En cours au Siège de l'ONU

8386e séance – après-midi
CS/13560

Ukraine: la tenue d’élections au Donbass, « en violation des accords de Minsk », contestée au Conseil de sécurité

Pour la première fois depuis le 29 mai 2018, le Conseil de sécurité s’est, cet après-midi, réuni pour examiner la situation dans l’est de l’Ukraine, marquée par une détérioration de la sécurité dans le Donbass et l’organisation d’élections jugées illégitimes par certains membres.

La réunion a débuté par un vote, par lequel la demande de la Fédération de Russie d’inviter Mme Elena V. Kravchenko à s’exprimer a été rejetée par 7 voix contre et 7 abstentions*, la Fédération de Russie étant le seul membre à avoir voté en faveur, afin, a-t-elle argué, de pouvoir donner à des « représentants des entités concernées » la possibilité, « en tant que signataires des accords de Minsk », de présenter leurs vues au Conseil.

Cette séance, a assuré la Suède, se tient à la demande de sa délégation, et de celles de la France, des États-Unis, du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de la Pologne, alarmées par l’organisation d’élections locales le 11 novembre prochain à Donetsk et Louhansk, « en violation de la lettre et de l’esprit des accords de Minsk ».  Le représentant russe a rétorqué que si le Conseil se réunissait publiquement, c’est sur son intervention, le but initial de ce groupe de pays selon lui étant de « se calfeutrer à huis clos » pour mieux diffuser ensuite des informations mensongères dans les médias.

Avec l’organisation des « soi-disant » élections à Donetsk et Louhansk, « il est malheureux que le Kremlin ait choisi le chemin de l’escalade, plutôt que celui de la mise en œuvre des accords de Minsk », a lancé le délégué de l’Ukraine.  Seuls des représentants légitimes et légalement élus peuvent servir les communautés locales du Donbass et non « les pantins du Kremlin », a tonné le représentant.

« En dépit des objections de l’Ukraine, les médias indiquent que les préparatifs électoraux se poursuivent », a constaté de son côté la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques, Mme Rosemary DiCarlo, en faisant état de deux scrutins distincts: l’un pour le « chef de la République » et l’autre pour les « Conseils du peuple », chacun pour un mandat de cinq ans.  Elle a mis en garde quant au fait que de telles mesures, prises en dehors du cadre constitutionnel et juridique de l’Ukraine, seraient incompatibles avec les accords de Minsk.

« Ces accords, approuvés par le Conseil de sécurité dans sa résolution 2202 (2015), constituent le seul cadre de référence pour une paix négociée dans l’est de l’Ukraine », a rappelé Mme DiCarlo, qui a souligné l’insuffisance de la mise en œuvre de ces accords par les parties, malgré les différentes négociations en cours pour faire avancer un règlement négocié.

Alors que les membres du Conseil ayant convoqué la réunion accusaient les séparatistes d’être responsables du sabotage des accords de Minsk, la Fédération de Russie a blâmé l’Ukraine, en affirmant être témoin d’une nouvelle « hypocrisie ».  « On fait montre d’indulgence vis-à-vis de la partie ukrainienne, qui a le droit de faire ce qui lui plaît », a ironisé le délégué en réduisant la politique étrangère de l’Ukraine à une série d’ « invectives » vis-à-vis de la Russie.

Les inquiétudes de l’Ukraine s’étendent désormais à la mer d’Azov, devenue un autre terrain des « belligérances » russes contre l’Ukraine, selon la délégation.  Rien qu’au cours des six derniers mois, Moscou a arraisonné de manière abusive 200 navires commerciaux qui se dirigeaient vers les ports ukrainiens de Marioupol et de Berdiansk, a dénoncé le représentant ukrainien, en assurant que ces actes ont eu des répercussions sur le commerce et l’économie de l’Ukraine.  Les visées de la Russie sur la mer d’Azov seraient également militaires, a-t-il ajouté, arguant que cela permettrait à Moscou d’alimenter en armes ses forces présentes dans le Donbass à partir du « territoire occupé de Crimée ».

