Conseil de sécurité: l’approche tout sécuritaire ne suffira pas à stabiliser le Sahel, estime le Conseiller spécial du Secrétaire général
L’approche tout sécuritaire à elle seule ne suffira pas à stabiliser le Sahel. Il faut concomitamment un vaste programme de développement qui permettra de transformer positivement les économies, améliorer les conditions de vie des populations et rendre l’espoir aux jeunes. C’est l’analyse qu’a faite cet après-midi, devant le Conseil de sécurité, le Conseiller spécial du Secrétaire général pour le Sahel, M. Ibrahim Thiaw.
Les défis auxquels fait face cette région, l’une des plus pauvres du monde, dont l’extrême pauvreté, les crises alimentaires, la croissance démographique rapide, la gouvernance fragile, la vulnérabilité aux activités de groupes et organisations terroristes criminelles exigent que les solutions envisagées soient portées par les acteurs locaux, régionaux, appuyés si nécessaire, par les partenaires extérieurs.
Il faut dans ce contexte changer la perception que l’on a de cette région, car elle a des atouts et du potentiel économiques, notamment en ce qui concerne les énergies renouvelables, comme le solaire ou l’éolien. Le Conseiller spécial a alors indiqué qu’un guichet avait été ouvert au Fonds fiduciaire sur les objectifs de développement durable pour réduire la fragmentation et rendre plus efficace les interventions de l’ONU au Sahel, a-t-il dit.
Il n’y aura cependant pas de développement sans paix, a renchéri le Vice-Président de la Banque mondiale pour la région Afrique, après avoir présenté les activités menées par la Banque mondiale dans le Sahel. Neuf millions de dollars ont ainsi été engagés pour des projets comme la pose de panneaux solaires au Mali, a-t-il indiqué.
À ces investissements, il faut rajouter les 9 milliards d’euros, qui seront mis en œuvre sur la période 2019-2023 par les 12 membres de l’Alliance pour le Sahel, dans la droite ligne des priorités du Secrétaire général de l’ONU et de la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel, a indiqué le Directeur général de l’Agence française de développement
Toutes les actions de la communauté internationale doivent en effet recouvrir une approche plus « cohérente, plus coordonnée et plus tournée vers l’action », a plaidé le Président de la Commission de consolidation de la paix.
Pour les délégations, il ne fait en effet aucun doute que l’engagement collectif en faveur de la stabilisation du Sahel doit nécessairement s’articuler autour d’une action combinée sur les piliers politique, sécuritaire et du développement, conformément à la stratégie intégrée et à son Plan de soutien.
Le pilier politique implique la pleine mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali qui devient de plus en plus urgente. Le pilier sécuritaire, c’est la lutte sans merci contre les groupes terroristes et le pilier du développement, c’est la création de perspectives durables pour les populations du Sahel et notamment pour sa jeunesse, a détaillé la France. Ces trois dimensions ne peuvent être dissociées, si l’objectif est de parvenir à consolider et à maintenir la paix dans le Sahel, a estimé le représentant de la Guinée équatoriale.
L’autorité de l’État doit être restaurée au nord du Mali, dans la mesure où l’absence de structures publiques viables constitue un obstacle majeur à la stabilité et au développement de la région, a analysé l’Éthiopie, ajoutant, comme la Chine, qu’il lui semble essentiel que la Force conjointe du G5 Sahel soit opérationnalisée au plus vite.
Les États-Unis, qui se sont présentés comme grand soutien des pays de la région, ont soutenu cette approche, défendant l’idée que les réponses sécuritaires ne résoudront pas à elles seules le problème sans progrès dans la résolution des problèmes politiques, environnementaux, de développement et humanitaires.
Ce n’est que par la promotion de la bonne gouvernance, la lutte contre les causes profondes de l’instabilité, la création d’opportunités économiques, le respect des droits de l’homme et le renforcement de la sécurité que les États de la région pourront progresser durablement, a dit le représentant.
Dans ce contexte, la mise en œuvre de façon holistique de la stratégie intégrée est une priorité, y compris en matière de lutte contre le terrorisme, selon le Koweït, qui a financé des projets dans le Sahel à hauteur de 430 millions de dollars. Il faut des « solutions régionales à des questions régionales », a dit la Chine, appuyée par la Fédération de Russie qui a voulu que l’on évite les « recettes toutes prêtes », incompatibles avec les intérêts et critères des pays africains.
