pas de voie à suivre sans la coopération de la Russie et du régime d’Assad, a insisté M. Cohen.  Par conséquent, a-t-il dit, « les États-Unis appellent la Russie à “désescalader” ses opérations militaires, exhortent le régime à faire de même et à s’engager avec les États-Unis dans un processus étape par étape pour la mise en œuvre de la résolution 2254, qui aboutira à la stabilisation finale de Edleb et de la Syrie au sens large ».  « En attendant que le régime d’Assad et la Russie prennent des mesures concrètes en vue d’une désescalade complète, immédiate et vérifiable à Edleb, les États-Unis continueront à appliquer des pressions diplomatiques et économiques par tous les moyens disponibles pour isoler le régime et ses alliés », a prévenu M. Cohen, même si « notre préférence est de travailler ensemble sur une approche progressive ».

Par ailleurs, M. Cohen a tenu à réagir à l’exposé du représentant de la Syrie présenté le 25 juin lors de la réunion d’information humanitaire sur ce pays.  Selon lui, « le manque de respect à la limite du mépris qu’il a montré à ce Conseil est inacceptable ».  Et cela, dans une session où ce représentant « n’a eu aucun mal à accepter une séance d’information d’un général russe en treillis militaire qui a aidé à poursuivre la guerre ».  M. Cohen a jugé « scandaleux que ce représentant, dont le gouvernement a utilisé à maintes reprises des armes chimiques contre ses propres civils, empêchant l’aide humanitaire d’atteindre les nécessiteux, violant les normes internationales et le droit international en visant intentionnellement des hôpitaux, des écoles et des ambulances, cherche à donner des leçons au Conseil ».  Enfin, l’allégation selon laquelle la Syrian American Medical Society (SAMS) serait une branche du Gouvernement américain simplement parce que les États-Unis sont l’un des nombreux pays y contribuant est à la fois choquante et ridicule. 

Préoccupée par les violations du droit international humanitaire à Edleb, Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a appelé à un cessez-le-feu dans la région.  La représentante a déploré les attaques dont sont victimes les travailleurs humanitaires sur le terrain.  Sur le plan politique, elle a promis le soutien de son pays au travail de l’Envoyé spécial, avant de rappeler que le processus de Genève, encadré par l’ONU, est le seul forum agréé pour la recherche de la paix en Syrie. 

Selon la déléguée, la grande question à l’heure actuelle concerne la volonté des autorités syriennes à participer au processus de paix.  Elle a invité l’Envoyé spécial à s’engager sur d’autres voies prévues par la résolution 2254 (2015) du Conseil si jamais le comité constitutionnel ne peut prendre corps.  Elle a en outre demandé des éclaircissements de la part des autorités syriennes sur les cas de détenus et des cas de décès de ces derniers, tout en les invitant à « jouer la carte de la clarté ».  En concluant, elle a appelé les autorités syriennes à dialoguer plus positivement avec l’Envoyé spécial. 

M. FRANCOIS DELATTRE (France) a jugé urgent, compte tenu de la dégradation de la situation sur le terrain, de parvenir à un gel immédiat des lignes de front en vue d’un cessez-le-feu national, conformément à la résolution 2254 (2015).  Notre priorité, a-t-il dit, doit avant tout se porter sur Edleb, où la poursuite de l’offensive fragilise « dangereusement » les efforts de l’Envoyé spécial en vue de relancer le processus politique.  « Plutôt que de contribuer à la reprise du dialogue, le régime, encouragé par ses alliés, tente toujours d’imposer les armes au mépris des souffrances de son peuple.  Voilà au fond de quoi il s’agit, même si on ne cessera de nous dire qu’il est question de lutte contre le terrorisme. »  Condamnant les attaques contre le personnel et les infrastructures humanitaires et médicaux, le représentant a trouvé « écœurant que le régime prétende que les travailleurs humanitaires soient complices des organisations terroristes ».  M. Delattre a souligné « la responsabilité particulière de la Russie, dont l’appui aérien est essentiel à la poursuite de l’offensive du régime ».  Il a ainsi réitéré son appel à ce que la Russie réaffirme son attachement au cessez-le-feu et fasse pression sans plus attendre sur le régime pour qu’il cesse les combats. 