Sur le plan sécuritaire, après un été calme, preuve d’une « volonté politique suffisante » de part et d’autre pouvant se traduire par un apaisement de la situation sur le terrain, les six dernières semaines ont été marquées au Donbass par une recrudescence des violations du cessez-le-feu, a déploré Mme DiCarlo, qui a fait état de 20 morts parmi les civils, dont plus de la moitié ont été victimes de mines ou d’engins explosifs improvisés.

Des millions d’hommes, de femmes et d’enfants font encore face aux graves conséquences humanitaires du « conflit armé oublié d’Europe », a déclaré quant à elle la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, Mme Ursula Mueller.

Plus de 3,5 millions de personnes, a-t-elle affirmé, auront besoin d’une assistance et d’une protection humanitaires à l’approche d’un hiver rigoureux, alors même que les financements ont baissé: sur les 187 millions de dollars requis dans le cadre de la réponse humanitaire pour 2018, seulement 32% ont été levés jusqu’à présent, a-t-elle précisé.

Si l’Ukraine a estimé que « les clefs de la résolution du conflit sont à Moscou », la France a dit également attendre de Kiev des progrès sur les trois zones pilotes de désengagement.  « Tous les engagements pris doivent être respectés, il n’y a pas en la matière d’obligations à la carte », a rappelé le représentant.

* sept voix contre: États-Unis, France, Pays-Bas, Pérou, Pologne, Royaume-Uni et Suède; sept abstentions: Bolivie, Chine, Côte d’Ivoire, Guinée équatoriale, Éthiopie, Kazakhstan et Koweït

LETTRE DATÉE DU 28 FÉVRIER 2014, ADRESSÉE À LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE L’UKRAINE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2014/136)

Déclarations avant le vote sur une question de procédure

M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède), au nom de son pays, de la France, des États-Unis, du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de la Pologne, a déclaré que ce sont eux qui ont demandé la tenue de cette réunion.  Ils estiment que les élections locales prévues le 11 novembre dans les territoires de Donetsk et Louhansk sont une violation de la lettre et de l’esprit des accords de Minsk.  Elles visent à faire élire des représentants dans ces entités illégales, a déclaré le représentant, affirmant que la demande de la Fédération de Russie d’inviter une représentante de ces territoires ne remplit pas les conditions de l’article 39 du Règlement intérieur provisoire du Conseil de sécurité.  Pour cette raison, ces délégations s’opposent à la participation de cette personne à la réunion et voteront contre, en cas de mise aux voix.

En réponse à cette déclaration, le représentant de la Fédération de Russie a dit que le but initial de ces pays était au départ d’organiser une réunion à huis clos puis de diffuser de fausses informations dans la presse.  La Fédération de Russie a, pour sa part, voulu un débat public, dans lequel des représentants des entités concernées pourraient, en tant que signataires des accords de Minsk, présenter leurs vues au Conseil de sécurité. 

Déclarations

Après avoir rappelé que la dernière séance publique en date sur la situation en Ukraine remonte au 29 mai 2018, Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques, a déclaré qu’en dépit d’efforts multilatéraux, peu de progrès avaient été constatés dans les pourparlers pour mettre fin aux combats depuis.  « Le conflit dans l’est de l’Ukraine, qui est entré dans sa cinquième année, demeure une menace active à la paix et à la sécurité internationales », a-t-elle dit. 

Sur le terrain, l’escalade des hostilités alimente l’insécurité et l’incertitude sur les intentions des parties, a expliqué la haute fonctionnaire, qui a mis en cause l’insuffisance de la mise en œuvre des accords de Minsk, malgré les différentes négociations en cours qui se poursuivent dans l’espoir de parvenir à des points de convergence.  Mme DiCarlo a toutefois noté que l’incidence de la violence cet été a été la plus basse comparée « à toute période équivalente » depuis le début du conflit en 2014.  Les engagements pris en faveur de deux cessez-le-feu par le Groupe de contact trilatéral cet été ont démontré qu’avec une volonté politique suffisante, il est possible d’arrêter la violence sur le terrain et de réduire de manière spectaculaire l’impact du conflit sur la population civile. 