PAIX ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE
STRATÉGIE INTÉGRÉE DES NATIONS UNIES POUR LE SAHEL ET RÉPONSE INTÉGRÉE À LA CONSOLIDATION DE LA PAIX ET À LA PÉRENNISATION DE LA PAIX AU SAHEL
Déclarations
M. IBRAHIM THIAW, Conseiller spécial du Secrétaire général pour le Sahel, a déclaré qu’en raison de la position géographique du Sahel et de la géopolitique, la paix, la stabilité et le développement dans cette région ont une incidence directe, non seulement sur les voisins africains, mais aussi sur l’Europe et le reste du monde. Or cette région est l’une des plus pauvres du monde. Elle doit affronter simultanément, l’extrême pauvreté, les effets des changements climatiques, les fréquentes crises alimentaires, la croissance démographique rapide, la gouvernance fragile ou encore les menaces liées aux activités de groupes terroristes et autres organisations criminelles, dont le trafic de drogues, d’armes et même d’êtres humains.
Mais si la situation humanitaire a connu une légère amélioration en 2018, grâce à une relative bonne saison des pluies, les besoins restent élevés. Plus de huit millions de personnes pourraient être en situation d’insécurité alimentaire. Cette année, environ 10 millions de personnes, dont 5,8 millions au Burkina Faso, au Mali, en Mauritanie, au Niger, au Sénégal et au Tchad ont été en insécurité alimentaire, en raison d’une sècheresse aiguë en 2017. La malnutrition sévère et aiguë a atteint des niveaux inégalés dans ces pays et risque de perdurer, a-t-il prévenu.
M. Thiaw a ensuite rappelé que le Conseil de sécurité avait approuvé en 2013, la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel, un document qui s’inscrit dans une approche préventive, intégrée et concertée visant au renforcement de la gouvernance, de la sécurité et du développement dans cette région. En 2018, le Secrétaire général a donné un élan nouveau à cette stratégie en adoptant le Plan de soutien au Sahel, un document préparé de manière inclusive sous la direction de la Vice-Secrétaire générale en se fondant sur le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
« Or nous nous trouvons aujourd’hui à une conjoncture critique pour la stabilité de l’ensemble de cette région », a-t-il dit, avant de présenter les observations auxquelles il est parvenu, après ses consultations. Pour le Conseiller spécial du Secrétaire général, assurer une paix et une stabilité durables au Sahel implique de s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité. « L’approche tout sécuritaire à elle seule ne suffit pas à stabiliser le Sahel ». Il faut concomitamment lancer un vaste programme de développement qui permettra de transformer positivement les économies, améliorer le cadre de vie des populations et rendre l’espoir aux jeunes, a-t-il dit.
Il a également estimé que les solutions aux défis du Sahel doivent être portées par les acteurs locaux, nationaux et régionaux, appuyés lorsque nécessaire, par les partenaires extérieurs. Enfin, il faut changer la perception que l’on a de cette région en mettant en exergue ses nombreux atouts et son potentiel. Le Sahel est idéalement placé pour booster son économie grâce aux énergies renouvelables, comme le solaire ou l’éolien, a-t-il dit, ajoutant toutefois que tous ces objectifs ne pourront être atteints, sans une bonne gouvernance, la mobilisation des ressources et la capacité d’absorption des acteurs.
Pour toutes ces raisons, il a été mis en place un guichet Sahel au sein du Fonds fiduciaire sur les objectifs de développement durable. Ce mécanisme vise à réduire la fragmentation et rendre plus efficace, les interventions de l’ONU au Sahel. Un tel mécanisme souple et transparent permettra de répondre plus vite et mieux aux besoins, souvent imprévisibles à long terme, qui se dressent au Sahel, a-t-il conclu.
