Assemblée générale: crainte d’une tendance à la hausse de la politisation au Conseil des droits de l’homme
L’Assemblée générale a entendu aujourd’hui 30 délégations commenter le rapport annuel du Conseil des droits de l’homme, en l’appuyant pour les uns sans conditions et en craignant, pour les autres, une politisation de plus en plus marquée.
Le Conseil des droits de l’homme, a d’abord estimé le Président de l’Assemblée générale, est l’enceinte où l’on met à jour la vision partagée d’un monde meilleur en tant que composante clef du système des droits de l’homme. « Veillons à ne pas oublier: un monde juste est un monde sûr », a souligné M. Tijjani Muhammad-Bande, en renvoyant aux normes énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme sur lesquelles repose également le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il y a 70 ans, a-t-il en effet rappelé, les États Membres étaient tombés d’accord sur une série de droits inaliénables garantissant la dignité de chacun, partout dans le monde, et « prouvant que nous avons davantage en commun que de choses qui nous divisent ».
Grâce à l’Examen périodique universel, a renchéri le Président du Conseil des droits de l’homme, les États Membres disposent d’un « espace unique » de mise en commun des meilleures pratiques, tout en assurant le respect des principes de non-sélectivité, d’impartialité et d’objectivité. Les 193 États Membres de l’ONU sont tous passés volontairement deux fois à l’Examen dont le troisième cycle d’examen de quatre ans et demi a débuté le 1er mai 2017.
Tous les intervenants ont salué le mécanisme d’Examen, au motif que les pays y sont traités « sur un pied d’égalité ». Hormis cela, le Conseil des droits de l’homme, a accusé la Fédération de Russie, est de moins en moins autonome et impartial, car certains États s’en servent pour parvenir à leurs fins économiques et géopolitiques. La sélectivité, les deux poids, deux mesures, la manipulation politique, qui avaient abouti à l’extinction de la Commission des droits de l’homme, s’infiltrent au Conseil, a dit craindre Cuba.
Le Bélarus a épinglé la focalisation de l’attention sur quelques cas. Certains pays, a confirmé l’Iran, préfèrent en rester à la pratique dysfonctionnelle des résolutions spécifiques sur les pays, qui ne sert qu’à aggraver les confrontations. Ils veulent « dicter » aux États la priorité qu’ils doivent donner aux droits de l’homme et les critères « inefficaces » qu’ils doivent appliquer pour leur respect, s’est emportée, à son tour, l’Érythrée. L’instrumentalisation des droits de l’homme, a ajouté le Venezuela, n’est rien d’autre qu’une « politique criminelle ».
Ce pays a vu dans son élection au Conseil des droits de l’homme la preuve que la communauté internationale rejette la campagne soutenue « de discrédit et de déstabilisation », servie par des formes multiples d’interventionnisme, des mesures coercitives unilatérales « sans précédent » et la menace d’une intervention armée. Les États-Unis y ont plutôt vu le signe que le Conseil est « très loin » du potentiel qu’avait envisagé l’Assemblée générale en 2006, lors de sa création. Ils ont dénoncé un processus de sélection « inadéquat » qui permet à des auteurs d’abus des droits de l’homme, comme « l’ancien régime Maduro » de se faire élire.
Outre le Venezuela, l’Allemagne, l’Arménie, le Brésil, les Îles Marshall, l’Indonésie, le Japon, la Libye, la Mauritanie, la Namibie, les Pays-Bas, la Pologne, la République de Corée et le Soudan entrent au Conseil des droits de l’homme. L’Union européenne a tenu à les rappeler à leur obligation d’accorder aux droits de l’homme l’importance qui leur est due dans leur propre pays et de coopérer pleinement avec les mécanismes du Conseil.
Les violations des droits de l’homme étant souvent un précurseur majeur des menaces à la paix, des agressions et des guerres, selon l’Ukraine, le Liechtenstein a regretté l’absence d’interaction entre le Conseil des droits de l’homme et le Conseil de sécurité, privant ainsi ce dernier de la « meilleure base factuelle disponible » pour la prise de décisions. Il a reproché aux 15 membres du Conseil d’avoir une conception étriquée de la notion de sécurité et d’empêcher le Conseil des droits de l’homme de s’acquitter pleinement du rôle important que « nous lui avons collectivement confié ». L’Iran n’a pas été de cet avis: compte tenu de la nature hautement politisée du Conseil de sécurité et de sa structure exclusive, toute collaboration avec le Conseil des droits de l’homme comporte le risque de nuire plus encore à la cause de ces droits qui serait sacrifiée sur l’autel des intérêts politiques.
L’Assemblée générale tiendra une autre séance publique, lundi 4 novembre, à partir de 10 heures, pour examiner le rapport annuel de la Cour pénale internationale (CPI).
RAPPORT DU CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME (A/74/53) et (A/74/53/Add.1)
Déclarations
M. TIJJANI MUHAMMAD-BANDE, Président de l’Assemblée générale, a appuyé les efforts du Président en exercice du Conseil des droits de l’homme, le Sénégalais Coly Seck, pour ses efforts visant à améliorer les méthodes de travail, en vue d’encourager une coordination efficace et une intégration des droits de l’homme dans l’ensemble du système des Nations Unies. Il a rappelé que la présentation du rapport annuel devant l’Assemblée générale prépare la voie au dialogue interactif à la Troisième Commission chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles. Après avoir mentionné qu’il y a 70 ans, les États Membres étaient tombés d’accord sur une série de droits inaliénables garantissant la dignité de chacun, partout dans le monde, « prouvant que nous avons davantage en commun que de choses qui nous divisent », M. Muhammad-Bande a précisé que le Conseil des droits de l’homme est l’enceinte de la mise à jour de cette vision partagée d’un monde meilleur en tant que composante clef du système des droits de l’homme.
Le Président de l’Assemblée générale a mis l’accent sur les résolutions relatives à l’administration de la justice et à l’intégrité du système judiciaire, lesquelles ont renforcé la démocratie et l’état de droit dans le monde. « Veillons à ne pas oublier: un monde juste est un monde sûr », a-t-il souligné, en renvoyant aux normes énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme sur lesquelles repose également le Programme de développement durable à l’horizon 2030. À cet égard, il a souligné que, depuis l’adoption de ce Programme, le Conseil a chargé le Bureau de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme d’organiser des dialogues intersessions sur les objectifs de développement durable.
M. Muhammad-Bande a voulu que l’on appréhende ces objectifs sous l’angle des droits de l’homme, s’agissant en particulier de l’objectif 4 relatif à l’accès à une éducation de qualité, l’une des priorités majeures de la présente session de l’Assemblée générale. Cet objectif, a-t-il expliqué, est en corrélation avec les articles de la Convention relative aux droits de l’enfant; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; et la Déclaration universelle. Or, a-t-il fait observer, beaucoup reste à faire pour atteindre cet objectif en termes de qualité de l’éducation et de formation permanente. Il a exhorté les États à envisager une approche orientée vers les résultats.
