Le Conseil de sécurité reste préoccupé par la situation instable et la crise humanitaire dans plusieurs pays d’Afrique centrale
Le Conseil de sécurité a débattu, ce matin, des récents développements en Afrique centrale dans les domaines politique, sécuritaire et humanitaire. Si les délégations ont relevé des progrès politiques, notamment la tenue d’élections dans le calme dans de nombreux pays, elles se sont aussi inquiétées des troubles en République centrafricaine (RCA) et au Cameroun, où le Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC) rapporte des violences et d’importants déplacements de population, tandis que les attaques terroristes de Boko Haram menacent la stabilité de la région et aggravent la crise humanitaire.
Le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique centrale et Chef du BRENUAC, M. François Louncény Fall, a présenté le dernier rapport du Secrétaire général sur la situation en Afrique centrale et les activités du Bureau régional. Il a fait état de nombreuses élections récentes, comme à Sao Tomé-et-Principe ou au Cameroun, tenues dans le calme. Un point positif salué par la Bolivie, la Chine, le Koweït ou la Pologne.
Le Représentant spécial a également mentionné la situation à l’ouest du Cameroun, où des violences et des allégations de violations des droits de l’homme continuent d’être rapportées. M. Fall a signalé avoir encouragé le Gouvernement à accélérer le processus de décentralisation, la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme.
La situation volatile au Cameroun anglophone a fait réagir le Royaume-Uni, pour qui les régions du nord-ouest et du sud-ouest sont « le théâtre d'une crise de déplacement parmi les plus graves en Afrique à l’heure actuelle » et d’assassinats extrajudiciaires commis tant par les groupes séparatistes que par les forces gouvernementales. Le représentant britannique a appelé à renforcer le dialogue avec les dirigeants anglophones et à la vigilance « face au risque d’embrasement dans toute la région ». Pour la Suède, mettre fin à la violence nécessite un engagement en faveur d’un dialogue inclusif avec les communautés anglophones et la libération des prisonniers politiques, tandis que les États-Unis ont soutenu que « les besoins humanitaires sont urgents, et les enjeux trop élevés pour continuer à ignorer cette crise », et ont pointé la réponse « disproportionnée » du Gouvernement qui radicaliserait les séparatistes.
Tout en comprenant la préoccupation des États-Unis et du Royaume-Uni concernant la minorité camerounaise anglophone, la Fédération de Russie a invité Londres et Washington à se montrer « tout aussi concernés par la situation des populations russophones en Ukraine que par celle des anglophones au Cameroun ».
Sur la question urgente du terrorisme et de la sécurité, le groupe Boko Haram a cristallisé les craintes, accusé par le BRENUAC de poursuivre ses attaques indiscriminées contre les forces de défense et de sécurité ainsi que contre les civils. À propos de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), le Chef du BRENUAC a encouragé l’Union africaine à la prudence dans ses efforts pour remplacer l’Initiative de coopération régionale pour son élimination. La Fédération de Russie a, au contraire, salué la diminution continue des exactions commises par LRA et estimé que ce groupe ne pouvait plus être considéré comme une menace à la paix et la sécurité dans la région.
Pour sa part, la Guinée équatoriale a souhaité accélérer la mise en œuvre du cadre de coopération, signé en juin 2016, entre le BRENUAC et la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) pour renforcer la sécurité des frontières en Afrique centrale, dont la nature poreuse nourrit actuellement « le trafic d’armes, la piraterie, la criminalité transnationale organisée, la prolifération de groupes armés et l’insécurité maritime dans le golfe de Guinée ».
« La violence, l’extrême pauvreté, les changements climatiques et la croissance de la population engendrent des niveaux record de vulnérabilité pour des millions de personnes en Afrique centrale », a déclaré la Directrice des opérations et du plaidoyer au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), Mme Reena Ghelani. Parmi les 181 millions d’habitants que compte la région, a-t-elle ainsi estimé, 26 millions d’entre eux auront besoin d’une aide humanitaire en 2019, soit une hausse de 22% par rapport à 2018. Environ la moitié de ces personnes réside en République démocratique du Congo (RDC), confrontée à la pire crise de choléra de ces 15 dernières années – la maladie tue actuellement davantage que le virus Ebola, selon l’OCHA.
