Violences sexuelles dans les conflits: au Conseil de sécurité, les appels à la lutte contre l’impunité se multiplient
À l’occasion de son débat semestriel sur les femmes, la paix et la sécurité, qui a réuni au total 91 intervenants, le Conseil de sécurité a, aujourd’hui, exigé de toutes les parties à des conflits armés qu’elles mettent fin aux actes de violence sexuelle et prennent des engagements en ce sens, faisant écho aux appels du Secrétaire général, M. António Guterres, et des « héros » et « héroïnes » présents à ses côtés, dont les deux lauréats du prix Nobel de la paix 2018 qui ont dénoncé ce crime qui vise le plus souvent des femmes et des filles.
En adoptant la résolution 2467 (2019) par 13 voix pour et deux abstentions –Fédération de Russie et Chine, qui ont renoncé à mettre aux voix leur propre projet–, le Conseil encourage les États Membres à renforcer leurs législations pour amener les auteurs de violences sexuelles à répondre de leurs actes. La délégation russe a toutefois reproché aux coauteurs de ce texte de ne pas avoir préalablement obtenu de consensus pour sa version initiale, ce qui aurait pu selon lui « créer un précédent dangereux » et « inacceptable » en conduisant le Conseil de sécurité à « outrepasser » son mandat et en créant de nouvelles structures.
Au cours du débat, plusieurs délégations ont déploré l’absence de référence, dans le texte final, à la santé sexuelle et procréative. Résumant un sentiment partagé notamment par l’Afrique du Sud, les pays nordiques ou d’Amérique latine, la Suisse s’est dite préoccupée « par l’affaiblissement du langage convenu sur des questions essentielles ».
Dans son rapport, le Secrétaire général recommande au Conseil de sécurité d’envisager d’adopter un « mécanisme formel permettant de vérifier systématiquement que les parties à un conflit respectent les dispositions » de ses résolutions pertinentes. Il lui demande aussi d’intégrer pleinement la question de la violence sexuelle liée au conflit dans les travaux de ses comités des sanctions et d’ajouter la violence sexuelle aux critères de désignation par les comités. À la suite du Chef de l’Organisation, le renforcement de la lutte contre l’impunité a donc été identifié comme une priorité par de nombreux intervenants, dont la Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Mme Pramila Patten.
« La réalité inacceptable aujourd’hui est qu’on s’en tire à bon compte après avoir violé une femme, un enfant ou un homme en période de conflit à travers le monde », a-t-elle déploré, en exhortant à passer « d’une culture séculaire d’impunité à une culture de responsabilité ». Prix Nobel de la paix 2018 et médecin congolais, le docteur Denis Mukwege a salué l’initiative de l’Allemagne, qui préside les travaux du Conseil de sécurité ce mois-ci, d’avoir présenté cette résolution, qui « met une emphase particulière sur le besoin de reconnaissance du statut des enfants nés du viol, d’une approche globale centrée sur les survivantes, mais aussi sur la nécessité d’appliquer des sanctions, de rendre justice et de fournir des réparations ».
Sa colauréate, Mme Nadia Murad, s’est livrée pour sa part à un réquisitoire contre l’inaction de la communauté internationale, qui devra assumer un jour, a-t-elle dit, sa responsabilité de ne pas avoir su protéger et secourir les femmes yézidies aux mains de Daech. L’avocate de la jeune femme, Mme Amal Clooney, a fustigé l’impasse dans laquelle se trouve actuellement le Conseil de sécurité pour renvoyer cette situation à la Cour pénale internationale (CPI), conformément aux vœux de nombreux survivants yézidis, et ce, en raison de l’opposition des États-Unis, pour qui « la CPI est morte », et de la Fédération de Russie.
Une option alternative selon elle consisterait à ce que « les États aux vues similaires qui croient en la justice » créent par traité un tribunal. Cela pourrait être fait par les États membres de la coalition mondiale, dont beaucoup sont représentés ici aujourd’hui, a argué Mme Clooney: « Après tout, si 79 pays peuvent s’unir pour combattre Daech sur le champ de bataille, pourquoi ne pourraient-ils pas établir un tribunal, que ce soit à La Haye ou quelque part dans la région? » Si ce Conseil et la communauté internationale n’agissaient pas, l’avocate placerait alors tous ses espoirs en l’Union européenne, laquelle pourrait élargir le mandat du Parquet européen pour couvrir les crimes internationaux et mettre en place une nouvelle juridiction européenne compétente. L’Iraq pourrait aussi conclure un traité avec l’ONU en vue de créer un tribunal hybride chargé de poursuivre les responsables de crimes internationaux, à l’exemple de ce qui a été fait en Sierra Leone et au Cambodge, a-t-elle ajouté.
Au-delà du cas de Daech, d’autres organisations terroristes ou d’acteurs non étatiques ont été mis en cause aujourd’hui par les orateurs. Ainsi, des groupes armés opérant en Libye ont été accusés par Mme Inas Miloud, la Cofondatrice et Directrice de l’association libyenne Tamazight Women’s Movement, de se livrer à des violences sexuelles « en temps de conflit comme en temps de paix », dans une culture de la honte et de la stigmatisation, marquée aussi par le déficit de confiance de l’opinion publique dans le système judiciaire.
Pour la France, « il reste inimaginable qu’aucun individu associé à Daech ou Boko Haram et ayant recouru aux violences sexuelles comme armes de guerre à grande échelle n’ait encore été condamné ». « C’est votre moment Nuremberg », a lancé de son côté Mme Clooney, en appelant les États Membres à saisir l’occasion de rester « du bon côté de l’Histoire ».
Alors que la résolution adoptée aujourd’hui affirme que les victimes de violences sexuelles commises « doivent bénéficier des programmes nationaux d’aide et de réparation, ainsi que de soins médicaux, d’un accompagnement psychosocial, d’un logement où elles sont en sécurité, de moyens de subsistance et d’une assistance juridique », Lord Tariq Ahmad de Wimbledon, le Ministre d’État au Commonwealth et aux Nations Unies du Royaume-Uni, a regretté que le libellé sur les services aux survivantes, notamment la question des services de santé sexuelle et reproductive, y compris les avortements, n’ait pas fait l’unanimité au sein du Conseil.
Près de 20 ans après l’adoption de la résolution 1325 (2000) sur les femmes, la paix et la sécurité, la « triste réalité » est que sa mise en œuvre est « à la traîne » a reconnu le Ministre des affaires étrangères de l’Allemagne, M. Heiko Maas. « Après tout, le fait de ne pas traduire en justice les auteurs de violences sexuelles crée une impunité meurtrière », a analysé le chef de la diplomatie allemande. « Nous devons ouvrir les yeux et veiller à ce que l’histoire de Nadia ne se répète pas. »
LES FEMMES ET LA PAIX ET LA SÉCURITÉ
La violence sexuelle en temps de conflit
Texte du projet de résolution (S/2019/328)
Le Conseil de sécurité,
Réaffirmant sa volonté de voir se poursuivre l’application intégrale des résolutions, 1325 (2000), 1820 (2008), 1888 (2009), 1889 (2009), 1960 (2010), 2106 (2013), 2122 (2013) et 2242 (2015) sur les femmes et la paix et la sécurité et de toutes ses autres résolutions pertinentes et des déclarations de son Président, et soulignant que les obstacles persistants à leur mise en œuvre ne seront éliminés que par un engagement ferme en faveur de la participation des femmes, de la protection et de la promotion de leurs droits et un appui constant visant à renforcer cette participation à tous les niveaux de la prise de décisions,
Rappelant les engagements souscrits dans la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, réaffirmant les obligations des États parties à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à son protocole facultatif et exhortant les États qui ne l’ont pas encore fait à envisager de ratifier ces instruments ou d’y adhérer,
Rappelant également les obligations applicables aux parties à un conflit armé en vertu des Conventions de Genève de 1949 et des Protocoles additionnels de 1977 s’y rapportant,
Prenant note de la Recommandation générale no 30 du Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d’après conflit,
Ayant à l’esprit les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et le fait que la Charte lui confère la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales,
Considérant qu’il incombe au premier chef aux États de respecter et de faire respecter les droits fondamentaux de toutes les personnes présentes sur leur territoire et relevant de leur juridiction, conformément aux dispositions du droit international, et réaffirmant que c’est aux parties aux conflits armés que revient la responsabilité première d’assurer la protection des civils,
Affirmant que les États Membres ont un rôle essentiel à jouer en appliquant pleinement les dispositions pertinentes de ses résolutions sur les femmes, la paix et la sécurité et que les entités des Nations Unies et les organisations régionales jouent un rôle complémentaire important à cet égard,
Prenant note du rapport du Secrétaire général en date du 29 mars 2019 (S/2019/280), et demeurant profondément préoccupé par la lenteur des progrès visant à combattre et à éliminer la violence sexuelle en période de conflit armé, en particulier à l’encontre des femmes et des enfants, et notant que, comme il ressort du rapport du Secrétaire général, elle est perpétrée durant et après les conflits armés partout dans le monde,
Sachant l’importance du vingt-cinquième anniversaire de l’adoption de la résolution 1325 (2000), les progrès réalisés et le fait qu’il est possible et nécessaire de mieux concrétiser les priorités concernant la question des femmes et de la paix et de la sécurité, et restant profondément préoccupé par la fréquente sous-représentation des femmes au sein de nombreux processus et organes formels liés au maintien de la paix et de la sécurité internationales, par le nombre relativement faible de femmes occupant des postes de rang élevé dans les institutions nationales, régionales et internationales dont les activités relèvent du domaine politique ou ont trait à la paix et à la sécurité, par l’absence d’une action humanitaire qui tienne adéquatement compte de la problématique hommes-femmes et par les faibles niveaux du financement accordé à l’action en faveur des femmes et de la paix et de la sécurité et par les lourdes conséquences qui en résultent pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales,
Se déclarant profondément préoccupé par le fait que, dans les situations de conflit armé et d’après conflit, les femmes subissent toutes sortes de menaces, de violations et d’atteintes à leurs droits fondamentaux, et constatant que les femmes et les filles sont exposées aux dangers et souvent particulièrement visées et davantage en butte à la violence pendant et après les conflits,
Soulignant que la promotion de l’égalité des sexes et de l’émancipation politique, sociale et économique des femmes est essentielle pour la prévention et la répression de la violence sexuelle dans les situations de conflit et d’après conflit, et que la sécurité et l’autonomisation des femmes et des filles sont importantes à leur participation concrète, aux processus de paix, à la prévention des conflits et à la reconstruction des sociétés, et que, par conséquent, la protection et la participation des femmes sont inextricablement liées et se renforcent mutuellement, comme il ressort de toutes les résolutions sur les femmes et la paix et la sécurité,
Reconnaissant que les effets disproportionnés de la violence sexuelle en période de conflit armé et d’après conflit sur les femmes et les filles sont exacerbés par la discrimination à leur égard et par la sous-représentation des femmes dans la prise de décisions et des fonctions de direction, l’effet des lois discriminatoires sexistes, l’exécution et l’application des lois existantes, des normes et pratiques sociales préjudiciables, les inégalités structurelles, et vues discriminatoires sur les femmes ou les rôles des hommes et des femmes dans la société, et le manque de disponibilité de services destinés aux rescapés et affirmant qu’il importe de promouvoir l’égalité des sexes en s’attaquant à ces causes profondes de la violence sexuelle à l’égard des femmes et des filles dans le cadre de la prévention des conflits, du règlement des conflits et de la consolidation de la paix,
Constatant que la violence sexuelle en période de conflit s’inscrit dans une continuité de formes interdépendantes et récurrentes de violence contre les femmes et les filles, et que les conflits accroissent également la fréquence et la brutalité des autres formes de violence fondée sur le genre,
Considérant que, pour décourager et prévenir les violences sexuelles, il est indispensable que ceux qui en commettent soient régulièrement et sévèrement poursuivis et que les pays assument leurs responsabilités et entreprennent de s’attaquer aux causes profondes des violences sexuelles commises en période de conflit armé, de même qu’il faut remettre en question l’idée selon laquelle ces violences sexuelles sont un phénomène culturel, une conséquence inévitable de la guerre ou un délit mineur,
Réaffirmant que les dirigeants civils et les chefs militaires doivent manifester la ferme intention et la volonté politique de prévenir les actes de violence sexuelle et d’amener les auteurs de tels actes à en répondre, et que l’inaction et l’impunité face aux crimes de violence sexuelle dans les situations de conflit et d’après conflit peuvent donner à penser que la fréquence de ces crimes est tolérée,
Rappelant qu’il incombe aux États de mettre fin à l’impunité et de poursuivre les auteurs de crimes de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, perpétrés contre des civils, et notant à cet égard avec inquiétude que les auteurs de violences sexuelles sont peu nombreux à être traduits en justice, tout en sachant que, durant et après les conflits, les appareils judiciaires nationaux risquent d’être très affaiblis,
Notant que les commissions d’enquête et les missions d’établissement des faits des Nations Unies, le cas échéant et selon qu’il conviendra, sont des mécanismes s’agissant de constater les allégations de violations du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire, d’enquêter à leur sujet, de formuler des recommandations, dans le cadre de leurs attributions respectives, en vue de promouvoir la justice, le châtiment des responsables et la protection des rescapés et de collaborer, chacune selon son mandat et en fonction des ressources disponibles, avec des fonds et institutions à la prestation de services multisectoriels spécialisés,
Consciente de la nécessité d’une approche axée sur les rescapés pour ce qui est de prévenir et de combattre les violences sexuelles liées dans des situations de conflit et d’après conflit, reconnaissant en outre que les rescapés de violences sexuelles ou fondées sur le genre doivent bénéficier d’un accès non discriminatoire à des services tels que les soins médicaux et psychosociaux dans toute la mesure possible et être à l’abri de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, et que les violations des obligations relatives au traitement des victimes peuvent être assimilées à des violations graves du droit international,
Déclarant à nouveau qu’il regrette profondément qu’en période de conflit armé, l’immense majorité des victimes soient des civils et rappelant avec une vive inquiétude que le transfert illicite, l’accumulation déstabilisante et le détournement d’armes légères et de petit calibre alimentent les conflits armés, ont toute une série de conséquences néfastes sur les droits de la personne, la situation humanitaire, le développement et la situation socioéconomique, plus particulièrement sur la sécurité des civils dans les conflits armés, notamment des femmes et des filles, qui subissent plus que leur part de violence, et exacerbent les violences sexuelles ou fondées sur le genre,
Prenant acte de l’adoption du Traité sur le commerce des armes et notant qu’aux termes du paragraphe 4 de l’article 7 dudit Traité, les États parties exportateurs doivent tenir compte du risque que des armes classiques ou des biens visés puissent servir à commettre des actes graves de violence sexiste ou des actes graves de violence à l’encontre des femmes et des enfants, ou à en faciliter la commission,
Conscient du lien qui existe entre les violences sexuelles en période de conflit et d’après conflit et le commerce illicite des ressources naturelles, appelées notamment « minerais de conflit » et reconnaissant en outre la nécessité pour les acteurs du secteur privé de garantir que les recettes tirées des matériaux achetés pour leurs processus de production ne servent pas à financer des groupes armés qui perpétuent un conflit et des violences sexuelles liées à des situations de conflit et d’après conflit,
Rappelant la contribution importante de la société civile, y compris des dirigeantes et des organisations de femmes, à la prévention et au règlement des conflits, ainsi qu’à la consolidation de la paix, notamment à la prévention et à la répression de la violence sexuelle en période de conflit, affirmant l’importance de leur engagement soutenu et de leur participation effective à tous les processus de paix et de sécurité, et demeurant profondément préoccupé par les menaces, agressions et restrictions subies par les organisations de la société civile dans le cadre des actions qu’ils mènent et qui les privent de la possibilité de contribuer à la paix et à la sécurité internationales,
Réaffirmant son attachement à la souveraineté, à l’intégrité territoriale, à l’indépendance politique de tous les États conformément à la Charte,
Saluant les efforts des États Membres et constatant les mesures prises par les organisations régionales et sous-régionales pour appliquer la résolution 1325 (2000) et les résolutions ultérieures sur les femmes et la paix et la sécurité aux niveaux régional, national et local et notamment pour élaborer des plans d’action et d’autres cadres de planification, en les dotant de ressources suffisantes, et engageant les États Membres à poursuivre cette mise en œuvre en intensifiant le suivi, l’évaluation et la coordination,
1. Exige à nouveau de toutes les parties à des conflits armés qu’elles mettent immédiatement et totalement fin à tous actes de violence sexuelle, et leur demande de prendre et de tenir des engagements précis et assortis de délais pour lutter contre la violence sexuelle, engagements qui doivent comprendre notamment la publication par les voies hiérarchiques d’instructions claires et l’établissement de codes de conduite interdisant la violence sexuelle et la mise en place de procédures connexes définissant les sanctions encourues en cas d’infractions, de faire prendre des engagements individuels par les chefs d’unité, d’enquêter sur toutes les allégations crédibles, y compris sur les informations communiquées par les entités des Nations Unies compétentes, et d’obliger les auteurs de ces actes à en rendre compte, de garantir le libre accès en vue des activités de contrôle, de la fourniture de services et de l’assistance humanitaire dans les zones sous leur contrôle;
2. Salue les efforts faits par le Secrétaire général, sa Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, l’Équipe d’experts de l’état de droit et des questions touchant les violences sexuelles commises en période de conflit, les conseillers pour la protection des femmes, et d’autres entités compétentes des Nations Unies pour obtenir des engagements assortis de délais et des plans de mise en œuvre de toutes les parties au conflit pour prévenir et combattre tous les actes et toutes les formes de violence sexuelle en période de conflit, dans les situations d’après conflit, encourage la désignation des responsables civils, militaires et policiers qui seront les personnes référentes chargées de mettre en œuvre ces engagements, note que le Secrétaire général devrait accorder toute l’attention requise à la poursuite de la mise en œuvre des engagements, tels que définis ci-dessus, dans son rapport annuel sur les violences sexuelles liées aux conflits, encourage le recours à une approche plus systématique et l’accélération de ces efforts et se félicite des exposés périodiques présentés au Conseil de sécurité par la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit à cet égard;
3. Encourage les autorités nationales, dans ce contexte, à renforcer la législation visant à amener les auteurs de violences sexuelles à répondre de leurs actes, souligne le rôle crucial que jouent les systèmes d’enquête et les systèmes judiciaires nationaux des États membres pour prévenir et éliminer la violence sexuelle dans les conflits et pour veiller à ce que les auteurs de ces actes rendent des comptes, et demande aux entités compétentes des Nations Unies, notamment à l’Équipe d’experts de l’état de droit et des questions touchant les violences sexuelles commises en période de conflit créée par la résolution 1888, de soutenir les autorités nationales dans l’action qu’elles mènent à cet égard;
4. Se félicite des travaux du Groupe informel d’experts chargé de la question des femmes et de la paix et de la sécurité, comme indiqué dans la résolution 2242, et entend examiner ses informations, analyses et recommandations en reconnaissant le rôle important joué par ONU-Femmes à cet égard et souligne que la violence sexuelle dans des situations de conflit armé et d’après conflit et tous les autres aspects liés au programme pour les femmes et la paix et la sécurité devraient continuer à être examinés au sein de cette instance;
5Se déclare à nouveau profondément préoccupé par le fait que, bien qu’il ait maintes fois condamné la violence, notamment la violence sexuelle contre les femmes et les enfants en période de conflit armé, et appelé toutes les parties à des conflits armés à cesser immédiatement de commettre de tels actes, ceux-ci persistent et sont, dans certains cas, devenus systématiques, généralisés et d’une brutalité épouvantable, prie le Secrétaire général de faire figurer, dans son prochain rapport annuel au Conseil sur l’application des résolutions 1820 (2008), 1888 (2009), 1960 (2010), 2106 (2013) et de la présente résolution, une évaluation des lacunes et des recommandations, dans la limite des ressources disponibles et en consultation étroite avec toutes les entités des Nations Unies concernées ainsi qu’avec les États Membres et d’autres experts compétents, sur la manière dont le Conseil de sécurité peut renforcer et suivre la mise en œuvre des engagements pertinents pris par les parties au conflit de même que sur la façon dont l’ONU peut mieux aider dans le cadre des actions menées aux niveaux local, national et régional à pourvoir aux besoins des rescapés des violences sexuelles en période de conflit;
6. Prie le Secrétaire général et les entités compétentes des Nations Unies de renforcer encore les arrangements de suivi, d’analyse et de communication de l’information sur la violence sexuelle liée aux conflits établis en application de la résolution 1960 (2010), notamment le viol dans les situations de conflit armé, d’après conflit et autres situations, se rapportant à l’application de la résolution 1898 (2009) et d’envisager, le cas échéant, de faire en sorte que ces arrangements traitent des violences sexuelles employées comme tactiques de guerre et comme tactiques terroristes en vue de fournir, dans la limite des ressources disponibles, les informations sur l’application du paragraphe 1 de la présente résolution par les parties au conflit;
7. Réaffirme que les arrangements de suivi, d’analyse et de communication de l’information doivent respecter pleinement l’intégrité et la spécificité du mécanisme de surveillance et de communication de l’information mis en œuvre au titre des résolutions du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés, et prie de nouveau le Secrétaire général de continuer à veiller à ce que sa Représentante spéciale pour le sort des enfants en temps de conflit armé et sa Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit coopèrent et coordonnent leur action en toute transparence;
8. Encourage les organes compétents des Nations Unies chargés le cas échéant d’établir notamment des commissions d’enquête et des entités d’enquête indépendantes à veiller à ce que les questions relatives aux violences sexuelles dans les situations de conflit armé et d’après conflit soient prises en compte dans leur mandat et leur cahier des charges, selon qu’il conviendra et que le Secrétaire général fasse en sorte qu’elles soient dotées des capacités et des compétences requises et qu’elles soient rendues opérationnelles pour les traiter, et préconise à cet égard de faire appel à des viviers d’enquêteurs justifiant des compétences nécessaires; souligne que tous les efforts déployés pour recenser les cas de violence sexuelle commis dans des situations de conflit et d’après conflit et ouvrir des enquêtes à ce sujet doivent tenir compte des besoins particuliers des rescapés, être bien coordonnés et respectueux des principes de sécurité, de confidentialité, de consentement éclairé, d’indépendance et d’impartialité, et que les dispositifs de suivi et d’enquête doivent permettre d’orienter les rescapés vers les services dont ils besoin;
