En cours au Siège de l'ONU

8527e séance – matin
CS/13812

Conseil de sécurité: réunion d’urgence sur « l’escalade meurtrière » à Edleb et appel à revitaliser le volet politique facilité par l’ONU

Après Alep, la Ghouta orientale et Raqqa, c’est aujourd’hui, au tour d’Edleb et de ses trois millions de civils d’être en danger, a mis en garde, ce matin, la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Mme Rosemary DiCarlo, en parlant de l’intensification dangereuse de la violence dans la zone de désescalade où s’affrontent les forces gouvernementales syriennes et leurs alliés, les forces armées de l’opposition et le groupe terroriste inscrit sur la liste du Conseil de sécurité Hay’at Tahrir el-Cham (ou HTS).

Ces trois dernières semaines, on a assisté à une escalade meurtrière dans le nord-ouest de la Syrie, comme l’a décrit le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Mark Lowcock, qui, dès septembre dernier avait mis en garde, avec le Secrétaire général, contre la potentielle « pire tragédie humanitaire du XXIsiècle ».  Or « nos pires craintes se sont réalisées », avec plus de 160 morts, 180 000 personnes déplacées, 17 écoles détruites et 18 centres médicaux endommagés ou détruits avec en tout 49 centres qui ont totalement ou partiellement suspendu leurs activités.  À la question de savoir qui bombarde ces centres médicaux dont la localisation est transmise par l’OCHA aux parties en vue de les protéger, M. Lowcock n’a pas su apporter de réponse si ce n’est dire que seuls ceux qui larguent les bombes le savent. 

C’est précisément ces attaques contre des civils et des infrastructures civiles qui ont été jugées inacceptables et non négociables non seulement par l’Allemagne, la Belgique, le Koweït -les trois porte-plumes humanitaires qui ont convoqué cette réunion-, mais aussi par d’autres membres du Conseil.  Pour la France, les cibles civiles sont l’illustration que l’offensive en cours ne relève pas exclusivement de la lutte contre le terrorisme.  Elle s’inscrit dans le cadre de la reconquête « brutale » des zones qui échappent encore au contrôle du régime syrien et de ses alliés. 

Si les délégations ont réfuté l’argument de la lutte antiterroriste, pour justifier ces violations du droit international humanitaire, elles ont aussi redouté le déraillement du processus politique en cours qui est facilité par l’ONU.  Or, pour Mme DiCarlo, l’escalade actuelle rappelle une fois de plus la nécessité urgente d’une solution politique au conflit.  La communauté internationale convient d’ailleurs que la présence de HTS à Edleb doit être examinée.  Mais avec près de trois millions de civils sur place, la lutte contre le terrorisme ne peut supplanter les obligations du droit international, a-t-elle dit. 

L’Envoyé spécial pour la Syrie, a rappelé la Secrétaire générale adjointe, a défini des priorités du processus politique.  Outre l’impérieuse nécessité de mettre fin à la violence actuelle dans le nord-ouest de la Syrie, nous devons revitaliser le volet politique facilité par l’ONU, a-t-elle demandé.

Pointées du doigt par plusieurs intervenants, la Fédération de Russie et la Syrie ont défendu l’idée que les civils à Edleb sont pris en otage par le groupe terroriste HTS qui a aussi attaqué à plusieurs reprises des bases aériennes et des soldats russes ainsi que les forces gouvernementales syriennes.  C’est en réponse à ces « provocations » que la Syrie, avec le soutien de la Fédération de Russie, s’en est pris à des « cibles terroristes » dans la zone de désescalade, a dit la délégation.

Le représentant syrien a d’ailleurs reproché à certains États membres de ce Conseil d’avoir demandé la tenue d’une séance d’urgence lorsque la Syrie prend les « mesures juridiques » nécessaires pour protéger ses citoyens et lutter contre le terrorisme, alors que ces États ne font rien lorsque les forces de la coalition commettent des crimes.  « Edleb n’est pas en Allemagne, ni au Koweït ni en Belgique.  C’est donc à l’État syrien de s’occuper de la situation sur place », s’est-il impatienté.  Il a assuré qu’il s’agissait d’« opérations militaires » menées contre des organisations terroristes, la principale d’entre elles figurant sur la Liste récapitulative.  Selon lui, la vraie question qui mérite d’être posée est de savoir jusqu’à quand les gouvernements de certains pays membres et non membres du Conseil soutiendront le terrorisme.  

Pour sa part, la Fédération de Russie a dit poursuivre ses négociations pour la stabilisation du nord-ouest de la Syrie et pour la lutte contre les terroristes, soulignant que le mémorandum d’accord sur Edleb ne couvre pas les terroristes.  Mme DiCarlo s’est d’ailleurs félicitée de ce que l’on ait annoncé, le 15 mai dernier, la création d’un groupe de travail russo-turc pour revenir à la cessation des hostilités dans le nord-ouest de la Syrie, une coopération « désespérément nécessaire ».

Les États-Unis ont néanmoins appelé la Fédération de Russie à prendre les mesures suivantes avec effet immédiat, « compte tenu de son influence sur le comportement du régime d’Assad »: désescalade de toutes les activités militaires dans la zone démilitarisée d’Edleb et réengagement à mettre pleinement en œuvre l’Accord de Sotchi du 17 septembre 2018.  Cela signifie une cessation totale de toutes les hostilités dans la région, et un acheminement sans entrave de l’aide humanitaire transfrontalière des Nations Unies.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a estimé que nous sommes parvenus à un autre stade du conflit syrien où des civils paient le prix d’une guerre sans fin.  Nous avons déjà connu cette situation par le passé, à Alep, dans la Ghouta orientale et à Raqqa.  Aujourd’hui, c’est Edleb et ses trois millions de civils en danger.  Alors que le protocole d’accord russo-turc du 17 septembre 2018 avait considérablement réduit la violence dans le nord-ouest de la Syrie, nous assistons maintenant à une intensification des hostilités.  Si l’escalade se poursuit, a prévenu la Secrétaire générale adjointe, les conséquences humanitaires seraient catastrophiques et menaceraient la paix et la sécurité internationales.  Elle s’est donc félicitée de ce que l’on ait annoncé, le 15 mai dernier, la création d’un groupe de travail russo-turc pour revenir à la cessation des hostilités dans le nord-ouest de la Syrie, une coopération « désespérément nécessaire ».  L’ONU a suivi avec une vive préoccupation l’intensification dangereuse de la violence dans la zone de désescalade où s’affrontent les forces gouvernementales syriennes et leurs alliés, les forces armées de l’opposition et le groupe terroriste inscrit sur la liste du Conseil de sécurité Hay’at Tahrir el-Cham (ou HTS).

