La Sixième Commission termine les travaux de fond de sa soixante-quatorzième session en adoptant sans vote 13 projets de texte
Au terme de sa soixante-quatorzième session, entamée le 7 octobre dernier, la Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a adopté ce matin, sans vote, dans le respect de l’esprit du consensus qui prévaut en son sein, 12 projets de résolution et un projet de décision.
Certaines délégations ont néanmoins profité de cette ultime séance pour dénoncer les restrictions du pays hôte, comme elles l’avaient fait lors de la toute première séance et à de nombreuses autres reprises. La Commission a, en outre, approuvé le programme de travail provisoire de sa prochaine session, qui devrait se tenir du 5 octobre au 19 novembre 2020.
Après plus de six semaines de débats, et comme il est de coutume, la Commission, présidée par M. Michal Mlynár, de la Slovaquie, recommande à l’Assemblée générale de prendre note du rapport de la Commission du droit international (CDI) à sa soixante et onzième session. Elle lui transmet aussi une série de textes portant sur des questions aussi complexes et variées que le droit des aquifères transfrontières, la compétence universelle ou bien encore les mesures visant à éliminer le terrorisme international.
La Commission a entamé sa séance en décidant de reporter sa décision concernant l’octroi du statut d’observateur auprès de l’Assemblée générale à l’Organisation internationale des employeurs, à la Confédération syndicale internationale et au Forum de Boao pour l’Asie, après avoir entendu les délégations de l’Allemagne, de la France et de la Chine prendre acte des réserves émises par certaines délégations sur un tel octroi*.
La Commission a ensuite adopté le projet de résolution sur le droit des aquifères transfrontières, par laquelle l’Assemblée générale recommanderait aux gouvernements de s’inspirer des projets d’article sur le sujet aux fins d’accords ou d’arrangements bilatéraux ou régionaux visant à la bonne gestion des aquifères transfrontières.
L’Accord relatif à la gestion du système aquifère Guarani constitue le premier accord multilatéral d’Amérique du Sud sur la gestion de ces ressources en eau transfrontières entre le Paraguay, l’Uruguay, le Brésil et l’Argentine, a déclaré le délégué argentin.
Dans son projet de résolution intitulé « Responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite », l’Assemblée générale affirmerait de nouveau l’importance des articles sur le sujet, « sans préjuger de leur future adoption ni de toute autre suite qui pourrait leur être donnée ».
À ce sujet, le délégué du Portugal a déploré que ce texte perpétue le statu quo et entrave tout progrès sur cette question, ignorant ainsi le point de vue de nombreuses délégations. Il s’agit d’un signal « négatif » envoyé par l’Assemblée générale, a-t-il regretté.
La représentante de la Finlande a également regretté le manque d’ambition du projet de résolution sur la responsabilité pénale des fonctionnaires et des experts en mission des Nations Unies. Dans ce texte, l’Assemblée prierait « instamment » le Secrétaire général de veiller à ce que sa politique de tolérance zéro à l’égard des comportements criminels tels que l’exploitation et les atteintes sexuelles, la fraude et la corruption soit « pleinement appliquée, de manière cohérente et concertée », dans l’ensemble du système des Nations Unies.
Elle engagerait aussi « vivement » les États à prendre les mesures nécessaires pour que les infractions pénales commises par des fonctionnaires ou experts en mission des Nations Unies ne restent pas impunies et pour que leurs auteurs soient traduits en justice.
Dans son projet de résolution intitulé « Programme d’assistance des Nations Unies aux fins de l’enseignement, de l’étude, de la diffusion et d’une compréhension plus large du droit international », l’Assemblée prierait le Secrétaire général de continuer à faire connaître ledit programme et nommerait 25 États membres à son comité consultatif. Le remplacement des membres partants doit se faire dans la transparence, a réagi le délégué de la République de Corée.
La Commission a ensuite adopté deux projets de résolution sur le rapport de la Commission du droit international (CDI) sur les travaux de sa soixante et onzième session et sur les crimes contre l’humanité. À propos de ce dernier texte, la représentante de l’Autriche a, là encore, regretté « le manque d’ambition » de la Commission, notamment en vue de l’élaboration d’une convention sur la base des projets d’articles. Dans ce projet de résolution, l’Assemblée générale prendrait note du projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité présenté par la CDI.
