Deuxième Commission: l’agriculture durable, une nécessité pour faire reculer la faim dans le monde
Plus de 250 millions de personnes souffrent encore de la faim dans le monde et plus de deux milliards n’ont pas accès à une alimentation saine, nutritive et suffisante. Tel est le constat dramatique dressé par le Secrétaire général dans son rapport sur le développement agricole, la sécurité alimentaire et la nutrition, présenté, aujourd’hui, à la Deuxième Commission (questions économiques et financières).
Après des décennies de baisse constante, la faim a augmenté au niveau mondial pour la troisième année consécutive en 2018 et la sous-alimentation touche une personne sur neuf, est-il précisé dans le rapport. Le Groupe des États d’Afrique a noté que le continent demeure le plus touché, les facteurs aggravants étant liés aux catastrophes naturelles, aux conflits, à la dégradation des terres, à l’exode rural et à l’impact du ralentissement économique sur le secteur agricole. L’objectif de développement durable no 2 -l’élimination de la faim- est ainsi loin d’être atteint.
Dans le même temps, un tiers de la population mondiale devrait être obèse ou en surpoids d’ici à 2030. Et ce sont les petits États insulaires en développement (PEID) qui continuent d’avoir les taux les plus élevés d’obésité, a relevé l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), précisant que cela est dû à une grande consommation d’aliments très transformés qui sont importés et meilleur marché que ceux produits localement.
Les défis de l’agriculture et de la sécurité alimentaire dans les pays les moins avancés (PMA) sont exacerbés par une augmentation rapide de la population, par une diminution des terres productives, par les effets des changements climatiques et par une baisse de l’Aide publique au développement (APD), a fait savoir le Malawi. L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) y a ajouté des restrictions d’accès aux marchés, ainsi que l’urbanisation et l’industrialisation rapides. Et tous ces facteurs ne font qu’augmenter la pauvreté extrême, qui touche, en particulier, la population rurale. C’est donc, cette fois, l’objectif de développement durable no1 -l’élimination de la pauvreté- qui est menacé.
Comme l’a souligné le Honduras, le secteur agricole est le principal employeur au monde et fournit les moyens de subsistance de 40% de la population. Face aux défis, plusieurs délégations ont fait part de politiques adoptées sur le plan national pour améliorer la situation. Par exemple, la Communauté des Caraïbes (CARICOM) entend promouvoir des habitudes alimentaires saines, et constate un regain d’intérêt pour les aliments locaux tels que les tubercules ou les moutons, afin de développer des chaînes de valeurs locales et d’assurer des revenus prévisibles aux populations. Pour réduire les importations et encourager la production locale, la Jamaïque a ainsi lancé la campagne « Eat What You Grow », autrement dit « Mangez ce que vous produisez » tandis que le Niger a adopté l’initiative « I3N », soit « les Nigériens nourrissent les Nigériens ». Après huit années de mise en œuvre, cette initiative a permis de doubler la production agricole annuelle.
Ont également été évoquées des méthodes vertes et sûres en Mongolie, qui a appelé à instaurer « une année internationale du pastoralisme ». L’Érythrée et l’Éthiopie se sont lancées dans le reboisement tandis que le Bangladesh a vanté les mérites des fibres naturelles, qui sont écologiques, contrairement aux fibres synthétiques. À Sri Lanka, les petits agriculteurs sont organisés en coopératives, en partenariat avec la Banque mondiale et l’Organisation internationale du Travail (OIT). Pour leur part, l’Indonésie, le Nigéria ou le Kazakhstan, qui veulent créer au moins 20 fermes numériques fonctionnant avec des technologies de précision, ont mis l’accent sur les innovations et la recherche.
L’agriculture demeurant le secteur dominant dans de nombreux pays en développement, le Groupe des 77 et la Chine ont plus généralement plaidé pour un système commercial mondial qui soit équitable, ouvert, transparent, prévisible, inclusif, non discriminatoire et fondé sur des règles, afin de rendre les denrées plus abondantes et abordables. Il a recommandé des investissements pour renforcer les capacités agricoles et améliorer la productivité. Citant le « potentiel énorme de l’agrobusiness en Afrique », le Groupe des États d’Afrique a affirmé qu’en mobilisant toutes les ressources -publiques, privées ou mixtes-, le continent pourrait grandement améliorer son potentiel en termes de développement agricole et de nutrition.
Les difficultés d’accès aux marchés mondiaux et la volatilité des prix ont également suscité de nombreux commentaires. Pour l’Éthiopie, il faut se coordonner pour éviter une trop grande fluctuation des prix des denrées de base. L’Ukraine a préconisé une coordination intense entre toutes les agences des Nations Unies et les institutions financières, la prévisibilité et la stabilité des marchés alimentaires étant essentielles à la sécurité alimentaire.
La Bolivie a dénoncé « les pratiques spéculatives, l’accaparement des terres et la destruction des productions locales ». Elle a invité la communauté internationale à défendre une agriculture durable et à adopter la « Déclaration des droits des paysans ». Pour sa part, la Thaïlande a défendu une approche holistique, qui vise à parvenir à un équilibre entre la croissance économique, l’inclusion sociale, la protection de l’environnement et la préservation des modes de vie locaux, et ce, pour parvenir à l’autosuffisance.
Mme Carla Mucavi, s’exprimant au nom de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et du Fonds international de développement agricole (FIDA), a invité la Commission à se concentrer sur les 475 millions de petites exploitations agricoles et les peuples autochtones, qui pratiquent une agriculture traditionnelle et qui sont le plus souvent sujets à la faim et aux catastrophes naturelles. Elle a aussi invité à célébrer, le 17 octobre, la Journée mondiale de l’alimentation, sur le thème « Une alimentation saine pour un monde #faimzéro ».
Lundi 14 octobre, à partir de 10 heures, le Secrétaire général ouvrira les débats de la Deuxième Commission, consacrés au développement durable.
DÉVELOPPEMENT AGRICOLE, SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET NUTRITION
Présentation de rapport
M. ALEXANDER TREPELKOV, Directeur de la Division des objectifs de développement durable du Département des affaires économiques et sociales (DESA), a présenté le Rapport du Secrétaire général (A/74/237)intitulé « Développement agricole, sécurité alimentaire et nutrition », qui a été préparé en collaboration avec l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO). M. Trepelkov a d’emblée rappelé que l’élimination de la pauvreté et de la faim fait partie des priorités du Programme de développement durable à l’horizon 2030, puisqu’elle concerne les objectifs de développement durable (ODD) no1 et no 2. Le rapport souligne que la promotion des systèmes alimentaires inclusifs axés sur l’alimentation durable est un défi.
