Sixième Commission: les délégations critiquent le travail de la CDI sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État et entendent le Président de la CIJ
La Sixième Commission, chargée des affaires juridiques, a poursuivi, aujourd’hui, l’examen d’une seconde série de chapitres du rapport de la Commission du droit international (CDI), notamment l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, ce qui a valu à la CDI son lot de critiques de la part des délégations. La Commission a aussi entendu, ce matin, une allocution du Président de la Cour internationale de Justice (CIJ) sur les sources non écrites du droit international dans la jurisprudence de la Cour et leur utilisation « ingénieuse » par celle-ci.
D’emblée, la déléguée de la Roumanie a souligné la nécessité de clarifier les aspects procéduraux de cette question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État en vue de dissiper le soupçon de « politisation ». Les règles sur cette question constituent un mécanisme procédural destiné à assurer la stabilité dans les relations internationales, a-t-elle rappelé.
Le délégué de l’Argentine a estimé que les projets d’article sur le sujet contenu dans le rapport doivent avant tout établir un cadre commun pour les États et plaidé pour une approche « flexible ». Un vœu pleinement partagé par la déléguée de Singapour qui a souhaité qu’une marge d’appréciation et une flexibilité soient accordées aux États. Elle a, aussi, appelé de ses vœux l’établissement de mécanismes permettant des consultations entre l’État du représentant et l’État du for, un point de vue que le délégué de la République tchèque a rejeté. Entrant dans le détail de ces projets d’article, en particulier le projet d’article 7 relatif aux exceptions à l’immunité ratione materiae, la déléguée de Singapour a demandé des garde-fous pour que ces exceptions ne fassent pas l’objet d’une « application subjective ».
Le délégué de la France a rappelé que ces exceptions ne constituent pas des règles de droit international coutumier, faute d’une pratique des États et d’une opinio juris suffisantes. Si la France est favorable à l’élaboration d’un projet de convention, la déléguée israélienne a rejeté cette piste, en détaillant les désaccords de son pays avec les projets d’article, qui n’ont pas été adoptés cette année par le Comité de rédaction des projets, comme l’a noté la délégation d’Irlande.
« Le projet d’article 3 sur l’immunité ratione materiae indique que seule trois personnes, connue comme la Troïka –le chef de l’État, le chef du gouvernement et le ministre des affaires étrangères–, jouissent de cette immunité », a déclaré la représentante israélienne. Or selon le droit coutumier, la catégorie de représentants de l’État à en bénéficier est bien plus large.
Son homologue de la Slovaquie a aussi fait part de ses doutes sur le rôle trop important accordé au pouvoir judiciaire pour trancher les questions d’immunité dans ces projets d’article. L’élaboration de garanties procédurales n’a pas aidé à résoudre la divergence d’opinions, tandis que la pertinence pour le droit des immunités de nombreux projets d’article proposés et leur niveau de détail n’est pas évidente, a déclaré le représentant des Pays-Bas.
Le délégué néerlandais a, par conséquent, prié la CDI de réexaminer le sujet et de trouver un consensus sur ses notions fondamentales. « La question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État n’est pas seulement une question juridique, mais aussi une question politique, qui exige une recherche sur les pratiques des États », a résumé la représentante de l’Inde.
Le Président de la Cour internationale de Justice (CIJ), M. Abdulqawi Ahmed Yusuf, a commencé sa longue intervention en rappelant que la coutume internationale et les principes généraux de droit relèvent du droit non écrit. La Cour, loin de se contenter d’appliquer l’article 38 de son Statut, comme si cette disposition était gravée dans la pierre, a fait preuve de finesse pour prendre en compte les nouvelles donnes de la vie internationale.
Le Président, louant la rigueur et la créativité de la CIJ, a déclaré que la crainte de voir la Cour s’autoriser de sources non écrites pour verser dans la subjectivité dans l’identification des règles du droit, ne s’est pas vérifiée. En conclusion, M. Yusuf a exhorté tous les États à accepter la juridiction obligatoire de la Cour, seulement 74 États l’ayant fait jusqu’à présent.
La Commission doit reprendre ses travaux mardi 5 novembre, à 10 heures.
Allocution du Président de la Cour internationale de Justice (CIJ)
M. ABDULQAWI AHMED YUSUF, Président de la Cour internationale de Justice (CIJ), a centré son allocution sur les sources non écrites du droit international dans la jurisprudence de la CIJ. Il a indiqué que 16 affaires contentieuses sont pendantes devant la Cour concernant six États africains, six États asiatiques, neuf États américains et cinq États européens.
Le Président a rappelé le contenu de l’article 38 du Statut de la CIJ qui prévoit que la Cour, pour régler les différends qui lui sont soumis, applique les conventions internationales, la coutume internationale comme preuve d’une pratique générale acceptée comme étant le droit, et les principes généraux de droit. Les décisions judiciaires et la doctrine sont des moyens auxiliaires de détermination des règles de droit.
La coutume internationale et les principes généraux de droit relèvent du droit non écrit, a rappelé M. Yusuf. Il a déclaré que la Cour, loin de se contenter d’appliquer l’article 38 du Statut, comme si cette disposition était gravée dans la pierre, a fait preuve de finesse pour prendre en compte les nouvelles donnes de la vie internationale.
S’agissant du droit international coutumier, il a mentionné le tournant décisif marqué par l’arrêt rendu en 1969 dans les affaires du Plateau continental de la mer du Nord. La Cour s’est écartée de l’approche précédente consistant à accorder un poids important à la répétition de tel ou tel usage en vue de déterminer l’existence d’une règle du droit international coutumier. Elle a privilégié l’opinio juris, « c’est-à-dire la conviction juridique que l’acte considéré est prescrit par le sentiment que l’auteur aurait d’être tenu d’une obligation juridique ». Dans cet arrêt, la Cour a aussi soutenu que, loin de consister uniquement de leurs usages, la pratique des États pouvait également s’exprimer par les conventions multilatérales. Ce faisant, la Cour prenait en considération un développement majeur du siècle dernier: la multiplication de ces conventions.
