Au Conseil de sécurité, la Côte d’Ivoire partage son expérience en matière de reconstruction après conflit
Sous la présidence de M. Alassane Ouattara, le dirigeant de la Côte d’Ivoire, et en présence du Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, le Conseil de sécurité s’est, ce matin, réuni pour réfléchir à la reconstruction après conflit et aux liens entre paix, sécurité et stabilité, en s’appuyant sur l’exemple ivoirien.
« Cette séance intervient plus d’une année après la sortie de [mon pays] de l’ordre du jour du Conseil de sécurité et de la fermeture, en 2017, de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI), après 13 années de présence », a constaté le Chef d’État, en rappelant qu’une cinquantaine de résolutions, dont certaines relatives à la certification des élections et à la protection des civils, constituent, à ses yeux, des évolutions « inédites et courageuses » qui resteront gravées dans les annales du Conseil.
En effet, a confirmé le Secrétaire général, l’expérience de la Côte d’Ivoire, qui avance sur le chemin de la consolidation de la paix et du développement, nous montre que l’une et l’autre sont indissociables. « Après avoir accueilli sur son sol une opération de maintien de la paix de l’ONU, ce pays peut en effet apporter une contribution précieuse et partager son expérience avec d’autres opérations actuellement déployées à travers le monde », a-t-il estimé, suivi sur ce point par tous les membres du Conseil.
Convaincu de la nécessité de recentrer l’action de l’ONU sur la prévention, le Chef de l’Organisation s’est fait le héraut d’une approche « holistique » dans le cadre de laquelle les trois piliers que sont la paix, le développement durable et les droits de l’homme seraient indissociables. Partant de ce constat, M. Guterres a expliqué qu’investir dans les services de base, le développement durable et la cohésion sociale, « c’est investir dans la paix », à condition toutefois de prendre en compte la spécificité des besoins de chaque pays sollicitant l’aide du système des Nations Unies.
« Sans accompagnement international, les efforts nationaux ne peuvent surmonter les innombrables obstacles qui se dressent sur le chemin de la paix. Mais sans volonté politique nationale forte, aucune assistance internationale ne peut produire des résultats durables », a résumé le Président de la Commission de l’Union africaine (UA), M. Moussa Faki Mahamat. La réconciliation ivoirienne a aussi démontré à quel point étaient justifiées des approches inclusives, associant aux efforts de consolidation de la paix du Gouvernement et de l’ONU « les couches sociales trop souvent marginalisées et exclues, comme les femmes et les filles, les personnes âgées, les jeunes, les personnes handicapées et minorités ethniques », a précisé de son côté le Secrétaire général.
Les deux hauts fonctionnaires sont tombés d’accord pour dire que le retour à la paix de la Côte d’Ivoire est une « victoire » à mettre à l’actif de partenariats, notamment avec l’ONU, l’UA et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). M. Ouattara a d’ailleurs salué cette organisation sous-régionale pour le rôle qu’elle a joué dans la sortie de crise de son pays. Plusieurs délégations, dont la Fédération de Russie, ont plaidé pour mettre en valeur la Commission de consolidation de la paix, en tant que plateforme où divers acteurs et parties prenantes favorisent la cohérence entre les objectifs politiques et soutiennent le développement durable dans les pays touchés par un conflit.
Le Ministre des affaires extérieures et de la coopération de la Guinée équatoriale, M. Simeon Oyono Esono Angue, a annoncé aujourd’hui la participation active de sa délégation à la négociation d’un projet de résolution fixant les modalités d’un financement prévisible et durable des opérations de paix sous la conduite de l’Union africaine, « à partir des contributions de l’ONU ». Les États-Unis se sont, de leur côté, opposés à la proposition visant à lier un pourcentage du budget des opérations de maintien de la paix onusiennes au Fonds pour la consolidation de la paix.
Le Secrétaire général avait pourtant plaidé en faveur d’un « soutien accru » à ce Fonds, qui fournit un appui dans les zones reculées, y compris aux frontières, souvent négligées. Le Fonds a également alloué plus de 30% de ses ressources annuelles au renforcement des droits des femmes, que plusieurs intervenants, comme le Royaume-Uni, le Pérou et la Pologne, ont identifiées comme des actrices de la paix.
M. Paul Robert Tiendrebeogo, le Ministre de l’Intégration africaine et des Burkinabè de l’extérieur, a cité comme exemple d’approche holistique le programme d’urgence pour le Sahel, adopté en 2017 par son gouvernement et d’un coût de 455 milliards de francs CFA, et qui se veut être une réponse au double défi socioéconomique et sécuritaire auquel est confrontée cette région. En outre, Ouagadougou a fait une priorité nationale de la lutte contre la criminalité transnationale organisée et les trafics illicites, tout en étant l’un des artisans de la Force conjointe du G5 Sahel, laquelle doit bénéficier du financement nécessaire, a déclaré M. Tiendrebeogo.
L’absence de financements durables et prévisibles, c’est précisément un obstacle majeur à la mise en œuvre des programmes nationaux de reconstruction post-conflit, a mis en garde le représentant du Sénégal. « C’est pourquoi, a-t-il poursuivi, il convient de maintenir et de renforcer le soutien et l’accompagnement des pays en phase de transition vers la paix, ce qui passe par la concrétisation des engagements souscrits dans le cadre des conférences de donateurs. »
Le Président Ouattara a considéré que la reprise en main de son pays a été rendue possible grâce à la restauration de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire. Pour lui, la reconstruction post-conflit, la paix et la stabilité durables nécessitent l’existence d’un gouvernement qui tire sa légitimité d’élections démocratiques et transparentes, la mise en place et le redéploiement d’une administration fiable, la réforme du secteur de la sécurité et un plan d’investissement d’urgence pour la fourniture équitable de services sociaux de base.