9. Encourage à continuer de redoubler d’efforts pour surveiller et recenser les cas de violence sexuelle dans les situations de conflit armé et d’après conflit et, dans le cadre de ces efforts, prône une approche plus systématique, fiable et rigoureuse de la collecte d’informations confidentielles exactes, dignes de foi, actualisées et ventilées par sexe sur les violences sexuelles en période de conflit et d’après conflit de manière à ne pas exposer les rescapés à des dangers;
10. Prie instamment les comités des sanctions existants, se fondant sur les critères de qualification pertinents et se conformant aux dispositions de la présente résolution et d’autres résolutions pertinentes, d’imposer des sanctions ciblées contre quiconque commet ou fait commettre des violences sexuelles dans les situations de conflit armé, et réaffirme son intention d’envisager, lorsqu’il adoptera des sanctions ciblées dans des situations de conflit armé ou les reconduira, d’y intégrer expressément des critères de qualification des viols et d’autres violences sexuelles graves;
11. Encourage le Secrétaire général de veiller à ce que les groupes d’experts et les équipes de surveillance de tous les comités des sanctions concernés aient recours à des spécialistes des questions de genre et des violences sexuelles, et à ce qu’ils fassent figurer des informations sur les cas de violences sexuelles liées aux conflits, ainsi que sur les caractéristiques, l’évolution et les auteurs de ces actes, dans leurs rapports et recommandations aux comités;
12. Demande à toutes les missions de maintien de la paix et autres missions et entités compétentes des Nations Unies, et en particulier au Groupe de travail sur le sort des enfants en temps de conflit armé, à la Représentante spéciale du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé et à la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, de communiquer à ses comités des sanctions compétents, notamment par l’intermédiaire de leurs groupes de surveillance et de leurs groupes d’experts, toutes informations utiles dont ils disposeraient au sujet de la violence sexuelle, et leur demande également de renforcer leur coopération et leurs échanges d’informations à cet égard;
13. Considère qu’il faut intégrer des mesures visant à la prévention et à l’élimination des actes de violence sexuelle dans des situations de conflit et d’après conflit, ainsi que des moyens de s’attaquer aux causes profondes de ces crimes, dans toutes les résolutions sur la question, y compris lors de l’établissement ou du renouvellement des mandats de missions de paix, par l’inclusion de dispositions opérationnelles; exprime l’intention de tirer un meilleur parti des visites périodiques sur le terrain dans les zones de conflit, en organisant sur place, avec les femmes et les organisations de femmes, des séances de questions-réponses consacrées aux préoccupations et aux besoins des femmes dans les zones de conflit armé; et d’aborder avec les autorités nationales, le cas échéant, la question de la prévention et de la répression des violences sexuelles dans des situations de conflit et d’après conflit, et de s’entretenir avec des victimes et des représentants de groupes de population touchés et de la société civile, dont des organisations de femmes;
14. Demande aux États Membres, dans le cadre des efforts de réforme du secteur de la justice, de renforcer la législation et de mettre l’accent sur les enquêtes et les poursuites engagées dans des cas de violence sexuelle dans des situations de conflit et d’après conflit, en veillant au respect des garanties de procès équitable prévues par le droit international, ce qui impliquerait notamment de promulguer, si elles n’existent déjà, des lois de protection des victimes et des témoins et de fournir, selon que de besoin, une aide juridictionnelle aux rescapés; de créer, selon que de besoin, des unités de police spécialisées et des tribunaux chargés de lutter contre les crimes de cette nature; de lever les obstacles liés à la procédure que les victimes rencontrent lorsqu’elles souhaitent saisir la justice, notamment les délais limités à respecter pour porter plainte; de supprimer les exigences de corroboration qui sont discriminatoires à l’égard des victimes lorsqu’elles sont témoins ou plaignantes; de ne plus permettre que le témoignage des victimes soit rejeté ou discrédité par les forces de l’ordre, ni dans le cadre de la procédure judiciaire ou d’une autre procédure; de remédier au manque d’équipements qui empêche de tenir audience à huis clos; et engage les États Membres concernés à faire appel aux compétences de l’Équipe d’experts des Nations Unies créée en application de la résolution 1888 (2009), placée sous la direction stratégique de la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, dont ils pourraient avoir besoin afin de renforcer l’état de droit et la capacité des systèmes de justice civile et militaire de lutter contre les violences sexuelles en temps de conflit armé et d’après conflit dans le cadre des actions menées pour renforcer les garanties institutionnelles contre l’impunité;
15. Engage les États Membres à renforcer l’accès à la justice pour les victimes de violences sexuelles commises en temps de conflit et d’après conflit, dont les femmes et les filles qui sont particulièrement visées par ces crimes, notamment en menant dans les meilleurs délais des enquêtes sur les cas de violences sexuelles et fondées sur le genre et en poursuivant et en punissant rapidement les auteurs, et en accordant des réparations aux victimes selon qu’il conviendra; sait que les crimes sexuels et fondés sur le genre sont visés dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale{§15}, qui est entré en vigueur le 1er juillet 2002 comme les crimes les plus graves ayant une portée internationale, note que la lutte contre l’impunité dont jouissent les auteurs de crimes de droit international les plus graves commis à l’encontre des femmes et des filles a été renforcée grâce aux travaux des tribunaux internationaux et des tribunaux mixtes, ainsi que des chambres spécialisées des tribunaux nationaux, et réaffirme son intention de poursuivre cette lutte avec énergie et d’exiger des comptes en la matière par les moyens voulus;
16. Encourage les États Membres à adopter une approche axée sur les rescapés pour ce qui est de prévenir et de combattre les violences sexuelles dans des situations de conflit et d’après conflit, en veillant à ce que les mesures prises à ces fins soient non discriminatoires et spécifiques, et à respecter les droits et à privilégier les besoins des rescapés, notamment des groupes qui sont particulièrement vulnérables ou sont susceptibles d’être spécifiquement pris pour cible, et surtout en fonction de leur santé, éducation et participation, et à cet égard le Conseil:
a) Engage tous les États Membres à faire en sorte que les rescapés de violence sexuelle et fondée sur le genre reçoivent, dans leur pays respectif, les soins appropriés à leurs besoins particuliers et sans discrimination aucune;
b) Note le lien qui existe entre la violence sexuelle dans des situations de conflit armé et d’après conflit et l’infection par le VIH et le fardeau disproportionné que le VIH et le sida imposent aux femmes et aux filles et qui constitue toujours un obstacle à l’égalité des sexes;
c) Engage les dirigeants locaux et nationaux, y compris les responsables locaux, les chefs religieux et les chefs traditionnels, le cas échéant, lorsqu’il y en a, à jouer un rôle plus actif dans le plaidoyer au sein des communautés contre la violence sexuelle en période de conflit en vue d’éviter la marginalisation et la stigmatisation des rescapés et de leur famille, de faciliter leur réinsertion sociale et celle de leurs enfants et de combattre le règne de l’impunité pour ces crimes;
d) Encourage les États Membres concernés à faire en sorte que les personnes ayant subi des violences sexuelles et fondées sur le genre puissent participer pleinement et utilement à tous les stades des processus de justice transitionnelle, y compris en jouant un rôle dans la prise de décisions, reconnaît que la participation des femmes et leurs initiatives rendront les décisions prises en matière de justice transitionnelle plus susceptibles de constituer des mesures de réparation efficace au sens des victimes et de prendre en compte des facteurs contextuels importants;
17. Rappelle les dispositions applicables du droit international concernant le droit à une réparation effective à raison de violations des droits de la personne, demande aux États Membres de donner accès à une telle réparation aux victimes de violences sexuelles commises dans des situations de conflit et d’après conflit et dans d’autres situations préoccupantes, et engage les États Membres et les autres acteurs concernés à prendre dûment en considération la création d’un fonds destiné aux rescapés;
18. Constate que les femmes et les filles qui tombent enceintes à la suite de violences sexuelles commises en temps de conflit, et qui choisissent de devenir mères, peuvent avoir des besoins différents et spécifiques, et note les risques et atteintes spécifiques et durables, liés à cette situation, auxquels ces femmes, ces filles et les enfants nés d’un acte de violence sexuelle en période de conflit sont exposés au péril de leur vie, notamment l’exclusion économique et sociale, les blessures physiques et les dommages psychologiques, l’apatridie, la discrimination et l’impossibilité d’accéder à des réparations; exhorte les États à dans leur législation nationale les mêmes droits à toutes les personnes ayant subi des violences sexuelles en période de conflit armé, notamment les femmes, les filles et les enfants nés d’un acte de violence sexuelle en période de conflit, conformément aux obligations qui leur incombent en vertu de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à la Convention relative aux droits de l’enfant, selon qu’il conviendra, prie le Secrétaire général de lui faire rapport sur ces questions dans un délai de deux ans, au plus tard à la fin de 2021, et demande à la Représentante spéciale du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé de coopérer avec la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit et d’autres entités compétentes des Nations Unies à ce sujet;
19. Est conscient qu’il importe d’appuyer et de promouvoir la société civile, particulièrement les organisations locales dirigées par des femmes sur le terrain, les chefs locaux et religieux, les organisations dirigées par des filles et des jeunes qui ont tous un rôle à jouer dans la prévention et la lutte contre la violence sexuelle, tout en soutenant les campagnes de mobilisation afin que ce soit les auteurs des violences sexuelles, et non plus les victimes, qui subissent le poids de la stigmatisation, et à favoriser la cohésion au sein des communautés où la présence de la force publique de sécurité est faible;
20. Encourage les États Membres concernés et les entités compétentes du système des Nations Unies à appuyer le renforcement des capacités des organisations dirigées par des femmes et des rescapés ainsi que celles des groupes de la société civile aux fins du développement de mécanismes locaux de protection contre la violence sexuelle en temps de conflit et d’après conflit, à accroître leur aide aux femmes en vue de leur participation active et effective aux processus de paix, l’objectif étant de promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation et la protection des femmes en tant que moyens de prévention des conflits;
21. Se félicite de l’organisation régulière de réunions d’information par des femmes de la société civile, en particulier les réunions sur un pays spécifique, grâce auxquelles le Conseil peut apprécier la situation des pays en conflit, y compris pour ce qui est de la violence sexuelle, et engage les États à condamner les actes de discrimination, de harcèlement et de violence commis contre la société civile et les journalistes qui rendent compte de la violence sexuelle en temps de conflit, lesquels jouent un rôle important dans le changement des règles présidant aux causes profondes de ces crimes, à savoir l’inégalité structurelle entre les sexes et la discrimination, et à élaborer et mettre en place des mesures pour protéger ces personnes et leur permettre de faire leur travail;
22. Prie le Secrétaire général d’assurer le déploiement rapide de conseillers pour la protection des femmes, hors-classe en particulier, dans les opérations de paix pertinentes des Nations Unies, en veillant à leur donner un accès direct aux dirigeants de ces opérations, et dans les bureaux des coordonnateurs résidents et des coordonnateurs de l’action humanitaire des Nations Unies dans tous les cas où la situation est préoccupante, afin que les hauts responsables soient conseillés sur l’application des dispositions de la présente résolution et des autres résolutions du Conseil sur la violence sexuelle en temps de conflit, notamment en ce qui concerne le dialogue avec les parties au conflit en vue d’obtenir des engagements assortis de délais et d’élaborer et d’appliquer des arrangements de suivi, d’analyse et de communication de l’information sur la violence sexuelle liée aux conflits prend note avec satisfaction de sa stratégie relative à la parité des sexes;
23. Réaffirme qu’il entend, lorsqu’il créera ou reconduira des missions des Nations Unies, inclure dans leur mandat des dispositions sur la promotion de l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes dans les situations de conflit ou d’après conflit et, éventuellement, de prévoir la nomination de conseillers pour les questions touchant les femmes, et déclare son intention de prévoir des dispositions visant à favoriser la protection des femmes et leur participation pleine et effective aux préparatifs électoraux, aux processus politiques, aux programmes de désarmement, de démobilisation et de réintégration, aux réformes du secteur de la sécurité et de la justice et aux dispositifs de relèvement post-conflit lorsque ces tâches font partie du mandat de la mission;
24. Considère que les forces de maintien de la paix des Nations Unies peuvent aider à prévenir la violence sexuelle et, à cet égard, demande que toutes les formations dispensées avant le déploiement et sur le théâtre des opérations aux contingents des pays qui fournissent du personnel militaire ou des effectifs de police comportent un volet consacré à la violence sexuelle et fondée sur le genre, et engage à veiller à ce que les compétences dans ce domaine fassent partie des critères d’évaluation du personnel et de l’état de préparation opérationnelle des contingents et des effectifs de police;
25. Se félicite de la décision du Secrétaire général aux termes de laquelle les acteurs étatiques maintes fois cités dans les annexes aux rapports annuels du Secrétaire général sur le sort des enfants en temps de conflit armé et sur la violence sexuelle en temps de conflit ne seront plus autorisés à participer aux opérations de paix des Nations Unies, et demande instamment aux pays fournisseurs de contingents ou de personnel de police actuellement visés dans ces listes de mettre fin aux violations et d’appliquer dans les plus brefs délais des plans d’action pour éviter de se voir suspendus de toute participation aux opérations de paix, conformément aux dispositions du paragraphe 1 de la présente résolution;
26. Demande aux États Membres et à l’Organisation des Nations Unies d’aider les pays touchés à lutter contre les violences sexuelles dans des situations de conflit et d’après conflit dans le contexte de la réforme du secteur de la sécurité, notamment en renforçant la capacité des structures militaires de prévenir et de réprimer ces crimes, et de mettre en place des garanties, au moyen de la vérification des antécédents, pour éviter que les forces de sécurité ne recrutent, ne retiennent à leur service ou ne promeuvent des personnes qui, selon des indices graves et concordants, auraient commis des infractions en lien avec la violence sexuelle; encourage les États Membres à favoriser l’égalité d’accès des femmes aux postes offerts dans les services de police nationale et aux autres fonctions relatives à la sécurité, à tous les niveaux; engage les entités du système des Nations Unies chargées de la réforme du secteur de la sécurité à affecter à leurs opérations sur le terrain des spécialistes de la lutte contre les violences sexuelles et à tenir compte de ces considérations dans les directives opérationnelles et les ressources nécessaires aux activités relatives aux programmes;
27. Engage les États Membres, avec le concours du Secrétaire général et des entités compétentes des Nations Unies, à s’efforcer d’intégrer aux processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration une analyse des disparités entre les sexes et des activités de formation, tout en veillant notamment à ce que les femmes précédemment associées à des groupes armés comme les ex-combattantes aient accès à des services psychologiques et à un soutien à la réintégration y compris des initiatives de réadaptation sociale et de réinsertion; réaffirme à cet égard la nécessité de créer des mécanismes de protection des femmes dans les sites de cantonnement et des civils à proximité de ces sites ainsi que dans les communautés qu’ils réintègrent;
28. Souligne que les violences sexuelles et fondées sur le genre commises en période de conflit peuvent s’inscrire parmi les objectifs stratégiques et dans l’idéologie de certains groupes terroristes, et être utilisées comme une tactique par des parties à conflit armé, y compris des groupes armés non étatiques désignés comme groupes terroristes et, en conséquence, affirme que les victimes de violences sexuelles commises par certaines parties à conflit armé, y compris des groupes armés non étatiques désignés comme groupes terroristes ont accès à l’aide, à la reconnaissance et à la réparation auxquelles elles ont droit du fait des actes de terrorisme qu’elles ont subis, et doivent bénéficier des programmes nationaux d’aide et de réparation, ainsi que de soins médicaux, d’un accompagnement psychosocial, d’un logement où elles sont en sécurité, de moyens de subsistance et d’une assistance juridique, et que les services proposés doivent être adaptés aux besoins des femmes ayant donné naissance à un enfant par suite d’un acte de violence sexuelle commis en temps de conflit, ainsi qu’à ceux des hommes et des garçons qui auraient été victimes de violences sexuelles en temps de conflit, notamment dans une situation de détention, ce qui contribuerait à mettre un terme à la stigmatisation liée aux crimes de cette nature et faciliterait les efforts de réadaptation et de réinsertion;
29. Demande à la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme (DECT), agissant dans le cadre de son mandat, sous la direction générale du Comité contre le terrorisme (CCT) et en étroite collaboration avec l’ONUDC, la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, ONU-Femmes en vertu de la résolution 2242 (2015) et les autres entités compétentes, de continuer de faire figurer dans ses évaluations de pays, selon qu’il conviendra, des renseignements sur les mesures prises par les États Membres pour s’attaquer au problème de la traite d’êtres humains et de ses liens avec la violence sexuelle en temps de conflit et d’après conflit, une pratique qui est partie intégrante des objectifs stratégiques et de l’idéologie de certaines parties à un conflit armé y compris des groupes armés non étatiques désignés comme groupes terroristes, et que certains d’entre eux utilisent comme une tactique;
30. Demande aux parties à un conflit de veiller à faire figurer dans les accords de cessez-le-feu et les accords de paix des dispositions qui prévoient, notamment dans les clauses relatives au désengagement, l’interdiction de tout acte de violence sexuelle commis en temps de conflit et d’après conflit; à faire en sorte que les femmes soient présentes dans les processus politiques préalables à la négociation ainsi qu’aux négociations, et y participent véritablement; et souligne la nécessité d’exclure les auteurs de crimes de violence sexuelle du bénéfice des mesures d’amnistie et d’immunité prises dans le cadre de processus de règlement de conflits;
31. Est conscient que les déplacés font face à des risques accrus de violence sexuelle et fondée sur le genre, notamment la violence sexuelle en temps de conflit armé, et se heurtent à des difficultés pour accéder aux services d’aide, et que le cas échéant, conformément au droit international des réfugiés et au droit international des droits de l’homme, les actes de violence sexuelle dans des situations de conflits armés et d’après conflit peuvent être considérés, comme des formes de persécution fondée sur le genre, aux fins de déterminer le droit d’asile ou le statut de réfugié, encourage les États Membres à envisager de fournir aux rescapés une aide à la réinstallation et à l’intégration sur place et d’adopter des mesures visant à réduire le risque de violence sexuelle, à mettre des services à la disposition des personnes ayant subi de telles violences et à leur donner la possibilité de constituer un dossier en vue d’engager des poursuites;
32. Note que les femmes et les filles sont touchées de manière disproportionnée par la violence sexuelle dans des situations de conflit armé et d’après conflit, constate également que les hommes et les garçons sont visés par la violence sexuelle liée aux conflits, notamment ceux qui ont été détenus ou associés à des groupes armés; exhorte les États Membres à protéger les victimes masculines, hommes et garçons, et à donner plus d’effet aux politiques qui offrent une aide appropriée aux rescapés de sexe masculin et remettent en question les préjugés culturels d’invulnérabilité masculine face à de telles formes de violence; demande que les arrangements de suivi, d’analyse et de communication de l’information sur la violence sexuelle dans des situations de conflit et d’après conflit mettent l’accent de manière plus systématique sur la nature de ces violations commises en fonction du sexe contre toutes les populations touchées, y compris les hommes et les garçons;
33. Salue les efforts déployés par les organisations régionales et sous-régionales pour lutter contre la violence sexuelle dans des situations de conflit et d’après conflit et l’éliminer, et pour aider les États Membres à cet égard, et les encourage à poursuivre sur cette voie;
34. Prend acte du rôle que joue la Campagne des Nations Unies contre la violence sexuelle en temps de conflit, en tant que forum de coordination interinstitutions présidé par la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, pour remédier à ce problème, et engage à réviser les outils opérationnels et les directives élaborés dans le cadre de cette campagne et à continuer d’en mettre au point de nouveaux;
35. Invite tous les États Membres, les entités du système des Nations Unies et les acteurs de la société civile à s’engager à appliquer ses résolutions sur les femmes et la paix et la sécurité avant le vingtième anniversaire de l’adoption de la résolution 1325 (2000), et à faire en sorte qu’un tel engagement produise des résultats tangibles sur la mise en œuvre du programme pour les femmes et la paix et la sécurité, et permette d’en améliorer le suivi, et les encourage à adopter et à revoir régulièrement des plans d’action nationaux auxquels auront été alloués les fonds nécessaires à l’avancement du programme pour les femmes et la paix et la sécurité;
36. Prie le Secrétaire général de continuer à lui présenter des rapports annuels sur l’application des résolutions 1820 (2008), 1888 (2009), 1960 (2010), 2106 (2013) et de la présente résolution, d’inclure, comme il en est fait la demande, un volet tenant compte des questions de genre dans son analyse des conflits, et de continuer à faire figurer dans ses rapports des informations et des recommandations sur les questions intéressant les femmes et la paix et la sécurité, notamment la violence sexuelle dans des situations de conflit et d’après conflit;
37. Décide de rester activement saisi de la question.
Déclarations liminaires
M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a déclaré que 10 ans se sont écoulés depuis la création du Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général chargé de la question des violences sexuelles commises en période de conflit. Au cours de la présente décennie, la compréhension de ce crime, son impact sur la paix et la sécurité internationales, la réponse requise pour le prévenir et y mettre fin, ainsi que la gamme de services requis pour les survivants, ont évolué. « C’est le résultat du plaidoyer et de l’action des particuliers, des gouvernements, des organisations non gouvernementales et des institutions. Je félicite toutes les personnes impliquées, y compris ce Conseil, qui a mis en place un solide cadre normatif pour résoudre le problème », a déclaré le Chef de l’Organisation. De plus en plus de gouvernements ont démontré leur volonté de demander justice et de fournir des services aux survivants. Des groupes de pression ont révélé sans l’ombre d’un doute que la violence sexuelle est délibérément utilisée comme tactique de guerre pour terroriser les populations, déshumaniser les communautés et déstabiliser les sociétés, et qu’elles luttent ensuite pour se rétablir pendant des années, voire des décennies. « Les organisations locales de la société civile, dont beaucoup sont des organisations de femmes, sont aux avant-postes de nos efforts pour prévenir ce crime et y remédier, et elles méritent notre soutien ferme et constant », a-t-il relevé.