En effet, a poursuivi le Président, l’éducation est bien plus que l’obtention d’un diplôme. Elle consiste à doter les individus des qualifications leur permettant d’évoluer dans un monde en mutation rapide. Il s’est félicité, dans ce contexte, de la résolution initiée par la République de Corée et le Danemark sur « les nouvelles technologies numériques émergentes et les droits de l’homme » qui vise à la préservation des droits des personnes contre les préjudices potentiels de ces nouvelles technologies. Pour réaliser les 17 objectifs du Programme 2030, le Président a recommandé l’implication de toutes les parties prenantes pour véritablement ne laisser personne de côté. Cette priorité est aussi celle de la présente session. « Nous n’aurons pas une ONU qui exclut! » a insisté le Président de l’Assemblée générale, en demandant que l’on accorde aux femmes la place qui leur revient « au centre de tous nos travaux ». Il a ensuite attiré l’attention sur la résolution du Conseil relative à l’égalité salariale, initiée par l’Islande. En 2019, cela coule tout simplement de source: « les droits des femmes doivent être respectés en tous lieux ». M. Muhammad-Bande a en outre appuyé les droits de tous ceux qui courent le risque d’être laissés-pour-compte, notamment les déplacés, les personnes handicapées, les autochtones et tous les marginalisés. Avec la célébration, le 20 novembre prochain, du trentième anniversaire de la Convention relative aux droits de l’enfant, le Président de l’Assemblée a insisté sur le fait que « les enfants sont aussi des personnes » qui méritent protection et développement.
Évaluant le travail du Conseil des droits de l’homme, il a mis en exergue les jalons posés pour garantir la plus large participation possible par la création du Fonds d’affectation spéciale d’appui à la participation des pays les moins avancés (PMA) et des petits États insulaires en développement (PEID). Concluant sur ses priorités, il a ajouté qu’en plus de l’éducation et l’inclusion, il a attaché une importance particulière à la paix et à la sécurité par la prévention des conflits; à l’élimination de la pauvreté et l’objectif Faim zéro, et à l’action pour le climat. Il est évident, a-t-il souligné, que la plupart des conflits violents actuels puisent leur origine dans les violations ou le non-respect des droits de l’homme.
M. COLY SECK, Président du Conseil des droits de l’homme, a commencé par féliciter les derniers membres élus du Conseil et souligné qu’ils ont désormais une responsabilité encore plus grande de réaliser leurs objectifs de promotion et de respect des droits de l’homme. C’est un critère sur lequel les États eux-mêmes ont insisté lorsqu’ils ont adopté, en mars 2006, la résolution 60/251 portant création du Conseil des droits de l’homme, a-t-il dit.
Revenant aux rapports soumis, cette année, à l’Assemblée générale, M. Seck a déclaré que le Conseil est resté fidèle à son mandat: promouvoir le respect universel et la défense de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales, pour tous, sans distinction aucune et de façon juste et équitable. Pour ce faire, le Conseil a tenu ses trois sessions régulières annuelles et a eu l’occasion de se pencher sur un vaste éventail de sujets qui requièrent son attention et son action.
Parmi les questions examinées, il y a eu de nouvelles situations et des sujets qui ne figuraient pas à son agenda. Le Conseil s’est ainsi penché sur la situation des droits de l’homme au Nicaragua, aux Philippines ou au Venezuela. Il s’est aussi penché sur la question de la discrimination envers les femmes et les filles dans le domaine du sport, sur l’égalité de rémunération et sur le droit au développement, avec la création d’un nouveau mécanisme d’experts subsidiaire en la matière.
Au titre de l’assistance technique et du renforcement des capacités, le Conseil s’est penché sur le Cambodge, la Géorgie, la Libye, le Mali, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, la Somalie, le Soudan, l’Ukraine, le Venezuela et le Yémen. La table ronde tenue sur ce thème a été l’occasion pour le Conseil d’identifier les principales lacunes en matière de protection des droits des personnes âgées, ainsi que les mesures possibles pour y remédier par le biais de la coopération technique et du renforcement des capacités.
S’agissant des résolutions adoptées, M. Seck a indiqué que certaines contiennent des recommandations à l’Assemblée générale dont la résolution 40/17 qui recommande à l’Assemblée générale de soumettre tous les rapports présentés par la Commission d’enquête sur la Syrie au Conseil de sécurité. La résolution 42/2 recommande de transmette les rapports du Groupe d’experts internationaux et régionaux sur le Yémen à tous les organes compétents de l’ONU et les résolutions sur le Burundi, les musulmans rohingya et autres minorités du Myanmar recommandent à l’Assemblée de transmettre les rapports à tous les organes compétents de l’ONU. Il s’agit respectivement des résolutions 42/26 et 42/3.
Dans d’autres résolutions, le Conseil recommande à l’Assemblée de proclamer une journée internationale de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale et engage l’Assemblée à fixer à cette session, les modalités du forum pour les personnes d’ascendance africaine. Ces recommandations sont respectivement contenues dans les résolutions 41/14 et 42/29, a indiqué M. Seck.
S’agissant du mécanisme de l’Examen périodique universel (EPU), le Président du Conseil a indiqué que les 193 États Membres ont tous été examinés à deux reprises. Le troisième cycle d’examen, qui dure quatre ans et demi, a débuté le 1er mai 2017. Le maintien d’une participation universelle et de haut niveau à l’EPU témoigne de la volonté politique des États Membres et de leur détermination à poursuivre ce dialogue entre pairs sur les droits de l’homme, sur un pied d’égalité, en mettant l’accent sur la mise en œuvre et le suivi des recommandations acceptées. Dans ce cadre, il faut souligner le lien entre l’EPU, l’assistance technique et le renforcement des capacités, a-t-il dit.
M. Seck s’est également exprimé sur la participation des États membres et non membres du Conseil aux travaux, cette année. Lors du Segment de haut niveau de la session de février-mars, le Conseil a entendu 95 dignitaires. Les États membres et non membres ont par ailleurs été actifs, en particulier les pays les moins avancés (PMA) et les petits États insulaires en développement (PEID). Leur participation aux travaux du Conseil a été permise par le Fonds d’affectation spéciale. Ainsi 33 délégués de 32 de ces pays ont pris part aux travaux du Conseil cette année, dont 11 petits États insulaires en développement n’ayant pas de représentation permanente à Genève.
