République démocratique du Congo: le Conseil de sécurité demande de hâter la riposte à l’épidémie d’Ebola
Le Conseil de sécurité a adopté, ce matin, à l’unanimité de ses membres, la résolution 2439 (2018), dans laquelle il demande à toutes les entités compétentes du système des Nations Unies d’accélérer leur intervention face à l’épidémie d’Ebola qui sévit en République démocratique du Congo (RDC).
Il leur demande notamment d’aider à élaborer et à exécuter des plans de préparation, d’opérations, de liaison et de collaboration avec des gouvernements de la région et ceux qui prêtent assistance.
Il engage par ailleurs le Gouvernement congolais, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et les autres intervenants face à l’Ebola, notamment les pays de la région, à poursuivre leur action pour s’attaquer aux conséquences à long terme de l’épidémie d’Ebola et à mettre en place des mécanismes d’intervention sur le plan de la santé publique qui soient viables et adaptés.
Il leur demande également de continuer d’accroître la transparence et la précision de leurs rapports quotidiens sur la progression de l’épidémie.
Enfin le Conseil de sécurité, constatant à nouveau et avec une vive préoccupation que la situation globale sur les plans humanitaire et de la sécurité dans l’ensemble de la RDC est exacerbée par les activités déstabilisatrices de groupes armés nationaux et étrangers, demande à toutes les parties de permettre le libre passage, dans de bonnes conditions de sécurité et sans délai, de l’ensemble du personnel humanitaire et médical ainsi que du matériel, des transports et des fournitures connexes dans les zones touchées.
Le représentant de l’Éthiopie, délégation porte-plume du texte aux côtés de la Suède, s’est félicité de cette adoption unanime, qui fait suite à deux importants rapports du Directeur de l’OMS, M. Tedros Adhanom Ghebreyesus, sur l’épidémie d’Ebola dans l’est de la RDC.
Selon ce dernier, il est possible que l’épidémie puisse gagner d’autres régions du pays, voire les pays voisins, tels que l’Ouganda, le Rwanda, le Soudan du Sud et le Burundi, même si l’OMS n’a pas jugé nécessaire à ce stade de déclarer une urgence de santé publique de portée internationale.
Le délégué de la Suède a également salué le texte adopté, affirmant qu’il « adresse un message vigoureux et cohérent pour répondre à la crise ». La Suède estime en outre que les femmes doivent être pleinement engagées dans les efforts de riposte.
À cet égard, la résolution souligne l’importance de faire participer pleinement, activement et sérieusement les femmes à l’élaboration de démarches qui tiennent compte de leurs besoins particuliers, car les femmes et les hommes ne sont pas touchés de la même façon par l’épidémie d’Ebola.
PAIX ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE
Texte du projet de résolution (S/2018/961)
Le Conseil de sécurité,
Se déclarant gravement préoccupé par la dernière poussée d’Ebola en République démocratique du Congo et le fait que l’épidémie survient dans le cadre de besoins humanitaires bien plus vastes, dans un pays dont la population a connu plusieurs réapparitions de la maladie, des conflits armés et la violence durant ces dernières décennies,
Conscient de la menace récurrente que présente le virus d’Ebola dans la région depuis qu’il a été découvert en 1976 et rappelant sa résolution 2177 (2014) relative à l’épidémie d’Ebola en 2014 en Afrique de l’Ouest,
Rappelant qu’il a constaté dans sa résolution 2409 (2018) que la situation en République démocratique du Congo constituait toujours une menace contre la paix et la sécurité internationales dans la région et notant avec inquiétude que les conditions de sécurité peuvent entraver la capacité d’intervenir et d’endiguer l’épidémie d’Ebola,
Réaffirmant son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’unité et à l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo et de tous les États de la région, et soulignant qu’il importe d’établir une coordination et une collaboration avec la République démocratique du Congo face à l’épidémie d’Ebola, ainsi qu’avec les États de la région, selon qu’il conviendra,
Prenant acte des rapports qui lui ont été présentés le 28 août et le 3 octobre 2018 par le Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS),
