La Commission du développement social entame ses travaux préoccupée par le creusement des inégalités dans le monde
La Commission du développement social, organe subsidiaire du Conseil économique et social (ECOSOC), a entamé, aujourd’hui, les travaux de sa cinquante-sixième session consacrée aux « stratégies d’élimination de la pauvreté visant à parvenir à un développement durable pour tous », dans un contexte marqué par un net creusement des inégalités dans le monde. De nombreux ministres étaient là pour témoigner à la fois des progrès et des obstacles dans la mise en œuvre des engagements pris en 1995 lors du Sommet mondial pour le développement social.
Alors que la Commission doit adopter à l’issue de ses travaux, le 7 février, une résolution orientée vers l’action, la Présidente de l’ECOSOC, Mme Marie Chatardova, a formulé l’espoir que les recommandations politiques qui émaneront de ses débats permettront de faire de cette génération « celle qui éradiquera la pauvreté et qui assurera le développement durable ».
Le Président de la Commission élu en début de séance, l’Islandais Nikulás Hannigan, a expliqué que la Commission avait pour mandat de promouvoir le développement social à tous les niveaux et de faciliter un dialogue constant sur les questions émergentes qui pourront contribuer à tenir les promesses du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
S’appuyant sur un rapport d’Oxfam, M. Hannigan, s’est, pour l’heure, inquiété de voir que 1% de personnes les plus fortunées détenaient 82% des richesses générées dans le monde en 2017, tandis que les 50% de la population la plus défavorisée, soit 3,7 milliards de personnes, n’ont vu aucune augmentation de leur « richesse ».
Un constat repris par le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. Liu Zhemin, qui a noté que si 1,1 milliard de personnes ont échappé à l’extrême pauvreté depuis 1990, un grand nombre vit toujours juste au-dessus de la ligne de pauvreté absolue et risque à tout instant de retomber en dessous. La Vice-Secrétaire générale, Mme Amina J. Mohammed, a souligné quant à elle que les crises liées à la santé et à divers chocs ont provoqué des reculs à plusieurs niveaux.
La prévalence de la pauvreté chez les femmes et les personnes âgées a été la source de nombreuses préoccupations, de même que la situation souvent précaire des jeunes qui souffrent tout particulièrement du chômage. M. Zhemin a précisé que cela touche 71 millions d’entre eux, tandis que 160 millions de jeunes vivent dans la pauvreté bien qu’ils aient un emploi. Il faut notamment « encourager le milieu des affaires à aider les jeunes à réaliser leurs aspirations », a préconisé Mme Mohammed comme élément de solution.
Le représentant de la jeunesse, M. Luis Alvarado Martinez, a plaidé pour que, de manière générale, les stratégies d’élimination de la pauvreté prennent en compte les besoins des jeunes, avertissant que ces derniers sont les plus touchés par les mesures d’austérité et par les coupures dans les programmes sociaux, ainsi que l’objet de nombreuses discriminations, quel que soit le niveau de revenu des pays. « On ne peut espérer parvenir au développement durable sans tenir compte des besoins des jeunes », a-t-il affirmé.
Face à des inégalités aussi flagrantes, M. Hannigan a appelé à créer des emplois décents à un rythme suffisant, augmenter les investissements dans une éducation et une santé de qualité, ainsi que dans l’agriculture, les infrastructures et les systèmes de protection sociale.
La Vice-Secrétaire générale a appelé avec force à la mise en œuvre de programmes de protection sociale, déplorant le fait que quatre milliards de personnes n’en bénéficient pas. M. Zhenmin a lui aussi fait valoir le rôle essentiel des programmes sociaux et des filets de protection sociale, en tant que partisan d’un véritable investissement dans la personne.
« La protection sociale n’est pas une question partisane. Elle n’appartient ni au nord, ni au sud, ni à la droite, ni à la gauche », a considéré pour sa part le Président du Comité des organisations non gouvernementales pour le développement social, M. Daniel Perell, qui a appelé à parvenir à un consensus sur la question de la dignité humaine. Évoquant le « sentiment de responsabilité des uns envers les autres », il a fait valoir que « le bien-être de l’individu contribue au bien-être de l’ensemble ». Ce qui lui a fait dire que la protection sociale doit être le fil conducteur pour l’édification de sociétés plus solides.
La table ronde de l’après-midi, consacrée au thème prioritaire, avait comme intervenant principal le Directeur de l’Académie diplomatique chilienne, M. Juan Somavia, qui a parmi ses anciens titres ceux de Président de l’ECOSOC et de Directeur général de l’Organisation internationale du Travail. Il s’est fait l’avocat de l’« approche multidimensionnelle » aux Nations Unies pour réaliser le Programme 2030 et a prédit un « avenir extrêmement important » à la Commission du développement social puisqu’elle traite de l’aspect social du développement durable. Prônant une participation proactive des délégués, il les a invités à prendre des initiatives sans attendre les instructions détaillées de leurs capitales.
Outre l’élection de son président pour la session, la Commission a élu M. Lot Dzonzi, du Malawi, et Mme Mihaela Mecea, de la Roumanie, aux postes de vice-président, cette dernière devant aussi exercer les fonctions de rapporteur.
La Commission du développement social poursuivra son débat général demain, mardi 30 janvier, à partir de 10 heures, avant de tenir une autre table ronde dans l’après-midi sur « l’innovation et l’interconnectivité en faveur du développement social ».
SUITE DONNÉE AU SOMMET MONDIAL POUR LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL ET À LA VINGT-QUATRIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
Thème prioritaire: stratégies d’élimination de la pauvreté visant à parvenir à un développement durable pour tous
Déclarations
M. NIKULÁS HANNIGAN, Président de la Commission du développement social, a souligné la capacité unique de la Commission à faire des contributions majeures au volet social du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il a rappelé que ce programme, de même que le Sommet mondial pour le développement social de 1995, vise à trouver des solutions durables pour éliminer le fléau de la pauvreté extrême, créer le plein emploi et susciter des perspectives de travail décent pour tous, ainsi que bâtir des sociétés plus inclusives. Outre la promotion du développement social à tous les niveaux, a-t-il ajouté, la Commission doit promouvoir un dialogue constant sur les questions nouvelles et émergentes qui pourront avoir une influence sur l’engagement de ne laisser personne de côté, qui découle du Programme 2030.
Parmi les nombreux défis à relever, le Président a notamment pointé l’exacerbation des inégalités entre et au sein des nations. Il a cité un rapport d’Oxfam qui indique que le 1% des personnes les plus riches de la planète détiennent 82% des richesses générées en 2017, tandis que les 50% de la population la plus défavorisée, soit 3,7 milliards de personnes, n’ont vu aucune augmentation de leur « richesse ». Face à des inégalités aussi flagrantes, M. Hannigan a appelé à créer des emplois décents à un rythme suffisant pour absorber la force croissante du travail, augmenter les investissements dans une éducation et une santé de qualité, ainsi que dans l’agriculture, les infrastructures et les systèmes de protection sociale.
