Deuxième Commission: les délégations réclament le soutien de l’ONU pour combler une fracture numérique qui s’agrandit
Le développement des nouvelles technologies dope la croissance de pays de toutes catégories, et à l’issue de cette journée de débats à la Deuxième Commission (questions économiques et financières) consacrée aux technologies de l’information et des communications (TIC) au service du développement durable, le matin, et aux groupes de pays en situation particulière, l’après-midi, il est ressorti que tous les pays du monde souhaitent se convertir ou persévérer dans l’industrie numérique. Mais tous ne partent pas avec les mêmes cartes en main. Les délégations ont ainsi réclamé le soutien de la communauté internationale pour combler la fracture numérique qui s’agrandit.
L’impact des TIC sur le développement durable est profond, transversal. De nouvelles technologies émergent. De l’Internet des objets à l’intelligence artificielle en passant par la chaîne de blocs ou la 5G, qui ont un grand potentiel d’innovation dans des domaines tels que la santé, les services financiers, l’éducation, l’agriculture, l’énergie et les transports, dans des villes et villages intelligents. Elles seront essentielles pour la réalisation de chaque objectif de développement durable, a assuré Ursula Wynhoven, de l’Union internationale des télécommunications (UIT).
Le Mexique s’est alarmé que la moitié de la population mondiale n’ait pas accès à Internet, et, rejoignant Shamika Sirimanne, Directrice de la Division de la technologie et de la logistique à la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), que les nouvelles technologies aient le potentiel d’augmenter les inégalités entre les sexes, du fait de la moindre représentativité des femmes dans ce secteur, et de leur surreprésentation dans des emplois menacés à terme par l’automatisation et la robotisation.
En outre, les TIC sont moins présentes en Afrique que dans d’autres régions. Moins de 25% de la population subsaharienne utilise actuellement Internet. Les pays les moins avancés (PMA) ainsi que le Groupe des 77 et la Chine ont donc invité les pays à coopérer entre eux afin de réaliser le plein potentiel socioéconomique des technologies numériques, notamment en réduisant la fracture numérique, puisque la moitié de la planète a un accès limité ou pas d’accès à Internet.
Pour d’autres délégations, les TIC sont une opportunité sans pareille. La CARICOM a expliqué comment ces technologies sont une chance pour faire face au défi de leur petite taille et de leur éloignement des marchés.
Le Maroc a créé des « technoparcs » dans ses grandes villes pour fournir un espace de développement aux start-ups du royaume, tandis que le Gouvernement nigérian a adopté une feuille de route des TIC afin d’améliorer les infrastructures, la qualité des services fournis, la pénétration et la sécurité du haut débit, avec également un soutien au e-commerce. Quant au Nigéria, plus grand marché des TIC d’Afrique avec 29% des usagers d’Internet, il compte créer 2,5 millions d’emplois d’ici à 2020 dans le secteur des TIC, actuellement le quatrième pilier de l’économie nigériane.
La CARICOM, ayant conscience que les changements technologiques accélérés élargissent la fracture numérique Nord–Sud et soulignant que le monde évolue en faveur des pays développés, alors que l’accès aux technologies de base demeure un défi pour les petits États insulaires en développement (PEID), a plaidé pour le renforcement des capacités, le transfert de technologie, dans le but d’améliorer l’alphabétisme numérique.
« Il n’existe peut-être pas de meilleur instrument de lutte contre la pauvreté que la technologie », a assuré le Bangladesh, chez qui l’intégration des TIC dans les politiques de développement économique et social a contribué à le faire passer de la catégorie de pays à faible revenu à celle de pays à revenu intermédiaire.
À propos de changement de catégorie, les délégations ont débattu du bilan du Programme d’action d’Istanbul pour les PMA, à un an de son terme. Démarré en 2011, il avait pour but de faire sortir la moitié des PMA de cette catégorie à l’horizon 2020. S’il apparaît que l’objectif ne sera pas atteint à l’échéance de 2021, les PMA ont néanmoins félicité ceux qui y sont parvenus, comme le Bhoutan.
Le Programme d’action d’Istanbul a aussi mis sur pied une Banque de technologies pour les PMA en 2018, opérationnelle depuis juin 2019, ce dont s’est félicitée la Turquie qui l’accueille sur son territoire. Les PMA l’ont célébrée, saisissant cette occasion pour appeler les pays donateurs et autres partenaires de développement à y contribuer substantiellement, afin d’en assurer le fonctionnement.
Enfin, le Qatar s’est réjoui d’accueillir la cinquième Conférence des Nations Unies sur le développement des PMA en 2021, où l’on célébrera les 50 ans de la création de la catégorie.
La Deuxième Commission se réunira de nouveau, lundi 21 octobre à 10 heures, pour aborder la question des « activités opérationnelles de développement ».
LES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DES COMMUNICATIONS AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
Présentation de rapport
Mme SHAMIKA SIRIMANNE, Directrice de la Division de la technologie et de la logistique à la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a présenté devant la Deuxième Commission le rapport (A/74/62−E/2019/6) sur les « Progrès accomplis dans la mise en œuvre et le suivi des textes issus du Sommet mondial sur la société de l’information aux niveaux régional et international ».
Ce rapport présente les progrès accomplis en 2018 dans la mise en œuvre et le suivi des textes issus du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) aux niveaux régional et international, à partir des renseignements communiqués par 33 organismes des Nations Unies et autres organisations internationales et parties prenantes. Il rappelle que, lors du SMSI, et au titre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, la communauté internationale s’est engagée à garantir l’accès universel aux technologies de l’information et des communications (TIC).
Parmi les principales tendances, le rapport note que la plus grande partie de la population mondiale a désormais accès à la téléphonie et utilise cette technologie, tandis que le nombre d’utilisateurs d’Internet, d’après les estimations de l’Union internationale des télécommunications (UIT), a dépassé la moitié de la population mondiale pour la première fois en 2018.
La brèche persiste entre les pays développés et les pays les moins avancés (PMA), a résumé Mme Sirimanne. S’il s’agit d’une étape historique pour la connectivité, il reste beaucoup à faire pour remédier aux disparités d’accès et d’utilisation qui existent entre les pays et les populations. Quelque 80% des Européens avaient accès à Internet en 2018, selon les estimations, mais le chiffre comparable s’est établi à moins de 25% pour l’Afrique subsaharienne et à moins de 20% pour les PMA.
« Près de la moitié de la population n’a pas accès à Internet, en marge de la numérisation », a-t-elle abondé. Le rapport relève les difficultés comme le niveau du taux d’alphabétisation et le manque d’infrastructures. Il note aussi un écart entre milieux urbain et rural, PMA et pays développés, et même des écarts au sein des pays.
Les mutations dans le secteur de l’emploi sont un sujet d’importance: « l’économie de plateforme donne des nouvelles possibilités d’emploi dans les pays en développement mais elle suscite des inquiétudes: elle peut modifier les relations employés-employeurs, et entraver les négociations collectives. La robotisation va aussi détruire de nombreux emplois. Les femmes sont plus nombreuses à occuper des emplois vulnérables à cette tendance, mais sont moins représentées dans les secteurs où seront créés les nouveaux emplois », a développé Mme Sirimanne.
Sur la numérisation, la CNUCED constate qu’il y a deux moteurs de création de valeurs: « l’utilisation de plateformes, et la monétisation croissante des données numériques. Elles sont transformées en intelligence numérique, puis monétisées. L’accès à ces données devient crucial. Cela aboutit à une concentration des pouvoirs entre les mains d’une poignée de plateformes », a prévenu Mme Sirimanne. Il est donc probable que la numérisation va accroître les inégalités plutôt que les lisser, et les gouvernements ont un rôle de régulation à jouer dans ce secteur, a-t-elle lancé.
Quant au commerce électronique, il a vu ses ventes augmenter très rapidement, alors que l’économie piétine dans d’autres secteurs: c’est un marché de 29 milliards de dollars pour 1,3 milliard de personnes, soit un quart de la population mondiale. Il a le vent en poupe mais il génère beaucoup de laissés-pour-compte, a déclaré Mme Sirimanne.
La Directrice a enfin brièvement abordé les questions de cybersécurité, s’inquiétant du « pouvoir décisionnel des algorithmes qui analysent les données en grande quantité, parfois de manière opaque ». Elle a répété que les femmes sont moins présentes dans ces secteurs, D’où un accroissement potentiel des inégalités de genre dans ce secteur, a-t-elle conclu.
Dialogue interactif
Pour répondre à la délégation du Pakistan qui voulait connaître les possibilités concrètes de progresser dans la numérisation telles que recommandées par le groupe de travail sur la numérisation renforcée, Mme Sirimanne, de la CNUCED, a répondu que la question des données et d’Internet évolue à très grande vitesse et qu’elle est donc complexe. La protection des données, les flux de données et la cybersécurité sont des questions sur lesquelles les États ont du mal à tomber d’accord, a-t-elle noté, tout en engageant ces derniers à poursuivre le dialogue.