La faim au niveau mondial augmente pour la troisième année consécutive après des années de déclin, a regretté le directeur. Un cinquième de la population est touché, ce qui représente plus de 256 millions de personnes. En outre, on estime que plus de deux milliards de personnes n’ont pas accès à la nourriture en quantité suffisante, a poursuivi M. Trepelkov. Dans le même temps, on estime qu’un tiers de la population mondiale sera obèse ou en surpoids d’ici à 2030 et la situation ne s’améliore pas pour les enfants de moins de 5 ans.
M. Trepelkov a recommandé de se concentrer sur plusieurs fronts: s’assurer d’un approvisionnement en nourriture adéquat pour 10 milliards de personnes d’ici à 2050; garantir un emploi aux 28% de la population mondiale qui travaillent directement ou indirectement dans le secteur agricole; réduire de 25% les émissions de gaz à effet de serre provenant de l’agriculture; réduire de 70% les prélèvements d’eau pour l’agriculture; et protéger les terres et les sols destinés à l’agriculture.
Le Programme 2030 appelle à un système alimentaire qui soit pleinement durable dans toutes ses dimensions. Investir dans des systèmes alimentaires durables relève d’une politique intelligente, a conclu M. Trepelkov.
Discussion générale
Selon ABDULLAH ABUSWANESH (Palestine), au nom du Groupe des 77 et la Chine, la faim continue de gagner du terrain, ayant augmenté depuis 2015: le nombre absolu de personnes touchées par la malnutrition ou la privation chronique de nourriture est passé de 811 millions en 2015 à 829 millions en 2018. Les pays en conflit ou touchés par les catastrophes naturelles sont particulièrement vulnérables, a-t-il noté, en citant le rapport sur la question. Cela rend impossible la réalisation de l’objectif de développement durable no2 dans les délais fixés, a-t-il mis en garde.
L’agriculture demeurant le secteur dominant dans de nombreux pays en développement, le représentant a plaidé pour un système commercial mondial qui soit équitable, ouvert, transparent, prévisible, inclusif, non discriminatoire et fondé sur des règles, le tout sous l’égide de l’OMC, afin de rendre les denrées plus abondantes et abordables. Le commerce agricole est en effet un facteur très positif pour la réalisation des objectifs de développement durable, a-t-il appuyé. Il faut, a-t-il recommandé, des investissements pour le renforcement des capacités agricoles et l’amélioration de la productivité du secteur. De manière générale, il faut accélérer la mise en œuvre du Programme 2030, selon le représentant qui a souligné les liens directs entre sécurité alimentaire, nutrition et développement durable. « Les 10 prochaines années seront cruciales si nous voulons atteindre des résultats concrets et améliorer la vie de nos concitoyens », a conclu le représentant, qui a réaffirmé l’importance des travaux de la Deuxième Commission et l’importance pour la communauté internationale de trouver un consensus.
Au nom des pays les moins avancés (PMA), M. PERKS LIGOYA (Malawi) a fait observer qu’environ une personne sur neuf était en situation de malnutrition en 2018. Les défis de l’agriculture et de la sécurité alimentaire dans les PMA sont exacerbés par une augmentation rapide de la population, par une diminution des terres productives, par les effets des changements climatiques et par une baisse de l’Aide publique au développement (APD), a fait savoir le représentant. Et tous ces facteurs ne font qu’exaspérer la pauvreté extrême dans les PMA, qui touche, en particulier, la population rurale, a-t-il ajouté. Il en a appelé à une transformation économique inclusive dans les zones rurales.
Investir dans les petits agriculteurs, qui sont surtout des agricultrices, est plus important que jamais, a lancé M. Ligoya. Les innovations et les nouvelles technologies ont, ces dernières années, transformé les façons de produire et de consommer certains aliments, a-t-il relevé. Pour lui, c’est une véritable promesse pour la sécurité alimentaire mondiale, mais ces technologies ne sont pas toujours disponibles pour ces petits agriculteurs dans les PMA. Il nous faut, aujourd’hui, de manière urgente, nous assurer d’un accès à une alimentation sûre, et développer un système de distribution de nourriture en mesure de répondre aux situations d’urgence, a plaidé, en conclusion, M. Ligoya.
Mme SHARON LINDO (Belize), s’exprimant au nom de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS), a indiqué que pour des petites îles dont les côtes sont en dessous du niveau de la mer, la sécurité alimentaire et la nutrition sont une préoccupation constante. Les facteurs environnementaux et économiques qui affectent les capacités de ces pays dans le domaine de la sécurité alimentaire sont contenus dans les Orientations de Samoa, a-t-elle rappelé. Elle a aussi souligné que les impacts des changements climatiques, y compris les phénomènes climatiques extrêmes, continuent d’affecter la disponibilité alimentaire à travers le monde. Elle a noté que ces phénomènes réduisent la prévisibilité des approvisionnements. M. Lindo a relevé que les changements climatiques ont également un grand impact sur la pêche, une activité dont dépendent la plupart des petits États insulaires en développement (PEID) comme principale source de protéine, mais également pour leurs économies. Dans ce contexte, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a souligné, dans un rapport récent, que le réchauffement des océans a contribué à une diminution globale du potentiel de capture maximal au niveau mondial, aggravée par la surpêche mondiale.
Sur un tout autre plan, les PEID continuent d’avoir les taux les plus élevés d’obésité, a mentionné le délégué, ajoutant que cela est dû à une grande consommation d’aliments hautement transformés qui sont importés et sont également meilleur marché que ceux produits localement. C’est pourquoi l’Alliance a réitéré, au cours de l’examen à mi-parcours des Orientations de Samoa tenu le mois dernier, l’importance de promouvoir les modes de production alimentaires durable dans ces pays, notamment en renforçant leurs capacités techniques dans ce domaine.
Selon Mme MERIEM EL HILALI (Maroc), au nom du Groupe des États d’Afrique, il va sans dire que l’élimination de la faim est un moteur pour parvenir au développement durable. Cependant, il ne reste que 10 ans pour atteindre les objectifs, a-t-elle rappelé, jugeant l’objectif difficilement réalisable, étant donné que la faim augmente dans le monde depuis trois années consécutives. Si la prévalence de la malnutrition demeure stable dans le monde, le Groupe des États d’Afrique note que leur continent demeure le plus touché avec 256 millions de personnes impactées. Alarmée, la représentante a appelé à agir à tous les niveaux -national, régional et international. Les facteurs aggravants sont liés aux catastrophes naturelles, aux conflits, à la dégradation des terres, à l’exode rural et à l’impact du ralentissement économique sur le secteur agricole.