Entre février et mars, des informations ont fait état de la reprise des raids aériens par le Gouvernement syrien sur des zones situées à l’intérieur de la zone de désescalade d’Edleb.  Simultanément, HTS a multiplié ses assauts contre les forces gouvernementales et les échanges de tirs de mortier et de roquette ont été plus nombreux.  HTS aurait lancé des drones armés sur des zones contrôlées par le Gouvernement, y compris la base aérienne russe de Hmeïmim.  Le 8 mars, a poursuivi Mme DiCarlo, la Turquie, en coordination avec la Fédération de Russie, a entamé des patrouilles à l’intérieur de la « zone démilitarisée », lesquelles ont permis d’atténuer légèrement la violence.  Pourtant, en dehors des heures et des zones couvertes par ces patrouilles, les attaques se sont poursuivies des deux côtés et ont augmenté considérablement à la fin du mois d’avril.  Le 6 mai, a encore indiqué la Secrétaire générale adjointe, les forces gouvernementales ont lancé une offensive terrestre, avec l’appui aérien des Russes, et ouvert deux fronts: l’un dans le nord de Hama et l’autre dans le nord-est de Lattaquié.  Le 15 mai, le Gouvernement a repris plusieurs villes du nord de Hama à l’intérieur de la « zone démilitarisée ».

La Turquie a signalé que deux de ses soldats ont été blessés le 4 mai par un bombardement du Gouvernement contre un de ses postes d’observation dans le nord de Hama.  Les combats se rapprochant du poste d’observation, des frappes syriennes et russes ont été signalées à proximité.

Depuis fin avril, cette escalade de la violence aurait tué et blessé plus d’une centaine de civils et aurait provoqué le déplacement de 180 000 personnes.  Les bombardements aériens sont alarmants, dont le largage de barils d’explosifs sur des zones peuplées.  Or ces bombardements auraient repris après une interruption de neuf mois.  Des frappes aériennes auraient également touché de nombreux centres de santé et écoles à Edleb.  Des bombardements auraient également eu lieu dans la partie de la zone de désescalade contrôlée par le Gouvernement, notamment un tir de roquette contre un camp de réfugiés palestiniens à Neïrab.

La Secrétaire générale adjointe a appelé toutes les parties à cesser les hostilités, à faire respecter le droit international humanitaire et à protéger les civils.  Nous condamnons toutes les attaques contre les personnes et les infrastructures civiles, en particulier les installations médicales et les écoles.  Nous exhortons les parties, a-t-elle insisté, à respecter la sécurité et la neutralité des personnels humanitaires.  Le Secrétaire général, a-t-elle rappelé, a appelé à une désescalade urgente et exhorté les parties à s’engager de nouveau pleinement en faveur des accords de cessez-le-feu russo-turcs.  Il a aussi lancé un appel aux garants d’Astana, en particulier la Turquie et la Fédération de Russie.

L’escalade actuelle, a-t-elle dit, rappelle une fois de plus la nécessité urgente d’une solution politique au conflit.  La communauté internationale convient que la présence de HTS à Edleb doit être examinée.  Mais avec près de trois millions de civils sur place, la lutte contre le terrorisme ne peut supplanter les obligations du droit international.  L’Envoyé spécial pour la Syrie, a rappelé la Secrétaire générale adjointe, a défini des priorités du processus politique.  Le Conseil lui-même a exprimé son soutien à ces efforts.  Outre l’impérieuse nécessité de mettre fin à la violence actuelle dans le nord-ouest de la Syrie, nous devons revitaliser le volet politique facilité par l’ONU.  Nous devons poursuivre un dialogue soutenu avec les parties et instaurer un climat de confiance.  « Si nous travaillons de concert pour soutenir la Fédération de Russie et la Turquie dans leur engagement en faveur d’un cessez-le-feu sur Edleb, nous pourrons obtenir le rétablissement d’un cessez-le-feu à l’échelle nationale et nous concentrer sur l’avancement de la feuille de route politique énoncée dans la résolution 2254 », a déclaré la haut fonctionnaire.

Des mesures concrètes doivent être prises pour libérer les détenus et clarifier le sort des personnes disparues, a-t-elle ajouté, en rappelant que le nombre des détenus et des personnes disparues depuis 2011 dépasse largement les 100 000.  La plus grande contribution qui pourrait être faite à l’heure actuelle serait de remettre en liberté les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées et les femmes, a suggéré Mme DiCarlo.  De nombreux progrès ont été accomplis dans la formation d’un comité constitutionnel crédible, équilibré et inclusif, a-t-elle reconnu.  L’ONU continue de consulter les parties sur une composition et un règlement intérieur acceptables à la fois pour le Gouvernement et la Commission syrienne de négociation de l’opposition.  Avec un peu d’esprit de compromis, les choses pourraient avancer et cette étape pourrait contribuer à débloquer le processus politique plus large.

La coopération internationale et l’appui au processus de Genève sont essentiels pour que l’Envoyé spécial puisse s’acquitter de son mandat.  Le conflit en Syrie est complexe, mais il y a une voie à suivre, selon la Secrétaire générale adjointe.  « Unissons-nous aujourd’hui pour la première étape - soutenir une désescalade immédiate de la violence à Edleb et œuvrer en faveur d’une solution politique répondant aux aspirations légitimes du peuple syrien », a-t-elle conclu.

