Soixante-quatorzième session,
4e séance – après-midi
AG/AB/4333

Cinquième Commission: allouer 250,7 millions à 27 missions politiques spéciales en pleine crise financière, la pratique est-elle viable?

La Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires était saisie, cet après-midi, d’une demande de 250,7 millions de dollars pour financer 27 sur 37 missions politiques spéciales de l’ONU en 2020, dont 136,1 millions pour la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), la dotation la plus importante.  Alors que l’Organisation traverse une grave crise de liquidités, Cuba a jugé « non viable » la pratique consistant à ponctionner le budget ordinaire de plus de 20% pour financer ces missions.

Comment justifier le financement des missions politiques spéciales à partir du budget ordinaire, alors que leur création relève exclusivement du Conseil de sécurité? s’est interrogée Cuba.  Le Conseil n’a qu’à les financer lui-même au moyen d’un budget spécifique comme il le fait avec les opérations de maintien de la paix, a tranché Cuba.  Elle a dénoncé une pratique d’autant plus « onéreuse et non viable » que l’ONU traverse actuellement « une grave crise de liquidités ». 

La question de savoir si les missions politiques spéciales doivent être financées à partir du budget ordinaire ou de celui des opérations de maintien de la paix a déjà fait l’objet de nombreux débats au sein de cette Commission, a reconnu le Mexique.  Il a jugé préférable d’attendre l’examen de la réforme de l’architecture de paix de l’ONU, au courant de l’année 2020, pour se faire une idée de la meilleure manière de financer ces missions.  D’ici là, a estimé le Mexique, contentons-nous d’allouer à ces missions un financement « prévisible et durable ».

Cet échange de vues intervenait dans le cadre de l’examen des propositions budgétaires du Secrétaire général pour financer 27 des 37 missions politiques spéciales de l’ONU en 2020, à commencer par une enveloppe de 136 millions de dollars pour la MANUA, soit une baisse de 3,2%, par rapport à 2019.  Le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) recommande quant à lui une autre réduction de 1 million de dollars, correspondant à des coupes dans le budget des voyages officiels, des installations et infrastructures, des transports terrestres, des communications et de l’informatique, ainsi que du fret et des dépenses connexes.

Le Secrétaire général demande également 57 millions de dollars pour ses 11 envoyés, conseillers et représentants spéciaux ou personnels, soit une augmentation de 3,8% par rapport à 2019.  Ici aussi le CCQAB rejette, par exemple, la création de plusieurs postes au Bureau de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen.  Ce Bureau est aussi concerné par les coupes d’un total de 73 900 dollars qui visent aussi les Bureaux des Conseillers spéciaux pour Chypre et pour la prévention du génocide ainsi que l’Envoyé personnel pour le Sahara occidental.

En outre, M. Guterres propose, avec cette fois le plein appui du CCQAB, une enveloppe de 57 millions de dollars pour financer les 15 équipes de surveillance des sanctions, groupes d’experts et autres entités et mécanismes en 2020, soit une augmentation de 1,4% par rapport à 2019.

Le Groupe des États d’Afrique a demandé des éclaircissements sur les besoins réels des missions politiques spéciales qui travaillent en Afrique, y compris la logique sous-tendant certains changements proposés pour plusieurs missions politiques spéciales.  Pourquoi proposer de réduire le personnel dans certaines missions africaines alors que leurs mandats et leurs activités sont de plus en plus complexes? s’est interrogé le Groupe, condamnant également la trop grande dépendance des missions vis-à-vis des postes temporaires.

Cuba a, une nouvelle fois, dénoncé l’inclusion dans le budget du Conseiller spécial pour la prévention du génocide de dépenses concernant le poste, toujours en suspens, de conseiller spécial sur la responsabilité de protéger.  Il n’existe « aucune base juridique » pour justifier des prévisions de dépenses relatives à « la responsabilité de protéger », s’est emporté le pays.  L’absence d’informations permettant d’identifier « de manière claire et transparente » l’étendue des ressources allouées à ce concept empêchent les États Membres de procéder efficacement à l’examen du budget proposé par M. Guterres, a déploré Cuba. 