Le dirigeant a donc souligné l’importance que la communauté internationale, et notamment l’ONU, reste engagée de façon décisive et résolue auprès de pays comme le sien, tout en évaluant les conditions d’un retrait ordonné, comme ce fut le cas pour la Côte d’Ivoire.
CONSOLIDATION ET PÉRENNISATION DE LA PAIX (S/2018/1063)
LA RECONSTRUCTION APRÈS CONFLIT ET LA PAIX, LA SÉCURITÉ ET LA STABILITÉ
Déclarations
M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a estimé que l’expérience de la Côte d’Ivoire elle-même, qui avance sur le chemin de la consolidation de la paix et du développement, nous montre que l’une et l’autre sont indissociables. Après avoir accueilli sur son sol une opération de maintien de la paix de l’ONU, ce pays peut en effet apporter une contribution précieuse et partager son expérience avec d’autres opérations semblables actuellement déployées à travers le monde.
Car, à la lumière des crises aiguës et prolongées qui secouent le monde aujourd’hui, il est clair que la méthode consistant essentiellement à y réagir, a un coût humain et financier trop élevé. « C’est pourquoi, je tiens tant à recentrer nos activités sur la prévention, à rééquilibrer notre action dans les domaines de la paix et de la sécurité, et à coordonner nos activités entre les trois piliers que sont la paix, le développement durable et les droits de l’homme », a expliqué le chef de l’Organisation. Selon lui, la paix ne peut être pérenne sans développement et une paix durable est indispensable à la préservation des acquis du développement.
À partir de ce constat, le Secrétaire général a préconisé une approche holistique qui suppose essentiellement de combattre les facteurs potentiels d’instabilité tels que les inégalités, les changements climatiques, la rivalité pour les ressources, la corruption et la criminalité transfrontalière. Une telle approche suppose également, a ajouté M. Guterres, une prise de conscience réelle et qu’investir dans les services de base, le développement durable et la cohésion sociale, « c’est investir dans la paix ». Elle suppose enfin de mieux adapter la présence de l’ONU à l’évolution des besoins dans les pays qui, au lendemain d’un conflit violent, cherchent à instaurer une paix durable.
« Pour y parvenir, nous devons nous efforcer en priorité de répondre aux besoins du pays hôte et de mobiliser autour de ces besoins l’ensemble du système des Nations Unies, toutes les opérations de paix, tous les acteurs humanitaires et du développement, conformément aux éléments fondamentaux des réformes que j’ai engagées. »
Le Secrétaire général s’est aussi montré favorable à des approches plus inclusives, en soulignant que les activités de paix et de développement soient prises en main, dirigées et menées par les acteurs nationaux et locaux. Pour cela, nous devons mobiliser les citoyens en premier lieu ainsi que le secteur privé, et veiller à ce que le champ d’action de la société civile reste entier tant il est secoué de nos jours.
« Nous devons aussi associer à nos efforts les couches sociales trop souvent marginalisées et exclues, comme les femmes et les filles, les personnes âgées, les jeunes, les personnes handicapées et les membres des groupes minoritaires. La participation des femmes, notamment, est un moyen sûr d’améliorer l’efficacité et la pérennité de la consolidation de la paix. Leur contribution est en effet cruciale au redressement économique, à la légitimité politique et à la cohésion sociale », a expliqué M. Guterres.
Troisièmement, a-t-il dit, « nous avons besoin de plus de partenariats ». Le Secrétaire général s’est engagé à renforcer davantage les liens avec les organisations régionales et sous-régionales et les institutions financières internationales afin de préserver les acquis du développement, de renforcer la résilience et de renforcer les capacités locales pour prévenir les conflits et y faire face. Cela est particulièrement important dans les contextes de transition, une fois que la mission a quitté son poste et que l’attention et les ressources internationales commencent généralement à décliner.
Il a ainsi mis en valeur le partenariat avec l’Union africaine, qui continue de se renforcer, avec la signature de cadres conjoints sur la paix et la sécurité et sur la mise en œuvre de l’Agenda 2063 et du Programme de développement durable à l’horizon 2030. « Et nous avons mené des missions conjointes axées sur les femmes, démontrant ainsi l’importance capitale de l’égalité des sexes. » Plus tôt cette année, le Secrétaire général a signé un cadre de partenariat stratégique avec la Banque mondiale « et nous mettons en œuvre les résultats de notre étude commune, Pathways for Peace », a-t-il précisé. Selon lui, la Commission de consolidation de la paix a, elle aussi, un rôle de rassemblement et de relais utile à jouer en tant que plateforme où divers acteurs et parties prenantes favorisent la cohérence entre les objectifs politiques et soutiennent le développement durable dans les pays touchés par un conflit.
« Quatrièmement, nous avons besoin de ressources adéquates et prévisibles pour la consolidation de la paix et le développement tout au long du cycle du conflit », a poursuivi le haut fonctionnaire. Il a recommandé d’aider les États Membres à renforcer la mobilisation des ressources nationales et à attirer les investissements extérieurs. À cet égard, le Fonds pour la consolidation de la paix mérite un soutien accru. En tant que « véhicule catalytique », rapide et flexible, le Fonds encourage la participation locale et, surtout, fournit un soutien dans les zones reculées, y compris les frontières, souvent négligées. Le Fonds a également alloué plus de 30% de ses ressources annuelles au soutien des droits des femmes et de l’égalité des sexes afin de maintenir la paix.