Toutefois, « les capacités agricoles en Afrique sont gigantesques », puisque « le continent dispose des plus larges surfaces de terres fertiles non cultivées de la planète », et d’une main-d’œuvre pléthorique et jeune: « c’est une occasion en or pour relever le défi », a noté la représentante. Citant le « potentiel énorme de l’agrobusiness en Afrique », elle a affirmé qu’en mobilisant toutes les ressources -publiques, privées ou mixtes-, le continent pourrait grandement améliorer son potentiel, en termes de développement agricole et de nutrition. Et le récent Accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine devrait grandement stimuler l’échange de produits, selon elle.
Mme HMWAY HMWAY KHYNE (Myanmar), s’exprimant au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a indiqué que l’agriculture permet d’assurer la sécurité alimentaire, de générer des revenus et de garantir des emplois aux populations rurales de l’ASEAN, ces dernières représentant la majorité de la population de ces pays. Sans le développement de ce secteur, la région ne pourra donc pas éradiquer la pauvreté et réaliser les objectifs de développement durable, a-t-elle averti. Le secteur agricole de l’ASEAN fait malheureusement face aux effets néfastes des changements climatiques, aux restrictions des marchés et à un retard de développement en comparaison avec d’autres régions du monde. De même, l’urbanisation et l’industrialisation rapides posent de nombreux problèmes pour le secteur, a-t-elle affirmé, en notant que le Plan stratégique de l’ASEAN pour la coopération en matière d’alimentation, d’agriculture et de forêts pour les années 2016-2025 avait été élaboré pour répondre à ces défis.
La déléguée a insisté sur le fait que la région est particulièrement vulnérable aux changements climatiques, ceux-ci affectant négativement le secteur agricole et la sécurité alimentaire. C’est fort de ce constat que les pays de la région ont adopté le cadre multisectoriel sur les changements climatiques, l’agriculture et la foresterie au cours de la quarantième réunion des Ministres de l’agriculture et des forêts de l’ASEAN en octobre dernier, a indiqué Mme Khyne.
M. MICHAEL RUDOLPH TEN-POW (Guyana), s’exprimant au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a relevé que le déclin progressif de l’agriculture dans certains pays de la CARICOM s’explique par les ouragans de plus en plus violents et par d’autres facteurs relatifs aux changements climatiques, notamment les sécheresses et les inondations. De plus, le secteur agricole de la Communauté est désormais dominé par des petits exploitants qui n’ont qu’un accès limité aux financements et aux assurances. La CARICOM réitère donc son appel en faveur de partenariats, Nord-Sud et Sud-Sud, et plaide pour la création de mécanismes de financements innovants par les institutions financières internationales afin de cibler les besoins spécifiques des exploitants agricoles. La CARICOM demande également aux Nations Unies d’aider les pays de la région à bâtir leurs capacités institutionnelles pour rendre leur agriculture durable.
Au sein des Caraïbes, a noté M. Ten-Pow, l’accès aux aliments est fonction du niveau social, et la région compte parmi les plus inégales au monde. Cela conduit donc à l’inégalité dans la consommation alimentaire. En Jamaïque par exemple, les 10% des plus pauvres de la population consomment 8% du total de la consommation des 10% les plus riches. La CARICOM entend renforcer la production alimentaire dans la région et promouvoir des habitudes alimentaires saines, dans le but de réduire l’incidence des maladies non transmissibles, ainsi que l’obésité et la malnutrition. Il y a également un regain d’intérêt en faveur des aliments locaux tels que les tubercules, les végétaux et les épices, ainsi que les moutons et les chèvres, afin, notamment, de développer des chaînes de valeurs locales et assurer des revenus prévisibles aux populations. Les produits de la mer sont également une composante majeure des habitudes alimentaires de la région, même si, a déploré le délégué, leur quantité ne cesse de se réduire, notamment du fait de la surpêche et de la pêche illégale.
M. IVAN KONSTANTINOPOLSKIY (Fédération de Russie) a relevé que toutes les approches mentionnées dans le rapport pour faire face aux défis soulignés semblent fondées, comme celle de créer une coopération entre tous les acteurs du secteur agricole, ce qui permettrait, notamment, de trouver un équilibre entre besoin de nutrition et besoin de protection de l’environnement. La Russie accorde, pour sa part, une attention particulière à la réhabilitation des terres, a dit le représentant, soulignant que la numérisation du secteur agricole est de plus en plus importante. Le délégué s’est félicité des travaux dans le cadre de la Décennie d’action des Nations Unies pour la nutrition (2016-2025) et des recommandations émises par le Comité de la sécurité alimentaire mondiale.
M. DIAN TRIANSYAH DJANI (Indonésie) a observé que plus de 300 millions de personnes souffrent de la faim dans sa région. Il a informé des efforts déployés par l’Indonésie pour améliorer les secteurs de l’agriculture et de l’alimentation. Le pays, par exemple, promeut un système de production alimentaire basé sur la recherche afin d’en améliorer la qualité nutritionnelle. L’Indonésie entend aussi miser sur l’aquaculture et améliorer la nutrition des enfants, a indiqué le représentant.
M. MOHAMMAD GHORBANPOUR NAJAFABADI (République islamique d’Iran) a dénoncé les mesures coercitives illégales et les sanctions économiques injustes à l’encontre de l’Iran, qui obligent le Gouvernement à prendre de nouvelles mesures pour garantir la sécurité alimentaire. Ces sanctions unilatérales ont un impact négatif sur l’agriculture durable, s’est-il plaint, en faisant remarquer les conséquences que cela implique sur le financement d’une bonne alimentation et sur la sécurité alimentaire. Le représentant a demandé au Secrétaire général de se pencher sur ces « abus de la part des puissances économiques les plus importantes ».