En sa qualité de Président de la Commission de consolidation de la paix (CCP), M. ION JINGA, de la Roumanie, a rappelé que le Conseil de sécurité avait consacré, dans une Déclaration présidentielle du 20 janvier 2017, le rôle de la Commission dans la mobilisation de l’appui international en faveur de la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel. Depuis lors, la Commission a organisé une série de rencontres sur la situation au Sahel, a-t-il ajouté, avec la participation des pays de la région, du G5 Sahel, de l’Union africaine (UA), de l’Union européenne (UE), du système onusien et d’autres acteurs nationaux et internationaux. Ces rencontres avaient principalement pour but de renforcer les partenariats existants et de garantir la cohérence des initiatives des Nations Unies et de la communauté internationale dans la région, a précisé M. Jinga, avant de rappeler que, le 30 janvier 2018, le Conseil avait réitéré, dans une seconde Déclaration présidentielle, l’importance du rôle de la Commission en matière de consolidation de la paix au Sahel.
Pour s’acquitter de cette fonction, le Président de la Commission a souligné qu’il avait participé, en mars 2018, à la sixième réunion de la Plateforme ministérielle de coordination pour le Sahel, en présence d’un aréopage de hauts responsables onusiens. Du 15 au 19 octobre, M. Jinga a également participé à une visite régionale en Afrique de l’Ouest et au Sahel, aux côtés du Représentant spécial et Chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest (UNOWA), M. Mohammed Ibn Chambas, et du Sous-Secrétaire général à l’appui à la consolidation de la paix, M. Oscar Fernandez-Taranco. Ainsi constitué, le trio a eu l’occasion de s’entretenir avec le Président du Burkina Faso, M. Roch Marc Christian Kabore, ainsi que plusieurs membres de son gouvernement à Ouagadougou. Les trois hommes ont également échangé leurs points de vue sur la région avec le corps diplomatique, des représentants de la société civile et l’équipe de pays des Nations Unies.
Lors de cette visite régionale, MM. Jinga, Ibn Chambas et Fernandez-Taranco ont procédé à des rencontres similaires au Sénégal, au Tchad et en Côte d’Ivoire, dans l’idée, chaque fois, de renforcer la coordination et la cohérence de l’appui aux pays sahéliens.
Dans l’ensemble, M. Jinga a estimé que sa visite au Sahel lui avait permis de mieux prendre conscience de l’ampleur du rôle que la Commission de consolidation de la paix pouvait continuer à jouer dans la région. À cette fin, le 12 novembre dernier, la Commission a organisé sa réunion annuelle sur la situation au Sahel. Selon M. Jinga, cet évènement a été l’occasion « unique » de discuter des défis politiques, sécuritaires, sociaux, économiques et environnementaux auxquels font face les pays du Sahel. Le lendemain, le 13 novembre, la Commission et le Conseil économique et social (ECOSOC) ont consacré leur réunion annuelle conjointe aux liens entre les changements climatiques, la consolidation de la paix et la paix durable au Sahel. À ses yeux, ces deux réunions ont souligné combien il était important que la Commission continue de sensibiliser l’opinion publique mondiale en faveur d’une approche plus « cohérente, plus coordonnée et plus tournée vers l’action » de la consolidation de la paix au Sahel.
Par visioconférence depuis Washington, M. HAFEZ GHANEM, Vice-Président de la Banque mondiale pour la Région Afrique, a fait le point sur les activités de la Banque mondiale dans le Sahel, région marquée par la pauvreté et la fragilité des États. Pas de développement sans paix et pas de paix sans développement, a-t-il dit, soulignant la nécessité de remédier aux causes profondes de la vulnérabilité grandissante au Sahel. Neuf millions de dollars ont ainsi été engagés par la Banque à cette fin. Parmi les maux, M. Ghanem a cité un chômage endémique ou bien encore le manque de services de base. Il a ensuite mentionné quelques-uns des projets appuyés par la Banque mondiale, comme la pose de panneaux solaires dans une ville au centre du Mali. Il a évoqué le lancement récent de l’Alliance pour le Sahel et son partenariat avec la Banque mondiale. M. Ghanem a indiqué que cette dernière a débloqué la somme de 1,2 milliard de dollars.