De manière regrettable, au cours des six dernières semaines, les violations du cessez-le-feu se sont à nouveau intensifiées, et le nombre de pertes humaines est en hausse, a déploré la Secrétaire général adjointe.  Rien qu’en septembre, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a comptabilisé 20 victimes civiles dont plus de la moitié causée par des mines ou des engins explosifs improvisés. 

L’ONU a également été informée de vives tensions dans la mer d’Azov, qui ont un impact négatif sur l’atmosphère générale dans la région.  Les accords de Minsk, approuvés par le Conseil de sécurité dans sa résolution 2202 (2015), constituent le seul cadre de référence pour une paix négociée dans l’est de l’Ukraine, a rappelé Mme DiCarlo.  Elle a salué à cet égard l’extension, le 4 octobre, de la loi sur la gouvernance locale de certaines zones des régions de Donetsk et de Louhansk, conformément aux engagements de l’Ukraine en vertu des accords de Minsk.  « L’ONU exhorte toutes les parties à éviter de prendre des mesures unilatérales de nature à s’éloigner de la lettre ou l’esprit des accords », a-t-elle insisté. 

Le 7 septembre, a poursuivi la Secrétaire générale adjointe, les entités de facto à Donetsk et Louhansk ont annoncé la tenue des prétendues élections « de leadership » le 11 novembre.  « En dépit des objections de l’Ukraine, les médias indiquent que les préparatifs se poursuivent », a-t-elle relevé, en faisant état de deux scrutins distincts: l’un pour le « dirigeant de la République » et l’autre pour les « Conseils du peuple », chacune pour un mandat de cinq ans.  Elle a mis en garde quant au fait que de telles mesures, prises en dehors du cadre constitutionnel et juridique de l’Ukraine, seraient incompatibles avec les accords de Minsk.  Aussi Mme DiCarlo a souligné qu’il est temps pour une action renouvelée et constructive de la part de toutes les parties pour surmonter l’impasse apparente dans laquelle se trouvent les négociations diplomatiques.

Mme URSULA MUELLER, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, a regretté d’avoir à informer le Conseil que des millions d’hommes, de femmes et d’enfants faisaient encore face aux graves conséquences humanitaires du « conflit armé oublié d’Europe ».  Ces impacts s’aggravent à mesure que la situation perdure, a-t-elle averti, précisant que plus de 3 000 civils avaient été tués, et environ 9 000 autres blessés depuis le début du conflit en 2014.  En outre, cette crise affecte les personnes âgées dans la plus grande proportion au monde, soit plus de 30%. 

La Sous-Secrétaire générale a rappelé que la « ligne de contact » de plus de 400 kilomètres divise les zones d’affrontements, que les foyers à proximité de la ligne vivent dans la crainte des tireurs d’élite, des obus et des mines, tandis que l’accès aux services de base est constamment perturbé, et que les maisons, les hôpitaux, les établissements scolaires et les structures civiles sont gravement endommagés.  De plus, en 2018, on dénombre déjà plus de 70 incidents sérieux ayant perturbé l’approvisionnement vital en eau pour des millions de personnes, avec une augmentation des risques de maladies transmissibles en raison de la pénurie d’eau, de la destruction massive des infrastructures de santé, du manque d’accès aux soins de santé et des très faibles taux de vaccination.  Partant, Mme Mueller a jugé impératif que les parties au conflit respectent les civils et les installations civiles, conformément à leurs obligations au regard du droit international humanitaire.  « Les civils ne sont pas des cibles! » a-t-elle lancé. 