Le Secrétaire général a réitéré son appel pour que les opérations de paix dirigées par l’Afrique et placées sous l’autorité du Conseil de sécurité bénéficient d’un financement prévisible, durable et flexible, y compris, le cas échéant, au moyen de contributions de l’ONU. Il s’est dit fermement résolu à appuyer le Conseil de sécurité alors que nous nous efforçons ensemble de renforcer notre travail tout au long du processus de paix. La restructuration et le repositionnement des piliers de l’ONU en matière de paix, de sécurité et de développement contribueront à favoriser l’apparition d’une nouvelle génération d’approches et d’une nouvelle architecture permettant de répondre plus efficacement aux problèmes les plus pressants du monde, a analysé le Secrétaire général, qui a cité en exemples l’Agenda 2030 et Pérenniser la paix, deux initiatives qui sont complémentaires et se renforcent mutuellement.
M. MOUSSA FAKI MAHAMAT, Président de la Commission de l’Union africaine, a déclaré que la quête de la paix était un long processus. Elle exige un engagement de tous les instants de la part des parties prenantes nationales et un soutien continu de la communauté internationale. Car sans accompagnement international, les efforts nationaux ne peuvent surmonter les innombrables obstacles qui se dressent sur le chemin de la paix. Sans volonté politique nationale forte, aucune assistance internationale ne peut produire des résultats durables.
Selon le président de la Commission de l’Union africaine, la Côte d’Ivoire est une claire démonstration de ce que « la paix est une entreprise à portée de main dès lors que la volonté de la réaliser existe ». Sur le plan politique, « la main tendue aux ennemis d’hier » a permis de franchir des pas décisifs sur la voie de la réconciliation. Les mesures annoncées par le président Alassane Ouattara en août dernier, lors du cinquante-huitième anniversaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire sont emblématiques à cet égard. Sur le plan économique, la forte croissance enregistrée ces dernières années a rapproché le pays de l’émergence souhaitée et posé les jalons de sa stabilité à long terme, a-t-il dit.
M. Mahamat a également déclaré que dans tout conflit, réduire les armes au silence n’est que la première étape d’une longue marche, d’autant que 40% des pays en phase post-conflit rechutent dans la violence 10 ans après en être sortis. Consciente de ce fait, l’Union africaine a adopté, dès 2006, un document-cadre sur la reconstruction et le développement post-conflit pour servir de guide aux efforts visant à s’attaquer aux causes profondes des conflits et à prévenir le retour de la violence. Celui-ci a été suivi en 2010 de l’Initiative de solidarité africaine, qui repose sur le principe de l’entraide continentale. L’Union africaine apporte par ailleurs une contribution tangible à nombre d’États en situation post-conflit, à travers divers projets à impact rapides. Le « compter sur soi-même » est un élément essentiel du renouveau de l’Afrique, comme en témoigne l’engagement de financer à hauteur de 25% les coûts de l’agenda continental en matière de paix et de sécurité, a-t-il résumé.
M. Mahamat a aussi dit que le retour à la paix de la Côte d’Ivoire est une « victoire » à mettre à l’actif du partenariat entre l’ONU, l’Union africaine, et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Tirant les leçons de ce succès, les partenariats entre l’Union africaine, l’ONU, le Conseil de sécurité, la Commission de l’Union africaine, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine et la Commission de consolidation de la paix se sont significativement renforcés ces dernières années. Mais pour pérenniser cette démarche, trois principes doivent guider cette action commune. Il faut, avant tout, une appropriation nationale des processus. Rien de durable ne peut être réalisé si les acteurs nationaux n’assurent pas la direction du processus de consolidation de la paix, a-t-il dit. Il faut ensuite promouvoir des solutions adaptées aux réalités de chaque pays, en particulier en matière de justice post-conflit. Toute autre approche risque de perpétuer les divisions et recréer les conditions de la violence. Enfin, il faut un accompagnement international qui s’inscrit dans la durée. Or souvent, a-t-il déploré, la mobilisation internationale s’émousse dès qu’une crise cesse de faire la Une des journaux, alors que c’est le moment même où commence le processus délicat de promotion de la paix, conclu le Président de la Commission.
M. ALASSANE OUATTARA, Président de Côte d’Ivoire, a d’emblée réitéré sa « foi dans un système multilatéral équilibré » qui permet à tous de faire entendre leur voix et de voir leurs aspirations prises en considération, notamment dans une période marquée par des bouleversements sur le plan international, avec une redéfinition de certains équilibres.
La Côte d’Ivoire a bénéficié, pendant plus d’une décennie, d’un engagement sans précédent de la communauté internationale, en particulier de l’Organisation des Nations Unies et du Conseil de sécurité, a souligné M. Ouattara, dont le pays assure la présidence tournante du Conseil pour le mois en cours.
Il a rappelé que celle-ci intervient plus d’une année après la sortie de la Côte d’Ivoire du programme du Conseil de sécurité et la fermeture, en 2017, de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI), après 13 années de présence sur le territoire ivoirien. Dans la gestion de la crise que son pays a traversée, le Conseil a adopté une cinquantaine de résolutions, dont certaines, notamment celles relatives à la certification des élections et à la protection des civils, constituent, à ses yeux, des évolutions inédites et courageuses qui resteront gravées dans les annales du Conseil.
Il a voulu, à cet égard, rendre un hommage appuyé à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour son engagement remarquable et pour le rôle qu’elle a joué dans la sortie de crise en Côte d’Ivoire. Il a également salué le rôle de l’Union africaine et des Nations Unies, à travers l’ONUCI. Il a tenu à saluer, en outre, la mémoire des 150 Casques bleus qui ont fait le sacrifice de leur vie pour en sauver d’autres et pour ramener la paix et la stabilité dans son pays.