Par ailleurs, le Conseil a continué de prendre des initiatives destinées à améliorer son accès aux personnes handicapées, comme le souligne aussi le rapport récent du Corps commun d’inspection qui porte sur le thème « Améliorer l’accessibilité des personnes handicapées aux conférences et réunions des entités du système des Nations Unies ». Le Conseil a par exemple pu tenir, cette année, huit réunions entièrement accessibles en langue des signes et un sous-titrage en direct, contre seulement une réunion-débat en 2011. Il a également continué de travailler avec la société civile, dont le rôle en matière de droits de l’homme est primordial et qui rend le Conseil unique parmi les autres organes intergouvernementaux des Nations Unies.
Enfin, M. Seck a déclaré qu’alors que l’Assemblée générale doit prochainement procéder à un réexamen du statut du Conseil en tant qu’organe subsidiaire (65/281), il a estimé que seule une collaboration étroite entre le Conseil et l’Assemblée générale donnera le résultat voulu. Lors du précédent réexamen de 2011, l’Assemblée et le Conseil avaient travaillé étroitement sur la question du statut. Le Président du Conseil avait d’ailleurs nommé un point focal sur la question des relations entre Genève et New York. Les deux processus menés dans les deux villes avaient été conduits avec un haut degré d’harmonisation et de respect mutuel. Il serait opportun à cette Assemblée et au système onusien de protection des droits de l’homme de bénéficier de la même coordination et de la même coopération dans le cadre du prochain réexamen, a plaidé M. Seck.
Pour M. SILVIO GONZATO, de l’Union européenne, les actes d’intimidation et de représailles contre les individus qui coopèrent avec les mécanismes onusiens de surveillance des droits de l’homme ne peuvent être tolérés. Il a jugé qu’une des résolutions du Conseil demande à l’Assemblée générale de se pencher sur cette question. Nous reconnaissons, a poursuivi le représentant, la nécessité d’une meilleure prévention des droits de l’homme au sein des entreprises et d’accorder une aide aux victimes. Il est tout important de développer un réseau de soutien interrégional sur ces questions, entre pays développés et pays en développement. L’Union européenne continuera d’ailleurs à travailler avec tous les États et parties prenantes pour faire progresser le nexus « entreprises et droits de l’homme ». L’Union européenne, a encore indiqué le représentant, a par ailleurs soutenu une résolution sur la protection et la promotion des droits de l’homme dans le contexte des condamnations à la peine de mort.
Toutefois, si elle appuie la résolution relative au terrorisme, l’Union européenne aurait néanmoins souhaité que l’accent soit davantage mis sur l’importance pour les États de respecter le droit international, y compris les droits de l’homme et les libertés fondamentales, dans leurs mesures antiterroristes. L’Union européenne, a poursuivi le représentant, a dûment salué l’élection de 14 nouveaux membres au Conseil, qui apportent davantage de diversité. Mais, a-t-il ajouté, nous prévenir que servir au Conseil entraîne d’importantes responsabilités. Le représentant a rappelé les nouveaux élus à leur obligation d’accorder aux droits de l’homme l’importance qui leur est due dans leur propre pays et de coopérer pleinement avec les mécanismes du Conseil, et ce, « sans discrimination d’aucune sorte ». En matière des droits de l’homme, a-t-il avoué, aucun État n’a un bilan parfait. Mais nous attendons particulièrement des nouveaux membres qu’ils s’engagent au sein du Conseil, « dans un esprit de réflexion personnelle », avec la volonté d’améliorer leur propre bilan en matière de droits de l’homme.
Le représentant a rappelé au Venezuela, à la Libye, le Soudan, la République démocratique du Congo, l’Érythrée, la Somalie et les Philippines leur obligation de coopérer avec le CDH. S’attardant sur les cas de violations de droits de l’homme sur lesquels s’est penché le Conseil au Myanmar, au Burundi, au Yémen, au Soudan du Sud, à Sri Lanka, au Venezuela, en Syrie, en Géorgie, en Ukraine et au Soudan, il a plaidé pour l’accès des mécanismes internationaux de surveillance des droits de l’homme dans n’importe quel territoire du monde.
Mme ANAYANSI RODRÍGUEZ CAMEJO, Vice-Ministre des relations extérieures de Cuba, a déploré que la sélectivité, les deux poids, deux mesures, et la manipulation politique des droits de l’homme, qui avaient abouti à l’extinction de la Commission des droits de l’homme, s’infiltrent à nouveau dans les travaux du Conseil. Cette situation, a-t-elle prévenu, ne favorise guère l’esprit de dialogue et de coopération attendu de cet organe et ne fait que contribuer à la confrontation. La Vice-Ministre a estimé que l’Examen périodique universel est l’unique mécanisme pour une analyse complète de la situation des droits de l’homme dans tous les pays et sur un pied d’égalité. Partant, les procédures spéciales doivent également respecter les principes d’universalité, d’objectivité et de non-discrimination. Elle a cependant observé que les critiques sont souvent adressées à des pays du Sud alors qu’on « garde un silence complice » face aux violations flagrantes des droits de l’homme commises dans des pays « très développés ». Elle a appelé les titulaires de mandat au respect du Code de conduite adopté lors de l’établissement institutionnel du Conseil.
La Vice-Ministre a appuyé la présentation du rapport du Conseil à l’Assemblée générale et à la Troisième Commission, jugeant qu’en l’espèce, il ne s’agit nullement d’un chevauchement puisque le Conseil est un organe subsidiaire de l’Assemblée générale. Elle s’est en revanche opposée à un lien plus étroit entre le Conseil des droits de l’homme et le Conseil de sécurité, la question des droits de l’homme ne devant pas être prises pour une « question de sécurité » sous prétexte que le Conseil des droits de l’homme contribuerait à la prévention des conflits. Rappelant le blocus économique, commercial et financier imposé par les États-Unis à son pays depuis plus de 60 ans, la Vice-Ministre s’est érigée contre les mesures coercitives unilatérales, qualifiant le blocus de « politique criminelle et génocidaire » qui n’est rien d’autre qu’une violation « massive, flagrante et systématique » des droits de l’homme du peuple cubain, et le principal obstacle au développement.
M. VALENTIN RYBAKOV (Bélarus) a rappelé que l’Examen périodique universel est l’une des activités majeures du Conseil, car elle permet d’examiner la situation globale des droits de l’homme dans le monde. Il a déploré que cet Examen soit négligé au profit d’actes politiques, ce qui a contribué à donner au Conseil cette « réputation controversée » au sein du système de l’ONU. Le délégué a en effet déploré l’absence de réels progrès dans le fonctionnement du Conseil au cours de l’année écoulée. Il a épinglé les confrontations entre certains États et la focalisation de l’attention du Conseil sur quelques cas. Le Bélarus, a-t-il affirmé, est par exemple ciblé, sessions après sessions, en fonction d’« opinions subjectives ». Il a souligné que les objectifs de développement durable auxquels tous les États travaillent ne parlent pas des pressions politiques et des menaces de sanctions. Le Bélarus, a-t-il prévenu, n’a jamais et n’acceptera jamais la nomination d’un rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans son territoire. Le représentant a vu là une pression politique « directe » et une autre preuve de la politisation du Conseil.