Dans le nord-est, a continué le représentant, nous devons poursuivre nos efforts pour éradiquer totalement et durablement la menace de Daech et stabiliser la région.  C’est le message unanime qu’ont porté les directeurs politiques de la coalition internationale contre Daech réunis à Paris, le 25 juin.  La France a aussi décidé à cette fin d’allouer 50 millions d’euros supplémentaires en Syrie, principalement ciblés sur le nord-est.  Ensuite, M. Delattre a rappelé « l’urgence de réaliser des avancées sur le volet politique pour ouvrir une réelle perspective de paix et de réconciliation ».  Il a assuré l’Envoyé spécial de son plein appui pour finaliser un « paquet constitutionnel » crédible et équilibré.  À cet égard, la mise en place de mesures de confiance susceptibles de créer un environnement sûr et neutre est essentielle.  Enfin, le représentant a souligné l’importance de la question électorale en vue des échéances à venir. 

M. MA ZHAOXU (Chine) a insisté sur l’importance pour les acteurs syriens de s’entendre pour faire avancer le processus politique.  Le délégué a souligné qu’un environnement sécuritaire stable est crucial à cet égard, avant de rappeler le soutien chinois au processus d’Astana.  Il a invité la communauté internationale à harmoniser les normes nécessaires pour la poursuite du dialogue intersyrien et à agir de manière résolue contre tous les groupes terroristes présents dans le pays.  L’avenir et le destin du pays, a insisté le représentant, sont entre les mains du peuple syrien, avant de rappeler que tout processus politique doit privilégier le principe d’appropriation nationale. 

M. TIEMOKO MORIKO (Côte d’Ivoire) a réaffirmé son profond attachement au dialogue comme mode privilégié de règlement des différends en général, et du conflit syrien en particulier, dans le cadre d’un processus politique inclusif, bénéficiant de l’accompagnement de la communauté internationale.  À cet égard, il a tenu à saluer la tenue, les 16 et 17 mai 2019, à Ankara, de la réunion du Groupe de travail conjoint sur la situation à Edleb, et exhorté les garants du processus d’Astana à poursuivre leurs efforts afin de faire respecter le cessez-le feu par les belligérants.

M. Moriko a accueilli favorablement la décision de Moscou et Ankara de se réunir, en marge du prochain sommet du G20, prévu fin juin à Osaka (Japon), afin d’évaluer leurs efforts dans le cadre de la relance du processus politique.  Il a, en outre, encouragé le Groupe de travail conjoint et les parties syriennes à poursuivre leur coopération dans le cadre du processus ayant permis la libération réciproque de détenus.  Pour finir, il a fait part de sa préoccupation face à la reprise des combats dans la province d’Edleb et ses graves conséquences sur une situation humanitaire déjà désastreuse. 

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a appelé à éviter davantage d’hostilités militaires et davantage de conséquences humanitaires, en réitérant son appel à la désescalade à Edleb.  Elle s’est aussi inquiétée du manque d’élan dans le processus politique.  Le Conseil de sécurité devrait fournir l’appui nécessaire à cet effet, a-t-elle recommandé.  Notant que l’on dispose d’un cadre international pour soutenir le processus politique syrien –la résolution 2254 et le Communiqué de Genève–, elle a estimé que tous les éléments nécessaires de ce processus étaient clairs: les parties doivent immédiatement cesser les attaques contre les civils et les États Membres doivent soutenir les efforts pour parvenir à un cessez-le-feu, tandis que l’ONU doit convoquer les parties pour des négociations officielles.  Le succès de ces mesures exige un engagement constructif des parties, a-t-elle dit.

En ce qui concerne la responsabilité pour crimes de guerre, Mme Wronecka a exhorté les parties à condamner la détention arbitraire, la prise d’otages et les disparitions forcées.  Elle leur a aussi demandé de protéger les travailleurs humanitaires et les journalistes.  En conclusion, elle a réitéré la position commune de l’Union européenne sur la reconstruction de la Syrie. 

