Conseil de sécurité: l’Équipe d’enquêteurs sur les crimes de Daech en Iraq s’emploie à établir des bases solides pour ses activités futures
Cet après-midi, le Conseiller spécial et Chef de l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes (UNITAD), M. Karim Asad Ahmad Khan, qui présentait son premier rapport au Conseil de sécurité, a affirmé que cette Équipe n’aura pas seulement besoin de ressources, elle devra également collaborer activement avec différents acteurs nationaux, notamment le Gouvernement iraquien, des groupes de victimes, des organisations religieuses et des organismes de la société civile.
Créée par la résolution 2379 (2017) du Conseil de sécurité, à la demande de l’Iraq, l’Équipe d’enquêteurs a commencé à travailler de manière formelle le 20 août 2018, puis déployé ses premiers éléments à Bagdad le 29 octobre dernier, en vue d’entamer les enquêtes au cours du premier trimestre de 2019. L’Équipe est chargée de recueillir, conserver et stocker des éléments de preuve en Iraq d’actes susceptibles de constituer des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes de génocide perpétrés par Daech dans le pays.
L’Équipe d’enquêteurs, a assuré le Conseiller spécial, compte bien fonctionner en tant que mécanisme « indépendant, impartial et crédible », capable de mener ses travaux selon les normes les plus élevées possibles. Elle s’efforcera aussi de coopérer avec le Gouvernement iraquien, dans le plein respect de sa souveraineté nationale, a-t-il déclaré, indiquant avoir déjà reçu le soutien du Premier Ministre iraquien, M. Adel Abdel-Mehdi, à cet effet.
M. Khan a expliqué qu’il a établi une première stratégie qui guidera les activités des enquêteurs. Parallèlement, l’Équipe s’est attachée à mettre en place les moyens financiers, logistiques et administratifs dont elle aura besoin pour ses activités de fond.
La séance d’information a surtout donné l’occasion aux délégations de réaffirmer leur appui à l’Équipe d’enquêteurs. Depuis que Daech a été chassé de ses bastions en Iraq, l’ampleur des atrocités commises est clairement apparue et la communauté internationale n’a cessé de souligner qu’il fallait que les hauts responsables rendent compte de leurs crimes.
En écho aux priorités exprimées par le Chef de ladite Équipe, nombre d’intervenants, notamment le Royaume-Uni, la France, les États-Unis ou encore le Koweït, la Côte d’Ivoire et la Bolivie, ont jugé « essentiel » de mettre en place un mécanisme de coopération entre l’Équipe, le Gouvernement iraquien, le Conseil de sécurité et la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI), notamment pour permettre une collecte efficace des éléments de preuve et veiller à ce que ces éléments puissent être présentés en temps opportun devant les tribunaux.
Tout en appelant également à cette coopération, la Chine et la Fédération de Russie ont toutefois insisté sur la nécessité pour ce mécanisme de conduire ses travaux dans le plein respect de la souveraineté de l’Iraq et de sa compétence juridique pour les crimes perpétrés sur son territoire. Cette Équipe créée à la demande même de Bagdad « n’est ni un organisme judiciaire ni un parquet international. Elle doit se contenter de réunir les éléments de preuve pour les remettre ensuite au système judiciaire iraquien », comme le stipule d’ailleurs la résolution portant sa création, a ainsi rappelé le représentant russe.
La résolution 2379 (2017) insiste sur la souveraineté nationale, a renchéri le représentant de l’Iraq. Selon lui, les éléments recueillis devront être utilisés dans le cadre du système judiciaire national, et toute autre utilisation devra obtenir préalablement l’aval des autorités. Il a donné l’assurance que les accusés bénéficieraient de garanties de procédures régulières à toutes les étapes de leur jugement.
Son gouvernement place de grands espoirs dans les travaux de cette Équipe, dont il s’efforce de faciliter le déploiement à travers le pays, a poursuivi le représentant iraquien. La communauté internationale doit s’efforcer d’aider l’Iraq à renforcer ses capacités judiciaires, a-t-il plaidé. À cet égard, il a salué les contributions du Royaume-Uni, des Pays-Bas et du Qatar au fonds d’affectation spéciale.