M. ZIAUDDIN AMIN (Afghanistan) a dit que le ralentissement économique amenait un tassement des salaires et un regain du chômage. De plus, a-t-il ajouté, les catastrophes naturelles liées aux changements climatiques ont des répercussions néfastes sur les populations les plus vulnérables et contribuent à l’accroissement des inégalités. « Il nous faut bien comprendre les racines de l’insécurité alimentaire: l’Afghanistan est englué dans des conflits depuis des décennies, et l’insécurité alimentaire atteint dans le pays 45% de la population », a-t-il continué. Les changements climatiques rendent les problèmes encore plus sévères, notamment la sécheresse, « alors que le pays dépend grandement des chutes de pluie et de neige pour son accès à l’eau ». Les sécheresses ont mis à mal les réserves en eau du pays, a-t-il indiqué, en s’inquiétant de ce problème majeur de sécurité alimentaire. Pour y faire face, il a réclamé une approche globale basée sur l’aide humanitaire et la construction de la paix.
M. SUKHBOLD SUKHEE (Mongolie) a relevé que mettre fin à l’insécurité alimentaire et éliminer la faim étaient au cœur des objectifs de développement durable. Priorité de la Mongolie, la production agricole génère 26% des emplois du pays. Plus de 80% émane de l’élevage traditionnel pastoral, a ajouté le représentant, en se félicitant des améliorations enregistrées dans ce secteur grâce à des mesures promouvant des méthodes vertes et sûres, et un système de distribution adéquat. La vision pour 2030 de la Mongolie englobe le développement des systèmes alimentaires de façon inclusive et résiliente, et adaptée aux changements climatiques. Ces derniers sont un défi titanesque et ont un grand impact sur tous les pays du monde: « aucun pays ne peut les combattre seul », a d’ailleurs souligné le représentant. La Mongolie a enfin appelé à « une année internationale du pastoralisme ».
Pour M. OMAR CASTAÑEDA SOLARES (Guatemala), la faim est un frein au développement humain, alors que le droit à l’alimentation est un droit fondamental. Au Guatemala, les défis sont liés aux phénomènes de sécheresse qui affectent les communautés agricoles. Très souvent, les petits agriculteurs sont ceux qui souffrent le plus, comparativement aux grands propriétaires. La chute des cours du café ainsi que le phénomène El Niño ont contribué à la malnutrition actuelle, a-t-il dit. Autre fait troublant, « la malnutrition peut aussi entraîner des phénomènes alarmants d’obésité parmi les populations vulnérables », a souligné le représentant. Il a mentionné le cadre légal et politique mis en place par le Gouvernement qui apporte un soutien aux interventions de l’État visant à contrer ces problèmes. Le but est, notamment, de développer un système alimentaire inclusif et de donner aux agriculteurs un accès aux technologies pour leur permettre de créer une agriculture durable et résiliente, basée sur l’agriculture biologique. « Le principe de ne laisser personne de côté n’a jamais été plus urgent qu’aujourd’hui », a-t-il conclu.
M. SAMUEL V. MAKWE (Nigéria) a fait observer que la situation, en matière de sous-alimentation, reste stable dans le monde mais qu’elle se détériore en Afrique. Selon les prévisions de l’ONU, la population du Nigéria sera la troisième au monde d’ici à 2050, a-t-il indiqué. Aussi le Gouvernement a-t-il identifié l’agriculture comme un potentiel énorme pour l’alimentation et l’emploi. Par le biais d’une politique de promotion de l’agriculture mise en œuvre sur la période 2016-2020, le pays investit dans les innovations et fait de son mieux pour normaliser les pratiques et améliorer la situation, a assuré M. Makwe. Cette politique a déjà permis d’inverser la situation en termes de malnutrition, en particulier pour les enfants, a-t-il indiqué.
Mme FADUA ORTEZ (Honduras) a constaté que le secteur agricole est le principal employeur au monde et qu’il fournit des moyens de subsistance à 40% de la population. Cela explique pourquoi ce qui se passe dans ce secteur a des répercussions sur tous les autres, a-t-elle fait observer. La représentante a donc jugé nécessaire d’améliorer l’insertion économique des petits producteurs agricoles, en particulier les plus pauvres. Le Honduras considère que l’accès au marché doit être facilité, les prix étant beaucoup trop volatiles aujourd’hui. Les technologies numériques permettent de créer de nouvelles chaînes de valeur et des bases de données sur les caractéristiques de la production mais, a-t-elle regretté, elles ne sont pas accessibles aux plus modestes.
Mme SAVITRI PANABOKKE (Sri Lanka) a dit que son pays était engagé sur la voie du renforcement de la production agricole, notamment en augmentant les récoltes d’aliments comme le riz. Pour elle, les petits agriculteurs jouent un rôle majeur dans la sécurité alimentaire. À Sri Lanka, ils sont organisés en coopératives, comme la Sanasa qui a un partenariat avec la Banque mondiale et l’Organisation internationale du Travail (OIT). Elle a noté que la pêche et la pisciculture jouent un rôle important dans la sécurité alimentaire des pays constitués d’îlots comme la Sri Lanka. Le pays est engagé à éliminer les pratiques de pêche qui ne sont pas durables. De même, afin d’éliminer les obstacles liés aux changements climatiques, le pays reçoit, depuis 2013, des financements issus du Fonds vert pour le climat afin de renforcer la résilience des petits agriculteurs contre ce fléau. Il s’agit, notamment, d’améliorer l’irrigation dans les zones arides de Sri Lanka. Un projet similaire, mis en place en collaboration avec la FAO, permet de soutenir 150 000 agriculteurs du pays, a déclaré Mme Panabokke.
M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a fait savoir que le Bangladesh avait fait de grands progrès en adoptant des politiques visant à transformer le secteur agricole, à promouvoir le développement rural, à autonomiser les personnes marginalisées et à protéger les petits agriculteurs. Résultat, « le pays est passé d’importateur net à exportateur net de produits alimentaires », s’est enorgueilli le représentant. Il a parlé des fibres naturelles, qui sont produites en grande quantité au Bangladesh, en faisant observer qu’elles sont écologiques, contrairement aux fibres synthétiques qui contribuent à la dégradation de l’environnement. Il a estimé qu’une résolution de l’ONU, à cet égard, est nécessaire afin d’encourager davantage la consommation de fibres naturelles.