Le thème du débat « Reconstruction post-conflit, paix et sécurité » offre pour lui, l’opportunité de partager son expérience en matière de reconstruction post-crise et d’évoquer les priorités que « nous avons établies afin de rendre irréversibles la paix et la sécurité ainsi que le développement que connaît la Côte d’Ivoire, depuis la fin de la crise postélectorale ».
Il a souhaité que les leçons tirées de cette expérience contribuent modestement à enrichir la pratique du Conseil dans le domaine de la consolidation de la paix, qu’il a su faire évoluer au cours de ces dernières années. L’expérience de son pays pourra également être utile, a-t-il poursuivi, aux pays qui sont confrontés à des situations similaires à celle que la Côte d’Ivoire a connue.
Il a rappelé qu’en 2011, son pays est sorti d’une décennie de crise et de crise post-électorale, fragilisée aux plans économique, social, humain et sécuritaire. Une situation qui aurait pu compromettre le retour du pays à la paix et à la sécurité durables, si des mesures urgentes et une stratégie globale de reconstruction et de développement n’avaient pas été mises en œuvre dès la fin des affrontements. La reprise en main a été rendue possible grâce à la restauration de l’autorité de l’État.
La reconstruction post-crise, la paix et la stabilité sont fortement tributaires de l’existence de structures étatiques et d’institutions capables de remplir pleinement leurs fonctions. Dès 2011, la Côte d’Ivoire a fondé sa stratégie de reconstruction post-crise, de paix et de stabilité sur la relance de son économie, le désarmement, la démobilisation et la réintégration, ainsi que sur la réforme du secteur de la sécurité et la réconciliation, a-t-il détaillé.
Grâce à cette approche, s’est-il félicité, les Ivoiriens vivent ensemble dans la paix et la tolérance, estimant que le cas de son pays devrait inspirer l’action du Conseil et celle de la communauté internationale dans des situations post-conflit autrement plus complexes. Pour lui, la reconstruction post-conflit, la paix et la stabilité durable nécessitent l’existence d’un gouvernement qui tire sa légitimité d’élections démocratiques et transparentes, la mise en place et le redéploiement d’une administration fiable, la réforme du secteur de la sécurité et un plan d’investissement d’urgence pour la fourniture équitable de services sociaux de base.
Un processus qui requiert, selon lui, un accompagnement politique et technique soutenu ainsi que d’importantes ressources financières qui ne sont pas disponibles dans les pays qui sortent de conflit. C’est pourquoi, a-t-il conclu, il est important que dans de tels pays, la communauté internationale, notamment l’ONU, reste engagée de façon décisive et résolue, tout en évaluant les conditions d’un retrait ordonné, comme ce fut le cas pour son pays.
M. SIMEON OYONO ESONO ANGUE, Ministre des affaires extérieures et de la coopération de la Guinée équatoriale, a déclaré que, ces dernières années, le continent africain avait été le théâtre de plusieurs conflits armés, avec des conséquences dévastatrices comme l’instabilité politique, la pauvreté, les violations des droits de l’homme, des dégâts aux infrastructures et l’affaiblissement des institutions étatiques.
Au lendemain des conflits, les États touchés par ces violences se heurtent à de multiples défis dans les domaines de l’économie, de la reconstruction, de l’élimination de la pauvreté, de l’emploi, de l’éducation, de la santé publique et de la sécurité sociale, a analysé le chef de la diplomatie équato-guinéenne. Dans de telles situations, les efforts de la communauté internationale doivent, selon lui, se focaliser sur la fourniture d’une assistance véritable aux pays concernés, avec pour objectif leur redressement économique axé sur l’industrialisation, la modernisation de l’agriculture et le développement des ressource humaines, dans le cadre duquel les programmes éducatifs doivent jouer un rôle de premier plan.
Il nous faut reconnaître, a dit le Ministre, que la consolidation de la paix est une tâche de longue haleine, complexe et difficile, qui suppose une réponse de la communauté internationale à la hauteur. Ainsi, les efforts déployés pour mettre fin aux conflits doivent trouver leur prolongement dans le développement. Et pour la consolidation des processus de paix, il est important de mettre fin à la culture d’impunité, sous peine de voir la haine ressurgir ultérieurement, a-t-il mis en garde. L’objectif final de la justice, c’est la stabilité et la réconciliation, facteurs de relèvement, a conclu le Ministre.
Pour lui, les avis et priorités spécifiques de chaque pays doivent être pris en compte dans le cadre de chaque programme d’assistance. La situation sécuritaire de plusieurs pays ouest-africains s’est stabilisée ces dernières années, a rappelé M. Angue, en citant en exemple la Côte d’Ivoire, le Libéria et la Sierra Leone. À cet égard, la coopération de l’ONU avec les organisations régionales et sous-régionales revêt un caractère indispensable.
Le Ministre a précisé que, aux côtés de la Côte d’Ivoire, sa délégation œuvre activement à la négociation d’un projet de résolution fixant les modalités d’un financement prévisible et durable des opérations de maintien de la paix sous la conduite de l’Union africaine, « à partir des contributions de l’ONU ».
La Ministre du commerce extérieur et de la coopération pour le développement des Pays-Bas, Mme SIGRID KAAG, s’est alignée sur la position de la Côte d’Ivoire pour mettre l’accent sur le développement économique et social post-conflit et la reconstruction dans le contexte de la paix et de la sécurité. En effet, pour la Ministre « paix et sécurité sont bien plus que la simple absence de conflit armé ». « Lorsque nous ignorons cela, nous voyons des sociétés ravagées par la guerre parvenir à des accords de paix fragiles, pour finir par retomber dans le conflit armé une fois l’attention de la communauté internationale dissipée », a-t-elle mis en garde. En tant que membres du Conseil de sécurité et de la communauté internationale, « nous nous retrouvons alors à discuter des missions, des mandats et des budgets pour remédier à ces situations qui n’auraient pas dû arriver pour commencer ». Ainsi, pour la Ministre, il est dans l’intérêt de tous de s’atteler à la pérennisation de la paix et à la prévention des conflits par le biais d’une approche intégrée dans laquelle le développement économique et social durable joue un rôle central. Éviter que la situation d’un pays donné ne soit inscrite à l’ordre du jour du Conseil de sécurité est, pour la Ministre, la meilleure forme de prévention, mais cela sous-entend un effort collectif du système onusien et des institutions financières internationales pour faire face aux causes profondes des conflits.