M. MARK LOWCOCK, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a fait état d’une escalade meurtrière ces trois dernières semaines dans le nord-ouest de la Syrie, une situation que le Secrétaire général et lui-même appréhendaient dès le mois de septembre quand ils alertaient le Conseil de sécurité de la potentielle « pire tragédie humanitaire du XXIsiècle ».  En dépit de ces mises en garde, nos pires craintes se sont réalisées, a affirmé le Coordonnateur des secours d’urgence.  Selon les estimations de l’ONU, trois millions de personnes ont quitté la zone de désescalade du nord-ouest du pays, dont 1,3 million de personnes d’Edleb.  La zone est jusque-ici largement contrôlée par Hay’at Tahrir el-Cham, un groupe terroriste proscrit mais les civils sont beaucoup plus nombreux que les hommes armés.

Le Coordonnateur des secours d’urgence a rappelé qu’il fait, tous les mois, un exposé au Conseil de sécurité sur l’aggravation de la situation humanitaire dans cette zone.  Le 27 mars, son Directeur des opérations prévenait le Conseil d’un nombre croissant de victimes parmi les civils, faisant état de 90 morts et 90 000 déplacés.  Le 24 avril, la Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence tirait, elle aussi, la sonnette d’alarme face à la multiplication des frappes aériennes et des bombardements à la fois dans la zone de désescalade et dans celle contrôlée par le Gouvernement.  Vendredi dernier, le Directeur des opérations faisait de nouveau le point sur les frappes aériennes, les barils d’explosifs et les attaques terrestres.

Ces trois dernières semaines, plus de 160 personnes ont été tuées, et plus de 180 000 déplacées.  Des millions de personnes se retrouvent isolées dans des zones limitées, a poursuivi M. Lowcock, alors que près de 80 000 personnes ne savent où aller.  Quelques camps de déplacés ont été attaqués et 17 écoles détruites.

Même si les agences humanitaires tentent d’aider la population prise entre les feux croisés, leur réponse est déjà très tendue.  Comme on l’a déjà dit, a souligné M. Lowcock, dans le cas d’une escalade militaire dans cette zone, les moyens humanitaires seraient dépassés.

Attirant l’attention sur le nombre croissant des attaques contre des infrastructures médicales, le Coordonnateur des secours d’urgence a rappelé qu’elles sont censées être protégées en vertu du droit international humanitaire.  Pourtant plus de 18 d’entre elles ont été touchées dans la zone de désescalade, selon les rapports de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).  Presqu’une attaque par jour a visé des installations médicales au cours des trois dernières semaines et près de 49 d’entre elles ont dû suspendre totalement ou partiellement leurs activités, alors que d’autres hôpitaux ferment de peur d’être attaqués.  Globalement, tous ces centres médicaux assuraient plus 171 000 visites ambulatoires par mois, plus de 2 760 interventions chirurgicales et 1 400 accouchements.

Ces chiffres, a indiqué M. Lowcock, ont été vérifiés par le système de recensement international de l’OMS.  Il a tenu à dévoiler un certain nombre de questions qui lui ont été posées ces dernières semaines.  Qui bombarde tous ces hôpitaux?  Tout ce que je sais, a-t-il dit, c’est que ces attaques sont menées par des personnes qui ont accès à des armes sophistiquées.  Ces hôpitaux sont-ils vraiment la cible?  Je ne sais pas, a-t-il avoué.  Seuls ceux qui lâchent ces bombes le savent.  L’OCHA fournit-il des informations sur la localisation des hôpitaux pour les protéger?  Oui.  L’OCHA transmet ces informations aux parties pour qu’elles puissent respecter le droit international humanitaire.  Le Conseil de sécurité n’a-t-il pas adopté une résolution pour interdire les attaques contre les installations médicales?  La résolution 2286 (2016), a répondu M. Lowcock.  « À quoi sert ce type de résolutions si les États ne les respectent pas? »  Voilà, a estimé le Coordonnateur des secours d’urgence, une question « pertinente » qui ne s’adresse pas à moi.

Également au nom de l’Allemagne et du Koweït, porte-plumes des textes sur la situation humanitaire, M. MARC PECSTEEN DE BUYTSWERVE (Belgique) a tout d’abord fait part de sa profonde préoccupation face à l’escalade de la violence dans le nord-ouest de la Syrie.  Il a reconnu qu’il y a une présence « considérable » à Edleb de membres d’organisations terroristes, tout en estimant que la lutte contre le terrorisme ne peut en aucun cas justifier les attaques indiscriminées contre les personnes et les infrastructures civiles.  Il a notamment dénoncé l’utilisation de barils explosifs dans les zones peuplées, soulignant que les porte-plumes rappellent à toutes les parties leur obligation découlant du droit international humanitaire.

Nous sommes également alarmés et choqués, a-t-il poursuivi, par les informations faisant état d’attaques contre les infrastructures civiles, notamment les installations médicales dont l’emplacement avait été signalé dans le cadre du mécanisme de désescalade.  Il a averti que cela sape gravement l’objectif même des localisations en tant qu’outil pour assurer la sécurité et l’acceptation des acteurs humanitaires sur le terrain.  Il a appelé à la pleine mise en œuvre du mémorandum d’accord signé entre la Fédération de Russie et la Turquie, avertissant dans la foulée qu’une offensive d’envergure provoquerait une catastrophe humanitaire en Syrie et dans la région.  Un cessez-le-feu durable est essentiel et nous exhortons les parties à prévenir toute escalade et à user de leur influence à cette fin, a-t-il dit.  M. Pecsteen de Buytswerve a aussi souligné qu’un accès humanitaire sans condition, sûr, opportun, sans entrave et durable doit être assuré.  Il a salué le « travail héroïque » des travailleurs humanitaires dans ces circonstances particulièrement difficiles.  Les porte-plumes, a-t-il conclu, appuient les efforts de l’Envoyé spécial pour trouver une solution politique.