M. Yusuf a rappelé que des notions telles que le jus cogens, le patrimoine commun de l’humanité et la zone économique exclusive ont fait leur entrée dans le droit international à la faveur de ces instruments multilatéraux. Enfin, dans l’arrêt précité, la CIJ a précisé que, sans même qu’une longue période se fût écoulée, une participation très large et représentative à une convention multilatérale pouvait suffire à générer des règles coutumières, à condition toutefois qu’elle comprît les États particulièrement intéressés.
Le Président a rappelé que la Cour, dans son avis consultatif Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie de 1971, a appliqué pour la première fois la conception de la contribution des résolutions de l’Assemblée générale à la naissance des règles du droit international coutumier. Dans son avis consultatif du 25 février dernier sur les « Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965 », la Cour a indiqué que la résolution 1514 (XV) a un caractère déclaratoire s’agissant du droit à l’autodétermination en tant que norme coutumière.
Se tournant vers les principes généraux du droit, le Président a indiqué que la Cour avait, à ce sujet, aussi fait montre « d’une louable ingéniosité juridique ». Il est possible de distinguer trois grandes catégories de principes généraux du droit, a-t-il dit. La première catégorie englobe les principes généraux du droit inhérents à tout ordre juridique, y compris l’ordre juridique international, tel que le principe de bonne foi. La deuxième catégorie sont les principes généraux qui découlent des règles de droit international positif, qualifiés par le Président de « principes généraux du droit international ». Certains d’entre eux, dont les principes de non-intervention ou de l’interdiction de l’emploi de la force, ont été reconnus par la Cour comme principes du droit international. La CIJ invoque d’autres principes généraux d’ordre moral normatif qui expriment des valeurs largement partagées, a-t-il poursuivi, en citant « les considérations élémentaires d’humanité, plus absolues en temps de paix qu’en temps de guerre » auxquels la Cour se réfère dans l’affaire du Détroit de Corfou de 1949.
Dans la troisième catégorie des principes généraux du droit, a indiqué M. Yusuf, entrent les principes généraux souvent issus de l’ordre juridique interne, essentiellement dans le domaine du droit procédural international. D’une manière plus générale, la Cour fait appel aux principes généraux afin d’assurer la cohérence de l’ordre juridique international, de combler les lacunes et de s’assurer que cet ordre fonctionne conformément aux attentes placées en lui, a-t-il expliqué.
Le Président, louant la rigueur et la créativité de la CIJ, a déclaré que la crainte de voir la Cour s’autoriser de sources non écrites pour verser dans la subjectivité, dans l’identification des règles du droit, ne s’est pas vérifiée. En conclusion, M. Yusuf a exhorté tous les États à accepter la juridiction obligatoire de la Cour, seulement 74 États l’ayant fait jusqu’à présent.
RAPPORT DE LA COMMISSION DU DROIT INTERNATIONAL SUR LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE ET ONZIÈME SESSION – (A/74/10)
Suite des déclarations sur les chapitres VI, VIII et X du rapport
Mme ALINA OROSAN (Roumanie) a souhaité une meilleure « systématisation » des projets de principe sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. Elle a insisté sur une meilleure « régulation » de la conduite des acteurs non étatiques au regard de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. « Nous devons progresser sur cette question, même si les entraves sont nombreuses, à commencer par la responsabilité de ces groupes », a-t-elle dit.
S’agissant de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, elle a souligné la nécessité de clarifier les aspects procéduraux de cette question en vue de dissiper le soupçon de politisation. Les règles gouvernant l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État constituent un mécanisme procédural destiné à assurer la stabilité dans les relations internationales et ne doivent pas être vues comme étant en conflit avec des normes impératives du droit international général (jus cogens). Elle a souhaité un libellé plus ouvert des projets d’article 8 et 9 afin de prendre en compte toutes les situations susceptibles de se produire en vertu des législations nationales.
Enfin, au sujet de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, Mme Orosan a souligné la nécessité d’évaluer les effets que les changements de délimitation côtière en raison d’une telle élévation peuvent avoir sur les zones maritimes.
M. RUSLAN VARANKOV (Bélarus) a fait valoir des différences de principe sur la question de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, précisant qu’en période de conflit la législation de l’État continue de s’appliquer, même s’il faut reconnaître que certaines dispositions ne peuvent être mises en œuvre. Le délégué a souhaité que les sociétés privées fassent preuve de « diligence raisonnable » et d’humanité en la matière. Il a jugé nécessaire d’étudier plus avant les normes régissant la protection de l’environnement pendant un conflit armé.
S’agissant de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, le délégué a noté un déséquilibre entre le droit international et les prérogatives de l’État qui avantage de ce dernier. Il a donc estimé que l’usage des canaux diplomatiques devrait être renforcé et que la détermination de l’immunité devrait rester l’apanage de l’exécutif. Par ailleurs, il a souhaité que les informations transmises par le pays de nationalité soient exploitées de bonne foi par le pays du tribunal. De plus, il a rappelé que l’option du jugement dans le pays de nationalité devait être mise en œuvre plus couramment.
Abordant la question de l’élévation du niveau des mers, M. Varankov a déclaré que cette question ne concernait pas l’humanité tout entière hormis pour les déplacements de population et les conséquences indirectes des réductions de territoires.
M. ANDREA TIRITICCO (Italie) a partagé l’approche holistique adoptée par la CDI sur la question de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, à l’intersection du droit international environnemental et du droit des conflits armés avant, pendant et après le déclenchement des hostilités. Il a également apprécié la partie concernant les situations d’occupation, puisque c’est dans ce contexte que les effets à long terme d’une présence militaire sur l’environnement se font souvent sentir. M. Tiriticco s’est félicité que la CDI ait fait une claire distinction entre la codification du droit international coutumier et le développement progressif. Selon lui, la question de l’impact des conflits armés sur l’applicabilité des accords internationaux relatifs à l’environnement devrait être davantage examinée et reflétée dans les projets de principe.