Pour la mise en œuvre des objectifs poursuivis, M. Hannigan a recommandé de mobiliser des ressources domestiques suffisantes, en recourant à des investissements dans le secteur privé, et à s’appuyer sur l’aide publique au développement (APD). Dans un monde de plus en plus interconnecté, a-t-il poursuivi, nous devons aussi veiller à ce que les dividendes de la mondialisation soient partagés par tous et répondre de surcroît à la menace continue que représentent les changements climatiques.
Le Président a indiqué qu’à l’issue de ses travaux, la Commission est censée adopter une résolution orientée vers l’action. Il a appelé les délégations à veiller à ce que ce texte accorde une place importante aux politiques et stratégies sociales qui se sont démontrées efficaces pour éliminer la pauvreté sous toutes ses formes.
Mme MARIE CHATARDOVA, Présidente du Conseil économique et social (ECOSOC), a rappelé la place centrale de l’ECOSOC dans le système de Nations Unies pour mener à bien le développement durable, ajoutant que les travaux de la Commission du développement social étaient, eux, au cœur de la volonté et des efforts pour créer un avenir plus prospère, plus équitable et plus durable. Le thème prioritaire de la Commission,« stratégies d’élimination de la pauvreté visant à parvenir à un développement durable pour tous », est au cœur du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a souligné Mme Chatardova, dans la mesure où l’éradication de la pauvreté est son objectif numéro 1.
La Présidente de l’ECOSOC a ainsi espéré que le travail de la Commission alimentera les travaux du Forum de haut niveau pour le développement durable en 2018 et permettra de renforcer les piliers -social, économique et environnemental -du développement durable. Pour Mme Chatardova, les discussions sur les politiques et stratégies en matière d’éradication de la pauvreté sont indispensables. Les recommandations politiques qui émaneront des débats de la Commission permettront, à son avis, de faire de cette génération celle qui éradiquera la pauvreté et qui assurera le développement durable.
Rappelant que débute parallèlement, demain, le Forum de la jeunesse, Mme Chatardova a souhaité que les deux enceintes produisent des synergies. Elle a d’ailleurs annoncé son intention d’informer la Commission du développement social du message qu’elle entend adresser au Forum de la jeunesse. La Présidente a enfin jugé essentiel que les différentes commissions opérationnelles de l’ECOSOC redoublent d’efforts pour exercer leurs mandats. En conclusion, elle a assuré la Commission du développement social du soutien et de la disponibilité tant de l’ECOSOC que du Département des affaires économiques et sociales « et ses 70 ans d’expérience ».
Mme AMINA J. MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, a déploré que la pauvreté continue de peser de tout son poids sur les habitants de la planète. Elle a indiqué que si plus d’un milliard de personnes a échappé à la pauvreté par rapport à 1990 et vit désormais avec plus d’un dollar par jour, les crises liées à la santé et à divers chocs ont néanmoins provoqué des reculs à plusieurs niveaux. Elle s’est également inquiétée de la prévalence de la pauvreté chez les femmes, ainsi que de l’important taux de chômage parmi les jeunes, pour ensuite appeler les États à veiller à la pleine participation sociale des personnes vivant dans la pauvreté. Elle a en outre cité l’impact des changements climatiques et de la migration sur le bien-être des personnes.
La Vice-Secrétaire générale a poursuivi son intervention en appelant à mettre en œuvre des programmes de protection sociale, mesures fondamentales, selon elle, pour promouvoir un travail décent dans le monde. Quatre milliards de personnes sont dépourvues de toute mesure de protection sociale, a-t-elle dénoncé. Elle a aussi appelé à garantir le développement durable, mettant l’accent sur l’importance des partenariats. Il faut notamment encourager le milieu des affaires à aider les jeunes à réaliser leurs aspirations, a-t-elle préconisé. Enfin, Mme Mohammed a conseillé d’utiliser les instruments les plus à même de combattre la pauvreté, encourageant les délégations à faire preuve de créativité.
M. LIU ZHENMIN, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a estimé que la thématique principale des travaux de la Commission du développement social était essentielle pour aider les États Membres à mettre en œuvre les résultats du Sommet mondial pour le développement social de 1995 ainsi que la dimension sociale du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Ce dernier reconnaît l’aspect pluridimensionnel de la pauvreté, a fait remarquer le Secrétaire général adjoint. M. Zhenmin a rappelé que l’économie mondiale connaissait une plus forte croissance. Pourtant, a-t-il aussitôt ajouté, cette croissance ne suffit pas et si 1,1 milliard de personnes ont échappé à l’extrême pauvreté depuis 1990, un grand nombre vit toujours juste au-dessus de la ligne de pauvreté absolue et risque à tout instant de retomber en dessous. Il a aussi rappelé que le monde comptait toujours 201 millions de personnes sans emploi, dont 71 millions de jeunes, alors que 160 millions de jeunes vivent dans la pauvreté bien qu’ils aient un emploi.
La Commission du développement social a joué depuis 1995 un rôle de plateforme essentiel pour le partage des bonnes pratiques et des politiques sociales visant à éradiquer la pauvreté, a poursuivi le Secrétaire général adjoint, qui a jugé fondamental de mettre au point un cadre exhaustif de politique économique et sociale. Il a rappelé la synergie qui existe entre création d’emplois décents, meilleure redistribution et croissance. Il faut donc créer des emplois productifs et décents pour tous et améliorer la productivité en favorisant la transition du secteur informel au secteur formel, a poursuivi M. Zhenmin. Il faut investir dans les personnes, notamment dans les infrastructures sociales et les ressources humaines, a-t-il insisté, en mettant également l’accent sur le rôle essentiel des programmes sociaux et des filets de protection sociale, lesquels doivent encore être étoffés. Le Secrétaire général adjoint a également mis l’accent sur le renforcement de la résilience des personnes vivant dans la pauvreté, dans des situations vulnérables et dans les pays les plus exposés aux conséquences des changements climatiques.
M. DANIEL PERELL, Président du Comité des ONG pour le développement social, a dénoncé la persistance des inégalités dans le monde. Il a proposé que le Comité devienne le « foyer » des efforts pour la réalisation de l’objectif 10 du Programme de développement durable à l’horizon 2030, qui vise à « réduire les inégalités dans les pays et d’un pays à l’autre ». M. Perell a appelé à adopter des stratégies cohérentes pour assurer une prospérité commune, engageant par ailleurs à parvenir à un consensus sur la question de la dignité humaine. Des liens doivent être établis entre la dignité et la protection sociale, a-t-il indiqué, soulignant par ailleurs que la protection sociale doit être le fil conducteur pour l’édification de sociétés plus solides.