« Certains héros, y compris ceux qui sont avec nous aujourd’hui, ont fait preuve d’un grand courage en dénonçant les dégâts considérables et durables causés par ce crime, commis le plus souvent contre des femmes et des filles », a poursuivi le haut fonctionnaire, qui s’est aussi félicité de constater que le système des Nations Unies s’est renforcé en prenant des mesures pour mettre en œuvre les résolutions adoptées par ce Conseil sur les femmes, la paix et la sécurité. Ainsi, les soldats de la paix des Nations Unies reçoivent désormais une formation continue pour prévenir et combattre les violences sexuelles en période de conflit, a-t-il expliqué. L’Organisation a renforcé sa capacité à enquêter sur les crimes de violence sexuelle et à caractère sexiste en déployant des enquêteurs spécialisés dans les commissions d’enquête des Nations Unies et devant les tribunaux nationaux et internationaux, a fait valoir le Secrétaire général. Nous avons amélioré nos données et notre analyse de ces crimes, une base essentielle pour une prévention réussie, et nous aidons les gouvernements à améliorer leur réponse et leurs services aux survivants, a ajouté M. Guterres.
Malgré tous ces efforts, la réalité sur le terrain n’a pas changé et la violence sexuelle continue d’être un phénomène horrible dans les conflits à travers le monde, de la République démocratique du Congo à l’ex-Yougoslavie. « L’an dernier, au Bangladesh, des réfugiés rohingya m’ont parlé du viol collectif commis contre des femmes et des filles dans leur maison avant de quitter le Myanmar », a-t-il indiqué. C’est pourquoi le Secrétaire général et le Président du Comité international de la Croix-Rouge se sont engagés au début de l’année à intensifier les efforts pour prévenir et mettre fin à ces crimes, et à placer les victimes et les survivants au centre de notre réponse. Il nous faut reconnaître que les violences sexuelles dans les conflits touchent principalement les femmes et les filles, car elles sont étroitement liées aux problèmes plus vastes d’inégalité et de discrimination, a analysé M. Guterres. La prévention doit donc reposer sur la promotion des droits des femmes et de l’égalité des sexes dans tous les domaines, avant, pendant et après les conflits, et inclure la participation pleine et effective des femmes à la vie politique, économique et sociale et la mise en place d’institutions de justice et de sécurité accessibles et réactives.
Nous devons également reconnaître qu’il existe des liens entre la violence sexuelle dans les conflits, l’inégalité entre les sexes et la discrimination, et l’extrémisme violent et le terrorisme. Les extrémistes et les terroristes fondent souvent leurs idéologies sur l’assujettissement des femmes et des filles et recourent de diverses manières à la violence sexuelle, du mariage forcé à l’esclavage virtuel, a dénoncé le Chef de l’Organisation. La violence sexuelle continue d’alimenter les conflits et compromet gravement les perspectives de paix durable. « J’encourage donc ce Conseil à inclure la prévention de la violence sexuelle liée aux conflits dans toutes les résolutions et dans les mandats des opérations de paix. » Le Secrétaire général a également recommandé d’intégrer pleinement la question de la violence sexuelle liée aux conflits dans les travaux des comités des sanctions et d’inclure des mesures pour prévenir ces crimes dans les initiatives du Conseil de sécurité sur le secteur de la sécurité et la réforme de la justice.
« Renforcer la prévention dans le cadre de vos efforts de rétablissement de la paix est également essentiel. Là où les femmes font partie des missions de maintien de la paix, nous savons que les signalements et la protection contre la violence sexuelle sont en hausse. Là où les femmes sont à la table des négociations, la probabilité de la reddition de comptes pour de tels crimes est plus importante. Lorsque les femmes participent à la surveillance du cessez-le-feu, elles peuvent veiller à ce que les crimes sexistes soient surveillés et signalés. Mes recommandations soulignent également la nécessité de renforcer la justice et la responsabilité », a précisé M. Guterres. Ses recommandations incluent également un soutien accru aux autorités nationales dans leurs réformes législatives, l’amélioration de leur capacité à enquêter et à poursuivre les auteurs et à protéger les survivants. Elles soulignent également la nécessité d’un soutien accru pour les survivants et leurs familles, notamment en matière de soins de santé, de réparations et autre assistance. Le Secrétaire général a salué en conclusion les efforts déployés par le docteur Mukwege pour créer un fonds mondial de soutien aux victimes et appelé tous les États Membres à contribuer afin que ce fonds puisse transformer leurs vies et leur fournir des réparations.
La Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, Mme PRAMILA PATTEN, a félicité Mme Nadia Murad et le docteur Denis Mukwege, lauréats du prix Nobel de la paix 2018, qui ont donné une voix aux survivants de ce crime haineux. Selon la Représentante spéciale, « leur récompense est le triomphe de tous les survivants ». Dix ans après le mandat confié par le Conseil de sécurité sur les violences sexuelles commises en période de conflit, elle a relevé que malgré la stigmatisation et d’autres barrières sociales qui contribuent à la faible signalisation de la violence sexuelle, on comprend désormais mieux les formes, les causes, les impacts, ainsi que les fardeaux dévastateurs physiques, psychologiques et sociaux que les survivants portent.
Après 10 ans d’action contre le fléau, la Représentante spéciale a noté toutefois que les résolutions, les politiques, les accords et les engagements restent peu effectifs, et que la responsabilité pénale de ces crimes reste évasive. « Nous n’avons pas encore amélioré la situation sur le terrain de manière durable et profonde », a-t-elle regretté, ajoutant que « les guerres se poursuivent encore et toujours sur le corps des femmes et des filles ».
Selon Mme Patten, la violence sexuelle attise les conflits et sape grandement les perspectives de paix durable. Lors d’une visite récente au Soudan du Sud, elle a pu constater que cette violence ciblait des groupes ethniques, affectant des femmes et filles dont certaines ont à peine 4 ans. Elle a aussi évoqué les cas des réfugiées rohingya au Bangladesh qui lui ont parlé d’atrocités de masse, dont des viols collectifs. En Libye, elle a dépeint une situation de désespoir si profond que des parents sont obligés de marier leurs filles à des inconnus pour leur épargner des viols collectifs. Elle a encore mentionné le cas de ces milliers de femmes qui sont aujourd’hui des « parias » dans leur communauté d’origine parce qu’elles ont accouché à la suite de violences sexuelles en période de conflit, que ce soit en Bosnie, en Colombie, en Syrie, en Iraq, en République démocratique du Congo (RDC), en Afrique de l’Ouest ou encore la Corne de l’Afrique. La marginalisation de leurs enfants et l’absence d’un statut légal représentent une préoccupation mondiale pour la paix et la sécurité, puisque ces enfants sont vulnérables à la radicalisation et au recrutement par les groupes armés, a-t-elle argué.
Mme Patten a aussi parlé de ces femmes rencontrées à Maiduguri, dans le nord du Nigéria, et qui lui ont avoué regretter leur ancien statut de captives de Boko Haram, puisque « être violée par un seul homme est mieux que d’être victime au quotidien de violences sexuelles dans les camps, et d’être obligée de vendre son corps pour nourrir ses enfants ». Il est essentiel, a-t-elle insisté, que les victimes de violences sexuelles par des groupes terroristes comme Boko Haram, Daech ou les Chabab soient en mesure de retourner dans la dignité et recevoir les services dont elles ont besoin, au lieu d’être traitées comme des complices ou des sources d’information sur ces groupes.
Partout où elle est allée, a poursuivi Mme Patten, elle a pu constater que « les survivantes de violences sexuelles en période de conflit ne forment pas un groupe homogène ». Elles ont donc besoin de services ciblés et d’interventions, y compris pour les enfants, les hommes et garçons également victimes de violences sexuelles en détention, les défenseuses des droits et les journalistes qui rendent compte des cas de violence sexuelle, sans oublier les membres de communautés LGBTI qui sont ciblés sur la base de leur orientation sexuelle ou leur identité de genre.
Pour Mme Patten, il est urgent d’assurer des services de santé complets aux survivants, y compris les services de santé reproductive et sexuelle et un soutien psychosocial. Selon elle, c’est là le cœur de l’approche centrée sur les survivants que le Secrétaire général a présentée. « La réalité inacceptable aujourd’hui est qu’on s’en tire sans conséquences après avoir violé une femme, un enfant ou un homme en période de conflit à travers le monde. » Il faut donc augmenter le prix pour les auteurs de tels actes, ainsi que pour ceux qui les autorisent ou qui les favorisent.
« Il faut passer d’une culture séculaire d’impunité en une culture de responsabilité », a lancé la Représentante spéciale. Nous devons donner la priorité à la dissuasion et à la prévention par la justice et la responsabilité, a-t-elle plaidé. Et l’un des défis majeurs est d’assurer le respect du droit international et des résolutions du Conseil de sécurité par des parties aux conflits qui sont citées année après année par le Secrétaire général dans ses rapports. Parmi les 49 parties citées cette année, 36 entités non étatiques n’ont pris aucun engagement de prévention des violences sexuelles. La Représentante spéciale a donc demandé au Conseil de sécurité d’adopter des mesures additionnelles pour faire pression sur ces parties.
Par ailleurs, les survivants doivent recevoir le soutien nécessaire pour rebâtir leur vie, ainsi que des réparations en vertu du droit international. Elle a insisté sur une recommandation faite par le Secrétaire général qui vise à établir un fonds dédié aux survivants. Il faut aussi reconnaître que « les membres de la société civile en zone de conflit sont les acteurs les plus importants en matière de protection » et peuvent donc jouer un grand rôle dans le cadre de la prévention.
Mme Patten a ensuite estimé que le projet de résolution préparé par l’Allemagne est « un pas significatif » pour renforcer la justice et la responsabilisation et adopter une approche centrée sur les survivants. Elle a donc demandé de « transformer les promesses en action, et les résolutions en solutions ». La Représentante spéciale a indiqué qu’il est temps de placer ces crimes et leurs auteurs sous le feu des projecteurs de l’examen international, afin d’envoyer un message clair selon lequel « le monde ne va pas tolérer l’utilisation de la violence sexuelle comme tactique de guerre et de terrorisme ».
« Nous soutenons toutes les initiatives visant à l’établissement d’une ligne rouge contre ces actes barbares dont nous sommes les témoins depuis trop longtemps, et aspirons à voir les Nations Unies et les États adopter des sanctions à l’encontre des auteurs et des instigateurs de la violence sexuelle dans les conflits armés », a déclaré le docteur DENIS MUKWEGE, lauréat du prix Nobel de la paix 2018.
Il a plaidé pour que les organisations locales de la société civile soient associées pleinement à des mécanismes d’alerte précoce et de réaction rapide. Elles doivent également être associées à la collecte de données des crimes à caractère sexuel qui seraient canalisées vers des observatoires de la violence sexuelle mis en place aux niveaux local, national, régional et global, a suggéré le gynécologue et militant des droits de l’homme congolais. Ces données doivent être relayées au plus vite vers les mécanismes de saisine et d’examen des comités des sanctions des Nations Unies, a-t-il préconisé avant de partager son expérience sur le terrain.
À l’hôpital de Panzi, « nous avons développé un modèle de prise en charge holistique incluant l’assistance médicale, psychologique, socioéconomique et légale », a expliqué le docteur Mukwege. Il a profité de cette tribune pour rappeler que « cette prise en charge des victimes doit être considérée comme un droit humain à la réhabilitation, conformément à la résolution 2106 (2013) ». Car l’expérience nous démontre, a-t-il poursuivi, que « le processus de guérison des survivantes n’est complet que quand la justice est rendue ». C’est pour cette raison qu’il soutient pleinement les recommandations du rapport du Secrétaire général et le travail de sa Représentante spéciale.
Le médecin a également salué l’initiative de la diplomatie allemande de présenter une nouvelle résolution, « car elle met une emphase particulière sur le besoin de reconnaissance du statut des enfants nés du viol, d’une approche globale centrée sur les survivantes, mais aussi sur la nécessité d’appliquer des sanctions, de rendre justice et de fournir des réparations ».
Le lauréat du prix Nobel de la paix a, à cet égard, encouragé tous les efforts de lutte contre l’impunité tant au niveau national qu’international, ainsi que le recours à des tribunaux spéciaux qu’il a appelé de tous ses vœux pour la République démocratique du Congo (RDC) ainsi que tous les pays dans une situation analogue. Dans ce contexte, « nous continuerons notre plaidoyer pour la mise en œuvre des outils de la justice transitionnelle », a-t-il assuré.
Pour finir, le docteur Mukwege a souhaité voir la communauté internationale s’engager dans l’établissement d’un fonds global, en vue de répondre aux besoins des survivantes et combler les lacunes actuelles de la justice tant interne qu’internationale. Ce mécanisme, a-t-il expliqué, consistera en un fonds qui octroiera des programmes et des projets de réparation dans les pays qui nient leurs responsabilités ou qui ont besoin de soutien pour les assumer. « Il n’y aura pas de paix durable sans justice et tant que les femmes victimes ne seront pas entendues avec dignité par les États et associées pleinement à la construction de la paix et à la consolidation de la société », a-t-il conclu. « Qu’attend la communauté internationale pour rendre justice aux victimes? »
Pour Mme NADIA MURAD, lauréate du prix Nobel de la paix 2018, lorsque nous parlons de violences systématiques contre les filles et les femmes, nous ne pouvons faire autrement que de parler de celles perpétrées par Daech contre les Yézidies. La communauté internationale, a-t-elle accusé, devra assumer un jour sa responsabilité de ne pas avoir su protéger et secourir ces personnes, alors que nous avons demandé, « en vain », la création à l’ONU d’un groupe de travail sur le sort des femmes yézidies.
En l’absence de mesures prises pour prévenir les crimes sexuels, il aurait fallu prêter assistance aux membres de ces communautés, a fait valoir Mme Murad. Elle s’est désolée de constater que, jusqu’à présent, pas un seul individu n’ait été traduit en justice pour les crimes commis contre les Yézidies.
« Cinq ans après le génocide contre mon peuple et alors que le monde est resté silencieux », aucune mesure concrète n’a été prise en faveur de la reconstruction et de la justice, a insisté la lauréate. Nous espérions que nos témoignages conduiraient à une prise de conscience, et pourtant, des milliers de combattants de Daech sont toujours en liberté ou jugés pour d’autres crimes que ceux commis contre les Yézidies. Elle a plaidé pour une action du Conseil de sécurité à cet égard.
Mme AMAL CLOONEY, avocate, a évoqué sa rencontre avec Mme Nadia Murad, jeune femme yézidie et prix Nobel de la paix 2018, qui a survécu aux brutalités et à l’asservissement aux mains de l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL). Nadia Murad, a-t-elle raconté à l’assistance, a parlé de la mort de sa mère et de ses frères, ainsi que des menaces qu’elle recevait régulièrement sur son téléphone de la part de Daech. Nadia n’a jamais exprimé sa propre peur, a souligné Mme Clooney. Son unique crainte était de voir les hommes de l’EIIL « raser leur barbe et retourner à une vie normale » dans l’impunité.
En tant qu’avocate de Nadia et d’autres femmes yézidies, qui ont été kidnappées, achetées, vendues, asservies, violées par l’EIIL, Amal Clooney a dit vouloir aujourd’hui leur rendre justice. Elle a reconnu que sa tâche au départ n’était pas aisée car les grandes puissances étaient concentrées sur la solution militaire et « personne ne voulait parler de justice ». Le plus urgent pour elle était alors de conserver les preuves. C’est pourquoi elle est venue avec Nadia à l’ONU pour demander de l’aide au Conseil de sécurité, ce qui a donné lieu, après plusieurs mois de plaidoyer et le soutien du Royaume-Uni, de l’Iraq et des États-Unis, à l’adoption de la résolution 2379. La nomination d’un éminent avocat, M. Karim Khan, à la tête d’une équipe d’enquêteurs, est une autre victoire qu’elle tient à célébrer ici, car elle s’est soldée, il y a quatre semaines, par l’ouverture des premiers charniers pour identifier les restes des victimes. Cette première étape, qu’elle a qualifiée de « processus cathartique » pour de nombreuses familles yézidies, est encourageante car aujourd’hui, des enquêtes sont en cours en Iraq.
Il y a également des progrès au niveau des tribunaux nationaux à travers le monde, a poursuivi Mme Clooney. Aux États-Unis, par exemple, où elle représente des femmes et des filles yézidies qui ont été détenues au côté d’une victime américaine, Mme Kayla Mueller, dans la maison de Mme Umm Sayyaf, membre de Daech. L’otage américaine a été détenue dans des conditions brutales pendant plus de 18 mois et violée à plusieurs reprises par le chef de l’EIIL, M. Abu Bakr Al Baghdadi. Mme Clooney a demandé à cet égard le transfert aux États-Unis de Mme Sayyaf pour qu’elle réponde de ses crimes.
Mme Clooney a mentionné d’autres dossiers qu’elle défend à travers le monde, notamment en France, où un procès implique Lafarge, « une société qui a payé des millions de dollars à l’EIIL, la première entreprise multinationale à être accusée de complicité dans les crimes contre l’humanité commis par le groupe ». En Allemagne, où l’avocate représente une victime yézidie, elle s’est félicitée que la Cour suprême allemande ait qualifié de génocide l’esclavage sexuel perpétré par un commandant de Daech. Il s’agit là de « la première reconnaissance juridique de ce fait dans le monde ». Malgré ces avancées importantes, a-t-elle poursuivi, on est loin du niveau de justice qu’espèrent les survivantes, ou de réponse internationale qu’elles méritent.
Les crimes commis par Daech contre les femmes et les filles sont différents de tout ce que le monde contemporain a connu, s’est insurgée l’avocate. Daech a contrôlé un territoire de la taille du Royaume-Uni avec plus de huit millions de personnes. Plus de 40 000 combattants étrangers de 110 pays auraient rejoint ses rangs en Iraq et en Syrie. Mais la question de les traduire en justice a à peine été soulevée, a-t-elle déploré. Et de prévenir que « si nous n’agissons pas maintenant, il sera trop tard ».
À cet égard, Mme Clooney a proposé quatre options. Pour commencer, ce Conseil peut renvoyer la situation à la Cour pénale internationale (CPI), conformément aux vœux de nombreux survivants yézidis. Malheureusement, a-t-elle regretté, cela semble de plus en plus improbable, du fait de la position des États-Unis, pour qui « la CPI est morte », et de la Fédération de Russie. La deuxième option serait, à ses yeux, que les États aux vues similaires qui croient en la justice créent par traité un tribunal. Cela pourrait être fait par les États membres de la coalition mondiale, dont beaucoup sont représentés ici aujourd’hui. « Après tout, si 79 États peuvent s’unir pour combattre l’EIIL sur le champ de bataille, pourquoi ne peuvent-ils pas établir un tribunal, que ce soit à La Haye ou quelque part dans la région? »
Troisièmement, si ce Conseil et la communauté internationale n’agissent pas, Mme Clooney a misé tous ses espoirs sur l’Union européenne qui a récemment aidé à la mise en place d’un tribunal spécial à La Haye pour traiter des crimes commis au Kosovo. Une autre idée, selon elle, serait que l’Union européenne élargisse le mandat du Parquet européen pour couvrir les crimes internationaux et mettre en place un nouveau tribunal de l’Union européenne compétent. Enfin, la quatrième option serait pour l’Iraq de conclure un traité avec l’ONU en vue de créer un tribunal hybride, à l’exemple de ce qui a été fait en Sierra Leone et au Cambodge, pour poursuivre les responsables de crimes internationaux.