Au sujet de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, M. Tiriticco a apprécié l’articulation des aspects de procédure, notamment les questions d’invocation, de renonciation, de notification, d’échange d’informations et de consultation. À son sens, la partie III donne consistance à la coopération internationale en ce domaine, dont la nécessité de coopérer de bonne foi comme moyen de prévenir des différends internationaux. Il a, en revanche, émis des réserves sur le projet d’article 14 concernant le transfert de la procédure pénale de l’État du for à l’État du représentant, qui introduit un élément discrétionnaire pouvant créer une obligation de s’abstenir d’exercer sa compétence.
En ce qui concerne l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, M. Tiriticco a salué l’approche de la CDI sur cette question essentielle. Vu la complexité théorique et la nouveauté du sujet, l’Italie estime qu’un groupe de travail est le moyen le plus approprié de s’y atteler.
M. METOD SPACEK (Slovaquie) a fait part de ses hésitations, en termes conceptuels, à propos du projet d’articles sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. Selon lui, un ensemble de principes plus simple et plus concis, avec un clair contenu normatif, serait plus utile à la pratique des États. Malheureusement, les principes manquent de cohérence normative d’ensemble, a-t-il regretté, puisqu’ils consistent en un mélange de reformulations du droit international de l’environnement et du droit international humanitaire et de simples recommandations de lege ferenda. Il a conseillé de les revoir pour parvenir à un ensemble plus concis et mieux structuré d’articles. M. Spacek a ensuite fait des remarques sur quelques projets d’article, comme le principe 9 sur la responsabilité des États, dont le premier paragraphe pourrait entraîner une certaine confusion au regard de l’étendue des réparations pour tout dommage à l’environnement. Il n’a pas non plus jugé pertinent qu’un projet d’articles intègre la responsabilité des sociétés à cet égard.
En ce qui concerne l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, M. Spacek a regretté le manque de progrès depuis l’année dernière. Selon lui, les projets d’article sur les aspects procéduraux devraient refléter davantage la pratique des États. Comme la Rapporteuse spéciale, il a estimé que l’immunité devrait être prise en considération dès que les autorités compétentes de l’État du for sont au courant qu’un représentant étranger peut être touché par une procédure pénale. Quant à la détermination de l’immunité, M. Spacek a considéré que ce n’est pas nécessairement aux tribunaux de s’en charger. Les autorités de l’État du for devraient évaluer et décider proprio motu de l’immunité d’un représentant étranger, quel que soit le type d’immunité.
À propos de l’inscription du sujet de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international au programme de travail, M. Spacek a salué l’accord sur la composition, les méthodes et le programme du groupe d’étude.
Au sujet de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, M. FRANÇOIS ALABRUNE (France) a tenu à rappeler qu’il considère que les exceptions à l’immunité ratione materiae retenues dans le projet d’article 7 ne constituent pas des règles de droit international coutumier, faute d’une pratique des États et d’une opinio juris suffisantes. Il a appuyé le choix de la Rapporteuse spéciale de ne pas s’intéresser à la question de la relation entre le sujet à l’examen et les juridictions pénales internationales, estimant que l’étude du sujet irait au-delà du champ d’application du projet d’articles. Quant à la question de la forme finale que la CDI pourrait donner au résultat de ses travaux, la France est favorable à l’élaboration d’un projet de convention.
M. Alabrune a pris note de l’inscription à l’ordre du jour de la question de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, « sujet complexe et important pour notre avenir ». Il a toutefois exprimé ses interrogations à l’égard de la méthode de travail retenue, consistant à créer un groupe d’étude à composition non limitée, qui semble s’éloigner de la procédure ordinaire. Selon lui, cette formule risque « de nuire à la transparence des débats » puisqu’elle a comme conséquence que les travaux ne sont pas publics. Pour un sujet d’une telle importance pour les États, en particulier insulaires, et dont les ramifications pour le droit international sont multiples, M. Alabrune a jugé important d’associer pleinement la Sixième Commission aux travaux de la CDI, surtout lorsqu’ils concernent un sujet émergent sur lequel la pratique des États et l’opinio juris n’ont pas encore eu le temps de s’établir clairement.
Concernant le sujet de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, la France procèdera à un examen très attentif de l’ensemble des principes et adressera à la Commission ses commentaires et observations pour le 1er décembre 2020.
À propos de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, Mme MARIA TELALIAN (Grèce) a souhaité que l’on modifie le projet de principe 2 pour insister sur les mesures de prévention destinées à réduire au minimum ou à « éviter » les dommages infligés à l’environnement durant un conflit armé, car les mesures préventives ne devraient pas se borner à réduire les dommages éventuels. Quant à la protection des zones présentant un intérêt environnemental particulier, mentionnée aux principes 4 et 17, elle devrait, à ses yeux, inclure des sites protégés par des décisions d’organisations créées par traité, comme la Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel de l’UNESCO. Par ailleurs, la déléguée a approuvé la clarification apportée au projet de principe 18 sur l’interdiction du pillage, qui étend cette interdiction aux situations d’occupation. Elle a, par ailleurs, demandé que l’on ajoute l’interdiction de reconnaissance de situation d’occupation et de relations économiques ou autres relations avec la Puissance occupante.
S’agissant de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, Mme Telalian a jugé que ce sujet ne se prête pas encore à une codification en raison du manque de pratique des États. Elle s’est dite préoccupée que cela remette en question des règles établies du droit de la mer reflétés par Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et par la jurisprudence de la Cour permanente d’arbitrage (CPA) qui confirme le principe selon lequel la stabilité des frontières maritimes ne peut être affectée par les changement climatiques.