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a considéré que l’accord de cessez-le-feu conclu entre la Fédération de Russie et la Turquie, à Edleb et dans les régions voisines, en septembre 2018, est absolument essentiel pour maintenir la paix et la sécurité internationales.  Des millions de civils sont en danger parce que la Fédération de Russie et le régime syrien ont intensifié les hostilités, ces deux dernières semaines, dans les provinces d’Edleb et de Hama, a-t-il accusé.  L’escalade a tué ou blessé au moins 100 personnes et provoqué le déplacement de plus de 180 000 autres, certaines d’entre elles pour la troisième ou quatrième fois en huit ans.  Ces personnes fuient les barils d’explosifs du régime d’Assad et les frappes aériennes russo-syriennes.  Les derniers combats ont contraint les civils à se réfugier au plus près de la frontière « de notre allié de l’OTAN, la Turquie », et la nouvelle vague de déplacés vient alourdir les camps de déplacés dans la région.  Depuis un an, l’ONU et de nombreux membres du Conseil ne cessent de lancer des avertissements quant à l’ampleur de la tragédie qui résulterait d’une offensive militaire à Edleb.  En septembre 2018, le Secrétaire général déclarait clairement qu’une attaque militaire contre Edleb déclencherait « un cauchemar humanitaire sans précédent ».

La Fédération de Russie, au nom du groupe d’Astana, a assuré le Conseil de sécurité ainsi que mon pays aux plus hauts niveaux bilatéraux qu’elle était déterminée à maintenir son propre cessez-le-feu.  Aujourd’hui, elle et le régime syrien invoquent « l’antiterrorisme » pour justifier leurs attaques contre les civils et les hôpitaux.  Les frappes ont détruit 18 établissements de santé, dont certains avaient été considérés hors-conflit par la Fédération de Russie et l’OCHA.  Le représentant a donc appelé la Fédération de Russie à prendre les mesures suivantes avec effet immédiat, compte tenu de son influence sur le comportement du régime d’Assad: désescalade de toutes les activités militaires dans la zone démilitarisée d’Edleb et réengagement à mettre pleinement en œuvre l’Accord de Sotchi du 17 septembre 2018.  Cela signifie une cessation totale de toutes les hostilités dans la région, « un arrêt complet », a martelé M. Cohen.  Il faut ensuite garantir la livraison de l’aide humanitaire transfrontalière des Nations Unies, autorisée par la résolution 2449.  Il faut aussi encourager Damas à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer un accès sûr et sans entrave aux personnels de secours dans les zones touchées à Edleb.  Il faut enfin veiller à ce que le régime syrien ne recoure pas à des armes chimiques à Edleb. 

La détermination des États-Unis à tenir le régime d’Assad pour responsable de toute utilisation d’armes chimiques est « inébranlable », a prévenu le représentant, qui a annoncé « une réponse ferme et rapide ».  L’implication de la Fédération de Russie dans cette offensive est extrêmement préoccupante, a-t-il estimé, car la violence remet en cause les efforts diplomatiques de l’Envoyé spécial des Nations Unies, M. Geir Pedersen, pour relancer le processus politique par la création du comité constitutionnel.  L’annonce d’une offensive terrestre le 6 mai dernier par le régime d’Assad est « incompatible » avec l’objectif de l’Envoyé spécial de parvenir à une solution politique du conflit ».  Un accord sur le comité constitutionnel étant à portée de main, la décision de la Fédération de Russie et du régime syrien de lancer des frappes aériennes, des tirs d’artillerie lourde et des barils d’explosifs constitue un « terrible signal de mépris » vis-à-vis du processus politique de l’ONU.  Nous craignons par conséquent que la dernière escalade militaire ne soit une tentative du régime d’Assad d’empêcher la formation du comité constitutionnel et l’avancement du processus politique sous l’égide de l’ONU, a avoué le représentant.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) s’est félicitée des efforts de la Turquie pour rétablir le cessez-le-feu et arriver à une désescalade de la situation à Edleb et dans la région.  La position du Royaume-Uni n’a pas changé, a-t-elle indiqué.  S’agissant de la « boucherie » qui a lieu à Edleb, le Royaume-Uni exige lui aussi des réponses à certaines questions évoquées par le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Lowcock.

Au moins 18 centres médicaux et 17 écoles ont été visés par des frappes aériennes, ce qui constitue une violation claire du droit international humanitaire, s’est indignée la déléguée, en demandant « où est la proportionnalité quand on bombarde 18 installations médicales? »  À cet égard, elle a trouvé cynique que ce soit précisément des installations dont la localisation est transmise par l’OCHA en vue de leur protection qui sont frappées.  Elle a également fait sienne la question de savoir qui bombarde ces installations et si cela est fait de manière délibérée.

Puisque nous savons que seuls les avions russes et syriens peuvent circuler dans cette zone, la représentante n’a pas hésité à supposer que la Fédération de Russie et la Syrie sont les responsables de ces frappes.  Elle a donc sommé les deux ambassadeurs présents à y mettre fin immédiatement, au nom de la doctrine du droit international humanitaire et du principe de proportionnalité.  Réfutant le terme de « frappes chirurgicales » invoqué par la Russie, elle a ironisé sur le fait qu’elle ne voudrait pas avoir à subir des traitements médicaux à Moscou.  Évoquant aussi le non-respect de la résolution du Conseil de sécurité sur la protection des installations médicales, elle a souligné le prix très lourd en termes de vies humaines.

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a déclaré que les conséquences humanitaires de l’intensification des violences sont extrêmement préoccupantes et que la protection des civils, y compris les personnels humanitaires et médicaux, ainsi que les infrastructures civiles est un impératif « qui n’est pas négociable ».  Les cibles civiles sont l’illustration même que l’offensive en cours ne relève pas exclusivement de la lutte contre le terrorisme.  Elle s’inscrit dans le cadre de la reconquête « brutale » des zones qui échappent encore au contrôle du régime et de ses alliés, a dénoncé le représentant, estimant que la lutte contre le terrorisme ne saurait être invoquée pour justifier la violation du droit international humanitaire.  Cette offensive, s’est-il de plus inquiété, ne fait que contribuer à amplifier et disséminer la menace terroriste.  Dans ce contexte, la préservation du cessez-le-feu à Edleb doit être notre priorité.