Tout en se félicitant du projet de résolution qui constitue, à ses yeux, un pas en avant, en particulier dans la mesure où il renforce le régime des sanctions à l’encontre des auteurs de crimes de violence sexuelle, Mme Clooney a encouragé à aller plus loin. Évoquant la Deuxième Guerre mondiale et les horreurs du nazisme, elle a rappelé aux États leurs obligations. « C’est votre moment Nuremberg », leur a-t-elle lancé, les appelant à saisir l’occasion de rester « du bon côté de l’histoire ». « Vous le devez à Nadia et aux milliers de femmes et de filles qui doivent regarder les membres de Daech raser leur barbe et reprendre une vie normale, tandis qu’elles ne pourront jamais revenir en arrière. »
Mme INAS MILOUD, Cofondatrice et Directrice de l’association libyenne Tamazight Women’s Movement, qui représente le peuple amazigh, ou berbère, de Libye, a expliqué que depuis la révolution de 2011, elle a travaillé avec des femmes et des jeunes filles autochtones victimes de violences sexuelles et sexistes, ainsi qu’avec les communautés de personnes déplacées en Libye. Préoccupée par l’escalade des tensions en Libye, ces dernières semaines, qui ont causé la mort de nombreuses personnes et poussé d’autres à prendre la fuite, elle a tenu à rappeler que son peuple, les Amazighs, subit une discrimination continue depuis le régime Kadhafi, et que huit ans après l’Accord de paix libyen, le pays est toujours le théâtre de conflits et de violences sexuelles à l’égard des femmes.
En 2018, a rapporté Mme Miloud, son organisation a collecté des centaines d’histoires faisant état de telles violences contre des femmes et des filles, mais aussi des hommes et des garçons, notamment dans les prisons Ces témoignages illustrent d’une part les normes patriarcales rigides qui sont exacerbées par la présence de groupes armés, et rappellent, d’autre part, que « la violence sexuelle a été présente en Libye en temps de paix comme en temps de guerre, dans la vie publique et dans l’espace privé ». Mme Miloud a parlé de notions comme l’honneur de la famille qui justifient souvent la violence domestique et sexuelle, ajoutant que ces violences ne font que rarement l’objet de plaintes officielles de peur de la stigmatisation mais aussi par manque de confiance dans le système judiciaire en place qui entretient l’impunité.
Pour beaucoup de Libyens, « le déplacement interne est devenu un statut permanent », a poursuivi l’intervenante, ajoutant que sur un million de personnes déplacées, 48% sont des femmes, qui sont particulièrement vulnérables au viol et à l’enlèvement. « La révolution a changé ma vie et fait de moi une activiste », a-t-elle expliqué en affirmant que le travail des défenseurs des droits des femmes est crucial pour la protection des droits de l’homme, de la paix et de la sécurité en Libye. Elle a exigé la pleine participation des femmes dans la vie publique, que ce soit en tant qu’activistes, politiciennes ou citoyennes ordinaires, sans quoi il ne sera pas possible de combattre la violence à l’égard des femmes et de parvenir à la démocratie.
Mme Miloud a d’ailleurs noté que lors de la visite récente du Secrétaire général en Libye, la société civile n’avait pas été invitée à le rencontrer, ce qui témoigne selon elle du manque d’engagement des Libyens ordinaires dans le processus de paix lancé sous les auspices de l’ONU. « Vous ne pouvez pas construire la paix sans construire au préalable la confiance de nos communautés et sans consultations significatives avec la société civile », a tranché l’activiste. Elle a demandé au Conseil de sécurité d’exiger: un cessez-le-feu et la protection des civils; un véritable embargo sur les armes; des enquêtes rapides, impartiales et complètes sur toutes les allégations de violences sexuelles; un soutien aux victimes en vue de garantir leurs droits et de répondre à leurs besoins; la protection des droits de l’homme des réfugiés et migrants conformément au droit international; la condamnation des attaques visant les défenseurs des droits de l’homme. Le Conseil devrait aussi veiller à ce que tout accord de paix tienne compte de la dimension genre et du respect des droits des femmes et permette aux femmes, aux jeunes et aux autochtones d’influencer toutes les phases de la future conférence nationale et des élections.
Déclarations
M. HEIKO MAAS, Ministre des affaires étrangères de l’Allemagne, a déclaré qu’il ne pourrait jamais oublier les témoignages qu’il vient d’entendre. Près de 20 ans après l’adoption de la résolution 1325 (2000), la « triste réalité » est que sa mise en œuvre est « à la traîne ». Selon lui, il y a trois axes à privilégier pour changer cette donne. Tout d’abord, il faut renforcer le principe de responsabilité en veillant à ce que les violences sexuelles soient suivies de conséquences, notamment par le biais de sanctions ciblées imposées par le Conseil de sécurité. « Après tout, le fait de ne pas traduire en justice les auteurs de violences crée une impunité meurtrière », a analysé le chef de la diplomatie allemande. En Allemagne, a-t-il ainsi relevé, un comité a été créé pour enquêter sur les crimes commis en Iraq et en Syrie.
Ensuite, nous devons placer les victimes au cœur de nos travaux, a plaidé le Ministre. C’est la raison pour laquelle la résolution présentée aujourd’hui par l’Allemagne propose aux États Membres de leur prêter assistance, a fait valoir M. Maas. Enfin, nous devons nous concentrer aussi sur ceux qui reçoivent une « attention insuffisante », comme les enfants issus de viols ou les garçons victimes eux-mêmes de violences sexuelles dans les conflits armés. Il a assuré le Conseil de l’engagement de Berlin en faveur de cette cause: politiquement, par le biais de cette résolution, mais aussi financièrement, puisque que l’Allemagne compte verser 400 000 dollars à la fondation du docteur Denis Mukwege. « Nous devons ouvrir les yeux et veiller à ce que l’histoire de Nadia ne se répète pas », a-t-il insisté en conclusion.
Lord TARIQ AHMAD de Wimbledon, Ministre d’État au Commonwealth et aux Nations Unis du Royaume-Uni, a appuyé le projet de résolution de l’Allemagne, et ce, encore plus après avoir entendu les témoignages des orateurs à l’ouverture de ce débat. Le projet de texte se base sur les textes passés, a-t-il noté en relevant qu’il se focalise en outre sur les besoins des survivants. Il reconnaît que la violence sexuelle en période de conflit a un impact sur les femmes et souligne le besoin d’aide à apporter aux enfants nés de ces violences. Enfin, a expliqué le Ministre britannique, le projet de résolution met aussi l’accent sur le rôle de la société civile, tout en insistant sur la lutte contre la stigmatisation des survivants. Néanmoins, le Royaume-Uni regrette que le libellé sur les services aux survivantes, notamment la question des services de santé sexuelle et reproductive, y compris les avortements, n’ait pas fait l’unanimité.
Pour sa part, le Royaume-Uni a consacré 46 millions de livres à la prévention et à la gestion de la violence sexuelle en période de conflit. Évoquant le principe de responsabilité, Lord Ahmad a dit qu’il faut mettre fin à l’impunité afin de dissuader les gens qui voudraient commettre ce genre d’actes. Il faut traduire les auteurs en justice et veiller à ce que les survivants ne soient pas de nouveau traumatisés. Il faut donc renforcer les capacités des juges et procureurs sur cette question. Le Royaume-Uni entend appuyer le développement d’un code de conduite pour permettre aux témoins et aux victimes de faire entendre leur voix, et cela va se faire par une collaboration avec Mme Nadia Murad, a annoncé le représentant. Le pays soutient également l’approche de Mme Murad qui entend promouvoir une justice de type communautaire. Le Ministre a également demandé que les membres du Conseil apportent un appui financier aux réseaux mis en place par le docteur Mukwege pour venir en aide aux survivantes. « Bien que les paroles soient importantes, elles ne peuvent conduire à la justice que si elles sont suivies d’actions. »
M. PEDRO NGUEMA NDONG, Secrétaire d’État aux affaires étrangères de la Guinée équatoriale, s’est félicité de l’initiative de l’Allemagne et de son engagement en vue de renforcer un processus holistique qui contribue à promouvoir l’éradication et la prévention des violences sexuelles commises dans le cadre de conflits armés. La Loi fondamentale de son pays, a-t-il expliqué, reconnaît l’égalité entre les sexes et favorise activement la participation des femmes à tous les secteurs de la société. C’est la raison pour laquelle nous croyons à la contribution d’une perspective paritaire dans tous les processus de paix, a ajouté le chef de la diplomatie équatoguinéene.
S’agissant de la question des migrants, il a rappelé que l’Union africaine (UA) avait reconnu que son pays accueille le plus grand nombre de réfugiés sur l’ensemble du continent. Malgré les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000), il reste beaucoup à faire, a-t-il souligné, en reprenant à son compte les recommandations formulées par le Secrétaire général dans son rapport. M. Ndong a estimé que la communauté internationale devrait notamment appuyer les pays qui en font la demande pour les aider à renforcer les capacités de leurs institutions judiciaires et sociales en matière de lutte contre l’impunité. En février dernier, sous la présidence de la Guinée équatoriale, ce Conseil, a-t-il rappelé, a adopté une résolution en vue de faire taire les armes en Afrique d’ici à 2020, un texte dont la mise en œuvre aura un impact sur la question des violences sexuelles dans les conflits armés.
M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a estimé que la violence sexuelle en période de conflit est une question de paix et de sécurité internationales qui exige une action collective pour promouvoir la prévention, responsabiliser les auteurs et soutenir les personnes rescapées. « Aucun de nous ne peut tourner le dos à cette question. » Il est aussi question d’aider les communautés à identifier et combattre la violence avant qu’elle ne se propage, et à s’associer aux institutions de sécurité et de gouvernance pour accroître l’efficacité des efforts de prévention. Les États-Unis regrettent que ces actes ne fassent pas souvent l’objet d’enquêtes ni même de poursuites. La peur et la stigmatisation empêchent les survivants de se manifester, alors que mettre fin à l’impunité contribuerait à dissuader la perpétration de tels crimes, tout en garantissant aux victimes l’accès à la justice qu’elles méritent.
M. Cohen a félicité en particulier Mme Nadia Murad pour son courage face à une terreur inimaginable et en tant que soutien de premier plan à l’équipe d’enquête des Nations Unies chargée de promouvoir la responsabilité des crimes commis par Daech. Le Gouvernement américain travaille avec le Gouvernement iraquien et d’autres partenaires pour aider à garantir que Daech soit tenu pour responsable. Les États-Unis, qui ont déjà débloqué 2 millions de dollars pour soutenir ces efforts, financent également des programmes d’intervention rapide pour les formes extrêmes de violence sexiste, soutenant directement les femmes et les filles yézidies ayant fui Daech. En plaçant les victimes au cœur de notre travail, nous améliorons notre compréhension des obstacles à la sécurité et sommes mieux à même de créer des partenariats en faveur de la justice et la prospérité avec les communautés, a expliqué le représentant. Enfin, M. Cohen a estimé que la meilleure protection à long terme contre la violence sexuelle en période de conflit réside dans la construction de sociétés qui valorisent les femmes et les filles et respectent leurs droits fondamentaux. Cela inclut l’institutionnalisation de garanties égales devant la loi et l’accès à l’éducation et aux opportunités, des éléments essentiels pour permettre la participation des femmes à la vie publique. Il a également exhorté l’ONU et les États Membres à redoubler d’efforts pour mettre à jour les indicateurs d’alerte précoce et à renforcer les enquêtes, le suivi et la ventilation des rapports de violence sexuelle en période de conflit.
M. MA ZHAOXU (Chine) a condamné dans les termes les plus vigoureux les violences, notamment sexuelles, perpétrées à l’encontre des femmes et des filles. Depuis l’adoption de la résolution 1325 (2000), la communauté internationale dispose d’un cadre normatif solide, qui devrait être mis en œuvre plus largement, a-t-il recommandé. Il a estimé que ce Conseil devrait s’acquitter de son mandat, lequel consiste à maintenir la paix et la sécurité internationales, en synergie avec les organes pertinents, comme la Commission de la consolidation de la paix, l’ECOSOC et l’Assemblée générale, entre autres entités. La délégation a assuré en conclusion qu’elle était prête à contribuer davantage à la cause des femmes, de la paix et de la sécurité.
M. AXEL KENES, Directeur général au Ministère des affaires étrangères de la Belgique, a estimé que si le Conseil a fait de grands pas en avant, un effort continu s’impose pour passer à une approche centrée sur les survivants. Il a salué ce que fait le docteur Mukwege pour les victimes de viol, avec non seulement des soins d’urgence et des soins de santé sexuelle et reproductive, mais aussi des conseils afin qu’elles puissent se relever et survivre. De même pour Mme Nadia Murad, survivante elle-même, qui représente aujourd’hui beaucoup de femmes, d’hommes et d’enfants ayant tous des besoins différents pour guérir et survivre. Il a d’ailleurs apprécié l’approche axée sur les survivants du projet de résolution. La Belgique salue en particulier l’inclusion de groupes particulièrement défavorisés, tels que les personnes LGBTI.
M. Kenes s’est aussi inquiété pour les enfants nés d’un viol et pour leurs mères, qui risquent d’être mis au ban de leurs communautés et même de perdre toute citoyenneté ou identité officielle. M. Kenes a ensuite plaidé pour la lutte contre l’impunité, qui est un objectif de longue date de la politique étrangère de la Belgique, qui soutient le renforcement des capacités des États et finance l’Équipe d’experts. Mais lorsque les États refusent ou sont incapables de rendre des comptes, la Belgique appelle à soutenir les efforts des mécanismes internationaux et de la Cour pénale internationale. Au sein du Conseil, nous devons continuer à renforcer les mécanismes existants pour combattre l’impunité et accroître la prévention, a-t-il aussi recommandé en mentionnant notamment les critères de désignation autonomes en matière de violence sexuelle liée au conflit dans les régimes de sanctions. Enfin, il a regretté qu’un consensus n’ait pu être trouvé pour créer un groupe de travail formel.
M. MUHSIN SYIHAB (Indonésie) a condamné la violence sexuelle comme tactique de guerre qui exacerbe les tensions et peut même devenir un obstacle majeur au retour à la paix. D’ailleurs, a rappelé M. Syihab, l’Indonésie a accueilli, les 8 et 9 avril dernier, le Séminaire régional de formation sur les femmes, la paix et la sécurité, dont l’une des recommandations a été de mettre en place une coalition mondiale de réseaux de femmes pour la paix et la tolérance qui serait composée de femme Casques bleus, négociatrices et médiatrices. Une telle coalition permettrait, selon le représentant, de renforcer les efforts collectifs visant à augmenter la contribution des femmes à la paix et la sécurité.
M. Syihab a mis l’accent sur le rôle central des autorités nationales auxquelles revient en premier lieu la responsabilité de lutter contre les violences sexuelles liées aux conflits, tout en donnant la priorité aux besoins des victimes sans aucune discrimination. Selon lui, il faut traiter ces personnes comme des survivants et inscrire les politiques nationales dans le long terme en tenant compte des aspects socioculturels. Pour l’Indonésie, « il n’existe pas de solution unique à ce problème qui mérite une approche au cas par cas en fonction de la réalité de chaque pays ». Le représentant a salué l’initiative du Secrétaire général et de sa Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit visant à publier des communiqués communs entre l’ONU et divers gouvernements pour combattre ces crimes. Il a également jugé nécessaire de consolider les capacités en ce qui concerne la législation nationale et l’application des lois, les réparations et la réconciliation, et afin de lutter contre l’impunité et l’intimidation politique.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a rappelé son engagement en faveur du programme « femmes, paix et sécurité » en faisant référence à son leadership dans le groupe informel d’experts sur cette question, présidé par le Pérou conjointement avec l’Allemagne. Il a déploré la gravité et l’ampleur du problème des violences sexuelles dans les conflits armés. Le Conseil de sécurité a un rôle important à jouer dans la lutte contre ce phénomène, a-t-il dit en citant la résolution 1820 (2008) selon laquelle ce genre de crime ne peut pas être amnistié. Le représentant a recommandé de lutter contre les causes profondes de la violence sexuelle, ce qui passe par le combat contre les inégalités hommes-femmes. Les femmes doivent participer davantage aux processus de prise de décisions, a-t-il ajouté. Rappelant que la majorité des cas de violence sexuelle ne sont pas dénoncés par les victimes par crainte de représailles, il a aussi misé sur la réhabilitation de celles-ci, processus indispensable pour réaliser une paix durable.
M. GBOLIÉ DÉSIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a regretté que les violences sexuelles constituent de plus en plus une activité lucrative. Toutefois, il a souligné que la lutte pour la promotion des femmes avait enregistré des progrès remarquables en Afrique, notamment grâce au Protocole de Maputo de 2003 et à l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Il a plaidé pour que la reddition de comptes soit un des axes majeurs de l’action des États et de la communauté internationale, ce qui nécessite de renforcer les capacités des institutions judiciaires nationales, ainsi que les mécanismes nationaux et internationaux d’identification des auteurs de violences sexuelles lors des conflits. Il a aussi plaidé pour la présence d’experts chargés des questions relatives aux violences sexuelles au sein des comités des sanctions.
Au lendemain de la crise qu’elle a traversée, la Côte d’Ivoire s’est résolument engagée dans la lutte contre les violences sexuelles et l’impunité, a-t-il fait valoir, en soulignant que depuis 2017, elle est le premier et unique pays à avoir été retiré de la liste annexée au Rapport du Secrétaire général sur les violences sexuelles liées aux conflits. Le représentant a cité la Stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre, la création du Comité national de lutte contre les violences sexuelles liées aux conflits, et la mise en place d’un dispositif spécifique de répression du viol. Il a également parlé de l’appropriation de cette stratégie par les Forces armées de Côte d’Ivoire et de l’inclusion de la question des violences sexuelles dans les modules de formation des bureaux d’instruction et des académies militaires. Ainsi, le nombre de violences sexuelles est passé de 478 cas en 2012 à « zéro cas » en 2017 et 2018.
La violence sexuelle en période de conflit ne semble pas connaître de répit malgré les résolutions du Conseil de sécurité, a déploré M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït). Il a cité le cas de la minorité rohingya au Myanmar, avant de demander que soit garanti le principe de responsabilité pour mettre fin à l’impunité. Le Koweït estime que le Conseil peut, par exemple, intégrer des aspects liés à la prévention de ce fléau dans le mandat des missions de maintien de la paix et des missions politiques spéciales. Il est tout aussi important de garantir la justice pour les victimes en prenant en compte leur culture. Elles doivent pouvoir accéder à la justice et aux compensations, et bénéficier d’un accompagnement sanitaire et psychosocial. Le Koweït souhaite aussi que la communauté internationale parle d’une voix commune pour prévenir la violence sexuelle en période de conflit.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) s’est dit convaincu que la réussite de la lutte contre la violence sexuelle dépendra avant tout de l’élimination de ses causes profondes en temps de paix. Il a rappelé par ailleurs que la violence sexuelle n’est qu’un des types de crimes commis dans le cadre de tels conflits. Le représentant a encouragé la Représentante spéciale à mener son action dans le strict respect du mandat qui est le sien, en soulignant aussi que chaque situation de conflit présente ses propres particularités, tout en demandant au Conseil de sécurité de ne pas outrepasser ses prérogatives. Pour sa délégation, il est nécessaire de délimiter rigoureusement la violence sexuelle prise « comme crime de guerre et problème pénal ». M. Nebenzia a appelé en conclusion à s’abstenir d’instrumentaliser à des fins politiques la violence sexuelle perpétrée dans les conflits.
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a condamné « avec la plus grande force » l’emploi, à grande échelle et parfois systématique, de violences sexuelles comme tactiques ou armes de guerre, en évoquant notamment la situation au Soudan du Sud et en Birmanie, mais aussi en Syrie, en Libye ou dans les zones en proie à Boko Haram. Le représentant a souligné que 47 parties restent inscrites sur la liste noire du Secrétaire général. Il y a certes eu des avancées, comme la révision du cadre légal en Afghanistan ou encore la signature d’un communiqué conjoint au Mali, mais « tant reste à faire » y compris pour mettre un terme définitif à l’assimilation du viol à l’adultère, aux mariages contraints et forcés ou encore à la pratique des bacha bazi en Afghanistan.
Les opportunités politiques doivent se traduire en progrès pour la lutte contre les violences sexuelles, comme en RDC, a demandé M. Delattre en mettant notamment l’accent sur la lutte contre l’impunité. La justice internationale, y compris la Cour pénale internationale (CPI), « à qui la France renouvelle tout son soutien », et les juridictions nationales, régionales ou mixtes doivent être en mesure de poursuivre les auteurs. En effet, pour la France, « il reste inimaginable qu’aucun individu associé à Daech ou Boko Haram et ayant utilisé les violences sexuelles comme armes de guerre à grande échelle n’ait encore été condamné ».
