Conseil de sécurité: le Coordonnateur spécial avertit que Gaza est au bord de l’implosion
À peine une semaine après la fin des échanges de tirs les plus intenses qu’ait connu Gaza depuis 2014, le Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient a averti, ce matin, devant le Conseil de sécurité, que la bande est au bord de l’implosion.
Préoccupé par la précarité de la situation qui prévaut actuellement à Gaza, M. Nickolay Mladenov a notamment appelé Israël à alléger les bouclages, tout en insistant sur la nécessité de faire aboutir la réconciliation interpalestinienne. Il a aussi appelé à changer « de façon fondamentale » la dynamique sur le terrain et à s’attaquer aux questions politiques sous-jacentes.
« Deux millions de Palestiniens ne peuvent être gardés otages de l’esbroufe politique », a mis en garde le haut fonctionnaire, en appelant à un « vrai leadership » afin de s’attaquer aux « vrais problèmes » qui affectent Gaza.
Alors que les Nations Unies et ses partenaires s’attèlent à soulager les crises économiques et humanitaires qui affectent Gaza, grâce notamment à de nouvelles importations de carburant, M. Mladenov a prévenu que ces mesures temporaires ne permettront pas de traiter des problèmes structurels qui affectent Gaza et a souligné qu’à cet égard, il revient en premier lieu aux parties de répondre à la situation.
« L’heure tourne en ce qui concerne la réconciliation intrapalestinienne », a-t-il déclaré, exhortant les factions palestiniennes à s’engager sérieusement à appuyer les efforts égyptiens pour placer Gaza sous le plein contrôle d’un Gouvernement palestinien légitime. Et de son côté, Israël doit améliorer l’accès aux biens et la libre circulation des personnes et alléger les bouclages de Gaza, a estimé le Coordonnateur spécial qui a, par ailleurs, dénoncé la poursuite des activités de colonies de peuplement israéliennes qui, a-t-il averti, continuent de porter atteinte à la viabilité d’un futur État palestinien.
Nombre des membres du Conseil ont partagé son analyse de la situation, soulignant tour à tour que toute escalade ou détérioration de la situation, nourrie par « les rhétoriques incendiaires » pourrait conduire Gaza, une nouvelle fois, au bord du gouffre.
Pour éviter d’en arriver là, il faut prendre des mesures concrètes pour améliorer la situation humanitaire, alléger les restrictions imposées à la population de Gaza, et favoriser la réconciliation interpalestinienne, a dit la Suède, résumant ainsi la position de la grande majorité des délégations, dont les Pays-Bas ou encore le Royaume-Uni.
La situation exige en effet une solution de long terme, qui inclue certes la réconciliation mais aussi l’ouverture des points de passage et une facilitation des conditions de circulation des personnes et des biens, ont complété les Pays-Bas, appuyés entre autres par la Suède et le Royaume-Uni, qui s’est félicité que la fourniture en électricité à Gaza soit désormais passée de 4 ou 6 heures à 12 heures par jour.
Mais globalement rien ne semble aller dans ce sens, s’est inquiétée la délégation de l’Éthiopie, tandis que le Kazakhstan a invité les États-Unis, la Russie et l’Europe à user de leur influence pour permettre une reprise des pourparlers entre Israël et la Palestine et parvenir à une solution de coexistence.
À l’instar de la Pologne, la France a estimé qu’il n’y aura pas de réponse durable sans un accord de réconciliation qui permettrait à l’Autorité palestinienne de retrouver l’ensemble de ses prérogatives à Gaza, appelant l’ensemble des parties à reprendre le dialogue pour relancer le processus de réconciliation interpalestinien, dans le prolongement de l’accord conclu au Caire il y a un an.
La délégation française a, en outre, déploré que face à la situation qui prévaut à Gaza depuis mars dernier, le Conseil de sécurité n’a jamais été en mesure de parler d’une seule voix. « Ce silence assourdissant est, chaque jour, plus incompréhensible pour les populations de la région », a déclaré son représentant, qui a alerté que la promesse des deux États est en train de disparaître sous l’effet, notamment, de la colonisation et de la fragmentation politique et territoriale des Palestiniens.