Mme WAFAA JALLAQ, observateur de l’État de Palestine, s’exprimant au nom du Groupe des 77 et la Chine (G77), a relevé que le développement des technologies numériques s’accompagne de conséquences et d’abus inattendus, et que la fracture numérique s’accentue, tandis que les mutations technologiques s’accélèrent, rendant les mécanismes de coopération et de gouvernance obsolètes. Le G77 a donc invité les pays à coopérer entre eux afin de réaliser le plein potentiel socioéconomique des technologies numériques, notamment en réduisant la fracture numérique, puisque la moitié de la terre a un accès limité ou pas d’accès à Internet. Le Groupe des 77 a estimé qu’une telle coopération doit être basée sur l’inclusion, l’équité, le droit international, le multilatéralisme. Une telle coopération doit être complétée par une approche multipartite qui place les gens en son centre, dans le but de ne laisser personne à la traîne. C’est dans cette optique que le Groupe a salué les délibérations du Groupe de travail sur le renforcement de la coopération et a regretté qu’un consensus n’ait pu être atteint sur des questions cruciales de son agenda. Le G77 a estimé qu’il faudrait renforcer les politiques en matière de science et de technologie, notamment dans les pays en développement, et que l’ONU devrait accorder la priorité à ces pays quand il s’agit des questions de science et de technologie.
Le G77 a ensuite souligné l’émergence de plateformes numériques qui utilisent des modèles de fonctionnement basés sur l’usage des données. Ces plateformes enregistrent et extraient des données des activités en ligne, ainsi que les interactions entre les plateformes et les usagers. De ce fait, le G77 a estimé que ces plateformes numériques doivent servir à réaliser les objectifs de développement durable, tout en promouvant l’inclusion financière et en aidant à réduire la pauvreté et la fracture numérique et les inégalités. En effet, le Groupe a rappelé que les PMA ont des capacités limitées de collecte, d’analyse et de monétisation des données numériques. Il y a ainsi le risque de les voir à la traîne dans le secteur de la chaîne de valeur des données numériques, car ils fournissent des données brutes tout en étant obligés de payer, ensuite, pour avoir les informations numériques raffinées développées avec ces données.
En outre, la déléguée a noté que si la montée et l’expansion des technologies numériques peut soutenir l’inclusion économique, sociale et financière, dans le même temps, cela peut aussi exacerber les inégalités. Les gouvernements et d’autres parties prenantes doivent donc adopter des politiques adéquates afin d’assurer que l’économie numérique soit inclusive et bénéficie à tous, a-t-il recommandé. Mme Jallaq a noté que l’implication des pays en développement est importante, notamment sur les questions de concurrence, de taxation, de circulation transfrontalière des données, de propriété intellectuelle, de commerce ou encore d’emploi.
Au nom des pays les moins avancés (PMA), M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a noté que les nouvelles technologies offrent la perspective de solutions et d’opportunités pour le développement durable qui sont meilleures, moins chères, plus rapides, modulables et faciles à utiliser. Mais leur disponibilité et leur accès dans les PMA sont inégaux, a-t-il fait observer. Prenant en considération que le renforcement de la large bande a beaucoup d’effets économiques dans les PMA et autres pays en développement vulnérables, comme l’ont montré des études, M. Bin Momen a souligné que l’investissement dans les TIC pour les PMA est essentiel à une mise en œuvre réussie du Programme 2030.
Face au nombre croissant de personnes mal nourries dans les PMA, le représentant a relevé que l’innovation et les nouvelles technologies ont un impact sur la production, le commerce et la consommation de nourriture. Mais, malgré leur énorme potentiel, les technologies ne sont pas encore accessibles aux petits producteurs qui forment la majorité du secteur agricole des PMA. Aussi, des mesures devraient-elles être prises pour qu’ils aient accès au savoir-faire, à la technologie et à l’innovation dont ils ont besoin.
Le Groupe des PMA reconnaît l’importance de la Banque de technologies pour les PMA pour améliorer leurs capacités et leur accès aux nouvelles technologies, et le représentant a appelé les pays donateurs et autres partenaires de développement à y contribuer substantiellement afin d’en assurer le fonctionnement. L’élargissement de la fracture numérique menace de laisser les PMA de côté, a-t-il averti.
Mme GLORIA CORINA PETER TIWET (Malaisie), s’exprimant au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a souligné que les TIC ont été identifiées parmi les moyens de mise en œuvre de la Vision 2025 de l’ASEAN et du Programme 2030. Consciente de l’importance de créer une économie numérique intégrée, l’ASEAN a lancé en 2015 un plan directeur sur les TIC pour la période 2016-2020, afin de parvenir à une économie numérique qui soit sûre, durable et transformatrice. Le plan numérique à l’horizon 2025 est en cours de préparation et l’Association est déterminée à renforcer la connectivité régionale afin de rapprocher les économies et les gens, en droite ligne de son initiative « Connecter les connectivités ». Cette initiative est accompagnée par le projet de guichet douanier unique de l’ASEAN et le programme « Réseau des villes intelligentes de l’ASEAN ». La déléguée a également plaidé pour le renforcement de la cybersécurité afin de protéger l’économie numérique.
Mme PENNELOPE ALTHEA BECKLES (Trinité-et-Tobago), au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a souligné que les limites des bases de ressources et des économies d’échelle ainsi que l’éloignement des marchés sont des problèmes majeurs pour les pays de la CARICOM. Dans ce contexte, la CARICOM a conscience que les TIC sont une chance pour faire face au défi de leur petite taille, a-t-elle dit. En effet, les plateformes technologiques peuvent contribuer à accroître le niveau d’éducation, à améliorer la santé et à réduire les inégalités de genre, a-t-elle estimé. C’est pourquoi la représentante a assuré que la CARICOM soutient les efforts des Nations Unies au sein du Forum du Sommet mondial sur la société de l’information (Forum du SMSI) et salue les efforts d’alignement entre ce Forum et le Programme 2030, particulièrement le Mécanisme de facilitation des technologies.
La CARICOM continue de se positionner en promouvant un espace unique caribéen pour les TIC, pour favoriser les investissements et la création d’emplois, a poursuivi Mme Beckles. La région prévoit d’élaborer un espace de travail unique et un guide de gouvernance régional dans ce domaine. Autre exemple, l’Union internationale des télécommunications (UIT), en collaboration avec les Caraïbes, a créé un atelier pour renforcer les capacités de la région en matière de TIC.
En dépit de tous ces efforts, la CARICOM a conscience que les changements technologiques accélérés accentuent la fracture numérique Nord-Sud. Le monde change à grande vitesse, il évolue en faveur des pays développés, alors que l’accès aux technologies de base demeure un défi pour les petits États insulaires en développement (PEID), s’est inquiétée Mme Beckles, avant d’appeler à davantage renforcer les capacités et le transfert de technologie, dans le but d’améliorer l’alphabétisme numérique. Elle a aussi appelé la communauté internationale à accroître ses efforts pour l’élaboration d’une stratégie viable réduisant la fracture numérique entre pays.
Pour M. IVAN G. KONSTANTINOPOLSKIY (Fédération de Russie), les TIC sont d’une importance vitale pour renforcer les capacités de production, pour la croissance économique mondiale et pour réaliser le Programme 2030. La sécurité des TIC et le renforcement de la coopération sous l’égide de l’ONU sont d’autant plus importants pour garantir la sécurité dans le cyberespace, a souligné le représentant, évoquant également la nécessité d’adopter des approches éthiques pour utiliser des innovations telles que l’intelligence artificielle (IA) ou l’informatique des objets. En Russie, plus de 60% des personnes majeures utilisent Internet au quotidien et les deux tiers utilisent des services publics en ligne. Le projet national Économie numérique a pour objectif de garantir 100% d’accès à la large bande et 97% des ménages avec un accès aux services publics en ligne.
M. ANTHONY MULA (Indonésie) a fait observer que les paiements mobiles facilitent l’inclusion financière. Il a noté que la quatrième révolution industrielle peut créer des emplois, à condition de relever certains défis, notamment les inégalités d’accès aux TIC. Le représentant a émis une série de recommandations: investir davantage dans les réseaux et les serveurs, ce qui peut autonomiser les laissés-pour-compte; garantir un large accès aux TIC, notamment par la connexion dans les zones rurales ou éloignées; renforcer les compétences numériques; renforcer la coopération pluripartite. L’Indonésie met en œuvre une politique et des programmes pour promouvoir l’écosystème numérique et l’alphabétisation numérique car « les TIC doivent être inclusives afin de ne laisser personne hors ligne ».
M. JEAN LAURENT AMBERT (Monaco) a fait part de l’ambition de Monaco de devenir une nation pleinement numérique, qui déploie par exemple un « cloud souverain ». La principauté entend se fonder sur un projet de ville intelligente, a dit le représentant. Il a donné l’exemple des véhicules autonomes qui ont été lancés en conditions réelles. Il a également cité des projets de e-santé et e-éducation. Monaco a l’intention de dématérialiser le service public d’ici à 2022, a ajouté le représentant.
Mme ROSALIA CUE (Cuba) a relevé que l’utilisation d’Internet demeure relativement rare dans les PMA, où 80% des habitants ne sont pas utilisateurs. Si les études montrent d’importants progrès, de profondes inégalités demeurent, a-t-elle dit, en recommandant de combler la brèche numérique. Elle a fait appel, pour cela, à la volonté des pays développés de transférer leurs connaissances et de financer ces efforts pour combattre l’illettrisme et l’exclusion sociale.