M. Perell a fait observer que la protection sociale, l’éthique de la réciprocité et le sentiment de responsabilité des uns envers les autres sont des éléments du contrat social, étant donné que le bien-être de l’individu contribue au bien-être de l’ensemble. Dénonçant les temps incertains actuels, il a souligné que la protection sociale n’est pas une question partisane. « Elle n’appartient ni au nord, ni au sud, ni à la droite, ni à la gauche. Sa mise en œuvre dépend du consensus dont elle doit être l’objet », a-t-il souligné.
M. LUIS ALVARADO MARTINEZ, Représentant de la jeunesse, a déclaré qu’on ne pouvait espérer parvenir au développement durable sans tenir compte des besoins des jeunes. Rappelant qu’en 2003, près de 500 millions de jeunes âgés de 18 ans à 24 ans vivaient avec moins de 2 dollars par jour, il a insisté sur la nécessité de se baser sur des données pour adopter des politiques adaptées aux jeunes. Les jeunes sont les plus touchés par les mesures d’austérité et par les coupures dans les programmes sociaux, a fait remarquer le représentant, qui a donc plaidé pour que les stratégies d’élimination de la pauvreté prennent en compte les jeunes et leurs besoins.
Faire face à la pauvreté au sein de la jeunesse nécessite une perspective globale, a poursuivi M. Martinez. S’il a reconnu qu’on s’inquiétait davantage, depuis quelques années, de l’accès des jeunes au marché de l’emploi, il a estimé que les politiques actuelles étaient loin de suffire aux besoins de jeunes dans ce domaine. Il a plaidé pour des emplois de qualité, une rémunération décente et un accès à la protection sociale. Il a aussi dénoncé les discriminations dont sont victimes les jeunes, y compris dans les pays développés. Autre problème qu’il a soulevé, la sous-représentation systématique des jeunes dans les organes décisionnels: il faut que soient mis en place des systèmes assurant leur pleine participation à tous les niveaux, a souhaité le délégué de la jeunesse.
Mme DANIELA BAS, Directrice de la Division des politiques de développement social, a présenté les rapports dont la Commission du développement social est saisie, dont celui sur les stratégies d’élimination de la pauvreté visant à parvenir à un développement durable pour tous (E/CN.5/2018/3), qui rend compte des progrès accomplis jusqu’ici dans l’élimination de la pauvreté ainsi que des différentes stratégies mises en place par les États Membres, et qui comprend des recommandations visant ce processus. Dans ses recommandations, le rapport demande que soient mises en œuvre des politiques sociales et économiques inclusives qui favorisent une transformation structurelle en faveur de l’emploi productif dans les secteurs secondaire et tertiaire, qui accroissent la capacité productive de ceux qui exercent encore des emplois informels, qui remédient aux inégalités, monétaires et non monétaires, y compris les disparités entre les zones urbaines et rurales, et qui favorisent l’inclusion sociale et financière. Les pays devraient en outre, souligne le rapport, élaborer des politiques actives du marché du travail qui permettent aux personnes vivant dans la pauvreté, aux femmes, aux jeunes et aux autres groupes sociaux défavorisés d’accéder à des emplois décents et aux travailleurs de récupérer une part équitable des gains issus de l’augmentation de la productivité découlant de la transformation structurelle et du commerce.
Autre rapport du Secrétaire général à l’ordre du jour de la Commission, celui sur les volets sociaux du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (E/CN.5/2018/2), qui recommande aux pays africains de promouvoir activement une transformation structurelle inclusive, grâce à l’industrialisation et à l’augmentation de la productivité agricole et à la montée en puissance des programmes de protection sociale, y compris les socles de protection sociale. Ces pays sont également encouragés à investir dans une éducation et des soins de santé de qualité, ainsi que dans des infrastructures modernes, et à intensifier la mobilisation des ressources intérieures, notamment en luttant contre les flux financiers illicites, a précisé Mme Bas.
La Directrice a ensuite fait mention du rapport du Secrétaire général sur le troisième cycle d’examen et d’évaluation du Plan d’action international de Madrid de 2002 sur le vieillissement. Ce rapport recommande d’inviter les États Membres et les commissions régionales à renforcer la poursuite de l’application du Plan d’action et à l’utiliser comme moyen d’inclure les personnes âgées dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Les États Membres sont également invités à tenir compte des réussites et bonnes pratiques, des déficiences et des priorités futures qu’ils ont recensées dans le cadre de leurs examens et évaluations à l’échelle nationale et régionale, afin de faire avancer la mise en œuvre du Plan d’action de Madrid. Il est en outre demandé aux commissions régionales de continuer à faciliter la poursuite de l’application du Plan d’action, sur la base des priorités recensées à l’issue de l’examen et de l’évaluation qu’elles ont respectivement menés à l’échelle régionale, a précisé Mme Bas.
Le rapport sur la réalisation des objectifs de l’Année internationale de la famille et mécanismes mis en œuvre pour y donner suite (A/73/61–E/2018/4) met l’accent sur les initiatives prises récemment par les États Membres, les entités des Nations Unies et la société civile en vue d’atteindre les objectifs de l’Année internationale de la famille et de mettre en place les mécanismes requis pour y donner suite. Les États Membres, a relevé la Directrice, y sont notamment invités à continuer de tenir compte du fait que les politiques et les programmes axés sur la famille sont indispensables à l’exécution du Programme de développement durable à l’horizon 2030, afin notamment d’éliminer la pauvreté et la faim, de promouvoir le bien-être de tous à tout âge, d’assurer des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie et de parvenir à l’égalité des sexes.
Enfin, dans le rapport sur les questions nouvelles: « pour des sociétés durables et résilientes : l’innovation et l’interconnectivité au service du développement social » (E/CN.5/2018/5), le Secrétaire général recommande de soutenir les innovations locales en travaillant avec les couches les plus pauvres et les plus défavorisées de la population et en se concentrant sur leurs droits et sur le respect de la dignité humaine. Dans ce contexte, le Secrétaire général recommande à la Commission du développement social de réfléchir aux moyens pour la communauté internationale de veiller à ce que chacun, en particulier les groupes et les communautés vulnérables, puisse bénéficier des avantages de l’innovation, de la technologie et de l’interconnectivité. « Comment les États Membres et la communauté internationale peuvent-ils gérer les effets perturbateurs de l’innovation technologique sur le monde du travail et l’économie, notamment les incidences négatives potentielles sur l’emploi et la sécurité de l’emploi? » s’interroge en outre le Secrétaire général dans son rapport.
Débat général
Mme GHADA WALY, Ministre de la solidarité sociale de l’Égypte, intervenant au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a voulu aborder l’élimination de la pauvreté comme un phénomène multidimensionnel, car c’est le défi le plus important à relever et, de surcroît, il est essentiel pour la réalisation du développement durable, notamment en Afrique et dans les pays les moins avancés (PMA). Elle a dénoncé les inégalités notables qui persistent dans le monde, la prévalence de la pauvreté parmi les femmes, les enfants et les personnes âgées et l’augmentation de la faim dans le monde.