M. RÉMY RIOUX, Directeur général de l’Agence française de développement, a commencé par indiquer que l’Alliance pour le Sahel a été lancée conjointement le 13 juillet 2017 à Paris par la Chancelière d’Allemagne, le Président de la République française et la Haute Représentante de l’Union européenne. « Cette initiative a immédiatement reçu le soutien très fort de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement et du PNUD. En 2018, l’Alliance s’est élargie à l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, le Luxembourg, le Danemark et les Pays-Bas. Des membres observateurs nous ont également rejoints », s’est-il félicité. Cette Alliance, a-t-il dit, a pour ambition de contribuer au développement et à la réduction des fragilités économiques, sociales, environnementales et institutionnelles du Sahel, car la bataille contre l’extrémisme violent ne peut être gagnée « si celle du développement n’est pas conduite simultanément avec la même vigueur ».
Pleinement alignée sur les priorités du Secrétaire général de l’ONU, la prévention des conflits et le renforcement de la résilience des sociétés les plus fragiles, l’Alliance s’inscrit dans le cadre fixé par la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel, a observé M. Rioux. Pour lutter contre les causes, profondes ou immédiates, de la crise, l’Alliance priorise dans toutes ses actions l’inclusion économique, sociale, politique, culturelle et le respect des droits, et ce, afin de renforcer le lien social distendu par la méfiance et l’exclusion. Elle recherche l’inclusion des jeunes, des femmes, des populations marginalisées et la mise en place d’une approche participative à tous les niveaux. L’Alliance Sahel coordonne les efforts de ses 12 membres pour accélérer la mise en œuvre des projets de développement dans les pays du Sahel regroupés au sein du G5 Sahel, avec pour axes prioritaires: l’éducation et l’employabilité des jeunes; l’agriculture et la sécurité alimentaire; l’énergie et les changements climatiques; les infrastructures locales et la décentralisation; la gouvernance; et enfin la sécurité intérieure.
Ce portefeuille, a poursuivi M. Rioux, représente à l’heure actuelle plus de 9 milliards d’euros, qui seront mis en œuvre sur la période 2019-2023 à travers plus de 600 projets, certains récemment lancés (pour 4 millions) et de très nombreux nouveaux projets identifiés (pour 5 millions). Et en 2018, c’est 1 milliard d’euros qui ont été décaissés dans la zone. Pour rendre l’aide au Sahel plus performante et en adéquation avec les approches prônées par la Déclaration de Paris de 2005, les membres de l’Alliance pour le Sahel mutualisent leurs moyens et leurs modes de faire, a expliqué le haut fonctionnaire. Les pays du G5 Sahel et l’Alliance travaillent notamment sur des facilités dédiées aux zones de crise; l’allocation de concours budgétaires; des procédures de crise; des approches multisectorielles dans les bassins de crises; le renforcement des acteurs locaux et le recours aux meilleurs opérateurs de terrain.
À la demande du G5 Sahel, l’accent a été placé ces derniers mois sur des projets dans les zones les plus fragiles, notamment à impact rapide dans les régions fragiles frontalières, a expliqué le Directeur général. Ces projets prioritaires répondent aux trois critères suivants: localisation dans les zones sensibles transfrontalières, identifiées par le G5; répondant à des thématiques sectorielles précises (eau, résilience des populations impactées par la crise, rétablissement de la cohésion sociale); avec des réalisations effectives dès la fin de cette année 2018. Pour conclure, a-t-il dit, l’Alliance apporte une réponse puissante, opérationnelle et intégrée, en jouant des synergies entre chacun de ses membres, dans le cadre d’un partenariat très étroit avec le Secrétariat permanent du G5 Sahel.
Mme ANNE GUEGUEN (France) s’est dite convaincue que l’engagement collectif en faveur de la stabilisation du Sahel doit nécessairement s’articuler autour d’une action combinée sur les piliers politique, sécuritaire et du développement. Le pilier politique, a-t-elle expliqué, c’est la pleine mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali qui devient de plus en plus urgente. La communauté internationale doit utiliser l’ensemble de ses leviers, notamment d’ici l’échéance de mars fixée par la résolution 2432. Le pilier sécuritaire, a-t-elle poursuivi, c’est la lutte sans merci contre les groupes terroristes. Il importe de continuer à approfondir le partenariat entre les armées nationales, la Mission des Nations Unies au Mali, la force conjointe du G5 Sahel, Barkhane et les missions européennes. Il faut aussi renforcer le soutien multilatéral à la force conjointe.