Selon M. TEDLA GETISO (Éthiopie), les écosystèmes des pays en développement sont considérablement impactés. Il faut, a-t-il recommandé, se coordonner pour éviter une trop grande fluctuation des prix des denrées de base. Il a aussi expliqué la nécessité de miser sur l’intensification et la modernisation, dans un pays, comme l’Éthiopie, où l’agriculture est une industrie essentielle. Une politique de développement rural a été mise en place avec des moyens encore jamais vus en Éthiopie, a affirmé le représentant: les services agricoles ont été étendus, en essayant de placer les petits agriculteurs au centre des efforts, permettant à l’agriculture éthiopienne de gagner en croissance, et d’agir contre la malnutrition des enfants. Différents programmes, comme un « programme de reforestation décennale » lancé au mois de mai, ont été entrepris. « Plus de 350 millions d’arbres ont été plantés en une seule journée, un immense succès sur la voie de la sécurité alimentaire », a-t-il souligné.
Mme SOPHIA TESFAMARIM (Érythrée) a noté que, dans la plupart des pays en développement, l’agriculture est une industrie indispensable pour le développement. En Érythrée, 67% de la population habite en zone rurale et vit de la pêche, de l’élevage ou de la chasse. Il y a 10 ans, la sécurité alimentaire nous a permis de fixer des prix abordables pour les denrées de base, malgré des conditions climatiques vulnérables, des sécheresses et la désertification, a indiqué la représentante, tout en précisant que le pays est encore trop dépendant des pluies. C’est pourquoi le Gouvernement développe une agriculture soucieuse du climat avec une politique de reforestation pour les côteaux des montagnes et les zones les plus sèches, mobilisant femmes, étudiants et militaires pour reboiser et construire des barrages, en cherchant à passer d’une agriculture de subsistance à une agriculture irriguée. Essayant d’atteindre les objectifs de développement durable en réduisant la pauvreté et la faim, le Gouvernement a lancé une politique pour les petits et moyens agriculteurs en créant un réseau et en permettant aux jeunes agriculteurs d’investir.
Selon Mme LILIANA OROPEZA (Bolivie), les paysans, les peuples autochtones et les petits agriculteurs sont les populations qu’il faut aider, en leur garantissant un accès au crédit et en évitant « les pratiques spéculatives, l’accaparement des terres et la destruction des productions locales ». « L’harmonie avec la nature passe par l’utilisation de semences autochtones et il n’est pas question de laisser faire les forces du marché », a-t-elle insisté. Les paysans et les travailleurs des zones rurales sont de véritables « survivants des changements climatiques »: ils ont du mal à obtenir une sécurité sociale, leurs terres sont souvent arides, et ces personnes sont souvent des femmes, a ajouté la représentante, qui a souhaité rendre hommage aux femmes du secteur agricole. Aujourd’hui, « les phénomènes météorologiques sont extrêmes » dans la région à laquelle appartient la Bolivie, a fait remarquer la représentante, avant d’appeler la communauté internationale à défendre une agriculture durable et à adopter la « Déclaration des droits des paysans », que la Bolivie soutient avec force.
Mme PAVEENA SUTTHISRIPOK (Thaïlande) a évoqué des projets menés avec la FAO et le Programme alimentaire mondial (PAM) afin de lutter contre la faim dans les écoles de Thaïlande. Elle a relevé qu’il fallait adopter une approche holistique pour parvenir à une agriculture durable, et qu’une telle approche était cristallisée dans la philosophie d’autosuffisance suivie par le Gouvernement: cette approche vise à parvenir à un équilibre entre la croissance économique, l’inclusion sociale, la protection de l’environnement et la préservation des modes de vie locaux. Cette approche d’autosuffisance a été partagée avec 26 pays dans le cadre de la coopération Sud-Sud, a affirmé Mme Sutthisripok. Elle a ajouté que le développement agricole durable passe par la gestion durable des ressources naturelles. Consciente que les sols offrent 95% des aliments consommés dans le monde, la Thaïlande commémore au Siège des Nations Unies la Journée mondiale des sols le 5 décembre de chaque année. Enfin, la Thaïlande est également engagée à combattre la pêche illégale, a assuré la déléguée.
M. THANOUPHET XAIYAVONG (République démocratique populaire lao) a indiqué que le Gouvernement lao avait mis en place une stratégie agricole jusqu’en 2025 dans l’objectif de garantir la sécurité alimentaire, de produire à des prix compétitifs et de développer l’agriculture. Il souhaite une agriculture saine et encourage les pratiques écologiques, a précisé le représentant. M. Xaiyavong a, par ailleurs, déploré la pollution de sols dans son pays et les dommages considérables provoqués par les inondations dues à une tempête tropicale. Le pays a encore beaucoup à faire en termes de réduction des risques de catastrophe, a signalé le représentant.
M. EARL COURTENAY RATTRAY (Jamaïque) a indiqué que l’agriculture reste un pilier de l’économie rurale mais que la Jamaïque fait face à de nombreux défis, comme la dépendance aux produits agricoles importés ou le prix des semences. La vulnérabilité du secteur agricole aux secousses extérieures, notamment aux effets des changements climatiques, fragilise encore la sécurité alimentaire du pays, a-t-il reconnu. Le représentant a défendu la nécessité de mettre au point des cultures résistantes aux catastrophes et a vanté les bienfaits de la reforestation. Parmi d’autres mesures, le Gouvernement promeut la campagne « Eat What You Grow », autrement dit « Mangez ce que vous produisez ».
La représentante des (Maldives) a qualifié les inondations, les sécheresses et les événements météorologiques imprévisibles de « nouvelle norme » qui a un impact négatif sur l’agriculture. Pour les PEID, le lien entre sécurité, action climatique et océan durable est devenu vital, en raison de leur vulnérabilité aux chocs extérieurs, a fait remarquer la représentante. Sur le plan national, le Gouvernement des Maldives s’est engagé à développer le secteur agricole en priorité, après le tourisme et la pêche. Les Maldives sont constituées à 99% d’océan et le secteur de la pêche est fondamental, aussi la représentante a-t-elle rappelé que la gestion durable des océans est indispensable. Un pays seul ou une agence seule ne peuvent pas s’en sortir, a-t-elle cependant remarqué, en concluant qu’il faut rationaliser les différents programmes et accroître la coopération internationale pour venir en aide aux pays les plus vulnérables comme les Maldives.