Les TIC ne doivent pas promouvoir la guerre, l’interventionnisme, le terrorisme, la subversion ou l’unilatéralisme, a poursuivi Mme Rodriguez. Elle a dénoncé un groupe de travail sur l’accès à Internet à Cuba qui aurait, selon elle, pour objectif de déstabiliser le pays: Cuba n’a pas besoin des États-Unis pour se développer, elle le fait depuis 50 ans, malgré un blocus inique, a-t-elle précisé. Se basant sur le rapport sur la coopération numérique du Secrétaire général, elle a appelé à raviver la collaboration et à faire d’Internet un espace ouvert, interconnecté et transnational.
Mme SIM JOO TEO (Singapour) a indiqué que son pays travaille à un lien plus étroit entre les gouvernements et l’économie du numérique. L’approche suivie par les gouvernements doit prendre en compte les besoins de chacun, a-t-elle rappelé, en les appelant aussi à collaborer avec le secteur privé. Singapour a ouvert un bureau consacré aux entreprises ayant besoin d’aide pour se plonger dans ce nouvel écosystème numérique, a-t-elle signalé, en citant, notamment, une formation qu’il organise pour les citoyens en matière d’intelligence artificielle. Il s’agit de créer une économie sans compromettre la vie privée et la cybersécurité, a expliqué la représentante.
Singapour, a-t-elle assuré, a la volonté de faire de ses habitants un « peuple autonomisé » vivant une vie pleinement épanouie, grâce au développement de produits numériques permettant aux utilisateurs de faire des commentaires sur les produits, sans pour autant avoir de bases solides en numérique. Singapour, qui estime qu’une approche inclusive de la numérisation est nécessaire, tente de prendre en compte tous les aspects du développement durable dans sa politique des TIC.
M. NAYEH M. AL-QAHTANI (Qatar) a jugé important de déployer des efforts pour que l’accès aux TIC soit équitable. Le Qatar veut utiliser tout le potentiel des TIC, car il comprend leur rôle important pour accéder à l’information, aux connaissances et aux services essentiels. C’est pourquoi le Qatar développe des politiques en faveur des TIC pour assurer la diversification de l’économie en faveur de chacun. Le représentant a indiqué que son pays avait lancé des initiatives pour développer ses villes de manière intelligente et sûre. Le Qatar a également pris des mesures en faveur des personnes handicapées pour qu’elles accèdent équitablement à l’éducation et à l’emploi. Concernant le cybercrime, le Qatar a appelé à poursuivre en justice les entités qui ont recours à la cyberpiraterie et qui menacent ainsi la paix et la sécurité.
M. CHARLES OGWA (Nigéria) a estimé que l’innovation technologique a le potentiel d’éliminer la pauvreté. Le Gouvernement nigérian a adopté une feuille de route des TIC afin d’améliorer les infrastructures, la qualité des services fournis ainsi que la pénétration et la sécurité de la large bande, avec également un soutien au e-commerce. Il s’agit de créer environ 2,5 millions d’emplois d’ici à 2020, a annoncé le représentant, ajoutant que le Gouvernement utilise également les TIC pour assurer la transparence de la gouvernance et que le secteur des TIC est actuellement le quatrième pilier de l’économie nigériane. Le Nigéria est le plus grand marché des TIC d’Afrique avec 29% des usagers d’Internet, a-t-il ajouté. Le représentant a estimé que le renforcement des capacités devait faire l’objet d’une attention toute particulière, se disant aussi préoccupé que la brèche numérique ne cesse de s’élargir, en particulier entre les pays.
Mme SAVITRI PANABOKKE (Sri Lanka) a demandé que la fracture numérique soit réduite grâce à des efforts internationaux en matière d’éducation et grâce au renforcement de capacités dans les pays en développement. Au vu des mutations du monde du travail avec l’implication grandissante de l’intelligence artificielle et de la robotisation, elle a jugé impératif que les pays fassent des ajustements nécessaires dans leurs programmes de formation. Ceux-ci doivent, en effet, offrir les compétences, numériques ou pas, qui seront nécessaires pour un monde de travail qui sera, demain, hautement numérisé. C’est dans cette optique que la stratégie nationale d’économie numérique 2018-2025 de Sri Lanka ambitionne de préparer des travailleurs qualifiés qui vont promouvoir le développement des TIC et d’autres secteurs clefs comme le tourisme, la fabrication et l’agriculture. Par ailleurs, Sri Lanka est d’avis que les médias sociaux doivent être régulés et qu’ils doivent avoir l’obligation de lutter contre l’intolérance et la haine, a dit Mme Panabokke en appelant l’ONU à lutter également contre ces pratiques.
Pour Mme KETKANYA JIARPINITNUN (Thaïlande), les nouveaux défis en matière de TIC concernent la cybersécurité, la sécurisation des données personnelles et de la vie privée. La Thaïlande a mis en place le programme de développement économique et social « Thaïlande 4.0 » afin de passer à une économie de l’innovation et de réduction des inégalités, a rappelé la représentante, avant de signaler que le pays a installé la large bande dans les villages afin de leur ouvrir l’accès au e-commerce, à la e-santé et à l’e-éducation. Le développement du capital humain est au cœur d’une politique réussie, a fait observer la représentante, raison pour laquelle la Thaïlande a établi des partenariats avec des entreprises comme Google et Microsoft afin de former 40 000 travailleurs aux technologies numériques d’ici à 2022. Sur le plan régional, le pays s’est engagé à renforcer la connectivité de la région et lancera le plan d’action cadre pour l’économie numérique dans l’ASEAN afin de promouvoir l’innovation numérique dans la région.
M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a fait savoir que le développement des réseaux de télécommunication avait élargi la connectivité à Internet et stimulé la création d’applications qui ont levé des barrières entre les personnes, ouvrant ainsi la porte du développement social et du progrès économique. Selon lui, « il n’existe, peut-être, pas de meilleur instrument de lutte contre la pauvreté que la technologie ». Cependant, il s’est dit préoccupé du risque d’une nouvelle fracture numérique entre pays développés et en développement, de même que par le risque accru de cyberattaques.
Sur le plan national, l’intégration des TIC dans les politiques de développement économique et social a contribué à faire progresser le Bangladesh en le faisant passer de la catégorie de pays à faible revenu à celle de pays à revenu intermédiaire. « Bangladesh numérique » a permis d’améliorer la vie des citoyens, par exemple, par l’inclusion financière des personnes marginalisées, a assuré le représentant, qui a aussi annoncé l’intention du pays de devenir une Smart Nation.
Mme FARZANA ZAHIR (Maldives) a rappelé que le coût des services socioéconomiques aux Maldives est quatre à cinq fois supérieur à celui d’autres pays à cause de la dispersion de sa population dans plus de 1 100 îlots éparpillés dans l’océan Indien. Cette situation géographique fait que les TIC pourraient apporter des gains significatifs, a-t-elle fait remarquer, avant de signaler que le pays vient de lancer son plan stratégique sur cinq ans dans le domaine des TIC. Parmi les objectifs, on compte la modernisation de la gouvernance du secteur des TIC, l’établissement d’infrastructures numériques appropriées, la modernisation des services publics par la numérisation, la mise à disponibilité des services en ligne partout dans le pays, et enfin, le développement d’une main-d’œuvre qualifiée dans le domaine du numérique et le renforcement des capacités dans l’industrie des TIC.
Mme MARIANA DELVERA CANCHOLA (Mexique) s’est alarmée que la moitié de la population mondiale n’ait pas accès à Internet, et que les nouvelles technologies aient le potentiel d’augmenter les inégalités entre les sexes. Convaincue qu’il faut combiner talent humain et progrès technologiques, la représentante a jugé que le système éducatif actuel ne suffira pas. Elle a donc recommandé un apprentissage tout au long de la vie, davantage tourné vers les TIC. Elle a rappelé que le Mexique avait été le premier pays à encourager aux Nations Unies à une discussion sur les effets des TIC sur les objectifs de développement durable.
Encourageant un multilatéralisme sur ces questions, elle a jugé que le Mécanisme de facilitation des technologies était un excellent outil doté d’un inventaire de bonnes pratiques à mettre en œuvre dans chaque pays. Mais ce mécanisme n’est pas en fonctionnement, faute de ressources et en dépit de son utilité, a-t-elle regretté. Pourtant, les avantages seraient supérieurs aux investissements, selon le Mexique, c’est pourquoi la représentante a insisté sur un financement du Mécanisme de facilitation des technologies.
M. HE FUXIANG (Chine) a lié la question des TIC aux biotechnologies. Pour la Chine, le rôle des TIC dans la réalisation du Programme 2030 est essentiel, et le représentant a souligné l’importance des TIC tant au niveau régional qu’international. Le Groupe de haut niveau sur la coopération numérique est une excellente initiative des Nations Unies, a jugé la Chine, pays qui plaide pour l’augmentation des capacités technologiques des PMA. Pour réduire la fracture numérique, l’aide publique au développement (APD) pourra contribuer, ainsi qu’une coopération Sud-Sud, Nord-Sud et triangulaire, afin d’harmoniser le développement technologique pour toute la communauté internationale, a-t-il conseillé.