La prévention des conflits est la pierre angulaire de la politique étrangère néerlandaise et une priorité en tant que membre du Conseil de sécurité, a rappelé Mme Kaag avant de mettre l’accent sur la viabilité environnementale, la lutte contre les inégalités et l’exclusion, en tant que facteurs de paix. La viabilité environnementale n’est plus une option, compte tenu des tensions dans le monde liées aux changements climatiques, à l’insécurité alimentaire et à l’accès à l’eau. Dans ce contexte, elle a salué l’adoption à l’unanimité par le Conseil de sécurité de la résolution 2417 (2018) sur les conflits et la faim, ainsi que les efforts déployés par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) pour lutter contre cette réalité au Yémen et au Soudan du Sud. « Mais nous pouvons faire plus en tant que communauté internationale », a estimé la Ministre qui a appelé à protéger les moyens d’existence basés sur l’agriculture et garantir les moyens nécessaires pour produire de la nourriture en période de conflit. Pour cela elle a préconisé des partenariats innovateurs y compris avec le secteur privé et les institutions financières.
S’agissant des inégalités, Mme Kaag a souligné que le développement économique doit s’entendre comme des opportunités pour tous, et cela passe, à ses yeux, par l’accès à l’éducation et aux services financiers ainsi que par des droits fonciers et cela indépendamment du niveau social ou de l’appartenance religieuse d’une personne. Pour la Ministre, un autre outil « trop souvent oublié » dans le contexte de la pérennisation des conflits est le soutien psychosocial des victimes. Enfin, la Ministre a insisté sur l’importance d’avoir des institutions inclusives, de renforcer l’état de droit et le respect des droits de l’homme, mais aussi sur l’accès à la justice, le thème de la réunion ministérielle qu’elle va présider les 6 et 7 février prochains à la Haye.
Il faut à tout moment respecter les principes de la Charte des Nations Unies, a déclaré M. ZHAOXU MA (Chine), notamment la souveraineté et la non-ingérence dans les affaires internes des États concernés. Il faut privilégier l’appropriation nationale des mécanismes et processus, tout en cherchant à résoudre les causes profondes des conflits. Selon la Chine, la pauvreté est la cause première des conflits.
Dans ce contexte, le représentant a été d’avis que la communauté internationale doit investir davantage dans le développement. C’est important pour la paix, a-t-il dit, et ce que fait la Chine, notamment avec le dernier sommet sur le développement de Beijing, qui a vu la participation de plusieurs chefs d’État africains, dont le Président Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire. La Chine a participé activement à la paix et à la reconstruction économique dans ce pays, en fournissant des contingents chinois à l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI), et en contribuant, par exemple, à la construction d’une station d’épuration et d’une centrale hydroélectrique.
Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a déclaré qu’une solution politique doit inclure toute une gamme d’acteurs, dont les femmes et les activistes des droits de l’homme, pour parvenir à la réconciliation. Elle a cité sur ce point l’expérience britannique dans le conflit qui a sévi en Irlande du Nord.
Ensuite, les institutions, a préconisé la représentante, doivent être renforcées, en particulier l’appareil judiciaire, en vue d’établir les responsabilités et de lutter contre l’impunité. Cet objectif, a rappelé la Banque mondiale, peut prendre jusqu’à 10 ans, ce qui suppose un soutien de longue haleine à cet égard.
Enfin, la communauté internationale doit veiller à ce que les besoins fondamentaux des populations soient satisfaits, non seulement en répondant aux besoins humanitaires de court terme, mais aussi en permettant aux processus de consolidation de la paix de progresser.
M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a déclaré que pour consolider durablement la paix, il faut une compréhension des causes profondes des conflits. Pour cela, il faut coopérer avec les mécanismes régionaux et sous-régionaux, comme on le voit avec les pays africains. La coopération entre les Nations Unies et les organismes du continent doit se poursuivre, afin de tirer profit des avantages comparatifs des différents mécanismes.
Le représentant a également estimé que les opérations de maintien de la paix ne sauraient se substituer aux efforts nationaux. C’est l’exemple même de la Côte d’Ivoire qui, après le départ de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI), a déployé des efforts politiques et économiques pour réformer le secteur de la sécurité, promouvoir la réconciliation nationale et le développement, a dit le représentant.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a salué les « bonnes pratiques » de la Côte d’Ivoire, rappelant que la réconciliation nationale suppose de faire des compromis et de bâtir des institutions inclusives. Il a insisté sur la nécessité de privilégier la reconstruction du tissu social, en l’absence duquel la paix ne saurait être pérennisée, plaidant pour la participation des femmes et des enfants. Le représentant a ensuite jugé absolument nécessaire d’investir dans les infrastructures. Mais, pour pouvoir attirer les investissements requis, l’état de droit revêt aussi une importance fondamentale, a-t-il souligné.
Enfin, M. Meza-Cuadra a attiré l’attention sur la responsabilité de la communauté internationale vis-à-vis des inégalités croissantes entre pays, notamment dans les domaines des changements climatiques ou de la criminalité transnationale organisée. Dans ce monde interdépendant, il est indispensable de mettre en place un environnement multilatéral efficace, a-t-il conclu.