Mme ANA NEMBA UAIENE (Mozambique) a déclaré que les changements climatiques et les catastrophes naturelles étaient les pires facteurs touchant les PMA. Le Mozambique a mis en œuvre un Programme de mécanisation nationale du secteur agricole, pour fournir une assistance technique et un renforcement des capacités. Le pays a notamment entrepris de construire des routes, pour permettre aux agriculteurs de se déplacer. Les petits agriculteurs, notamment les femmes, qui représentent 80% de la main-d’œuvre, ainsi que les jeunes, jouent un rôle clef dans le développement agricole du Mozambique, a indiqué la déléguée avant de parler des changements climatiques qui ont apporté des éléments nuisibles sur les productions, notamment les maladies. En outre, les catastrophes naturelles comme les ouragans pourraient mettre fin au rêve du Mozambique de réaliser le Programme 2030, a-t-elle ajouté. Une collaboration régionale est nécessaire pour inverser la tendance, s’adapter davantage et bâtir la résilience via le développement de l’irrigation, l’usage d’outils modernes et des nouvelles technologies.
Selon M. XU ZHONGSHENG (Chine), la communauté internationale doit renforcer son appui aux pays en développement dans le secteur agricole, surtout les PMA, via le renforcement des capacités et le transfert de technologie. Engagée dans le développement de l’agriculture verte, la promotion du tourisme rural et le développement agricole, la Chine a transformé son modèle de production et a fait de son mieux pour investir dans l’innovation, a-t-il témoigné.
M. SIDDHADTH MALIK (Inde) s’est réjoui que l’Inde soit passionnément engagée dans la révolution verte, le résultat d’efforts institutionnels concertés, d’investissements dans les infrastructures rurales, d’une aide à l’accès au crédit et d’un système de subventions. Toutefois, pour arriver à des coûts plus abordables, il faut encore rénover les systèmes de distribution, a-t-il noté. Engagé dans le but de doubler les revenus de chaque agriculteur indien d’ici à 2022, le Gouvernement a promis un appui supplémentaire de 6 000 roupies par an aux agriculteurs éligibles, en plus des subventions régionales.
Par ailleurs, l’Inde a déployé des technologies de l’information et des communications (TIC) au service de l’agriculture, comme un portail SMS (système mobile par satellite), la biométrie, des applications mobiles pour agriculteurs culture par culture. Elle soutient, d’ailleurs, les start-ups du monde agricole indien. En outre, un marché national numérique agricole a été lancé pour mettre en réseau différents petits producteurs. L’agriculture biologique est un objectif important, a assuré le délégué: « la province de Sikkim est devenue la première province 100% bio du monde » et 30% des producteurs en Inde étaient « bio » en 2018.
M. ARMAN ISSETOV (Kazakhstan) a estimé que la communauté internationale devait mettre en place des mécanismes régionaux et sous-régionaux pour lutter contre la malnutrition. Il a relevé que la planète dispose des ressources nécessaires pour nourrir toute la population et s’est inquiété des effets des inégalités de revenu sur la malnutrition. Le Kazakhstan prend des mesures pour numériser le secteur agricole, dans l’objectif de créer au moins 20 fermes numériques fonctionnant avec des technologies de précision, a signalé le représentant. Il est, à son avis, possible d’améliorer la productivité dans le secteur agricole par des transferts de technologie. La transformation durable ne sera possible qu’en prenant des mesures pratiques et conjointes, a conclu le représentant.
Mme LEILA C. LORA-SANTOS (Philippines) a jugé nécessaire de combler l’écart entre le secteur agricole et l’augmentation de la population. Il est également nécessaire de diversifier les récoltes et d’accroître la participation des jeunes dans l’agriculture. De plus, l’agriculture doit être considérée comme un secteur industriel à part entière, selon la délégation. Mme Lora-Santos a encore considéré nécessaire de renforcer les capacités des exploitations agricoles, en particulier, celles qui ont besoin de machines ou de technologies.
Pour M. VITALII BILAN (Ukraine), un secteur agricole sain est une condition sine qua non de la croissance économique globale. Le représentant a évoqué le quatre-vingt-sixième anniversaire de la famine de masse d’Holodomor provoquée par le régime soviétique, alors que la terre d’Ukraine est l’une des plus fertiles au monde et que le pays est l’un des plus gros producteurs agricoles. M. Bilan a préconisé une coordination intense entre toutes les agences des Nations Unies et les institutions financières, la prévisibilité et la stabilité des marchés alimentaires étant essentielles à la sécurité alimentaire.
Mme OUMIA OUMATE PABA SALE (Cameroun) a rappelé que l’agriculture emploie près de deux tiers de la population africaine, notant qu’il est évident que la révolution de ce secteur améliorera de manière significative les conditions de vie des populations et stimulera considérablement le développement du continent. Pour sa part, le Cameroun a initié une ambitieuse mutation agricole vers la deuxième génération, au titre des grands chantiers engagés en vue de son émergence à l’horizon 2035. Mme Paba Sale a relevé que cette mutation ne peut se faire sans l’appui des partenaires habituels au développement du pays.
Le Cameroun, a expliqué la représentante, s’est doté d’un plan d’investissement agricole évalué à 3 550 milliards de francs CFA pour la période 2014-2020 et qui s’articule autour des axes suivants: développement des filières de production, modernisation des infrastructures de production, élaboration des mécanismes d’accès aux financements, gestion et valorisation durable des ressources naturelles, et renforcement des capacités des acteurs. En outre, une banque agricole est en cours de lancement, a indiqué la représentante, avant de conclure en invitant au renforcement de la mobilisation et de la solidarité en faveur des économies du Sud, en vue d’éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire et améliorer la nutrition.
Mme STEPHANIE MUIGAI (Kenya) a estimé qu’il serait inquiétant que le monde ne parvienne pas à réaliser l’objectif de développement durable no2 dans les 10 ans à venir. L’agriculture représente 26% du PIB du Kenya et deux millions d’habitants travaillent dans ce secteur, a-t-elle souligné. Dans le cadre d’un partenariat public-privé, la production de maïs et de pommes de terre devrait grandement s’accroître d’ici à 2022, et un Programme décennal, visant à accroître les revenus des agriculteurs et des pécheurs, vient d’être lancé, s’est-elle réjouie. Mme Muigai a cependant réclamé des moyens et une expertise technique pour atteindre la sécurité alimentaire et améliorer l’emploi des femmes et des jeunes dans ce secteur. En outre, elle a dit qu’à cause d’un phénomène de sécheresse très dangereux, la famine était réapparue par endroits. Le Kenya, a-t-elle ajouté, s’est engagé à opérer une transition pour moderniser son agriculture, son irrigation, afin d’être moins gourmand en eau. Une coopération entre secteurs privé et public doit aussi s’opérer pour inverser la tendance, a-t-elle observé.