Félicitant le Gouvernement congolais d’être intervenu de manière énergique face à l’épidémie d’Ebola et d’avoir fourni notamment des soins de santé gratuits dans les zones de santé touchées et d’avoir présenté des rapports quotidiens sur la progression de l’épidémie,
Remerciant l’ensemble du personnel humanitaire et de la santé de l’action menée sur le terrain, ainsi que l’OMS et ses partenaires dans le Réseau mondial d’alerte et d’intervention en cas d’épidémie et les autres acteurs qui interviennent en première ligne,
Félicitant la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) d’avoir soutenu l’action du Gouvernement congolais, de l’OMS et des autres acteurs contre l’Ebola dans un contexte extrêmement ardu et dangereux,
Soulignant qu’il convient d’aborder les conditions de sécurité dans les secteurs touchés par la maladie et condamnant toutes les attaques contre les civils,
Exprimant son indignation et condamnant dans les termes les plus énergiques les attaques récentes et le meurtre de deux travailleurs sanitaires congolais rattachés à une unité de l’armée congolaise qui s’employait à lutter contre l’épidémie d’Ebola en République démocratique du Congo,
Rappelant la résolution 2286 (2016) et enjoignant à toutes les parties au conflit armé de laisser immédiatement le personnel humanitaire et médical accéder pleinement et librement, en toute sécurité, aux patients et aux autres personnes dans le besoin, condamnant les actes de violence, les attaques et les menaces dirigés intentionnellement contre le personnel médical et les agents humanitaires dont l’activité est d’ordre médical, leurs moyens de transport et leur matériel, ainsi que contre les hôpitaux et autres installations médicales qui remplissent une fonction exclusivement médicale ou humanitaire, en tant que violations du droit international humanitaire, et déplorant les conséquences à long terme de ces attaques pour la population civile et le système de soins de santé en République démocratique congolaise,
Rappelant le Règlement sanitaire international de 2005, qui contribue à la sécurité mondiale dans le domaine de la santé publique en renforçant les moyens dont disposent tous les pays pour détecter, évaluer et notifier les menaces pesant sur la santé publique et y faire face, et soulignant qu’il importe de respecter ces engagements, et exhortant les États Membres à suivre le conseil du Directeur général de l’OMS concernant l’épidémie d’Ebola en cours,
Prenant note de la réunion transfrontière regroupant des représentants des pays d’Afrique de l’Est qui s’est tenue à Entebbe (Ouganda) le 3 octobre 2018 au cours de laquelle ils ont examiné l’exécution des activités de surveillance à travers la frontière et l’état des préparatifs pour une intervention en cas d’urgence dans les districts frontaliers de la République démocratique du Congo et des pays membres de la communauté d’Afrique de l’Est, notant qu’il importe de sensibiliser les chefs de district à leur rôle pour ce qui est d’appliquer le Règlement sanitaire international de 2005, et appelant l’attention sur les vastes mouvements de population dans la région, qui pourraient contribuer à diffuser encore plus largement le virus Ebola,
Soulignant que pour endiguer les poussées épidémiques majeures, il faut agir de toute urgence et resserrer la collaboration sur les plans national, régional et international, et insistant à cet égard sur la nécessité impérieuse pour l’OMS de coordonner une intervention internationale en République démocratique du Congo en collaboration avec le Gouvernement,
Louant les États Membres et les organisations multilatérales pour l’assistance cruciale qu’ils ont fournie sous la forme d’une aide technique et financière et de dons en nature, afin d’appuyer l’intensification des interventions d’urgence visant à juguler l’épidémie d’Ebola et à interrompre la transmission du virus, notamment en accordant des fonds de manière souple aux organismes des Nations Unies et aux organisations internationales compétentes pour qu’ils puissent intervenir de manière plus rapide et plus efficace et acheter des fournitures et renforcer les opérations d’urgence en République démocratique du Congo et dans les pays voisins, ainsi qu’en collaborant avec les partenaires des secteurs public et privé pour accélérer la mise au point de thérapies, de vaccins et d’outils diagnostiques afin de soigner les patients et de prévenir de nouvelles infections ou la transmission,