La France a en outre rappelé « à ses amis Américains » qu’un plan de paix qui s’affranchirait des paramètres internationalement agréés, notamment s’agissant de Jérusalem, se condamnerait à l’échec.
Les États-Unis ne sont pas d’un autre avis en ce qui concerne la nécessité d’un dialogue, soulignant que pour résoudre le conflit au Moyen-Orient, les deux parties doivent faire preuve de compromis. Mais ce compromis, a insisté la délégation, ne pourra débuter qu’avec une évaluation claire, honnête et complète des faits sur le terrain.
Or l’évaluation de M. Mladenov occulte le fait que des militants de Gaza ont pris pour cible des civils israéliens et aussi que le groupe qui est à l’origine des 400 tirs de roquette lancés vers Israël est le Jihad islamique palestinien, appuyé par l’Iran qui « cherche à semer la violence et l’instabilité dans la région », a accusé la délégation américaine
Pour sa part, la Fédération de Russie a dit ne pouvoir accepter la politique de reconnaissance des réalités sur le terrain, évoquant la poursuite des activités de colonisation et la démolition de maisons palestiniennes.
Convaincu qu’il n’est plus possible de régler cette question en se fondant sur les accords existants, y compris les résolutions du Conseil de sécurité, la délégation russe a souligné que ce n’est que dans le contexte d’un véritable dialogue qu’il sera possible de trouver des réponses aux questions du statut final qui subsistent, rappelant sa proposition d’organiser un sommet entre Israël et la Palestine.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE
Déclarations
Le Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient, M. NICKOLAY MLADENOV, a fait état d’une « nouvelle escalade dangereuse » de la violence à Gaza au cours des derniers jours, qui a risqué de déboucher sur un conflit armé aux « conséquences catastrophiques » pour deux millions de Palestiniens.
Alors que le Secrétaire général a prévenu qu’une nouvelle guerre à Gaza pourrait donner lieu à une nouvelle tragédie « intolérable », M. Mladenov a précisé que son équipe avait travaillé avec l’Égypte et les parties prenantes afin d’assurer un retour aux accords de cessez-le-feu de 2014.
La nouvelle escalade de la violence, entre le 11 et le 13 novembre, provoquée par une opération menée par les Forces de défense israéliennes (FDI) qui a tué un commandant des Brigades Ezzeddine el-Qassam et six Palestiniens, a donné lieu aux échanges de tirs les plus intenses depuis 2014. Les militants de Gaza ont ensuite lancé pendant deux jours près de 450 rockets et tirs de mortier, faisant une victime palestinienne et blessant un Israélien. Les forces israéliennes ont à leur tour mené une série de frappes aériennes ciblant 160 militants, y compris une station de télévision affiliée au Hamas et un hôtel, a précisé M. Mladenov.
Face à une situation aussi fragile, il faut changer « de façon fondamentale » la dynamique sur le terrain et s’attaquer aux questions politiques sous-jacentes, a-t-il souligné. « Deux millions de Palestiniens ne peuvent être gardés otages de l’esbroufe politique », a dit le haut fonctionnaire, en appelant à un « vrai leadership » afin de s’attaquer aux « vrais » problèmes » qui affectent Gaza.
Cette nouvelle flambée de violence intervient alors que les Nations Unies et ses partenaires s’attelaient à soulager les crises économiques et humanitaires qui affectent Gaza, et à favoriser les efforts menés par l’Égypte afin d’assurer la réconciliation entre Palestiniens et mettre un terme à l’occupation. Des progrès notables ont déjà été réalisés pour mettre en œuvre le paquet de mesures d’interventions urgentes approuvé en septembre lors de la réunion du Comité spécial de liaison pour la coordination de l’assistance internationale aux Palestiniens.