Mme IRINA SCHOULGIN NYONI (Suède) a salué la résilience et les efforts dont a fait preuve la Côte d’Ivoire pour rétablir la paix et la stabilité et favoriser la croissance économique. Cet exemple montre que la reconstruction et les transitions post-conflit ne peuvent réussir que dans un contexte de larges réformes politiques, économiques et sociales, a fait valoir le représentant.
Dans ce cadre, elle a jugé vital que les efforts de consolidation de la paix, réalisés lors du déploiement d’opérations de maintien de la paix, soient pérennisés. Il est de notre responsabilité collective de garantir une consolidation de la paix cohérente pendant et après les transitions, notamment en matière de financement, a-t-elle dit, soulignant l’importance du Fonds de consolidation de la paix à cet égard. Elle a ajouté que la Suède travaillait à ce type de problématique en tant que Présidente de la formation Libéria de la Commission de consolidation de la paix (CCP).
Elle a d’autre part observé que, dans de nombreux pays, les inégalités croissantes alimentent les conflits sociaux et freinent la croissance économique. En conséquence, a-t-elle pointé, les politiques tendant vers davantage d’égalité, au sens le plus large, créent des sociétés plus pacifiques. Dans un contexte post-conflit, il est également important que les pays en développement reçoivent le soutien dont ils ont besoin pour accroître leurs capacités et participer au système commercial international d’une manière libre, équitable et durable, a relevé la représentante.
Enfin, elle s’est prononcée, à l’instar du Secrétaire général, pour une approche holistique, jugeant que le Programme 2030 ainsi que les résolutions sur la pérennisation de la paix offrent un cadre pour bâtir des sociétés résilientes et s’attaquer aux causes des conflits. À cet égard, la CCP a un rôle clef à jouer dans la mesure où elle conseille le Conseil de sécurité, a-t-elle conclu, assurant que la Suède continuera à œuvrer au renforcement du dialogue entre ces deux instances.
Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a déclaré que la consolidation durable de la paix est une condition fondamentale du développement. Pour atteindre cet objectif, les Nations Unies doivent s’attaquer aux conflits de façon plus large, en recourant à tous les outils de la prévention, du maintien de la paix et de la restauration post-conflit.
Elle a également déclaré que les gouvernements ont un rôle essentiel pour renforcer les droits de l’homme et le développement. Ils ont également un rôle à jouer en matière de fourniture aux populations, leurs droits et services de base. Car il n’y aura aucun processus de paix fructueux sans respect des droits de l’homme, y compris sans l’autonomisation et la participation des jeunes et des femmes, a prévenu la représentante.
M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a rappelé que le Conseil consacre une grande partie de son temps à régler des conflits marqués par des affrontements violents et des pertes de vies considérables. « Mais une fois que le travail acharné pour parvenir à un cessez-le-feu a commencé, ces conflits disparaissent souvent de la Une des journaux et de l’ordre du jour du Conseil. C’est précisément à ce moment que se mène le travail silencieux –et sans doute le plus difficile– pour panser les plaies d’une société déchirée par un conflit. Alors que ce travail relevait historiquement de gouvernements nationaux ou d’organisation non gouvernementale (ONG), a-t-il expliqué, l’ONU a récemment renforcé sa capacité à jouer un rôle de premier plan dans la consolidation de la paix. La décision du Secrétaire général d’intégrer le Bureau d’appui à la consolidation de la paix au Département des affaires politiques a montré que l’ONU cherche à briser les « silos institutionnels » et à mobiliser toute la compétence du système des Nations Unies pour cette tâche, s’est félicité le représentant.
Le récent rapport du Secrétaire général sur le maintien de la paix contient nombre de recommandations importantes, notamment l’élaboration de cadres stratégiques intégrés et le renforcement de la coopération des Nations Unies sur le terrain. « Bien que des progrès aient été réalisés, nous encourageons l’ONU à faire avancer l’ensemble des propositions », a ajouté M. Cohen.
Or, certaines de ces propositions peuvent nécessiter de nouvelles ressources. Nous encourageons les pays à faire des contributions volontaires supplémentaires au Fonds pour la consolidation de la paix, « mais nous ne soutenons pas les efforts visant à lier un pourcentage du budget des opérations de maintien de la paix à ce Fonds », a prévenu le représentant. Dans l’ensemble, toutefois, une coordination et une communication accrues au sein du système de consolidation de la paix onusien ne devraient pas nécessiter de dépenses financières supplémentaires.
Les États-Unis ont identifié plusieurs pratiques optimales communes. Premièrement, la communauté internationale devrait considérer un « accord de paix » ou un cessez-le-feu comme première étape d’un long processus. Deuxièmement, la réconciliation après un conflit prend du temps et ne peut être précipitée. Troisièmement, les acteurs locaux et les sociétés dans leur ensemble doivent participer à cette transition, comme cela a été le cas en Côte d’Ivoire, a conclu le représentant.
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a dit que l’expérience a montré que dans la multiplication des déploiements militaires des Nations Unies, l’aide et l’appui des organisations régionales et sous-régionales ont été bénéfiques, tant en termes d’efficacité opérationnelle que financier. C’est pour cette raison que ces partenariats doivent être renforcés, a plaidé le représentant.
Il a aussi estimé que d’autres acteurs internationaux comme le Fonds monétaire international doivent être intégrés à cette coopération, notamment pour éviter que les pays concernés ne retombent dans le conflit par manque de soutien financier et de développement.