Se félicitant de l’action menée par l’Union africaine par l’entremise du Centre africain de prévention et de contrôle des maladies pour ce qui est d’aider le Gouvernement congolais, l’OMS et ses partenaires grâce à une action unifiée, globale et collective face à l’épidémie, y compris en dépêchant des travailleurs sanitaires dans la partie orientale de la République démocratique du Congo,
Soulignant que toutes les entités compétentes des Nations Unies sont appelées à participer à l’action menée sur les plans national, régional et international face à l’épidémie d’Ebola et conscient à cet égard du rôle de premier plan dévolu à l’OMS,
Prenant note des protocoles adoptés par l’OMS pour prévenir la transmission du virus Ebola entre personnes, organisations et populations, et soulignant que l’épidémie peut être endiguée, notamment par la mise en place de protocoles établis relatifs à la sécurité et à la santé et d’autres mesures préventives ayant fait leurs preuves,
1. Constate à nouveau avec une vive préoccupation la situation globale sur les plans humanitaire et de la sécurité dans l’ensemble en République démocratique du Congo, qui est exacerbée par les activités déstabilisatrices de groupes armés nationaux et étrangers, rappelle qu’il importe sur le plan stratégique d’appliquer l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région, et demande à nouveau à tous les signataires de respecter les engagements qu’ils y ont pris de s’attaquer aux causes profondes du conflit, de mettre un terme aux cycles récurrents de violence et de promouvoir un développement régional durable;
2. Engage le Gouvernement congolais, l’OMS et les autres intervenants face à l’Ebola à continuer d’accroître la transparence et la précision de leurs rapports quotidiens sur la progression de l’épidémie;
3. Rappelle que c’est au Gouvernement congolais qu’il incombe au premier chef de protéger les civils se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction, et notamment de les protéger des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre;
4. Se dit profondément préoccupé par l’état global de la sécurité dans les zones touchées par l’épidémie d’Ebola, qui compromet gravement l’intervention d’urgence et facilite la progression du virus en République démocratique du Congo et dans la région, et demande à tous les groupes armés, y compris les Forces démocratiques alliées, de mettre immédiatement un terme aux hostilités;
5. Condamne dans les termes les plus énergiques toutes les attaques menées par les groupes armés, y compris ceux qui menacent gravement la sécurité des intervenants et mettent en péril l’action de lutte contre l’épidémie d’Ebola;
6. Prie instamment toutes les parties au conflit armé de respecter pleinement le droit international, y compris le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire applicables, et en particulier les obligations que leur imposent les Conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels de 1977 et 2005 et demande à toutes les parties de permettre le libre passage, dans de bonnes conditions de sécurité et sans délai, de l’ensemble du personnel humanitaire et médical ainsi que du matériel, des transports et des fournitures connexes dans les zones touchées et de respecter et de protéger tous les civils, y compris les habitants de la région qui risquent de contracter l’Ebola, et les travailleurs humanitaires et sanitaires, et souligne que les équipes d’action humanitaire et les hôpitaux et autres installations médicales qui apportent une assistance et des secours vitaux aux personnes qui sont dans le besoin doivent être respectés et protégés et ne doivent en aucun cas être pris pour cibles, conformément au droit international;
7. Note le rôle positif important qui est confié à la MONUSCO, dans les limites de son mandat, d’appuyer l’action menée par le Gouvernement congolais, l’OMS et les autres acteurs pour endiguer l’épidémie d’Ebola et veiller, dans sa zone d’opérations, à protéger effectivement les civils;
