Journée internationale pour l’élimination totale des armes nucléaires: craintes partagées quant au risque d’« annihilation nucléaire »
« J’ai peur que nous retombions dans de vieux travers et que le monde entier se trouve à nouveau pris en otage, sous la menace de l’annihilation nucléaire » a avoué, aujourd’hui, le Secrétaire général de l’ONU, à la Réunion de haut niveau censée célébrer et promouvoir la Journée internationale pour l’élimination totale des armes nucléaires.
Les inquiétudes de M. António Guterres ont fait écho aux frustrations de la cinquantaine de ministres qui ont fustigé un désarmement nucléaire « incertain et incomplet ». Les relations entre les États dotés de l’arme nucléaire sont engluées dans la méfiance, les discours dangereux sur l’utilité des armes nucléaires se propagent, le régime de maîtrise des armements, édifié à tant de peine, s’effrite peu à peu et les divisions s’aggravent quant au rythme et à la portée des efforts de désarmement, pronostique le Secrétaire général dans le message qu’il a publié à l’occasion de la Journée, relayant ainsi le sentiment du Président du Costa Rica et du Vice-Président du Venezuela, au nom des 120 pays du Mouvement des pays non alignés.
La fin, le 2 août dernier, du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF), signé entre les États-Unis et la Fédération de Russie, et l’incapacité de la Conférence du désarmement de lancer les négociations relatives à un traité interdisant la production de matières fissiles traduisent l’érosion du multilatéralisme et d’un ordre international fondé sur des règles communes, s’est alarmé, à son tour, le Secrétaire d’État du Saint-Siège.
Il est absolument honteux, s’est emporté le Ministre des affaires étrangères de Cuba, que 74 ans après les bombardements atomiques « criminels » d’Hiroshima et de Nagasaki, le monde vive encore dans la crainte des 13 865 armes nucléaires, dont 3 750 sont déployées et 2 000 en état d’alerte opérationnelle. La prochaine guerre mondiale sera la dernière, a prévenu le Ministre, il faudra des dizaines de millions d’années avant que des êtres intelligents puissent écrire notre histoire. Aujourd’hui, a confirmé le Secrétaire d’État aux affaires du Mexique, le monde n’aurait pas assez de ressources pour faire face aux conséquences humanitaires d’une guerre nucléaire.
Les stocks d’armes existant pourraient détruire 100 fois notre monde, a renchéri le Ministre de la défense et de la sécurité nationale des Fidji, qui est revenu sur les conséquences sanitaires, dont l’explosion du nombre des cancers, des 300 essais nucléaires menés dans le Pacifique. Les « réfugiés atomiques » des Îles Bikini ne peuvent plus rentrer chez eux, après les 24 essais que les Américains ont menés dans les années 50. Ressortissant d’un pays qui a subi lui-même 500 essais sous l’ère soviétique, le Vice-Ministre kazakh des affaires étrangères a invité les États à faire comme le Kazakhstan et à s’engager pour parvenir à un monde exempt d’armes nucléaires d’ici 2045, pour le centième anniversaire de l’ONU. États nucléaires, la Chine et l’Inde ont plaidé pour une élimination « progressive et vérifiable ».
Les efforts de désarmement nucléaire allant de pair avec ceux liés à la non-prolifération, beaucoup de délégations ont espéré que la dixième Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) prévue en 2020 permettra de restaurer le dialogue et la confiance. C’est possible, a estimé le Ministre des affaires étrangères de l’Autriche qui a rappelé que 122 pays ont permis l’adoption le 7 juillet 2017, du Traité d’interdiction des armes nucléaires. Avec 70 signataires et 27 ratifications, nous sommes à mi-chemin des 50 ratifications nécessaires pour son entrée en vigueur, s’est réjoui le Ministre. Cette entrée en vigueur serait le meilleur moyen de rendre hommage aux survivants et victimes d’Hiroshima et Nagasaki, a souligné la représentante de l’ONG « International Campaign to Abolish Nuclear Weapons (ICAN) », elle-même petite-fille d’une victime d’Hiroshima. Elle a pris la parole aux côtés d’une collègue de « Peace Boat ».
Nous soutenons l’élimination totale de ces armes, a affirmé le Vice-Ministre des affaires internationales de l’Iran, fustigeant « la politique irresponsable » des États-Unis qui se sont retirés du Plan d’action conjoint sur le nucléaire iranien. Le Vice-Ministre n’a pas oublié d’exhorter Israël à éliminer ses armes sans condition préalable. À ce propos, le Bahreïn a, au nom du Groupe des États arabes, salué la tenue en novembre 2019 d’une conférence attendue depuis 1995 sur la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient. Il faut aussi, a ajouté le Ministre des affaires étrangères de l’Algérie, un traité juridiquement contraignant offrant des garanties de sécurité négative aux pays qui ne possèdent pas d’armes nucléaires.