Conférence sur la biodiversité marine: discussions sur l’opportunité ou pas de commencer les négociations sur un avant-projet de traité
Avant de se réunir une dernière fois lundi 17 septembre, la « Conférence intergouvernementale sur un instrument international portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale » a fait le point de cette première session. Pour certaines délégations, les « éléments de convergence » sont assez nombreux pour commencer à travailler sur un avant-projet de traité, dès la prochaine rencontre prévue du 25 mars au 5 avril 2019.
La Conférence, qui a ouvert ses portes le 4 septembre, s’est articulée autour de quatre groupes de travail. Les Palaos, qui ont rendu compte des débats du Groupe de travail sur le « renforcement des capacités et le transfert de techniques marines », ont indiqué que différentes approches ont été proposées et qu’un accent particulier a été placé sur les besoins des petits États insulaires en développement et des pays les moins avancés (PMA).
S’agissant des « outils de gestion par zone, y compris les aires marines protégées », la Nouvelle-Zélande a relevé « une convergence générale de vues », ajoutant que plusieurs délégations ont jugé utile de définir ces outils très précisément et de fixer des normes et des critères pour identifier les aires à protéger, en tenant compte des savoirs traditionnels.
Les Pays-Bas, qui ont parlé des « études d’impact sur l’environnement », ont aussi relevé « une convergence générale de vues » sur la nécessité de rendre ces études obligatoires, tout en veillant à une harmonisation avec les autres instruments et cadres juridiques existants. Ici aussi, l’importance de la coopération internationale et la situation particulière des petits États insulaires en développement ont été reconnues.
Enfin le Belize, qui a facilité les travaux du Groupe de travail sur les « ressources génétiques marines, y compris les questions liées au partage des avantages », a noté des avis divergents lorsqu’il s’est agi de la notion de « bien public mondial », de la libre exploitation dans la haute mer ou encore de la valeur monétaire et non monétaire des ressources génétiques. Mais « une certaine convergence de vues » est apparue autour de l’idée que le futur instrument s’applique à la Zone et à la haute mer, en ménageant aux États adjacents un droit de regard.
Les nombreux « éléments de convergence » ont fait dire à plusieurs délégations dont celles du Groupe des 77, du Groupe des États d’Afrique et de l’Union européenne, qu’il est temps de passer à un texte de négociations voire à un avant-projet de traité. Malheureusement, a relevé la Fédération de Russie, la notion de « points de convergence » est trop souvent interprétée comme l’avis de la majorité. Évitons donc, a-t-elle conseillé, un avant-projet aux « décisions toute faites » au risque de voir certains quitter la table des négociations.
Si document il y a, il doit refléter toutes les approches et nourrir les échanges de vues, a souligné la Fédération de Russie, appuyée, entre autres, par les États-Unis qui ont insisté sur un avant-projet reflétant « toute la diversité » des points de vue. Mais pour Moscou, il est trop tôt pour parler d’« avant-projet ».
La Chine a donc proposé de diviser le travail en trois étapes: dans un premier temps, la Présidente soumettrait un document « très officieux » reflétant les différents points de vue et différentes options sur et pour le futur traité. Les États pourraient compléter ce document officieux et proposer des « éléments du traité ». Ce n’est qu’après qu’un avant-projet pourrait être rédigé.
La Présidente de la Conférence, Mme Rena Lee, a promis un document qui ne sera pas un texte « à prendre ou à laisser » mais qui proposera des « options ». Elle a dit réfléchir à la structure d’un document qu’elle veut « le plus équilibré possible », répondant aux vœux de l’Indonésie, entre autres. S’il n’y a pas d’équilibre sur certains points, a prévenu la Présidente, cela voudra tout simplement dire qu’il faut encore en discuter. Mon texte, a-t-elle ajouté, ne sera pas ni un « projet zéro » ni une « esquisse » mais plutôt un « non-document ». La Présidente a espéré pouvoir le soumettre avant le 25 février 2019.
Si elle obtient l’approbation de l’Assemblée générale, la Conférence tiendra en effet sa prochaine session du 25 mars au 5 avril 2019 puis une autre du 19 au 30 août 2019. Elle devrait fermer les portes de cette première session lundi 17 septembre, après une réunion prévue à partir de 10 heures.
La Conférence est chargée d’examiner les recommandations du Comité préparatoire établi par la résolution 69/292 adoptée par l’Assemblée générale, le 19 juin 2015, sur les éléments de texte d’un futur instrument juridiquement contraignant se rapportant à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale. Espérons qu’il sera possible de terminer le travail d’ici à 2020, a prié le Costa Rica.
CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE SUR UN INSTRUMENT INTERNATIONAL JURIDIQUEMENT CONTRAIGNANT SE RAPPORTANT À LA CONVENTION DES NATIONS UNIES SUR LE DROIT DE LA MER ET PORTANT SUR LA CONSERVATION ET L’UTILISATION DURABLE DE LA BIODIVERSITÉ MARINE DES ZONES NE RELEVANT PAS DE LA JURIDICTION NATIONALE
Commentaires sur les travaux menés jusqu’ici
Au nom du Groupe des 77 et de la Chine, l’Égypte a estimé que les délibérations des quatre Groupes de travail officieux témoignent du sérieux des États Membres. Nous pouvons désormais nous lancer dans des discussions de fond, a-t-elle dit,en affirmant son attachement au consensus.
Au nom du Groupe des États d’Afrique, l’Algérie a estimé que les délégations ont avancé « lentement mais surement ». L’heure est venue, a-t-elle dit, de lancer les négociations sur la base d’un texte. Elle a donc appelé la Présidente de la Conférence à soumettre à la prochaine session un texte de négociations et a insisté sur le fait que les propos tenus au cours de cette session ne font en aucun cas l’objet d’un consensus. La deuxième session se présente bien, a tout de même affirmé l’Algérie, avant de paraphraser le Commandant Cousteau: « la mer est le seul espoir de l’humanité ».
L’Union européenne a également souhaité faire avancer les négociations, notant les « points de convergence » identifiés au cours de cette session. Le moment est venu de passer à des débats de fond sur un texte de négociations qui déboucherait sur un accord consensuel. L’Union européenne a reconnu qu’il faut encore s’entendre sur quelques clauses techniques et dispositifs de procédure.
À leur tour, les Maldives ont appelé à avancer dans l’élaboration, le plus rapidement possible, d’un avant-projet reprenant les différents points de vue.
Le Samoa a rappelé le document final de la troisième Conférence sur les petits États insulaires en développement dans lequel le concept d’« économie bleue » a émergé comme un instrument du développement durable. Il est revenu sur les négociations relatives au futur traité pour estimer qu’il faut fixer des seuils pour déterminer le lancement ou pas d’une étude d’impact sur l’environnement laquelle serait alors fondée sur le principe de précaution. L’étude pourrait aussi faire l’objet de l’examen des États adjacents par respect du principe de contiguïté. Le Samoa a aussi souhaité que l’on définisse, tout en veillant à une certaine harmonie avec les textes existants comme la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, la notion d’accès et de partage des avantages découlant des ressources génétiques marines. Une distinction claire doit être établie entre la prospection biologique et la recherche scientifique pure.
Comment définir le savoir traditionnel? Comment concrétiser le concept de consentement préalable? Qu’entend-on par avantages monétaires et non monétaires? Comment procéder au transfert de la technologie marine? Qu’en est-il des droits de propriété intellectuelle? Le futur traité doit répondre clairement à ces questions, a insisté le Samoa qui a aussi insisté pour que l’on tienne dûment compte de la situation particulière des petits États insulaires en développement (PEID). Le futur traité doit mettre tout son poids derrière la création d’un centre d’échange qui faciliterait l’accès aux informations et promouvrait la collaboration technique et scientifique. Le Samoa a en effet dit tenir tout particulièrement au renforcement des capacités.
Avançons dans les négociations, a encouragé Nauru, avant que le Bélize, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) n’estime, à son tour, qu’il est temps de lancer des négociations formelles. Espérons qu’il sera possible de terminer le travail d’ici à 2020, a dit le Costa Rica, au nom d’un groupe d’États d’Amérique latine. Voyant là un délai « raisonnable », il a jugé que les groupes de travail devraient, dès la prochaine session, se transformer en groupes de négociations qui tiendraient leurs travaux les uns après les autres pour que toutes les délégations puissent y participer. Il est temps, en effet, de s’acheminer vers un texte de fond, a ajouté Monaco qui a attiré l’attention sur le train de mesures agréées en en 2011. Il faut un avant-projet ambitieux pour mettre le processus sur les rails, a renchéri le Maroc. Malheureusement, a relevé la Fédération de Russie, la notion de « points de convergence » est trop souvent interprétée comme l’avis de la majorité. Nous sommes en présence, a-t-elle rappelé, d’une divergence d’opinions ou de positions très fortes. Évitons donc, a-t-elle conseillé, un avant-projet aux « décisions toute faites » au risque de voir certains quitter la table des négociations. Si document il y a, il doit refléter toutes les approches et nourrir les échanges de vues. À ce stade, a estimé la Fédération de Russie, il est de toute évidence prématuré de parler d’« avant-projet ». Parlons plutôt, a-t-elle proposé, de « texte de la présidence ».