La Ministre s’est déclarée profondément préoccupée par l’inégalité des progrès réalisés pour mettre en œuvre les engagements pris lors du Sommet mondial pour le développement social, ainsi que par le manque de progrès en général dans le domaine du développement social, pointant notamment les conflits, un ralentissement de la croissance économique mondiale, le taux de chômage élevé chez les jeunes, les urgences humanitaires, la corruption ou encore les changements climatiques.
Elle a mis l’accent sur l’importance du plein emploi, insistant notamment sur l’importance du droit du travail et notamment le principe d’égalité de salaire pour travail égal. Elle a aussi appelé à renforcer les politiques sociales en accordant une attention particulière aux personnes désavantagées, notamment les jeunes, les personnes handicapées, celles qui vivent avec le VIH/sida, ainsi que les membres de communautés autochtones, les migrants, les réfugiés et les déplacés. Mme Waly a aussi insisté sur les contributions des personnes âgées au développement de leur société et a appelé les États à répondre aux défaillances identifiées lors du troisième examen du Plan d’action international de Madrid sur le vieillissement.
Poursuivant, la Ministre égyptienne a souligné que les progrès dans la mise en œuvre de l’Agenda 2063 de l’Union africaine et du NEPAD dépendaient de l’existence d’un environnement national et international favorable à la croissance et au développement de l’Afrique. Elle a insisté sur l’« importance cruciale » de la coopération internationale, notamment Nord-Sud et Sud-Sud, pour compléter la coopération triangulaire et promouvoir le Programme d’action du Sommet de Copenhague. Enfin, elle a souhaité que les avancées technologiques soient mises au service de la création de sociétés inclusives et résilientes.
M. GEORGI VELIKOV PANAYOTOV (Bulgarie), au nom de l’Union européenne, a déclaré que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 offrait à l’Union européenne et ses États membres une occasion historique de jouer un rôle essentiel en faveur du développement durable, aussi bien en Europe qu’au-delà des frontières de celle-ci. Ce travail est déjà en cours dans deux domaines principaux, a-t-il expliqué. Le premier concerne l’intégration des objectifs de développement durable dans le cadre de la politique européenne. L’Union européenne a toujours eu au cœur un projet social, a expliqué le représentant, qui a rappelé que le Traité européen exige de l’Union qu’elle travaille en faveur du développement durable sur la base d’une croissance économique équilibrée et d’une économie sociale de marché marquée par le plein emploi et le progrès social. À cet égard, M. Panayotov a rappelé que l’économie européenne en est à sa sixième annone consécutive de croissance, laquelle touche désormais tous ses membres et s’accompagne d’une amélioration du marché du travail et de la situation sociale dans les États membres.
Le représentant a rappelé que le pilier européen des droits sociaux était appelé à jouer un rôle important. Ce dernier compte, a-t-il rappelé, 20 principes et droits –du droit à un salaire décent à au droit à la santé ou encore à un meilleur équilibre entre travail et vie privée-, et vise à ne laisser personne sur le bord du chemin. M. Panayotov a détaillé notamment les mesures en faveur des jeunes, des femmes et des personnes handicapées. Tous ces efforts, a-t-il résumé, font partie d’une stratégie proactive destinée à bâtir une société à l’épreuve de l’avenir, dont les membres seront formés pour être compétitifs dans des marchés ouverts et évolutifs. Il a notamment rappelé le problème que pose la formation des adultes et surtout des moins qualifiés d’entre eux, tandis que pour les jeunes, il existe la Stratégie de l’Europe pour la jeunesse qui vise à inclure systématiquement ces derniers dans les processus de décision européens, sans compter le programme Erasmus +, destiné à favoriser la mobilité et la meilleure connaissance de l’autre.
Le second domaine concerne la contribution de l’Union européenne et de ses États membres à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 à l’extérieur, a expliqué le représentant. Il a rappelé à cet égard l’adoption du nouveau Consensus européen sur le développement, centrée autour des « cinq P » (peuple, planète, prospérité, paix et partenariat), par lequel l’Union européenne entend contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable de manière intégrée avec ses partenaires, y compris en établissant de nouvelles formes de relations. Le représentant a notamment affirmé que l’Union européenne allait renforcer ses partenariats avec les pays à revenu intermédiaire.
Mme PHUONG NGA NGUYEN (Viet Nam), qui s’exprimait au nom de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), a souligné les grandes avancées accomplies par l’ASEAN dans la réduction de la pauvreté, le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté dans cette région étant passé de 138 millions en 2000 à 44 millions en 2015. Si cette tendance se poursuit, ce nombre devrait passer à 25 millions en 2030, a-t-elle affirmé. Soulignant l’importance de l’innovation et de la technologie, la déléguée a mentionné l’adoption, en 2017, de la Déclaration sur l’innovation qui vise à renforcer les liens entre le Gouvernement, le milieu universitaire, l’industrie et la société en vue d’optimiser les apports des nouvelles technologies.
Le Programme d’action de l’ASEAN sur l’autonomisation des femmes, adopté également en 2017, vise notamment à instaurer un environnement favorable pour les petites et moyennes entreprises dirigées par des femmes et à augmenter la représentation des femmes au sein des postes de responsabilité, a poursuivi la déléguée. Elle a également détaillé le plan de travail 2016-2020 sur la promotion et la protection des droits des femmes et des enfants, qui vise notamment à éliminer le mariage des enfants, à sensibiliser le public sur les conséquences dues aux changements climatiques sur les femmes et les enfants, et à lutter contre le harcèlement en milieu scolaire. La représentante a insisté sur les efforts de l’ONU et de l’ASEAN en vue d’harmoniser les objectifs de la Communauté de l'ASEAN à l’horizon 2025 avec ceux du Programme de développement à l’horizon 2030, en particulier dans les domaines de l’éradication de la pauvreté, des infrastructures et de la gestion durable des ressources naturelles. Avant de conclure, la déléguée a assuré que l’éradication de la pauvreté figurait tout en haut de l’ordre du jour de l’ASEAN.
Mme MELE COLIFA (Guinée équatoriale), parlant au nom du Groupe des États d’Afrique, s’est dite préoccupée par le fait que, si 1,1 milliard de personnes sont sorties de la pauvreté depuis 1990, 390 millions vivent toujours dans l’extrême pauvreté au sud du Sahara. Elle a rappelé que la pauvreté extrême était beaucoup plus forte dans les PMA et a rappelé la détérioration de la sécurité alimentaire dans de nombreux pays touchés par des conflits ou les changements climatiques. Les guerres et troubles civils continuent de déchirer de nombreuses économies africaines et à contribuer à l’extrême pauvreté sur le continent, a également rappelé la représentante.