Nos prochaines élections présidentielle et législatives, prévues l’année prochaine, seront organisées dans l’optique de préserver le bien-être des populations et pas « de faire plaisir » à l’Union européenne, a taclé le représentant. Vous êtes libres de nous prodiguer des conseils, a-t-il dit à l’UE, mais commencer d’abord à faire le ménage chez vous. Compte tenu des difficultés financières de l’ONU, il serait utile d’envisager de réduire les activités « peu utiles » des organes onusiens comme le Conseil des droits de l’homme et la Troisième Commission, a asséné le représentant.
Mme ALYA AHMED SAIF AL-THANI (Qatar) s’est enorgueillie de la présence à Doha du Centre de documentation des Nations Unies pour l’Asie occidentale et la région arabe. Venant aux droits des migrants, elle a indiqué que son pays a procédé à un réexamen de la législation en vigueur, pour supprimer par exemple le système de la « kafala », ce qui lui a valu les félicitations de l’Organisation internationale du Travail (OIT). Le Qatar a également créé un fonds d’appui aux travailleurs migrants et s’emploie, en outre, à resserrer la coopération régionale par l’échange des meilleures pratiques. Malgré les effets délétères du blocus qui lui est imposé par certains pays, le Qatar poursuit le développement de ses institutions pour créer une plateforme solide en matière des droits de l’homme.
Mme JO FELDMAN (Australie) a appuyé les efforts concertés en cours visant au renforcement des travaux du Conseil et à l’amélioration de son efficacité. Elle a fermement appuyé la participation de la société civile et des petits États dont certains n’ont pas de représentation permanente à Genève. Dans cette optique, a-t-elle affirmé, l’Australie s’efforce d’amplifier les voix des pays du Pacifique dans l’enceinte du Conseil, contribuant en particulier à la Déclaration conjointe de 15 de ces États, sur les droits de l’homme dans l’industrie de la pêche et préparant une autre déclaration avec 16 nations, cette fois, sur l’importance de l’emploi et de l’éducation des jeunes. Pour l’Australie, la coopération, la transparence et l’objectivité restent les maîtres mots, d’où son initiative visant à ce que les nouveaux membres fassent une déclaration d’engagement. La représentante s’est d’ailleurs félicitée que les Fidji l’aient fait après leur élection au Conseil, cette année.
M. ALMAJROUB (Koweït) a assuré que son pays est disposé à respecter ses obligations en matière des droits de l’homme et cela se traduit, a-t-il fait observer, par la présentation, en temps voulu, des rapports nationaux. Le pays se tient aussi prêt à discuter avec les rapporteurs spéciaux pour améliorer sa compréhension de certaines questions. Les graves violations des droits de l’homme au Moyen-Orient, a martelé le représentant, nécessitent une réaction ferme de la communauté internationale. Après voir pointé un doigt accusateur sur Israël, il a aussi plaidé pour le respect des droits des Rohingya, espérant qu’ils puissent retourner chez eux en toute sécurité.
M. GEORG HELMUT ERNST SPARBER (Liechtenstein) a regretté l’absence d’interaction entre le Conseil des droits de l’homme et le Conseil de sécurité, privant ainsi ce dernier de la « meilleure base factuelle disponible » pour la prise de décisions. Les travaux du Conseil des droits de l’homme et de ses nombreux titulaires de mandat sont, dans de nombreux cas, manifestement pertinents pour les débats du Conseil de sécurité qui continue pourtant à l’ignorer. Le Conseil de sécurité, a insisté le représentant, semble promouvoir une conception très étroite de la notion de sécurité, depuis longtemps dépassée. Cela empêche le Conseil des droits de l’homme de s’acquitter pleinement du rôle important que « nous lui avons collectivement confié ». Le représentant a donc plaidé pour une coordination efficace et une réelle intégration des droits de l’homme dans tout le système des Nations Unies. Il a encouragé des liens plus forts et plus consensuels entre Genève et New York et une coopération plus solide entre le Conseil des droits de l’homme et d’autres organes principaux de l’ONU, en particulier le Conseil de sécurité, s’est-il répété.
S’agissant du respect des normes en matière de promotion et de protection des droits de l’homme, il s’est félicité que certaines mesures aient contribué à accroître l’équité et la transparence pendant les élections des nouveaux membres du Conseil. Mais, a-t-il estimé, il est évident que ces mesures ne suffisent pas car les États considèrent trop souvent leur propre engagement comme « superflu » et cela se répercute sérieusement sur le travail du Conseil, son fonctionnement et la perception qu’en a l’opinion publique. Le travail du Conseil des droits de l’homme est essentiel, en particulier pour les cas d’urgence et les violations graves des droits de l’homme. Le Conseil est souvent le seul organe des Nations Unies à traiter de ces situations avec l’urgence nécessaire et le Myanmar « en est une parfaite illustration ».
Nous avons reçu, a poursuivi le représentant, des rapports bien documentés de la part des procédures spéciales. La mission d’établissement des faits parle même « d’une intention génocidaire » contre la population rohingya. Ce sont des allégations, a martelé le représentant, qui doivent être examinées par un organe pénal indépendant et compétent. S’il s’est félicité de la mise en place de cette mission, il a regretté que le Conseil n’ait pas apporté, lors de sa dernière session, le soutien politique nécessaire aux efforts de redevabilité, notamment les mesures importantes prises par la Cour pénale internationale (CPI) s’agissant des expulsions forcées. Il est « honteux », s’est emporté le représentant, que le Conseil de sécurité continue d’ignorer les appels lancés par les États, le système des Nations unies et les victimes elles-mêmes en faveur d’une saisine de la CPI. Pour finir, le représentant a défendu l’interaction de la société civile avec le système des Nations Unies et condamné les représailles, en ligne et hors ligne, contre les défenseurs des droits de l’homme, lesquelles doivent faire l’objet d’une enquête approfondie.
M. MOHAMMAD HASSANI NEJAD PIRKOUHI (Iran) a souligné l’importance d’une coopération et d’une interaction accrues entre le Conseil des droits de l’homme, la Troisième Commission et l’Assemblée générale en vue de faire progresser la promotion et la protection des droits de l’homme sur la base du dialogue. Il a, en revanche, regretté que les appels visant à faire davantage collaborer le Conseil, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et le Conseil de sécurité aient débouché sur une plus forte politisation de la question des droits de l’homme. Compte tenu de la nature hautement politisée des travaux et de la structure exclusive du Conseil de sécurité, a-t-il dit, toute collaboration avec le Haut-Commissariat, les procédures spéciales et le Conseil des droits de l’homme comporte le risque de nuire plus encore à la cause des droits de l’homme qui serait sacrifiée sur l’autel des intérêts politiques.