« Les victimes sont au cœur de la résolution », a souligné le Royaume-Uni, appelant à ce que justice soit rendue pour les femmes, les enfants et les hommes des communautés victimes de Daech. Dans le même esprit, les Pays-Bas ont salué la volonté du Conseiller spécial de placer la protection des survivants et des victimes au cœur des travaux de l’Équipe d’enquêteurs, et encouragé celle-ci à établir des ponts avec les communautés affectées.
À l’instar de la Suède par exemple, la France a mentionné le rôle de Nadia Murad, prix Nobel de la paix 2018 et Ambassadrice des Nations Unies pour les victimes du trafic d’êtres humains. La France a annoncé qu’elle contribuera au Fonds pour la reconstruction de Sinjar, région particulièrement marquée par les exactions de Daech, et qu’elle accueillera l’année prochaine la conférence de suivi du Plan d’action de Paris en soutien aux victimes de violences ethnique et religieuse au Moyen-Orient.
Comme l’indique le rapport, l’Équipe a présenté à l’Assemblée générale un budget qui, à son avis, lui permettra de disposer de ressources qui l’aideront à faire face aux problèmes qui pourraient se poser au cours des prochains mois, d’être dotée d’une structure bien calibrée et d’utiliser au mieux les moyens qui lui seront octroyés.
Par ailleurs, plusieurs délégations ont présenté leurs condoléances au peuple américain à la suite du décès, le 30 novembre dernier, de l’ancien Président des États-Unis, George H. W. Bush.
MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES (S/2018/1031)
Déclarations
M. KARIM ASAD AHMAD KHAN, Conseiller spécial et Chef de l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes (UNITAD), a rappelé que c’est par sa résolution 2379 (2017) que le Conseil de sécurité a répondu à l’unanimité à un appel à l’assistance du Gouvernement iraquien pour s’assurer que les membres de Daech/État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) répondent des crimes qu’ils ont commis en Iraq.
Notant que les actes terroristes de Daech constituent une menace pour la paix et la sécurité internationales, le Conseil a demandé la création d’une équipe d’enquêteurs indépendante à l’appui des efforts engagés à l’échelle nationale pour amener les responsables à rendre des comptes, qui serait chargée de recueillir, conserver et stocker des éléments de preuve en Iraq d’actes susceptibles de constituer des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes de génocide perpétrés par Daech dans le pays.
Depuis qu’elle a commencé à travailler de manière formelle le 20 août 2018, l’Équipe d’enquêteurs s’est dotée d’une stratégie et a adopté ses premières priorités opérationnelles à l’appui de son mandat, a expliqué M. Khan. Les premiers éléments de l’Équipe sont arrivés à Bagdad le 29 octobre 2018 et ont commencé à établir une plateforme de travail solide en vue d’entamer les enquêtes, début 2019.
L’Équipe d’enquêteurs souhaite fonctionner en tant que mécanisme indépendant, impartial et crédible, capable de mener ses travaux selon les normes les plus élevées possibles, a assuré le Conseiller spécial. Elle cherchera aussi à collaborer et coopérer étroitement avec le Gouvernement iraquien, dans le plein respect de sa souveraineté nationale.
En ce qui concerne le fond de ses activités, a poursuivi M. Khan, l’Équipe a entamé des travaux sur l’élaboration de procédures permanentes d’exploitation, notamment la collecte, la préservation et le stockage des données probantes, la gestion de l’information ou la protection des témoins. Des activités de cartographie initiales ont également été entreprises afin de recenser les principales sources de matériels et de preuves existantes. Elle a également recensé les relations institutionnelles développées avec différents partenaires, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du système des Nations Unies, en vue de faciliter la transmission de ces matériels à l’Équipe d’enquêteurs.
S’agissant de la composition de l’Équipe, le recrutement initial progresse, a expliqué son Chef. Elle compte des personnels nationaux et internationaux. Mais il faut souligner que l’intégration réussie du personnel professionnel national iraquien dans l’Équipe est essentielle, a insisté M. Khan, ajoutant que l’objectif est de favoriser une relation mutuellement solidaire entre les fonctionnaires internationaux et nationaux, facilitant de cette façon le transfert d’expertise entre les deux éléments.