M. MOUSSA SOULEYMANE PARAISO (Niger) a estimé que l’élimination de la faim dans le monde constituera un étalon majeur de l’atteinte des objectifs de développement durable d’ici à 2030. Hélas, a—t-il déploré, les signaux actuels indiquent que la faim et la prévalence de la malnutrition sont en hausse ces dernières années. Il a identifié comme causes à cette situation, les changements climatiques, les conflits et la démographie. Au Niger, pays sahélien, le secteur rural occupe près de 80% de la population et est victime du dérèglement des saisons. Depuis 2011, le Gouvernement a adopté l’initiative « I3N », soit « les Nigériens nourrissent les Nigériens ». Sa mise en œuvre a permis de diversifier et augmenter la production agricole et de relever les revenus des populations vivant en milieu rural, a déclaré le délégué, qui s’est félicité du fait qu’après huit années de mise en œuvre, cette initiative ait permis de doubler la production agricole annuelle du Niger qui est passée de 3 554 795 tonnes en 2011 à 6 061 789 tonnes en 2018. Cette embellie a permis de mettre fin au cycle de famine qui rime avec mauvaise pluviométrie, et le pays a désormais rompu avec le cercle vicieux de « sécheresse-famine ».
Selon M. MOHAMMED ELMAGHUR (Libye), la croissance démographique implique des investissements énormes en agriculture. Signalant les problèmes de sécheresse et de pénurie d’eau en Libye, il a dit qu’il ne reste plus que quelques milliers de km2 cultivables dans le pays. Il a appelé à la fin du conflit déchirant la Libye pour progresser dans le secteur de la sécurité alimentaire et de la nutrition. Pour l’instant, les prix agricoles augmentent à cause des attaques qui touchent les terres, les infrastructures en eau et en électricité, ainsi que les déplacements de population. Il est aujourd’hui très difficile de réaliser le Programme 2030 en Libye sans moyens financiers ni assistance technique, même si le pays est riche en hydrocarbures, a prévenu le représentant. En d’autres termes, si la communauté internationale laisse le pays dans l’isolement, au cœur de tensions régionales, la Libye ne parviendra pas à réaliser les objectifs de développement durable. La population libyenne est pacifique et hospitalière, elle aspire à la paix, l’égalité et la justice, a-t-il conclu.
M. KANYI FOLIVI (Togo), affirmant que plus de deux milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès à une alimentation saine, nutritive et suffisante, et considérant tout à fait inacceptable que la faim et l’insécurité alimentaire puissent connaître un regain d’intensité, s’est dit favorable à l’approche des « systèmes alimentaires », qui a le mérite « d’englober l’exhaustivité des acteurs publics et privés dans l’action contre la faim et la malnutrition et de rassembler toutes les activités liées à la production, l’assemblage, la transformation, la distribution, la règlementation et la consommation ».
Au Togo, l’élimination de la faim et la promotion de la sécurité alimentaire est un « impératif existentiel » que le Gouvernement a intégré dans son Plan national de développement, lancé le 4 mars 2019. Le pays a ainsi entamé une transformation agricole axée sur la productivité, pour atteindre la sécurité alimentaire et réduire le déficit de sa balance commerciale agricole. Ces initiatives réclamant un financement ciblé autant public que privé, le Togo s’est dit ouvert à tout partenariat innovant et engagé pour parvenir à réaliser ses objectifs.
Selon M. ANDRES CÓRDOVA CHABLA (Équateur), l’élimination de la pauvreté sous toutes ses formes est un point crucial des objectifs de développement durable. Il a réaffirmé le droit de toute personne de ne pas connaître la faim: « nous devons renverser la tendance », a-t-il déclaré. L’Équateur fait son possible pour soutenir les zones rurales et les populations rurales, a dit M. Córdova Chabla: l’objectif est de les inclure au développement économique et de juguler les migrations. L’Équateur, qui favorise l’augmentation de la résilience et de la durabilité agricole, promeut aussi l’allaitement maternel et les bonnes pratiques alimentaires, via le programme « Mission tendresse ».
Mme MERIEM EL-HILALI (Maroc) a dit que dans 30 ans, l’Afrique devrait nourrir le double de sa population actuelle, alors qu’aujourd’hui, le continent est largement tributaire des importations agricoles, et qu’elle est, de plus, très touchée par les changements climatiques, la dégradation des sols et la désertification. Le Maroc a toujours investi dans la coopération Sud-Sud et les projets structurants agricoles en Afrique, a-t-il assuré, en citant notamment la Zone de libre-échange continentale africaine. Il a estimé que ces efforts devraient susciter des hausses de salaires et stimuler l’agro-industrie. Les récentes évolutions indiquent un potentiel énorme dans la coopération Sud-Sud en Afrique, a insisté le délégué. Sur le plan national, il a mentionné le plan « Maroc vert » qui a pour but de moderniser l’agriculture et de développer l’agriculture familiale. Depuis 2014, le Maroc a signé près de 38 conventions agricoles avec des « pays frères », a-t-il signalé.
M. ISSA KONFOUROU (Mali) a souligné que la production agricole du Mali est tributaire des aléas climatiques et se trouve confrontée à plusieurs défis majeurs que sont, entre autres, la problématique de la gestion du foncier agricole, l’insuffisante maîtrise de l’eau et le manque d’accès aux innovations technologiques. Or, l’économie du pays repose essentiellement sur le secteur agricole qui occupe plus de 80% de la population active et contribue pour plus de 30% du PIB, a précisé le représentant. M. Konfourou a indiqué que, dans ce contexte, les autorités s’attèlent à introduire les progrès techniques dans les systèmes de production agricole, à développer la mécanisation et à promouvoir une agriculture orientée vers des produits transformés.
En outre, le Mali s’est doté d’une loi d’Orientation agricole qui couvre l’ensemble des activités économiques du secteur agricole et périagricole. C’est près de 15% du budget national qui est alloué à l’agriculture, a-t-il fait savoir, ce qui surpasse les prescriptions de la Déclaration de Maputo de l’Union africaine qui prévoit de consacrer au moins 10% des budgets nationaux au financement de l’agriculture.