M. Delattre s’est dit extrêmement préoccupé par la récente offensive terrestre lancée par le régime syrien dans le nord-ouest et a noté que les informations selon lesquelles cette offensive aurait pris fin demandent encore à être confirmées sur le terrain.  Nous devons tout faire pour éviter une nouvelle catastrophe dans le nord-ouest: la vie de trois millions de civils, dont un million d’enfants est en jeu, a-t-il insisté.  Il a également relevé qu’outre des conséquences humanitaires dramatiques, une offensive représenterait une grave menace migratoire et sécuritaire pour tous, avec un « risque majeur » de dispersion des combattants terroristes.  Il a appelé « solennellement » les garants d’Astana à préserver le cessez-le-feu, conformément à l’accord sur Edleb.  Le représentant a aussi prévenu que « nous nous montrerons d’une extrême fermeté en cas de nouvel usage d’armes chimiques ».

Le délégué de la France a averti que cette escalade de la violence compromet les perspectives de règlement politique durable.  C’est tout l’avenir de la Syrie qui se joue maintenant: comment peut-on instaurer la confiance nécessaire à un processus politique crédible alors que la population d’Edleb est visée par une violente campagne militaire?  Pour M. Delattre, la réalité est qu’il n’y a pas en Syrie de solution militaire et une offensive à Edleb ne fait qu’éloigner la perspective de paix.

Il a souligné que seule une transition politique crédible, irréversible et inclusive permettra de briser l’engrenage de la tragédie syrienne.  Il a appelé à collectivement appuyer les efforts de l’Envoyé spécial en vue de mettre en œuvre tous les éléments de la résolution 2254, notamment un « paquet constitutionnel » crédible.  Il a aussi insisté sur l’importance, pour l’Envoyé spécial de poursuivre en parallèle son travail sur les mesures de confiance et de commencer à préparer la tenue des élections.  Sur l’ensemble de ces points, a-t-il ajouté, la Fédération de Russie a un rôle de premier plan à jouer vis-à-vis du régime.  « Il est aujourd’hui urgent d’unir nos efforts pour conjurer ce qui serait un désastre humanitaire, politique et sécuritaire au nom de nos principes, comme de nos intérêts partagés », a-t-il conclu.

M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) s’est dit gravement préoccupé par l’escalade de la violence dans les zones syriennes situées au sud d’Edleb et au nord de Hama.  C’est d’autant plus regrettable que la région était considérée auparavant comme une zone « sûre », a-t-il ajouté, en raison de l’accord de cessez-le-feu conclu entre la Turquie et la Fédération de Russie, en septembre dernier.  Aujourd’hui, nous constatons que les violations de cet accord ont engendré le déplacement de 150 000 personnes supplémentaires, a déploré le représentant, ajoutant que le demi-million de personnes qui avaient décidé de rester dans la zone étaient désormais sous le coup de la violence. 

Le représentant a déploré les attaques contre des hôpitaux, les écoles et les camps de déplacés, en violation du droit international humanitaire.  Si les combats devaient se propager davantage, la crise humanitaire atteindrait un niveau catastrophique et l’accès des agents humanitaires aux trois millions de civils qui dépendent de l’aide pour leur survie dans la zone serait interrompu.  Pour se prémunir contre un tel scénario, le représentant a appelé le Conseil à faire preuve d’unité et de volontarisme, pour infléchir le cours de la violence, obtenir la création d’un corridor humanitaire et mettre fin aux attaques contre les infrastructures civiles.

M. LUIS UGARELLI (Pérou) s’est dit préoccupé par l’escalade de la violence à Edleb et dans d’autres villes du nord-est de la Syrie, en raison de l’intensification des bombardements aériens dans la zone.  La lutte contre le terrorisme et la nécessité de préserver la souveraineté de la Syrie ne justifient en rien les attaques contre des civils et des installations médicales, a ainsi estimé le représentant, pour qui de tels actes s’inscrivent non seulement en violation du droit international humanitaire, mais relèvent également du crime de guerre. 

Le délégué péruvien a par ailleurs souligné la nécessité de prendre en charge les centaines de milliers de personnes nouvellement déplacées à l’intérieur du pays ces derniers mois, en provenance essentiellement du nord de Hama et du sud d’Edleb.  Il a ensuite exhorté les autorités syriennes à faire tout ce qui était en leur pouvoir pour qu’Edleb ne devienne pas un nouveau « théâtre d’horreur de déstabilisation ».  Dans ce cadre, le représentant a appelé à préserver l’accord de cessez-le-feu conclu entre la Turquie et la Fédération de Russie.  Enfin, il a demandé aux garants du processus d’Astana d’user de leur influence pour obtenir des parties qu’elles instaurent un climat de dialogue à travers le pays.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a estimé qu’il y avait des raisons de s’inquiéter, vu le niveau de violations du cessez-le-feu dans la zone de désescalade qui a des graves conséquences sur la situation humanitaire pour les civils à Edleb: toujours plus de morts et de personnes déplacées.  Il a lancé un appel à toutes les parties pour qu’elles mettent fin immédiatement à l’escalade de tensions à Edleb, pour qu’elles évitent d’utiliser des armes explosives dans les zones habitées, dans les centres de santé et les écoles en particulier, et pour qu’elles respectent leurs obligations découlant du droit international humanitaire.

« Nous ne pouvons pas rester spectateurs devant ce panorama sinistre », a déclaré le représentant, en invitant à faire preuve de détermination pour résoudre la situation dans la zone d’Edleb « soi-disant démilitarisée ».  Il a salué la coopération accrue entre les autorités russes et turques pour stabiliser la situation à Edleb et pour prendre des mesures efficaces de lutte contre les organisations terroristes en Syrie.  Pour conclure, il a demandé aux Nations Unies d’étudier la possibilité de déployer une équipe de surveillance impartiale et indépendante à Edleb qui serait chargée de garantir la cessation des hostilités, documenter toute violation, puis traduire en justice les responsables.

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a constaté que l’escalade de la violence au cours des deux dernières semaines avait provoqué la mort de plus de 150 civils, avec des installations médicales prises pour cible.  Elle a condamné ces atrocités et réitéré son appel à toutes les parties, notamment aux garants d’Astana, pour qu’elles s’acquittent de leurs obligations en vertu droit international humanitaire et n’épargnent aucun effort pour protéger les civils.  Épargner les milliers de civils piégés par les combats relève d’une responsabilité « juridique et morale », a-t-elle dit.  Il ne peut y avoir de solution militaire au conflit syrien, a enfin déclaré la représentante, plaidant pour un accord politique conforme à la résolution 2254 (2015) et au Communiqué de Genève, qui demeure la seule voie possible.  En conclusion, elle a réitéré son soutien à l’Envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie. 