Le pilier du développement, a conclu la représentante, c’est la création de perspectives durables pour les populations du Sahel et notamment pour sa jeunesse. Il est important que chacun inscrive son action dans le cadre de la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel comme le fait l’Alliance pour le Sahel, un espace de coordination des grands bailleurs de fonds. Mais l’effort ne peut se faire qu’en étroite coordination avec les pays du Sahel car une stratégie de développement pensée uniquement dans les capitales du Nord ne pourrait réussir. L’Alliance Sahel a donc annoncé un financement d’1,3 milliard d’euros du Programme d’investissements prioritaires du G5 Sahel dont 266 millions concernent des projets à démarrage rapide. Sur chacun de ces trois piliers, les Nations Unies ont un rôle central à jouer pour garantir la cohérence et l’efficacité de la mobilisation de chacun, a souligné la représentante.
M. RODNEY M. HUNTER (États-Unis) a dit partager l’évaluation du Conseiller spécial s’agissant des défis et des potentiels importants de la région du Sahel. Face à tous ces défis, les États-Unis, a-t-il dit, poursuivent leurs partenariats multisectoriels avec les gouvernements et les sociétés des pays du G5 Sahel, afin de renforcer la stabilité et la sécurité par le biais de l’aide humanitaire et aux secteurs de la santé, de l’agriculture, de la gouvernance et du développement. Au cours de l’exercice 2017, les États-Unis ont fourni plus de 460 millions de dollars d’aide au développement et d’aide humanitaire, et tout ce soutien vise à compléter la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel.
Le représentant a ensuite déclaré que les efforts des Nations Unies pour attirer et aligner l’appui international aux défis prioritaires du Sahel sont cruciaux. Mais il faudrait, en particulier continuer de soutenir les priorités et les activités gérées par l’Afrique. Pour cette raison, les États-Unis se félicitent du succès de la Conférence de coordination des donateurs et des partenaires du G5 pour le Sahel qui s’est tenue à Nouakchott le 6 décembre dernier et qui a mis l’accent sur chacun des quatre piliers du G5 Sahel, à savoir la sécurité, la gouvernance, la résilience et les infrastructures.
Les États-Unis s’emploient activement à résoudre les problèmes au Sahel, a poursuivi le représentant, assurant que l’Agence pour le développement international (USAID) s’emploie à renforcer les liens entre les programmes qu’elle finance en matière de sécurité alimentaire, de santé, de microentreprises et de développement communautaire. Par ailleurs, en matière de sécurité, les États-Unis appuient fermement la Force conjointe du G5 Sahel et ses efforts pour établir une sécurité durable. Ils continueront de travailler en étroite collaboration avec tous les partenaires pour coordonner leur contribution en équipements, formation et conseils techniques indispensables aux États membres du G5 Sahel afin de combler les lacunes en matière de capacités, a-t-il assuré.
Cependant, les États-Unis estiment que les réponses sécuritaires ne résoudront pas à elles seules le problème sans progrès dans la résolution des problèmes politiques, environnementaux, de développement et humanitaires. Ce n’est que par la promotion de la bonne gouvernance, la lutte contre les causes profondes de l’instabilité, la création d’opportunités économiques, le respect des droits de l’homme et le renforcement de la sécurité que les États de la région pourront progresser durablement, a conclu le représentant.
Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a préconisé une approche intégrée et coordonnée pour le Sahel dans le cadre de la stratégie intégrée, qui fasse la part belle à des solutions à long terme. Elle a par ailleurs jugé légitime que le Plan de soutien se concentre en priorité sur le renforcement de la résilience et la gestion des risques sécuritaires liés au climat. Le Sahel, a-t-elle rappelé, est l’une des régions les plus touchées par les effets néfastes des changements climatiques et du stress hydrique. Elle a dit avoir toujours plaidé pour une approche d’évaluation et de gestion stratégique des risques, pour élaborer des réponses qui tiennent compte à la fois des conflits et du climat, au Mali et ailleurs. Elle a enfin appelé à une approche inclusive du Plan de soutien, autant à l’égard des femmes que des jeunes, se félicitant du lien étroit avec le Programme 2030. Femmes et jeunes, a-t-elle argué, doivent être concrètement impliqués dans la mise en œuvre du Plan de soutien et avoir droit de cité dans les décisions prises.