Mme CHUNG YOON-JOO (Singapour) a salué l’adoption en première lecture des projets de principe sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. S’agissant de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, elle a souligné la nécessité de garde-fous afin de s’assurer que les exceptions à l’immunité ratione materiae ne fassent pas l’objet d’une application subjective. Alors que la clarté dans ce domaine du droit est bienvenue, une marge d’appréciation et une flexibilité doivent être accordées aux États afin de régler les questions relatives à ladite immunité. Des mécanismes permettant des consultations entre l’État du responsable et l’État hôte seraient utiles en cas de développements imprévus, a-t-elle dit.
Enfin, s’agissant de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, question cruciale pour son pays, la déléguée a espéré que le comité formé sur le sujet sera, dans sa composition, représentatif de toutes les régions du monde.
Mme PELKIO (République tchèque) a salué l’adoption des projets de principe sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, sujet d’une grande pertinence. La déléguée a souligné la nécessité de faire en sorte que les acteurs non étatiques mettent en œuvre le droit international humanitaire dans ce contexte.
S’agissant de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, Mme Pelkio a invité la CDI à se concentrer sur les aspects procéduraux de cette question. Elle a, en revanche, rejeté la création de toute nouvelle obligation procédurale, ainsi que la suggestion d’inclure dans les projets d’article un mécanisme pour le règlement des différends entre l’État du représentant et l’État hôte. Elle a appelé à un examen plus approfondi de l’application de l’immunité ratione materiae en lien avec les traités qui prévoient une compétence pénale extraterritoriale pour des crimes commis par des représentants de l’État.
Quant à l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, la déléguée tchèque a indiqué que ce sujet crucial est « de nature technique » et devrait donc être plutôt étudié au sein de fora d’experts et de scientifiques.
Sur le chapitre de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, M. FARKHOD AZIMOV (Ouzbékistan) a rappelé le principe de l’égalité souveraine des États pour noter sa préoccupation face aux exceptions apportées à l’immunité qui vont à l’encontre de ce principe. Aucune tendance dans la pratique des États ne vient justifier d’exceptions. L’immunité, a-t-il insisté, provient d’une règle du droit international coutumier et ne peut être abolie que par une autre règle coutumière. Un rejet infondé de l’immunité sape les bases de l’état de droit et peut donner lieu à des procédures motivées par des raisons politiques. Le représentant a rappelé que l’immunité d’un représentant de l’État ne constitue pas son immunité personnelle mais celle de l’État qu’il représente. Toutefois, a-t-il précisé, ce point de vue ne déroge pas au principe de l’inévitabilité de la peine pour les personnes coupables de délits.
Au sujet de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, M. RENÉ LEFEBER (Pays-Bas) s’est félicité des questions abordées dans le deuxième rapport concernant les conflits armés non internationaux, ainsi que de l’approche ratione materiae du Rapporteur spécial. Il a également salué les efforts déployés pour préciser quelle partie des principes est considérée comme reflétant le droit international coutumier. Toutefois, il a demandé des éclaircissements supplémentaires sur le choix de la référence générale au conflit armé et sur le fait que les principes ne sont pas seulement censés refléter le droit international coutumier.
À propos de l’immunité de juridiction pénale des représentants de l’État, s’associant à d’autres délégations, M. Lefeber s’est inquiété de ce que les projets d’article proposés jusqu’à présent ne soient pas suffisamment fondés sur une pratique et une opinio juris étendues et pratiquement uniformes. Les discussions au sein de la Commission démontrent l’absence de consensus sur la voie à suivre, a-t-il souligné. L’élaboration de garanties procédurales n’a pas aidé à résoudre la divergence d’opinions. En outre, la pertinence pour le droit des immunités de nombreux projets d’article proposés et leur niveau de détail n’est pas évidente, a poursuivi le représentant. Il a regretté que la Commission ait inclus une liste de crimes dans le but de définir les exceptions à l’immunité. En conclusion, il a prié la CDI de réexaminer le sujet et de trouver un consensus sur les notions fondamentales sur lesquelles repose l’immunité de juridiction pénale des représentants de l’État avant d’élaborer ou d’adopter un projet d’articles.
Passant au sujet de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, M. Lefeber a appuyé l’inclusion de ce sujet dans le programme de travail de la CDI. Cependant, a-t-il dit, ce sujet soulève des questions complexes qui touchent à l’État, au droit de la mer et à la protection des personnes. Des recherches plus approfondies sont nécessaires, car la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer pourrait ne pas être équipée pour traiter de ces questions. « La mer donne, et la mer prend », a-t-il observé, citant le personnage principal d’une célèbre pièce néerlandaise. Pour leur part, les Pays-Bas continueront à partager leurs expériences séculaires de lutte contre l’eau en cette période d’élévation du niveau de la mer, a-t-il déclaré.
Par ailleurs, au titre des « autres décisions et conclusions de la Commission », les Pays-Bas réitèrent leur appel à la CDI pour qu’elle inscrive à son ordre du jour le sujet du règlement des différends de droit privé auxquels des organisations internationales sont parties.
Mme SARAH WEISS MA’UDI (Israël) a rappelé que l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État est un principe enraciné en droit international, et « pour des bonnes raisons ». L’immunité a été développée pour protéger la souveraineté et l’égalité des États, une raison toujours valable aujourd’hui. Certains des projets d’article sur le sujet ne reflètent pas le droit international, a-t-elle dit, en particulier le projet d’article 3 relatif à l’immunité ratione materiae et le projet d’article 7 relatif aux exceptions à l’immunité ratione materiae. L’article 3 indique que seule trois personnes, connues comme la troïka –le Chef d’État, le Chef de Gouvernement et le Ministre des affaires étrangères– jouissent de cette immunité. Or, selon le droit coutumier, la catégorie de représentants de l’État à en bénéficier est bien plus large. Les exceptions retenues au projet d’article 7 ne constituent pas des règles de droit international coutumier, faute d’une pratique des États et d’une opinio juris suffisantes, a-t-elle dit, en demandant sa suppression. Elle a aussi fait part de ses doutes sur le rôle trop important accordé au pouvoir judiciaire pour trancher les questions d’immunité dans ces projets d’article. Les États ont appris à travers leur histoire que toute présomption de défaut d’immunité ouvre la porte aux abus et sert de tremplin pour circonvenir au principe d’immunité de juridiction pénale. À cette aune, elle s’est dite défavorable à l’élaboration d’un projet de convention.