En République centrafricaine, la situation humanitaire est « extrêmement préoccupante », a expliqué Mme Ghelani, et des zones relativement stables par le passé subissent un regain de tension. La violence se répercute sur les pays voisins: le Cameroun abrite à l’heure actuelle 268 000 réfugiés en provenance de la RCA, et le Tchad 101 000. Ces deux pays continuent par ailleurs de subir les assauts de Boko Haram dans le bassin du lac Tchad, où 2,4 millions de personnes avaient été contraintes de quitter leur domicile et où 10,8 millions de civils ont besoin d’aide.
En RDC, la représentante de l’OCHA a indiqué que la situation sécuritaire dans l’est du pays s’était détériorée, causant des déplacements massifs de population. Une situation, selon elle aggravée, par le retour au Kasaï de 360 000 réfugiés congolais qui résidaient jusqu’ici en Angola.
Face à ce constat, Mme Ghelani a regretté que cette année, les plans d’action humanitaire pour les pays de la région, notamment le Burundi, le Cameroun, la RCA, le Tchad et la RDC soient financés bien en deçà de la moyenne mondiale de 56%. Et le plan du Cameroun est le moins financé avec 39% des besoins couverts. La Directrice des opérations a par conséquent appelé la communauté internationale à augmenter le niveau de l’aide dans la région. De nombreux pays ont ensuite demandé au Gouvernement camerounais de laisser les travailleurs humanitaires accéder à toutes les zones touchées par le conflit.
RÉGION DE L’AFRIQUE CENTRALE S/2018/1065
Déclarations
M. FRANÇOIS LOUNCÉNY FALL, Représentant spécial pour l’Afrique centrale et Chef du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC), a fait état des récents développements dans la région. Sur le volet politique, il est revenu sur un certain nombre d’élections tenues récemment, telles que celles parlementaires du 22 novembre, à Sao Tomé-et-Principe, législatives et locales d’octobre, au Gabon, où la situation de santé du Président Ali Bongo Ondimba reste une source de préoccupation ainsi que le report des législatives au Tchad, de novembre, initialement prévues en 2015.
Le Représentant spécial a également mentionné la situation à l’Ouest du Cameroun où violences et allégations de violations des droits de l’homme continuent d’être rapportées. Mentionnant sa visite dans le pays du 17 au 22 novembre, il a signalé avoir encouragé le Gouvernement à accélérer le processus de décentralisation et les activités de la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme.
En ce qui concerne l’aspect sécuritaire, M. Fall s’est inquiété de la montée de la violence en République centrafricaine, qui représente un risque pour la sous-région et a insisté sur le grand nombre de déplacés internes au sein de la population et du besoin d’assistance humanitaire.
À propos de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), il a spécifiquement encouragé l’Union africaine à adopter une approche globale et prudente dans le cadre de ses efforts en cours visant à remplacer l’Initiative de coopération régionale pour l’élimination de l’Armée de résistance du Seigneur (ICR-LRA), de façon à ne pas laisser un vide sécuritaire qui pourrait être exploité par le groupe pour relancer et intensifier ses activités de déstabilisation.
Autre groupe armé menaçant la sécurité et le développement de la région, Boko Haram, qui poursuit ses attaques indiscriminées contre les forces de défense et de sécurité ainsi que contre les civils. Reconnaissant les efforts menés par les pays de la sous-région, le Représentant a insisté sur l’importance pour les États d’Afrique centrale et de l’Ouest de développer des stratégies qui s’attaquent aux causes profondes de l’insurrection.
En matière de coopération, il a mentionné le sommet conjoint des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) sur la paix, la sécurité, la stabilité et la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent qui s’est tenu à Lomé, en juillet, ainsi que la collaboration du BRENUAC avec la CEEAC et le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS) ainsi que la quarante-septième Réunion à N’Djamena, en décembre, du Comité consultatif permanent des Nations Unies chargé des questions de sécurité en Afrique centrale.
M. Fall a conclu en exhortant les membres de la CEEAC à demeurer attachés à la réforme institutionnelle de l’organisation sous-régionale, notamment en ce qui concerne les mécanismes de financement pour assurer la mise en œuvre effective de projets clefs dans les domaines de la paix, la sécurité et la gouvernance et en mentionnant l’examen stratégique en 2019 des activités du BRENUAC ainsi que de son mandat.
« La violence, l’extrême pauvreté, les changements climatiques et la croissance de la population engendrent des niveaux record de vulnérabilité pour des millions de personnes en Afrique centrale », a déclaré à l’entame de son discours Mme REENA GHELANI, Directrice des opérations et du plaidoyer au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Parmi les 181 millions d’habitants que compte la région, a-t-elle ainsi estimé, 26 millions d’entre eux auront besoin d’une aide humanitaire en 2019, soit une hausse de 22% par rapport à 2018.