M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a dit rester préoccupé par la nouvelle escalade militaire en cours dans la province d’Edleb et a averti que cette nouvelle flambée de violence risquait d’annihiler les nombreux efforts déployés par la communauté internationale pour parvenir à une issue pacifique à la crise en Syrie.  Il a appelé les belligérants à la cessation immédiate des hostilités, sur toute l’étendue du territoire syrien, en vue de donner des chances de succès au processus de paix.  Il a également invité les parties au conflit à mettre pleinement en œuvre de l’accord russo-turc sur la zone démilitarisée.

M. Ipo a par ailleurs salué la rencontre qui a eu lieu le 14 mai 2019 à Sotchi entre le Secrétaire d’État américain et les autorités russes et a espéré que cette rencontre ouvrirait d’autres espaces de concertations entre les deux parties afin d’identifier les voies à emprunter en Syrie pour faire avancer le règlement politique.  Il a aussi souhaité que les questions les plus urgentes, telles que la situation humanitaire ainsi que la création du comité constitutionnel, puissent faire l’objet d’une convergence de vues entre toutes les parties prenantes.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a avoué un sentiment de « déjà vu » alors qu’on vivait l’apaisement dans l’est d’Alep et la Ghouta orientale.  Pourquoi, s’est-il demandé, « le trio humanitaire » gardait le silence quand la Coalition rayait de la carte les villes de Baghouz et Raqqa?  Le sort de ces villes n’intéressait presque personne, a-t-il ironisé, faisant état de plus de 1 500 morts parmi les civils à Raqqa.  À l’époque « nos partenaires occidentaux » qualifiaient ces frappes de lutte contre les terroristes.  Renonçons, s’est impatienté le représentant, aux « deux poids deux mesures » lorsqu’il s’agit de la Syrie et ne perdons pas de vue qu’aucune lutte contre le terrorisme ne saurait justifier l’occupation.  Au lieu de garantir l’assistance humanitaire à partir de Damas, l’on veut maintenant essayer d’acheminer l’aide humanitaire par le mécanisme transfrontière.

La Fédération de Russie, a prévenu le représentant, rejette toutes les accusations d’attaques contre les personnes et les infrastructures civiles.  L’ONU et l’OMS, a-t-il ajouté, ne devraient pas se montrer si pressées de diffuser dans les médias des informations non vérifiées sur les pertes en vies humaines et la destruction des infrastructures civiles.  Nous avons posé des questions sur les sources et jusqu’ici, nos questions sont restées sans réponse, a affirmé le représentant, qui a soupçonné les Casques blancs.

L’escalade des tensions dans la zone de désescalade est le fait des terroristes de Hay’at Tahrir el-Cham, a-t-il dit, affirmant détenir des informations selon lesquelles les terroristes du Front el-Nosra prévoient d’autres attaques chimiques et « on accusera probablement encore l’armée syrienne ».  Le représentant a fait état d’actes de provocation de la part des terroristes qui ont attaqué les bases aériennes et les soldats russes, notamment par des drones.  En réponse à ces provocations, les forces gouvernementales, avec l’appui de la Fédération de la Russie, ont procédé à des contre-attaques sur les sites terroristes.  Grâce à cela, le sud de la zone de désescalade a pu être libéré des terroristes et, le 13 mai, 650 combattants ont de nouveau attaqué les forces syriennes avec chars et véhicules blindés.  Par conséquent, la partie russe poursuit ses négociations pour la stabilisation du nord-ouest de la Syrie et la lutte contre les terroristes et rappelle que dans le mémorandum d’accord sur Edleb, il n’est pas dit que les terroristes ne peuvent pas faire l’objet de frappes.

Le représentant a dit avoir l’impression qu’on poursuit un autre objectif à Edleb, en se cachant derrière l’argument de la protection des civils.  Cette protection est une préoccupation de la Fédération de Russie mais les civils sont pris en otage par les groupes terroristes, a affirmé le représentant.  Il a aussi jugé important d’éviter une escalade des tensions dans le golfe Persique car la région risquerait de plonger dans le chaos.

M. TIYANI RAYMOND SITHOLE (Afrique du Sud) a condamné l’escalade de la violence dans le nord-ouest de la Syrie, notamment les attaques contre les civils et les infrastructures civiles.  Il s’est dit préoccupé du fait que 16 agences humanitaires avaient interrompu leurs activités dans la région en raison de l’escalade de la violence.  Il a exhorté les parties concernées à mettre immédiatement fin aux hostilités et à prendre les mesures nécessaires pour assurer la reprise des activité humanitaires.  M. Sithole a souligné que lutte la contre le terrorisme ne peut se faire aux dépens de civils innocents et a réclamé le plein respect du mémorandum sur la stabilisation d’Edleb.

M. MA ZHAOXU (Chine) a dénoncé les groupes terroristes qui s’en prennent aux civils et aux bases aériennes russes, ce qui hypothèque la stabilité dans le pays et la région.  Il a donc apporté son soutien aux contre-attaques, tout en soulignant la nécessité de promouvoir un processus politique « pour la Syrie et par les Syriens ».  La délégation a déclaré qu’elle appuyait les efforts conjoints visant à promouvoir la création d’un comité constitutionnel.  Le représentant a toutefois jugé indispensable de lutter contre le terrorisme, « élément majeur de la solution en Syrie », sous peine de ne pas parvenir à la paix.  La communauté internationale devrait harmoniser son action à l’encontre de ces organisations, tout en tenant pleinement compte des opérations humanitaires en cours.

M. BADER ABDULLAH N. M. ALMUNAYEKH (Koweït) a déclaré qu’il faudrait que toutes les parties au conflit respectent pleinement l’accord russo-turc, veillent à l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire, et renforcent l’appui international à une solution politique qui respecte les aspirations du peuple syrien.  Le représentant a affirmé que la lutte contre le terrorisme n’exonère aucune partie de ses obligations découlant du droit international, à commencer par l’exigence de savoir faire preuve de discernement.  Il a, enfin, souligné la nécessité d’enregistrer des progrès s’agissant de la création d’un comité constitutionnel, celui-ci devant refléter toutes les composantes de la société syrienne. 