M. MOHAMMAD BESSEDIK (Algérie) a relevé que la faim avance dans les pays en développement et que la désertification et les changements climatiques continuent de ravager l’Afrique, via la sécheresse et la dégradation des sols, pavant ainsi la voie à l’insécurité alimentaire. Malgré les crises multidimensionnelles affectant les pays en développement, ces derniers doivent travailler à réaliser les objectifs de développement durable, a-t-il déclaré. L’Algérie, a-t-il indiqué, est en cohérence avec la Décennie des Nations Unies pour l’agriculture familiale 2019-2028: le pays accorde des avantages aux familles d’agriculteurs via des prêts ou une fiscalité favorable. Résoudre l’insécurité alimentaire est une priorité des politiques agricoles publiques algériennes, a dit M. Bessedik, en assurant que la souveraineté alimentaire est un objectif du Gouvernement, via des politiques nationales intégrées. Le modèle agricole algérien est basé sur des stratégies macroéconomiques qui permettent un accès amélioré aux produits de base, a-t-il expliqué.
M. MAHAMADOU BOKOUM (Burkina Faso) a indiqué que, dans son pays qui compte 20 millions d’habitants, dont une grande majorité de jeunes, l’économie repose principalement sur l’agriculture, l’élevage et le secteur minier. Ainsi, le secteur agricole occupe 85% de la population et contribue pour environ 40% au PIB. Mais cette agriculture fait face à de nombreuses difficultés, comme les changements climatiques, le faible développement des infrastructures de stockage et de conservation, les maladies et les attaques des ravageurs sur les cultures. Le représentant a encore cité les terres cultivables limitées, le faible taux d’accès aux crédits agricoles et la faible maîtrise de l’eau. Pour y remédier, le Programme national du secteur rural, la Stratégie nationale de sécurité alimentaire et la stratégie multisectorielle de nutrition sont parmi les initiatives gouvernementales engagées pour améliorer la production agricole, a indiqué M. Bokoum, avant de se féliciter que la sécurité alimentaire se soit nettement améliorée grâce à d’importants investissements réalisés dans les domaines de la productivité agricole, des systèmes de production vivrière et de l’alimentation du bétail.
M. OMER MOHAMMED AHMED SIDDIG (Soudan) a déploré que le monde ne soit pas sur la bonne voie pour atteindre les objectifs de développement durable, notamment celui visant à éliminer la faim. L’Afrique est le continent le plus touché par la malnutrition, ce qui nécessite des mesures rapides pour arriver à des systèmes agricoles permanents qui fonctionnent bien, a-t-il dit. L’éradication de la pauvreté et de la faim est une priorité, a insisté le représentant, plaidant pour un système agricole juste, stable, inclusif et résilient. Il a souligné que l’agriculture est le principal secteur au Soudan et qu’elle jouit d’un environnement favorable. Le Gouvernement, de plus, a adopté une stratégie 2017- 2020 pour renforcer la production agricole, a-t-il signalé.
Mgr BERNARDITO CLEOPAS AUZA, Observateur permanent du Saint-Siège, a rappelé que la responsabilité de la communauté internationale vis-à-vis des pauvres, des affamés et des laissés-pour-compte est un devoir moral. Il a estimé qu’en ce XXIe siècle, marqué par des avancées considérables dans les domaines tels que la technologie, la science, les communications et les infrastructures, « nous devons avoir honte d’avoir manqué de faire les mêmes avancées dans notre humanité et notre solidarité afin de pouvoir satisfaire les besoins élémentaires des plus démunis ». Dans la perspective d’assurer le pain quotidien de chaque homme, femme et chaque enfant, le Saint-Siège note qu’il y a assez de nourriture pour tous alors que certains sont versés dans le gaspillage lorsque d’autres meurent de faim.
Le représentant a également noté, qu’alors que les initiatives de développement et d’aide, y compris des projets dans le domaine de l’alimentation, sont entravées par des décisions politiques et autres barrières douanières, ce n’est pas le cas du commerce des armes. Cette situation avait d’ailleurs fait dire au pape François que « les guerres sont alimentées et pas les gens ». Enfin, il a estimé que mettre un terme à la faim doit passer par des partenariats, notamment en évitant les tendances à imposer la volonté d’une poignée à plusieurs, et en travaillant de bonne foi avec toutes les parties.
M. JAIME HERMIDA (Nicaragua) a observé que les problèmes du secteur de l’alimentation au niveau mondial sont de plus en plus complexes, d’autant qu’ils sont fortement impactés par les changements climatiques. Depuis 2007, a témoigné le représentant, le Nicaragua a mis en place plusieurs programmes pour améliorer la production et éliminer la faim, en soutenant, en particulier, les petits producteurs par des crédits et une assistance technique. Le pays a également favorisé la création de centres d’études et de recherche, notamment sur le café, le maïs, le bétail, et a mis au point de nouvelles semences plus résistantes. La malnutrition chronique dans le pays a ainsi été réduite: de 17,3% en 2011-2012, elle a été ramenée à 12,8% en 2017, s’est félicité M. Hermida.
Mme CARLA MUCAVI, Directrice de l’Office de liaison de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) à New York, qui s’est exprimée également au nom du Fonds international de développement agricole (FIDA), a souligné que le Programme 2030 est basé sur l’individu, et que les investissements dans le développement rural et durable constituent une pierre angulaire des objectifs de développement durable. Malheureusement, le monde n’est pas sur la bonne voie pour parvenir à l’objectif no2, étant confronté à des épidémies mondiales d’obésité et de malnutrition, qui parfois coexistent. La variabilité climatique allant croissant, elle a jugé essentiel que des mesures ciblées soient adoptées pour renforcer la résilience de ceux dont la sécurité alimentaire souffre le plus.
Mme Mucavi a invité les délégations à la Journée mondiale de l’alimentation, le 17 octobre à New York, qui aura pour thème cette année « Une alimentation saine pour un monde #faimzéro ». La transformation des systèmes alimentaires peut jouer un grand rôle dans la concrétisation des objectifs majeurs, comme la création d’emplois décents pour les femmes et les jeunes, la résilience face aux changements climatiques, et la promotion d’une société pacifique inclusive et équitable, a-t-elle rappelé. Mme Mucavi a invité la Commission à se concentrer sur les 475 millions de petites exploitations agricoles et sur les peuples autochtones qui pratiquent l’agriculture traditionnelle: ces exploitants fournissent des services écosystémiques non compensés et sont, de plus, très souvent sujets à la faim et aux catastrophes naturelles. Il est donc essentiel de reconnaître leur rôle, comme le fait la Décennie des Nations Unies pour les exploitations agricoles familiales, a-t-elle conclu.