M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) a reconnu que les domaines politiques et sécuritaires ne peuvent être dissociés des dimensions humanitaires et de développement si l’on veut parvenir à consolider et à maintenir la paix dans le Sahel. C’est pourquoi la Guinée équatoriale accueille avec satisfaction les efforts de tout le système des Nations Unies visant à recalibrer la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel et à adopter une approche plus intégrée et transversale dans sa mise en œuvre. Le représentant a noté l’adoption du Programme d’investissements prioritaires (PIP) par les pays de la région, et en particulier le G5 Sahel, qui intègre une quarantaine de projets directement liés aux conditions de vie des populations du Sahel. Il a souligné la pertinence de ce Programme, d’autant que beaucoup a été fait concernant la sécurité, en raison de l’extrémisme violent qui a semé la désolation, mais moins pour le développement. Pour lui, il est indispensable que les partenaires de la région respectent leurs engagements en matière de financement. À cet égard, il a souligné le soutien important de la Banque européenne d’investissement (BEI), en particulier pour les projets d’infrastructures et ceux liés à la résilience et au développement humain. La BEI a renouvelé son engagement au Sahel pour la période 2019-2021 avec un financement global de 600 millions d’euros pour soutenir le secteur privé et le secteur public, dont 250 millions seront consacrés au PIP, a-t-il indiqué.
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a déclaré que le 30 juin 2017 est une date importante puisqu’elle a vu la fin de la Mission de l’ONU en Côte d’Ivoire. Il a souligné l’importance de la mise en œuvre de la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel, avant de mentionner les très bonnes relations du Koweït avec les pays africains. Depuis 2015, nous avons contribué à hauteur de 430 millions de dollars au financement de projets dans le Sahel, a déclaré le délégué qui a appelé, à son tour, à des efforts internationaux concertés au Sahel et jugé nécessaire de lutter contre les menaces terroristes. Seule une approche holistique permettra de relever les défis auxquels la région est confrontée, a-t-il conclu.
M. FRANCISCO TENYA (Pérou) a jugé « fondamental » de traiter des racines profondes des difficultés que connaît cette région, dont la croissance démographique rapide, la mauvaise gouvernance, la présence des groupes terroristes et entités criminelles ou même les effets des changements climatiques. Il a souligné la nécessité pour la communauté internationale de contribuer au renforcement des capacités pour favoriser l’état de droit et faciliter le développement de la région. Il a fermement appuyé la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel.
M. HAITAO WU (Chine) a prôné une approche holistique pour remédier aux défis du Sahel et plaidé pour des « solutions régionales à des questions régionales ». Il a évoqué les incidences négatives de la crise en Libye, avant de souligner la nécessité de renforcer les capacités, notamment sécuritaires, des pays du Sahel. Il a évoqué la Force conjointe du G5 Sahel et appelé la communauté internationale à l’appuyer. La Chine, a-t-il souligné, a toujours appuyé les pays africains, en particulier les pays du Sahel, notamment dans la mise en œuvre du Programme 2030. « Mon pays continuera de le faire. », a-t-il promis.
M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a reconnu que les difficultés auxquelles sont confrontés les pays du Sahel sont nombreuses et complexes. C’est pour cela que la Pologne se réjouit que l’Union européenne ait consacré près que 4 milliards d’euros entre 2014 et 2018 pour les aider à vaincre leurs difficultés. Mais davantage doit être fait, notamment en matière de coordination des efforts, de bonne gouvernance, de présence de l’État sur l’ensemble du territoire et même des droits de l’homme. Dans ce contexte, la Pologne est d’avis que la solution militaire à elle seule ne suffira pas. Il faut renforcer les liens entre sécurité et développement et la stratégie intégrée et le Plan de soutien peuvent y contribuer.
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a pleinement appuyé la Force conjointe du G5 Sahel et a prôné des mesures antiterroristes, militaires, économiques et de renforcement des institutions afin de remédier aux nombreux défis de la région. À cet égard, la Commission de consolidation de la paix a un rôle clef à jouer, a-t-il dit. Les pays, au bénéfice desquels la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel a été élaborée, doivent être associés étroitement à sa mise en œuvre. Le délégué a ensuite déclaré que l’aide extérieure ne doit pas se traduire par l’imposition de « recettes toutes prêtes », incompatibles avec les intérêts et critères des pays africains. Il a rejeté toute intervention extérieure, rappelant que le Conseil ne parlerait peut-être pas de la situation au Sahel aujourd’hui s’il n’y avait pas eu les actes d’ingérence en Libye.