Donnant la priorité aux TIC dans sa stratégie de développement dans l’urbanisation, ainsi que dans la modernisation de son agriculture, la Chine fait preuve d’un sens du collectif, a assuré le délégué. Elle a d’ailleurs souhaité que toutes les nations se développent grâce aux TIC, en renforçant les échanges et la coopération afin de créer une « communauté internationale des TIC ».
M. LOK BAHADUR CHHETIA (Népal) a jugé indispensable la mise en œuvre des décisions du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) pour réaliser le Programme 2030. L’accessibilité des TIC à un coût modéré est indispensable pour les PMA, mais la fracture numérique augmente entre pays et entre zones urbaines et rurales, a-t-il relevé. Concernant les pays en développement sans littoral, la fracture numérique est encore plus large, a-t-il expliqué, appelant à y remédier par une approche multidimensionnelle et grâce à un plein accès à la large bande pour les PMA.
Souhaitant se transformer en une économie de l’information et des connaissances, le Népal élabore actuellement le « Cadre numérique Népal » pour y parvenir, a poursuivi le représentant. De plus, sachant que la réduction des risques de catastrophe est renforcée par le développement des TIC, il a appelé à davantage de collaboration, en ce sens, au sein de la communauté internationale. Il a aussi prévenu, par ailleurs, que la robotisation et l’autonomisation avaient leur part de risques, relatives à la transformation du marché de l’emploi, aux questions de cybersécurité et de respect de la vie privée, alors que le monde a du mal à se doter d’une législation commune. « Nous devons régler ces problèmes fondamentaux avant qu’il ne soit trop tard », a-t-il conclu.
M. ANJANI KUMAR (Inde) a plaidé pour une société de l’information inclusive, centrée sur les gens et orientée vers le développement afin de réduire la fracture numérique et réaliser le Programme 2030. Il a expliqué que le Gouvernement indien utilise les TIC pour améliorer les services publics, renforcer l’engagement du citoyen, la transparence et la responsabilisation. Aujourd’hui, s’est-il félicité, l’Inde est le second pays au monde en matière de connectivité à Internet. De plus, il est établi que l’adoption de technologies clefs dans certains secteurs, dans le cadre de l’initiative « Inde numérique », pourrait faire augmenter le produit intérieur brut (PIB) du pays de 550 milliards de dollars, passant ainsi à 1 000 milliards en 2025. De même, d’ici à 2025, l’Inde pourrait créer une économie numérique d’un chiffre d’affaires estimé entre 800 milliards et 1 000 milliards de dollars. Par ailleurs, le pays a lancé un outil de gouvernance électronique qui permet de suivre les progrès dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable par les États indiens.
Mme STEPHANIE MUIGAI (Kenya) a déploré que, malgré les progrès enregistrés dans l’accès à Internet, l’Afrique subsaharienne compte moins de 25% de personnes connectées, ce qui montre clairement que les pays en développement sont laissés de côté et qu’il est urgent de faire plus d’efforts pour réduire la fracture numérique. Le Kenya reconnaît l’énorme potentiel des TIC qui jouent un rôle important dans de nombreux secteurs du pays, notamment la finance, la santé, l’éducation, l’agriculture, la gouvernance et les services publics.
Le Gouvernement a identifié les TIC comme un moteur essentiel de sa feuille de route pour le développement à long terme, sa « Vision 2030 », qui cherche à faire du Kenya une économie industrialisée et un pays à revenu intermédiaire d’ici à 2030. Quant à l’ambition de connecter le pays à la large bande d’ici à 2020, elle vise à poser les fondations de la transformation économique et sociale du Kenya, a expliqué le représentant. Le système éducatif prévoit d’améliorer la formation aux technologies en mettant des ordinateurs portables à disposition des enfants dès l’école primaire.
M. ARMAN ISSETOV (Kazakhstan) a indiqué que son pays avait établi le programme « Kazakhstan numérique » en 2017, rappelant que son pays est classé trente-neuvième en matière de gouvernement électronique par l’ONU. Le pays entend s’appuyer sur les technologies numériques pour améliorer la productivité dans divers secteurs de son économie de 10% en moyenne. Le pays entend également bâtir une large bande avec l’objectif de connecter 1 250 villages d’ici à 2020. Le délégué a appelé au renforcement de la coopération -Nord-Sud, Sud-Sud et triangulaire- afin d’éliminer les inégalités en matière de technologie numérique à travers le monde, une réalité qui rend impossible actuellement la réalisation du Programme 2030, a—t-il argué.
M. WADE HENCKERT (Namibie) a dit que les TIC ont le potentiel de transformer les économies, raison pour laquelle la Namibie a adopté plusieurs programmes en ce sens. Afin de réduire la fracture numérique, elle a organisé son sixième sommet national sur les TIC en octobre 2019, au cours duquel le renforcement des compétences et le partage des connaissances ont été évoqués. Le représentant a préconisé une coopération internationale pour une utilisation adéquate des technologies et recommandé de s’attaquer au problème des technologies utilisées pour diffuser des discours de haine. La croissance du secteur des TIC demande une approche fondée sur l’éducation et la formation, a estimé M. Henckert.
Mme IRYNA YAROSH (Ukraine) a fait savoir que, en cette période de transition vers une économie numérique, l’Ukraine apprend des meilleures pratiques au niveau international, notamment pour moderniser la gouvernance et la numérisation. Un ministère et un comité parlementaire sur la transformation numérique ont été créés pour développer les politiques dans le secteur de la numérisation, le développement de l’économie numérique et la e-gouvernance, a dit la représentante.
Le secteur privé joue également un rôle essentiel dans le financement des infrastructures des TIC et le déploiement des réseaux. Le Gouvernement a aussi développé le projet « État numérique » pour mettre en place les services publics en ligne durant les trois prochaines années, ainsi qu’un programme de développement des compétences au numérique.
M. DAVIT GRIGORYAN (Arménie) a remarqué que le caractère transversal des TIC leur permet d’aider à réaliser le Programme 2030. L’Arménie s’efforce d’aider les start-ups par des avantages fiscaux, leur permettant ainsi de multiplier leur croissance par 5, a-t-il indiqué, avant de mentionner que des entreprises prestigieuses, comme Pixar, se sont installées dans son pays. Il existe en Arménie un laboratoire qui permet aux jeunes de se familiariser avec les TIC dès le plus jeune âge. L’Arménie a aussi accueilli le Congrès mondial sur les technologies de l’information la semaine dernière, réunissant les principales entreprises en la matière pour parler de l’impact des TIC sur la communication, l’intelligence artificielle, etc.
Mme AYE MYAT MYAT MYO (Myanmar) a relevé que la croissance de l’utilisation d’Internet est toujours inégale. Si les TIC contribuent à l’élimination de la pauvreté et à la croissance économique, elles constituent aussi une arme à double tranchant, a-t-elle mis en garde, en citant notamment la menace de la cybercriminalité. Il est donc impératif d’adopter des stratégies appropriées, a dit la représentante, avant de parler des progrès significatifs enregistrés dans son pays pour réduire le coût d’accès aux TIC et améliorer la qualité des services dans ce domaine. Pour transformer l’économie, un satellite a été lancé dans l’espace pour améliorer la rapidité des communications, a-t-elle ajouté.
Selon Mme MERYEM HAMDOUNI (Maroc), les TIC jouent un rôle transversal et déterminant pour la réalisation du Programme 2030. Engagé à réduire la brèche numérique entre pays développés et pays en développement, particulièrement africains, le Maroc investit en capital humain pour embrasser une économie de la connaissance, a expliqué la représentante. Cependant, elle a mentionné la nécessité de modifier la réglementation en vigueur pour que les entreprises puissent jouer un rôle de premier plan dans ce domaine. Faisant valoir que les jeunes intéressés par l’innovation et les TIC ont besoin de soutien pour internationaliser leurs start-ups, elle a expliqué que le Gouvernement avait créé des « technoparcs » dans les grandes villes du Maroc pour leur fournir un espace de développement. Le besoin de jeunes diplômés est grand au Maroc, et l’objectif, à moyen terme, est de multiplier par 2 le nombre de nouveaux jeunes diplômés dans les TIC, a-t-elle ajouté.
Mme ASILA AL-HASNI (Oman) a rappelé que son pays avait renforcé sa préparation face aux changements rapides qu’offre la quatrième révolution industrielle. Oman a pris des initiatives qui ont eu de nombreux avantages pour la population et les entreprises, a-t-elle dit, en ajoutant que les services publics avaient été améliorés. Elle a aussi mentionné l’existence d’un vaste réseau de large bande qui doit permettre de faire face aux besoins actuels et à venir. En 2016, a poursuivi la représentante, un fonds pour les technologies a été créé. Le pays met ainsi l’accent sur les investissements dans les solutions novatrices, en s’appuyant sur des partenariats avec les organisations internationales. Les chaînes de bloc et l’intelligence artificielle ont commencé à être mises en œuvre, a fait savoir la représentante, qui a cité l’existence d’un programme national qui est consacré à la formation des jeunes en matière de TIC.