Mme Mueller a également dénoncé le fait que la « ligne de contact » ait dramatiquement altéré la vie de millions de civils, les gens étant séparés de leurs familles, des services et de leurs moyens de subsistance.  Ainsi, plus de la moitié des personnes aux points de passage ont plus de 60 ans, dont la plupart sont des femmes; elles sont exposées à des risques dans les longues files d’attente au beau milieu des hostilités.  Cette année, 50 civils ont péri ou ont été blessés aux points de passage, a-t-elle signalé, en saluant toutefois les efforts du Gouvernement tendant à améliorer les conditions de passage.  Elle a aussi plaidé pour une amélioration urgente des services essentiels à ces points de passage, notamment l’eau et l’assainissement, et aussi le chauffage au vu de l’hiver qui approche.

Plus de 100 civils ont été tués ou blessés à cause de la forte contamination des mines et engins non explosés, a ensuite indiqué la Sous-Secrétaire générale adjointe, qui a expliqué que pendant trois années consécutives, l’Ukraine avait connu le nombre le plus élevé au monde de morts ou blessés par des mines antivéhicule.  Elle a imploré toutes les parties de cesser immédiatement d’utiliser des mines, en particulier dans les zones peuplées et à proximité de structures civiles.  « Il faut qu’elles respectent le droit international humanitaire », a-t-elle martelé, en demandant par ailleurs à l’Ukraine de mettre en place un cadre approprié d’action sur les mines et un mécanisme de coordination. 

En 2019, plus de 3,5 millions de personnes auront besoin d’une assistance et d’une protection humanitaires, alors même que les financements ont baissé, a fait remarquer Mme Mueller, ajoutant que sur les 187 millions de dollars requis dans le cadre de la réponse humanitaire pour 2018, seulement 32% ont été levés.  Elle a signalé que même si l’accès humanitaire n’est pas toujours prévisible, en particulier dans les régions non contrôlées par le Gouvernement, l’accès est légèrement meilleur qu’auparavant.  Depuis juillet dernier, a-t-elle ajouté, les efforts humanitaires se sont intensifiés pour fournir une assistance et des services de protection aux personnes vivant dans ces zones, notamment grâce à l’allocation de 6 millions de dollars provenant du Fonds central pour les interventions d’urgence (CERF).

Mme Mueller a lancé un appel aux donateurs pour consolider ces acquis humanitaires, surtout à l’approche d’un hiver particulièrement rigoureux en Ukraine.  Elle a également salué les efforts déployés par le Gouvernement ukrainien dans la mise en œuvre de la stratégie et du plan d’action en appui aux 1,5 million de déplacés internes.  Elle a aussi salué la récente adoption du statut juridique des personnes disparues, en espérant que son application facilitera la recherche et l’identification de ces personnes et l’appui aux membres de leur famille. 

M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a dénoncé d’une part « l’annexion illégale de la Crimée par la Russie et le début de son agression en Ukraine orientale » voici cinq ans, et d’autre part la tenue de « soi-disant élections » le 11 novembre prochain, qui a poussé la Suède ainsi que d’autres États Membres à demander la tenue de cette présente réunion du Conseil de sécurité.  La Suède voit dans les actions de la Russie « une tentative par la force militaire de redessiner les frontières de l’Europe », tentative en violation avec la Charte des Nations Unies, l’Acte final de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe de Helsinki et la Charte de Paris pour une nouvelle Europe.  Ces actions ne sont pas d’envergure régionale, elles entraînent des implications globales, a-t-il insisté.