L’équipe a notamment comme priorité une coopération avec le Gouvernement iraquien, les groupes religieux, les entités gouvernementales régionales, les organismes non gouvernementaux et autres acteurs nationaux clefs. « Cela sera crucial pour la réalisation réussie de notre mandat », a insisté le Conseiller spécial, indiquant qu’à cet égard, il avait lui-même, en août dernier, rencontré des hauts fonctionnaires iraquiens, des survivants, groupes de la société civile et des membres des communautés chrétienne, chiite, sunnite, turkmène chiite, Kaka’i et yézidie pour les informer du mandat de l’Équipe. Plus, récemment, lors d’une rencontre entre les deux hommes, le Premier Ministre iraquien lui a assuré de la coopération de son gouvernement.
Par ailleurs, depuis l’arrivée en Iraq des premiers éléments de l’Équipe, des discussions fructueuses ont eu lieu avec le Comité directeur désigné par le Gouvernement iraquien. Au cours de cette rencontre les mécanismes de coopération entre l’Équipe d’enquêteurs et les autorités nationales iraquiennes ont été élaborés et clarifiés. Une liaison productive avec les acteurs de la sécurité nationale a été établie, afin de veiller à ce que l’Équipe puisse entreprendre ses activités de manière sûre et sécuritaire.
Alors que l’Équipe doit commencer à enquêter, début 2019, M. Kahn a indiqué qu’il reviendra en mai prochain informer le Conseil de ses activités. Dans ce contexte, il a espéré que le projet de budget censé financer les activités de l’Équipe, et qui est d’ores-et-déjà soumis à l’Assemblée générale pour examen, recevra l’appui des États Membres dans les semaines à venir. En attendant, il a remercié les États qui ont déjà versé des contributions au Fonds d’affectation spéciale créé par la résolution 2379 (2017).
Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) s’est félicitée de l’appui apporté par la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI) au déploiement initial de l’Équipe d’enquêteurs en Iraq. Il est maintenant essentiel, a-t-elle dit, de mettre en place un mécanisme de coopération entre l’Équipe et le Gouvernement iraquien, pour permettre une collecte efficace des éléments de preuve et veiller à ce que ces éléments puissent être présentés en temps opportun devant les tribunaux. Pour sa délégation, qui cofinance cette Équipe, les contributions volontaires devraient servir à recruter des personnes compétentes. « Les victimes sont au cœur de la résolution » ayant permis la création de l’Équipe, a rappelé Mme Pierce, soulignant à quel point il est essentiel que justice soit rendue pour les femmes, les enfants et les hommes des communautés victimes de Daech.
M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a dit la disponibilité de son gouvernement à travailler avec l’Équipe d’enquêteurs dans le contexte où des preuves existent que Daech a commis de graves crimes internationaux. Des charniers ont été récemment découverts, a-t-il rappelé. Les États-Unis entendent fournir 2 millions de dollars à l’Équipe et appellent d’autres États à en faire autant. Pourtant, a prévenu le représentant, « l’argent à lui seul ne suffira pas pour que les enquêteurs remplissent correctement leur mandat ». Il leur faudra coopérer étroitement avec le Gouvernement iraquien, la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI) et les acteurs de la société civile sur le terrain, a-t-il insisté.
M. GENNADY V. KUZMIN (Fédération de Russie) a estimé qu’il ne pouvait y avoir « deux poids, deux mesures » dans les procédures judiciaires. La résolution 2379 (2017), en vertu de laquelle cette Équipe d’enquêteurs a été créée, souligne que son activité doit être conduite dans le plein respect de la compétence juridique de l’Iraq pour les crimes perpétrés sur son territoire, a-t-il rappelé. Il faut souligner, a ajouté le représentant, que cette Équipe créée à la demande de Bagdad « n’est ni un organisme judiciaire ni un parquet international », mais doit se contenter de réunir les éléments de preuve pour les remettre ensuite au système judiciaire iraquien.