En octobre, de nouvelles importations de carburant par l’ONU ont notamment permis d’assurer l’approvisionnement en électricité le plus important depuis mars 2017, a noté le Coordonnateur spécial, avec un impact immédiat sur la fourniture en électricité et en eau et une réduction de la dépendance des hôpitaux aux générateurs.
Toutefois, ces mesures demeurent temporaires et ne permettront pas de traiter des problèmes structurels qui affectent Gaza. À cet égard, la responsabilité première incombe aux parties, a poursuivi le Coordonnateur spécial, soulignant qu’il revient en premier lieu aux parties de répondre à la situation.
« L’heure tourne en ce qui concerne la réconciliation intrapalestinienne », a-t-il ensuite affirmé, avant d’exhorter les parties à réaliser des progrès « visibles » d’ici à six mois.
Il a aussi appelé le Hamas à cesser toute provocation et attaque contre Israël. Pour sa part, Israël doit améliorer l’accès aux biens et la libre circulation des personnes, comme le prévoit la résolution 1860 du Conseil de sécurité. Enfin l’Autorité palestinienne doit renforcer sa présence à Gaza, qui fait partie intégrante du territoire palestinien.
M. Mladenov a ensuite décrit les attaques menées les 26 et 27 octobre par le Jihad islamique palestinien, et la riposte israélienne contre 95 cibles militaires à Gaza. Une autre attaque menée le 28 octobre a tué trois enfants palestiniens. Il s’est dit « très préoccupé » par les tirs à balles réelles contre les manifestants palestiniens, et a appelé les autorités israéliennes à faire preuve de retenue.
M. Mladenov a aussi dénoncé la poursuite des activités de colonisation israéliennes, qui continuent de porter atteinte à la viabilité d’un futur État palestinien. Ces activités sont illégales au regard du droit international et constituent un obstacle à la paix qui doit cesser « immédiatement », a martelé le haut fonctionnaire, qui a aussi déploré la destruction et la confiscation de 31 structures palestiniennes par les autorités israéliennes. Il a toutefois salué la décision de repousser la démolition de Khan al-Ahmar Abu al-Helu et renouvelé l’appel de la communauté internationale à y renoncer.
Le Coordonnateur a, par ailleurs, dénoncé la décision du Comité central de l’Organisation de libération de la Palestine de suspendre la reconnaissance d’Israël, tant que celui-ci n’aura pas reconnu l’État de Palestine, de mettre un terme à la coordination sur le plan sécuritaire et de se désengager économiquement d’Israël. Il a averti que si ces mesures sont mises en œuvre, elles inverseront les efforts déployés ces 25 dernières années pour renforcer les institutions nationales palestinienne et rendront encore plus difficile tout retour à la table des négociations.
S’agissant du Liban, M. Mladenov a déclaré que les acteurs politiques n’avaient toujours pas été en mesure de s’entendre sur un gouvernement d’unité nationale, mettant à mal la capacité du pays à répondre à des questions cruciales pour sa stabilité, notamment sur le plan politique.
Concluant, il a appelé les parties prenantes à favoriser la désescalade de la violence à Gaza, à faire avancer les interventions internationales humanitaires et économiques d’urgence et à appuyer l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).
De leurs côtés, les factions palestiniennes doivent s’engager sérieusement à appuyer les efforts égyptiens pour placer Gaza sous le plein contrôle d’un gouvernement palestinien légitime.
Israël doit, pour sa part, reconnaître que Gaza est au bord de l’implosion et que pour l’éviter, il importe d’alléger et éventuellement de lever les bouclages. On ne doit pas non plus laisser les divisions entre la Cisjordanie et Gaza se perpétuer.
Enfin, M. Mladenov a appelé à lutter contre l’effondrement des bases de tout accord de paix, l’enracinement de l’occupation militaire et l’érosion du consensus sur le statut final des territoires palestiniens.
Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a déclaré que les exposés de M. Mladenov sont, en raison de son mandat, « très incomplets ». Et alors que le Conseil de sécurité se concentre sur le conflit entre Israël et les Palestiniens, il en oublie souvent d’autres conflits sérieux au Moyen-Orient, à savoir l’accumulation continue de preuves pointant un regain d’activités terroristes internationales de la part du régime iranien. « Les assassinats politiques perpétrés par ce régime sont aussi vieux que ce régime lui-même, a déclaré la représentante, ajoutant que ces actes ne concernent pas un seul pays, mais « nous tous ».
Pour appuyer sa thèse, Mme Haley a repris les allégations attribuées au Gouvernement du Danemark selon lesquelles l’Iran aurait tenté d’assassiner, sur le territoire danois, trois dissidents iraniens exilés. En France, a-t-elle poursuivi, les autorités ont accusé les services de renseignements iraniens d’avoir fomenté une attaque à la bombe contre un rassemblement de l’opposition iranienne en juin, à Paris, sans oublier l’attaque contre le consulat des États-Unis à Bassorah. C’est précisément pour ces raisons que les États-Unis ont imposé les plus dures sanctions jamais adoptées contre l’Iran, a-t-elle indiqué.
Nous avons déjà été les témoins de l’héritage tragique de l’apaisement, et le régime de Téhéran est constitué du même groupe de meurtriers prédateurs et violents que pendant les années 80, a-t-elle affirmé, avant d’appeler à unifier les efforts pour mettre un terme à ce « comportement ».
Revenant à la situation en Palestine, Mme Haley a déclaré que M. Mladenov « rate la cible » lorsqu’il appelle les deux parties à faire preuve de retenue. « Oui, Israël a bien lancé une offensive contre Gaza. Mais il répondait aux 400 tirs de roquette indiscriminés lancés depuis Gaza vers Israël », a-t-elle dit. Et même si on accepte les excuses du Hamas selon lesquelles ces missiles ont été lancés en réaction à une opération d’Israël, on ne saurait occulter le fait que des militants de Gaza ont pris pour cible des civils, a-t-elle dénoncé.
On ne peut pas non plus occulter le fait que le groupe qui est à l’origine des attaques à la roquette, le Jihad islamique palestinien, est appuyé par l’Iran qui cherche à semer la violence et l’instabilité dans la région.
Pour Mme Haley, les deux parties doivent œuvrer pour résoudre le conflit au Moyen-Orient et faire preuve de compromis. Et le compromis, a-t-elle souligné, ne pourra débuter qu’avec une évaluation claire, honnête et complète des faits sur le terrain.
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a déclaré que l’échec de la communauté internationale à faire respecter la Charte et les résolutions des Nations Unies, a permis à Israël de continuer ses agissements illégaux, comme les dernières frappes perpétrées contre la bande de Gaza. « Ces agissements d’Israël sont connus. Les frappes sur Gaza n’ont pas commencé mardi et ne se sont pas arrêtées dimanche. Et Israël ne poursuivrait pas ces actes d’agression, violents et illégaux, si le Conseil de sécurité était uni pour faire respecter ses résolutions », a dit le représentant.
Le représentant a également déclaré que la situation à Gaza, découlant du blocus qui dure depuis 11 ans, peut mener à une « explosion », si ces agissements continuent et si le blocus n’est pas levé. Le Koweït pour sa part reste attaché aux droits du peuple palestinien, à sa lutte légitime contre l’occupation israélienne et à son droit à avoir un État, avec Jérusalem comme capitale, a conclu le représentant.
M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a appelé les deux parties à respecter leurs obligations envers le droit international. Condamnant les envois de roquette, il a aussi jugé que la réponse d’Israël devait toujours être proportionnée, en droite ligne avec le droit international. Il a répété que la récente escalade de la violence, qu’il a qualifiée de « plus grave explosion de violence depuis 2014 », devait être interprétée dans un contexte plus large, Gaza ayant besoin d’une solution de long terme, avec une amélioration de l’aide humanitaire et de la situation économique. Plaidant pour une ouverture des points de passage et une facilitation des conditions de circulation des personnes et des biens, il a aussi appelé à tenir compte des inquiétudes légitimes d’Israël en matière de sécurité. Saluant la récente amélioration en apport d’électricité à Gaza, M. van Oosterom a noté que les Pays-Bas jouaient leur part, avec un apport de 6 millions de dollars à l’UNRWA cette année, un investissement continu dans le projet « Du gaz pour Gaza », et des réunions trilatérales régulières ayant trait à l’eau, à l’énergie et aux passages aux frontières.