Pour M. JUERGEN SCHULZ (Allemagne), il est « inacceptable » que des infrastructures civiles soient prises pour cible.  Tout le monde sait, a-t-il dit, que la destruction des installations médicales entraîne des morts parmi les civils, s’est-il indigné.  Nous sommes unis dans notre rejet des terroristes qui ne sont pas couverts par l’accord d’Edleb, a reconnu le représentant, mais la lutte contre le terrorisme ne peut en aucun cas justifier les attaques contre les infrastructures civiles ni les entraves à l’acheminement de l’aide humanitaire.  Seule une solution politique pourra conduire à une paix durable en Syrie mais pour cela, le régime syrien doit commencer à assumer ses responsabilités.  Tant que les droits fondamentaux des Syriens seront bafoués, ce Conseil devra rester saisi de la situation, a estimé le représentant, qui a exigé un changement de comportement de la part du régime syrien.  Ce dernier doit respecter les droits de l’homme et le droit international humanitaire car ce sont ses politiques de répression qui empêchent les gens de rentrer chez eux.  Ce même régime, a poursuivi le représentant, continue d’empêcher arbitrairement le travail des acteurs humanitaires.  Nous insistons sur un accès immédiat et sans entrave, a-t-il martelé, avouant son sentiment que l’on poursuit un autre objectif à Edleb. 

M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a fait part de sa consternation face à l’escalade de la violence dans le nord-ouest de la Syrie, qui a causé des victimes.  Les civils ne devraient pas continuer à être victimes d’opérations militaires.  De même, les infrastructures scolaires et médicales ne doivent pas faire l’objet d’attaques directes de militaires.  La délégation a invité le Conseil de sécurité à continuer de demander aux parties de se réengager en faveur de l’accord de cessez-le-feu russo-turc.  L’Indonésie invite en outre les garants du processus d’Astana et les pays ayant une influence sur les parties en conflit à contribuer aux efforts pour prévenir une plus grande escalade et s’engager dans un véritable dialogue visant la stabilisation de la situation dans le nord-ouest du pays.  M. Djani a également dit espérer que cette escalade ne compromettrait pas les progrès du processus politique que facilite l’Envoyé spécial.  Il a réitéré le soutien de son pays au travail de ce dernier, avec pour but de parvenir à une solution politique en Syrie, sur la base du Communiqué de Genève et de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité. 

Par ailleurs, l’Indonésie estime que sans une solution politique durable, la crise humanitaire sera difficile à résoudre.  Il faut donc que toutes les parties fassent des efforts pour renforcer l’assistance humanitaire en Syrie.  Selon le représentant, « lancer des accusations les uns contre les autres n’est pas la solution ».  « Cela ne va mener nulle part, et encore moins sauver le peuple syrien innocent sur le terrain. »

M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a indiqué que cette séance est l’occasion de faire connaître la vérité sur ce qui se passe à Edleb, tout en dénonçant la « politisation » de la situation.  Certains États membres de ce Conseil demandent la tenue d’une séance d’urgence lorsque la Syrie prend les « mesures juridiques » nécessaires pour protéger ses citoyens et lutter contre le terrorisme, alors qu’ils ne font rien lorsque les forces de la coalition commettent des crimes.  « Edleb n’est pas en Allemagne, ni au Koweït ni en Belgique.  C’est donc à l’État syrien de s’occuper de la situation sur place », a martelé le représentant, en rappelant que cette province représente 15 fois la superficie de Manhattan.  Il a rejeté les propos de son homologue belge, selon lequel des attaques aléatoires seraient commises contre la population syrienne.  Des « opérations militaires » sont menées contre des organisations terroristes, a précisé le délégué syrien, la principale d’entre elles figurant sur la Liste récapitulative.  Cette organisation compte dans ses rangs des « dizaines de milliers de combattants » dont certains ont été dépêchés par des pays tiers, qui se permettent parfois de l’appeler « opposition politique modérée », a poursuivi le représentant.  Selon lui, les parrains de cette organisation terroriste ont créé un « bras médiatique » qui s’appelle les Casques blancs.  Les crimes perpétrés par ces terroristes ne se limitent pas à des attaques contre les forces gouvernementales, mais aussi contre les populations civiles.  La question qui mérite d’être posée est la suivante, pour M. Ja’afari: « quand les gouvernements de certains pays membres et non membres cesseront-ils d’appuyer le terrorisme? »  

L’accord de désescalade est un accord temporaire.  Il ne peut pas perdurer, a mis en garde le représentant, en demandant au régime turc de respecter ses engagements et de cesser d’appuyer les groupes terroristes qui opèrent à Edleb et les « groupes identitaires turcs » le long de la frontière.  Imaginons qu’un groupe terroriste prenne le contrôle de Dortmund et qu’il s’en prenne à Düsseldorf et Hambourg?  Ou qu’il prenne le contrôle de Yonkers et s’en prenne à Brooklyn? »  « À ce moment-là, nous irions demander à M. Lowcock de vous envoyer une aide humanitaire et comme ça on pourra organiser des séances au Conseil de sécurité », a ironisé le représentant.  Mettre fin à la souffrance des Syriens à Edleb exige l’arrêt de l’instrumentalisation et la fin des « jeux immoraux ».  Le délégué a demandé aux États concernés s’ils étaient prêts à rapatrier les combattants qui sévissent en Syrie.  Il a mis en garde contre les mensonges fabriqués par les organisations terroristes qui font que l’on soupçonne Damas d’avoir utilisé des armes chimiques.  « Rien n’empêchera la Syrie d’exercer sa responsabilité constitutionnelle et juridique de protéger son peuple », a conclu M. Ja’afari. 