Les océans et la mer ne peuvent pas attendre, il nous faut un avant-projet, ont contré les Philippines. La Suisse a dit avoir assisté à « une bonne navigation » ces deux dernières semaines, et s’est dite prête « à monter sur le bateau » pour préparer l’avant-projet. Nous avons l’obligation de faire le maximum, a-t-elle asséné. Il semble que nous avons créé les conditions du succès, se sont félicités, à leur tour, les États-Unis qui ont tout de même insisté pour que l’avant-projet détaille toute la diversité des points de vue. Avant-projet ou pas, le Venezuela qui n’est pas partie à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, s’est déclaré d’emblée « non concerné » par le futur traité, tout en réclamant qu’il tienne compte des intérêts des États non parties, pour pouvoir progresser et parvenir à un document « consensuel et universel ». Quelle est notre niveau d’ambition? ont demandé les États fédérés de Micronésie. Cela dépendra de la qualité de l’avant-projet, ont-il répondu. Que tous les points de vue soient pris en compte et que personne ne soit exclu, a conseillé la Colombie, au nom d’un groupe d’États. « L’énumération des points de divergence est le meilleur moyen d’arriver à la convergence », a révélé la Colombie qui n’a pas manqué de souligner son statut d’État non partie à la Convention sur le droit de la mer. Un avant-projet ne peut que nous aider à améliorer la qualité de nos discussions futures, a argué, à son tour, le Togo.
Divisons le travail en trois étapes, a proposé la Chine: dans un premier temps, la Présidente soumettrait un document « très officieux » reflétant les différents points de vue et différentes options sur et pour le futur traité. Les États pourraient compléter ce document officieux et proposer des « éléments de texte ». Ce n’est qu’après qu’un avant-projet pourrait être rédigé. La présentation d’un document autre qu’un avant-projet ne ferait que compliquer la tâche, a dit craindre la République islamique d’Iran. Un avant-projet facilite les échanges sur les questions de fond et permet de dégager des éléments acceptables pour tous. Nous sommes assez souples, a concédé le Canada, en insistant tout de même sur l’énumération des points de convergence et de divergence pour « encourager les compromis ». Il nous faut un texte et au moins, une première mouture, a jugé l’Islande, avant que la Norvège ne souligne son attachement à la structure des documents précédents. Si la Présidente est amenée à nous présenter un texte, qu’elle n’oublie pas de veiller à son équilibre, a mis en garde l’Indonésie. Elle pourra compter sur le plein appui de ma délégation, a promis le Japon. Un avant-projet du texte nous permettra de travailler de la manière la plus souple possible, a tranché l’Inde.
L’avis de l’Inde a été partagé par l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN). Il y aurait d’ailleurs plusieurs façons de présenter un tel texte, a concédé « High Seas Alliance », choisissant de faire confiance à la présidence et insistant pour que ledit texte soit distribué « bien avant » la prochaine session. Le Conseil international du droit de l’environnement (CIDE) a promis son expertise et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), toutes les informations en sa possession.
La Présidente a en effet indiqué son intention de rédiger un document qui ne sera pas un texte « à prendre ou à laisser » mais qui proposera des « options ». Elle a dit réfléchir à la structure d’un document qu’elle veut « le plus équilibré possible », et s’il n’y a pas d’équilibre sur certains points, cela voudra tout simplement dire qu’il faut encore en discuter. Mon texte, a-t-elle ajouté, ne sera pas ni un « projet zéro » ni une « esquisse » mais plutôt un « non-document ». La Présidente a espéré pouvoir le soumettre avant le 25 février 2019. Quant au format de la deuxième session, elle a promis d’y réfléchir au sein du Bureau, pronostiquant déjà qu’il faudra réserver du temps pour les questions transversales qui n’ont pas été examinées au cours de cette session mais qu’il ne saurait être question de se livrer à un exercice de rédaction avec des débats sur l’emplacement des virgules ou la taille des paragraphes.
La séance s’est terminée par une intervention de la représentante du secrétariat qui a indiqué que le Fonds de contributions volontaires a permis la participation de 22 délégués des pays en développement. Pour en assurer le bon fonctionnement, il faut éviter d’annuler sa participation après l’achat du billet d’avion, a-t-elle dit. La participation la plus large possible est « essentielle » pour garantir le succès de la Conférence, a commenté la Présidente.