« Pour le dixième anniversaire du mandat, nous devons tout faire pour le consolider et surtout pour renforcer sa mise en œuvre », s’est impatienté M. Delattre, avant de proposer quatre champs d’action. Tout d’abord, le Conseil de sécurité a un rôle décisif à jouer, et, pour cela, il doit rester uni et mobilisé. Le représentant a salué les progrès rendus possibles grâce à la résolution portée par l’Allemagne ainsi que la Déclaration adoptée par le G7 à Dinard, le 5 mars dernier. La France, a-t-il ajouté, demande au Secrétaire général de produire un rapport sur les enfants nés du viol d’ici à 2021. Mais, a-t-il insisté, « nous sommes consternés par l’opposition de membres du Conseil de sécurité à voir réaffirmé le besoin d’accès des victimes de violences sexuelles à la santé sexuelle et reproductive ». Les victimes, a-t-il argué, « ne peuvent pas être sacrifiées sur l’autel des intérêts étroits et idéologies rétrogrades ». Ainsi, M. Delattre a estimé que « le Conseil devrait être aujourd’hui en mesure de reconnaître explicitement et sans détour la possibilité pour les femmes de choisir d’être avortée après avoir subi un viol ». Il a également exhorté le Conseil à poursuivre son travail, y compris en sanctionnant les responsables de ces violences, saluant les critères explicites ajoutés dans les mandats des comités des sanctions sur la RCA, la Somalie et la Libye.
S’agissant du suivi et de la mise en œuvre de ce mandat, la France a apporté à nouveau son soutien à la Représentante spéciale chargée des violences sexuelles en temps de conflit et à son équipe d’experts. De plus, les opérations de paix doivent disposer des moyens nécessaires pour protéger les femmes dans les conflits en déployant notamment des conseillers pour la protection des femmes et des conseillers genre. Autre point soulevé par M. Delattre, l’élimination des violences sexuelles en période de conflit ne pourra être atteinte qu’avec un soutien fort à la société civile. Par ailleurs, la France est fière d’avoir été le premier pays à annoncer un financement pour la mise en place du fonds pour les rescapées des violences sexuelles.
Dans des zones riches en ressources naturelles, la violence sexuelle est utilisée pour faire partir la population, déplacer et terroriser les communautés, a déploré M. MXOLISI NKOSI (Afrique du Sud). L’Afrique du Sud estime que les services de santé reproductive et sexuelle sont une composante du droit à la santé et constituent « un élément essentiel de l’autonomisation des femmes ». D’après le représentant, dans le contexte des violences sexuelles en période de conflit, le manque de tels services menace le plus sacro-saint de tous les droits de l’homme: le droit à la vie. Mais, a-t-il demandé, comment peut-on espérer que les pays en conflit accordent la priorité à cette question alors même que le Conseil de sécurité reste divisé sur le fait de placer les besoins et les intérêts des personnes rescapées dans son travail? L’Afrique du Sud déplore que le projet de résolution sur la question débattue aujourd’hui n’ait pas conduit au consensus atteint il y a quelques années sur l’importance d’offrir des services de santé reproductive et sexuelle aux rescapés de violences sexuelles.
Pour faire face aux violences sexuelles en période de conflit, l’Afrique du Sud demande une approche intégrée et globale, laquelle passe par des services divers, afin d’assurer le soutien à la réintégration pour les rescapés, y compris des abris. Il faut également mettre sur pied des programmes économiques. L’Afrique du Sud demande aussi le renforcement du principe de responsabilité pour les auteurs de ces violences, en plaçant les survivants au cœur des efforts. La délégation propose aussi que le secteur de sécurité des pays en conflit et sortant d’un conflit soit reformé afin de prévenir ces violences et de mieux y répondre. M. Nkosi a invité les États Membres à renforcer la mise en œuvre effective de la résolution 1325 (2000) sur les femmes, la paix et la sécurité, notamment par l’entremise de partenariats avec la société civile et le secteur privé.
M. PAWEŁ RADOMSKI (Pologne) s’est déclaré outré par l’ampleur des violences sexuelles commises par les États et les acteurs non étatiques dans le cadre des conflits armés et dans les situations post-conflit. Il a attiré l’attention sur deux aspects en particulier, le premier étant l’établissement des responsabilités. « À cet égard, des mesures efficaces doivent être prises par la communauté internationale, dans la mesure où l’impunité encourage, renforce et accroît la tolérance des violences sexistes », a-t-il plaidé, avant de souligner les mérites de la Cour pénale internationale (CPI) et de la justice internationale de manière plus générale. Le représentant a repris à son compte la recommandation du Secrétaire général qui appelle les leaders traditionnels et religieux à s’engager, en particulier en atténuant la stigmatisation des survivantes de violences sexuelles et en facilitant la réintégration de ces victimes et de leurs enfants dans leurs communautés d’origine. La Pologne s’est aussi alarmée des conséquences de la violence sexuelle sur les enfants nés de femmes violées, qui sont souvent l’objet d’un ressentiment considérable de la part des proches de la mère. C’est la raison pour laquelle la délégation s’est félicitée de l’éclairage apporté par le Secrétaire général dans son rapport sur le sort de ces enfants.
M. JOSÉ SINGER WEISINGER (République dominicaine) a estimé que les aspects urgents de la question examinée aujourd’hui méritent une attention spéciale, en premier lieu pour garantir la participation des victimes aux processus de prise de décisions. Il faut en effet que les initiatives prises abordent pleinement leurs préoccupations, y compris en situation post-conflit, a dit le représentant, qui a salué l’Initiative des Nations Unies contre la violence sexuelle dans les conflits. La deuxième chose à faire est de prendre toutes les mesures possibles pour mettre fin à l’impunité pour ces crimes, ce qui exige d’améliorer les systèmes de justice. M. Singer Weisinger a également appelé à intégrer la violence sexuelle dans les critères qui permettent de décider de sanctions, et d’inscrire les noms des auteurs sur les listes annexées aux rapports du Secrétaire général. Le représentant a jugé indispensable que le Conseil de sécurité mène des missions sur les lieux de conflit qui se concentrent sur les victimes de violences sexuelles. Celles-ci, a-t-il ajouté, doivent avoir accès aux services de santé, y compris de santé sexuelle et reproductive. Cela inclut la protection contre les mariages précoces et forcés.
Explications de vote
Le représentant de la Fédération de Russie, qui s’est abstenu lors du vote sur ce texte, a néanmoins condamné avec vigueur les violences sexuelles en période de conflit. Il a exprimé sa déception face à l’approche adoptée par les coordonnateurs du projet de résolution qui ont présenté un texte n’ayant pas obtenu de consensus. Dans sa version initiale, le texte aurait pu constituer « un précédent dangereux » car il aurait dépassé le mandat du Conseil de sécurité et créé de nouvelles structures. Des tentatives de ce type ne sont pas acceptables selon le représentant, qui s’est dit préoccupé par « la volonté d’augmenter le nombre de structures de l’ONU et l’emploi de terminologies sans consensus ». En tant que membre permanent du Conseil, la Russie ne veut pas que cette thématique soit manipulée. « La réputation du Conseil ne doit pas être compromise et son action doit s’inscrire strictement dans son mandat », a-t-il fait valoir avant de rappeler que la Chine et la Russie avaient préparé un texte alternatif mais renoncé à le présenter.
Le représentant de la Chine, qui s’est lui aussi abstenu, a attaché la plus haute importance à la lutte contre la violence sexuelle en période de conflit. Toutefois, a-t-il estimé, cette question doit être examinée « dans le cadre du mandat du Conseil de sécurité et sans donner lieu à de nouvelles structures », et les sanctions doivent être prises au cas par cas.
Le représentant de la France a salué la résolution 2467 proposée par l’Allemagne. Cette résolution permet plusieurs avancées importantes, dont le renforcement du mandat de la Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en temps de conflit, et la reconnaissance d’une approche centrée sur les personnes rescapées. Cependant, a regretté le représentant, « force est de constater que les concessions importantes accordées sous pression n’ont pas permis au texte d’aller plus loin comme souhaité ». Pour lui, le retrait du libellé sur la santé sexuelle et reproductive menace 25 ans d’acquis en faveur des femmes victimes de ces crimes barbares. C’est « une omission inacceptable qui porte atteinte à la dignité de la femme ». En conclusion, il s’agit d’une « résolution d’étape importante mais pas du terme de notre chemin » et « nous devons poursuivre ensemble le combat contre les violences sexuelles ».
Le représentant de la Belgique s’est félicité de l’adoption de ce texte dont le message confirme la responsabilité et la légitimité du Conseil de sécurité dans la lutte contre la violence sexuelle en période de conflit. Néanmoins, et tout comme son homologue de la France, il a regretté qu’il n’ait pas été possible de répondre aux besoins des victimes en matière de santé sexuelle et reproductive. De plus, le rôle essentiel de la société civile n’a pas été pas été suffisamment reflété.
Le représentant de l’Afrique du Sud, après avoir voté en faveur de cette résolution, a dit avoir participé de manière constructive au processus pour parvenir à une position de principe commune qui met les victimes au cœur de l’approche du Conseil et exige que les auteurs de violence sexuelle en période de conflit rendent des comptes. Il a réitéré que « tout le monde doit avoir le droit à la santé, y compris la santé sexuelle et reproductive ». À ce titre, il a regretté que ce texte se soit écarté des objectifs initiaux, à savoir garantir la protection maximale des victimes et la poursuite des responsables de ces actes. « Si l’on veut mettre les victimes au cœur de ce texte, on ne saurait leur refuser l’accès aux services dont elles ont besoin. »
Le Ministre d’État au Commonwealth et aux Nations Unis du Royaume-Uni a souscrit à la position de la France et rappelé que cette résolution cherche à mettre l’accent sur les personnes qui ont survécu à des violences sexuelles en période de conflit, sur leurs besoins et le rôle de la société civile. Regrettant les divergences de position par rapport à l’accès des victimes à la santé reproductive et sexuelle, il a assuré que le Royaume-Uni continuerait à appuyer la fourniture de services en ce sens.
La lauréate du prix Nobel de la paix 2018, Mme MURAD, s’est félicitée de l’adoption de cette résolution qui soutient les victimes. En tant que victime elle-même, elle y a vu un pas dans la bonne direction mais qui doit aller vers des mesures concrètes sur le terrain. « Nous dépendons de vous », a-t-elle lancé aux délégations, leur demandant de s’acquitter des engagements pris et de mettre l’accent sur les personnes rescapées.
La Cofondatrice et Directrice de l’association libyenne Tamazight Women’s Movement, Mme MILOUD, après avoir exprimé l’inquiétude de ses compatriotes, a rappelé que l’approche axée sur les survivantes doit être garantie à travers un accès aux soins de santé sexuelle et reproductive. Elle a demandé la cessation des attaques à l’encontre des défenseuses des personnes.
La Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit a estimé qu’en dépit de ses limites, le texte a une vocation opérationnelle. Il contient de nouveaux éléments et reconnaît que les femmes et les filles sont particulièrement visées. La résolution se penche également sur le sort des enfants nés de la violence sexuelle et souligne l’importance de traiter les personnes rescapées comme des victimes plutôt que comme les affiliés de groupes terroristes.
Suite des déclarations
Pour le Ministre des affaires étrangères et du commerce de la Hongrie, M. PÉTER SZIJJÁRTÓ, la violence sexuelle à l’encontre des femmes en période de conflit est une question importante et la résolution 1820 (2008) représente un jalon important dans la lutte contre ce fléau qui touche toujours 15 millions de femmes et de filles. Il a demandé au Conseil de sécurité de réfléchir à la mise en place d’un cadre juridique solide et d’insister sur l’impératif de la lutte contre l’impunité des auteurs de ce genre de crimes. Par conséquent, il faudra, selon lui, mobiliser des experts dans les missions d’établissement des faits et des groupes de sanctions. La Hongrie envisage d’adopter un plan national d’action pour la mise en œuvre de la résolution 1325 et appuiera l’initiative de Mme Nadia Murad pour venir en aide aux rescapées de violences sexuelles en Iraq notamment.
M. TIMO SOINI, Ministre des affaires étrangères de la Finlande, a décrété que le Conseil de sécurité était le lieu où le changement pouvait avoir lieu pour résoudre la question des violences sexuelles dans les conflits armés, en rappelant à ses membres leur « énorme responsabilité ». La prévention de ces violences commence en temps de paix, a-t-il souligné en prônant le respect des droits de l’homme et de l’état de droit, et le renforcement de la participation des femmes dans la société. Mais les garçons sont également visés par la violence sexuelle, a-t-il rappelé en invitant répondre au problème en se concentrant sur les victimes. Il a aussi appelé à redoubler d’efforts pour éviter l’impunité pour les auteurs des crimes internationaux les plus graves, ce qui nécessite le renforcement des capacités des autorités nationales à rendre la justice. La Finlande a soutenu le travail de l’Initiative d’intervention rapide au service de la justice et celui d’ONU-Femmes, qui forme des experts dans les enquêtes sur ce type de crimes. Le Ministre a également mentionné l’équipe de police spécialisée que son pays a déployée à la Mission de l’ONU au Soudan du Sud, afin de renforcer les capacités de prévention et de poursuites de la police locale. Enfin, le Ministre a insisté sur l’assistance à apporter aux victimes, saluant le travail de la Cour pénale internationale (CPI) et du Fonds au profit des victimes.
M. LEE TAEHO, Vice-Ministre des affaires étrangères de la République de Corée, a indiqué s’associer aux déclarations du représentant du Canada au nom du Groupe des Amis de la question « femmes, paix et sécurité » et du représentant du Qatar au nom du Groupe des Amis de la responsabilité de protéger, avant de mettre l’accent sur trois points. Le premier est que la communauté internationale doit renouveler son engagement envers la question importante de la prévention des conflits. Cela nécessite un renforcement du rôle des femmes dans tout le spectre du conflit, car c’est le moyen le plus efficace, selon le représentant, pour prévenir la violence sexuelle. Son pays envoie, parmi les Casques bleus et observateurs coréens, 17% de femmes, ce qui dépasse l’objectif de l’ONU fixé à 15%. L’objectif de la République de Corée est d’arriver à un taux de 25% d’ici à 2028.
Le deuxième point portait sur la résolution 1325: elle relève fondamentalement d’un mandat des droits de l’homme, a dit le représentant. M. Lee a plaidé pour une approche holistique, centrée sur les survivants, avant de parler de l’initiative coréenne « Action pour les femmes et la paix », lancée l’an dernier. Le pays contribuera encore à hauteur de 8 millions de dollars d’ici à 2020 pour soutenir les projets menés dans ce cadre. Enfin, en troisième lieu, M. Lee a prôné un rôle actif pour chaque acteur de la mise en œuvre de l’agenda « femmes, paix et sécurité ». Son gouvernement, a-t-il indiqué, travaille en ce sens, en lien étroit avec les experts et la société civile. Enfin, M. Lee a dit que son pays était toujours engagé à honorer la mémoire des « femmes de confort », victimes lors de la Seconde Guerre mondiale, appelant à tirer les leçons du passé.
Mme JOVANKA ATANACKOVIĆ, Secrétaire d’État à la construction, au transport et aux infrastructures de la Serbie, a dit soutenir les activités destinées à prévenir toutes les formes de violence, y compris la violence sexuelle dans les conflits armés. Notre objectif commun au niveau mondial ne peut pas être atteint sans des mesures appropriées au niveau national, a-t-elle relevé en détaillant les conditions nécessaires à un bon système de prévention et de punition. En tant qu’État partie au Statut de Rome, la Serbie soutient les efforts de la CPI pour poursuivre les cas de violence sexuelle dans les conflits, a-t-elle dit en rappelant que son pays avait également pleinement coopéré avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Elle a dit soutenir l’approche centrée sur les victimes et plaidé pour que celles-ci soient encouragées à dénoncer les crimes contre elles, pendant et aussi après un conflit. La représentante a en revanche rejeté toute hiérarchisation des victimes par des critères ethniques, religieux, de genre, ou autres, avant de recommander une bonne protection des témoins de la part des gouvernements et des institutions internationales.
Mme MARTHA AMA AKYAA POBEE (Ghana), parlant au nom du Groupe des Amis du réseau des femmes dirigeantes africaines (AWLN), un groupe coprésidé par le Ghana et l’Allemagne, a estimé que les inégalités structurelles et les discriminations entre hommes et femmes sont au cœur du problème de violence sexuelle dans les conflits. Elle a dès lors invité les États Membres à adopter les lois et politiques nécessaires pour y remédier, en demandant à la communauté internationale de les soutenir dans cette entreprise. Le Groupe est également d’avis qu’il faut bien mettre en évidence le lien entre la violence sexuelle, la traite des êtres humains, le terrorisme et l’extrémisme violent, afin d’établir les bonnes stratégies. Les victimes ne constituent pas un groupe homogène, a ajouté Mme Pobee en recommandant de mieux évaluer les tendances dans l’utilisation de la violence sexuelle comme tactique de guerre.
Mme Pobee a également demandé à la communauté internationale de soutenir une approche centrée sur les survivants et menée par les communautés. Nous devons impliquer les chefs religieux et traditionnels pour qu’ils atténuent l’opprobre et favorisent la réinsertion des victimes, a-t-elle aussi souhaité en mettant l’accent sur le potentiel des organisations dirigées par des femmes, en particulier en Afrique. Le réseau AWLN a été pro-actif sur le terrain, a-t-elle fait valoir. Le Groupe reconnaît aussi qu’une approche qui ne traite que de l’aspect sécuritaire de la question n’est pas suffisante. Enfin, le Groupe souligne la nécessité de la tolérance zéro dans ce domaine, car ce genre de violence constitue une violation des droits de l’homme et un crime en droit international.
M. AGUSTÍN SANTOS MARAVER (Espagne) a rappelé le rôle de pionnier de son pays dans l’application et la mise en œuvre du programme « femmes, paix et sécurité » dont les éléments fondamentaux sont participation, prévention et protection des femmes. De fait, a-t-il expliqué, la résolution réaffirme le principe selon lequel la solution durable à un conflit exige une participation pleine et effective des femmes. Quant à la protection et à la prévention, elles visent à éviter la violence sexuelle et l’exploitation des femmes et à garantir réparation aux survivantes, en plus d’avancer sur la voie de la lutte contre l’impunité. Ensemble, nous devons continuer de travailler pour assurer l’application du principe de responsabilité, a ajouté le représentant. Pour sa part, l’Espagne continuera d’appuyer financièrement les initiatives de lutte contre la violence sexuelle en temps de conflit. Pour finir, il a appelé le Conseil de sécurité à inclure les violences sexuelles dans les régimes de sanctions, ainsi qu’à une interaction accrue entre les comités des sanctions et avec la Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit.
Pour Mme BESIANA KADARE (Albanie), les violences sexuelles commises en période de conflit constituent une grave violation des droits de l’homme et un défi à la sécurité. Ces violences sont « aussi destructrices que les armes de destruction massive » et comptent parmi les crimes les plus graves. La résolution historique 1325 (2000) a créé un cadre normatif fort et mis en avant un important paradigme: désormais, les violences sexuelles en période de conflit sont considérées comme une menace à la paix et à la sécurité internationales. Cependant, malgré une grande volonté politique et les efforts déployés, les crimes liés à la violence sexuelle en période de conflit n’ont pas diminué. Bien plus, a-t-elle déploré, dans certains cas, elles ont même progressé. Mme Kadare a souligné le rôle essentiel de la société civile et des organisations de femmes dans la documentation des abus et pour offrir des réponses ciblées aux victimes rescapées de ces crimes. Elle a évoqué la législation nationale, notamment la problématique de l’intégration genre dans la formation dans les domaines civil, de la police et militaire. Elle a, par ailleurs, appelé le Secrétaire général à inclure dans son prochain rapport le cas du Kosovo où les viols ciblant les civils ont été utilisés comme armes de guerre, et où 20 000 survivants continuent de souffrir de la stigmatisation.
M. GHEORGHE NECULA (Roumanie) a demandé que les auteurs de violences sexuelles en période de conflit soient traduits en justice, et que les victimes reçoivent un soutien psychosocial en plus des compensations. Le représentant a salué le rôle que joue la Cour pénale internationale (CPI), complémentaire des tribunaux nationaux, pour traiter de tels cas. Il a aussi souligné l’important rôle de la société civile dans la prévention et la résolution des conflits. De ce fait, les pratiques d’intimidation et de représailles contre les femmes défenseurs des droits de l’homme, le personnel humanitaire et les activistes de la paix sont inquiétantes. En tant que candidat à un poste de membre du Conseil de sécurité pour la période 2020-2021, la Roumanie promet de mettre l’accent sur le soutien aux groupes les plus vulnérables aux violences.
M. LUIS HOMERO BERMÚDEZ ÁLVAREZ (Uruguay) a dénoncé la violence sexuelle en tant que tactique de guerre qui mine les éléments fondamentaux de la dignité humaine. La résolution présentée par l’Allemagne doit permettre de donner un nouvel élan à la lutte contre ce fléau et le représentant a plaidé pour que l’on mise sur la prévention à travers l’éducation, le travail et la participation des femmes aux processus de prise de décisions à tous les niveaux. Pour sa part, l’Uruguay a adopté une série de lois pour lutter contre la violence sexuelle et pour favoriser l’agenda femmes, paix et sécurité. Lorsque la prévention fait défaut, il est fondamental pour les États de se doter de mécanismes permettant de porter soutien aux victimes et aux survivants de violences sexuelles, a estimé le représentant, « y compris la possibilité d’avorter et l’accès aux antirétroviraux ». Il a également insisté pour que toutes les victimes de ces violences puissent en bénéficier, y compris les hommes, les garçons et les LGBT. Par ailleurs, il faut mettre l’accent sur la lutte contre l’impunité des auteurs de ces crimes. L’Uruguay est conscient du rôle fondamental que joue la société civile dans ce domaine. La délégation appelle le Conseil de sécurité à utiliser tous les instruments à sa disposition pour lutter contre la violence sexuelle en période de conflit, notamment les comités des sanctions et le renvoi des auteurs de ces crimes devant la Cour pénale internationale (CPI).