Regrettant de ne pas voir la Russie, membre permanente du Conseil de sécurité, revenir en arrière « alors qu’elle en a le pouvoir », le représentant a cependant noté une légère amélioration de l’accès humanitaire, mais aussi relevé que les fonds manquaient.  Il a insisté pour un accès plein et entier des organisations humanitaires aux zones contrôlées par le Gouvernement comme aux autres.  Déplorant l’échec des accords de Minsk, dont le premier point, un cessez-le-feu total, n’a pas été mis en pratique, la Suède a réclamé qu’il entre en vigueur, et salué les efforts du format Normandie en ce sens.  Le représentant a aussi préconisé un retrait des armes lourdes, sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a déclaré que les fausses élections que la Fédération de Russie souhaite organiser dans les « soi-disant Républiques populaire de Donetsk et Louhansk » vont à l’encontre des accords de Minsk.  Ces derniers disposent que des élections ne se tiendront que lorsque la sécurité sera rétablie, sous la surveillance de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et dans la cadre du droit ukrainien.  « Ces soi-disant élections ne remplissent pas ces conditions », a dit le représentant, affirmant qu’elles ne visent qu’à renforcer la présence militaire russe dans les territoires ukrainiens annexés. 

Alors que les États-Unis saluent la France et ses partenaires pour avoir organisé une réunion au format Normandie visant à mettre en œuvre les accords de Minsk, ils restent inquiets de la situation humanitaire qui se détériore dans les régions annexées.  Ils condamnent en outre les manœuvres russes dans la mer d’Azov.  Pour ces raisons, les États-Unis ont l’intention de maintenir leurs sanctions contre la Fédération de Russie, jusqu’à ce qu’elle se retire des territoires annexés, a fermement assuré leur représentant. 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a condamné de nouveau l’annexion illégale de la République autonome de Crimée et de la ville de Sébastopol, et appelé tous les États Membres des Nations Unies à réitérer leur soutien à la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues.

Dans ce contexte, le représentant est revenu sur « les soi-disant élections » du 11 novembre prochain dans les deux territoires séparatistes de Donetsk et Louhansk, qu’il a considérées comme une volonté flagrante de porter atteinte à la souveraineté de l’État ukrainien, et allant à l’encontre des engagements pris par la Fédération de Russie lors de la signature des accords de Minsk.  La France a appelé les Nations Unies à condamner fermement et publiquement l’organisation de ce « scrutin illégal », et appelé la Russie à user de son influence auprès des entités séparatistes pour suspendre son organisation.  La France a proposé à la place de « réunir les conditions propices au scrutin local prévu par les accords de Minsk ». 

Déplorant l’absence de progrès sur les questions de sécurité dans le Donbass -absence de concrétisation du cessez-le-feu, recrudescence du niveau de violence, non mise en œuvre du retrait des armes lourdes-, M. Delattre a attendu des signes de progrès de la part de l’Ukraine sur les trois zones pilotes de désengagement.  « Tous les engagements doivent être respectés, il n’y a pas en la matière d’obligations à la carte », a souligné le représentant. 

La France a enfin exprimé sa vive préoccupation quant à la situation humanitaire décrite par la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires, et appelé à un renforcement de l’action des agences de l’ONU sur le terrain.

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a déclaré que son pays défend la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine au sein de ses frontières internationalement reconnues.  Il défend également la nécessité de respecter et de pleinement mettre en œuvre l’accord de Minsk par toutes les parties.  C’est aussi pour ces raisons que sa délégation a demandé la tenue de cette réunion afin de condamner l’organisation des « soi-disant » élections prévues le 11 novembre dans les territoires séparatistes de Donetsk et Louhansk.

La Pologne est aussi d’avis que « l’agression russe » reste la principale source de menace à la paix et à la sécurité dans la région.  Comme le montre le rapport de la Mission de suivi de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), la Fédération de Russie renforce sa présence militaire dans le Donbass.  On voit par ailleurs qu’elle militarise la mer d’Azov et se livre à l’inspection des navires commerciaux qui veulent se rendre en Ukraine. 

Or, la situation humanitaire ne cesse de se détériorer en Ukraine, avec 51% de la population vivant à cinq kilomètres de la ligne de contact qui n’ont pas reçu d’aide depuis un an.  Avec l’hiver qui arrive, des centaines de milliers de personnes vont avoir besoin d’aide, a dit la représentante, indiquant que son pays a, à travers des canaux bilatéraux et multilatéraux, offert un appui humanitaire à hauteur de 2,6 millions de dollars des États-Unis. 