Le représentant a mis l’Équipe d’enquêteurs en garde contre le fait d’établir « tout contact » avec les représentants du Mécanisme d’enquête international, impartial et indépendant sur les crimes les plus graves commis en Syrie, créé par l’Assemblée générale en décembre 2016, et qu’il a qualifié de « structure légitime ». La délégation russe a ensuite rappelé que cette initiative de créer une Équipe d’enquêteurs s’inscrit dans le contexte du droit pénal, et non du droit international humanitaire. « Nous espérons que ses travaux se feront de manière impartiale et transparente », a-t-il déclaré. Le « soi-disant califat de l’EIIL » a subi un « échec foudroyant » en Syrie grâce à l’aide de la Fédération de Russie, mais il reste nuisible sur le territoire iraquien, a analysé le représentant, en plaidant, en conclusion, pour que soit renforcée l’armée iraquienne.
Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a axé son intervention sur trois aspects, portant notamment sur le soutien à l’action de l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant à répondre de ses crimes (UNITAD). Elle a également abordé la protection et le soutien aux survivants et aux victimes ainsi que la question de la reddition de comptes. Elle a appuyé les priorités définies par le Conseiller spécial et Chef de l’Équipe d’enquêteurs dans son premier rapport. Les actes perpétrés par Daech sont susceptibles de constituer des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes de génocide, a-t-elle souligné. Elle a reconnu l’immensité de la tâche du Gouvernement iraquien et du Conseiller spécial lors des enquêtes qui seront entamées en 2019. Elle a souhaité voir une « étroite collaboration » entre la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI) et l’Équipe qui soit marquée par une véritable complémentarité afin de « tirer le meilleur parti de cette phase initiale cruciale ».
Soucieux de mettre fin à l’impunité et aux atrocités commises par Daech, les Pays-Bas se sont engagés à contribuer financièrement aux travaux de l’Équipe d’enquêteurs. Mme Van Haaren a salué la volonté du Conseiller spécial de placer la protection des survivants et victimes au cœur de ces travaux et encouragé l’Équipe à établir des ponts avec les communautés affectées, notamment les femmes. Elle a vu dans cette approche une reconnaissance de l’activisme mené par Nadia Murad, qui a permis de faire la lumière sur certains des crimes les plus atroces. Mme Murad qui recevra le prix Nobel de la paix la semaine prochaine, à Oslo, a permis de libérer la parole des survivants des violences sexuelles et sexistes, notamment les communautés yézidies ainsi que d’autres victimes iraquiennes. Pour finir, elle a souhaité que les éléments de preuve réunis par l’Équipe ne soient utilisés que dans des poursuites qui respectent les normes juridiques internationales les plus strictes et qu’aucune peine capitale ne soit appliquée.
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a commencé par rendre un hommage appuyé à l’ancien Président des États-Unis, George H. W. Bush, décédé le 30 novembre dernier. Il tenait une place particulière dans les cœurs des Koweïtiens, a dit le représentant, rappelant qu’il avait joué un rôle majeur dans la formation de la coalition internationale qui avait libéré, en 1991, le Koweït de l’occupation iraquienne. Abordant la question du jour, le représentant a insisté sur la nécessité pour l’Équipe d’enquêteurs de travailler en coopération avec le Gouvernement iraquien, tout en respectant sa souveraineté. « Cela est essentiel pour garantir l’efficacité de ses travaux », a-t-il assuré.
Pour M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan), la résolution 2379 (2017) illustre le plein soutien de la communauté internationale à la lutte contre le terrorisme qui constitue une menace pour le monde entier. Ce texte représente, à ses yeux, la pierre angulaire pour s’assurer que les membres de Daech/État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) répondent des crimes commis à l’intérieur et en dehors de l’Iraq.
Les données qui seront recueillies par l’Équipe d’enquêteurs seront mises à profit pour analyser et préserver les preuves afin de traduire en justice les responsables des atrocités et des crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis contre des enfants, des femmes et des civils. Il a fait part de sa conviction que « ces criminels sont également coupables de la destruction des sites et patrimoines culturels ».