Mme MAY MUFEEZ (Bahreïn) a fait savoir que le royaume avait adopté des politiques relatives au nuage et plaidé pour le renforcement de l’informatique en nuage au niveau régional. La représentante a souligné l’avantage de l’utilisation des technologies pour diversifier l’économie. Le Bahreïn a créé un système souple pour encadrer la technologie financière et a lancé un projet pilote de plateforme permettant aux entreprises fintech de bénéficier de solutions novatrices, a-t-elle donné comme exemples.
Pour Mme URSULA WYNHOVEN, de l’Union internationale des télécommunications (UIT), nous vivons dans un temps d’avancées extraordinaires à l’intersection de plusieurs domaines d’innovation. Par exemple, le mobile s’est imposé plus rapidement que n’importe quelle autre technologie dans l’histoire. De nouvelles technologies émergent, de Internet des objets à l’intelligence artificielle, en passant par la chaîne de blocs ou la 5G, qui ont un grand potentiel d’innovation dans des domaines tels que la santé, les services financiers, l’éducation, l’agriculture, l’énergie et les transports, dans des villes et villages intelligents. Elles seront essentielles pour la réalisation de chaque objectif de développement durable, a assuré Mme Wynhoven.
Il existe une forte relation entre la maturité des TIC et le niveau de progrès économique, a-t-elle fait observer. Par exemple, les technologies et services mobiles ont généré 4,5% du PIB mondial en 2017, et cette part devrait encore augmenter. Mais cette hyperconnectivité ne doit pas masquer le fait que près de la moitié de la population mondiale n’a toujours pas accès à Internet, ce qui pose le risque que la vague de changements technologiques fasse augmenter les inégalités entre ceux qui sont connectés et ceux qui ne le sont pas. La fracture numérique, elle-même, a plusieurs faces. Il existe des écarts dans la couverture, dans la vitesse, dans l’accessibilité, des écarts entre les pays en développement et les pays développés, des écarts entre les villes et les villages, entre les jeunes et les vieux, entre les femmes et les hommes.
Pour la représentante de l’UIT, il est temps d’investir dans les infrastructures essentielles des TIC et de se préoccuper des facteurs reposant sur la demande en technologies numériques. Ensemble, nous pouvons transformer la révolution numérique en une révolution de développement, a-t-elle lancé. L’UIT s’emploie précisément à investir sur tous les fronts, cherchant à promouvoir l’investissement dans l’infrastructure numérique, l’alphabétisation numérique, la cybersécurité. En outre, ses recherches ont montré que les bénéfices des TIC ne sont pas réservés aux pays développés.
GROUPES DE PAYS EN SITUATION PARTICULIÈRE
- Suivi de la quatrième Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés (A/74/69)
- Suivi de la deuxième Conférence des Nations Unies sur les pays en développement sans littoral (A/74/113)
Présentation de rapports
Mme FEKITAMOELOA KATOA 'UTOIKAMANU, Haute-Représentante pour les pays les moins avancés (PMA), les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement (PEID), a présenté deux rapports concernant la situation des pays en situation particulière.
Le premier, intitulé « Application du Programme d’action en faveur des pays les moins avancés pour la décennie 2011-2020 » (A/74/69–E/2019/12), contient des informations et des analyses détaillées sur les progrès accomplis récemment dans l’application du Programme d’action en faveur des pays les moins avancés pour la décennie 2011-2020 (Programme d’action d’Istanbul).
À un an et demi seulement de l’expiration du délai de mise en œuvre du Programme d’action d’Istanbul, un tableau d’ensemble se dessine, selon le rapport. On observe des progrès inégaux, quelques exemples de réussites et de bonnes pratiques, mais aussi des obstacles et des limites.
En cette phase finale, les PMA, leurs partenaires de développement et les entités des Nations Unies devraient redoubler d’efforts pour accélérer les progrès de manière à atteindre les buts et objectifs du Programme d’action d’Istanbul et créer des synergies avec le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et ses objectifs, le Programme d’action d’Addis-Abeba, l’Accord de Paris sur le climat et le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015-2030).
Des progrès ont été réalisés dans les domaines de l’énergie, des TIC et des infrastructures de transport, mais ils ont été lents et inégaux dans les PMA, selon le rapport. Cela rend difficile la création de nouvelles activités dynamiques caractérisées par une plus grande valeur ajoutée et un plus fort contenu technologique.
Il est d’autant plus difficile d’envisager un renforcement de la capacité productive des PMA, car les technologies émergentes exigent des qualifications et des investissements importants. C’est donc une source de préoccupation, selon le rapport. Les PMA et les partenaires de développement devraient encourager les investissements à grande échelle visant à bâtir une infrastructure résiliente et à adopter de nouvelles technologies, notamment grâce à des partenariats public-privé et au financement des banques multilatérales de développement.
Mme 'Utoikamanu a aussi abordé les effets délétères de la diminution de l’APD, et la vulnérabilité des PMA aux changements climatiques.
Les données les plus récentes montrent que le taux des personnes vivant dans l’extrême pauvreté dans les PMA, c’est-à-dire avec un revenu inférieur à 1,90 dollar par jour, a diminué, tombant de 36,2% en 2013 à 35,5% en 2015. En outre, l’écart de pauvreté, qui représente à la fois l’ampleur et l’incidence de la pauvreté, a diminué plus lentement, tombant de 13,5% à 13,1%.
Selon des projections récentes, près de 30% de la population continuera de vivre dans l’extrême pauvreté d’ici à 2030. Si l’on entend éliminer la pauvreté sous toutes ses formes d’ici à 2030, comme convenu par la communauté mondiale dans le Programme 2030, il faudra prendre de nouvelles mesures pour atteindre les objectifs de développement en faveur des PMA, conclut le rapport.
Concernant le taux d’accès à Internet (17,5%), il reste faible en 2017 dans les PMA, mais il correspond à une progression d’environ deux points de pourcentage depuis 2016. Néanmoins, le taux de pénétration d’Internet varie grandement d’un pays à l’autre: supérieur à 40% au Bhoutan et à Djibouti, il est inférieur à 5% dans six autres PMA, selon le rapport.
Le second rapport présenté par Mme 'Utoikamanu intitulé « Mise en œuvre du Programme d’action de Vienne en faveur des pays en développement sans littoral pour la décennie 2014-2024 » (A/74/113), fait le bilan de la mise en œuvre de ce programme pour la période 2014-2019, en particulier une évaluation des progrès faits et des défis restant à relever. Il note une densité routière moindre que la moyenne dans les pays en développement sans littoral, par rapport à l’ensemble des pays en développement. En ce qui concerne l’accès à l’électricité dans les pays en développement sans littoral, il est passé de 49 à 56,3% en 2017. Malgré ces progrès, les pays en développement sans littoral sont toujours en retard et un écart demeure entre les zones urbaines et rurales. Ces pays sont aussi confrontés à des difficultés d’accès à Internet.
Selon le rapport, les pays en développement sans littoral connaissent des difficultés particulières du fait de leur manque d’accès territorial direct à la mer ainsi que de leur éloignement et de leur isolement des marchés mondiaux. Le bilan de ces cinq dernières années est mitigé, la mise en œuvre intégrale du Programme d’action de Vienne se heurte encore à de nombreux obstacles.
Le taux élevé de ratification de l’Accord sur la facilitation des échanges de l’OMC par les pays en développement sans littoral et les pays de transit, ainsi que la poursuite de l’intégration et de la coopération régionales, mis en évidence par l’établissement de l’Union économique eurasiatique, de la Zone de libre-échange continentale africaine, de l’initiative « Une Ceinture, une Route » et de plusieurs accords multilatéraux, sont autant d’éléments qui indiquent que le temps de transit pourrait être grandement amélioré pour ces pays, ce qui contribuerait à l’avancement du Programme 2030.
Une amélioration des résultats des couloirs routiers et ferroviaires a été constatée dans certaines régions. La période considérée a également été marquée par une croissance des ports secs, tandis que des progrès ont été accomplis dans la modernisation et le développement des infrastructures de transport routier et ferroviaire dans toutes les régions comportant des pays en développement sans littoral, ainsi que dans l’amélioration de l’accès à l’énergie et aux moyens informatiques et de communication. Toutefois, un appui accru est nécessaire pour amener les infrastructures de transport des pays en développement sans littoral à un niveau comparable aux normes mondiales.
Débat général
Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, Mme SAHAR NASSER, observateur de l’État de Palestine, a fait observer que de nombreux progrès avaient été réalisés par les PMA en termes d’accès aux TIC, à l’énergie durable, à la santé, à l’éducation. Malgré tout, a-t-elle tempéré, de forts écarts demeurent dans des domaines tels que la transformation structurelle, le commerce, le financement, la fracture numérique et les changements climatiques. Le Groupe s’est inquiété, en particulier, de la résurgence de la volatilité économique résultant des stocks de dette extérieure des pays en développement et des économies en transition. En revanche, la représentante s’est félicitée de la hausse de 5% des flux globaux d’APD vers les PMA sur la période 2015-2018, mais elle a regretté la baisse de l’APD bilatérale. Elle a remercié le Qatar pour sa proposition d’accueillir la cinquième Conférence des Nations Unies sur les PMA, qui aura lieu à Doha en mars 2021, et a réitéré son appel à contributions afin de permettre à tous les PMA d’y participer.