M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a dit reconnaître les immenses défis auxquels est confronté le Sahel sur le plan sécuritaire et a salué les initiatives régionales prises pour faire face à cette situation, notamment la Force conjointe du G5 Sahel, le processus du G5 visant à mettre en œuvre son Programme d’investissement prioritaire et la Force multinationale mixte. Dans le même temps, a-t-il soutenu, une approche globale se révèle nécessaire pour répondre à ces défis et établir les causes profondes du conflit. C’est pourquoi la Suède accueille favorablement la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel ainsi que le Plan de soutien à ce dispositif. Cela permet de réunir les partenaires et de rendre opérationnels les cadres déjà en place, a-t-il affirmé. Le représentant s’est également félicité des mesures prises par l’Union africaine pour revoir sa propre stratégie pour la région, compte tenu du rôle important joué par les acteurs régionaux et nationaux. Se rangeant à l’avis du Conseiller spécial, selon lequel il importe de se concentrer sur le fort potentiel qu’offre la région, il s’est réjoui de ce que le Plan de soutien mette l’accent sur l’agriculture intelligente face au climat, les énergies renouvelables, la croissance inclusive et l’autonomisation des femmes et des jeunes.
Au cours de son mandat au Conseil de sécurité, a-t-il poursuivi, la Suède a défendu le principe d’une approche globale et régionale pour les régions du Sahel et du bassin du lac Tchad, qui englobe la sécurité, le développement et le respect des droits de l’homme. Elle apporte aussi sa contribution sur le terrain, conformément aux priorités de la stratégie intégrée. En juin, a précisé le représentant, nous avons accru notre soutien aux efforts sur le climat et la sécurité au Sahel d’environ 40 millions d’euros pour la période 2018-2021, en sus des appuis bilatéraux et humanitaires existants et de l’aide fournie par le biais de l’Union européenne. Dans ce cadre, il est crucial que tous les efforts déployés par les partenaires s’accordent avec la stratégie intégrée et intègrent tous les segments de la société, a plaidé le représentant, appelant aussi de ses vœux la poursuite d’un dialogue politique avec les gouvernements sur des modèles de développement durable à long terme. Il a enfin souhaité que le Conseiller spécial ou le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS) présente au Conseil des comptes rendus réguliers sur la mise en œuvre du Plan de soutien.
M. DIDAR TEMENOV (Kazakhstan) a déclaré que son pays défend lui aussi l’approche tripartite, consistant à renforcer le lien entre sécurité et développement, les efforts internationaux en ce sens et assurer une coordination avec les acteurs et cadres régionaux. Pour la délégation, la stratégie intégrée, le Plan de soutien et la stratégie de l’Union africaine sont les cadres globaux. Mais il faut aller plus loin et accroître la coordination avec les acteurs régionaux, a insisté le représentant, affirmant lui aussi que l’option militaire ne suffira pas à répondre à tous les défis posés dans cette région.
M. ESHETE TILAHUN WOLDEYES (Éthiopie) est revenue sur la récente réunion du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine sur les initiatives régionales et internationales dans la région du Sahel. Il en est ressorti que ce ne sont pas les initiatives qui manquent mais qu’il faut plus de cohérence et d’appropriation politique des efforts de stabilisation par les pays de la région et de l’Afrique, a-t-elle précisé. La stratégie intégrée reste la stratégie la plus largement acceptée pour promouvoir une paix durable et la sécurité, renforcées par le développement, a-t-il reconnu avant d’appeler la communauté internationale à honorer les engagements pris dans le cadre de cette stratégie.
Compte tenu de la tendance alarmante qui fait que la problématique de la paix et de la sécurité au Sahel déborde sur le bassin du lac Tchad, la délégation éthiopienne a appelé à une réponse coordonnée pour contrer ce risque et apporter des solutions au Sahel. Pour cela, il faut créer des synergies aux niveaux national, régional et international, a-t-il estimé, y compris en ce qui concerne la mise en œuvre du Plan de soutien, le suivi de stratégie de l’Union africaine pour la région du Sahel et l’application du Programme des investissements prioritaires du G5 Sahel.