Le représentant a salué le travail de fond accompli par l’Équipe et son Chef en un laps de temps aussi court et appuyé son approche en vue d’enquêter sur ces crimes. Il a estimé important que les éléments de preuve soient préservés conformément aux normes internationales et que les organisations non gouvernementales et civiques concernées, y compris les groupes de victimes, soient considérés comme des partenaires. Il a également appuyé la volonté de la mise en place d’un groupe spécialisé chargé de la protection des victimes et témoins des atrocités pour fournir conseil et assistance à l’Équipe des enquêteurs en vue de garantir le maximum de protection aux victimes. Il a rappelé que conformément à son mandat, l’Équipe peut interagir avec l’ensemble des structures et organes des Nations Unies chargés d’enquêter sur les crimes commis par Daech.
M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) s’est félicité de constater qu’au terme d’un processus difficile et complexe, un premier rapport de l’Équipe d’enquêteurs a été présenté aujourd’hui. Pendant qu’il sévissait en Iraq, Daech a commis en toute impunité plusieurs crimes susceptibles de constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, a rappelé le représentant. Face à l’ampleur « effarante » de ces crimes, et afin de clairement établir les responsabilités, il est nécessaire que l’ONU donne à l’Équipe tout le soutien nécessaire, qu’il s’agisse des moyens logistiques ou des infrastructures dont elle a besoin pour s’acquitter avec efficacité de son mandat, a souligné le représentant. Ce travail devra se faire dans le respect de l’impartialité et de l’indépendance de l’Iraq grâce à un soutien collectif à ce pays, a-t-il ajouté. « Tout ceci permettra un éveil des consciences quant à la nécessité que de tels actes ne se reproduisent jamais dans le contexte de conflits armés. »
Mme SHERAZ GASRI (France) a souligné l’engagement de la France dans la lutte contre le terrorisme en Iraq ainsi que pour l’effort de reconstruction du pays. À titre d’exemple, elle a mentionné le Fonds pour la reconstruction de Sinjar, région particulièrement marquée par les exactions de Daech, lancé par le prix Nobel de la paix et Ambassadrice des Nations Unies pour les victimes du trafic d’êtres humains, Nadia Murad, auquel la France contribuera. Par ailleurs, a-t-elle annoncé, Paris accueillera en 2019 la prochaine conférence de suivi du Plan d’action de Paris en soutien aux victimes de violences ethnique et religieuse au Moyen-Orient, qui comprend un important volet sur la lutte contre l’impunité et a permis la mise en place d’un Fonds d’aide aux victimes. « L’opérationnalisation de l’Équipe d’enquêteurs contribuera pleinement à cet objectif. »
Revenant sur le soutien que les États Membres peuvent apporter au Conseiller spécial et à son équipe, Mme Gasri a insisté sur l’importance des ressources, notamment financières, à mettre à la disposition de l’Équipe d’enquêteurs, ainsi que sur la coopération avec l’Iraq et avec les mécanismes pertinents des Nations Unies, et enfin sur l’importance de la justice, à laquelle les victimes de Daech partout dans le monde doivent pouvoir avoir accès. Elle a conclu en soulignant la nécessité de la réconciliation nationale en Iraq et de la mise en place d’une gouvernance inclusive pour le pays.
M. MARIUSZ LEWICKI (Pologne) a, lui aussi, présenté ses condoléances au « peuple des États-Unis », après le décès de l’ancien Président George H. W. Bush, « un homme qui a joué un très grand rôle dans la transition des pays d’Europe de l’Est, comme la Pologne ». S’agissant de l’Équipe d’enquêteurs, le représentant a apprécié que des personnels iraquiens participent à sa composition, à côté des autres personnels étrangers. Cela permettra, selon lui, une meilleure collecte des preuves auprès des communautés touchées par les crimes commis par Daech.
