Conseil de sécurité: le sort « de millions de Syriens » dépend du renouvellement de l’aide humanitaire transfrontalière, souligne l’ONU
À l’approche de l’expiration du Mécanisme de surveillance de l’acheminement de l’aide transfrontalière humanitaire en Syrie, le 10 janvier prochain, la Directrice du plaidoyer et des opérations du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a, ce matin, relayé l’appel du Secrétaire général de l’ONU au Conseil de sécurité pour que celui-ci renouvelle, pour une année supplémentaire, ce Mécanisme dont « dépendent des millions de personnes ».
Mme Reena Ghelani était venue présenter le dernier rapport en date du Chef de l’Organisation sur le respect, par l’ensemble des parties, de la résolution 2390 (2017) –la dernière à avoir reconduit le Mécanisme–, et d’un certain nombre d’autres résolutions relatives à l’acheminement de l’aide humanitaire en Syrie. En leur qualité de délégations porte-plumes sur cette question, le Koweït et la Suède ont annoncé leur intention de faire circuler sous peu auprès des autres membres du Conseil un projet de texte à cette fin.
« On ne saurait trop insister sur l’importance que revêt […] la reconduction des modalités définies dans [les résolutions pertinentes], selon lesquelles l’aide humanitaire doit parvenir par les voies les plus directes aux gens qui en ont besoin, y compris par le franchissement des frontières. L’ONU n’a pas d’autre moyen d’avoir accès aux personnes ayant besoin d’une assistance », observe le Secrétaire général dans ce document, qui couvre le mois d’octobre 2018.
Le tableau contrasté que Mme Ghelani a dressé aujourd’hui comportait un rayon d’espoir, à savoir le fait que l’ONU et le Croissant-Rouge arabe syrien ont été en mesure de prêter assistance à près de 50 000 personnes, « des femmes et des enfants pour les trois quarts d’entre eux », dans le camp de Roukban, situé à la frontière syro-jordanienne, où la situation humanitaire est « dramatique ».
Ainsi, entre les 3 et 8 novembre, une opération conjointe de l’ONU et du Croissant-Rouge arabe syrien a été approuvée par le Gouvernement syrien et facilitée par la Fédération de Russie et les États-Unis. « Il s’agit de la première livraison majeure d’assistance matérielle à la population de Roukban depuis janvier dernier, et toute la première fois qu’une telle aide a pu être livrée depuis l’intérieur de la Syrie », s’est félicitée la Directrice, en faisant également valoir la vaccination de 5 000 enfants sur place, en partenariat avec le Ministère syrien de la santé.
« La distribution de l’aide à Roukban est un exemple clair que la Russie et les États-Unis peuvent travailler ensemble pour aider le peuple syrien et que [Moscou] peut obtenir l’approbation du régime pour les livraisons humanitaires. Il n’y a aucune raison concevable pour que le régime syrien bloque les livraisons futures. Nous sommes disposés à coopérer avec la Russie pour maintenir cet arrangement, et espérons qu’elle pourra travailler avec Damas afin de faciliter davantage de livraisons à l’avenir », a déclaré le représentant américain, en espérant que cela serait à nouveau possible à la mi-décembre.
L’aide transfrontalière reste cependant un élément essentiel de la réponse onusienne en Syrie, a souligné Mme Ghelani. « Rien que ce mois-ci, près de 600 000 Syriens ont reçu une aide alimentaire de l’ONU acheminée depuis la Turquie via les points de passage de Bab el-Salam et Bab el-Haoua. Les livraisons transfrontalières comprenaient également des médicaments, des fournitures scolaires et d’autres articles non alimentaires pour des centaines de milliers de personnes, a précisé la haute fonctionnaire.
Celle-ci a rappelé que l’assistance transfrontalière de l’ONU est contrôlée par le Mécanisme aux points de passage frontaliers désignés. Chaque camion est vérifié pour s’assurer qu’il ne contient que des fournitures humanitaires; les livraisons sont confirmées par des contrôleurs tiers sous contrat avec l’ONU à leur arrivée dans des entrepôts à l’intérieur de la Syrie; et il y a également une surveillance post-distribution, a-t-elle expliqué.
La Fédération de Russie s’est toutefois dite « dubitative » quant à l’efficacité de l’aide transfrontalière, s’appuyant sur des « preuves » selon lesquelles elle serait détournée par des groupes terroristes et revendue sur les marchés. Un de ces groupes aurait levé 2 millions de dollars par mois, s’est alarmée la délégation, en déplorant que les rapports du Secrétaire général ne traitent « pas suffisamment » et « en profondeur » de cette question.
Autre motif de préoccupation pour le représentant russe, la présence de la « coalition » dirigée par les États-Unis, qui s’étendrait désormais à 19 bases d’opération en Syrie, avec des installations militaires « quasi-étatiques », dont les vraies motivations ne seraient pas connues, selon lui. Il s’est enfin élevé contre le fait que de « nombreuses capitales européennes » continueraient de soutenir des groupes dits d’opposition, qui fournissent les terroristes en armes, en déplorant le silence supposé du Conseil de sécurité à ce sujet.
À l’opposé de son homologue russe, pour qui la situation humanitaire s’améliorerait en Syrie, en particulier dans les régions sous contrôle gouvernemental, le représentant des États-Unis a estimé qu’« il suffit de regarder les événements du week-end à Alep, où le régime syrien aurait fait état d’une prétendue attaque chimique et où des frappes aériennes russes auraient touché la zone démilitarisée turco-russe » pour « voir à quel point la situation est fragile ».
Pour la délégation américaine, à ce jour, le cessez-le-feu que la Russie s’était engagée à instaurer à Edleb en vertu du communiqué du Sommet d’Istanbul du 27 octobre n’a entraîné qu’« une réduction très substantielle de la violence ». En effet, a relaté Mme Ghelani, Edleb, où vivent trois millions de personnes, aurait été la cible de frappes aériennes les 24 et 25 novembre, « les premières depuis plus de deux mois ». Ces derniers développements démontrent selon elle l’urgente nécessité d’un engagement continu de toutes les parties pour préserver l’accord conclu entre la Turquie et la Fédération de Russie le 17 septembre dernier.
Le Koweït s’est, lui aussi, inquiété de la reprise des hostilités à Alep, Hama, Edleb et Deïr el-Zor. La délégation a rappelé qu’en Syrie, 13 millions de personnes continuent d’avoir besoin d’une assistance, dont 5 millions d’enfants et plus d’1 million de Syriens isolés dans des zones difficiles d’accès, sans compter 5,6 millions de réfugiés dans les pays voisins.