En venant aux pays en développement sans littoral, la représentante s’est inquiétée de la fréquente chute des prix des produits de base, qui met en péril leurs efforts pour parvenir à un développement durable, de même que de leur forte exposition aux changements climatiques. Le Groupe a souligné que le développement des infrastructures telles que les transports, les TIC et le transport de l’énergie joue un rôle essentiel pour améliorer la compétitivité de ces pays et les intégrer aux marchés mondiaux. La représentante a encouragé les pays en développement sans littoral, les pays de transit, leurs partenaires de développement, le système des Nations Unies et tous les autres acteurs à mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Vienne.
S’exprimant au nom des pays en développement sans littoral, M. JULIO CÉSAR ARRIOLA RAMÍREZ (Paraguay) a rappelé que « nous sommes à mi-parcours de la mise en œuvre du Programme d’action de Vienne en faveur des pays en développement sans littoral pour la décennie 2014-2024 ». En effet, l’examen à mi-parcours de cette mise en œuvre est prévu en décembre prochain, même si le rapport du Secrétaire général laisse voir que les avancées sont lentes, et la preuve en est que le tiers des populations de ces pays vive encore dans l’extrême pauvreté, a—t-il relevé. Le délégué a indiqué que les infrastructures sont vitales. Nous devons accroître de manière significative les investissements pour avoir des infrastructures de haute qualité et résilientes, dans les domaines de l’énergie, de l’eau et de l’assainissement, ainsi que celles en rapport avec la connectivité à travers les TIC. M. Arriola Ramírez a également déploré le fait que la participation des pays sans littoral au commerce international est inférieure à 1%, avant d’inviter les pays enclavés, ceux de transit, ainsi que les partenaires de développement et le système des Nations Unies et des parties prenantes pertinentes, à prendre activement part à l’examen de mi-parcours qui aura lieu les 5 et 6 décembre à New York.
M. TAYE ATSKESELASSIE AMDE (Éthiopie), au nom des pays les moins avancés (PMA), a rappelé qu’alors qu’il reste moins d’un an avant la fin de la mise en œuvre du Programme d’action d’Istanbul consacré à ces pays, le PIB des PMA sera en baisse en 2019. De plus, le nombre de personnes en sous-nutrition dans les PMA a augmenté entre 2011 et 2017, a-t-il ajouté, avant de signaler aussi que, selon les perspectives actuelles de croissance, plus de 30% de la population des PMA demeurera dans l’extrême pauvreté d’ici à 2030. Bonne nouvelle, en revanche, pour les PMA de plus en plus nombreux à réunir les conditions pour changer de catégorie, a dit le représentant, qui a appelé la communauté internationale à continuer son soutien à l’égard de ces pays pour que ce changement devienne irréversible.
En termes de transformations structurelles, qui sont le cœur du Programme d’Istanbul, on constate malheureusement un tassement et les PMA sont en grande difficulté face aux nouvelles menaces, a expliqué le représentant. Il a souligné que de récents rapports, dont le dernier rapport du GIEC, suggèrent que le monde sera confronté à des « superfacteurs » dévastateurs comme l’explosion démographique, l’urbanisation rapide et les changements climatiques. Cela touchera particulièrement les PMA, même s’ils ont déjà pris des mesures audacieuses d’adaptation, a-t-il mis en garde. Le représentant a saisi cette occasion pour rappeler aux pays développés leurs engagements, à savoir verser 100 milliards de dollars par an au Fonds vert pour le climat. Les PMA réclament aussi un accès privilégié et un transfert des nouvelles technologies, a-t-il dit.
M. Atskeselassie a aussi mentionné la forte croissance démographique des PMA, dont la population doublera d’ici à 2050, qui constitue un fardeau supplémentaire en termes de services et soins de base. En conclusion, il a réclamé une synergie forte dans les actions à mener, conformément aux directives du Programme d’action d’Istanbul.
M. KHIANE PHANSOURIVONG (République démocratique populaire lao), s’exprimant au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a demandé le soutien de la communauté internationale en faveur des PMA et des pays en développement sans littoral afin de les aider à atteindre leurs objectifs nationaux de développement et les objectifs de développement durable. L’ASEAN promeut des partenariats économiques afin d’intégrer la région dans l’économie mondiale, a—t-il déclaré. Les mesures de coopération prises en faveur des PMA et des pays en développement sans littoral, dans le cadre de l’action climatique, ont été jugées insuffisantes par le représentant. Il a donc invité les partenaires au développement à prendre des mesures supplémentaires en matière d’adaptation et d’atténuation aux changements climatiques, une question fondamentale pour faire face aux impacts destructeurs sur le développement et les vies des populations de ces pays, a-t-il déclaré.
M. MIKHAIL F. MASLOV (Fédération de Russie) s’est inquiété de la hausse de l’endettement, des effets des changements climatiques, des migrations qui entravent la croissance économique. Il a soutenu les mesures adoptées par les PMA en conformité avec le Programme d’action d’Istanbul. La Russie, a fait valoir le représentant, accorde une attention prioritaire à l’aide aux PMA et a alloué 1,36 milliard de dollars aux programmes de développement l’an dernier. La situation géographique unique de la Russie lui permet d’être un maillon dans les réseaux de transport euroasiatiques, a assuré la délégation.
M. ANTONY MULA (Indonésie) a reconnu que de nombreux pays en situation particulière restent confrontés à des défis majeurs malgré les efforts louables qu’ils ont entrepris. Les PMA sont affectés de manière disproportionnée par différents problèmes, entre autres les changements climatiques, et 30% de la population continuera de vivre dans l’extrême pauvreté en 2030. Le représentant a donc jugé urgent d’imprimer un nouvel élan. S’agissant des pays en développement sans littoral, il a estimé que l’examen à mi-parcours du Programme d’action de Vienne serait l’occasion de faire un bilan et d’accélérer le rythme de leur intégration économique.
Pour M. MOHAMMAD NAEEMI (Afghanistan), il est nécessaire d’adopter une approche intégrée et équilibrée pour relever les défis auxquels les pays en situation particulière sont confrontés et créer des synergies entre les différents programmes de l’ONU, demandant notamment que soient davantage intégrés le Programme 2030 et les programmes de développement. Il a reconnu les lacunes de l’Afghanistan en matière de capacités et souligné la nécessité de mobiliser des capitaux à cette fin.
Selon M. NKOPANE RASEENG MONYANE (Lesotho), il reste beaucoup à faire dans les pays en développement sans littoral comme le Lesotho. Il est aussi important de remarquer que les progrès ont été lents pour la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, et que le Lesotho risque d’être laissé pour compte dans cette entreprise collective. Il partage l’opinion selon laquelle les changements climatiques sont la plus grande menace de notre temps, et qu’elle a un effet disproportionné sur les petits pays en développement, entravant leur productivité agricole. Ces quatre dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées et le Lesotho est bien placé pour le savoir, puisque de grandes sécheresses ont accablé le pays. Des précipitations tardives et des températures extrêmes ont coïncidé avec une saison sèche associée au phénomène El Niño. La production de maïs a chuté, le bétail ne s’est pas remis, la qualité de la laine et du mohair risque d’être compromise, s’est-il inquiété. Un réchauffement dû au phénomène El Niño à la mi-novembre aggraverait le phénomène, empêchant le Lesotho de réaliser les objectifs de développement durable.
Mme NAVAAN-YUNDEN CHIMGUUNDARI (Mongolie) a dit attacher une grande importance à l’examen à mi-parcours du Programme d’action de Vienne, dont elle attend une ambitieuse feuille de route. Pour sa part, le Gouvernement mongol a adopté des mesures proactives visant à améliorer la croissance économique, élargir les relations commerciales et faciliter l’accès aux marchés régionaux et internationaux. À cet égard, Mme Chimguundari a souligné la mise en place du corridor économique Mongolie-Russie-Chine, qui est un bon exemple de coopération Sud-Sud. Dans ce cadre, la Mongolie prévoit de lancer 32 grands projets dans les domaines de l’infrastructure, de l’énergie et de la connectivité. En outre, le Président a récemment préconisé la création d’une institution multilatérale pour l’interconnection des réseaux électriques en Asie du Nord-Est, qui apportera des bénéfices économiques, sociaux et environnementaux à la sous-région. La Mongolie souhaite fournir jusqu’à 100 gigawatts d’énergie solaire et éolienne à des usagers en Chine, au Japon, dans les deux Corée et en Russie d’ici à 2036, a précisé son représentant, en conclusion.
M. TEMEM KHALID AL-MANSOORI (Qatar) a dit que le Programme d’action d’Istanbul recèle les cadres nécessaires à l’amélioration de la situation des PMA. Il a rappelé que le Qatar a une longue histoire de soutien aux pays en situation particulière, notamment les PMA. C’est à ce titre que le Qatar sera l’hôte de la cinquième Conférence des Nations Unies sur le développement des PMA. Le représentant a ainsi souhaité que la conférence soit couronnée de succès. Au sujet des changements climatiques, le Qatar entend fournir 100 millions de dollars aux PMA pour faire face aux effets néfastes du phénomène, a-t-il annoncé.