M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a félicité une nouvelle fois Nadia Murad, estimant que le prix Nobel de la paix récompense ses efforts visant à éradiquer la violence sexuelle dans les conflits. Il s’agit d’une distinction importante pour toutes les victimes de Daech, a-t-il dit, avant de saluer la vision et les priorités stratégiques exposées par le Conseiller spécial, notamment son approche basée sur les victimes. À cet égard, le représentant a jugé essentielle la création d’une unité de protection spécialisée pour les victimes et les témoins. Mais celle-ci doit être équipée de manière appropriée et dotée des ressources nécessaires pour réunir efficacement les preuves des crimes commis par Daech, en particulier les violences sexuelles ou à caractère sexiste, a-t-il plaidé, tout en se réjouissant de l’étroite coopération prévue entre cette entité, le Bureau de la Représentante spéciale chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflits et l’Équipe d’experts traitant de l’état de droit et des questions touchant les violences sexuelles commises en période de conflit.
Saluant par ailleurs la coordination entre l’Équipe d’enquêteurs de M. Khan et le comité de pilotage désigné par le Gouvernement iraquien, le représentant a estimé que l’Équipe, en tant qu’institution impartiale, peut aider de façon décisive l’Iraq à développer ses capacités dans le secteur juridique. Selon lui, l’établissement de liens avec les minorités ethniques et religieuses, les organisations non gouvernementales et les autres parties prenantes sera central pour son développement. Le délégué a également encouragé les autorités iraquiennes à mettre en place des législations qui garantissent que les auteurs de crimes internationaux soient jugés en Iraq, conformément aux principes de l’état de droit et de l’équité des procédures. Enfin, rappelant que la Suède a figuré parmi les premiers pays à traduire en justice des auteurs présumés de crimes de guerre perpétrés en Iraq et en Syrie, il s’est réjoui que l’Équipe bénéficie d’un soutien en matière de compétence universelle lui permettant notamment de procéder à des échanges d’informations et d’intervenir dans des juridictions nationales au travers de l’assistance mutuelle.
M. WU HAITAO (Chine) a pris note du rapport qui a été présenté aujourd’hui, estimant que l’Équipe d’enquêteurs doit coopérer avec la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI) et les autres entités onusiennes dans le pays pour éviter la création de doublons. Il est nécessaire, selon lui, d’agir dans le respect de la Charte des Nations Unies et de respecter la souveraineté iraquienne dans le cadre des enquêtes menées sur le sol iraquien. La Chine est, pour sa part, disposée à œuvrer avec la communauté internationale dans le cadre de sa coopération avec l’Équipe, a ajouté la délégation.
M. FRANCISCO TENYA (Pérou) a jugé essentiel de doter l’Équipe d’enquêteurs des ressources et moyens financiers et technologiques nécessaires pour remplir son mandat. Pour ce faire, il faut un soutien et une coopération du Gouvernement iraquien, du Département des affaires juridiques des Nations Unies mais aussi de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI.) L’Équipe chargée de concourir à amener Daech à répondre de ses crimes a d’autant plus besoin d’être appuyée que Daech, malgré sa défaite militaire, est encore présent dans certaines zones de l’Iraq, a conclu le représentant.
M. HAILESELASSIE SUBBA GEBRU (Éthiopie) a rappelé que la résolution 2379 (2017) du Conseil de sécurité, dont l’objectif est d’amener les membres de Daech à répondre de crimes qu’ils ont commis en Iraq, a été adoptée sous la Présidence éthiopienne du Conseil. Ainsi, sa délégation soutient la mise en place de l’Équipe d’enquêteurs dirigée par le Conseiller spécial, en vue d’appuyer les efforts iraquiens de collecte et de conservation des éléments de preuves d’actes « qui peuvent être considérés comme des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes de génocide ». « Cela doit se faire dans le respect le plus total de la souveraineté iraquienne et de sa juridiction pour les crimes commis sur son territoire », a-t-elle souligné.