À une époque marquée par l’essor du racisme, les atteintes au multilatéralisme et la montée du populisme nationaliste, des idéologies suprémacistes et du sectarisme, il est regrettable que la politisation et la manipulation aient sapé l’efficacité du Conseil des droits de l’homme et de son Examen périodique universel, a poursuivi le représentant. En effet, a-t-il constaté, certains pays préfèrent en rester à la pratique dysfonctionnelle des résolutions spécifiques de pays, qui ne sert qu’à aggraver les confrontations. Le représentant a déploré à cet égard que le rapport du Conseil des droits de l’homme, produit de l’approche « néfaste » adoptée par quelques gouvernements « sans scrupules », contienne une référence à la résolution ciblant l’Iran. Cette résolution n’est que le reflet des intérêts politiques étroits de ses parrains et un gaspillage de ressources qui auraient pu être judicieusement allouées à la promotion et à la protection des droits de l’homme. Le représentant a précisé que l’Iran se dissocie de cette partie du rapport et a réitéré la position nationale qui est de ne pas reconnaître les mandats qui sortent de la sphère des droits de l’homme internationalement reconnus.
Mme SOPHIA TESFAMARIAM (Érythrée) a déploré le fait que les mauvaises pratiques de la Commission des droits de l’homme soient aujourd’hui visibles au Conseil dont certaines instances veulent « dicter » aux États la priorité qu’ils doivent donner aux droits de l’homme et les critères « inefficaces » qu’ils doivent appliquer pour leur respect. Elle a dénoncé l’accent mis sur certains droits au détriment d’autres ou encore l’approche « biaisée » qui imposent des mandats spécifiques à certains pays, tout en ignorant les violations commises dans d’autres États. Une telle approche, a accusé la représentante, ne vise qu’à « calomnier » et à faire la pression sur des pays, bien souvent pour des raisons politiques, sans réel rapport avec la promotion des droits de l’homme. Le succès du Conseil, a prévenu la représentante, se mesurera à l’aune de sa capacité à promouvoir le respect « universel » de tous les droits de l’homme, de manière juste et équitable. Ce succès se mesurera aussi à l’aune de la capacité du Conseil d’aider les États, sachant que c’est eux qui ont la responsabilité première de la mise en œuvre de leurs obligations en matière des droits de l’homme.
L’Examen périodique universel permet d’améliorer la situation des droits de l’homme dans le monde, a-t-elle reconnu, rappelant que son pays a présenté son troisième Examen en juin dernier qui a porté sur 80 des 92 domaines prioritaires. Au vu des difficultés financières du Conseil des droits de l’homme, elle a suggéré une plus grande ponction du budget ordinaire de l’ONU, tout en plaidant pour l’augmentation des fonds consacrés à l’assistance technique aux pays les moins avancés. Elle a en outre dénoncé le « gaspillage » des ressources que constitue la création de mandats « politiquement motivés » contre certains pays, une initiative « contreproductive ».
M. GRIGORY LUKYANTSEV (Fédération de Russie) a souligné qu’au lendemain de la création du Conseil, en 2006, un vent d’espoir avait soufflé parmi la communauté internationale. Or, plus de 10 ans plus tard, le moment est venu de procéder à une nouvelle évaluation des réalisations de cet organe. Hélas, a-t-il déploré, le Conseil est aujourd’hui de moins en moins autonome et de moins en moins impartial. Il ne remplit plus son mandat et certains États s’en servent sans vergogne pour parvenir à leurs objectifs économiques et géopolitiques. L’ordre du jour du Conseil regorge en effet de thématiques qui n’ont rien à y faire. Cette manipulation est irresponsable et très dangereuse, a averti le représentant, regrettant l’impact sur la réputation du Conseil. Certains États, a-t-il poursuivi par ailleurs, ne sont pas encore prêts à reconnaître le lien programmatique entre le Conseil, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et la Troisième Commission. Il a appelé au dialogue sur une meilleure coordination, prévenant que son pays ne restera pas « les bras croisés » face à un Conseil qui se transforme en un organe en perte de crédibilité. C’est la raison pour laquelle la Fédération de Russie présente sa candidature pour la période 2021-2023, a annoncé le représentant.
M. ASIM AHMED (Maldives) a indiqué que le Président des Maldives, élu en 2018, a décidé de restaurer le respect des droits de l’homme qui souffraient de graves violations depuis 2012. Aussi, le Gouvernement a-t-il soumis un texte de loi qui va revenir sur les restrictions à la participation politique. Un programme de justice transitionnel est envisagé pour rétablir dans leurs droits tous ceux qui auraient été injustement condamnés par le précédent Gouvernement. M. Ahmed a déploré les graves violations des droits des Palestiniens et des Syriens, ainsi que des restrictions imposées aux Rohingya, plaidant pour leur retour digne et sûr chez eux. Il a estimé que le Conseil aurait un plus grand soutien et une meilleure collaboration des États s’il avait des méthodes de travail « plus ouvertes ». Il a salué le fait que sur l’insistance des Maldives, le Conseil ait créé un mandat sur les droits de l’homme et l’environnement pour examiner l’impact des changements climatiques sur ces droits.
M. JÜRG LAUBER (Suisse) a estimé que le Conseil des droits de l’homme a de nouveau démontré, au cours des trois sessions de l’année écoulée, son rôle central dans la promotion, la protection et la mise en œuvre des droits de l’homme, ainsi que dans la lutte contre les violations de ces droits à l’échelle mondiale. Le représentant a soutenu le renforcement des capacités de l’ONU en matière de prévention des conflits, et tout particulièrement d’alerte et d’action précoces. À cet égard, il s’est dit convaincu que les droits de l’homme jouent un rôle primordial dans la prévention des conflits et a demandé, en conséquence, que l’on intensifie et systématise les échanges d’informations entre le Conseil des droits de l’homme et le Conseil de sécurité.
Le représentant a rappelé que les organes de traité sont une autre composante clef du pilier des droits de l’homme de l’ONU. À l’approche de l’examen du système des organes de traité en 2020, il a réaffirmé son ferme appui à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale et aux améliorations apportées par cette résolution pour renforcer l’efficacité du système. Il a aussi appelé tous les États à s’engager pour un financement adéquat du pilier « droits de l’homme ». Le représentant a poursuivi en réaffirmant que la participation inclusive de la société civile aux travaux de l’ONU, y compris les ONG et les défenseurs des droits de l’homme, est « essentielle ». Il s’est donc dit préoccupé par les représailles exercées contre ceux qui coopèrent avec les organes et mécanismes des droits de l’homme, dont les organes de traité. Enfin, le représentant a souligné que les libertés d’expression, de réunion pacifique et d’association sont indispensables au bon fonctionnement d’une démocratie, à la paix et au développement durable. Il a déploré que l’espace de travail des défenseuses et défenseurs des droits de l’homme et des journalistes soit de plus en plus marqué par l’hostilité et la violence. Il a donc rappelé l’obligation des États de respecter, protéger et mettre en œuvre ces libertés fondamentales. Le représentant a aussi rappelé la responsabilité du secteur privé en la matière, y compris dans le cyberespace.