M. RICHARD ARBEITER (Canada), s’exprimant au nom d’un groupe de pays qui représente les cinq régions du monde, a souligné l’appui du groupe aux travaux de la Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit. Il s’est dit « scandalisé » par la reproduction et la poursuite de telles violences. Le climat d’impunité qui règne décourage le signalement des auteurs de ces actes, a-t-il déploré. Ainsi aucun élément de Daech ou Boko Haram n’a-t-il été accusé de violences sexuelles. L’information demeure une condition sine qua non pour lutter contre ce fléau, c’est pourquoi le représentant a encouragé les efforts visant à une documentation systématique dans les situations de conflit et d’après conflit. Il a réitéré son appel pour l’intégration des violences sexuelles comme critère dans les régimes de sanctions.
En sa capacité nationale, M. Arbeiter a souligné que « la politique féministe » est au cœur de l’engagement mondial de son pays. Car soutenir l’égalité genre est le meilleur moyen de bâtir un monde pacifique, prospère et égalitaire. Aujourd’hui, les divers représentants ont confirmé de nouveau que les violences sexuelles et sexistes sont répandues et touchent particulièrement les femmes, filles et la communauté LGBT. Cela ne changera pas en l’absence d’efforts concertés, a-t-il averti. Pour finir, il a évoqué les différentes actions menées par le Canada au Myanmar et en République démocratique du Congo (RDC) de concert avec le FNUAP et l’UNICEF.
M. ALEJANDRO GUILLERMO VERDIER (Argentine), qui appartient au Groupe des Amis des femmes, de la paix et de la sécurité, s’est félicité de l’adoption de la résolution et a réitéré son soutien aux efforts du Secrétaire général et du Bureau de la Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit. Il a soutenu leurs recommandations en vue de prévenir ce type de violences, de consolider les efforts de prévention, de traduire les auteurs de ces crimes en justice, qu’ils soient étatiques ou non étatiques, et de permettre l’accès des victimes à la justice. À cet égard, l’Argentine encourage le Conseil de sécurité à inclure la lutte contre la violence sexuelle dans ses régimes de sanctions en tant que critère spécifique et à examiner la possibilité de renvoyer ces affaires à la Cour pénale internationale. Pour M. Verdier, les actions et les efforts visant à promouvoir l’égalité entre les sexes sont essentiels en amont, tandis qu’il faut veiller à ce que les victimes aient accès à la justice. Au niveau national, une loi de protection contre les violences sexuelles a été adoptée en 2009, suivie d’un plan national pour la prévention, le soutien et l’éradication de la violence à l’encontre des femmes en 2016. Au niveau international, l’Argentine défend la politique de tolérance zéro des violences sexuelles de l’ONU. Elle est également chef de file avec la Norvège de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, et le représentant a invité tous les États Membres à souscrire à cet instrument non juridiquement contraignant qui reconnaît les multiples obstacles qui affectent l’éducation en situation de conflit armé.
M. NEVILLE MELVIN GERTZE (Namibie) a indiqué que l’Union africaine avait pris des mesures pour lutter contre les violences sexuelles commises en période de conflit. Au niveau sous-régional, la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) a déployé une brigade d’intervention rapide en RDC, pays dans lequel le rapport du Secrétaire général a recensé pas moins de 1 049 cas de violence sexuelle en période de conflit. La brigade et les forces armées gouvernementales travaillent donc à l’éradication de ce fléau. Sur le plan national, la Namibie a adopté un guide pour les survivants des violences sexuelles commises par un partenaire, afin d’aider les professionnels de la santé, les travailleurs sociaux ainsi que les forces de l’ordre à améliorer les services aux victimes.
Pour M. STEFANO STEFANILE (Italie), la question de la violence sexuelle en période de conflit constitue une priorité absolue pour son pays. En 2017, elle figurait au cœur même du mandat de l’Italie au sein du Conseil de sécurité ainsi que de la présidence italienne du G7. L’Italie compte y accorder une plus grande attention, notamment à la veille de la célébration du vingtième anniversaire de la résolution historique 1325 (2000). Le tableau brossé par le rapport 2019 du Secrétaire général sur la question est sombre. En effet, a-t-il regretté, ces crimes sont une partie importante de la stratégie des acteurs étatiques et non étatiques en période de guerre. Malgré les progrès accomplis dans certains pays, davantage doit être accompli en matière de responsabilité et d’obligation de rendre des comptes. L’Italie, a poursuivi le représentant, s’inscrit dans la stratégie horizontale énoncée par le rapport du Secrétaire général, en particulier l’incorporation des violences sexuelles en tant que critère dans tous les régimes de sanctions.
M. MATTEO FACHINOTTI (Suisse) a salué l’initiative allemande de présenter une nouvelle résolution sur la violence sexuelle dans les conflits qui a pour objectif de renforcer les mécanismes de suivi et de responsabilisation, en définissant une approche centrée sur les personnes rescapées. La Suisse est cependant « préoccupée par l’affaiblissement du langage convenu sur des questions essentielles ». Elle réaffirme la responsabilité première des États Membres de protéger les hommes, les femmes et les enfants contre tout acte de violence sexuelle et les viols. Le représentant a souligné trois aspects à cet égard, en commençant par le fait que « les violences sexuelles ne sont pas seulement une caractéristique des conflits contemporains, elles sont aussi un signe avant-coureur ». En effet, a-t-il expliqué, plus le taux de violence sexuelle, y compris la violence domestique, est élevé dans une société donnée, plus le recours à la violence en cas de conflit est probable. De plus, l’inégalité entre les hommes et les femmes et la discrimination fondée sur le genre sont au cœur de la violence sexuelle. Par conséquent, la lutte contre ce fléau nécessite l’autonomisation des femmes, la protection des femmes défenseurs des droits de l’homme, ainsi que la volonté des hommes de créer un climat de confiance et de respect mutuels. La Suisse tient en outre à souligner que même si les femmes et les filles sont les premières victimes de cette forme de violence, elle touche aussi les hommes et les garçons, « mais ce sujet reste tabou ». Elle préconise une approche holistique dans la prise en charge des victimes de violences sexuelles, y compris les enfants nés d’un viol, avec des services médicaux et psychosociaux pour toutes les victimes et survivants. Enfin, face à l’impunité dont jouissent les auteurs de violences sexuelles dans les conflits nationaux et internationaux, la Suisse appuie les efforts déployés par la Cour pénale internationale (CPI) pour que les auteurs de crimes sexuels et liés au genre soient tenus de rendre compte de leurs actes.
M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a regretté que 20 ans après l’adoption de la résolution 1325 (2000), ses objectifs n’aient toujours pas été atteints puisque la violence sexuelle reste une constante dans les conflits armés. Il est donc impératif, à ses yeux, que la communauté internationale et le Conseil de sécurité continuent de chercher des moyens efficaces pour renforcer la mise en œuvre de toutes les résolutions sur cette question. Les inégalités de genre sont au cœur de la violence sexuelle en période de conflit, a affirmé le représentant qui a plaidé pour que les femmes soient impliquées dans la prise de décisions à tous les niveaux. L’impunité pour ces crimes ne fait que ternir l’image des sociétés dans lesquelles ils sont commis, et il faut la combattre, a-t-il poursuivi. En Ukraine, un plan d’action national a été adopté pour la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000). Il porte notamment sur des programmes de formation et l’intégration de la dimension hommes-femmes, y compris dans les secteurs de la défense et de la sécurité et sur l’assistance psychologique à toutes les victimes de ce type de violence. Avant de conclure, le représentant a demandé au Secrétaire général de créer une mission d’enquête sur les violences sexuelles commises dans les territoires occupés de l’Ukraine.
Mme MONA JUUL (Norvège), s’exprimant également au nom du Danemark, de la Finlande, de l’Islande et de la Suède, a relevé que la résolution adoptée ce matin est une étape importante vers l’approche qui met l’accent sur les personnes rescapées des violences sexuelles en période de conflit. Elle a rappelé qu’il revient en premier lieu aux États de faire face à ces violences et de traduire en justice leurs auteurs. La Norvège appelle également à des résolutions, des mandats et des sanctions pour mettre un terme à ce fléau, tout en ciblant ses causes profondes comme les inégalités entre les sexes et la discrimination. En outre, la réparation et la justice vont de pair, a souligné Mme Juul, qui a également plaidé pour le renforcement des services aux rescapées, y compris les services de santé reproductive et sexuelle. Les pays nordiques promettent de poursuivre leurs efforts en ce sens à travers leurs ambassades et des partenariats. D’ailleurs, une conférence est prévue à Oslo les 23 et 24 mai prochain afin de sensibiliser les politiques et de mobiliser un soutien financier en faveur de la lutte contre les violences sexuelles commises dans des situations de crise humanitaire.
M. SATYENDRA PRASAD (Fidji) a regretté que les auteurs de crimes sexuels en période de conflit demeurent impunis. Les victimes nous rappellent combien de chemin il reste à parcourir avant que justice soit rendue, a-t-il dit, avant d’attirer l’attention du Conseil de sécurité sur le rôle des opérations de maintien de la paix dans la lutte contre cette « épidémie silencieuse » utilisée comme une arme de guerre. À cet égard, il a préconisé une formation spécifique et des ressources pour les forces de paix en vue de prévenir les violences. Pour sa part, les Fidji œuvrent à renforcer les compétences de leurs Casques bleus. Il a indiqué, à cet égard, combien ses expériences au Timor-Leste, au Kosovo, en Bosnie-Herzégovine, en Iraq, au Koweït, au Liban, au Darfour et au Soudan du Sud ont été riches d’enseignements. Le représentant a encouragé une plus grande participation des femmes dans les opérations de maintien de la paix car elles sont plus habilitées à comprendre et détecter les signes de violences sexuelles systématiques. Pour lui, les opérations de maintien de la paix demeurent une partie de la réponse internationale à ce phénomène. Cependant, a-t-il insisté, il faut mettre avant tout l’accent sur la protection des victimes.
Pour Mme MARIA THEOFILI (Grèce), les efforts visant à prévenir la violence sexuelle en période de conflit devraient être collectifs et axés sur la poursuite des auteurs de ces crimes ainsi que sur l’autonomisation des victimes. Par conséquent, il va falloir faire preuve de la volonté politique nécessaire pour traduire en justice ou extrader les auteurs supposés de ces crimes et, parallèlement, renforcer la coopération internationale en matière judicaire sur ces dossiers. De plus, l’accent doit être mis sur tous les aspects liés à la violence sexuelle en situation de conflit, que ce soit par l’éducation, la sensibilisation ou encore le renforcement des capacités, a poursuivi la représentante, qui a insisté sur l’importance de l’engagement des hommes et des garçons dans ces efforts pour en faire des agents d’un changement pacifique. Mme Theofili a également appelé à adopter une approche holistique centrée sur les victimes. Pour ce faire, la communauté internationale devrait encourager la société civile et les organisations de femmes à faire entendre leurs voix, a estimé la représentante. La Grèce a récemment adopté une loi sur la promotion de l’égalité entre les sexes et la prévention des violences sexistes et d’une culture fondée sur l’égalité entre les sexes dans la gouvernance publique. Elle est également en train de rédiger son plan d’action national sur les femmes, la paix et la sécurité.
M. NUNO VAULTIER MATHIAS (Portugal) a souligné que son pays attache une grande importance au fait que le Conseil de sécurité continue de rester saisi du programme « femmes, paix et sécurité » et veille à ce que les réponses soient de plus en plus efficaces. Il s’agit pour lui d’une excellente approche pour prévenir les conflits et assurer des réponses adaptées aux crises multidimensionnelles contemporaines. Il s’est, à cet égard, félicité de l’adoption de la résolution 2467 dont l’approche est axée sur les personnes rescapées, pour faire retomber la stigmatisation des violences sexuelles non pas sur les victimes mais sur leurs auteurs. Pour sa part, le Portugal a entériné la résolution 1325 (2000) dès l’adoption de son premier plan national en 2009, suivi par le plan 2019-2022 dont l’objectif stratégique est d’inclure la protection des droits des femmes et des filles et de punir toutes les formes de violence contre elles, y compris les violences sexuelles. Le but, a-t-il expliqué, est d’intégrer le programme « femmes, paix et sécurité » ainsi que la parité des sexes dans la coopération judiciaire.
M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Turquie) a estimé que la responsabilité des États est de rendre justice, reconnaître les faits et assurer les réparations aux survivants de crimes horribles. La Turquie souligne qu’en cas de conflit, les institutions judiciaires nationales sont souvent incapables de travailler, ce qui engendre une situation d’impunité. De fait, note la délégation, la punition du crime sert de méthode de dissuasion, même si les preuves documentées sont souvent nécessaires durant le conflit pour servir en cas de procès a posteriori. La délégation salue l’établissement de mécanismes d’enquête pour le conflit en Syrie et la situation au Myanmar, sans oublier l’équipe enquêtant sur les crimes de Daech. M. Sinirlioğlu a déploré les actes sexuels horribles perpétrés par le régime syrien au cours des arrestations et de la détention de gens, alors que les femmes et filles du pays sont victimes de violences de toutes les parties au conflit. La Turquie a ouvert ses portes aux réfugiés fuyant le pays et accueille pas moins de 3,5 millions de Syriens, dont 1,6 million de femmes. La délégation souhaite en outre que la paix revienne au Myanmar, notamment dans l’État rakhine, afin de permettre le retour des réfugiés qui ont fui la violence, notamment sexuelle.
M. KORO BESSHO (Japon) a conseillé à la communauté internationale de déployer des efforts sur trois plans pour combattre la violence sexuelle en temps de conflit. Il faut tout d’abord poursuivre les auteurs des crimes, pour rendre la justice au bénéfice des victimes et dissuader de tels crimes à l’avenir. Le Japon soutient financièrement, depuis 2004, le travail de l’Équipe d’experts en RDC, en République centrafricaine, en Somalie et en Iraq, a dit le représentant en expliquant travailler de concert avec les gouvernements et les missions et équipes de pays de l’ONU, en soutien aux enquêtes et aux poursuites, à la réforme législative et au renforcement des autorités judiciaires et sécuritaires. Comme deuxième axe d’action, M. Bessho a recommandé de suivre une approche centrée sur les survivants, ce que le Japon soutient à travers les projets de l’ONU. Enfin, pour éviter à la base la violence sexuelle, le Japon estime qu’il faut arracher les racines de l’inégalité de genre, ce qui implique de promouvoir l’égalité hommes-femmes et d’autonomiser les femmes. C’est dans cet esprit que le Japon a soutenu des projets d’ONU-Femmes dans des pays tels que le Kenya, l’Égypte, l’Iraq et la Jordanie.
Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a mis l’accent sur la lutte contre l’impunité en matière de violence sexuelle en période de conflit. Cela permettrait selon elle de garantir la sécurité de millions de personnes dans les zones de conflit. La responsabilité première en la matière revient aux États, mais lorsqu’ils ne sont pas en mesure de le faire, le Conseil de sécurité a le pouvoir de renvoyer des dossiers à la Cour pénale internationale, a-t-elle rappelé. Les sanctions peuvent également être un outil efficace de la lutte contre l’impunité en devenant un outil de la dissuasion, a poursuivi la représentante avant de demander au Conseil d’incorporer et d’appliquer les critères relatifs à la violence sexuelle dans ses régimes de sanctions. S’agissant de l’approche centrée sur les personnes rescapées, elle a mis en avant l’impératif du respect de leur vie privée et de la prise en compte de leurs besoins, y compris en termes de services de santé sexuelle et reproductive et de soutien psychologique, ainsi que de protection et d’accès à la justice, en invoquant notamment la situation des femmes yézidies et rohingya.
Mme DOBRIC (Estonie) a appelé à la galvanisation de « nos efforts » pour une parité dans la loi comme dans la pratique. Il s’agit de lutter contre les stéréotypes et de défendre la participation des femmes dans les champs politique, économique et social. Elle s’est élevée contre l’impunité qui reste malheureusement endémique. La Cour pénale internationale (CPI), a-t-elle estimé, est un outil de qualité. Elle a donc encouragé les États qui ne l’ont pas fait encore fait à ratifier le Statut de Rome. S’agissant du respect de « nos engagements » liés à l’agenda « femmes, paix et sécurité », la représentante a évoqué les différents plans pour encourager et sensibiliser sur la problématique de la violence sexuelle. Elle a insisté, ce faisant, sur le rôle de la société civile et des organismes féminins dans la collecte des données.
Pour Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande), la violence sexuelle est enracinée dans l’exclusion économique, sociale et politique des femmes et leur insécurité. Alors pour éliminer ce fléau, il faut arriver à l’égalité entre les sexes à tous les niveaux, a-t-elle fait valoir en tant que Présidente des deux dernières sessions de la Commission de la condition de la femme. À cet égard, a-t-elle relevé, les conclusions de la Commission reprennent un langage fort sur l’impératif de s’attaquer aux violences sexuelles en situation de conflit et d’après conflit. « Avec détermination, nous devons continuer de construire des structures, dans la langue comme dans les textes, pour mettre fin à ce fléau », a-t-elle exigé. Mme Byrne Nason a regretté que la question de l’accès à la santé sexuelle et reproductive des victimes de violences sexuelles ne figure pas dans le texte de la résolution adoptée aujourd’hui. Le débat d’aujourd’hui ne marque pas la fin du parcours et il va falloir que le Conseil de sécurité reconnaisse ce besoin à terme. En Irlande, l’égalité entre les sexes est au cœur de sa politique étrangère en matière d’aide au développement et d’aide humanitaire, ce dont témoigne l’augmentation de 33% des fonds alloués cette année à la lutte contre la violence sexiste dans les pays vulnérables. L’Irlande fait également de la protection des femmes et des filles en situation d’urgence une priorité. De plus, l’armée irlandaise va assurer cette année des formations aux contingents de maintien de la paix de l’Union africaine, de l’ONU et de l’OTAN sur les enquêtes relatives aux violences sexuelles en situation de conflit.
M. ROBERT MARDINI, Président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a souligné trois aspects à la fois complexes et opportuns sur lesquels les États, les acteurs humanitaires et d’autres partenaires peuvent travailler ensemble pour apporter une réponse collective à cette problématique. Il s’agit d’abord d’agir au niveau de la victime survivante qui souffre d’une absence d’appui en matière de soins de santé, d’insécurité économique et d’exclusion. Pour sa part, le CICR en tant qu’organisation humanitaire indépendante et impartiale appuie des centres de santé au Mali et en République centrafricaine (RCA) à travers la formation ainsi qu’une assistance technique et humanitaire. Au niveau des communautés, l’absence d’information sur les services disponibles et la détérioration de la sécurité conduisent à l’augmentation des risques de violence sexuelle.
M. Mardini a appelé, dans ce sens, à soutenir la cohésion sociale. En RCA tout comme en République démocratiques du Congo (RDC) et au Nigéria, ce sont les communautés qui identifient les problèmes, leurs causes et conséquences. Guidé par elles, le CICR travaille sur les solutions visant à réduire les risques. Enfin, au niveau des États et des institutions, des défis surgissent en raison de l’absence de réponse et des capacités de l’État. Face à une faiblesse de la chaîne de commandement, des systèmes judiciaires fragiles et des mesures inefficaces de réduction des violences sexuelles, de nouveaux obstacles apparaissent, a-t-il mis en garde. Pour finir, il a appelé à créer « tous ensemble » un environnement qui empêche les violences sexuelles, en établissant notamment un cadre normatif adéquat, le renforcement des capacités des organes judiciaires et le respect du droit international.
Mme MARA MARINAKI, Conseillère en question de genre de l’Union européenne, a souligné la responsabilité de tous les États et de la communauté internationale dans son ensemble de traiter du problème de la violence sexuelle dans les conflits selon trois principes: prévention, protection et poursuites en justice. Pour la prévention, elle a réitéré l’importance d’une culture d’égalité des sexes et d’autonomisation des femmes. Pour la protection, elle a insisté sur l’urgence d’un plein accès aux services de qualité, y compris les services de santé sexuelle et reproductive, le soutien psychologique et les conseils juridiques. Pour les poursuites en justice, elle a rappelé l’importance de disposer de données fiables et ventilées par sexe, de faciliter l’accès à la justice et d’apporter le soutien nécessaire aux témoins et aux victimes y compris aux enfants nés d’un viol en temps de guerre. Mme Marinaki a souligné le rôle important de la justice internationale rendue par les tribunaux pénaux internationaux, et apprécié le soutien de la société civile. La représentante s’est inquiétée en particulier des risques auxquels sont exposés les mères et les enfants nés du fait de violences sexuelles lors de conflits.
L’Union européenne (UE), a-t-elle poursuivi, a pris des mesures pour prévenir et répondre à ce genre de violence, en se basant sur une approche holistique. L’UE soutient tous les efforts destinés à mettre fin à l’impunité, a-t-elle ajouté en faisant part du projet de justice transitionnelle sensible au genre de l’UE, qui a permis d’atteindre des résultats importants en 2018. Elle a aussi souligné l’« exemple encourageant » du Kosovo, où les survivants de ce genre de violence peuvent maintenant demander réparation pour les traumatismes endurés pendant la guerre. Avec le soutien de l’UE, 1 000 demandes ont ainsi été déposées en un an et plus de 200 survivants ont déjà reçu des dommages-intérêts en 2018. Cette même année, l’UE a également ouvert le Centre de ressources sur la justice transitionnelle à l’Université de Pristina. La représentante a aussi invité tous les États Membres de l’ONU à se joindre à l’Initiative phare pour éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles dans le monde. L’UE, a-t-elle encore dit, verse environ 30 millions d’euros sous forme d’aide humanitaire pour la prévention et la réponse aux violences sexuelles dans le monde.