Soulignant les mesures prises par l’Union africaine pour faire taire les armes sur le continent et présentant par ailleurs comme « inspirant » l’Agenda 2063 adopté par l’Union africaine, la représentante a rappelé qu’il fallait aborder les inégalités dans toutes leurs dimensions. Or, ces inégalités ont augmenté entre pays et à l’intérieur des pays, a-t-elle fait observer, avant de rappeler combien il est difficile de rompre la transmission de la pauvreté d’une génération à l’autre. Les perspectives de croissance en Afrique restent fragiles et beaucoup de jeunes restent sans emploi, sans perspective et sans protection sociale, d’où le recours à la migration, régulière ou pas, au sein de l’Afrique ou vers l’extérieur, s’est désolée la représentante.
La représentante a cependant indiqué que la fréquentation des écoles augmente en Afrique, tout en insistant sur la nécessaire amélioration de la qualité de l’enseignement, ainsi que de la formation professionnelle, et appelant à l’assistance internationale dans ces deux domaines, afin de « permettre à l’Afrique de profiter du potentiel de ses jeunes ». La représentante a également mis en avant la protection et la promotion des droits économiques des migrants indépendamment de leur statut migratoire et l’importance d’une amélioration de la santé de la population.
Enfin, la déléguée a rappelé que l’Afrique est convaincue que l’industrialisation reste la voie la plus viable pour assurer son développement. Dénonçant l’absence de débouchés pour ses produits, elle a rappelé l’attachement du continent aux efforts de développement social et son attachement au Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), demandant donc aux partenaires de l’Afrique de redoubler d’efforts pour en assurer la mise en œuvre.
S’exprimant au nom du Groupe des amis des personnes âgées, Mme ANA HELENA CHACON ECHEVERRIA, Vice-Présidente du Costa Rica, a expliqué que la hausse du nombre de personnes âgées représente un des changements les plus significatifs sur le plan démographique dans le monde, avec des estimations laissant entrevoir 1,4 milliard de personnes âgées d’ici à 2030, faisant d’elles le premier groupe de la population au niveau mondial. Dès lors, a-t-elle dit, il faut prendre conscience des défis qui se posent à elles, y compris dans le domaine de l’inclusion et de l’intégration sociales. Or, il est indéniable que les personnes âgées peuvent faire des contributions significatives au développement social, économique et durable de leurs sociétés, a assuré la Vice-Présidente, pour qui il est impératif d’autonomiser ce segment de la population afin de faire d’eux aussi des agents du changement.
Dans cette perspective, Mme Chacon Echeverra a souhaité que les politiques de développement social tiennent complètement compte des besoins et des préoccupations des personnes âgées, et qu’elles prévoient des cadres juridiques adéquats. À cet égard, elle s’est dite alarmée de constater que les principaux obstacles à la mise en œuvre du Plan d’action de Madrid demeurent les mêmes que ceux identifiés lors du précédent examen, en 2012: un manque de ressources financières, de volonté de politique, et de données disponibles. La Vice-Présidente du Costa Rica a donc appelé à la mise en œuvre des dispositions de ce plan d’action, qui représente pour les personnes âgées une passerelle vers le Programme de développement durable à l’horizon 2030.
Intervenant ensuite en sa capacité nationale, la Vice-Présidente du Costa Rica a appelé à accélérer le rythme et à mieux faire sur la voie de l’éradication de la pauvreté, insistant sur l’importance de veiller à la dignité humaine de la personne. « Sommes-nous vraiment en train d’avancer vers l’épanouissement de l’être humain? », a-t-elle lancé. Elle a déploré que plus de sept milliards de personnes dans le monde n’aient pas pu profiter de la mondialisation et a appelé à mettre en œuvre des stratégies pour assurer la mise en œuvre des objectifs de développement durable.
Le Costa Rica, a-t-elle donné en exemple, a mis sur pied un plan de lutte contre la pauvreté en fixant des objectifs pluridimensionnels. Une stratégie de réduction du fossé numérique a aussi été lancée, ainsi que d’autres initiatives à l’intention des groupes autochtones, a indiqué Mme Chacon Echeverria pour donner une idée de quelques mesures prises. « Ma patrie est aujourd’hui une terre beaucoup plus juste et digne », s’est-elle enorgueillie. Elle a affirmé que le Costa Rica est le pays à revenu intermédiaire qui investit le plus dans sa population. Investir dans la personne avec urgence et sans mesquinerie politique est, selon elle, la meilleure chose à faire pour le monde. Elle a souhaité l’avènement d’un monde où l’être humain, et non pas les luttes de pouvoir, pourrait dominer.
M. JORGE MELÉNDEZ CELIS, Ministre du développement et de l’inclusion sociale du Pérou, a rappelé ses origines rurales en Amazonie pour souligner son « parcours très atypique » dans un pays qui compte encore six millions de pauvres et bien davantage de personnes en situation de vulnérabilité. Il a néanmoins mis en avant les progrès réalisés par son pays depuis 15 ans, grâce aux effets combinés de la politique de croissance économique et de mesures sociales efficaces qui ont notamment permis de faire chuter la pauvreté de 54,8% en 2004 à 20,7% en 2016. M. Meléndez Celis n’en a pas moins présenté le Pérou comme un pays marqué par de vastes inégalités territoriales, sociales et de genre, dans laquelle la richesse reste concentrée dans une partie de la population et où les communautés autochtones restent trop souvent à l’écart du développement social. Ainsi, a-t-il indiqué, le taux de pauvreté dépasse 40% dans 1 028 des 1 874 districts du pays. Il a également rappelé la vulnérabilité du Pérou aux changements climatiques.
Le programme social péruvien est pleinement conforme au Programme de développement durable à l’horizon 2030 et le pays s’est fixé des objectifs très ambitieux, comme l’élimination totale de la pauvreté extrême –qui touche encore 1,2 million de personnes- et l’abaissement du niveau de pauvreté à 15%, a précisé le Ministre. Le Pérou cherche aussi à améliorer le développement infantile précoce, assurer à chacun l’accès à un ensemble de services sociaux de base et à améliorer le développement des communautés autochtones de l’Amazonie. Il a cité à cet égard les mesures prises pour désenclaver ces derniers, grâce à l’utilisation de plateformes administratives itinérantes. Le Gouvernement, a poursuivi le Ministre, cherche à concevoir une stratégie de protection sociale réactive pour éviter que des populations ne rechutent dans la pauvreté en cas de catastrophe. M. Meléndez Celis a toutefois reconnu que l’État ne pourrait seul relever l’ensemble des défis auxquels le pays est confronté, plaidant dès lors pour l’appui du secteur privé et celui de la communauté internationale.