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a réitéré le soutien de son pays à l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, et insisté qu’en vertu des accords de Minsk, les élections à Donetsk et Louhansk devront avoir lieu conformément au droit ukrainien.  Invoquant la résolution 2202 (2015) sur la mise en œuvre des accords de Minsk, il a qualifié les élections à venir d’illégitimes et « de retour en arrière bafouant l’esprit des accords ».  Il a appelé toutes les parties ayant une influence sur les acteurs du conflit à s’assurer qu’elles soient annulées.

Concernant la situation humanitaire, M. van Oosterom a salué les efforts de la Mission spéciale d’observation de l’OSCE pour faire respecter les accords, mais déploré que la population continue de subir des pertes lourdes, avec une augmentation de 30% des victimes entre les deux derniers rapports et la menace constante pour les civils que constituent les mines et les munitions non explosées.  Rappelant que le Conseil de sécurité a demandé aux agences de l’ONU d’apporter une assistance humanitaire en Ukraine orientale, les Pays-Bas ont appelé toutes les parties à s’assurer que les agences et les ONG puissent accéder aux zones non contrôlées par le Gouvernement.

Enfin, M. van Osterom a évoqué la présence militaire russe accrue en mer d’Azov, « qui menace de déstabiliser la situation délicate dans toute la mer Noire ».  La Russie procède à des contrôles de navires de marine marchande entrant et sortant de ports ukrainiens, occasionnant des retards et entravant davantage le développement économique de la région sud-est de l’Ukraine infligé par la construction illégale du pont du détroit Kertch, ont déploré les Pays-Bas, qui saluent la décision de l’Ukraine de demander un arbitrage en vertu de la Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a assuré que jamais son pays ne reconnaîtrait l’annexion de la Crimée et l’occupation de l’est de l’Ukraine.  Les prétendues élections sont illégitimes et ne sont que la dernière mesure en date de la Fédération de Russie pour déstabiliser le pays, a assuré la représentante, qui a réclamé de Moscou qu’elle fasse pression sur les séparatistes pour les contraindre à respecter les accords de Minsk. 

Jugeant la militarisation accrue de la Crimée « des plus alarmantes », Mme Pierce a mis en cause l’ouverture du pont du détroit de Kertch, la détention de navires battant pavillon ukrainien ou la multiplication des cyberattaques contre le système financier de Kiev, autant de mesures qui participent de la même stratégie de subversion. 

Elle a, en conclusion, exigé de toutes les parties qu’elles mettent en œuvre les accords de Minsk, à commencer par le cessez-le-feu.

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a déclaré que les accords de Minsk restent la base de l’engagement international pour la sortie de crise en Ukraine.  C’est le « seul moyen de parvenir à la stabilité dans la région », a dit le représentant, ajoutant déplorer la violation du cessez-le-feu par les deux parties.  Pour cette raison, la Guinée équatoriale exhorte les parties à respecter et mettre en œuvre ces accords.

La Guinée équatoriale est en outre d’avis que les conséquences de la violence sur la population civile sont « préoccupantes ».  Elle estime que des discussions politiques franches et ouvertes, de même que le respect des accords de Minsk, permettront d’alléger les souffrances des populations civiles et de sortir de la crise.

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a partagé les préoccupations de différents membres du Conseil par rapport à l’intention affichée par les entités séparatistes d’organiser de prétendues élections, lesquelles seraient contraires aux accords de Minsk et aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. 

Il s’est dit préoccupé par le sort des 1,5 million de personnes déplacées par le conflit dans l’est de l’Ukraine et qui ont des besoins considérables sur le plan humanitaire.  Le représentant a, en conclusion, insisté sur le travail de la mission de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), notamment au travers du format Normandie et du Groupe de contact trilatéral.