Environ la moitié de ces personnes réside en République démocratique du Congo (RDC), a poursuivi la Directrice des opérations et du plaidoyer, ajoutant que la situation humanitaire du pays s’était à nouveau détériorée en 2018. Cette évolution préoccupante est, selon elle, aggravée par l’épidémie d’Ebola qui continue de se propager dans le nord-est du pays et a déjà coûté la vie à 289 personnes. La persistance d’attaques perpétrées par des groupes non étatiques à l’encontre des civils dans cette zone met à mal les efforts pour endiguer l’épidémie, a précisé Mme Ghelani, ajoutant que 12 millions de personnes avaient actuellement besoin d’assistance humanitaire dans l’ensemble de la RDC.
Parallèlement, a-t-elle poursuivi, la RDC est confrontée à la pire crise de choléra de ces 15 dernières années, cette dernière étant responsable de plus de 26 000 cas avérés et près de 900 morts cette année seulement. « Le choléra a même tué plus de personnes en RDC que l’Ebola », a-t-elle précisé. Dans le même temps, la Directrice a indiqué que la situation sécuritaire dans l’est du pays s’était détériorée, causant des déplacements massifs de populations, une situation, selon elle, aggravée par le retour au Kasaï de 360 000 réfugiés congolais qui résidaient jusqu’ici en Angola.
En République centrafricaine (RCA), où la situation humanitaire est également « extrêmement préoccupante », Mme Ghelani a indiqué que des zones qui étaient relativement stables par le passé, comme par exemple le sud-est du pays, avaient connu un regain de conflit cette année. Selon elle, 2,9 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population du pays, ont désormais besoin d’aide. Parallèlement, le nombre de personnes déplacées a atteint les 643 000, soit une hausse de 60% par rapport à l’an dernier, a-t-elle ajouté. À cela s’ajoute l’augmentation des actes de violence, d’autant plus que la situation en RCA a eu des répercussions sur les pays voisins. En effet, a-t-elle précisé, le Cameroun et le Tchad abritent respectivement à l’heure actuelle 268 000 et 101 000 réfugiés en provenance de la RCA.
Ces deux pays continuent par ailleurs de subir les assauts de Boko Haram dans le bassin du lac Tchad, a indiqué Mme Ghelani, ajoutant que 2,4 millions de personnes avaient été contraintes de quitter leur domicile dans la zone, où 10,8 millions de civils ont besoin d’aide. Le Cameroun fait également face à une crise humanitaire dans les régions du sud-ouest et du nord-ouest du pays, où les déplacements de population ont triplé depuis l’an dernier, au point de concerner 437 000 déplacés internes. En outre, Mme Ghelani a souligné que 30 000 Camerounais avaient fui dans le Nigéria voisin. De manière générale, la Directrice s’est dite préoccupée par la détérioration de la situation en matière de protection des civils, ainsi que par les rapports faisant état de meurtres, de villages incendiés, d’extorsions et d’enlèvements dans le sud-ouest et le nord-ouest du pays.
Face à ces situations difficiles, l’intervenante de l’OCHA a regretté que cette année, les plans d’action humanitaire pour les pays de la région, notamment le Burundi, le Cameroun, la RCA, le Tchad et la RDC soient financés bien en -deçà de la moyenne mondiale de 56%. Et le plan du Cameroun est le moins financé avec 39% des besoins couverts. Elle a par conséquent appelé la communauté internationale à augmenter le niveau de l’aide dans la région. Elle a également enjoint au Conseil de sécurité de prendre des mesures pour mettre fin aux conflits dans la région, ces derniers étant, selon elle, à l’origine de la plupart des crises humanitaires en Afrique centrale.
M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a concentré son intervention sur la situation au Cameroun anglophone ainsi que la lutte contre l’organisation Boko Haram. Se félicitant d’abord du rapport du Secrétaire général sur la situation en Afrique centrale et des efforts du Bureau régional pour renforcer la paix et la sécurité, il a pris bonne note des actions positives du Cameroun, notamment sur son engagement à lutter contre Boko Haram. Cependant, le représentant s’est montré très inquiet de la situation humanitaire et sécuritaire dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest du Cameroun, « théâtres d’une crise de déplacement parmi les plus graves en Afrique à l’heure actuelle », et d’assassinats extrajudiciaires commis par les groupes séparatistes et par les forces gouvernementales. Le représentant a appelé à la vigilance « face au risque d’embrasement dans toute la région », avec 30 000 ressortissants ayant déjà dû fuir au Nigéria.