M. HECTOR CARDENAS, Ministre de l’action sociale du Paraguay, a indiqué que l’indice de pauvreté de son pays était passé de 7,38% à 5,73% entre 2012 et 2016. Il a aussi fait état d’une augmentation des investissements sociaux, grâce au programme national Tekopora, citant notamment les programmes de transferts monétaires qui ont connu plus de 80% d’augmentation ces dernières années. En outre, 95% des personnes âgées souffrant de pauvreté ont accès à des programmes d’alimentation. Il a aussi parlé d’initiatives lancées pour assurer l’autosubsistance des ménages pauvres et construire des logements abordables, entre autres. Pour le Ministre, outre la poursuite des progrès en matière de lutte contre la pauvreté, le défi principal est de veiller à ce que les personnes extirpées de la pauvreté n’y sombrent pas à nouveau. Aussi le Paraguay a-t-il mis sur pied des programmes complémentaires à la réduction de la pauvreté, notamment des initiatives d’inclusion financière. Le Ministre a notamment cité un programme qui permet aux membres des communautés autochtones fluviales d’obtenir des fonds grâce à leur téléphone mobile. Une micro-assurance sociale en cas de décès a aussi été établie, a-t-il ajouté.
M. JOSÉ ANTÓNIO VIERRA DA SILVA, Ministre du travail, de la solidarité et de la sécurité sociale du Portugal, a déclaré que l’éradication de la pauvreté devait être la priorité de toute économie aspirant à être compétitive, avant d’insister sur la nécessité de remédier à la pauvreté des enfants. L’éradication de la pauvreté demande, sur le moyen et le long terme, des mesures stratégiques, intégrées et cohérentes couvrant tous les groupes de la population et prenant en compte les aspects territoriaux, a-t-il affirmé. Le Ministre a appelé à trois actions spécifiques, la première en vue de mettre en place un système éducatif robuste pour remédier à l’échec et l’abandon scolaires et concrétiser le droit à l’éducation. En second lieu, il a plaidé pour un marché du travail plus inclusif, jugeant essentiel de réduire la portion de travailleurs à revenu faible et de favoriser un retour à l’emploi des personnes au chômage. En troisième lieu, il a demandé des systèmes de protection sociale plus efficaces, au bénéfice notamment des familles avec de jeunes enfants, des personnes âgées et des groupes vulnérables.
« Il est essentiel d’assurer une répartition plus équilibrée des revenus, grâce aux impôts et à des transferts sociaux », a poursuivi le Ministre, avant de détailler la politique de son pays de réduction de la pauvreté, en particulier le revenu d’insertion sociale qui est un apport financier au bénéfice des familles et des individus vivant dans une extrême pauvreté. Il a également évoqué l’augmentation du salaire minimum comme instrument de réduction des inégalités. Enfin, le Ministre a déclaré que les programmes des Nations Unies étaient des instruments vitaux pour le développement et le suivi des politiques mises en place par les pays, avant d’apporter d’emblée le soutien de son pays aux résolutions qui seront adoptées par la Commission à l’issue de la session.
Mme GHADA WALY, Ministre de la solidarité sociale de l’Égypte, a expliqué que son pays avait mis en place à partir de 2014 un programme social prioritaire qui inclut des réformes politiques et institutionnelles, afin de mettre en place des politiques structurelles en faveur des femmes ou des jeunes. Ce sont des politiques intégrées qui traitent de la pauvreté sous un aspect multidimensionnel, a expliqué la Ministre. Elle a notamment insisté sur les efforts menés pour assurer la sécurité alimentaire, a cité un programme d’assistance financière aux familles conditionné à la scolarisation des enfants, et a parlé du renforcement de la politique de logements sociaux et des mesures prises pour remplacer les bidonvilles par des logements modernes.
Mme Waly a également cité des mesures destinées à augmenter la participation des femmes, y compris à la vie politique et parlementaire, et à lutter contre les violences sexistes. L’Égypte a été l’un des premiers pays à ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées, a en outre rappelé la Ministre, qui a toutefois reconnu que les premières mesures dans ce domaine n’avaient été prises qu’en 2017. Enfin, Mme Waly a mis l’accent sur la mise en place d’infrastructures susceptibles d’attirer les investissements internationaux dans le pays. En conclusion, elle a appelé la Commission du développement social à garantir la participation à ses travaux de la société civile, du secteur privé, des femmes et de la jeunesse.
Mme OTIKO AFISAH DJABA, Ministre de l’égalité des sexes, des enfants et de la protection sociale du Ghana, a indiqué que son pays avait réalisé des progrès notables pour réduire la pauvreté, son incidence étant passée de 18,2% en 2002-2003 à 8,4% en 2013-2014. Elle s’est toutefois inquiétée des inégalités socioéconomiques qui persistent dans son pays, précisant que 2,2 millions de personnes souffrent de la pauvreté extrême. Le Ghana a fait de la protection sociale le principal mécanisme de son programme d’élimination de la pauvreté, celui-ci étant consacré dans plusieurs articles de la Constitution du pays, a-t-elle fait savoir. Un plan national de protection sociale a été mis sur pied et une loi est actuellement à l’étude pour assurer la durabilité de son financement et de sa mise en œuvre.
Elle a aussi expliqué que son ministère, qui a été créé en 2015, est en train d’établir une base de données sur les ménages vulnérables ou vivants dans la pauvreté extrême afin de cibler les récipiendaires de l’aide sociale. Un intérêt particulier est accordé aux personnes de plus de 65 ans, aux orphelins, aux personnes handicapées et aux femmes enceintes ou allaitantes, a-t-elle indiqué, avant de mentionner un guichet établi pour renforcer le système de référence des services sociaux, doté notamment d’un centre d’appel inédit qui permet aux citoyens de faire connaître leurs griefs et de partager des informations par des SMS ou des emails.
Poursuivant, la Ministre a fait savoir que le Livelihood Empowerment Against Poverty, un programme de transfert de fonds qui avait commencé en 2008 avec 1 645 ménages, touche désormais plus de 213 000 ménages, l’objectif étant d’en atteindre 450 000 en 2018. Le programme de cantine scolaire a été augmenté de 30%, a-t-elle ajouté, une initiative qui permet également de créer des marchés et des emplois dans l’industrie agricole et hospitalière. Elle a aussi parlé d’un programme de bourses d’études, le Education Capitation Grant, dont ont bénéficié 39 614 écoliers en 2016-2017, tandis qu’une initiative lancée par le Président ghanéen a permis à 90 000 jeunes de poursuivre leurs études au lycée au lieu de devoir y renoncer en raison de la pauvreté. Elle a encore cité d’autres programmes qui visent à moderniser le secteur agricole et industriel pour assurer l’autosuffisance alimentaire tout en répondant au problème du chômage des jeunes dans le secteur agricole.