Concernant les « événements inquiétants » en Cisjordanie, il a estimé que l’arrêt de la démolition de la communauté de Khan-al-Ahmar était un développement positif, mais appelé à ce que cet arrêt soit définitif et non temporaire. Il a aussi condamné l’annonce de la construction de nouvelles colonies à Hébron et Jérusalem-Est. L’absence de solution durable à Gaza et les constructions continue de colonies de peuplement en Cisjordanie rappellent que le processus de paix est au point mort, a estimé M. van Oosterom, qui a réclamé le retour des parties à la table des négociations, pour rediscuter des conditions d’une solution des deux États.
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a déclaré que « Gaza est une nouvelle fois au bord du gouffre ». Compte tenu des conséquences potentielles d’un nouveau conflit, « nous joignons notre voix à celle du Secrétaire général pour appeler l’ensemble des parties au calme et à la retenue », a ajouté le représentant qui a souligné la nécessité d’éviter toute initiative et toute action susceptible de provoquer une escalade. Le retour au calme constaté depuis près d’une semaine doit désormais être inscrit dans la durée, sur la base des arrangements de sécurité de 2014, pour éviter un nouveau cycle de violence, a-t-il insisté. Et la retenue observée depuis le 13 novembre doit être préservée quel qu’en soit pour chacun le coût politique.
M. Delattre estime que le dernier pic de tension s’inscrit dans un contexte d’effondrement humanitaire et d’impasse politique dans la bande de Gaza. Pour redonner espoir dans l’immédiat à la population de Gaza, « nous devons répondre à l’urgence humanitaire. Les efforts du Coordonnateur spécial et de l’ensemble des agences des Nations Unies visant à une amélioration rapide de la situation humanitaire contribuent de manière significative à cette réponse », a-t-il indiqué. Tous les acteurs doivent coordonner leurs efforts en ce sens. À terme, seule une levée du blocus, assortie des garanties de sécurité requises pour Israël, permettra de répondre aux besoins de la population.
Enfin, a poursuivi le représentant, il ne saurait y avoir de réponse durable à la crise que connaît Gaza sans accord de réconciliation, qui devra permettre à l’Autorité palestinienne de retrouver l’ensemble de ses prérogatives dans ce territoire. « Nous soutenons cet objectif dans le cadre des efforts engagés par l’Égypte et le Coordonnateur spécial. Nous appelons l’ensemble des parties à reprendre le dialogue pour relancer le processus de réconciliation interpalestinienne, dans le prolongement de l’accord conclu au Caire il y a un an. « Gaza n’est pas un territoire hors-sol et ne saurait être dissocié de la question palestinienne dans son ensemble », a rappelé M. Delattre.
Le représentant a ensuite déploré que face à la situation qui prévaut à Gaza depuis mars dernier, le Conseil de sécurité n’a jamais été en mesure de parler d’une seule voix. « Ce silence assourdissant est, chaque jour, plus incompréhensible pour les populations de la région, comme pour le monde qui nous regarde », a affirmé M. Delattre. La promesse des deux États est en train de disparaître sous nos yeux: elle recule sur le terrain, sous l’effet de la colonisation et de la fragmentation politique et territoriale des Palestiniens, s’est-il alarmé. Elle s’évanouit aussi dans les esprits, en l’absence d’horizon politique et sous l’effet du désespoir ou du fatalisme qui, génération après génération, gagne les Palestiniens et les Israéliens.