Mme CLARE HUTCHINSON, Représentante spéciale pour les femmes, la paix et la sécurité du Secrétaire général de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), a expliqué qu’avec le soixante-dixième anniversaire de l’OTAN cette année, c’est l’occasion d’examiner ses résultats ainsi que d’envisager l’avenir. Le fait que la violence sexuelle soit prise comme une question de paix et de sécurité internationales entraîne des attentes pour tous les acteurs, dont l’OTAN, car ils doivent jouer un rôle plus important pour y remédier, a-t-elle relevé. L’an dernier, a-t-elle indiqué, les chefs d’État et de gouvernement ont adopté un nouveau plan d’action et politique sur cet agenda, qui contient les principes d’intégration, d’inclusivité et d’intégrité. Il ne peut y avoir de protection sans participation, a poursuivi la représentante en expliquant que la violence sexuelle est causée à la base par des questions de genre et par les inégalités sexuelles.
Appelant à combattre ces problèmes, Mme Hutchison a dit que l’OTAN mettait la protection des civils au cœur de ses missions et opérations, notamment en Afghanistan, au Kosovo et en Iraq. Dans ce dernier pays, l’OTAN travaille avec l’École de médecine militaire pour sensibiliser sur la violence sexuelle liée aux conflits. « Enfin, au Siège de l’OTAN, nous établissons un nouveau guide pour les commandants et les planificateurs opérationnels », pour favoriser les prises de décisions en cas de crise militaire, afin de prévoir les moyens de prévenir et de répondre à ce genre de violence, a-t-elle ajouté. En son soixante-dixième anniversaire, l’OTAN s’engage à en faire encore davantage pour traiter la question de la violence sexuelle liée aux conflits dans le cadre de ses mandats opérationnels.
M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a appelé à se pencher ensemble sur les moyens de réduire le niveau actuel des violences sexuelles liées au conflit. De même, il est essentiel de prendre des mesures pour que ces violences ne soient pas utilisées comme tactique de guerre ou aggravées par la traite des êtres humains. Cela représente, a-t-il déploré, une source de revenus pour les groupes armés, les organisations terroristes et le réseau transnational du crime organisé. Ce phénomène requiert une intervention coordonnée dans le cadre de l’ONU. Pour lui, les comités des sanctions doivent incorporer les violences sexuelles en tant que critères de désignation. Sur un autre registre, son pays milite en faveur d’une approche centrée sur la victime survivante, notamment à travers un appui psychosocial, une assistance juridique et une réintégration socioéconomique. Pour finir, il a annoncé que son pays présentera ce jour son engagement ferme pour accélérer la mise en œuvre du programme « femmes, paix et sécurité » à l’horizon 2020 lors de l’évènement de haut niveau organisé par l’Allemagne et le Royaume-Uni.
« Quand leurs propres corps sont transformés en armes d’assaut contre elles, nous nous retrouvons tous devant l’impératif moral et éthique d’agir », a plaidé Mme CYNTHIA CHIDIAC (Liban). À cet égard, elle a rappelé que la résolution adoptée ce jour et toutes celles qui ont suivi soulignent l’évidence que la femme est une partenaire incontournable et essentielle à la paix et à la sécurité dans le monde. Son implication dans les négociations et les efforts de consolidation de la paix assureraient une voie certaine vers une paix durable, a souligné Mme Chidiac. Au niveau national, elle a préconisé l’importance de la mise en place de mécanismes d’enquête et d’information inclusifs et sensibles aux questions de genre et d’introduire des législations pertinentes qui visent à traduire devant la justice les commanditaires et toute personne responsable d’actes de violence sexuelle contre des femmes, mais aussi contre des hommes et des enfants. Dans cet objectif, a-t-elle conclu, des fonds spécialisés devraient être mobilisés afin de promouvoir et de renforcer les institutions chargées de surveiller, d’enquêter et de poursuivre ces actes répréhensibles.
M. MOHAMED FATHI AHMED EDREES (Égypte) a estimé que les violences sexuelles en période de conflit sont souvent liées au sentiment général d’impunité et aux inégalités entre les sexes. Il a noté qu’il y a encore un long chemin à parcourir avant d’y mettre terme. Dans un premier temps, il faut prévenir la survenance des conflits. Et si un conflit éclate, il faut alors s’assurer que les femmes et les filles sont dûment protégées. L’Égypte indique que les femmes peuvent également être impliquées dans la lutte contre ce fléau. La présidence égyptienne de l’Union africaine pour l’année 2019 met en outre l’accent sur la lutte contre le terrorisme et sur l’assistance aux pays en conflit sur le continent, y compris par une assistance en faveur des femmes et des enfants. Le pays se dit prêt à collaborer avec tous les partenaires pour apporter des soins aux victimes de ces violences.
Mme ONDINA BLOKAR DROBIČ (Slovénie) a estimé que la violence sexuelle dans les conflits contemporains n’était pas un effet secondaire mais une considération de premier plan et une horrifiante tactique de guerre, de moyen de répression, de terreur et de contrôle, qui est utilisée pour humilier et blesser les victimes, leurs familles et des communautés entières. Elle a appelé à rendre justice et à mettre un terme à l’impunité, relevant la responsabilité première des États de protéger les civils et de poursuivre les auteurs en justice. Le rôle de la justice pénale internationale et en particulier de la CPI doit être souligné, a-t-elle dit. La représentante a soutenu les appels et recommandations du Secrétaire général de l’ONU sur ce sujet et plaidé pour une approche basée sur l’aide aux victimes et la sensibilisation. La Slovénie a adopté en novembre 2018 un plan d’action national sur les femmes, la paix et la sécurité pour la période 2018-2020. En juin de la même année, la Slovénie s’est jointe à l’Appel à l’action sur la violence basée sur le sexe dans les situations d’urgence, allouant 60 000 euros à la prévention de l’exploitation et l’abus sexuel en RDC.
M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMIREZ (Mexique) a reconnu qu’il reste des défis majeurs à relever s’agissant de l’établissement des responsabilités et de la définition même de la notion de violence sexuelle. Afin de prévenir cette violence dans les conflits, il faut tenir compte des inégalités structurelles entre les sexes, des discriminations historiques dont sont victimes les femmes et les filles, de la crainte de dénoncer et de la stigmatisation, a-t-il estimé. Pour le Mexique, il est donc urgent de modifier les normes sociales qui perpétuent la violence sexuelle, en redoublant d’efforts si l’on veut vraiment un développement durable auquel seraient pleinement associées les femmes. Le représentant s’est donc félicité de ce que le Secrétaire général ait placé les droits des victimes au cœur de ses recommandations, en plaidant pour un appui à leur réinsertion et à leur résilience. Il a rappelé le rôle fondamental que pourrait jouer la Cour pénale internationale (CPI) pour enquêter sur les allégations de violence sexuelle et lancer des poursuites.
Mme SIMA SAMI I. BAHOUS (Jordanie) a appelé à une réponse coordonnée de la communauté internationale pour répondre aux besoins des rescapées de la violence sexuelle en période de conflit. Il ne faudrait pas oublier le rôle de la communauté internationale également dans le cadre de la reddition de comptes, a-t-elle insisté. La Jordanie, pour sa part, s’évertue, malgré le peu de ressources et l’afflux de 1,5 million de réfugiés syriens, à assister ces personnes qui fuient les conflits. La représentante a noté que la pression que ces déplacements exercent sur les communautés d’accueil est également source de tensions et peut conduire à des cas d’exploitation et de violence sexuelle. La Jordanie a lancé des campagnes de sensibilisation sur la violence sexuelle et a mis en place des programmes de renforcement des capacités économiques des femmes réfugiées. Le pays dit attendre un soutien financier conséquent de la communauté internationale pour faire face à ces défis.
M. MOHAMED SIAD DOUALEH (Djibouti) a rappelé les propos du Docteur Denis Mukwege qui a dit: rester silencieux face à ces crimes a permis d’accorder l’impunité aux auteurs et de favoriser l’expansion du fléau des violences sexuelles en période de conflit ». C’est pourquoi l’ONU doit aider les survivantes à raconter leur histoire. Il faut également sensibiliser les gens, en passant par les radios communautaires, les pièces de théâtre, les prêches religieux et les panneaux d’affichage. Il faut établir, a ajouté le représentant, des stratégies communautaires à long terme pour modifier les normes et comportements sociaux. Il a soutenu l’idée de créer des commissions d’enquête et d’établissement des faits pour les cas de crimes sexuels au sein des enquêtes sur les violations des droits de l’homme en zone de conflit.
Mme GILLIAN BIRD (Australie) a estimé que la prévention des violences sexuelles en temps de paix et en temps de guerre passe par l’éradication de sa cause fondamentale, l’inégalité entre les sexes sous toutes ses formes. Elle s’est dite scandalisée par la fréquence de ces violences dans les situations de conflit armé, dans lesquelles une culture d’impunité dissuade les signalements, compromet l’assistance et incite à de futures violations. Sa délégation a reconnu l’importance centrale de la santé reproductive et sexuelle pour les victimes de conflits, en particulier les survivants du viol et de la violence sexuelle. L’Australie a également plaidé pour des approches qui tiennent compte des spécificités de chaque situation et des expériences vécues par chaque victime, en attirant l’attention sur le sort des enfants nés d’une violence sexuelle ou des garçons qui ont eux aussi subi de telles violences.
Mme ADELA RAZ (Afghanistan) a exprimé la volonté de son gouvernement de protéger les droits de la femme et de prévenir la violence sexuelle en période de conflit. Le nouveau Code pénal, entré en vigueur en février 2018, pénalise toutes les formes de violence sexuelle liée aux conflits. Des activités de sensibilisation sont menées aux niveaux national et provincial et les poursuites judiciaires ont eu un effet dissuasif. Le nombre des femmes procureurs et juges a contribué à libérer la parole des victimes qui sont plus libres de témoigner. Le pays entend renforcer la présence des femmes dans la fonction publique, dans le secteur de la sécurité et dans les efforts visant à mettre fin au conflit.
M. CHRISTIAN BRAUN (Luxembourg) a rappelé que le mois dernier, son pays a accueilli la Conférence internationale « Stand Speak Rise Up » pour mettre fin aux violences sexuelles dans les zones sensibles. Initiative de la Grande-Duchesse Maria Teresa, la Conférence a été le premier évènement international à mettre prioritairement l’accent sur les survivantes. Comment pouvons-nous renforcer la redevabilité des auteurs de violence sexuelle? L’innovation technologique et financière, a répondu le représentant, peut être une alliée puissante de l’égalité et des droits de la femme à une condition: il ne faut jamais penser que les solutions techniques pourront résoudre les problèmes politiques. Les défis, a rappelé le représentant, sont d’ordre social, sécuritaire, infrastructurel et institutionnel. Toutes les solutions doivent être basée sur l’action des autorités nationales, en collaboration avec les organisations communautaires des pays concernés. Il a demandé aux présentateurs de raconter leur expérience de l’utilisation des technologies de l’information et des communications pour aider les survivantes des violences sexuelles dans les conflits. Y-a-t-il des pistes prometteuses que nous devons explorer? s’est interrogé le représentant en rappelant que son pays est un partenaire de longue date de « Justice Rapid Response » et d’ONU-Femmes.
M. GIOVANNI BATTISTA BUTTIGIEG (Malte) a demandé aux États de soutenir les survivants de la violence sexuelle commises en période de conflit et de s’assurer que les responsables soient traduits en justice. Pour Malte, la lutte contre l’impunité est cruciale pour la prévention ce ces crimes et pour le bien-être des femmes, ainsi que pour assurer la paix et la sécurité internationales. Il a aussi souligné le rôle des organisations de la société civile, y compris les groupes de soutien aux droits des femmes, dans les efforts de réconciliation après les conflits. En définitive, le représentant a plaidé pour une approche centrée sur les survivants, tout en tenant compte de l’égalité des genres.
Au nom du Groupe des Amis de la responsabilité de protéger, Mme ALYA AHMED SAIF AL-THANI (Qatar) a d’abord plaidé pour le renforcement des capacités institutionnelles nationales car malgré une meilleure sensibilisation à la violence sexuelle, les viols de masse se poursuivent en toute impunité. Elle a aussi souligné la nécessité « urgente » d’une approche centrée sur les survivantes pour pouvoir répondre avec précision aux besoins des victimes qu’ils soient médicaux, psychosociaux ou socioéconomiques. Au cœur de la violence sexuelle, a-t-elle poursuivi, résident un mépris pour les droits de l’homme, la perpétuation des inégalités entre les sexes et une discrimination systématique. La violence sexuelle dans les conflits doit donc être traitée avec la participation active des femmes seules en mesure d’identifier les mécanismes de prévention qu’il leur faut et les solutions fondées sur leurs droits. Le Conseil de sécurité doit aussi faire un meilleur usage des sanctions pour prévenir et stopper la violence sexuelle, y compris en inscrivant les auteurs des violations sur les listes, et ce, en consultation avec la Représentante spéciale et le Groupe d’experts. La formation à ces questions doit devenir un élément obligatoire du cursus des soldats et des policiers déployés dans les missions de l’ONU, a conclu la représentante, qui a fermement appuyé la politique de tolérance zéro et l’initiative du Secrétaire général sur le Pacte volontaire.
Mme FATIMA KYARI MOHAMMED, de l’Union africaine (UA), a reconnu l’existence des inégalités structurelles entre les sexes et les discriminations à l’égard des femmes, des filles et des communautés vulnérables, qui représentent certaines des causes les plus profondes des violences sexuelles dans les conflits. Elle a réaffirmé la politique de tolérance zéro de l’organisation continentale, y compris pour les violences sexuelles commises par le personnel des opérations de paix africaines. Par ailleurs, a-t-elle dit, nous devons adopter une approche centrée sur les survivantes et associer les communautés concernées à l’élaboration et à la mise en œuvre des programmes et politiques censés répondre à leurs besoins. En dernier lieu, elle a soutenu le principe d’intégrer pleinement aux processus de reconstruction post-conflit une justice transitionnelle paritaire.
M. DANG DINH QUY (Viet Nam) a relevé que si la prévention des conflits est le moyen idéal de se débarrasser sur le long terme des causes profondes des violences sexuelles commises en temps de conflit, il faut quand même prendre des mesures urgentes et développer une approche plus holistique. Il ne doit pas y avoir de place pour la stigmatisation dans les sociétés, a-t-il plaidé en recommandant davantage de campagnes de sensibilisation. Il a aussi appelé à fournir des services aux victimes, notamment médicaux, psychologiques et juridiques, en soulignant le rôle primordial de l’État à cet égard, complété par l’aide de l’ONU, des agences spécialisées et des missions de maintien de la paix. Enfin, le représentant a invité à aborder le sujet sous l’angle à la fois de la « protection » et de la « participation », disant soutenir les initiatives qui promeuvent le leadership des femmes dans les processus de paix.
M. COLLEN VIXEN KELAPILE (Botswana) a d’abord rappelé que son pays est coauteur de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, avant d’appeler à une activation rapide des instruments, cadres et données existants sur les femmes, la paix et la sécurité pour pouvoir prendre des décisions informées et mieux identifier les obstacles. En Afrique, un continent affecté par de nombreux conflits, quelque 42 instruments ont été adoptés par l’Union africaine, les communautés économiques régionales et les mécanismes régionaux. Près de la moitié des États membres de l’Union africaine ont mis en place des plans d’action sur les femmes, la paix et la sécurité.
M. MOHAMMED HUSSEIN BAHR ALULOOM (Iraq) a dit que son pays est fier de compter parmi ses citoyens Mme Murad, la lauréate du prix Nobel de la paix 2018. Un projet de loi auquel elle a contribué est d’ailleurs en étude devant le Parlement iraquien. Ce texte entend entériner les indemnisations des survivantes yézidies qui avaient été victimes de Daech. Ladite loi prévoit, entre autres, que les auteurs de tels actes de violence sexuelle en période de conflit doivent être traduits en justice, et que ces crimes sont imprescriptibles. Une liste de prévenus est déjà établie et les procédures judiciaires seront menées dans le respect de l’indépendance de la justice, a affirmé le délégué. En outre, l’Iraq a établi une stratégie nationale de lutte contre les violences faites aux femmes, avec l’assistance du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), et en coopération avec la Norvège et la Suède.
M. FREDERICO SALOMÃO DUQUE ESTRADA MEYER (Brésil) a souligné que la présence de soldates dans les opérations de maintien de la paix de l’ONU, y compris de conseillères en protection des femmes, s’est révélé un instrument efficace pour combattre et prévenir la violence sexuelle dans les situations de conflit et pour encourager les survivantes à porter plainte. Dans ce contexte, l’importance qu’il y a à renforcer la présence des femmes dans les négociations et sur le terrain s’explique d’elle-même. Non seulement cette présence améliore les perspectives d’application des accords de paix mais elle facilite aussi le règlement de questions telles que la violence sociale dans les situations de conflit. Le représentant s’est dit fier d’attirer l’attention sur « un exemple d’excellence ». Il a une nouvelle fois félicité sa compatriote, le commandant Marcia Andrade Braga, qui a reçu des mains du Secrétaire général, le prix du militant de l’année en faveur de l’égalité des sexes pour son travail de conseillère principale pour les questions de genre à la Mission des Nations Unies en République centrafricaine. Paraphrasant le commandant, le représentant a dit que ce prix reconnaît la manière dont la présence des soldates de la paix permet aux femmes de discuter librement des questions qui affectent leur vie. Le commandant Braga nous montré que la prévention de la violence dans les situations de conflit peut profiter de gestes simples comme faire entendre la voix des femmes.
M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a déclaré que l’« épouvantable expérience » des violences sexuelles systématiques est revenue hanter son pays avec la crise humanitaire des rohingya, qui sont désormais 730 000 à avoir fui les atrocités perpétrées dans l’État rakhine, au Myanmar, dont une majorité de femmes et d’enfants. « Selon l’ONG Save the Children, rien qu’en 2018, plus de 4 000 de ces femmes auraient donné naissance à des enfants non désirés », a relaté le représentant. Après avoir rappelé que son gouvernement applique scrupuleusement une politique de tolérance zéro s’agissant des abus sexuels commis par ses personnels du maintien de la paix, le représentant a souligné l’importance de lutter contre l’impunité. Il a enfin rappelé que le Conseil de sécurité ne pouvait se soustraire à ses responsabilités, particulièrement en ce qui concerne le sort des rohingya, auquel le Bangladesh prête une assistance considérable.
M. LAZARUS OMBAI AMAYO (Kenya) a rappelé que son pays a lancé son plan d’action national en 2016, assorti de stratégies pour renforcer les mécanismes judiciaires et assurer la justice grâce à une approche axée sur les survivantes et à des politiques et à des lois ciblées. Le Gouvernement est allé plus loin et a tendu main à la société civile pour traduire le plan dans les langues locales, dans un effort de communication et de sensibilisation. Le plan prévoit la participation active des femmes dans le processus de prise de décisions à tous les niveaux institutionnels et des mécanismes de prévention, de gestion et de règlement des conflits. Le plan a aussi créé une équipe sur les femmes, la paix, la sécurité au sein du Groupe de travail sur le secteur « genre », une plateforme qui réunit les acteurs étatiques et non étatiques pour faire avancer les priorités nationales sur l’égalité des sexes. Le plan a donné lieu à des directives sur la formation des militaires et des policiers et à des procédures essentielles axées sur les besoins des survivantes. Ces efforts ont assuré leur dignité, augmenté le nombre des plaintes et atténué les préjugés.
Son pays connait des changements positifs qui consolident les droits du peuple, a déclaré Mme NAWAL AHMED MUKHTAR AHMED (Soudan). Le Conseil de transition s’est engagé à respecter les engagements internationaux du pays, notamment les traités et accords multilatéraux auxquels le Soudan est partie. La déléguée a souligné que les Soudanaises ont joué un grand rôle dans ce changement, participant aux manifestations au même titre que les hommes. Cela laisse présager qu’elles pourront « suivre les pas des trois grandes reines soudanaises » et contribuer au développement de leur pays, a-t-elle espéré. Au Darfour, les perspectives de paix sont également positives et il est question de prendre des mesures pour assurer le retour des déplacés. Le Soudan entend protéger les femmes et indemniser celles qui ont été victimes de crimes, tout en assurant la protection des témoins et victimes, notamment par le renforcement des capacités des forces de police, surtout celles qui seront impliquées dans les enquêtes sur les cas de violence sexuelle. La représentante a dit espérer que les partenaires du pays accompagneront ces efforts.