M. MICHAL KOWALSKI (Pologne), dans ses commentaires sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, a affirmé que les autorités compétentes de l’État doivent décider proprio motu de l’application de l’immunité à tous les représentants qui en bénéficient, sans distinction. Concernant l’article 11 paragraphe 4, qui stipule que « par renonciation expresse, on entend une renonciation pouvant se déduire de manière claire et sans équivoque d’un traité international auquel sont parties l’État du for et l’État du représentant », il a douté que la disposition d’un tel traité puisse être interprétée comme une exemption implicite ou expresse.
S’agissant de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, M. Kowalski a reconnu l’importance du sujet pour de nombreux États. Il n’y a toutefois pas une grande pratique des États ni beaucoup de jurisprudence en la matière. Le représentant a donc appelé la CDI à la prudence dans la formulation de ses points de vue, citant une récente résolution de l’Association de droit international qui déclare que toute proposition dans ce domaine doit faciliter des relations ordonnées entre États et la prévention des conflits, gardant à l’esprit que l’une des principales motivations de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer est le maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Mme UMA SEKHAR (Inde) a noté que la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État n’est pas seulement une question juridique, mais aussi une question politique, qui exige une recherche sur les pratiques des États. Au sujet du projet d’article 14 sur le transfert de la procédure pénale à l’État du représentant, elle a jugé qu’il faudrait prévoir un tel transfert « par » l’État du représentant.
En ce qui concerne l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, Mme Sekhar a souligné que ce phénomène résulte du réchauffement planétaire, et qu’il soulève, par la submersion de territoires, de complexes problèmes de souveraineté et d’accès aux ressources naturelles. Elle a préconisé que le droit international se concentre sur la question du déplacement et de la subsistance de millions d’habitants des zones côtières. L’Inde, a-t-elle signalé, a lancé la « Global Coalition for Disaster Resilient Infrastructure » - pour la coopération en matière d’infrastructures résistantes aux changements climatiques et aux catastrophes naturelles.
Enfin, abordant la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés non internationaux, elle a souhaité que les projets de principe n’interfèrent pas avec les obligations résultant d’autres conventions existantes tels les règlements de la Haye de 1907, la Convention de Genève sur la protection des civils en temps de guerre et le Protocole additionnel aux Conventions de Genève de 1977.
S’agissant de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, M. MARIO OYARZABAL (Argentine) a indiqué que la complémentarité entre le droit applicable dans les situations d’occupation et d’autres sphères du droit international mériterait d’être abordée avec prudence, en particulier en ce qui concerne la responsabilité de l’État. L’Argentine, a-t-il précisé, approuve le principe de « souveraineté permanente sur les ressources naturelles », ce qui implique que leur gestion et utilisation par une puissance occupante doit connaître des limitations.
Pour ce qui est de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, M. Oyarzabal a jugé que les projets d’article doivent apporter des règles procédurales établissant un cadre commun pour les États au moment où ils inscrivent des normes sur l’immunité dans leurs législations nationales. Considérant comme équilibrées les garanties respectives de l’État du for et l’État du représentant, l’Argentine suggère pourtant une approche plus flexible pour l’invocation de l’immunité par l’État du représentant, en particulier quand un régime procédural restreint excessivement la marge de manœuvre de cet État.
En ce qui concerne l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le délégué argentin a attiré l’attention sur les conséquences de ce phénomène sur les lignes de base déterminant les espaces maritimes, et sur le problème de l’existence internationale d’un pays qui serait totalement inondé. Il a demandé que les conséquences humanitaires de ce phénomène bénéficient d’une approche fondée sur le droit international des droits de l’homme.
M. JAMES KINGSTON (Irlande) a noté qu’aucun des projets d’article au sujet de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État n’a été adopté cette année par le Comité de rédaction des projets. Dans l’attente, il a salué la reconnaissance du besoin de garde-fous procéduraux pour éviter une utilisation politique ou abusive des juridictions pénales contre des représentants de l’État. Il a également apprécié que les projets d’article se focalisent sur la consultation et la communication entre l’État du for et celui du représentant. M. Kingston s’est dit intéressé par des propositions relatives à des mécanismes de règlement des différends, qui pourraient faire partie de tel garde-fous.
En ce qui concerne l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le représentant s’est félicité de son intégration au programme de travail à long terme. Il l’a jugé très à propos au vu des défis environnementaux auxquels sont confrontés les États de faible altitude et les petits États insulaires et a appuyé la proposition de créer un groupe d’étude pour examiner en profondeur ce sujet.
M. ABBASS BAGHERPOUR (République islamique d’Iran) s’est félicité que la Rapporteuse spéciale sur le sujet de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés ait mis l’accent, dans son deuxième rapport, sur la responsabilité des acteurs étatiques et non étatiques et sur la protection des ressources naturelles. Il a réitéré que les projets de principe devraient être simplement limités aux conflits armés internationaux car leur application aux conflits non internationaux comporte, d’un point de vue technique, des difficultés dans la description des obligations des acteurs non étatiques. Sur la question des zones protégées, il a dit comprendre qu’elle vise à combler les lacunes dans le droit international humanitaire concernant la protection de l’environnement. Quant à l’exclusion des plateformes et autres installations pétrolières, elle est en contradiction avec les objectifs de protéger l’environnement. S’agissant de la définition de l’environnement, M. Bagherpour a fait observer que les ressources naturelles ne sont pas limitées aux ressources minérales, mais qu’elles comprennent également d’autres ressources de grande valeur, comme l’eau. Il a ajouté que l’exploitation illégale des ressources dans des territoires occupés par la Puissance occupante altère gravement l’environnement et que le principe d’interdiction du pillage s’applique dans les cas d’occupation, et pendant ou après les conflits armés.