Mme MERYEM HAMDOUNI (Maroc) a rappelé que les pays en situation particulière continuent d’affronter plusieurs défis, notamment ceux liés à leur vulnérabilité aux crises financières, aux risques naturels et aux impacts des changements climatiques. Outre l’augmentation de l’APD, la représentante a estimé que l’application de conditions commerciales préférentielles devrait être renforcée par la baisse des barrières non tarifaires. De même, des mesures concrètes devront être prises pour l’intégration effective de ces pays dans le commerce international, a-t-il réclamé. Mme Hamdouni a aussi souligné que ces pays en situation particulière ont besoin de plus d’investissements étrangers directs dans des domaines qui garantissent la mise en place d’une économie de développement durable. Elle a conclu, en rappelant que le Maroc était pleinement investi dans la consolidation des liens de coopération et d’échanges avec les PMA, les PEID et les pays en développement sans littoral.
M. MUAZ ADNAN (Maldives) a fait part de son inquiétude, quant au sort des PEID qui sont en passe d’être radiés de la liste des pays les moins avancés (PMA), et qui sont plombés par les dettes. Il a relevé que ceux d’entre eux qui sont sur le point de devenir des pays à revenu intermédiaire ne bénéficient pas de l’indice de vulnérabilité économique, raison pour laquelle ils militent pour que l’Assemblée générale décide que l’on tienne compte de cet aspect préalablement à tout changement de catégorie. Le délégué a plaidé pour une transition en douceur pour ces pays qui vont, par exemple, perdre les possibilités d’obtenir des prêts concessionnels. Il a rappelé qu’après leur changement de catégorie en 2011, les Maldives ont fait face à plusieurs défis. C’est pourquoi elles espèrent, qu’à l’occasion de la cinquième Conférence des Nations Unies sur les PMA prévue en 2021, l’attention sera portée sur les défis spécifiques des PMA, notamment le besoin d’infrastructures résilientes et des actions accélérées pour la réduction des risques de catastrophe. Il a également invité les institutions financières internationales à reconsidérer leurs conditions de prêts aux PMA, aux PEID et aux pays en développement sans littoral, et à aligner leurs politiques sur la nécessité de réaliser le Programme 2030.
M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a indiqué que le reclassement du Bangladesh dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire est une option choisie par son pays. Alors qu’un certain nombre de PMA sont engagés dans ce processus, il a préconisé de prendre des mesures pour s’assurer que cette transition se passe bien. Le représentant a déploré le fait qu’il n’y ait pour l’instant aucune stratégie de suivi de la situation des pays reclassés. De même, la majorité des PMA n’ont pas de notation ou bien souffrent d’une notation peu reluisante en matière de prêts, a alerté le délégué, en appelant à sensibiliser les agences de notation à cet aspect. Le délégué a aussi plaidé pour que l’ONU aide à renforcer les marchés de capitaux locaux, afin de permettre aux PMA de pouvoir mobiliser des fonds nationaux. Comment éviter les effets délétères des chocs après le reclassement? Là est la question, a-t-il conclu.
Mme LILIANA OROPEZA (Bolivie) a souligné que les pays en développement sans littoral, comme la Bolivie, sont inévitablement confrontés à une réalité qui limite leur développement. À cet égard, la représentante a appelé au respect de l’Accord de facilitation du commerce de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), surtout son article 11. Le développement économique et social de la Bolivie est, en effet, entravé depuis plus d’un siècle en raison de son manque d’accès propre et efficace à la mer et du fait que les marchandises boliviennes sont soumises à une « opération logistique unilatérale et monopolistique » d’entreprises privées, avec des tarifs portuaires élevés et des coûts d’entreposage supplémentaires.
Pour Mme LUO JIN (Chine), la communauté internationale devrait créer une économie ouverte et soutenir les PMA et les pays en développement sans littoral pour les aider à sortir des goulots d’étranglement. Elle devrait respecter leur modèle de développement et fournir un appui financier, technique et un soutien pour le renforcement des capacités. Dans nombre de ces pays qui sont enclavés, l’absence d’infrastructures est le premier goulet d’étranglement, a-t-elle noté en recommandant de faire des efforts pour parvenir à un développement structurel. La communauté internationale devrait défendre le droit au traitement spécial et différencié des États en développement, membres de l’OMC, et condamner fermement l’unilatéralisme, a-t-elle aussi réclamé. Elle a assuré que la Chine avait toujours fermement soutenu le développement des PMA et des pays en développement sans littoral, notamment en les aidant dans le cadre de la coopération Sud-Sud.
M. TLHALEFO MADISA (Botswana) a identifié certains défis qui touchent, en particulier les pays en développement sans littoral: les coûts prohibitifs de transport, le manque d’infrastructures, notamment concernant les TIC, et le manque de moyens de mise en œuvre des programmes arrêtés sur la scène internationale. Selon lui, ces problèmes ne sont pas insurmontables et il faut renforcer la mise en œuvre du Programme d’action de Vienne.
Pour sa part, le Botswana a entrepris des projets dans le domaine des infrastructures afin de renforcer les échanges sous-régionaux. Il s’agit par exemple du « Trans Kalahari Corridor » qui est une autoroute joignant le pays à l’Afrique du Sud et la Namibie. Il a également évoqué le pont de Kazungula qui relie le Botswana et la Zambie et la plupart des pays de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). Il a ensuite salué l’entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale africaine, avant de souligner que malgré ces efforts, il est important de renforcer la coopération et les partenariats aux niveaux bilatéral, régional et mondial afin que les pays en développement sans littoral puissent réaliser les objectifs de développement durable.
Pour Mme THERESA CHANDA (Zambie), l’élimination de la pauvreté, le renforcement des capacités et la réduction des obstacles majeurs au développement durable dans les PMA et les pays en développement sans littoral devraient figurer en tête du programme de développement de l’ONU, afin que ces pays puissent atteindre les objectifs de développement durable dans la décennie à venir. En tant que PMA, la Zambie reconnaît l’importance du Programme d’action d’Istanbul et l’a intégré dans son programme national de développement. La représentante a cité quelques-uns des progrès déjà enregistrés, comme la hausse de la capacité de production d’électricité et la réduction de la fracture numérique entre les populations rurales et urbaines. En matière de politique commerciale, la Zambie maintient un régime libéral et a fait des progrès pour améliorer son ouverture aux marchés par des accords au niveau régional.
S’agissant du Programme d’action de Vienne, la Zambie a également fait des progrès et lancé une nouvelle politique des transports pour que le pays devienne un couloir de transit multimodal. Le Gouvernement a fortement investi dans le développement et la remise en état des infrastructures routières et aériennes, a ajouté la déléguée, avant de parler aussi de sa politique industrielle et de la création de zones de coopération économique.
M. HAMAD AL-MUZYAN (Koweït) a regretté que les progrès réalisés par les pays en situation particulière soient en deçà des attentes. Selon le représentant, la mobilisation du financement et le transfert de technologie restent un problème. Il a plaidé pour que les partenaires de développement multiplient leurs efforts pour lever les écueils. Pour sa part, le Koweït accorde une attention particulière à ces pays et a respecté ses quotas de financement pour le développement. La mise en œuvre des objectifs de développement durable va concrétiser la complémentarité et les partenariats entre les pays, a-t-il fait valoir.
M. NEBIL SAID IDRIS (Érythrée) a demandé de garantir la pleine participation des PMA dans les instances internationales, notamment dans l’élaboration des programmes, faute de quoi ces instances risquent de devenir obsolètes, y compris l’ONU. Ensuite, relevant que les objectifs louables des programmes internationaux sont pertinents mais toujours pas atteints, il a suggéré de moins s’attacher aux diagnostics qu’à la négociation de nouveaux objectifs. Parmi ceux-ci, il a cité les corrections à apporter au régime commercial international injuste, le transfert de technologie et de savoir-faire et les pratiques draconiennes dans le secteur financier international. En outre, il a fait remarquer que les défis de développement sont essentiellement des problèmes locaux et qu’il n’existe pas de solution unique. Il a prôné un bon équilibre national dans l’allocation des ressources. Veillons à ne pas gaspiller le temps et à laisser passer une nouvelle décennie sans progrès vers le développement pour tous, a-t-il conclu.
M. MURTADA HASSAN ABUOBEIDA SHARIF (Soudan) a commencé par rappeler les différents objectifs du Programme d’action d’Istanbul en faveur des PMA adopté en 2011. Il a plaidé pour un changement structurel profond afin de permettre aux PMA de pouvoir sortir de cette catégorie à l’échéance de 2020. M. Sharif a salué la mise en route de la Banque des technologies des PMA en 2018, en souhaitant qu’elle puisse aider ces pays efficacement. Le Soudan connaît aujourd’hui une nouvelle ère, a dit le représentant, en expliquant que son pays entend bénéficier de l’appui des partenaires internationaux pour mettre en œuvre le Programme d’action d’Istanbul en faveur des PMA.