À bien des égards, a reconnu M. FRANÇOIS DELATTRE (France), la Côte d’Ivoire constitue « un modèle en matière de sortie de crise et de reconstruction post-conflit ». Le représentant a abordé les trois dimensions de la reconstruction post-conflit. Premièrement, la reconstruction économique. Après un conflit, la première urgence est de réparer ce que la guerre a détruit: les routes, les infrastructures, les outils de production. « Aucune paix n’est solide si les populations ne ressentent pas de mieux-être dans leur vie quotidienne », a-t-il dit en mettant l’accent sur les objectifs de développement durable.
Deuxièmement, la reconstruction des institutions, une phase dans laquelle l’institution judiciaire a un rôle majeur à jouer. Il s’agit, a précisé M. Delattre, de « rebâtir le contrat social », dans un esprit de redevabilité de l’administration et de rétablissement de l’état de droit. Troisièmement, la reconstruction du vivre-ensemble. Après un conflit, a poursuivi le représentant, surtout après une guerre civile, il faut reconstruire la société et travailler à la réconciliation des ennemis d’hier. D’après lui, la paix doit se préparer « le plus en amont possible », idéalement dès le début du conflit. À cet égard, il a salué la réforme du pilier paix et sécurité du Secrétaire général, ainsi que sa volonté de cibler davantage les femmes et les jeunes.
La France, a indiqué M. Delattre, a mis en place un Fonds « paix et résilience » pour appuyer la sortie de crise et restaurer le lien social dans quatre zones: le Sahel, le bassin du lac Tchad, la zone iraqo-syrienne et la République centrafricaine. Ce Fonds, financé en partie par la taxe sur les transactions financières, est doté de 100 millions d’euros par an, un chiffre appelé à doubler d’ici à 2020.
M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a déclaré que l’aide internationale en matière de paix n’est pas toujours efficace, comme on le voit avec le nombre de pays qui rebasculent dans le conflit. Dans ce contexte, il faut revoir cette aide à l’aune des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité qui demandent que soient respectés les principes de souveraineté et d’appropriation nationales. Selon la Fédération de Russie, « l’aide internationale doit être élaborée sur la base des réalités du terrain ».
Il n’y a « pas de solution unique » qui puisse s’appliquer partout, a insisté le représentant, demandant une prise en compte des indicateurs de terrain et de l’avis des parties nationales. Le potentiel de la Commission de consolidation de la paix n’est pas suffisamment utilisé, a-t-il par ailleurs ajouté, plaidant pour un financement adéquat de ses activités.
Pour M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan), le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et l’initiative Action pour le maintien de la paix du Secrétaire général sont une véritable feuille de route face aux défis qui menacent la paix et la sécurité internationales. Les plans régionaux tels que l’Agenda 2063 de l’Union africaine et « Faire taire les armes d’ici 2020 » en Afrique doivent aussi être appuyés, selon lui, par la Commission de la consolidation de la paix et le Bureau d’appui à la consolidation de la paix. La médiation, les négociations et les mesures de confiance entre les parties concernées pour résoudre les conflits prolongés ainsi que les conflits naissants sont les fondements mêmes de l’architecture de la consolidation de la paix, a-t-il fait observer.
Compte tenu de l’évolution de la nature des conflits, le représentant a préconisé une stratégie multidimensionnelle combinant le maintien et la consolidation de la paix, ainsi que le développement durable, qui doit prendre en compte les changements climatiques et la conservation des ressources naturelles. Pour cela, a-t-il expliqué, il faut revoir comment les mandats sont façonnés et mis en œuvre, notamment à travers un élargissement du concept de paix et de stabilité. C’est fort de son expérience au sein du Conseil de sécurité, après s’être rendu dans la Corne de l’Afrique, la région des Grands Lacs, le bassin du lac Tchad, et en Afghanistan, en Colombie et au Myanmar, et inspiré par l’exemple de la Côte d’Ivoire, que le Kazakhstan propose de renforcer la coordination multilatérale afin d’améliorer les liens entre développement et sécurité, notamment au niveau régional. À cet égard, le délégué a recommandé d’investir dans l’éducation, la création d’emploi et la santé.
M. TAYE ATSKE-SELLASIE (Éthiopie) a espéré que, lorsqu’elle sera « opérationnelle » le mois prochain, la réforme du Secrétaire général renforcera la capacité de l’Organisation à prêter un soutien efficace aux opérations de paix et missions politiques spéciales sur le terrain. Dans ce contexte, le représentant a souligné qu’il faut pleinement utiliser le rôle potentiel de la Commission de consolidation de la paix.
En outre, l’Éthiopie s’est dite convaincue de l’importance des partenariats avec les diverses parties prenantes pertinentes, à commencer par les organisations régionales et sous-régionales, les institutions financières internationales, la société civile, et les organisations privées. M. Atske-Sellasie a cité en exemple les efforts de consolidation de la paix de l’Union africaine, conformément à la mise en œuvre du Cadre d’action de l’Union africaine pour la reconstruction et le développement post-conflit et de l’Initiative de solidarité africaine.
M. PAUL ROBERT TIENDREBEOGO, Ministre de l’Intégration africaine et des Burkinabé de l’extérieur, a souligné que la réussite des plans de reconstruction pour les pays post-crise constituait un important catalyseur vers une paix durable dans ces pays, et que la Cote d’Ivoire offrait à cet égard un exemple riche d’enseignement. Il s’est ainsi félicité de la résolution 2284 (2016) qui a mis un terme au mandat de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI), et ce, après 13 ans de présence dans le pays. Revenant sur la situation au Burkina Faso, et sur la crise politique de 2014-2015, le Ministre a fait état du Plan national de développement économique et social du pays visant à créer les conditions pour un développement inclusif et durable, et ainsi éradiquer les causes profondes des crises.