En venant à l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, M. Bagherpour a jugé que le projet d’article 7 est l’un des plus controversés d’un point de vue méthodologique et substantiel. Il a estimé que les procédures de sauvegarde ne règlent pas les vices de forme de cet article, qui ne bénéficie pas d’une pratique des États suffisante et représentative. Le représentant a réitéré que les débats sur les questions de procédure sont essentiels pour veiller à ce que les immunités soient respectées afin de sauvegarder la stabilité des relations internationales ainsi que le respect de l’égalité souveraine des États. Pour lui, la CDI devrait se concentrer sur la nécessité d’établir des garde-fous procéduraux pour éviter la politisation et l’abus de juridiction pénale en ce qui concerne les représentants de l’État. En d’autres termes, elle doit trouver l’équilibre entre le principe d’égalité souveraine des États et la lutte contre l’impunité pour les crimes internationaux les plus graves, ce que ne font pas les projets d’article. Enfin, le concept de renonciation « claire » et « expresse » à l’immunité exige davantage d’élaboration, selon M. Bagherpour. Il a estimé que la renonciation est le droit exclusif des États souverains.
M. ELSADIG ALI SAYED AHMED (Soudan) a estimé que l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État touche à deux principes de droit fondamentaux: l’immunité et la souveraineté de l’État. L’immunité est de nature procédurale, mais elle n’éteint pas la responsabilité pénale qui reste entière. Le représentant a noté que l’immunité des représentants de l’État est admise par la communauté internationale, mais que l’immunité des États ne fait pas l’unanimité. Il s’est interrogé sur la pertinence des régimes spéciaux qui permettrait à une personne ne bénéficiant pas de l’immunité de l’invoquer au nom d’un régime spécial, par exemple en sa qualité de militaire. Il a aussi évoqué la capacité du Conseil de sécurité de décider de lever une immunité.
Pour la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, le délégué a rappelé, là encore, que la souveraineté de l’État doit l’emporter sur le droit régissant les ressources naturelles et les droits des personnes. Il a approuvé le projet de principe interdisant le pillage des ressources naturelles et marqué un intérêt particulier pour la protection de l’environnement dans les zones où sont accueillies les personnes déplacées par un conflit.
M. MICHAEL IMRAN KANU (Sierra Leone) a relevé, au sujet des 28 projets de principe relatifs à la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, qu’ils contiennent des dispositions de valeur normative variée, certains reflétant le droit international coutumier, tandis que d’autres sont des recommandations non contraignantes. Il a partagé les doutes de la Rapporteuse spéciale sur l’intérêt de qualifier les conflits selon leur nature internationale ou non, étant donné que l’environnement n’est pas limité territorialement. Concernant le principe 8, qui se réfère aux déplacements de population, M. Imran Kanu a apprécié la recommandation appelant les États, les organisations internationales et d’autres acteurs pertinents à prendre des mesures appropriées pour prévenir et atténuer la dégradation de l’environnement dans les zones où se trouvent des personnes déplacées par un conflit, mais il a relevé qu’aucune définition du déplacement n’est fournie. Par ailleurs, il a réitéré sa proposition d’ajouter au programme de travail « les conséquences juridiques découlant de l’utilisation d’armées privées, ou de l’implication d’entreprises multilatérales, ou de l’utilisation d’agences de sécurité privées dans les conflits internes ».
Au sujet de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, M. Imran Kanu a indiqué que la Sierra Leone procèdera à un examen très attentif de cet important sujet à l’issue de la première lecture. En attendant, le représentant a estimé que la CDI devrait trouver un équilibre entre les impératifs de souveraineté et le principe de responsabilité, en particulier pour les crimes les plus graves. Il a apporté son soutien à l’adoption des projets d’article concernant l’immunité ratione personae et l’immunité rationae materiae, tout en soulignant néanmoins qu’il existe une possibilité d’abus émanant de l’article 7, raison pour laquelle la CDI devrait être vigilante sur les procédures de sauvegarde.
Quant au sujet de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, M. Imran Kanu s’est félicité qu’il ait été ajouté au programme de travail de la CDI et a salué la création du groupe d’étude.
Au sujet de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, M. CARLOS JIMENEZ PIERNAS (Espagne) a réitéré sa conviction qu’il ne devrait pas être possible à un représentant de l’État dont le mandat a expiré de requérir l’immunité ratione materiae pour les crimes énumérés dans le projet d’article 7, incluant le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, le crime d’apartheid, la torture et les disparitions forcées. De plus, en ce qui concerne la détermination de l’immunité, le délégué a déclaré que les cours de justice de l’État du for devraient être compétentes pour en décider, en particulier dans un pays respectant l’état de Droit comme l’Espagne qui garantit les droits de toute personne comparaissant devant ses tribunaux. M. Jimenez Piernas a ensuite approuvé le projet d’article 10, paragraphe 6, qui stipule que les organismes compétents pour déterminer l’immunité doivent le faire motus primo sans que l’État du représentant la demande nécessairement. Il a par ailleurs approuvé les garanties procédurales incluses dans les projets d’article, en particulier l’obligation de l’État du for d’informer l’État du représentant de sa détention. En conclusion, il a rappelé le besoin d’un traité international sur ce sujet afin d’apporter une plus grande certitude dans les règles du droit international.
M. GALINDO (Brésil) a salué l’adoption, en première lecture, des projets de principe sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. Il a souhaité davantage de clarté sur la valeur normative de ces projets, nombre d’entre eux semblant plutôt être des recommandations.
S’agissant de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, le délégué brésilien a invité la CDI à achever ses travaux, en prenant dûment en considération les suggestions des États Membres. Enfin, sur l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, question complexe, le délégué a espéré que le comité formé sur le sujet mènera ses travaux avec soin.
Saluant l’adoption, en première lecture, des projets de principe sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, Mme NORRIS (Australie) a demandé plus de détails sur les principes qui reflètent le droit international et sur ceux qui sont des recommandations.