Se félicitant des engagements du Président Paul Biya, M. Allen a toutefois appelé le Gouvernement camerounais à agir de toute urgence en renforçant le dialogue avec les dirigeants anglophones. Il a aussi appelé à apaiser les tensions, à libérer les détenus politiques et à prendre des mesures pour accélérer la décentralisation du pays. Exhortant le Gouvernement à laisser un plein accès aux observateurs dans tout le pays, il a espéré que le Représentant spécial pourra aller où bon lui semble. Il a appelé les groupes armés impliqués à cesser leurs attaques contre les civils et à travailler avec le Gouvernement sur ces questions. Enfin, a souligné le représentant, le Royaume-Uni a alloué 3,1 millions de dollars dans la région anglophone afin de satisfaire les besoins humanitaires dans le cadre de prévention du conflit. Déterminé à trouver une solution pacifique à la crise, il a craint encore une fois que les tensions ne s’accroissent et ne donnent encore plus de travail au Conseil de sécurité à l’avenir.
M. OLOF SKOOG (Suède) a plaidé pour une approche holistique et une réponse régionale aux défis sécuritaires découlant des changements climatiques en Afrique centrale. Il s’est ainsi dit préoccupé par l’aggravation des tensions entre fermiers et bergers, alimentées par les conséquences des changements climatiques, dans le bassin du lac Tchad, au Tchad et en République centrafricaine. Il a également appelé de ses vœux une participation accrue des femmes aux processus électoraux en Afrique centrale.
Le délégué s’est ensuite dit inquiet devant la détérioration de la situation au Cameroun. Cette crise risque d’avoir de sérieuses conséquences régionales, y compris sur la lutte contre le terrorisme dans le bassin du lac Tchad et sur les efforts visant à restaurer la paix en République centrafricaine. Il s’agit là clairement d’une menace à la paix et à la sécurité internationales, a-t-il dit. Estimant que la période postélectorale peut être mise à profit pour inverser cette trajectoire préoccupante, il a exhorté toutes les parties à mettre fin à la violence et appelé le Gouvernement à prendre de toute urgence des mesures concrètes pour nourrir la confiance. « Cela inclut un engagement en faveur d’un dialogue inclusif avec les communautés anglophones et la libération des prisonniers politiques. »
Le délégué de la Suède a également encouragé le Gouvernement à solliciter l’appui des acteurs onusiens et régionaux. « Si la crise continue de s’aggraver et que les mesures permettant d’y remédier ne sont pas prises, ce Conseil devra envisager, dans un esprit de prévention, les options d’un engagement plus actif. »
M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) s’est concentré sur la situation au Cameroun, où les conditions se sont largement dégradées et où la violence augmente, avec plus de 400 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays. Il a exhorté à ce que la violence cesse, et rapporté le cas d’un missionnaire américain tué sur le sol camerounais le 30 octobre dernier. « Les besoins humanitaires sont urgents, et les enjeux trop élevés pour continuer à ignorer cette crise », a-t-il déclaré.
Notant le rôle important joué par le Cameroun dans la lutte contre Boko Haram, le représentant a appelé à une réconciliation immédiate, sans conditions préalables, et à régler les différends par le dialogue politique. Il a aussi encouragé le Président Paul Biya à agir pour davantage respecter l'impartialité du traitement de ses citoyens, ainsi que les principes humanitaires, comme le libre accès des ONG pour aider et traiter les populations touchées par le conflit. Enfin, il a dénoncé « la réponse disproportionnée » des forces gouvernementales, qui « entraîne une radicalisation des forces séparatistes ».
Prenant l’exemple du Cameroun, où des actes de violence imputés à l’armée et à des groupes armés ont entraîné le déplacement forcé de 437 000 personnes, Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a estimé que face à une telle escalade, la prévention de conflit nécessite davantage que des mots. Ils doivent être suivis d’action, a-t-elle soutenu, appelant le Gouvernement camerounais à entamer un dialogue constructif et inclusif avec toutes les parties, y compris avec des représentants de femmes.
La déléguée a remercié à cet égard le Représentant spécial et Chef du BRENUAC, M. Louncény Fall, pour sa récente visite dans le pays et pour l’attention qu’il accorde à cette crise. Une enquête doit être diligentée sur les violations des droits de l’homme commises par toutes les parties et les auteurs doivent rendre des comptes, a-t-elle ajouté, exhortant le Gouvernement et les groupes armés à permettre l’accès d’observateurs des droits humains et de travailleurs humanitaires aux régions anglophones du pays.