De son côté, l’Iraq a voulu que l’on dote l’Équipe d’enquêteurs chargée de recueillir des preuves des crimes commis par Daech de ressources financières et humaines suffisantes pour lui permettre de s’acquitter de son mandat et de se déplacer librement sur le terrain.  Or, a-t-il prévenu, les ressources proposées pour l’exercice 2020 pourraient ne pas suffire. 

La Cinquième Commission poursuivra les discussions sur le financement des missions politiques spéciales, vendredi 18 octobre, à partir de 10 heures. 

PROJET DE BUDGET-PROGRAMME POUR 2020

Troisième rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires sur le projet de budget-programme pour 2020 concernant le Groupe thématique I -envoyés, conseillers et représentants spéciaux ou personnels du Secrétaire général- (A/74/7/Add.2)

Pour l’établissement de ce rapport, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) a examiné celui du Secrétaire général (A/74/6 (Sect. 3)/Add.2).  Le CCQAB note que le montant net des crédits demandés pour 2020 au titre des 11 missions concernées s’élève à 57 073 400 dollars (montant net), soit une augmentation de 2 073 700 dollars (3,8%) par rapport aux crédits ouverts en 2019.

Au Bureau de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, le CCQAB recommande de ne pas approuver la création des postes temporaires de spécialiste hors classe des affaires politiques (P-5) et d’assistant(e) administratif(ve) (agent(e) du Service mobile.  Il estime aussi que le poste temporaire de chef de cabinet ne se justifie pas véritablement et recommande de ne pas donner suite au reclassement et à la réaffectation qui sont proposés pour le poste de spécialiste hors classe des questions politiques (P-5).  Il recommande aussi de réduire de 3% (39 600 dollars) l’augmentation proposée au titre des dépenses opérationnelles.

S’agissant du Bureau du Conseiller spécial du Secrétaire général pour Chypre, compte tenu des dépenses passées, le Comité recommande de réduire de 4% (20 900 dollars) les ressources à consacrer aux dépenses opérationnelles et pour ce qui est du Bureau du Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide.  Le CCQAB recommande par ailleurs une réduction de 2% au titre des consultants et des services de consultants (1 000 dollars) et des voyages officiels (6 900 dollars) pour le Bureau du Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide.

Pour ce qui est du Bureau de l’Envoyé personnel du Secrétaire général pour le Sahara occidental, le Comité recommande une réduction de 4% au titre des consultants et des services de consultants (1 200 dollars) et des voyages officiels (4 300 dollars).

Quatrième rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires sur le projet de budget-programme pour 2020 concernant le Groupe thématique II -équipes de surveillance des sanctions, groupes d’experts et autres entités et mécanismes- (A/74/7/Add.3)

Pour l’établissement de ce rapport, le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) a examiné celui du Secrétaire général [A/74/6 (Sect. 3)/Add.3].  Le montant net des crédits demandés pour 2020 au titre des 15 missions du groupe thématique II s’élève à 57 453 200 dollars (montant net), soit une augmentation de 779 500 dollars (1,4%) par rapport aux crédits ouverts en 2019.  Le Comité consultatif recommande que les propositions du Secrétaire général concernant les dépenses opérationnelles pour 2020 soient approuvées.

Sixième rapport du Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires sur le projet de budget-programme pour 2020 concernant la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (A/74/7/Add.5)

Pour l’établissement de ce rapport, le CCQAB a examiné celui du Secrétaire général (A/74/6 (Sect. 3)/Add.5 et A/74/6 (Sect. 3)/Add.5/Corr.1).  Il note que les prévisions de dépenses pour 2020 s’élèvent à 136 194 800 dollars, ce qui représente une diminution de 4 500 000 dollars (3,2%) par rapport aux crédits ouverts pour 2019.