Pour M. KAKANUR NAGARAJ NAIDU (Inde), l’Inde, en tant que membre du Conseil, a toujours fourni des efforts pour s’assurer que le Conseil fonctionne de manière objective, non sélective, non politisée et transparente. Mon pays, a-t-il expliqué, souhaite que les examens périodiques universels gardent leur caractère universel et que leur efficacité soit augmentée, en rationnalisant les recommandations. Il faut éviter d’utiliser ces examens pour imposer des thématiques spécifiques, qui pourraient ne pas jouir d’un assentiment universel. Le représentant a encouragé une représentation géographique plus équilibrée au sein du Conseil et de ses mécanismes, pour mieux promouvoir objectivité et efficacité. Concernant le terrorisme et les droits de l’homme, il a demandé aux États de prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre les discours de haine en ligne et contre l’utilisation d’Internet pour propager des idéologies violentes et extrémistes. Évoquant le prix astronomique des soins médicinaux, des vaccins, et des soins de santé, qui plonge des millions de personnes chaque année dans la pauvreté, l’Inde, a conclu le représentant, apprécie la contribution du Conseil qui a reconnu l’accès aux médicaments comme « composante fondamentale » du droit à une santé de qualité.
Mme BRIGITTE WILHELMSEN WESSEL (Norvège) a déclaré qu’alors que l’ambition du Programme de développement durable à l’horizon 2030 est de ne laisser personne de côté, notre tâche commune est de traduire ce message dans la réalité. Mais en regardant le monde aujourd’hui, force est de constater que nous sommes encore loin de cette ambition, a déploré la représentante. La discrimination des groupes marginalisés continue et si nous voulons atteindre la paix et le développement durables, nous ne pouvons vraiment laisser personne de côté. La représentante s’est ensuite dite « profondément préoccupée » par les restrictions imposées à l’espace de la société civile dans beaucoup de pays, mais aussi ici à l’ONU. Or, a-t-elle plaidé, il est crucial de reconnaître le rôle de cette société civile, d’autant plus que les résolutions les plus récentes de l’Assemblée générale et du Conseil des droits de l’homme sur les défenseurs des droits de l’homme ont été adoptées par consensus. Ma délégation, a-t-elle annoncé, présentera d’ailleurs une nouvelle résolution sur ce thème à la Troisième Commission.
Mme Wessel a également souligné la nécessité de rendre le Conseil des droits de l’homme plus efficace, pour qu’il puisse « vraiment » remplir son mandat. Elle a aussi reconnu le rôle joué par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et l’impératif de renforcer le piler « droits de l’homme » des Nations Unies, y compris financièrement. Elle a conclu en niant à l’Assemblée générale le droit de « réexaminer » les décisions prises par le Conseil des droits de l’homme.
M. JOHN GIORDANO (États-Unis) a estimé que le Conseil des droits de l’homme est « très loin » du potentiel qu’avait envisagé l’Assemblée générale en 2006. Il a par exemple déploré le processus de sélection « inadéquat » qui permet à des auteurs d’abus des droits de l’homme, comme « l’ancien régime Maduro » de se faire élire au Conseil. Ce dernier ne sera jamais légitime tant que des États responsables de violations et d’abus se verront offrir une plateforme pour critiquer la situation dans les autres États, en pervertissant les mécanismes mis en place pour se départir de leur propre responsabilité dans les violations et abus. La crédibilité du Conseil est également entamée quand on continue de refuser de traiter tous les États équitablement, a ajouté le représentant, en parlant en particulier du traitement « discriminatoire » réservé à Israël. Il s’est par ailleurs dit préoccupé par les représailles dont sont victimes les défenseurs des droits qui s’expriment devant le Conseil et d’autres fora de l’ONU à Genève. Il a dénoncé, entre autres, les efforts de la Chine pour faire taire les voix dissidentes au cours de son Examen périodique universel.
Regrettant les menaces qui pèsent sur les droits de l’homme, Mme DARJA BAVDAŽ KURET (Slovénie) s’est tout particulièrement dite inquiète des obstacles auxquels fait de plus en plus face la société civile et de la tendance « alarmante » à recourir aux représailles contre les individus et organisations qui coopèrent avec les Nations Unies sur la question des droits de l’homme. Mon pays, a dit la représentante, soutient une composition universelle du Conseil qui contribuerait à asseoir l’importance de son rôle en tant que « forum mondial » pour les droits de l’homme et les libertés fondamentales. La représentante a, à son tour, souligné l’importance du travail du Conseil dans la prévention des conflits et de son potentiel pour détecter et alerter rapidement sur les violations massives des droits de l’homme.
Tout en se félicitant de l’importante œuvre normative et institutionnelle accomplie pour la défense des droits et libertés fondamentales, Mme FATOU ISIDORA MARA NIANG (Sénégal) a nuancé, en rappelant que ces acquis sont fragiles et qu’ils ont besoin d’être constamment préservés et renforcés face aux menaces de plus en plus fortes et aux défis contemporains. La pauvreté, les conflits, les crises sanitaires, les problèmes d’environnement, les changements climatiques et le terrorisme sont des facteurs déstabilisateurs pour les progrès obtenus et la promotion et la protection des droits de l’homme resteront un défi aussi longtemps que le droit au développement restera une question non résolue, a prévenu la représentante.
Mme Niang a jugé urgente la question du perfectionnement des mécanismes de promotion des droits de l’homme en vue de la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et rappelé la réunion du Conseil des droits de l’homme à Dakar, les 21 et 22 octobre derniers, durant la Présidence sénégalaise du Conseil, lors de laquelle ont été abordés les liens entre droits de l’homme et changements climatiques, migrations de masse, inégalités croissantes et responsabilité sociale des entreprises. Il a aussi été question des droits de l’homme à l’ère du numérique.