Mme Van Haaren a d’autre part souligné la nécessité de renforcer l’évaluation de toutes les causes des conflits. Elle a rappelé que, lors d’une réunion du Conseil organisée en mars par son pays, les participants avaient confirmé ce besoin urgent, notamment au regard des questions de changement climatique et de stress hydrique dans le bassin du lac Tchad. À ses yeux, le BRENUAC a un rôle important à jouer dans la mise en œuvre d’évaluations et de programmes intégrant la variante climatique. Elle a encouragé le Bureau à continuer à travailler de concert avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union africaine, la Commission du lac Tchad, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale et d’autres organisations afin de contribuer aux rapports du Secrétaire général.
La représentante a également mis l’accent sur la coordination entre les bureaux de l’ONU dans la région. Compte tenu de la situation complexe en Afrique centrale, il est important que cette coordination soit optimisée, a-t-elle affirmé, plaidant pour que le BRENUAC, en tant que Bureau régional, se concentre sur la prévention des conflits. Elle a salué, à cet égard, l’implication de M. Fall s’agissant du processus électoral dans des pays dénués de bureaux onusiens, en particulier à Sao Tomé-et-Principe et au Gabon. Elle a souhaité qu’il puisse y mener ses bons offices de la manière la plus satisfaisante.
En conclusion, elle a souhaité que des résultats tangibles se fassent jour lors de la prochaine réunion du Conseil sur cette question.
M. FRANCISCO TENYA (Pérou) a souligné le travail réalisé par le Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC) pour faire face aux menaces transfrontalières et répondre aux causes profondes des conflits qui affectent la sous-région de l’Afrique centrale. Il a notamment salué les bons offices du BRENUAC visant à rapprocher différents acteurs dans le cadre de plusieurs processus de paix, ainsi que son appui à la tenue d’élections dans quatre pays de la sous-région. Le représentant a noté son rôle dans le renforcement du dialogue entre les acteurs politiques et la société civile en République démocratique du Congo (RDC) en vue des élections du 23 décembre prochain. Il a également fait état des efforts de médiation déployés par le Bureau au Cameroun afin de prévenir une détérioration de la situation sécuritaire dans le nord-ouest et le sud-est du pays et d’y promouvoir un meilleur respect des droits de l’homme.
Condamnant le terrorisme de Boko Haram dans la région du lac Tchad et de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) en République centrafricaine et en RDC, M. Tenya a rappelé que l’instabilité politique, la précarité institutionnelle et la détérioration de l’environnement dues aux changements climatiques sont facteurs de déplacements forcés, de crises humanitaires, d’extrémisme violent et de violations massives des droits de l’homme. Face à ces fléaux, le représentant s’est félicité de la coordination assurée par le BRENUAC avec des organisations régionales comme l’Union africaine, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Cette coordination, a-t-il conclu, doit permettre de produire des synergies en vue d’une exécution plus efficace des mandats, l’objectif étant de construire une paix durable.
M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a appuyé la prorogation du mandat du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC) jusqu’au 31 août 2021. Dans ce cadre, il a jugé nécessaire d’accélérer la mise en œuvre du cadre de coopération, signé en juin 2016, entre le BRENUAC et la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) pour renforcer la sécurité des frontières en Afrique centrale, dont la nature poreuse nourrit actuellement le trafic d’armes, la piraterie, la criminalité transnationale organisée, la prolifération de groupes armés et l’insécurité maritime dans le golfe de Guinée. Le représentant a par conséquent invité les Nations Unies, la CEEAC, l’Union africaine (UA) et l’Union européenne (UE) à redoubler d’efforts pour consolider l’autorité des États de la région, ces derniers étant, selon lui, les mieux à même de protéger les civils.
Le représentant s’est en outre dit préoccupé par l’intensification des activités des mercenaires en Afrique centrale, en raison notamment du trafic illégal d’armes, qui échappe selon lui à tout contrôle. À ses yeux, ces activités de mercenaires sont le fait d’aventuriers et d’éléments hors la loi dont le seul but est de semer la terreur et déstabiliser les gouvernements des pays qu’ils souhaitent envahir. Le représentant a appelé les pays de la région à coopérer davantage pour mettre fin à ce phénomène. Seule une coopération accrue dans la région permettra également de mettre en œuvre l’Agenda 2063 de l’UA dans la sous-région, a-t-il ajouté.