M. NAMGYAL DORJI (Bhoutan) a dit qu’en tant que PMA et pays en développement sans littoral, le Bhoutan est inquiet de la baisse du volume de l’APD et des investissements étrangers directs en faveur de ces groupes de pays, ainsi que de la situation commerciale tendue au niveau mondial à cause des tensions et des mesures commerciales restrictives sur la scène internationale. Il a également souligné les effets néfastes des changements climatiques sur ces pays, avant de se féliciter du fait que le Bhoutan soit le seul pays au monde ayant un bilan carbone négatif. Il a invité les autres pays à renforcer l’action climatique.
Le représentant a ensuite rappelé que le but du Programme d’action d’Istanbul était de favoriser le changement de catégorie de la moitié des PMA à l’horizon 2020. Même si cet objectif apparaît aujourd’hui peu réalisable, M. Dorji s’est réjoui du fait que le Bhoutan fasse partie des trois PMA dont le processus de changement de catégorie a été entériné par l’Assemblée générale l’an dernier. Il a affirmé que son pays avait établi un plan pour une transition en douceur en 2023.
M. ARMAN ISSETOV (Kazakhstan) a appelé au renforcement de la coordination entre le Bureau du Haut-Représentant, la CNUCED, le PNUD, la Banque mondiale et autres organisations internationales, et les investisseurs du secteur privé. Il a loué, à cet égard, l’Alliance mondiale des investisseurs en faveur du développement durable, initiative du Secrétaire général lancée le 16 octobre, en espérant qu’elle contribuera à la Décennie d’action proclamée à l’occasion du sommet sur les objectifs de développement durable et attirera les ressources nécessaires aux pays ayant du mal à progresser dans la réalisation de ces objectifs.
Le Kazakhstan, qui accueillera la douzième Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (8-11 juin 2020), est en butte aux mêmes obstacles que tout autre pays enclavé en développement, a-t-il poursuivi, soulignant que la diversification des corridors de transport internationaux et la facilitation du commerce jouent un rôle déterminant dans le système de transport et la logistique. Et de préciser qu’actuellement, le transit de marchandises par le territoire du Kazakhstan met entre 13 et 15 jours, soit deux fois plus vite que par voie maritime. Il a, en outre, affirmé que les importations, les exportations et le transit ont été grandement facilités par la mise en œuvre du Mécanisme pour l'Accord sur la facilitation des échanges auquel 24 États enclavés sont partis. Avec la coopération de la CNUCED, le Kazakhstan a en effet mis en place le Programme automatisé d’administration douanière (ASTANA-1).
M. GHANSHYAM BHANDARI (Népal), a plaidé pour des changements structurels dans les PMA. Il a déploré le fait que la plupart des PMA ne soient pas prêts à changer de catégorie en 2020, malgré les prévisions contenues dans le Programme d’action d’Istanbul. Il a insisté sur le secteur des TIC qui pourrait aider ces pays à avancer plus rapidement, notamment avec le soutien de la Banque de technologies pour les PMA. Le Népal, qui a rempli certains critères de reclassement, a demandé plus de soutien aux PMA qui sont en voie de transition. Pour des PMA qui sont enclavés, la situation est encore plus complexe, a-t-il relevé, mentionnant également les effets néfastes des changements climatiques sur certains de ces pays. Enfin, le Népal a appelé à la mise en du Programme d’action de Vienne dont l’examen à mi-parcours aura lieu en décembre prochain.
M. HTIN LINN MAUNG (Myanmar) a insisté pour la mobilisation des fonds en faveur de la mise en œuvre des ODD et du Programme d’action d’Istanbul. Il a rappelé que l’APD reste cruciale pour le développement des PMA, ces pays étant en plus à la traine en matière de développement des TIC. Il a jugé que l’espoir était de mise si la Banque de technologies pour les PMA recevait des fonds pour faire changer la donne. Le délégué a également encouragé les donateurs à soutenir les investissements dans les infrastructures en matière d’énergie dans les PMA, tout en appelant à un environnement favorable à l’implication du secteur privé dans cette ambition. Il a enfin dit que le Myanmar venait de remplir toutes les conditions de changement de catégorie, le pays s’évertuant à bâtir les conditions d’une transition en douceur.
M. SERHAD VARLI (Turquie) s’est alarmé des données du rapport indiquant qu’environ deux millions d’enfants sont morts dans les PMA en 2017, en majorité de causes évitables. À moins de deux ans de la mise en œuvre du Programme d’action d’Istanbul, la communauté internationale devrait réfléchir à ces chiffres et être plus décisive dans ses actions, a-t-il lancé. Dans le cadre du Programme 2030, une attention particulière doit être accordée à l’élimination de la pauvreté, a-t-il recommandé, en plaidant pour la transformation structurelle inclusive, le meilleur moyen de parvenir à la prospérité.
Pour la Turquie, soutenir les PMA est une priorité, conformément au principe de ne laisser personne de côté. Depuis 2011, le pays attribue 350 millions de dollars par an à l’APD aux PMA, et, avec 8,6 milliards en 2018, la Turquie a été l’un des rares pays à respecter l’engagement de consacrer 0,7% de son PIB à l’APD. Pour le représentant, l’investissement dans les TIC est nécessaire. Réduire l’écart entre les pays développés et en développement impose de soutenir les avancées technologiques de ces pays. La Banque de technologies pour les PMA, opérationnelle depuis juin, renforce la capacité des PMA à développer, intégrer et améliorer le déploiement de technologies et innovations ainsi que leur capacité à faire face aux questions des droits de propriété intellectuelle. Malheureusement, le soutien des donateurs n’est pas suffisant, a regretté le représentant, qui a appelé tous les partenaires de développement à la soutenir.
M. SIDDHARTH MALIK (Inde) a fait valoir sa longue expérience de partenariats pour le développement et d’appui aux pays ayant des situations particulières. En tant que pays en développement, son partenariat est essentiellement axé sur le renforcement des capacités, l’échange de savoir-faire technologique, l’assistance financière et le développement des infrastructures pour favoriser une durabilité à long terme, a-t-elle précisé.
Le Fonds de développement Inde-ONU, établi en 2017, s’est engagé à une contribution à hauteur de 175 millions de dollars au cours des 10 années à venir en faveur de projets de développement dans les pays les moins avancés, et les petits États insulaires en développement (PEID). En deux ans, le Fonds a pu développer 38 projets dans 36 pays partenaires, dont 29 sont lancés, voire en phase d’achèvement. Aux côtés du Brésil et de l’Afrique du Sud, et en partenariat étroit avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’Inde épaule les pays en développement, des PMA pour la plupart, dans le cadre de la coopération Sud-Sud grâce au Dispositif IBAS. L’Inde participera enfin à la cinquième Conférence des Nations Unies sur les PMA qui aura lieu en 2021, au Qatar, et qui marquera le cinquantième anniversaire de l’établissement de la catégorie des pays les moins avancés.
Mme CHANTAL LINE CARPENTIER, Directrice du Bureau de New York de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a plaidé, d’urgence, pour une transformation économique radicale dans les PMA qui se heurtent au défi de l’accumulation des capacités de production à un rythme sans précédent, compte tenu de la réorientation rapide de la production et de la transformation numérique mondiale, pour atteindre les objectifs du Programme 2030. Les PMA doivent s’atteler à cette tâche alors même que leurs vulnérabilités structurelles s’accroissent, a-t-elle noté, en relevant aussi qu’ils doivent veiller à ne pas appliquer les méthodes de développement suivies par d’autres pays dans le passé. Mme Carpentier a ensuite présenté les grandes lignes de la politique récente de la CNUCED et les rapports qu’elle a produit sur les PMA.
Mme MIE VDEL-JORGENSEN, de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), a relevé que dans son rapport, le Secrétaire général indique que les progrès dans l’application du Programme d’action de Vienne sont « lents et insuffisants » dans de nombreux domaines, ce qui est évident étant donné le déclin de la croissance économique des pays enclavés en développement, ainsi que la baisse de leur participation au commerce international. Ces pays sont en butte à des défis sans pareil associés à leur manque d’accès direct à la mer et à leur emplacement éloigné des marchés mondiaux, a-t-il rappelé, en expliquant qu’ils sont autant affectés que les pays de transit ou côtiers par le coût élevé du commerce.
Beaucoup de pays enclavés sont aussi confrontés à des difficultés en matière d’accès au marché du fait de leur incapacité à répondre aux exigences des normes de qualité, a poursuivi le représentant. Partant, il a jugé qu’il fallait accélérer leur changement économique structurel. L’assistance technique de l’ONUDI est donc axée sur des programmes de qualité en vue du renforcement de l’intégration économique régionale et du commerce, en créant un climat leur permettant de répondre aux normes et aux règlements techniques du commerce international. Il a cité, à cet égard, le Programme Amélioration des normes de production (Better Work and Standards Programme -BEST). L’ONUDI fournit également un appui à travers le Programme de partenariat pays (PCP) dont les politiques tendent à favoriser une industrialisation inclusive et durable et à encourager le changement structurel et la croissance économique.