Et pourtant, il n’y a pas d’alternative à la solution des deux États, a estimé le délégué lequel a rappelé « à ses amis Américains qu’un plan de paix qui s’affranchirait des paramètres internationalement agréés, notamment s’agissant de Jérusalem, se condamnerait à l’échec ». Ces paramètres sont, a-t-il rappelé, les deux États vivant en paix et en sécurité, le long de frontières sûres et reconnues, tracées sur la base des lignes de 1967 avec d’éventuels échanges de territoires agréés par les parties, Jérusalem comme future capitale de ces deux États et une solution juste et réaliste pour les réfugiés palestiniens.
Mme VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie) a fait part de sa « frustration » face à l’absence de résultat pour mettre fin à l’occupation illégale à laquelle Israël soumet les Palestiniens, rappelant que 86 résolutions ont été adoptées à ce jour par le Conseil de sécurité. Elle a appelé la communauté internationale à ne reconnaître aucune altération ou modification des frontières de 1967, citant plusieurs cas témoignant des « politiques expansionnistes » d’Israël en Cisjordanie. Elle a condamné les dernières opérations militaires à Gaza qui ont coûté la vie à sept Palestiniens mais aussi le lancement de roquettes sur des zones civiles en territoire israélien. Elle a exhorté le Gouvernement israélien à lever le blocus de Gaza, entré dans sa douzième année, un « châtiment collectif » qui place la population palestinienne dans une situation désespérante, a-t-elle estimé. Israël doit se conformer au droit international, conformément à la Charte des Nations Unies, a-t-elle insisté en réaffirmant l’appui de la Bolivie à la feuille de route du Quatuor.
Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a déploré la vague de violence qui s’est abattue, la semaine dernière dans et autour de Gaza, après plusieurs semaines d’une relative accalmie. La période que nous traversons actuellement est l’une des plus violentes depuis la guerre de Gaza de 2014, a-t-il affirmé, comme en témoigne selon lui les près de 470 tirs de roquette effectués par le Hamas et des factions du Jihad islamique en direction d’Israël qui, en représailles, aurait mené environ 70 raids aériens dans la zone.
La représentante a fermement condamné les tirs de roquette qui prennent délibérément pour cible des civils dans le sud d’Israël, tout en estimant qu’Israël devait s’astreindre au principe de proportionnalité dans sa réponse. De manière générale, le délégué polonais a appelé l’ensemble des parties à faire preuve de retenue pour éviter que la situation ne s’envenime.
La représentante a rappelé l’attachement de son pays à la solution des deux États. Il a toutefois reconnu que le processus politique était quasiment au point mort. Selon lui, cette tendance pèse sur la détérioration de la situation à Gaza, où deux millions d’habitants vivent dans des conditions humanitaires de plus en plus désespérées. Le représentant a appelé à élargir l’accès humanitaire à la zone. Il a également estimé que l’unification de Gaza et de la Cisjordanie sous une même autorité permettrait de prévenir la montée des violences. Dans cette perspective, le représentant a appuyé les efforts menés par l’Égypte pour parvenir à une réconciliation entre Palestiniens.
Sans une amélioration de la situation à Gaza, le représentant a affirmé que la jeunesse risquait d’être de plus en plus séduite par « les rhétoriques incendiaires ». Il a également appelé à trouver une solution pour régler le problème du déficit financier chronique de l’UNRWA.
