La Commission du développement social clôt ses travaux en adoptant quatre textes qui visent avant tout à lutter contre les inégalités sociales
La cinquante-sixième session de la Commission du développement social, entamée le 29 janvier dernier, a pris fin ce matin avec l’adoption, sans vote, de quatre projets de résolution qui seront soumis à l’assentiment du Conseil économique et social (ECOSOC), dont l’un encore officieux, soumis par son Président, qui est axé sur les « Stratégies d’élimination de la pauvreté visant à parvenir à un développement durable pour tous ».
« Une session qui s’est bien déroulée dans l’ensemble », s’est félicité le Président de la Commission, M. Nikulás Hannigan (Islande), tout en plaidant pour que la communauté internationale se mobilise davantage contre les inégalités au sein des pays et entre les nations. Il s’est dit inquiet de constater qu’aucune institution onusienne n’avait été pour l’instant désignée comme point focal pour le suivi de la mise en œuvre de l’objectif de développement 10 portant justement sur la réduction des inégalités.
Le texte qu’il a soumis met l’accent sur l’importance de la création d’emplois décents et de qualité, du droit à l’éducation, de la couverture sanitaire universelle, ainsi que de la santé maternelle, sexuelle et reproductive. Y figurent également les questions de seuil de protection sociale, d’inclusion financière et de création d’infrastructures, ainsi que de politiques sexospécifiques et axées sur les jeunes.
L’impact néfaste des changements climatiques sur la lutte contre la pauvreté, ainsi que les questions relatives à l’autonomisation de femmes sont aussi intégrés à ce texte, qui couvre en outre l’inclusion des personnes handicapées et les contributions des personnes âgées et des jeunes. Ce projet de résolution ayant été adopté dans une version « officieuse », il n’a pas encore de cote de référence ni de traduction dans les autres langues officielles des Nations Unies que l’anglais.
Après l’adoption de ce texte, le représentant des États-Unis a expliqué que sa délégation s’était ralliée au consensus, malgré le fait que la Deuxième Commission de l’Assemblée générale ait déjà adopté un texte similaire. Sa délégation, a-t-il indiqué, ne souscrit pas à la terminologie employée au sujet de la gouvernance économique mondiale et des systèmes financiers et monétaires. Il a également estimé que l’aide publique au développement (APD) devait cibler en premier lieu ceux qui en ont le plus besoin, avec en parallèle la mobilisation d’autres ressources.
Autre point soulevé par la délégation des États-Unis: comme le Gouvernement américain est en train de modifier sa politique sur les changements climatiques, le texte adopté n’est pas conforme à la position de son pays sur cette question. Il a estimé que le projet de résolution ne devait aucunement créer de nouveaux droits, notamment le droit à l’éducation qui est de la prérogative des gouvernements locaux dans son pays, ou encore le droit à l’avortement qui, a-t-il souligné, ne doit pas être utilisé dans le cadre du planning familial.
À ce propos, l’observateur du Saint-Siège a souligné que l’accès à l’avortement ne devait pas être considéré comme faisant partie des services de soins de santé reproductive et sexuelle.
Le représentant d’El Salvador a pour sa part salué la référence aux méthodes de travail qui est faite dans le texte, se félicitant de l’objectif de l’ECOSOC d’élimer les doubles emplois et d’encourager la complémentarité.
Les inégalités resteront au centre des débats de la Commission du développement social, puisque le thème prioritaire retenu pour sa session de 2019, en vertu d’un autre projet de résolution soumis par un Vice-Président de la Commission, M. Bruno Rios (Mexique), est « Lutter contre les inégalités et les obstacles à l’inclusion sociale au moyen des politiques budgétaires et salariales et des politiques de protection sociale ».
Dans ce texte, la Commission propose d’adopter un programme de travail pluriannuel, afin de gagner en prévisibilité et de disposer de suffisamment de temps pour les préparatifs. En ce qui concerne le rythme d’adoption des résolutions, elle voudrait continuer d’envisager de le faire de manière biennale « afin de donner plus de poids à la résolution traitant du thème prioritaire, d’éliminer les redondances et les chevauchements et de promouvoir la complémentarité des travaux et des négociations portant sur des questions connexes ou similaires » dont l’Assemblée générale et l’ECOSOC sont saisis.