M. Gebru a pris note du fait que l’Équipe avait formellement commencé ses travaux et soumis son premier rapport sur la base de la résolution 2379 (2017). Par ailleurs, il s’est félicité des échanges qui ont eu lieu entre le Conseiller spécial et les comités des sanctions sur Daech et Al-Qaida, ainsi que des échanges qu’il a eues avec les autorités iraquiennes dans les domaines de l’exécutif, du législatif et du judiciaire, des survivants, des groupes de la société civile et des membres des communautés chrétienne, chiite, sunnite, chiite turkmène et yézidie. À la lumière de la gravité des actes commis par Daech en Iraq, le pays doit pouvoir compter sur une assistance technique et juridique pour permettre le renforcement de ses capacités, notamment de ses tribunaux et de son système judiciaire, a plaidé le représentant.
M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) a rappelé que l’Iraq a un nouveau gouvernement qui a pour mission d’œuvrer à la réconciliation nationale et à l’établissement des responsabilités. La découverte récente de plus de 200 charniers dans les régions d’Iraq tenues de 2014 à 2017 par Daech, montre la brutalité de celui-ci, a-t-il déclaré. Le représentant a préconisé de renforcer la base de données génétiques qui permettrait d’identifier les dépouilles des victimes de ce groupe terroriste. Selon lui, il est nécessaire que l’Équipe d’enquêteurs travaille en coordination avec les différents organes subsidiaires du Conseil de sécurité pour plus d’efficacité. Pour le représentant enfin, il faut rappeler que les « politiques de changement de régime des États » représentent l’une des raisons qui expliquent l’émergence du terrorisme au Moyen-Orient.
Après avoir évoqué la découverte récente de 202 fosses communes dans les provinces du nord et de l’ouest de l’Iraq dans lesquelles plus de 12 000 corps ont été retrouvés, témoignage de la cruauté de Daech, M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) a appelé les États Membres à soutenir l’Équipe d’enquêteurs des Nations Unies chargée de concourir à amener Daech/État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) à répondre de ses crimes. Daech, avec notamment ses 30 000 combattants terroristes étrangers, la diversification de ses ressources financières, l’utilisation des médias sociaux et la manipulation des tribus locales, continue de représenter « une menace sérieuse pour la stabilité du pays ainsi que pour la paix et la sécurité internationales », a-t-il mis en garde.
M. Adom s’est néanmoins réjoui des réformes engagées visant la restructuration et l’amélioration de l’architecture antiterroriste des Nations Unies, à travers notamment la création du Bureau de lutte contre le terrorisme et l’adoption de la résolution 2354 (2017). Enfin, il a rappelé la responsabilité qui incombe au Conseil de sécurité et la nécessaire coopération sur les plans régional et international dans la lutte contre Daech et ses groupes associés.
M. MOHAMMED HUSSEIN BAHR ALULOOM (Iraq) a rappelé que la communauté internationale avait souhaité apporter son aide à l’Iraq à la suite de sa victoire militaire sur Daech, en adoptant la résolution portant création de l’Équipe d’enquêteurs chargée de recueillir les éléments de preuve des crimes commis par cette organisation terroriste. Son gouvernement place de grands espoirs dans les travaux de cette Équipe, dont il s’efforce de faciliter le déploiement à travers le pays, a-t-il assuré. La résolution 2379 (2017) insiste sur la souveraineté nationale, a poursuivi le représentant, qui a expliqué que les éléments recueillis devront être utilisés dans le cadre du système judicaire national, et que toute autre utilisation devra obtenir préalablement l’aval des autorités. Il a tenu à insister sur le fait que le Gouvernement iraquien doit pouvoir exercer sa souveraineté, avant de donner l’assurance que les accusés bénéficieraient de garanties de procédures régulières à toutes les étapes de leur jugement.
M. Aluloom a réaffirmé l’impartialité et l’indépendance de l’Équipe d’enquêteurs, avant de garantir que son gouvernement examinera « de manière optimale » les résultats de ses travaux. La communauté internationale doit s’efforcer d’aider l’Iraq à renforcer ses capacités judiciaires, a plaidé la délégation. Aussi, son représentant a-t-il salué les contributions du Royaume-Uni, des Pays-Bas et du Qatar au fonds d’affectation spéciale de l’Équipe, avant d’inviter les autres États Membres à suivre leur exemple.