M. ALCIDES RENE OBREGON MUÑOZ, Ministre du développement social du Guatemala, a reconnu des lacunes structurelles dans les pays, comme la faible productivité, la ségrégation sociale ou encore la malnutrition qui affecte notamment les personnes âgées. Pour éliminer la pauvreté, il faudra que les gouvernements fassent preuve de détermination politique et mettent en œuvre correctement des politiques socioéconomiques appropriées, a fait remarquer le Ministre, ajoutant qu’il faudrait aussi assurer la paix et lutter contre les changements climatiques. Ce sont là des aspects à examiner en faisant le lien entre eux, et non pas séparément, a poursuivi M. Obregon Muñoz, qui a appelé une nouvelle fois à placer l’être humain au centre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
Le Ministre a appelé à œuvrer à une croissance soutenue de l’économie et à une politique d’emploi décent. Le Guatemala, qui dispose d’une stratégie en ce sens, a mis en place des réformes visant à une plus grande transparence de l’administration publique en vue de créer un État moderne qui assurera notamment la pleine participation des citoyens. Le Ministre a ensuite attiré l’attention sur la dépendance dans laquelle se trouvent les personnes âgées, en ce qu’elles ne bénéficient pas d’un système de retraite et sont victimes de violences car considérées comme un fardeau quand elles ne travaillent plus.
Réunion-débat de haut niveau sur les « Stratégies d’élimination de la pauvreté visant à parvenir à un développement durable pour tous »
Conférencier principal de cette table ronde, M. JUAN SOMAVIA, Directeur de l’Académie diplomatique chilienne, ancien Conseiller spécial du Secrétaire général pour la politique de coopération interrégionale, ancien Président de l’ECOSOC et ancien Directeur général de l’Organisation internationale du Travail (OIT), a souhaité aborder les obstacles à la réalisation des objectifs de développement durable. Alors que l’on en est seulement au début de la mise en œuvre de ces objectifs, de grandes différences apparaissent déjà entre les pays, a-t-il constaté. Il a décrit le Programme de développement durable à l’horizon 2030 comme un « tabouret à trois pieds dont l’un a quelques faiblesses ». Il a estimé que le volet environnemental ne posait guère de problème, pas plus que le volet social, mais qu’en revanche, le socle des Nations Unies dans le domaine économique restait insuffisant et manquait de profondeur. Quelles sont les notions économiques sous-jacentes au développement durable du point de vue des Nations Unies, s’est-il interrogé, avant d’estimer que le Département des affaires économiques et sociales (DAES) pourrait apporter des réponses.
M. Somavia a également estimé qu’on pourrait compter sur les doigts de la main le nombre de pays qui abordent réellement la lutte contre la pauvreté de manière multidimensionnelle, estimant en outre que, du fait de cet aspect multidimensionnel, l’importance de la pauvreté était sans doute sous-estimée. Pour M. Somavia, le DAES pourrait là encore, du fait de ses multiples divisions et leurs approches respectives, apporter des solutions. Mais il a prévenu que l’approche multidimensionnelle était très compliquée du fait des approches sectorielles qui sont le lot des administrations. Le défi est donc colossal mais c’est aussi un défi fascinant à relever, qui incombe aux Nations Unies, a-t-il estimé, car ce changement d’approche ne viendra pas à son avis des acteurs traditionnels de l’économie.
M. Somavia a aussi mis l’accent sur l’importance des régions, très différentes les unes des autres, estimant qu’il faudra travailler davantage à leur niveau. Il a ensuite qualifié « d’animal intriguant » le Forum politique de haut niveau pour le développement durable, en regrettant qu’ait été « perdu » le travail technique qu’apportait la Commission du développement durable. Quant à la Commission du développement social, il a jugé son avenir extrêmement important car elle traite de l’aspect social du développement durable. « Il faut passer du Sommet social au Programme 2030. » Pour M. Somavia, la Commission a une occasion à ne pas manquer dans la mesure où la Deuxième Commission de l’Assemblée générale a souhaité que le Secrétaire général prépare un plan d’action à l’échelle du système de Nations Unies pour éradiquer la pauvreté. Il a invité les délégués à prendre des initiatives sans attendre les instructions détaillées de leurs capitales et a mis en avant le rôle que peuvent jouer des délégués ou des commissions dont les membres prennent à cœur leurs activités. Il a conclu en estimant que traiter de l’égalité hommes-femmes était sans doute la décision la plus importante qui puisse être prise au niveau de la Commission.
Une représentante d’El Salvador a apporté son soutien à M. Somavia, saluant l’idée d’une approche régionale de la réalisation des objectifs de développement durable. Elle a aussi estimé que la Commission du développement social devrait concentrer ses efforts sur la mise en œuvre de certains instruments juridiquement contraignants et a appelé le système des Nations Unies à se préparer à des demandes de la part des pays à revenu intermédiaire.
Lui aussi attaché à une approche intégrée de la réalisation des objectifs de développement durable, le représentant de l’Union européenne a demandé comment la Commission pourrait contribuer à des politiques sociales et comment elle pourrait aider les efforts faits par les Nations Unies, les régions, les États et la société civile pour mettre progressivement en place des systèmes plancher de protection sociale.
Ces questions ont montré qu’on est en train de définir les fonctions de la Commission du développement social dans le cadre du Programme 2030, comme l’a fait remarquer M. Somavia en soulignant que la Commission est en avance sur les autres commissions dépendantes de l’ECOSOC, et en préconisant la mise en place d’un fonctionnement qui dépasse les anciens secteurs traditionnels.
En réponse à une question d’un représentant de l’Organisation internationale du Travail (OIT), il a estimé que pour certaines organisations, comme justement l’OIT, il n’était pas très difficile de s’intégrer dans le cadre des objectifs de développement durable. Mais d’autres organisations doivent faire un effort pour cesser de vouloir apporter leur contribution sous un angle sectoriel limité, voire se comporter comme si ce secteur relevait de leur seule responsabilité, a-t-il estimé, comparant avec la Commission du développement social qui a beaucoup avancé sa réflexion sur la multidimensionalité.
Un indice de pauvreté multidimensionnelle a été pris en compte au Costa Rica, a enchaîné la Vice-Présidente du Costa Rica, Mme MARIA HELENA CHACON, en présentant les différentes stratégies adoptées par son pays pour éradiquer la pauvreté et en mentionnant le pacte passé entre toutes les composantes de la société pour réaliser les objectifs de développement durable. Elle s’est félicitée des résultats de ces efforts, puisque la pauvreté générale a été ramenée en deux ans de 22,4% à 20%, et la pauvreté extrême de 7,2% à 5,7%. En réponse à des représentantes d’ONG sur ce qui était déjà fait en matière de réalisation des différents objectifs de développement durable, Mme Chacon a donné des précisions sur le processus national de mise en œuvre, en expliquant que chacun pouvait suivre son avancée. En revanche, ce qui ne va pas, c’est que tout n’avance pas au même rythme, a-t-elle expliqué, en soulignant la nécessité des données pour voir où faire porter les efforts.