M. JERRY MATTHEWS MATJILA (Afrique du Sud) a lancé un appel à l’unité du Conseil pour la pleine mise en œuvre de la résolution 2254 (2015) en vue de trouver une solution politique.  Il s’agit pour lui d’une feuille de route pour une paix durable en Syrie.  Il a souligné le soutien de son pays aux efforts de l’Envoyé spécial en vue d’établir un forum dont l’objectif est d’appuyer les objectifs de paix, une opportunité pour revitaliser la coopération internationale et soutenir le processus de Genève.  Par ailleurs, l’escalade de la violence, notamment dans le nord-ouest de la Syrie, sape les efforts entrepris dans le cadre du processus politique et aggrave davantage la situation humanitaire dans le pays, tout en ayant un effet déstabilisateur sur l’ensemble de la région, notamment en raison du déplacement des populations.  M. Matjila a également mis en garde contre l’exacerbation des différends politiques et les menaces de propagation du terrorisme.  « Les situations politique et humanitaire en Syrie ne peuvent être traitées séparément », a-t-il fait valoir. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a jugé urgent de progresser sur les questions cruciales de la composition représentative du comité constitutionnel, son processus de prise de décisions et son mandat, afin d’aboutir à des élections libres et supervisées par l’ONU.  Tout délai supplémentaire à cet égard est « inacceptable ».  Selon le représentant, les parties doivent trouver des mesures propres à favoriser un climat d’entente, dont la libération des détenus, l’identification des personnes disparues et le rapatriement des dépouilles mortelles.  De même, a-t-il plaidé, il faut éviter l’escalade du conflit et préserver l’accord sur Edleb signé par la Fédération de Russie et la Turquie.  Des millions de Syriens se trouvent dans une situation de vulnérabilité, a rappelé le représentant, et le moment est venu d’agir rapidement sur la plan politique. 

M. VLADIMIR K. SAFRONKOV (Fédération de Russie) a rappelé que le 25 juin dernier, le général de division et Chef du Centre de réconciliation russe, M. Alexey Bakin, a fait un exposé au Conseil de sécurité sur la situation humanitaire en Syrie où il se trouve.  Le délégué a ainsi rappelé que dans la région d’Edleb, les combattants d’El-Nosra ne cessent d’attaquer les populations civiles, les soldats syriens et la base russe.  « Exiger de nous de ne pas réagir à ces attaques ne fait pas sens », s’est indigné M. Safronkov.  « Nous ne frappons pas les civils », a-t-il dit, avant de rappeler que même si le Front el-Nosra est présenté comme l’opposition modérée, il restera un groupe terroriste, « quel que soit l’habit qu’on voudra lui faire porter ».  Il a aussi assuré que les garants d’Astana s’évertuent toujours à mettre en œuvre le mémorandum de septembre dernier.  « Au lieu d’exiger de nous que nous mettions en œuvre ce que nous nous sommes promis de faire, il serait utile que la communauté internationale apporte sa contribution dans la lutte contre le terrorisme en Syrie », a-t-il encore exigé.  Il a ajouté que « la stabilité de la région d’Edleb serait assurée s’il n’y avait pas d’ingérence étrangère ».  On exige de nous des clarifications sur la situation sur le terrain, et quand nous invitons nos représentants sur le terrain à le faire, des délégations se permettent de douter de leurs explications, s’est-il indigné, en notant que cette pratique est le fait de pays ayant eux-mêmes violé l’intégration territoriale de la Syrie.

M. Safronkov a indiqué que les autorités russes poursuivent leurs discussions avec les parties syriennes avec le même objectif: parvenir à relancer le processus de Genève, en accord avec la résolution 2254 (2015).  Malgré la situation actuelle, nous sommes optimistes, a—t-il indiqué, en notant que les forces militaires russes sont présentes en Syrie du fait de l’invitation des autorités légitimes.  Le délégué a aussi appelé à agir pour le relèvement de la Syrie, en coopération avec les autorités centrales.  Il faut aussi, a-t-il prôné, travailler au retour volontaire des déplacés et réfugiés.  Il a en outre demandé à certains pays de renoncer aux sanctions unilatérales qui ne cessent d’aggraver la situation sur le terrain.  « Ce sont les civils qui en souffrent le plus », a—t-il martelé en promettant que la Fédération de Russie va poursuivre son aide bilatérale avec la Syrie, et son aide multilatérale à travers l’ONU.  Le représentant a également plaidé pour le retour de la Syrie dans la « famille arabe ».  L’histoire nous enseigne que les interventions extérieures ont détruit plusieurs pays arabes, a-t-il souligné.  Enfin, il a insisté sur le fait que le dialogue et la coopération sont les voies pour parvenir à la paix en Syrie.  « Ce qui est vrai pour la Syrie l’est aussi pour l’Iran et pour tous les pays de la région. »

M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a indiqué que le conflit d’Edleb crée une situation « potentiellement catastrophique » pour la Syrie et la région sur les plans humanitaire et sécuritaire.  La Belgique a rappelé que les parties au conflit ont l’obligation de protéger les civils et de respecter les principes de distinction et de proportionnalité du droit international humanitaire.  La délégation invite aussi les parties à réaffirmer leur plein engagement en faveur des accords de cessez-le-feu du mémorandum russo-turc signé le 17 septembre 2018.  La Belgique appelle également les parties à saisir toutes les occasions qui s’offrent à la diplomatie, y compris en marge du G20. 