M. JÖRUNDUR VALTÝSSON (Islande) a jugé important de garder à l’esprit les forces du Conseil des droits de l’homme. Il importe, selon lui, de se concentrer sur ce qui fonctionne bien, tout en recherchant des terrains d’entente sur la façon d’améliorer les choses. De fait, a souligné le représentant, tout changement devrait représenter une valeur ajoutée et être conforme au mandat actuel du Conseil. Si ce dernier constitue la principale arène pour débattre de l’avancement des droits de l’homme aux niveaux national et international, la vigilance doit être de mise, a averti le représentant. Nous sommes à une époque « perfide » pour les droits de l’homme puisque nous assistons à des efforts visant à annihiler certains progrès réalisés ici à New York et à Genève. Le représentant a notamment regretté que des jalons sur les droits des femmes et « la liberté procréative » soient aujourd’hui menacés dans de trop nombreux endroits du monde. Réaffirmant sa conviction que les droits de l’homme sont « l’expression de l’objectif fondamental des Nations Unies », il a estimé que la promotion de la dignité et de l’égalité de ces droits ainsi que la volonté de ne laisser personne sur le côté doivent être « notre but pour aujourd’hui et demain ». Ce n’est qu’ainsi, a-t-il conclu, que la communauté internationale parviendra à accélérer la mise en œuvre du Programme 2030.
Mme EGRISELDA ARACELY GONZÁLEZ LÓPEZ (El Salvador) a salué la diversité des thèmes abordés aux sessions du Conseil des droits de l’homme et les initiatives prises par les États membres pour garantir des débats ouverts, transparents et inclusifs. Elle a cependant appelé ces États à considérer la multiplicité de ces thèmes, dans l’optique de rendre plus effectif et plus efficace le travail du Conseil et de l’Assemblée générale, sans créer des doublons mais plutôt des complémentarités. Mon pays, a poursuivi la représentante, a coparrainé environ 20 résolutions contenues dans les rapports. Ces dernières sont en lien avec les priorités thématiques d’El Salvador et portent notamment sur les droits de l’enfant, la migration, l’élimination de la violence et de la discrimination à l’égard des femmes et des filles ou encore la protection face à la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. El Salvador a également présenté à la quarante-deuxième session du Conseil, une déclaration conjointe sur les filles, les garçons et les adolescents migrants. Mon pays, a expliqué la représentante, y réaffirme les principes de l’unité familiale et de l’intérêt supérieur de l’enfant que les pays d’origine, de transit et d’accueil doivent respecter en toute circonstance. Ce texte a été soutenu par 22 pays, a assuré la représentante qui a appelé à l’adoption des rapport du Conseil des droits de l’homme, « dans leur intégralité ».
M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a également plaidé en faveur d’une cohérence accrue entre Genève et New York et exhorté tous les États membres à respecter le travail et le langage agréé par le Conseil. Il s’est félicité de l’adoption, le 26 septembre dernier, d’une résolution « robuste » sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, rappelant que son pays a toujours soutenu que le rapatriement des Rohingya vers leur lieu d’origine ne peut se faire que dans un climat de sûreté, de sécurité, de dignité et de respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il a jugé que par ce texte, le Conseil s’engage à préserver l’intérêt de cette communauté et d’autres minorités et de les protéger des violations systématiques des droits de l’homme. Il a regretté que la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme au Myanmar n’ait toujours pas pu se rendre dans le pays tout comme la Mission d’établissement des faits. Il a en revanche salué le nouveau mandat de l’Envoyée spéciale du Secrétaire général au Myanmar.
Mme ELENE AGLADZE (Géorgie) a noté qu’étant donné que 50% des recommandations des mécanismes des droits de l’homme requièrent l’approbation parlementaire, il faut renforcer l’engagement des parlements en faveur des droits de l’homme. Elle a relevé que le travail du Conseil ne peut être complet sans la voix de la société civile. Elle a donc insisté sur la pleine participation des ONG aux travaux du Conseil et de ses mécanismes. Elle a déploré les persécutions dont les défenseurs des droits de l’homme sont victimes, appelant tous les États à prendre des mesures pour prévenir intimidation et représailles.
Mme Agladze a aussi déploré les violations et abus des droits de l’homme contre les habitants de l’est de l’Ukraine, une région qui n’est pas sous le contrôle du Gouvernement. Après avoir condamné l’annexion illégale de la Crimée et de la ville de Sébastopol par la Fédération de Russie, elle a rappelé que le Conseil des droits à l’homme a exigé un accès immédiat des mécanismes régionaux des droits de l’homme aux régions occupées de la Géorgie. Les appels restent sans réponse, alors même qu’augmentent les violations de la liberté de mouvement et du droit aux langues maternelles, les enlèvements, les détentions illégales et autres actes du même genre, a-t-elle dénoncé. La Fédération de Russie, qui contrôle effectivement les régions d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, est de fait responsable de l’incapacité des observateurs internationaux de s’y rendre, a martelé la représentante.
Après avoir annoncé que son pays apprécie la contribution du Conseil des droits de l’homme à la situation dans son pays, y compris en Crimée occupée, M. IHOR YAREMENKO (Ukraine) a regretté que malgré les nombreux débats et décisions, la prévention n’ait toujours pas acquis le rôle qu’elle mérite. Pourtant, a-t-il souligné, l’histoire récente montre clairement que les violations des droits de l’homme sont souvent un précurseur majeur des menaces à la paix, des agressions et des guerres. Nous avons besoin d’un Conseil, a estimé le représentant, qui prévienne les tragédies humaines.
Or, les récentes élections au Conseil ont montré que, malheureusement, le respect de normes les plus élevées en matière de protection des droits de l’homme ne sont pas toujours considérés comme des exigences. Une telle attitude, a-t-il prévenu, ne peut qu’affaiblir le Conseil et le rendre « indulgent » aux abus des droits de l’homme. C’est pourtant cette indulgence, s’est-il alarmé, qui mène à l’impunité. Mes compatriotes de Crimée et du Donbass continuent de subir de nombreuses violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme, a rappelé le représentant. Nous avons besoin, a-t-il conclu, d’un Conseil qui puisse devenir une plateforme « authentique et sans compromis » de la défense des droits de l’homme, y compris ceux des personnes qui souffrent de l’occupation russe en Crimée et dans le Donbass.
En dépit de l’agression étrangère, M. HENRY ALFREDO SUÁREZ MORENO (Venezuela) a déclaré que l’élection de son pays au Conseil est la preuve du rejet par la communauté internationale de la campagne soutenue « de discrédit et de déstabilisation », servie par des formes multiples d’interventionnisme, des mesures coercitives unilatérales « sans précédent » et la menace d’une intervention armée. Le Venezuela, a-t-il prévenu, restera fidèle à sa tradition et à sa responsabilité de contribuer, de façon constructive, au travail du Conseil au cours des trois années à venir. Il a remercié les États pour « leur soutien et leur confiance ».