Il a également mentionné le Programme d’urgence pour le Sahel, adopté en 2017 et d’un coût de 455 milliards de francs CFA, qui se veut être une réponse holistique au double défi socioéconomique et sécuritaire que vit les régions du Nord et du Sahel. Insistant sur la nécessité de l’établissement d’une paix durable, articulée autour de la prévention des facteurs de fragilité interne des États, il a spécifié que les conflits coutaient chers aux États et à la communauté internationale d’où la nécessité d’éviter qu’ils se déclenchent, se poursuivent et s’aggravent.
Le Ministre a en outre déclaré que, face au défi pour la paix que représente le terrorisme dans le Sahel, le Burkina Faso a érigé la lutte contre ce dernier -ainsi que la criminalité transnationale organisée et les trafics illicites-, comme priorité pour le pays. Il a de plus expliqué que le pays prenait activement part aux initiatives visant à établir la sécurité dans le Sahel, et notamment à travers la mise en place de la Force conjointe du G5 Sahel. « Le succès de cette force est un impératif, et un espoir pour les populations affectées » a-t-il martelé, appelant à ce que cette dernière soit placée sous le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.
Il a enfin conclu en appelant à un financement de la Force conjointe mais également du Programme d’investissement prioritaire (PIP), dont la première conférence de coordination des bailleurs et partenaires se tiendra demain 6 décembre à Nouakchott.
Mme VALENTINE RUGWABIZA (Rwanda) a déclaré que ce qui est commun aux nations qui ont réussi à se sortir de situations post-conflit tient à l’appropriation nationale des processus de reconstruction, à la centralité et au renforcement des institutions étatiques, mais aussi à l’appui des partenaires régionaux et internationaux, dont les Nations Unies. L’expérience de reconstruction post-génocide du Rwanda, basée sur les piliers de la sécurité, de la paix et de la stabilité, du renforcement des institutions et du développement peut servir d’exemple à d’autres pays, a déclaré la représentante.
Elle a alors expliqué que le but ultime de toute réforme post-conflit doit être de créer les conditions d’une croissance économique durable et du respect des droits de l’homme. Ces réformes doivent également viser à s’attaquer aux causes majeures des conflits, dans le but de ne pas basculer à nouveau. Il faut également s’assurer de bâtir des institutions fortes et de garantir la sécurité à chaque citoyen, par exemple en désarmant et réintégrant les anciens combattants, afin qu’ils participent eux aussi aux processus de reconstruction, a-t-elle dit.
M. KORO BESSHO (Japon) a dit croire que la paix, loin d’être une chose transitoire telle qu’un cessez-le-feu, implique le maintien continu de la sécurité et de la stabilité bien après la signature d’un accord. Pour parvenir à la paix, à la sécurité et à la stabilité durables dans un pays post-conflit, il est essentiel de le doter de capacités et de renforcer la confiance entre l’État et son peuple, a fait valoir le représentant, notant que cette problématique est au centre des travaux du Conseil de sécurité et de la Commission de consolidation de la paix (CCP).
S’agissant de la consolidation de la paix en Afrique, le Japon défend trois principes, a poursuivi M. Bessho. Le premier de ces principes consiste à mettre l’accent sur les personnes sur le terrain, tout en veillant à protéger et autonomiser les personnes vulnérables en partenariat avec tous les acteurs pertinents qui travaillent à la prévention. Le deuxième, a-t-il énoncé, vise à améliorer les conditions de vie au travers du développement économique. Enfin, le Japon plaide pour la tolérance et la diversité.
Tous ces principes sont en phase avec la philosophie de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD), qui est axée sur la propriété et le partenariat, a souligné le représentant. Dans la perspective de la septième édition de cette Conférence, en août prochain, le Japon a accueilli un groupe d’éminentes personnalités composées de cinq présidents de l’Afrique afin d’évoquer avec eux les défis que représentent la réalisation de la paix et de la stabilité sur le continent.
M. Bessho a estimé à cet égard que la Côte d’Ivoire fait figure de « bon exemple » en matière de consolidation et de pérennisation de la paix, ajoutant que le Japon mettait actuellement en œuvre un projet destiné à promouvoir la réconciliation et à développer les infrastructures dans ce pays.
M. CHEIKH NIANG (Sénégal) a noté que les leçons apprises de la reconstruction post-conflit, notamment en Afrique, révèlent que les pays concernés sont en général politiquement fragiles, leurs institutions souvent faibles et leur économie vulnérable. Les défis sont colossaux et leurs besoins en termes d’assistance le sont tout autant, a souligné le représentant, préconisant une approche holistique et coordonnée pour y répondre.
À ses yeux, au-delà de la réconciliation nationale, le redressement de la situation sécuritaire dans un pays post-conflit est « un préalable pour le reste de la chaîne de reconstruction ». Le Mali offre à cet égard un exemple de l’impact négatif des problèmes sécuritaires dans les efforts de redressement post-conflit, a-t-il relevé.
Il a d’autre part constaté que l’absence de financements durables et prévisibles constitue un obstacle majeur à la mise en œuvre des programmes nationaux de reconstruction post-conflit. C’est pourquoi, a-t-il poursuivi, il convient de maintenir et de renforcer le soutien et l’accompagnement des pays en phase de transition vers la paix, ce qui passe par la concrétisation des engagements souscrits dans le cadre des conférences de donateurs.
Saluant la « transition réussie » en Côte d’Ivoire, M. Niang a plaidé pour que des activités de consolidation de la paix soient développées « dès les premières étapes de la vie des missions » et que soient créées les conditions propices au transfert des fonctions aux pays concernés au moment du retrait des opérations de paix. Il a enfin appelé au renforcement du partenariat stratégique entre l’ONU et l’Union africaine afin de développer une meilleure coordination ainsi qu’une rationalisation des efforts sur le terrain.