Mais compte tenu du niveau de dépenses engagées en 2018 et pendant les six premiers mois de 2019, le Comité consultatif recommande une réduction de 39 990 dollars (3%) des ressources demandées au titre des voyages officiels.  Il invoque les mêmes raisons pour recommander une réduction de 721 530 dollars (3%) des ressources demandées au titre des installations et des infrastructures.  De plus, il réaffirme que, comme les crédits ouverts au titre des installations et des infrastructures continuent d’être sous-utilisés, il faudrait faire mieux correspondre les prochaines prévisions de dépenses aux besoins réels.

Le Comité recommande aussi une réduction de 34 525 dollars (5%) des ressources demandées au titre des transports terrestres, de 194 940 dollars (3%) des ressources demandées au titre des communications et de l’informatique, et de 39 405 dollars (5%) des ressources demandées au titre du fret et des dépenses connexes.

Déclarations

Au nom du Groupe des États d’Afrique, M. KATLEGO BOASE MMALANE (Botswana) a souligné la nécessité d’allouer des ressources adéquates aux missions politiques spéciales pour qu’elles puissent exécuter leurs mandats avec efficacité et efficience.  Prenant note des projets de budget-programme pour les Groupes thématiques I et II et de leur augmentation mineure, le représentant a invoqué la portée et la complexité accrues de ces missions pour dire qu’il s’agit en fait de réductions budgétaires en termes réels.  Nous analyserons avec soin les projets de budget-programme pour prendre des décisions « éclairées et responsables », a promis le représentant.  Le Groupe, s’est-il expliqué, veut avoir des éclaircissements sur les besoins réels des missions, et en particulier celles qui travaillent en Afrique.  Nous voulons donc comprendre les arrangements liés au partage des coûts s’agissant du transport, des infrastructures et des services médicaux.  Nous voulons aussi en savoir plus sur les meilleures pratiques en termes d’énergie renouvelable et sur leur impact sur les gains d’efficacité. 

En ce qui concerne les voyages en avion, le représentant s’est dit conscient de la « législation » adoptée par l’Assemblée générale.  Mais, mon groupe, a-t-il dit, sait les problèmes complexes rencontrés par les missions politiques spéciales et l’évolution rapide des réalités sur le terrain.  Il comprend donc la difficulté qu’il y a à respecter la politique d’achat anticipé des billets d’avion, même s’il dénonce un non-respect presque systématique des règles.  Le représentant a appelé à davantage d’efforts pour mieux planifier les voyages et développer des stratégies et des plans concrets pour améliorer le respect des règles.  Pour ce qui est de la dotation en personnel, nous voulons comprendre, a avoué le représentant, la logique derrière les changements et les mouvements proposés pour plusieurs missions politiques spéciales.  C’est la qualité et l’exécution à temps des mandats qui sont des facteurs déterminants pour identifier les besoins financiers et la structure globale des ressources humaines, a martelé le représentant.  Pourquoi proposer de réduire le personnel dans certaines missions alors que leurs mandats et leurs activités sont plus en plus complexes, en particulier en Afrique? 

C’est la trop grande dépendance aux postes temporaires qui a sapé les efforts de l’Organisation en la matière.  Il faut des mesures proactives et concertées pour une bonne planification stratégique des effectifs, a-t-il estimé.  Le Groupe, a-t-il conclu, examinera de quelle manière, bonne ou mauvaise, est appliquée l’indemnité spéciale de fonctions.  Il demandera aussi des détails sur la répartition géographique du personnel et des experts des missions, en partant du principe que le travail considérable des missions politiques spéciales en Afrique doit se refléter dans le recours à l’expertise et au savoir locaux. 

« Voilà maintenant des années que la décision de créer des missions politiques spéciales revient uniquement au Conseil de sécurité », a noté Mme Yaima De Armas Bonchang (Cuba) à l’entame de son discours.  Pourtant, a-t-elle ajouté, ces missions sont financées à partir du budget ordinaire, dont elles ponctionnent plus de 20% des ressources.  Pour la représentante, c’est là la preuve d’un « déséquilibre » dans l’allocation des ressources en fonction des priorités définies par l’Assemblée générale.  « Alors que les Nations Unies traversent une grave crise de liquidités, cette pratique est devenue onéreuse et non viable », a-t-elle estimé.  Compte tenu de la « responsabilité spéciale » du Conseil concernant la paix et la sécurité internationales, ainsi que sa faculté de créer des opérations de maintien de la paix et des missions politiques spéciales, la logique voudrait que le Conseil finance ces dernières de la même façon que les opérations de maintien de la paix, a estimé la représentante, ce qui suppose selon elle « un barème des quotes-parts correspondant ».