S’agissant par ailleurs du Cameroun, le représentant s’est dit conscient des efforts des autorités du pays pour trouver une solution pacifique à la crise actuelle dans sa zone anglophone. Il a appelé la communauté internationale à appuyer le Gouvernement, notamment en fournissant au BRENUAC les moyens de participer à ses « efforts constructifs », comme en témoigne selon lui la conduite « pacifique et sans incidents majeurs » de l’élection présidentielle.
M. PAWEŁ RADOMSKI (Pologne) a déploré les difficultés rencontrées par l’Afrique centrale, mais aussi noté des évolutions démocratiques positives, en pointant que de nombreuses élections avaient été récemment organisées sans incidents majeurs.
Appelant à instaurer la confiance entre toutes les parties prenantes comme une condition sine qua non de la consolidation de la paix en Afrique centrale, il s’est montré préoccupé par la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo (RDC) et au Burundi, et a appelé les Gouvernements de ces pays à prendre des mesures immédiates pour garantir la liberté de leurs citoyens. Il a aussi appelé le Cameroun à prendre des mesures pour améliorer la situation humanitaire et sécuritaire dans sa partie anglophone.
Estimant qu’il fallait mettre l’accent sur l’adaptation face aux changements climatiques, facteur de déstabilisation, il a regretté que Boko Haram et l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) continuent de menacer la sécurité de pans entiers de la région, se rendent coupables de violences sexuelles et sexistes, et de recruter des enfants pour combattre. Il a souhaité que les interventions pour lutter contre ces phénomènes soient urgentes autant que cohérentes. La Pologne a enfin invité les Nations Unies, l’Union européenne et les États d’Afrique centrale à renforcer leur coopération.
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) s’est dit convaincu que les crises et conflits en Afrique ne pourront être résolus qu’en autonomisant les efforts des pays africains. Il faut aussi, « bien entendu », appuyer davantage ces efforts, a-t-il ajouté, notamment ceux visant à lutter contre Boko Haram et à renforcer la sécurité maritime.
L’Afrique centrale se heurte à de nombreux défis sécuritaires et économiques, a poursuivi le représentant, le principal d’entre eux étant selon lui le groupe terroriste Boko Haram, qui continue de sévir dans le bassin du lac Tchad. Au nombre des facteurs majeurs de déstabilisation de la sous-région, il convient également de mentionner la destruction de l’État en Libye, a-t-il ajouté.
Le représentant a salué les efforts des États de la sous-région pour mettre fin à la menace terroriste. Il s’est toutefois dit préoccupé par les exactions des groupes armés en République centrafricaine. Le représentant a ainsi appelé les autorités à renforcer leur armée, tout en menant les réformes économiques nécessaires au développement du pays.
Parmi d’autres facteurs de déstabilisation dans la région, la délégation a relevé la piraterie dans le Golfe de Guinée. Et quand l’on considère que les attaques contre les vaisseaux sur les côtes somaliennes ne faiblissent pas, il s’agit là d’une tendance dangereuse, a indiqué le représentant. Il faudrait donc mettre sur pied une démarche intégrée pour lutter contre la piraterie. La Fédération de Russie dit espérer que les efforts régionaux, soutenus par la communauté internationale, permettront de régler les problèmes de piraterie dans cette région économiquement importante qu’est le Golfe de Guinée.
Par ailleurs, le représentant a salué la diminution continue des exactions commises par l’Armée de résistance du Seigneur (LRA). Aux vues de cette tendance, il a estimé que ce groupe ne pouvait plus être considéré comme une menace à la paix et la sécurité dans la région.
S’agissant par ailleurs du Cameroun, le représentant a estimé que les informations concernant l’évolution de la situation dans le pays étaient pour l’heure contradictoires. Tout en comprenant la préoccupation des États-Unis et du Royaume-Uni concernant la situation des droits de l’homme de la minorité anglophone, il a appelé à ne pas agir hâtivement. Le représentant a également invité Londres et Washington à se montrer tout aussi concernés par la situation des populations russophones en Ukraine que par celle des anglophones au Cameroun.
Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) a insisté sur l’importance de la mise en œuvre du processus de paix en République centrafricaine et appelé à un dialogue direct entre le Gouvernement et les principaux groupes armés. De même, les progrès dans l’application de l’accord politique du 31 décembre 2016 en République démocratique du Congo sont cruciaux pour la stabilité de long terme de la région, a-t-elle dit, soulignant l’importance d’un appui du BRENUAC. Néanmoins, la violence armée dans l’est et le nord-est de la RDC et en République centrafricaine, ainsi que les attaques répétées de Boko Haram et les conflits intercommunautaires dans le bassin du lac Tchad demeurent une source de préoccupation, a—t-elle déclaré. La déléguée a par ailleurs insisté sur la détérioration de la situation humanitaire en République centrafricaine et dans le bassin du lac Tchad. Il s’agit là, de faits têtus que personne ne peut ignorer, a-t-elle affirmé, en appelant le Conseil et la communauté internationale à y remédier. Enfin, Mme Guadey a apporté son soutien à la Stratégie régionale en faveur de la stabilisation, du redressement et de la résilience des zones du bassin du lac Tchad touchées par Boko Haram et souhaité le maintien de la coopération régionale pour l’élimination de l’Armée de résistance du Seigneur.
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a noté que, sur le thème de la paix et de la sécurité dans la région, des élections avaient été organisées dans de nombreux pays sans incidents majeurs, malgré l’instabilité qui prévaut à l'heure actuelle au Cameroun – pays au sujet duquel le représentant a partagé l'inquiétude du Secrétaire général quant à la situation dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest. Préoccupé par la vague de violence et de conflits armés dont les civils innocents sont victimes dans ce pays, il a appelé à ce que les auteurs répondent de leurs actes. Il a aussi condamné les attentats-suicides et les pillages récurrents commis par Boko Haram, qui entravent tout espoir d’évolution de la situation humanitaire. Il a appelé à trouver des solutions communes et pérennes pour mettre fin à ces menaces.
M. Alotaibi a déploré la dégradation de la situation humanitaire et l’accroissement du nombre de personnes déplacées dans la région. Il a salué à cet égard la stratégie de prévention et de lutte contre le terrorisme de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Il a enfin relevé que la combinaison de plusieurs facteurs, dont les changements climatiques, la violence politique et de la prolifération des armes légères et de petit calibre, nécessitait une coopération plus étroite de tous les acteurs sur le terrain ainsi qu’à l’échelle internationale.
Mme VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie) a salué le calme dans lequel se sont déroulés, selon elle, la plupart des scrutins en Afrique centrale cette année. Elle a appelé tous les pays de la sous-région à œuvrer en faveur du consensus politique et à prendre des mesures visant à l’instauration d’un climat de confiance au niveau national, avec l’appui du Bureau régional des Nations Unies pour l'Afrique centrale.
La représentante a par ailleurs salué la tenue d’un sommet conjoint, le 30 juillet dernier, entre la Communauté économique des États de l’Afrique centrale et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest pour lutter contre l’extrémisme violent. De manière générale, elle s’est félicitée de l’ensemble des initiatives régionales et sous-régionales pour lutter contre le terrorisme et l’insécurité. Sur ce point, la représentante a appelé à reproduire l’initiative du G5 Sahel en Afrique centrale pour lutter plus efficacement contre les terroristes et la criminalité transnationale dans un cadre formel de coopération.
Par ailleurs, la représentante a estimé que l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) continuait de menacer la sécurité en République centrafricaine et République démocratique du Congo (RDC).
Mme ANNE GUEGUEN (France) a salué la pertinence et la valeur ajoutée d’une approche régionale, comme celle développée par le Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC). Elle s’est donc félicitée du renouvellement de son mandat pour trois ans, ce qui lui permettra de poursuivre ses bons offices, sa médiation et son soutien aux initiatives régionales, notamment dans le cadre de son partenariat avec la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC).
Outre la lutte contre Boko Haram, la représentante s’est dite inquiète de la situation en République centrafricaine (RCA), où la priorité doit être donnée, selon elle, au rétablissement de l’autorité de l’État sur tout le territoire, y compris la protection du personnel humanitaire sur le terrain. La France réitère son plein soutien au Président Faustin Archange Touadéra et souligne que l’Initiative africaine pour la paix et la réconciliation en RCA est le seul outil pour faire émerger une solution politique globale.
Au Cameroun, la France est préoccupée par les pertes humaines et la situation humanitaire « de plus en plus difficile ». Dans ce contexte, Mme Gueguen a encouragé le Gouvernement camerounais à prendre des initiatives ambitieuses et des mesures de détente, à engager un dialogue politique inclusif et à mettre en œuvre une plus large décentralisation pour le pays. Elle a également appelé à ce que les auteurs de crimes soient poursuivis. Enfin, s’agissant de la République démocratique du Congo (RDC), la France souhaite que la lumière soit faite sur les récentes violences liées aux prochaines élections. Sa représentante a demandé aux autorités congolaises de mettre en place des élections crédibles, dans un climat apaisé.