Ce texte a également suscité des commentaires de la délégation américaine. Bien que les États-Unis reconnaissent l’importance du Programme de développement durable à l’horizon 2030, ils ont voulu préciser que chaque pays est libre d’adopter sa propre stratégie de développement.
La stratégie de développement spécifique à l’Afrique a justement fait l’objet d’un projet de résolution, intitulé « Aspects sociaux du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique » et oralement amendé. Il y est demandé, pour la Commission, de continuer de valoriser et de mieux faire connaître les aspects sociaux du NEPAD et de tenir dûment compte de l’Agenda 2063 de l’Union africaine (UA) à sa cinquante-septième session.
La représentante de l’Égypte, présentant ce texte au nom du Groupe des 77 et de la Chine (G77), a expliqué qu’il s’agissait de rappeler à la communauté internationale la nécessité de se concentrer sur les besoins des plus vulnérables. Le texte reconnaît, entre autres, le rôle de l’APD et les conséquences des crises économiques internationales sur la capacité des pays en développement à mobiliser les fonds nécessaires à leur essor. À la suite de l’adoption, les États-Unis se sont dits déçus de ce texte en reprenant comme argument leurs précédentes observations.
La Commission a ensuite adopté un projet de résolution intitulé « Troisième cycle d’examen et d’évaluation du Plan d’action international de Madrid de 2002 sur le vieillissement », soumis par son Vice-Président, M. Yao Shaojun (Chine). Ce texte engage les États Membres à renforcer davantage l’application de ce plan d’action et à l’utiliser comme moyen de tenir compte des personnes âgées dans la mise en œuvre du Programme 2030 et la réalisation des objectifs de développement durable. La communauté internationale et les organismes compétents du système des Nations Unies, agissant dans le cadre de leur mandat, sont invités quant à eux à aider les pays qui en font la demande à financer la recherche et la collecte de données ventilées par âge, en plus des données ventilées selon le sexe et le handicap. Le but est de mieux comprendre les difficultés et les possibilités qui vont de pair avec le vieillissement de la population et de fournir aux décideurs des informations et des analyses plus exactes, pratiques et précises sur le vieillissement, selon le sexe et le handicap, ce qui est utile à l’élaboration et au suivi des politiques.
L’importance des collectes de données détaillées est également cruciale sur la question du handicap. C’est ce qu’a rappelé le Directeur adjoint pour les droits de l’homme auprès du Ministère des affaires étrangères de l’Iran, M. Mesbah Ansari, qui s’est exprimé en début de séance. M. Ansari, qui aurait dû participer aux tables rondes de mercredi dernier, avait été empêché à cause d’un problème d’obtention de visa.
Lui-même thérapeute et père d’un autiste, M. Mesbah Ansari a fait valoir que « l’enjeu n’est pas tant de familiariser les handicapés avec le monde, mais de familiariser le monde avec le handicap ». Comme exemple réussi de collecte de données, il a cité le questionnaire élaboré par le Groupe de Washington en suggérant aux autorités de l’adapter à leur contexte national. Il a par ailleurs recommandé à l’ONU de décerner un prix à un projet visant à rendre les villes plus accessibles aux handicapés.
La Commission a en outre adopté le projet de proposition qui contient son ordre du jour provisoire pour sa cinquante-septième session, avant d’adopter le rapport de la présente session, présenté par la Rapporteuse, Mme Mihaela Mecea (Roumanie).
Enfin, la Commission a pris note du rapport du Secrétaire général sur la « Réalisation des objectifs de l’Année internationale de la famille et mécanismes mis en œuvre pour y donner suite », ainsi que d’une note du Secrétariat intitulée « Questions nouvelles: pour des sociétés durables et résilientes: l’innovation et l’interconnectivité au service du développement social ».
Après avoir achevé les travaux de sa cinquante-sixième session, la Commission a brièvement ouvert sa cinquante-septième session en procédant à l’élection de Mme Sama Salim Poules (Iraq) à la vice-présidence au nom du Groupe des États d’Asie et du Pacifique. L’élection des membres du bureau issus d’autres groupes régionaux a été renvoyée à une date ultérieure. En vertu du principe de rotation régional, a précisé le Président, le représentant du Groupe des États d’Afrique au bureau devra assurer la présidence de la Commission pour les cinquante-septième et cinquante-huitième sessions.