En outre, la représentante a jugé préoccupant que les budgets proposés par le Secrétaire général pour les missions politiques spéciales figurent au Chapitre 3 (Affaires politiques) du budget ordinaire, alors que dans le paragraphe 59 de son vingt-cinquième rapport sur le projet de budget-programme pour l’exercice biennal 2018-2019 (A/72/7/Add.24), le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB) avait recommandé au Secrétaire général « de maintenir la structure actuelle des titres et chapitres du budget ».

S’agissant de la proposition de M. António Guterres pour le budget du « Groupe thématique I, la représentante a renouvelé son appui aux activités du Bureau du Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide.  Toutefois, elle s’est opposée à l’inclusion, dans les estimations budgétaires du Bureau, d’activités et dépenses relatives à « la responsabilité de protéger ».  Rien ne justifie, a-t-elle dit, la création d’un poste de conseiller spécial sur la responsabilité de protéger et encore moins que ses travaux soient financés à partir du budget ordinaire.  Il n’existe aucune résolution de l’Assemblée générale qui porte création d’un tel poste, a-t-elle martelé, rejetant la décision de M. Guterres de procéder à la création de ce poste de conseiller spécial.

Aux yeux de la représentante, il n’existe en effet « aucune base juridique » pour justifier des activités et prévisions de dépenses relatives à « la responsabilité de protéger ».  Ainsi a-t-elle rappelé que, dans sa résolution 63/308 (2009), l’Assemblée a uniquement décidé « de continuer d’examiner la question de la responsabilité de protéger ».  À ses yeux, il n’y a pas non plus eu d’examens ou de débat intergouvernementaux concernant la définition de ce concept.

La représentante a regretté que le nouveau projet de budget ne permette pas d’identifier « de manière claire et transparente » l’étendue des ressources allouées aux activités et prévisions de dépenses du Conseiller spécial pour la responsabilité de protéger, « lesquelles sont mélangées avec celles du Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide ».  Selon elle, des « informations aussi ambiguës » empêchent les États Membres de procéder à l’examen du budget et de déterminer avec précision si la mission du Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide est conforme au mandat qui lui a été conféré, « ou si, au contraire, il entreprend des activités dont les objectifs n’ont pas été approuvés par les États Membres ».  Pour la représentante, le concept de « responsabilité de protéger » continue d’inquiéter les petits États et les pays en développement, dans la mesure où il n’existe pas de consensus sur ses implications.  À plus forte raison, a-t-elle ajouté, ce concept a déjà été « instrumentalisé à des fins politiques » pour justifier des violations de la souveraineté des États.

M. JESÚS VELÁZQUEZ CASTILLO (Mexique) a rappelé que la question de savoir si les missions politiques spéciales doivent être financées à partir du budget ordinaire ou du budget des opérations de maintien de la paix a déjà fait l’objet de nombreux débats au sein de la Commission.  Il a dit attendre du futur examen de la réforme de l’architecture de paix à l’ONU, qui aura lieu au courant de l’année 2020, une vision plus claire de la meilleure manière de financer les missions politiques spéciales et de leur futur lien avec le budget ordinaire.  D’ici là, le représentant a appelé à garantir un financement « prévisible et durable » de ces missions, dans le respect des principes de « responsabilité et de transparence » pour l’utilisation des ressources.

M. MOHAMAD A. SHABOOT (Iraq) a dit que pour que l’Équipe d’enquêteurs chargée de recueillir des preuves des crimes commis par Daech en Iraq puisse être à même de s’acquitter de son mandat et pouvoir se déplacer librement sur le terrain, elle doit être dotée des ressources financières et humaines nécessaires.  Les ressources proposées pour l’exercice 2020 pourraient ne pas suffire, a-t-il prévenu. 

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