Pour la délégation, la solution au conflit est politique.  M. Pecsteen de Buytswerve a estimé que seule la création d’un comité constitutionnel crédible pourra témoigner de la volonté politique des parties au conflit de travailler de façon constructive à une solution à cette crise cyclique.  Il a enfin souligné qu’il revient à l’Envoyé spécial de dessiner « l’horizon de paix » dont a besoin le peuple syrien, ajoutant que l’Envoyé spécial doit se saisir de la question des arrestations et détentions illégales de Syriens. 

Pour M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie), le respect du cessez-le-feu et la désescalade des tensions en Syrie doivent être une priorité.  C’est pourquoi M. Syihab a encouragé le Conseil à apporter son plein appui aux efforts en cours pour l’établissement d’un comité constitutionnel dans le cadre du Communiqué de Genève et de la résolution 2254 (2015).  Il a insisté en premier lieu sur le fait que « le processus politique doit être mené par les Syriens eux-mêmes ».  Cela doit guider l’ensemble du processus pour aboutir à une solution politique inclusive, dans le respect de la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays.  Il a, en outre, encouragé l’ouverture de canaux de communication entre les parties et le rétablissement de la confiance.  Dans ce contexte, a-t-il poursuivi, le Conseil doit créer une atmosphère propice pour encourager les négociations. 

Le représentant a salué les efforts de l’Envoyé spécial, avec l’appui des pays clefs, visant à finaliser la composition et les termes de référence d’un comité constitutionnel.  Il a vu dans la première réunion des membres de ce comité prévue à Genève un pas concret à même d’ouvrir la voie au processus politique en Syrie.  Cela permettrait, selon lui, d’envoyer un signal fort et positif non seulement à la communauté internationale mais également au peuple syrien.  Enfin, il a mis en exergue l’importance de compromis et exhorté toutes les parties à éviter toute action de nature à nuire au processus politique. 

D’après M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine), le Conseil de sécurité doit veiller à ce que soient préservées les conditions nécessaires pour un processus de paix global, crédible, revitalisé et inclusif, qui soit fondé sur la confiance de toute la population syrienne, y compris les millions de réfugiés.  De plus, le Conseil doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour garantir la protection de la population civile dans l’ensemble de la Syrie, tandis que toutes les parties doivent se conformer au droit international humanitaire.  Le représentant a insisté ensuite sur la nécessité de progresser sur la composition du comité constitutionnel, conformément à la résolution 2254 (2015), y compris en assurant la participation à part entière des femmes.   

Mme AMPARO MELE COLIFA (Guinée équatoriale) a rappelé qu’il faut tout faire pour parvenir à une solution politique en Syrie.  Ainsi, il faut s’appuyer sur la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité et s’évertuer à mettre enfin en œuvre le comité constitutionnel.  Elle a plaidé pour que les parties ne sapent pas les efforts de l’Envoyé spécial et s’engagent pour un dialogue « sans tabou ».  La représentante a en outre encouragé l’Envoyé spécial à utiliser toutes les possibilités qui s’offrent à lui pour établir le comité constitutionnel et faire ainsi avancer le processus de résolution politique de la crise syrienne. 

M. CHRISTOPH HEUSGEN (Allemagne) a repris à son compte les propos de son homologue des États-Unis à l’endroit du représentant syrien.  « Je me permets d’appuyer » ce qui a été dit car, s’est-il interrogé, « que peut-on attendre d’un gouvernement qui bombarde et torture ses citoyens »?  Les photos qui ont circulé en disent long, selon lui, sur les pratiques de ce régime.  « Que peut-on attendre d’un gouvernement qui bombarde les travailleurs humanitaires et les qualifie de terroristes? »  S’adressant ensuite au représentant de la Fédération de Russie, le représentant s’est dit surpris de voir critiquée et qualifiée d’obsolète l’approche basée sur le respect du droit.