M. WU HAITAO (Chine) a déclaré que son pays a pour position traditionnelle de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de « tous les États, et donc de l’Ukraine. »  Elle rejette également de manière traditionnelle toute inférence étrangère, d’où qu’elle vienne.  Cela dit, la Chine pense aussi que pour régler la crise ukrainienne, il faut une approche équilibrée qui tient compte de toutes les composantes ethniques de l’Ukraine et de leurs aspirations.

L’autre voie de résolution de la crise est le plein respect des accords de Minsk et la cessation des hostilités.  Il faut donc que les membres du Conseil de sécurité restent unis sur cette question, a dit le représentant, ajoutant que son pays a toujours été impartial et constructif. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a encouragé les parties prenantes à mettre en œuvre la résolution 2202 (2015) du Conseil de sécurité et les accords de Minsk.  L’annonce d’élections anticipées à Donetsk et Louhansk est incompatible avec la lettre et l’esprit de ces accords, a-t-il ensuite observé. 

Sur le plan humanitaire, le délégué a concouru avec l’analyse de la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires, soulignant que l’accès aux populations en détresse, en particulier les personnes déplacées, devait être ménagé pour les organisations d’aide. 

M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a favorisé une approche équilibrée pour résoudre la crise ukrainienne. Il a approuvé tous les efforts de la communauté internationale pour résoudre le conflit d'une manière politique. Se déclarant en faveur d'une intensification des travaux du format Normandie, le délégué a aussi plébiscité le groupe de contact trilatéral sur le règlement du conflit dans le sud-est de l'Ukraine. S'alignant sur la résolution 2202 (2015) relative à l'application des accords de Minsk, le Kazakhstan a appelé, au sujet des élections locales à venir, « toutes les parties à la table des négociations à adhérer aux clauses de la résolution », « seul mécanisme viable pour résoudre le conflit de manière pacifique ».

M. DAWIT YIRGA WOLDEGERIMA (Éthiopie) a regretté les victimes civiles tombées en septembre dernier dans l’est de l’Ukraine, de même que la détérioration de la situation sécuritaire dans la région.  Il a tenu à rappeler l’importance d’un règlement politique pacifique de la crise, sur la base de l’application intégrale des accords de Minsk. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a assuré avoir insisté pour que la séance d’aujourd’hui soit publique.  Il a déclaré que la partie ukrainienne avait participé à l’attentat ayant coûté la vie à Alexandre Zakhartchenko, contrairement aux dénégations de Kiev.  « Nos collègues occidentaux ont eu peur de donner la parole à Elena V. Kravchenko, qui représente les régions de Louhansk et de Donetsk », a-t-il présumé.  Kiev, a ensuite accusé le représentant, ne respecte pas les accords de cessez-le-feu et tente de rediscuter des questions déjà arrêtées.  Aujourd’hui, a-t-il poursuivi, nous sommes témoins d’une nouvelle « hypocrisie », avec le « sabotage » par l’Ukraine des accords de Minsk.

Certains membres du Conseil insistent sur l’application de ces accords, mais cela fait deux ans que Kiev refuse de respecter la formule Steinmeier relative au statut du Donbass, « qu’elle avait pourtant acceptée », a relevé M. Nebenzia.  Il a constaté que l’on ne cesse de parler du respect par Kiev de ses engagements, alors que la loi sur la réintégration du Donbass constitue une violation des accords de Minsk.  Il a également regretté que la loi sur l’amnistie n’ait toujours pas été appliquée.  En outre, a affirmé le délégué russe, la partie ukrainienne ne respecte pas le volet lié aux élections, avec le soutien des États-Unis et de l’Union européenne.  « On fait montre d’indulgence vis-à-vis de la partie ukrainienne, qui a le droit de faire ce qui lui plaît », a noté le délégué en estimant que la politique étrangère de l’Ukraine se réduit à une série d’« invectives » à l’égard de la Russie.  Le représentant a par ailleurs dénoncé la « discrimination » que constitue la loi bannissant l’usage officiel des langues russe et hongroise.  Il a assuré en conclusion que le référendum d’autodétermination par lequel la Crimée a obtenu son indépendance a été vécu comme un « soulagement ».