En Égypte, l’accent a été mis sur l’inclusion financière, a indiqué à son tour Mme GHADA WALY, Ministre des affaires sociales de l’Égypte, après avoir présenté un diaporama des défis rencontrés ces dernières années pour mettre en œuvre les objectifs de développement durable: mauvais ciblage du système de protection sociale, chômage, fort niveau de sous-alimentation, surtout dans le nord du pays, fréquence des mariages précoces. La Ministre a expliqué que les transferts de fonds avaient pour objectif d’atteindre 100% des villages les plus pauvres et les plus reculés, en mettant au point une gigantesque base de données qui compte désormais plus de cinq millions de familles, même si toutes ne bénéficient pas de tels transferts de fonds. La ministre a, par ailleurs, insisté sur l’importance de la sécurité, de la stabilité, de la bonne gouvernance et de la coopération internationale.
À cet égard, le représentant de Cuba a demandé quelle place devrait être accordée à l’aide publique au développement dans la réalisation des objectifs de développement durable, faisant valoir que le caractère multidimensionnel de la pauvreté appelle une réaction elle aussi multidimensionnelle.
Les défis de la lutte contre la pauvreté ne pourront être relevés pleinement sans la coopération internationale, a, lui aussi, affirmé M. MARK KEMPERHOFF, Chef de l’Unité de coordination de l’Union européenne et des affaires internationales au Ministère fédéral de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse de l’Allemagne, après avoir précisé que la stratégie nationale de développement durable de son pays était entrée en vigueur il y a un an. L’Allemagne parle de « risque de pauvreté » lorsque le revenu d’une famille est en dessous de 60% du revenu médian, a-t-il expliqué. Convaincu que le moyen le plus efficace de lutter contre la pauvreté est d’avoir un emploi décent, l’Allemagne a pris des mesures comme l’introduction en 2015 d’un salaire minimum, ou encore l’adoption de mesures de compensation salariale qui permettent de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, la création de crèches supplémentaires, le versement de prestations pour les enfants qui aident leurs vieux parents, etc. Il a également cité de multiples mesures visant à renforcer l’égalité hommes-femmes.
Autre catégorie de personnes sur lesquelles doivent porter les efforts, les sans-logis. M. MARK MCGREEVY, responsable de DePaul International, qui coordonne des activités caritatives dans plusieurs pays du monde, a mis l’accent sur ces personnes, en particulier ceux qui vivent dans les grandes villes. Les sans-abris augmentent dans le monde pour de multiples raisons et ils concernent tous les groupes -hommes, femmes, familles, enfants, personnes handicapées personnes LGBTI- et ce, dans les pays pauvres comme dans les pays riches, a-t-il constaté. Or, a-t-il averti, on manque de données sur ces personnes, dont le nombre est d’ailleurs inconnu, même si on l’a estimé au début du millénaire à quelque 100 millions de personnes, chiffre qui pourrait en réalité être « beaucoup plus élevé ». M. McGreevy a estimé que pouvait réduire considérablement le nombre des sans-abris, citant en exemple des programmes suivis au Canada, en Finlande ou au Royaume-Uni, mais aussi au Chili ou au Viet Nam.
Le représentant du Brésil a estimé que la question des sans-abris pourrait faire l’objet d’un thème de discussions à part entière lors d’une prochaine session de la Commission. Avant cela, M. McGreevy s’est demandé si on pourrait mettre en place des indicateurs concernant spécifiquement la question des sans-abris dans le cadre de l’éradication de la pauvreté.
À cet égard, Mme Chacon a mis l’accent sur l’importance des données, sans lesquelles les politiques sont aveugles. Mme Waly a elle aussi insisté sur l’importance des données, moins pour les sans-abris, « qui n’existent pas en Égypte », que pour les enfants des rues, qui sont eux, très nombreux, tout en expliquant les difficultés à cartographier ces enfants des rues. M. McGreevy a déclaré que les données existaient, mais qu’il n’était pas actuellement possible de les relier. Les représentants de plusieurs ONG ont demandé comment on pouvait encore disserter sur la collecte de données et comment on pouvait continuer à mettre en place des politiques alors que les données restent insuffisantes pour leur servir de fondement. Une explication donnée par Mme Waly a fait remarquer que le coût de la collecte de données la rendait difficile dans certains pays.
Le débat est revenu sur la question de l’emploi décent avec une remarque d’une représentante du Ministère des affaires sociales de la Hongrie. Elle a fait référence à toute une génération d’enfants qui n’avaient jamais vu leurs parents travailler, avant de mettre en avant la forte baisse des foyers sans emploi dans son pays. Le problème de la pauvreté est souvent moins un problème d’individus, que de famille, a-t-elle fait observer. Rien ne vaut un emploi décent pour lutter contre la pauvreté et sa transmission intergénérationnelle, a renchérit un représentant du Ministère du développement social du Mexique.
Une représentante, membre du Conseil national de la personne adulte âgée du Costa Rica, a ensuite invité à lutter contre les préjugés et à éduquer la population face aux personnes âgées atteintes de maladies comme l’Alzheimer. La Vice-Présidente du Costa Rica a saisi cette occasion pour souligner que la grande majorité des personnes soignantes qui s’occupent des personnes âgées sont des femmes.
Parmi les autres préoccupations exprimées, le représentant de la Namibie a mis l’accent sur les difficultés à identifier les activités du secteur informel, par exemple le petit commerce itinérant, et à faire en sorte que les travailleurs de ce secteur puissent bénéficier de protection sociale.
La représentante du Maroc s’est dite en accord avec M. Somavia sur la nécessité de faire participer les personnes pour les sortir de la pauvreté et a rappelé que c’était ce qu’avait fait le Maroc depuis 2005, au profit de plus de 10 millions d’habitants. Dans la même veine, la représentante de l’Afrique du Sud a expliqué que son plan national de lutte contre la pauvreté avait été adopté avec la participation active de la population et a mis en avant les dispositions sociales de la Constitution sud-africaine.
Un représentant de la société civile a d’ailleurs estimé que les droits économiques et sociaux devraient être inscrits dans la Constitution pour en assurer la pérennisation, comme c’est le cas par exemple au Kenya. Il a aussi observé qu’en Afrique, beaucoup de gouvernements perçoivent la protection sociale comme relevant de l’œuvre caritative, ou encore comme une récompense pour les affiliés, avant de demander comment on pourrait lutter contre une telle perception. M. Somavia a répondu qu’historiquement, les premières œuvres sociales relevaient de la charité et que ce n’est que progressivement qu’était venue -notamment dans l’Allemagne du XIXe siècle- l’idée d’une politique sociale utile à la société, approche qui s’est considérablement développée au XXe siècle avec le militantisme social.
La table ronde s’est conclue sur une attention particulière pour les migrants. Une représentante de la société civile a en effet estimé que le pacte international sur les migrations pourrait avoir une forte influence sur l’élimination de la pauvreté. « Qu’est-il possible de faire pour assurer la protection sociale des migrants les plus vulnérables dans le cadre du futur pacte? »