M. Heusgen a ensuite souscrit à l’intervention de l’Envoyé spécial, s’élevant contre les bombardements qui ciblent des innocents.  Soulignant que de telles attaques ne peuvent être justifiées « sous couvert d’actions antiterroristes », il a fermement condamné ces attaques ciblées « confirmées par les services de renseignement ».  Il a appelé la Fédération de Russie à cesser son soutien militaire, « ne serait-ce que pendant quelques jours », précisant qu’une telle pause pourrait faire progresser de manière significative le processus politique de Genève.  « Il n’y a pas de solution militaire », a-t-il insisté, ajoutant que les sanctions imposées à la Syrie n’étaient pas dépassées, mais plutôt essentielles au règlement du conflit.

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a rappelé que la résolution 2254 (2015) est claire sur le processus politique qui doit s’engager en Syrie, notamment la mise en place d’un comité constitutionnel et la tenue ensuite d’élections libres dans le pays.  Le Koweït a condamné le ciblage des civils par les parties au conflit, rappelant que lutter contre le terrorisme ne dispense aucune partie de ses obligations en vertu du droit international et du droit international humanitaire.  « Même les guerres ont des règles qu’il faut respecter », a-t—il dit.  Le Koweït appelle également à la mise en œuvre de mesures de confiance entre les parties en conflit, y compris en ce qui concerne les personnes détenues, tuées ou disparues.  Il faut lutter contre l’impunité en Syrie, a souligné M. Alotaibi, avant de conclure en plaidant pour un accord politique qui va permettre de garantir la souveraineté syrienne sur son territoire.  Sur ce dernier point justement, le Koweït a rappelé que « le Golan syrien est un territoire syrien occupé ». 

M. BASHAR JA’AFARI (Syrie) a voulu faire quelques remarques « pour que ce débat ne déraille pas ».  Aujourd’hui, a-t-il précisé, « nous parlons du droit politique et non de l’assistance humanitaire sur laquelle nous n’allons pas nous appesantir ».  Son pays, l’un des pères fondateurs de cette Organisation, croit dans la diplomatie multilatérale.  Le représentant s’est élevé contre ceux qui considèrent le Conseil de sécurité comme une « entité privée » et contre la politisation des sanctions.  Cet organe est responsable de la paix et de la sécurité internationales.  « Rien de plus, rien de moins! »

M. Ja’afari a demandé au représentant des États-Unis quelle serait sa réaction « si un pays tiers envoyait des médecins à la frontière entre les États-Unis et le Mexique sans autorisation préalable »?  Le droit humanitaire doit respecter la législation, a-t-il dit, rappelant, à cet égard, que l’OCHA et quelque 27 organisations humanitaires travaillent en Syrie avec l’approbation de son gouvernement.  Il a dénoncé ceux qui, sous couvert de l’humanitaire, s’adonnent au renseignement.  M. Ja’afari s’est ensuite tourné vers la représentante du Royaume-Uni pour l’inviter à respecter le règlement en matière de motion d’ordre.  Il faut suivre la procédure, « nous ne sommes pas dans un cirque », s’est-il emporté. 

Le représentant syrien a déploré, par ailleurs, le silence du Conseil après plus de 50 ans d’occupation du Golan syrien.  « Israël impose ses lois, encouragé en cela par la position de l’Administration américaine qui est revenue sur les engagements pris en faveur d’une paix durable. »  Au représentant de l’Allemagne qui a accusé la Syrie de s’attaquer aux travailleurs humanitaires, M. Ja’afari a répondu qu’il s’agissait pour lui de terroristes car sinon, « que faisaient-ils dans l’aire de séparation au Golan?  Pourquoi ne sont-ils pas passés par la frontière avec le Liban ou la Turquie? »  Il s’est ensuite élevé contre les agissements de M. Nickolay Mladenov, Coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient, qui « continue d’outrepasser son mandat et ses fonctions, ce qui ne peut être toléré », a-t-il dit, soulignant « disposer de preuves ». 

Le représentant du Royaume-Uni a repris la parole pour expliquer que sa délégation avait interrompu le discours de la Syrie l’avant-veille afin de rappeler que « les Casques blancs ne sont pas un groupe terroriste » comme le représentant syrien semblait l’affirmer.  De plus, a-t-il ajouté, « la longueur du discours présenté par le délégué syrien au cours de la présente séance démontre à suffisance son manque de respect pour cet organe ». 

 

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