M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Turquie) a rappelé que des opérations militaires d’envergure à Edleb pourraient causer une catastrophe humanitaire majeure.  Il a noté l’augmentation significative des violations du cessez-le-feu par le régime, avec notamment plus de 600 incidents depuis fin avril.  Pour la Turquie, « un désastre est en cours », et les récentes agressions du régime pourraient conduire au déplacement de centaines de milliers de gens, faisant courir un grand risque sécuritaire et humanitaire à la Turquie, au reste de l’Europe et au-delà.  Le représentant a parlé de plus de 500 victimes civiles, de l’usage de barils explosifs et de 243 000 déplacés alors que l’élan migratoire vers le nord se renforce.

M. Sinirlioğlu a souligné que des innocents ne doivent pas être sacrifiés au nom de la lutte contre le terrorisme, car cela ne peut que conduire à créer d’autres terreaux du terrorisme et de l’extrémisme.  Pour la Turquie, le mémorandum d’Edleb a aussi servi de catalyseur du processus politique en servant « d’oxygène pour les efforts politiques ».  Les combats initiés récemment par le régime risquent donc de saper le processus politique en ce moment où on est au stade final de la formation du comité constitutionnel.  La Turquie dit poursuivre sa coopération avec la Fédération de Russie pour préserver le statut de zone de désescalade d’Edleb et pour mettre un terme aux violations du régime.  Alors que les hautes autorités des deux pays sont en contact permanent, un groupe de travail russo-turc s’est réuni ces deux derniers jours à Ankara afin d’œuvrer à la désescalade à Edleb.  Le délégué a invité le reste de la communauté internationale à faire tous les efforts possibles pour s’assurer que le régime respecte le cessez-le-feu.  Le représentant turc a rappelé que le Conseil est responsable d’empêcher une catastrophe humanitaire, et qu’il est temps d’agir, ce qui requiert « unité, courage et résilience ».  Il a déclaré, enfin, que « l’on ne peut pas laisser le peuple syrien à la merci du régime ».

M. MAJID TAKHT RAVANCHI (République islamique d’Iran), dont le pays fait partie des garants d’Astana, a réitéré son soutien à la zone de désescalade d’Edleb.  Cette approche se fonde sur le principe fondamental qu’il faut sauver la vie des nombreux civils qui s’y trouvent, a-t-il expliqué.  L’Iran soulève néanmoins des questions: Cette situation peut-elle continuer indéfiniment?  Le Gouvernement syrien devrait-il autoriser des groupes terroristes reconnus internationalement à maintenir leur contrôle sur cette région alors qu’il a les moyens de les battre en quelques jours?  La communauté internationale devrait-elle autoriser de tels groupes terroristes à prendre des civils en otage?

« La réponse est claire », a estimé le représentant, en rappelant que la création de cette zone était une mesure temporaire qui avait pour seul but de protéger les civils, mais pas de donner refuge aux terroristes.  Elle n’empêche pas non plus le régime syrien de combattre des groupes terroristes reconnus par le Conseil de sécurité.  La situation actuelle, où des groupes terroristes dangereux sont autorisés à prendre plus de deux millions de civils comme boucliers humains, à poursuivre leur contrôle sur de larges pans du territoire souverain de l’État, et à opérer à partir de ce territoire en attaquant des cibles militaires et civiles, ne peut pas et ne doit pas durer, a tranché le représentant, en appelant les membres du Conseil à « ne pas confondre protection des civils avec protection des terroristes ».

Si la situation à Edleb perdure, elle sapera la restauration du contrôle par le Gouvernement syrien sur tout son territoire ainsi que la sécurité des civils et le retour des réfugiés et des personnes déplacées, sans oublier la reconstruction du pays et l’avènement d’une solution politique, a mis en garde le délégué.  En conclusion, il a mis l’accent sur le respect par tous de la souveraineté, de l’indépendance politique, de l’unité et de l’intégrité territoriale de la Syrie.  Dans ce contexte, les garants d’Astana rejettent également toute tentative de créer une nouvelle réalité sur le terrain sous prétexte de lutte contre le terrorisme.  Par conséquent, a demandé la délégation iranienne, les États-Unis doivent immédiatement mettre fin à leur présence « illégale » en Syrie.  Aux membres du Conseil, il a demandé de soutenir le Gouvernement syrien dans la création du comité constitutionnel facilité par l’Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Pederson.

« Nous n’appuyons pas les attaques terroristes », a affirmé la représentante du Royaume-Uni, qui a déclaré que celles commises contre les bases russes doivent cesser.  C’est la coalition mondiale qui a mené la guerre contre le terrorisme, a-t-elle dit, avant de s’élever contre le fait que des hôpitaux, qui devaient être sanctuarisés, ont été la cible d’attaques.

Le représentant de la République arabe syrienne a déclaré que « certains gouvernements occidentaux » accusent le sien d’avoir bombardé un hôpital à Edleb.  À l’époque, a-t-il dit, nous avions autorisé un représentant de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) à se rendre à Alep, à la suite d’une accusation similaire: il en était revenu en reconnaissant qu’il n’y avait aucun médecin dans le bâtiment, qui était « infesté de terroristes ».  Le délégué a accusé, pour sa part, le Royaume-Uni d’avoir appuyé la formation du « groupe terroriste » des Casques blancs.  Par ailleurs, en mars 2013, une attaque chimique a eu lieu à Khan Al-Assa, près de Damas.  Or, il n’y a toujours aucune enquête, sans doute parce que certains ont peur de connaître la réponse, a assuré le représentant.

Le représentant de la Fédération de Russie a repris la parole pour répondre à une question du Royaume-Uni qui laissait entendre de façon implicite que c’était la Russie et la Syrie qui devaient y répondre.  Il lui a dit que la Russie avait également posé une question sur les sources d’information des emplacements des hôpitaux, notamment au représentant de l’OMS, mais n’avait pas reçu de réponse à ce jour au prétexte que cela pourrait être dangereux pour ceux qui fournissent ces informations.

La représentante du Royaume-Uni a remercié son collègue russe pour cette réponse et a proposé de se réunir avec l’OCHA pour mieux comprendre quel est le problème.  S’adressant ensuite au représentant syrien, elle a dit n’avoir pas reçu de réponses à ses questions au sujet de la protection des civils à Edleb.

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