Par un autre projet de texte consacré à la protection diplomatique, l’Assemblée générale inviterait les États Membres à formuler toute observation supplémentaire à propos de la recommandation de la CDI concernant l’élaboration d’une convention sur la base des articles élaborés à ce sujet.
Dans le projet de résolution sur le rapport du Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l’Organisation, l’Assemblée générale fixerait la prochaine session du Comité du 18 au 26 février 2020.
S’agissant de l’état de droit aux niveaux national et international, l’Assemblée générale engagerait le Secrétaire général et les organismes des Nations Unies à accorder un rang de priorité élevé aux activités relatives à l’état de droit. À ce propos, le représentant de la Syrie a tenu à prendre la parole pour condamner la création du Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises dans ce pays depuis mars 2011.
La Commission a ensuite adopté un projet de résolution sur la portée et l’application du principe de compétence universelle, par lequel l’Assemblée déciderait de créer un groupe de travail au sein de la Sixième Commission sur le sujet, et un projet de résolution sur les mesures visant à éliminer le terrorisme international, dans lequel les États Membres, l’ONU et les autres institutions internationales, régionales et sous-régionales seraient enjoints de mettre en œuvre « sans retard » la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies.
Les prises de parole ont été les plus nombreuses après l’adoption du projet de résolution sur le rapport du Comité des relations avec le pays hôte, par lequel l’Assemblée générale prierait « instamment » les États-Unis de lever toutes les restrictions aux déplacements imposées au personnel de certaines missions et aux fonctionnaires du Secrétariat ayant la nationalité de certains pays.
L’Assemblée se déclarerait en outre « gravement préoccupée » par la non-délivrance de visas d’entrée à certains représentants de certains États Membres et attendrait du pays hôte qu’il délivre rapidement des visas d’entrée aux représentants des États Membres et aux membres du Secrétariat, conformément à l’Accord de Siège.
Nous avons peu d’espoir que cette résolution soit appliquée, a déclaré le représentant de l’Iran, en dénonçant les restrictions « inhumaines » prises à l’encontre des délégations iranienne, cubaine et syrienne. La représentante de la Fédération de Russie a, elle, estimé que ce texte n’est qu’une « première étape », avant d’appeler le Secrétariat et le Président de la Commission à prendre des « mesures énergiques » pour que les visas soient octroyés.
« Mais où sommes-nous? Pourquoi ces restrictions n’ont-elles toujours pas été levées? » a lancé le représentant de la Syrie, en dénonçant le silence du Secrétariat sur cette question. Les représentantes de Cuba et du Venezuela ont également demandé la levée desdites restrictions.
En fin de séance, la Commission a adopté, au titre de la revitalisation des travaux de l’Assemblée générale, et sous forme de projet de décision, le programme de travail provisoire de sa soixante-quinzième session.
« La préservation de l’esprit de consensus qui a toujours régné au sein de cette Commission a été peut-être plus difficile que lors des années précédentes », a reconnu le Président, avant de clore les travaux de la Commission. Il a rappelé que cette recherche du consensus est un élément important afin que les résultats enregistrés dans le domaine du droit international jouissent du soutien de tous les États.
« Ce qui peut paraître, aujourd’hui, comme une absence de progrès ou un petit pas en avant peut, plus tard, avec le recul, être perçu comme un moment crucial pour le développement positif du droit international », a conclu M. Mlynár.
* A/C.6/74/L.3, A/C.6/74/L.4, A/C.6/74/L.5
DÉCISIONS CONCERNANT LES PROJETS DE RÉSOLUTION
Explications de position
Le droit des aquifères transfrontières (A/C.6/74/L.11)
Le représentant de l’Argentine s’est félicité du développement juridique concernant la protection et la gestion raisonnables des réserves d’eau pour les générations futures. Il a rappelé que l’Accord relatif à la gestion du système aquifère Guarani constitue le premier accord multilatéral d’Amérique du Sud sur la gestion de ces ressources en eau transfrontières entre le Paraguay, l’Uruguay, le Brésil et l’Argentine. Fondé sur la souveraineté des États concernés, cet accord constitue une avancée politique majeure et engage les parties à une coopération technique sur ces ressources.
Responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite (A/C.6/74/L.16)
Le représentant du Portugal a regretté que le projet de résolution perpétue le « statu quo » qui entrave les progrès sur cette question et ignore le point de vue de nombreuses délégations ainsi que les recommandations de la Commission du droit international (CDI) soutenant l’idée d’une convention. Il est essentiel d’approfondir ce projet d’articles a-t-il déclaré, en déplorant que cette instance ne soit « pas ouverte à la discussion », qu’elle exerce une « influence négative » sur cette question et se soustraie ainsi à ses obligations au regard de la Charte des Nations Unies. Le représentant s’est dit prêt à poursuivre les discussions sur le sujet.