Il est essentiel que l’autorité de l’État soit restaurée au nord du Mali ainsi que dans d’autres régions sahéliennes éloignées, dans la mesure où l’absence de structures publiques viables constitue un obstacle majeur à la stabilité et au développement de la région. Le représentant a également mis l’accent sur la menace croissante du terrorisme et de l’extrémisme violent, y compris le long de la frontière entre la Libye et le Tchad. Par conséquent, il lui a semblé essentiel que la Force conjointe du G5 Sahel soit opérationnalisée au plus vite. Mais sans soutien durable à cette Force et sans renforcement des forces de sécurité de la région, peu de progrès seront faits. À cet égard, le représentant a rappelé que la relance des accords de Nouakchott avait été largement soulignée lors de la réunion du Conseil de paix et sécurité de l’Union africaine.
M. STEPHEN HICKEY (Royaume-Uni) a souligné le potentiel de la région du Sahel et s’est félicité que la communauté internationale ait accru son aide, tirant ainsi les leçons du passé. Les engagements doivent être à la hauteur des ressources et des capacités, a-t-il dit, en soulignant l’importance qu’il y a à ce que les efforts de développement aillent de pair avec les autres efforts, en particulier sécuritaires. Le Royaume Uni, a-t-il indiqué, est en train de renforcer sa présence diplomatique dans la région, avec notamment, l’ouverture de nouvelles ambassades au Niger et au Tchad. Changer la trajectoire au Sahel requiert un véritable leadership, a-t-il déclaré, en saluant, à ce titre et en conclusion, la solidité des engagements pris en faveur de la stratégie intégrée.
La situation au Sahel reste alarmante, a rappelé Mme VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie), énumérant des défis sécuritaire, de gouvernance, de développement, du terrorisme, de la criminalité transnationale organisée, des trafics de drogue et d’armes, et de la traite des personnes. Ce sont là, a-t-elle estimé, les conséquences de l’interventionnisme et du changement de régime en Libye, en 2011, qui ont eu pour effet de déstabiliser la totalité de la région du Sahel. À ces défis s’ajoutent une situation humanitaire qui appelle une action décisive, alors que huit pays sont exposés au risque d’une crise grave: selon l’OCHA, 24 millions de personnes requièrent une assistance humanitaire dont 10 millions sont déjà en état d’insécurité alimentaire, sans compter les trois millions de réfugiés et de déplacés, les effets des changements climatiques et les conflits en cours au Mali et dans la région du lac Tchad.
La représentante a salué, dans ce contexte, les efforts conjugués des pays du G5 Sahel, « bel exemple » de coordination entre l’Union africaine et les Nations Unies. Elle a jugé « indispensable » que la Force conjointe approuvée par la résolution 2359 (2017) dispose des ressources nécessaires pour ses composantes militaire et civile. Elle s’est cependant inquiétée de voir que les promesses de coopération financière de la Conférence de l’Union européenne à Bruxelles en février dernier n’aient pas été tenues et à appeler à les respecter. Par ailleurs, elle a jugé « essentiel » de renforcer les programmes prévus par la stratégie intégrée pour renforcer la gouvernance, la résilience et la sécurité des pays de la région.
M. GBOLIÉ DESIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a déclaré que la région du Sahel apparait aujourd’hui comme un condensé de défis multiples alors qu’elle dispose d’immenses ressources naturelles et d’un important capital humain, composés à 65% de jeunes, qui devraient légitimement lui permettre de prétendre à un développement économique et social durable. Elle renvoie l’image d’une vaste zone aride et pauvre, où l’autorité de l’État peine à s’exprimer pleinement, favorisant de fait la prolifération des narcotrafiquants et de groupes armés terroristes. C’est pour cette raison que la Côte d’Ivoire apprécie le Plan de soutien et estime nécessaire que les Nations Unies améliore leur coordination et leur coopération avec tous les partenaires de la région. Face à la multiplicité des défis, la Côte d’Ivoire appelle à un changement de paradigme sur la région. « Nous devons inscrire nos actions dans une vision prospective à long terme, structurée autour d’un diagnostic pertinent des aspirations à long terme des populations concernées », a conclu le représentant