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a réitéré que l’ensemble des mesures d’application des accords de Minsk était la seule voie vers une paix durable en Ukraine.  Il a mis l’accent sur les mesures de confiance pour que les parties puissent arriver à une solution politique à cette crise.  Il a donc lancé un appel à toutes les parties pour qu’elles cessent les attaques, s’abstiennent de fomenter la violence ou d’inciter à une escalade des hostilités, respectent l’interdiction d’utilisation de l’artillerie lourde et permettent l’accès humanitaire sans y adjoindre de conditions. 

Le représentant a également appelé à faciliter l’accès complet et sûr à la Mission spéciale d’observation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).  Il a invité les parties à examiner les causes profondes du conflit en envisageant une solution durable qui prenne en considération les droits, intérêts et revendications légitimes de toutes les parties, y compris des groupes ethniques.  M. Llorenty Solíz a en outre appelé les parties à adhérer strictement à leurs obligations relatives à la protection des civils, et à appliquer la résolution 2365 (2017) sur l’action contre les mines. 

D’après M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) le fait que la Fédération de Russie ait accepté la tenue de cette réunion, sous prétexte de « chercher la transparence », n’a rien à voir avec cet objectif avoué.  « Cette attitude a tout à voir avec une tentative désespérée de la Fédération de Russie d’éviter la responsabilité pour ses actes délictueux et documentés contre l’Ukraine », a-t-il affirmé en détaillant ces actes: agression militaire, occupation et tentatives illégales d’annexion de territoires ukrainiens. 

Le représentant a également déclaré qu’avec l’organisation de « soi-disant » élections à Donetsk et Louhansk, « il est malheureux que le Kremlin ait choisi le chemin de l’escalade, plutôt que celui de la mise en œuvre des accords de Minsk ».  La Fédération de Russie, a-t-il affirmé, sait très bien que de telles élections violent la Constitution de l’Ukraine et vont à l’encontre de la lettre et de l’esprit des accords de Minsk.  Or seuls des représentants légitimes et légalement élus peuvent représenter les communautés locales du Donbass et non « les pantins du Kremlin », a prévenu le représentant.

Bien que la Fédération de Russie ne cesse de dire que l’Ukraine doit s’engager dans un dialogue avec les autorités des régions séparatistes, l’Ukraine ne peut accepter cela, car il n’y a pas de représentants élus dans ces régions, a expliqué le représentant.  « Ce sont des ressortissants russes et des personnels de sécurité russes, soutenus par la Fédération de Russie politiquement, militairement et économiquement, qui occupent les hautes fonctions administratives et militaires de ces territoires », a affirmé le représentant, chiffrant le soutien russe à 1,3 milliard de dollars. 

Le délégué ukrainien a avancé que les ambitions de la Fédération de Russie ne concernent pas que le Donbass, mais visent également la mer d’Azov, qui est devenue un autre terrain de ses belligérances contre l’Ukraine.  Rien que les six derniers mois, la Russie a arraisonné de manière abusive 200 navires commerciaux qui se dirigeaient vers les ports ukrainiens de Marioupol et de Berdiansk, a signalé le représentant.  Il a fait remarquer, comme le montre le rapport de la Mission spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine, que ces actes ont eu des répercussions sur le commerce et l’économie de l’Ukraine.  Selon lui, la Russie se sert également de la mer d’Azov pour alimenter en armes ses forces présentes dans le Donbass, depuis le « territoire occupé de Crimée », a-t-il poursuivi.

« Que peut-on faire de tout ceci?  La réponse est à la fois simple et difficile.  Les clefs de la résolution du conflit sont à Moscou », a conclu le représentant, assurant que de son côté l’Ukraine était déterminée à mettre fin au conflit.  « Ce n’est pas le cas de la Russie.  Il n’y a pas de changements tangibles dans sa politique de relation avec ses voisins », a regretté le délégué. 

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