Après s’être félicité du cessez-le-feu décrété par Israël et le Hamas, M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a espéré que cette preuve de bonne volonté de la part du Gouvernement israélien conduira à un traité de paix entre les deux parties. Il a aussi souligné le rôle joué par les Nations Unies et l’Égypte pour apaiser les tensions. Il a espéré que les États-Unis, la Russie et l’Europe useront de leur influence pour convaincre Israël et la Palestine de revenir à la table des négociations et parvenir à une solution de coexistence des deux États. De sorte à concrétiser les aspirations du peuple palestinien, le délégué a, par ailleurs, jugé essentiel de serrer les rangs politiques autour d’une plateforme commune portée par l’Organisation de libération de la Palestine. « Cela signifierait de rechercher une consolidation interpalestinienne pour créer des mécanismes constructifs qui permettront de résoudre des problèmes tels que le chômage et la situation humanitaire précaire dans la bande de Gaza », a-t-il précisé.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a déploré que les violences entre les parties perdurent. Si le Pérou reconnaît le droit d’Israël à se défendre, il rappelle que la légitime défense doit respecter les principes de distinction et proportionnalité. Le Pérou juge, par ailleurs, important qu’Israël et le Hamas parviennent à un accord, notamment pour réduire cette violence et permettre un allègement des souffrances humanitaires à Gaza. Le représentant a appelé tous les pays ayant une influence dans la région à œuvrer à un tel objectif.
Le Pérou s’est également déclaré inquiet par le fait que les sondages montrent que les populations palestiniennes et israéliennes croient de moins en moins à la solution des deux États. Toutes les pratiques de colonisation, d’expropriation, de destruction de maisons palestiniennes, en plus d’être illégales, vont contre la solution des deux États et sont sources de haine et de violence, a dit le représentant.
M. KACOU HOUADJA LÉON ADOM (Côte d’Ivoire) s’est inquiété de la recrudescence de la violence à Gaza et a invité les parties à s’abstenir de toute action unilatérale susceptible d’aviver les tensions. Il a réitéré le soutien de son pays à la solution des deux États, dénonçant la poursuite des souffrances des Palestiniens sur le terrain, marquées entre autres par les incessantes pénuries d’eau, la fourniture d’électricité aléatoire et le non-paiement des salaires des fonctionnaires.
Le délégué s’est en revanche félicité des contributions du Qatar pour le paiement des salaires des fonctionnaires palestiniens, ainsi que celles du Koweït. Il s’est, en outre, inquiété du manque de financement auquel est confrontée l’UNRWA. Enfin, le représentant a mis en garde contre le risque d’une confrontation régionale découlant de la poursuite du conflit israélo-palestinien, et appelé les parties à retourner à la table des négociations.
M. TAYE ATSKE SELASSIE MADE (Éthiopie) a déclaré que les derniers développements dans la bande de Gaza minent les espoirs de paix. Pour cette raison, la délégation salue les efforts du Secrétaire général, du Coordonnateur spécial et de l’Égypte pour ramener le calme. Toute tentative de réduire et de prévenir les tensions et l’escalade est la bienvenue, car il faut trouver les voies et moyens de limiter les dégâts afin de préserver le processus de paix, a-t-il insisté.
Or, la situation actuelle ne va pas dans ce sens, s’est inquiété le représentant, invitant la communauté internationale à tout mettre en œuvre, notamment pour réduire les souffrances à Gaza, favoriser la réconciliation entre les parties palestiniennes, mais aussi permettre une reprise des pourparlers entre Israéliens et Palestiniens. « La communauté internationale et le Conseil de sécurité en particulier doivent peser de tout leur poids. Le plus tôt sera le mieux », a conclu le représentant.
M. VLADIMIR K. SAFRONKOV (Russie) a déclaré que le statu quo dans les territoires palestiniens occupés n’est plus viable et s’accompagne de conflits incessants. Il n’est plus possible de régler cette question en se fondant sur les accords existants, y compris les résolutions du Conseil de sécurité, a considéré le représentant, en appelant les parties à faire preuve de retenue et à épargner les installations civiles.
Toute tentative de médiation palestinienne doit se faire avec l’aval de toutes les parties palestiniennes, a ajouté le représentant, en appuyant les efforts de médiation de l’Égypte et de l’ONU. Ce n’est que dans le contexte d’un véritable dialogue que nous pourrons trouver des réponses aux questions du statut final qui subsistent. Nous ne pouvons pas accepter la politique de reconnaissance des réalités sur le terrain, a martelé le représentant, dénonçant la poursuite des activités de colonisation et la démolition de maisons palestiniennes. Il a également dénoncé les activités d’Israël dans le Golan occupé, en violation du droit international. Enfin, le délégué a rappelé la proposition russe d’organiser un sommet entre Israël et la Palestine, et encouragé les États Membres à accroître leurs contributions à l’UNRWA.