Les projets d’article sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État doivent émaner de la pratique des États et d’une opinio juris, a poursuivi la déléguée australienne. « Quand la CDI avance une proposition qui ne reflète pas le droit, cette proposition doit être identifiée en tant que telle. » Le projet d’article 7 relatif aux exceptions à l’immunité ratione materiae ne reflète pas la pratique des États, a-t-elle dit. Enfin, s’agissant de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, elle a appuyé l’approche de la CDI consistant à puiser dans la pratique des États concernant la délimitation des zones maritimes.
M. MULALAP (États fédérés de Micronésie) a dit que les dirigeants des îles du Pacifique se sont engagés à œuvrer de concert pour faire en sorte qu’une fois que les zones maritimes d’un pays du Pacifique sont conformes à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, ces zones ne puissent être ni contestées ni réduites à cause de l’élévation du niveau de la mer et des changements climatiques. C’est un moyen juste et équitable d’atténuer les effets de l’élévation du niveau de la mer induite par les changements climatiques sur des États spécifiquement touchés, tels que la Micronésie, que les rédacteurs de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer n’ont pas anticipés, a insisté le représentant.
La Micronésie travaillera avec le reste du Pacifique pour contribuer aux travaux de la CDI sur ce sujet, notamment en formulant des observations aux niveaux régional et national, a assuré M Mulalap. La Micronésie a déposé, la semaine dernière, des cartes et la liste des coordonnées géographiques de toutes ses zones et lignes de base maritimes, ainsi que ses traités de délimitation maritime auprès du Secrétaire général, conformément à ses obligations en vertu de la Convention sur le droit de la mer et de la Charte des Nations Unies.
Sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, M. SINGTO (Thaïlande) a exprimé le soutien de sa délégation au projet de principe 25 sur l’évaluation de l’environnement et les mesures de remise en état après un conflit armé, qui prône la coopération des acteurs concernés y compris les organisations internationales comme le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), l’UNESCO et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). L’engagement de tels acteurs permettrait de déterminer les mesures préventives et réparatrices les plus appropriées, notamment dans les plans de développement des pays concernés. Il a également apprécié que le texte des projets de principe reconnaisse la dépendance des populations vis-à-vis de leur environnement, pour leur survie et leur bien-être, à la fois en temps de paix et en temps de conflit.
S’agissant de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, M. Singto a insisté sur la nécessité de trouver le bon équilibre entre l’immunité et la lutte contre l’impunité quand des représentants officiels sont concernés. À cet égard, il a jugé que les projets d’article 8 à 11 clarifient un certain nombre de points et établissent une distinction claire entre considération, détermination, invocation et renonciation à l’immunité. En outre, ces éléments de procédure sont utiles pour maintenir de bonnes relations entre les États et protéger leurs intérêts, tout en encourageant la communication et la coopération entre l’État du for et l’État de la personne incriminée. Pour la Thaïlande, a-t-il poursuivi, le principe de l’égalité souveraine entre États doit être respecté: par conséquent, l’État du for est compétent pour décider si l’immunité peut, ou non, être invoquée.
Enfin, le représentant thaïlandais a reconnu que le sujet de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international doit être traité rapidement, car ce phénomène va impacter les territoires et le droit maritime et aura des répercussions sur les accords frontaliers. Il a notamment estimé que les États ne devraient pas pouvoir invoquer le principe de changement radical et imprévisible de circonstances, tel que prévu par l’article 62 de la Convention de Vienne sur le droit des traités pour se retirer de certains accords quand il s’agit des frontières maritimes garanties par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.
Mme SUSANA VAZ PATTO (Portugal) a salué l’adoption, en première lecture, des projets de principe sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. Elle a noté la référence faite aux acteurs non étatiques et le caractère équilibré de ces principes.
S’agissant de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, la déléguée a souligné la nécessité de parvenir à un équilibre entre politisation de cette question et respect des droits des victimes. Commentant le projet d’article 9, elle a indiqué que seul le pouvoir judiciaire dans son pays a compétence pour déterminer une immunité. Elle a demandé à la CDI de prendre une position claire sur la forme finale à donner aux textes. Enfin, s’agissant de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, la déléguée a salué la formation d’un groupe d’étude sur le sujet.
M. PABLO ADRIÁN ARROCHA OLABUENAGA (Mexique) a jugé très utiles les travaux de la CDI concernant les obligations des acteurs non étatiques en matière de protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. Il a jugé bon de rappeler la définition que donne l’Association de droit international du terme acteurs non étatiques, à savoir que ces derniers n’incluent pas les « organismes organisés illégaux et illégitimes ». Par ailleurs, le représentant a jugé bon de garder en mémoire les travaux de la CDI sur la responsabilité de l’État, s’agissant notamment des mécanismes pouvant entraîner une réparation au titre du projet de principe 9. Ce dernier postule en effet qu’un fait internationalement illicite d’un État en rapport avec un conflit armé qui cause des dommages à l’environnement engage la responsabilité internationale de cet État, qui a l’obligation de réparer intégralement ces dommages, y compris les dommages à l’environnement lui-même.
Le représentant mexicain a, par ailleurs, appuyé le principe visant à déclarer une zone d’importance environnementale et culturelle majeure « zone protégée par accord », ce qui la protègerait contre toute attaque, aussi longtemps que ne s’y trouve aucun objectif militaire. Dans le même ordre d’idées, il a salué le principe établissant l’obligation pour les États de prendre des mesures appropriées pour protéger l’environnement des territoires habités par des peuples autochtones, dans le respect de leurs coutumes et institutions, comme le préconise le principe 5. Il a enfin estimé que les États avaient la responsabilité première de prendre les mesures qui s’imposent sur les plans législatif, administratif et judiciaire en matière de protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés.