Le représentant a condamné l’instrumentalisation des droits de l’homme et de la mobilité humaine pour forcer un changement de régime. Cette instrumentalisation, s’est-il emporté, n’est rien d’autre qu’une « politique criminelle » du Gouvernement américain et de ses alliés européens qui se réclament d’une prétendue « autorité morale » que nul ne leur reconnaît, dont les fruits sont souffrances, destruction et spoliation des ressources naturelles. Il faut, a-t-il dit, analyser les défis actuels du Venezuela sous l’angle de l’imposition « illégale et criminelle » des mesures coercitives unilatérales dévastatrices, une « arme moderne de destruction massive » utilisée par les États-Unis pour détruire les sociétés aussi efficacement que les bombardements traditionnels, mais loin de l’attention des médias.
Ces mesures doivent cesser et les biens spoliés par les entreprises, être restitués. Malgré cette situation difficile, l’État vénézuélien s’efforce de rassembler tous les acteurs nationaux dans un dialogue national contre l’ingérence et en faveur de la paix et de la levée du blocus économique et financier. Le représentant a aussi mis en avant la disposition de son pays à coopérer de façon « constructive et transparente » avec le Haut-Commissariat et tous les mécanismes chargés des droits de l’homme, comme il l’a fait en se prêtant à l’Examen périodique universel.
M. RODRIGO A. CARAZO (Costa Rica) a dit que son pays tient à l’exercice des droits de l’homme dans sa région et partout dans le monde. Il a donc estimé que le Conseil des droits de l’homme peut promouvoir un dialogue constructif et la coopération internationale. Il faut, a-t-il plaidé, continuer de faire avancer une vision systématique et une meilleure articulation entre les différentes instances de l’ONU, tout en respectant les principes d’universalité, d’impartialité, d’objectivité, de non-sélectivité, de non-politisation et de transversalité des droits de l’homme. Le Conseil que nous voulons est celui qui s’érige en centre de gravitation pour le développement, le bien-être et la dignité de l’être humain.
Le Costa Rica, a poursuivi le représentant, a « eu l’honneur » de se soumettre, en mai dernier, à son troisième Examen périodique universel pour y présenter ses avancées mais aussi reconnaître ses lacunes. Les recommandations, a affirmé le représentant, ont toutes été acceptées et le Gouvernement est déterminé à les mettre en œuvre. L’Examen est « fondamental » pour un dialogue constructif entre les gouvernements, a insisté le représentant, avant de plaider pour le renforcement de ce mécanisme, y compris par l’élaboration d’un système d’alerte précoce et le renforcement des capacités nationales.
Le Costa Rica, qui a été candidat malheureux à l’élection pour la période 2020-2022, remercie les délégations qui ont appuyé sa candidature, a concédé le représentant, non sans rappeler les nouveaux membres élus à leur obligation de respecter strictement les normes des droits de l’homme. Soulever ou discuter de la situation dans tel ou tel pays n’est pas, a-t-il insisté, politiser les droits de l’homme. C’est au contraire exprimer son empathie, son humanité mais aussi son obligation souveraine.
Mme NOOR ALI (Syrie) a rejeté toute tentative de politiser les mécanismes des droits de l’homme pour servir les intérêts particuliers de certaines grandes puissances qui ciblent des pays, dont la Syrie, en se fondant sur des raisons très éloignées du mandat du Conseil. Elle s’est opposée au point 4 à l’ordre du jour traitant des questions qui requièrent l’attention particulière du Conseil. Ce point, s’est-elle expliquée, ne peut qu’encourager à la confrontation, ce qui est contraire à l’esprit et à la lettre de la résolution 60/251 de l’Assemblée générale portant création du Conseil. La représentante a dénoncé avec la même vigueur la résolution sur la situation des droits de l’homme dans son pays ainsi que les conclusions et recommandations de la Commission d’enquête internationale indépendante que la Syrie ne reconnaît d’ailleurs pas.
En revanche, elle a reconnu l’utilité de l’Examen périodique universel auquel les pays participent volontairement, sur un pied d’égalité et dans un esprit de coopération et de dialogue sincère. La représentante a formé l’espoir que le mécanisme de revitalisation et de renforcement des méthodes de travail du Conseil n’affecte pas les procédures existantes.
Elle a estimé que la situation des droits de l’homme en Palestine et dans les territoires arabes occupés, due aux exactions constantes de l’occupation israélienne et à l’escalade des tensions, mérite un suivi continu. Elle a, en outre, exhorté le Conseil à accorder une attention accrue au terrorisme, aux discours de la haine et à la xénophobie qui se propagent dans plusieurs régions du monde. Encourageant également une meilleure coordination entre le Conseil et la Troisième Commission à la lumière de la résolution 60/251, elle a, en revanche, douté de la pertinence de rapprocher les travaux du Conseil et ceux du Conseil de sécurité.
Mme RAHMA AL-ABRI (Oman) a avoué que son pays est fier de ses avancées dans le respect des droits de l’homme. Elle a invité Israël à respecter ceux du peuple palestinien et à mettre fin à ses violations. Elle a aussi invité la communauté internationale à œuvrer au respect des droits du peuple yéménite et des autres peuples opprimés du monde, conformément aux principes de la Charte des Nations Unies.
M. ALEJANDRO GUILLERMO VERDIER (Argentine), dont le pays est membre du Conseil, s’est prévalu de l’étroite coopération avec toutes les procédures spéciales, avant d’appuyer l’Examen périodique universel, outil important et objectif de promotion et de protection des droits de l’homme. Le représentant a, entre autres, mis l’accent sur les initiatives de son pays dont la présentation des résolutions sur le droit à la vérité et la procédure spéciale sur la promotion de la vérité, la justice, les réparations et les garanties de non-répétition, sans oublier la nomination de l’Expert indépendant sur les droits des personnes âgées.
Le représentant a appelé à l’universalité de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes des disparitions forcées. C’est là, a-t-il souligné, une des grandes priorités de la politique étrangère argentine. Il a salué le renouvellement du mandat de l’Expert indépendant sur la protection contre la violence et la discrimination en raison de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre, compte tenu de l’ampleur de cette violence et de cette discrimination qui exigeaient un mécanisme spécial. Il a également salué la résolution sur la situation des droits de l’homme au Venezuela établissant une mission internationale indépendante d’établissement des faits, chargée d’enquêter sur les violations commises depuis 2014.
Droit de réponse
Le représentant de la Chine a relevé à quel point les propos tenus par les États-Unis prouvent une véritable déconnexion de la réalité. Il a rappelé qu’au moment de l’Examen périodique universel, plus de 180 États ont dûment salué les avancées de son pays en matière des droits de l’homme. Les États-Unis, a-t-il suggéré, devraient plutôt se demander pourquoi ils sont si souvent isolés sur la scène internationale. Nous les encourageons à relire la Charte des Nations Unies, « un document qu’ils ont eux-mêmes contribué à rédiger », et qui consacre le respect dû aux États Membres de l’Organisation.