M. DAVID CLAY (Royaume-Uni) a appelé à éviter une nouvelle guerre qui, a-t-il averti, ne ferait qu’exacerber les tensions. Pour cette raison, le Royaume-Uni salue les efforts de médiation de l’Égypte, tout en condamnant les tirs de roquette lancés depuis Gaza vers Israël. Il s’est aussi félicité des mesures d’allègement du blocus à Gaza qui ont permis de faire passer la fourniture en électricité de 4 ou 6 heures à douze heures par jour.
Le représentant a ensuite plaidé pour une réconciliation des parties palestiniennes et a estimé que l’accord de 2017 est une bonne étape vers cet objectif. Il a salué les efforts de l’Égypte pour pousser les parties à mettre en œuvre cet accord. Enfin, il a insisté sur l’importance de veiller au développement de Gaza afin d’alléger l’impact du blocus qui pèse sur ce territoire palestinien.
M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) s’est dit préoccupé par les échanges hostiles entre l’armée israélienne et les milices du Hamas dans la bande Gaza et a appelé les parties à ne pas s’engager dans des actions unilatérales et des provocations. Il a jugé nécessaire et urgent de continuer à coordonner les efforts pour encourager les parties à revenir à la table des négociations. Pour la délégation, l’unité de tous les membres du Conseil de sécurité est à cet égard indispensable, compte tenu de l’influence et de l’importance stratégique de certains d’entre eux, au Moyen-Orient en particulier. Pour sa part, la Guinée équatoriale considère que les revendications des Palestiniens sont justes et réitère son soutien à la solution des deux États, dans les frontières de 1967 et avec Jérusalem pour capitale. La délégation a aussi insisté sur l’importance de continuer à travailler à la réconciliation intrapalestinienne.
Alors que la vision de la communauté internationale en faveur d’une solution des deux États demeure inchangée, tous les mois, nous devons porter notre attention sur la détérioration de la situation sur le terrain, a déploré M. OLOF SKOOG (Suède). Évoquant la poursuite de la colonisation et de l’occupation, la démolition de villages tels que Khan al-Ahmar ou encore les incitations à la violence, il a estimé que toutes les parties sont responsables de ces tendances négatives. Dans la foulée de la récente flambée de violence à Gaza, le représentant a rappelé que la riposte israélienne doit être proportionnée. La situation de la population de Gaza est intenable, a poursuivi M. Skoog, dénonçant une « catastrophe humanitaire » qui affecte deux millions de personnes. Au cours des sept derniers mois, 200 Palestiniens ont été tués et 24 000 blessés. Afin d’éviter de nouvelles violences, il faut prendre des mesures concrètes pour améliorer la situation humanitaire, alléger les restrictions imposées à la population de Gaza, et favoriser la réconciliation interpalestinienne. « Nous devons montrer à la soi-disant génération post-Oslo qu’il existe une alternative aux conflits », a conclu M. Skoog, en appelant à éviter l’occupation perpétuelle » de la Palestine.
M. ZHAOXU MA (Chine) a dit sa préoccupation quant à « l’escalade » des tensions entre Israël et la Palestine. Ce type de violence ne contribue pas à la paix, a dit le représentant, tout en reconnaissant le droit qu’a tout Gouvernement de défendre son peuple.
La Chine reste d’avis que la solution des deux États est la seule voie pour parvenir à la paix. Pour cela, la communauté internationale et le Conseil de sécurité doivent aider à la reprise des négociations entre les deux parties et à la mise en œuvre de la résolution 2334 (2016). La Chine reste disposée à aider à cet objectif et continuera de promouvoir le plan en quatre étapes du président Xi Jinping, a assuré son représentant.