8. Insiste sur le fait que le Gouvernement congolais et tous les acteurs concernés doivent fournir une aide à la suite de l’épidémie d’Ebola, redoubler d’efforts pour communiquer avec le public et mettre en place les protocoles établis sur les plans sanitaire et de la sécurité et des mesures de prévention afin de démentir toute information erronée et de neutraliser toute panique injustifiée au sujet de la transmission et de l’étendue de l’épidémie parmi les personnes et les populations, et souligne qu’il importe de mobiliser davantage les populations en travaillant en étroite collaboration avec les chefs religieux, les groupes de jeunes et de femmes et les familles elles-mêmes, y compris dans le cadre de la reprise de l’action d’aide humanitaire;
9. Souligne que les femmes et les hommes ne sont pas touchés de la même façon par l’épidémie d’Ebola et insiste sur la nécessité d’adopter une démarche qui tienne compte des besoins particuliers des femmes et sur l’importance de faire participer pleinement, activement et sérieusement celles-ci à l’élaboration de ces démarches;
10. Souligne qu’il importe de surveiller de manière constante et de façon améliorée quiconque a été en contact avec les personnes infectées et d’assurer le suivi clinique des personnes qui ont survécu à l’Ebola afin de veiller à empêcher toute manifestation à retardement et le risque de transmission sexuelle du virus d’Ebola, souligne qu’il importe de fournir aux personnes qui ont survécu à l’Ebola un appui psychosocial afin de les aider à lutter contre l’opprobre;
11. Prend note de la dernière évaluation en date de l’OMS sur le risque de propagation du virus dans la région et se déclare vivement inquiet de la possibilité qu’il se propage au Burundi, en Ouganda, au Rwanda et au Soudan du Sud et engage ces gouvernements à continuer de renforcer leur capacité opérationnelle, en coopération totale avec l’OMS;
12. Souligne qu’il importe de maintenir un appui et un engagement internationaux, sur les plans financier et technique et des dons en nature, afin d’endiguer l’épidémie, insiste à cet égard sur l’importance d’obtenir un appui financier souple à la lutte contre l’Ebola, ce qui permet d’intervenir plus rapidement et plus efficacement, et s’inquiète également de ce que le financement obtenu en réponse à l’appel humanitaire global en faveur de la République démocratique du Congo reste bien trop insuffisant;
13. Engage le Gouvernement congolais et les pays de la région à poursuivre leur action pour s’attaquer aux conséquences à long terme sur les plans politique, socioéconomique, humanitaire et de la sécurité de l’épidémie d’Ebola et à mettre en place des mécanismes d’intervention sur le plan de la santé publique qui soient viables et adaptés;
14. Demande à toutes les entités compétentes du système des Nations Unies d’accélérer leur intervention face à l’épidémie d’Ebola dans le cadre de la coordination globale de l’OMS, notamment en aidant à élaborer et à exécuter des plans de préparation, d’opérations, de liaison et de collaboration avec des gouvernements de la région et ceux qui prêtent assistance;
15. Souligne qu’il importe pour la communauté internationale de continuer de se mobiliser pour appuyer, en fonction des besoins du Gouvernement congolais, le renforcement des systèmes de santé nationaux qui sont essentiels pour empêcher toute dégradation ou toute répétition de la crise en cours;
16. Se félicite de l’action et des résultats du programme de l’OMS pour la gestion des situations d’urgence sanitaire et encourage cette dernière ainsi que l’ensemble des organismes des Nations Unies à continuer de mettre à profit les enseignements tirés de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014 et de renforcer son rôle d’encadrement technique et de soutien opérationnel aux gouvernements et partenaires, de suivre la transmission du virus Ebola, d’aider à déterminer les besoins actuels en matière d’intervention et les partenaires pour y pourvoir, de manière à favoriser la disponibilité de données essentielles et à mettre au point et à administrer rapidement des thérapies et des vaccins dans le respect des meilleures pratiques cliniques et éthiques;
17. Décide de rester saisi de la question.