S’agissant de la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, M. Arrocha a noté que les États interprétaient de manière différente l’immunité de juridiction pénale, ce qui justifie, selon lui, d’inscrire ce thème au programme de travail de la CDI. Il a appelé à trouver un équilibre entre la prérogative de chaque État de définir ses propres règles concernant l’immunité et la lutte contre l’impunité, compte tenu également des règles élémentaires de la diplomatie bilatérale. Par ailleurs, le représentant a salué la CDI pour ses travaux concernant l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international.
S’agissant de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, Mme PINO RIVERO (Cuba) a encouragé les États Membres à travailler à la reconnaissance internationale de l’incompatibilité des armes nucléaires avec le droit humanitaire international, avant de demander que l’on érige en principe la responsabilité des États qui recourent à la force pour les dommages causés à l’environnement. Elle a précisé qu’il appartient aux États d’assurer par leurs institutions la protection de l’environnement en période de conflit, citant les Lois de défense nationale cubaines.
Sur la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, la déléguée cubaine a attiré l’attention sur l’équilibre entre les intérêts juridiques fondamentaux, comme le respect de l’égalité souveraine des États, la nécessité de combattre l’impunité au regard du droit international, et la protection des représentants de l’État contre l’exercice de la justice à « des fins politiques ». À ce propos, elle a rappelé que le code pénal cubain accorde une exception à l’extradition uniquement dans le cas d’immunité ratione personae et quand les personnes sont poursuivies pour avoir combattu l’impérialisme, le colonialisme, le néocolonialisme, le fascisme, le racisme, ou pour avoir défendu les principes démocratiques et les droits des travailleurs. En ce qui concerne l’immunité ratione materiae, la loi cubaine n’établit pas d’immunité des représentants de l’État en raison du principe de l’égalité de tous les citoyens devant la loi.
Au sujet de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, Mme PACAS (El Salvador) a demandé de ne pas oublier le caractère de bien public transnational et même universel de l’environnement. Elle a jugé préoccupant qu’une attaque contre l’environnement ne soit acceptée comme telle que lorsque l’environnement s’est converti en « objectif militaire ». Sur les principes applicables en situation d’occupation, la délégation a demandé d’éclaircir la définition du terme « occupation ».
S’agissant de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, la délégation a partagé l’importance de compter sur un consensus pour déterminer le moment où la question de l’immunité devrait être examinée. En ce qui concerne la nécessité de garder un équilibre entre le principe d’égalité souveraine des États et la lutte contre l’impunité, elle a reconnu qu’il est essentiel de considérer, dans les exceptions à l’immunité, la commission présumée de crimes graves contre l’humanité. Pour l’avenir, la représentante salvadorienne a considéré que la question de l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État est encore dans une phase trop prématurée pour décider d’élaborer ou non un traité ou un projet de convention en la matière.
Sur la question de la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés, M. BORUT MAHNIC (Slovénie) a estimé que, dans le cadre du projet de principe 1 -champ d’application-, la protection de l’environnement devait s’appliquer aux conflits à la fois internationaux et non internationaux. Or, a-t-il déclaré, une analyse comparative des cadres juridiques pour les deux types de conflits armés montre que la protection de l’environnement en rapport avec les conflits non internationaux est insuffisante. « Étant donné la prévalence de ces conflits au sein de la communauté internationale, une mise à jour de ces règles est non seulement bienvenue, mais également nécessaire », a-t-il estimé.
M. Mahnic a jugé de la plus haute importance que les soldats de la paix respectent le principe 7 -opérations de paix- aussi bien dans la planification que lors des phases opérationnelles, afin de tenir compte de l’impact des opérations de paix sur l’environnement et de prendre des mesures appropriées pour prévenir, atténuer et réparer leurs conséquences dommageables à l’environnement. Il a également mis l’accent sur le principe 11 -responsabilité des sociétés- qui oblige les États à prendre des mesures législatives et autres appropriées pour que les sociétés et autres entreprises commerciales qui opèrent sur leur territoire ou à partir de leur territoire puissent être tenues responsables des dommages qu’elles causent à l’environnement, notamment en ce qui concerne la santé humaine. Quant au principe 18 -interdiction du pillage–, il est d’autant plus important qu’un certain nombre de guerres qui se sont produites dans les années 1990 avaient trait à des luttes pour le contrôle de ressources naturelles.
M. Mahnic a salué la prise en compte, dans le principe 23 -processus de paix-, de la rédaction d’accords de paix modernes qui incluent déjà des dispositions sur les dommages environnementaux. « Il faut prendre en considération le fait que l’intensité des conflits d’aujourd’hui et les types d’armes modernes nuisent fortement à l’environnement », a-t-il indiqué. Après les conflits, les parties devraient en outre s’efforcer d’enlever ou de neutraliser les restes de guerre toxiques et dangereux se trouvant sous leur juridiction ou leur contrôle, a poursuivi le représentant, en référence au principe 27.
Passant ensuite à la question de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, le représentant slovène a appuyé la décision de la CDI d’inclure ce thème à son programme de travail. L’accélération de ce phénomène en raison des changements climatiques ne fait aucun doute, a-t-il affirmé, précisant que cette évolution affectait les communautés de manière variée et complexe, à commencer par la dévastation des cultures côtières. Au vu de l’ampleur des effets de l’élévation du niveau de la mer, notamment sur les États insulaires, et des dilemmes juridiques occasionnés par le phénomène, le représentant a appelé à élaborer rapidement des solutions universelles. De ce point de vue, il a estimé que les travaux de la CDI sur le sujet permettraient de guider efficacement l’action des États.
Mme MINE OZGUL BILMAN (Turquie) a déploré l’ambiguïté de certains articles sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État, en particulier sur les moyens de communication acceptés par les États concernés. Elle a par ailleurs noté l’adoption, en première lecture, des projets de principe sur la protection de l’environnement en rapport avec les conflits armés. Elle a souhaité l’ajout d’un principe sur la non-destruction des installations hydrauliques. Enfin, elle s’est félicitée de l’inscription de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international dans le programme de la CDI.