L’état de droit aux niveaux national et international (A/C.6/74/L.13)
Le représentant de la République arabe syrienne a émis des réserves sur le paragraphe 3 du projet de résolution qui prend acte du rapport annuel du Secrétaire général sur le renforcement et la coordination de l’action des Nations Unies dans le domaine de l’état de droit, qu’il a jugé déséquilibré, et s’est fermement opposé à l’établissement du Mécanisme international, impartial et indépendant chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international commises en République arabe syrienne depuis mars 2011 et d’aider à juger les personnes qui en sont responsables. Le représentant a réitéré que l’Assemblée générale n’avait pas de mandat pour créer cet organe. Il a appelé l’ONU à rejeter les ressources destinées au Mécanisme et refusé que les informations collectées soient admissibles dans des procédures judiciaires futures. Arguant de plus que ce mécanisme constitue une menace pour le processus de paix en Syrie, le représentant a assuré que ce processus va se poursuivre en Syrie à l’aide de ses institutions nationales, « sans ingérence extérieure ».
La représentante de la Fédération de Russie a demandé le retrait des paragraphes concernant la Cour pénale internationale (CPI) et le Mécanisme international, impartial et indépendant dans le rapport du Secrétaire général. Le représentant de la République islamique d’Iran a souscrit à l’intervention de la Russie et de la Syrie.
Responsabilité pénale des fonctionnaires et des experts en mission des Nations Unies (A/C.6/74/L.14)
La représentante de la Finlande a regretté qu’un compromis plus ambitieux n’ait pas été trouvé s’agissant de ce projet de résolution.
Programme d’assistance des Nations Unies aux fins de l’enseignement, de l’étude, de la diffusion et d’une compréhension plus large du droit international (A/C.6/74/L.15)
Le représentant de la République de Corée a appelé le Comité consultatif pour le Programme d’assistance à trouver un équilibre entre continuité et renouvellement dans sa composition. Le remplacement des membres partants doit se faire de manière transparente.
Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa soixante et onzième session (A/C.6/74/L.20) et Crimes contre l’humanité (A/C.6/74/L.21)
La représentante de l’Autriche a regretté que la Commission du droit international ne se soit pas montrée plus ambitieuse, notamment en vue de l’élaboration d’une convention sur la base des projets d’article. Nous aurions également souhaité disposer de plus de temps, a-t-elle dit.
Rapport du Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l’Organisation (A/C.6/74/L.12)
Le représentant de l’Arménie a appelé le Comité spécial de la Charte à faire preuve de prudence face aux tentatives d’instrumentalisation de certaines délégations dudit comité afin d’assurer la propagation de leurs points de vue. Il a fermement objecté aux éléments de langage relatifs au conflit dans le Nagorno-Karabakh contenus dans le rapport.
Le représentant de l’Azerbaïdjan a indiqué que ces éléments de langage sont ceux-là même utilisés dans les résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale.
Rapport du Comité des relations avec le pays hôte (A/C.6/74/L.19)
Le représentant de l’Iran a dénoncé les restrictions « inhumaines » du pays hôte à l’encontre des délégations iranienne, cubaine et syrienne et jugé que la résolution n’est pas assez tournée vers l’action. Nous avons peu d’espoir qu’elle sera appliquée, même si ce texte demeure important, a-t-il dit.
La représentante de la Fédération de Russie a dit que cette résolution contient un appel direct à l’octroi de visas pour les membres de délégations participant aux travaux onusiens. Ce texte n’est qu’une première étape, a-t-elle estimé, en appelant le Secrétariat et le Président de la Commission à prendre des mesures énergiques pour que les visas soient octroyés. Dix-sept membres de ma délégation n’ont pas encore reçu de visas, a-t-elle rappelé.
Le représentant de la République arabe syrienne a dénoncé les restrictions du pays hôte, notamment les refus d’octroi de visas, et le « silence » du Secrétariat sur le sujet. « Mais où sommes-nous? Pourquoi ces restrictions n’ont-elles toujours pas été levées? » a-t-il lancé, avant de souligner le « devoir de neutralité » qui incombe au pays hôte.