M. WU HAITAO (Chine) a salué les progrès réalisés dans la conduite des processus politiques en Afrique centrale. Toutefois, il a rappelé que l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) et Boko Haram continuaient de représenter une menace grave pour la paix et la sécurité de la sous-région. « Nous devons mieux appuyer les pays d’Afrique centrale pour faire face à ces menaces », a-t-il estimé, ajoutant que le Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC) pouvait jouer un rôle important en la matière.
Le représentant a ensuite souligné la nécessité de respecter le rôle de chef de file de l’Afrique dans la sous-région. Il a notamment salué les efforts importants des organisations régionales et sous-régionales du continent pour promouvoir la paix et le développement. La communauté internationale doit pleinement respecter le point de vue des pays concernés et leur capacité à régler leurs propres problèmes, a-t-il insisté.
Dans ce cadre, le représentant a salué le rôle du BRENUAC en matière de bons offices. Il a appelé le Bureau à appuyer encore davantage les efforts de coopération des pays de la région, notamment dans leur lutte contre la criminalité transnationale organisée, les groupes terroristes, la piraterie et la prolifération des groupes armés. Selon lui, le BRENUAC doit aussi accompagner les efforts régionaux d’intégration économique, notamment en renforçant sa coopération socioéconomique avec les organisations régionales et sous-régionales.
M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a reconnu l’importance du travail du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (BRENUAC) en matière de diplomatie préventive et de médiation ainsi que son soutien aux organisations régionales et sous-régionales pour la réalisation d’une paix durable. Il s’est déclaré préoccupé par la violence perpétrée par les groupes armés en République centrafricaine (RCA) et a condamné l’augmentation de la haine et de la violence ethnique et religieuse. Il a déclaré soutenir pleinement l’initiative africaine « élément essentiel de stabilisation dans le pays » et, soulignant la dimension régionale du conflit, a appelé à un renforcement des engagements politiques et financiers des garants régionaux et partenaires internationaux.
Le représentant a vu dans l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) une « menace à la paix et à la sécurité dans toute la région », particulièrement en République démocratique du Congo (RDC) et en RCA. Dans la région du bassin du lac Tchad, il a pointé les attaques terroristes et les activités déstabilisatrices de Boko Haram et de Daech, à l’impact humanitaire dévastateur. Le représentant a de plus appelé à appuyer le travail de coordination du BRENUAC avec les organisations régionales dans la lutte contre le terrorisme. Enfin, il s’est félicité des retombées de la première conférence des États parties à la Convention de l’Afrique centrale pour le contrôle des armes légères et de petit calibre, de leurs munitions et de toutes pièces et composantes pouvant servir à leur fabrication, réparation et assemblage (Convention de Kinshasa).
M. KACOU HOUADJA LEON ADOM (Côte d’Ivoire) a estimé que la mise en œuvre de la feuille de route de l’Initiative africaine pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine peut constituer la clef d’une sortie de crise pacifique et durable dans ce pays. La décision de l’ONU et de l’Union africaine de nommer conjointement un Envoyé spécial en vue d’impulser une nouvelle dynamique est d’une importance capitale, a-t-il déclaré.
Notant le bon déroulement des préparatifs des élections générales du 31 décembre 2018 en République démocratique du Congo (RDC), le délégué a appelé tous les acteurs politiques congolais à œuvrer pour créer un environnement favorable afin que ces élections soient libres, transparentes, crédibles et pacifiques. Concernant la situation au Burundi, il a salué les efforts du Facilitateur et du Médiateur dans la crise dans ce pays, en vue de garantir l’inclusivité du dialogue politique interburundais.
Le représentant s’est ensuite félicité de la mise en œuvre de la Stratégie régionale en faveur de la stabilisation, du redressement et de la résilience des zones du bassin du lac Tchad touchées par Boko Haram, validée par l’Union africaine et la Commission du bassin du lac Tchad le 30 août 2018.
Il a par ailleurs salué la décision de l’Union africaine visant à maintenir l’Initiative de coopération régionale pour l’élimination de l’Armée de résistance du Seigneur (ICR-LRA). Enfin, le représentant ivoirien a estimé que le rôle de coordination joué par le BRENUAC est un facteur important dans la synergie des actions de l’ONU en Afrique centrale.