Mme MALEEHA LODHI (Pakistan) a regretté que 20 ans après l’adoption de la résolution 1325 (2000) sur les femmes, la paix et la sécurité, les femmes et les filles sont toujours victimes d’abus physiques et psychologiques dans de nombreux conflits, notamment au Myanmar et « dans un pays voisin du mien ». Les viols et les abus sexuels sont utilisés en toute impunité comme un moyen pour opprimer des populations entières, pour les terroriser et les humilier, s’est-elle indignée. Par conséquent il faut poursuivre la lutte contre l’impunité, et, pour Mme Lodhi, cela signifie « que les auteurs de ces crimes soient tenus pour responsables de leurs actes sans jamais laisser des considérations géopolitiques prendre le dessus ». Elle a appelé le Conseil de sécurité à se concentrer sur les causes profondes des conflits, en particulier au Jammu-et-Cachemire et en Palestine, car le meilleur moyen de lutter contre les violences sexuelles liées aux conflits c’est précisément d’éradiquer les causes sous-jacentes de ces conflits. Le Pakistan met également l’accent sur la responsabilité des gouvernements nationaux dans la poursuite des auteurs de violences et d’abus sexuels. Par conséquent ils doivent renforcer leurs systèmes judiciaires nationaux et mettre en place des programmes de protection des victimes et des témoins. Au-delà de la lutte contre l’impunité, il faut aussi permettre aux victimes de retrouver leur dignité et assurer leur réinsertion dans la communauté en les protégeant de toute forme de stigmatisation et de victimisation. Pour cela, Mme Lodhi a préconisé de faire appel aux leaders religieux au sein des communautés.
M. OMAR KADIRI (Maroc) a proposé de suivre une approche plus complète et holistique, qui s’attaque aux causes profondes des conflits et conforte l’inclusion des femmes aux processus de prise de décisions, en favorisant le développement humain et durable, et en encourageant les initiatives nationales visant à mettre fin à la discrimination fondée sur le genre. Il a noté que la prévention des conflits constitue un pilier central de l’agenda « femmes, paix et sécurité », de même que le Programme 2030 dont les objectifs 5 et 16 accordent une place privilégiée à la prévention des conflits. Par ricochet, il importe de soutenir la participation des femmes aux débats sur la prévention et le règlement des conflits, le maintien de la paix et de la sécurité et la consolidation de la paix au lendemain des conflits.
En outre, le Maroc a appelé à lutter contre l’impunité et à renforcer l’accès à la justice pour les victimes des violences sexuelles par l’application de la politique de tolérance zéro là où les violences se produisent. Il a aussi invité à mettre fin à la stigmatisation qui entoure les victimes de violences sexuelles, et les enfants nés de telles violences, proposant aussi que les victimes soient accompagnées médicalement et réinsérées socialement et économiquement. D’autre part, les leaders religieux ont un rôle influent à jouer dans la lutte contre l’instrumentalisation fallacieuse de la religion pour justifier la violence. Ils doivent être encouragés à s’exprimer fermement contre la violence, a suggéré le Maroc, qui a jugé cruciale la coopération avec les acteurs locaux et les leaders communautaires.
Mme ELENE AGLADZE (Géorgie) a indiqué que son gouvernement avait lancé des projets en soutien aux femmes affectées par les conflits, notamment en vue de renforcer leurs capacités économiques. Le pays accorde du prix à l’égalité des genres, aussi bien dans la gestion des personnels militaires que pour les fonctionnaires civils. Depuis 2014, des formations sur le genre, en droite ligne de la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité et de résolutions similaires, sont désormais obligatoires avant le déploiement des Casques bleus originaires de Géorgie. Malgré la volonté du Gouvernement d’intégrer les femmes affectées par le conflit dans le processus de paix, a relevé la représentante, l’occupation des régions d’Abkhazie et de Tskhinvali par la Fédération de Russie empêche toute issue à la crise, imposant de ce fait des conditions de vie difficiles aux femmes dans ces régions occupées.
M. CHRISTIAN GUILLERMET-FERNANDEZ (Costa Rica) a relevé que la responsabilité de protéger les civils incombe en premier lieu à l’État. Tous les actes de violence sexuelle doivent être condamnés et le cas échéant, déférés à la CPI. Le représentant a insisté sur la politique de tolérance zéro, rejetant toute forme d’amnistie ou de prescription. La prévention est essentielle, a-t-il dit, notamment dans le cadre des missions de maintien de la paix de l’ONU qui doivent avoir en leur sein davantage de femmes. Il faut aussi axer tous les efforts sur les victimes et leur offrir tous les services dont elles ont besoin, y compris un accès à la santé reproductive et sexuelle. Il est regrettable que la résolution adoptée aujourd’hui ne tienne pas compte de ce dernier point, a estimé le représentant.
M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a avoué qu’il aurait préféré que le débat d’aujourd’hui ait eu lieu avant l’adoption de la résolution pour tenir compte de tous les points de vue, dont le sien. Jusqu’ici, le Conseil a adopté neuf résolutions sur les femmes, la paix et la sécurité, mais la résolution 1820 (2008) est la première à avoir reconnu les violences sexuelles comme potentiels crimes de guerre, crime contre l’humanité ou actes de génocide. Mais il reste encore beaucoup à faire.
Prenant le cas du Myanmar où les risques de violence sexuelle ont été un facteur déterminant dans les déplacements massifs des Rohingya, le représentant s’est demandé comment aborder la question des enfants nés d’un viol perpétré pendant un conflit. Quels services faut-il apporter à ces enfants et à leurs mères sans que cela ne contribue à leur stigmatisation? En Libye et en Syrie, les femmes migrantes et déplacées sont aussi exposées aux viols, à la prostitution forcée ou encore à l’exploitation sexuelle, même si les hommes et les garçons peuvent également être victimes de violences sexuelles. Il faut donc, a préconisé, le représentant des centres d’assistance aux victimes et aux survivants qui devront apporter une aide humanitaire, des soins médicaux, un soutien psychosocial mais également veiller à ce qu’ils aient accès à la justice et une indemnisation.
Le succès de toute stratégie de lutte contre les violences sexuelles en période de conflit passe par la reconnaissance des inégalités entre les sexes. Il faut donc commencer par assurer la pleine participation des femmes à la vie politique, économique et sociale et leur garantir un accès à la justice et aux institutions de sécurité. Le Liechtenstein combat l’esclavage moderne et la traite de personnes notamment par le truchement de sa Commission du secteur financier qui lutte contre les flux illicites de fonds liés à ces activités, a expliqué le représentant.
M. TAYE ATSKESELASSIE AMDE (Éthiopie) a appelé à adopter la réponse la plus ferme qui soit pour faire face aux violences, à l’exploitation et aux abus sexuels en temps de conflit. Il faut rendre responsables les auteurs de telles violences et donner la priorité à la protection des droits humains des femmes et des filles, a-t-il demandé. S’adressant au Conseil de sécurité, le représentant lui a demandé d’utiliser tous les moyens à sa disposition pour que les parties à quelque conflit que ce soit respectent rigoureusement le droit international humanitaire, en particulier ce qui touche à la protection des civils. Il faut notamment garantir l’accès à la justice pour les survivants. Il a aussi invité à s’attaquer à la stigmatisation et à l’isolement social des victimes, avant de plaider pour que la réponse mondiale s’articule autour des partenariats régionaux, donnant l’exemple de ce que fait l’Union africaine. Quant à l’Éthiopie, elle travaille avec le Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit.
M. SOVANN KE (Cambodge) a suggéré de se pencher sur les causes profondes des conflits qui sont, à ses yeux, un prérequis à une paix durable et au respect des droits de l’homme. La pauvreté, les discriminations, l’absence d’éducation, l’exclusion sociale et les inégalités alimentent le cycle des violences, a dit M. Ke. Les femmes sont le socle du développement socioéconomique. Cependant, a-t-il déploré, malgré de nombreuses avancées, les inégalités persistent. Il voit dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable, en particulier ceux qui traitent de l’égalité des sexes, de la promotion d’une éducation de qualité ainsi qu’une croissance économique inclusive, une voie sur le chemin de l’autonomisation de la femme. C’est pourquoi le Cambodge est entièrement engagé à la réalisation des objectifs de promotion de l’égalité des sexes, de la paix et de la prospérité. Pour finir, il a voulu souligner le rôle des Casques bleus cambodgiens dans la sécurité et la protection des populations locales.
M. SAMSON SUNDAY ITEGBOJE (Nigéria) a déploré les atrocités que vivent les femmes du fait de groupes armés tels que Boko Haram, actif dans le nord-est nigérian. Le représentant a salué le fait que 25 pays africains aient déjà établi un plan d’action national de mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) sur les femmes, la paix et la sécurité. Le Nigéria a lui-même lancé son propre plan national en 2013 et coopère avec le Niger, le Tchad et le Cameroun pour barrer la route à Boko Haram. Le Gouvernement a en outre adopté d’autres mesures contre ces terroristes, tout en initiant des programmes de réhabilitation en faveur des victimes de violence sexuelle, comme les « filles de Chibok », ces jeunes élèves enlevées par Boko Haram dans leur dortoir en 2014. Le délégué a promis que son pays maintiendra son engagement en faveur d’une plus grande implication des femmes dans les programmes de paix et de sécurité.
Pour M. ROBERT KAYINAMURA (Rwanda), cet important débat vient à point nommé pour le Rwanda qui célèbre ce mois-ci le vingt-cinquième anniversaire du génocide contre les Tutsis, où le viol était largement utilisé comme méthode de génocide. C’est en 1998, lors du procès de l’ancien maire Jean-Paul Akaysu, inculpé de génocide, que le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a statué pour la première fois que le viol était utilisé comme moyen de perpétrer un génocide en vue d’exterminer un groupe ciblé. Pour le représentant, lutter contre l’impunité contribue à éviter des crimes futurs et à l’intégration des survivants dans leur communauté. Il a également plaidé pour la prévention et appelé dans ce contexte, les comités des sanctions à travailler de concert avec le bureau de la Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit. Pour finir, il a appelé à investir dans des approches centrées sur les survivants pour permettre leur pleine intégration sociale.
Mme SONALI SAMARASINGHE (Sri Lanka) a rappelé que son pays a été parmi les premiers à endosser les Principes de Vancouver sur le maintien de la paix et la prévention et le recrutement des enfants soldats et les Principes de Kigali sur la protection des civils. Après 30 années de conflit durant lesquelles les femmes ont été les principales victimes, une série de recommandations sur la prévention de la violence sexuelle et de la violence fondée sur le sexe a été approuvée, notamment la formulation et l’application de lois et l’introduction de mesures de protection sociale, a expliqué la représentante. Des mécanismes ont en outre été établis pour garantir le droit à la justice après des allégations de violence sexuelle durant la période du conflit, et des mesures, prises pour juger les individus soupçonnés de viol au sein des forces de sécurité. Deux soldats ont d’ailleurs été condamnés à 25 ans de prison ferme et à des amendes.
La représentante a en outre évoqué un phénomène nouveau qui voit les organisations de la société civile demander au Gouvernement des mesures de lutte contre les préjugés entourant les victimes de violences sexuelles et des directives encourageant les parties prenantes à agir de façon responsable pour permettre aux victimes et à leurs familles de participer à la société sur un pied d’égalité.
M. HAU DO SUAN (Myanmar) a fait état de la coopération renforcée entre son gouvernement et le bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général, comme en témoigne la signature en décembre 2018 d’un communiqué conjoint. S’agissant des allégations de violence sexuelle dans le nord de l’État rakhine, il a assuré que la Commission d’enquête indépendante établie en août 2017 s’acquitte de son mandat « en toute indépendance, impartialité et objectivité ». S’il a salué le rapport du Secrétaire général, qui relève les mesures prises par les autorités du Myanmar pour protéger les droits des femmes et des enfants, le représentant a cependant déploré que les Forces armées du Myanmar figurent dans la liste en annexe en dépit des efforts sincères de son pays pour engager un dialogue avec le bureau de la Représentante spéciale. Nous regrettons aussi que les atrocités commises par les terroristes de l’Armée du salut des Rohingya de l’Arakan contre des minorités ethniques non musulmanes, dont des femmes et des enfants, ne soient pas correctement reflétées dans le rapport, a déploré M. Suan. Il a estimé que sur ces questions, la communauté internationale devrait être guidée par les principes d’impartialité, de non-sélectivité et de non-politisation.
M. KHODADAD SEIFI PARGOU (République islamique d’Iran) a constaté à regret que femmes et filles continuaient de se retrouver piégées dans d’horribles conflits armés et victimes de violences sexuelles. Il a soulevé la question de la responsabilité de la situation actuelle, en affirmant que « des politiciens placent leurs intérêts géopolitiques chimériques devant les vies innocentes de femmes et de filles d’autres pays », façonnant ainsi le paysage des conflits en vigueur aujourd’hui. Après les avoir encouragés à renoncer à leur « politique étrangère désastreuse » et à cesser de « fabriquer » des conflits, la délégation a dénoncé les « larmes de crocodile » versées sur le compte des femmes et des filles par ces États et leurs alliés. « Dans notre région instable, le Moyen-Orient, l’occupation étrangère, les invasions étrangères et le terrorisme représentent une menace à notre sécurité », a lancé le représentant, en plaidant pour la lutte contre l’impunité et l’autonomisation des femmes.
Mme PAULOMI TRIPATHI (Inde) a constaté que la conceptualisation de ces violences en tant que tactique de guerre est de plus en plus fréquente, avant de tirer la sonnette d’alarme pour qu’on n’oublie pas les autres victimes, « les victimes invisibles », comme les garçons et les hommes ou encore les civils victimes d’abus aux mains d’acteurs humanitaires. Elle a également évoqué les risques d’une perception fragmentée des violences sexuelles en situation de conflit, notamment celui de vouloir traiter leurs symptômes plutôt que leurs causes sous-jacentes. À ce titre elle a invité à se pencher sur le lien qui existe entre terrorisme, traite de personnes et violences sexuelles et a appelé le Conseil de sécurité à exiger une coopération plus forte dans la lutte contre le terrorisme et l’application effective des régimes de sanctions. L’ONU devrait également donner la priorité au soutien à apporter aux gouvernements nationaux pour qu’ils puissent adopter des cadres législatifs et administratifs assurant la protection des droits des victimes et la poursuite en justice des auteurs de violences sexuelles. Par ailleurs, l’Inde souhaiterait voir une plus forte participation de femmes dans les processus de règlement de conflits et de réconciliation post-conflit, car c’est un moyen de combattre les inégalités entre les sexes. Dans cet esprit, l’Inde s’est engagée à déployer un contingent de femmes auprès de la MONUSCO et un contingent de femmes policières auprès de la MINUSS.
Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a dénoncé le recours par certains groupes armés à la violence sexuelle en tant que « tactique de guerre », notamment Daech, dont aucun membre n’a été traduit en justice à ce jour. Évoquant également le drame des Rohingya au Myanmar, elle a estimé essentiel de mettre fin à l’impunité. Au-delà des traumatismes, ces agressions contribuent à un « cycle dangereux » d’insécurité et d’inégalités qui entrave la participation des femmes aux processus de paix. À cet effet, les Émirats arabes unis et ONU-Femmes ont lancé, cette année, un programme de formation militaire au maintien de la paix pour les femmes arabes. Pour favoriser la participation des femmes au processus de paix, a poursuivi la représentante, il faut mettre en place une approche fondée sur les survivantes.
Les Émirats arabes unis appuient financièrement l’Équipe d’experts sur l’état de droit et les violences sexuelles en temps de conflit, a dit Mme Nusseibeh qui a appelé à la mise en œuvre des recommandations du Secrétaire général, dont l’intégration de l’autonomisation des femmes aux programmes de développement.
M. DEE-MAXWELL SAAH KEMAYAH (Libéria) a expliqué que son gouvernement est conscient que la violence sexuelle, héritée du conflit, reste présente dans le pays. Aujourd’hui, le Libéria s’engage à lutter contre l’impunité et à assurer l’établissement des responsabilités pour prévenir d’autres cas de violence sexuelle. Ainsi, le second Plan d’action national sur les femmes, la paix et la sécurité sera bientôt adopté même s’il faudra encore trouver des fonds pour sa mise en œuvre. Il a relevé que l’initiative « les huttes de la paix », un puissant mécanisme traditionnel de médiation et de résolution des conflits, a permis aux communautés, avec l’aide du Fonds pour la consolidation de la paix, d’avancer sur des questions telles que la violence sexuelle et sexiste, l’abus de stupéfiants ou encore les différends fonciers. La lutte contre la violence sexuelle passe par une large collaboration entre diverses parties prenantes, a souligné le représentant.
Mme HELENA DEL CARMEN YÁNEZ LOZA (Équateur) a appuyé les vues du Secrétaire général sur la prévention de la violence sexuelle dans les conflits armés, et souligné qu’il faut aborder cette forme de violence en adoptant une vision intégrale de prévention. Il a recommandé à la fois un effort commun des États, ainsi que, sur le plan national, des réformes législatives et judiciaires pour que les auteurs comparaissent devant la justice, tandis que les survivantes doivent avoir accès à la justice, être traitées avec dignité, jouir d’une protection et recevoir des réparations adéquates. De son côté, la Constitution équatorienne prévoit explicitement l’obligation qu’a l’État d’envisager les mesures nécessaires à la prévention, l’élimination et la pénalisation de toute forme de violence, y compris sexuelle, ainsi que la prise en considération des normes des instruments internationaux auxquels le pays a souscrit. En 2018, l’Équateur a adopté la loi intégrale en vue de la prévention et de l’élimination de la violence à l’égard des femmes.
Mgr BERNARDITO CLEOPAS AUZA, Observateur permanent du Saint-Siège, a appelé à rompre le silence et à ne pas rester indifférent face à une telle cruauté infligée à des innocents. L’impunité doit laisser la place à la responsabilité, pour qu’il puisse y avoir justice et réparation. Il a plaidé pour que les femmes puissent faire entendre leurs voix, en particulier les survivantes de violence sexuelle en temps de conflit qui devraient être considérées comme des expertes et dont la souffrance devrait être reconnue. Le nonce a noté les initiatives prises pour prévenir et combattre les abus sexuels dans les opérations de maintien de la paix, notamment par le biais de formations dispensées au personnel. Il a relevé que les hommes et les garçons figurent aussi parmi les victimes de ce genre de violence. Mgr Auza s’est également désolé que les victimes aient souvent peur de parler. S’agissant de la « délicate question » des enfants conçus et nés du fait de violences sexuelles en temps de conflit, il a appelé à respecter les droits de l’homme de ces enfants innocents, de les soutenir et de les aimer, au lieu de les stigmatiser et de les bannir, voire même de leur nier le droit fondamental à la vie. Il faut, a-t-il précisé, accorder une attention particulière à ces enfants dans les programmes de protection.
M. RENÉ ALFONSO RUIDÍAZ PÉREZ (Chili) a considéré que la gravité des violences sexuelles et sexistes exige la mise en œuvre de mesures préventives, de protection, de réinsertion, et de réintégration. La lutte contre l’impunité est également nécessaire pour rendre justice aux victimes, a estimé le représentant, en soulignant le rôle que peut jouer à cet égard la Cour pénale internationale (CPI) en complément des juridictions nationales et hybrides, « pour transformer la culture d’impunité en culture de dissuasion ». Au nombre des mesures prises par son pays à l’échelle nationale, le représentant a fait valoir le plan national pour approfondir la sensibilisation aux perspectives de genre et aux droits humains des femmes dans toute la société chilienne.
M. ENRIQUE JOSÉ MARÍA CARRILLO GÓMEZ (Paraguay) a indiqué que lutter contre la violence sexuelle ciblant les femmes passe par des mesures de promotion de l’égalité entre les sexes dans la société. Cette égalité a commencé par l’armée du pays et se fait de manière progressive. Le Gouvernement a aussi sensibilisé la population sur le bien-fondé de promouvoir l’autonomisation des femmes et leur présence dans tous les segments de la société. Le pays entend également promouvoir la résolution 1325 (2000) dans le pays.
Mme JEANNE D’ARC BYAJE, Observatrice permanente de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), a déclaré qu’il y a urgence à ce qu’on mette fin à la tendance des violences dont les femmes et jeunes filles sont victimes en période de conflits ainsi que dans les situations humanitaires. Elle a préconisé un changement dans les pratiques et actions des missions de maintien et de consolidation de la paix et dans la protection des civils. Dans cette optique, la CEEAC s’efforce de consolider les mécanismes d’alerte rapide pour renforcer ses capacités en matière de prévention et de gestion des conflits armés en plaidant pour la participation des femmes dans les processus de paix et de sécurité. Ainsi, 7 de ses 11 États membres se sont dotés de plans d’action nationaux de mise en œuvre de la résolution 1325 et d’un plan d’action régional.
Par ailleurs, l’autonomisation économique et sociale des femmes est au cœur de toutes les actions entreprises dans le cadre des plans nationaux où elle figure comme une question transversale dans tous les secteurs, a ajouté la représentante. Elle a jugé impératif d’instaurer un climat favorable pour veiller à ce que les femmes participent activement dans la médiation, le maintien et la consolidation de la paix, ainsi que dans les efforts de reconstruction post-conflit, tout en bénéficiant de lois qui les protègent des conflits armés.
Le représentant de la République de Corée a repris la parole pour réagir à la déclaration de la délégation japonaise sur la question des femmes de réconfort, qui dépasse selon lui « le simple cadre bilatéral ». Son gouvernement, a-t-il assuré, continuera de coopérer avec la communauté internationale à cet égard.
Son homologue du Japon a affirmé que son gouvernement avait traité de manière sincère de la question des femmes de réconfort, et qu’il avait signé avec la République de Corée un accord en décembre 2015, les deux pays étant parvenus à un règlement « définitif et irréversible » de la question. Il est extrêmement important de le mettre en œuvre.