L’amélioration de la situation humanitaire en Syrie dépend du processus politique en cours, estiment des membres du Conseil de sécurité
Trois jours après la réunion quadripartite qui a réuni à Istanbul l’Allemagne, la France, la Fédération de Russie et la Turquie, le Conseil de sécurité a examiné, ce matin, le rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre des résolutions 2139 (2014), 2165 (2014),2191 (2014), 2258 (2015), 2332 (2016), 2393 (2017) et 2401 (2018) du Conseil de sécurité, traitant des aspects humanitaires, sécuritaires et politiques de la crise en Syrie.
La situation humanitaire a été source d’inquiétudes parmi les membres du Conseil, même si des développements positifs ont été observés ces dernières semaines, avec l’accord de cessez-le-feu sur Edleb, comme l’a indiqué le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Mark Lowcock, qui présentait le rapport.
Au cours des sept premiers mois de cette année, 5,5 millions de personnes en moyenne ont bénéficié d’une aide d’urgence. Rien qu’en septembre, 2,5 millions ont reçu une aide alimentaire, notamment du côté des zones récemment repassées sous contrôle gouvernemental.
Mais alors que le Gouvernement syrien s’était engagé à faciliter l’acheminement des convois, il vient de reporter le départ d’un convoi destiné à 50 000 personnes vivant à Roukban, a déploré le Coordonnateur des secours d’urgence, appelant les membres du Conseil à garantir la pérennité de l’accord russo-turc sur Edleb. Il a aussi recommandé de prolonger d’un an la résolution 2165 (2014), qui prévoit des livraisons transfrontières d’aide par les agences humanitaires des Nations Unies, notamment pour aider les 3 millions de civils d’Edleb et pour faire parvenir les fournitures et services essentiels dans le nord de la Syrie.
Autres recommandations: permettre un accès à Roukban pour les convois humanitaires du Croissant-Rouge arabe syrien et de l’ONU; soutenir les efforts pour améliorer l’accès humanitaire, l’évaluation des besoins et le recueil de preuves sur la levée et l’utilisation des ressources; et enfin obtenir des financements généreux pour les opérations de secours. « Il est très important que cela reste le cas, pour les millions de personnes se trouvant à Edleb, car les enjeux sont élevés », a insisté M. Lowcock.
Un des participants à la réunion quadripartite du 27 octobre, en l’occurrence la France, a indiqué qu’ils étaient parvenus à la conclusion selon laquelle la situation humanitaire ne pourra s’améliorer qu’avec un cessez-le-feu à long terme et des élections libres, avec la participation des Syriens de la diaspora. Cela implique que le régime syrien cesse sa « stratégie d’instrumentalisation politique et punitive » à l’égard de la population en entravant l’acheminement de l’aide vers les zones « réconciliées », a dit le représentant français.
Plusieurs délégations, notamment celle du Royaume-Uni, de la Pologne et des États-Unis ont partagé ce point de vue. Notant que le Gouvernement syrien a annoncé qu’il reprendrait Edleb « le moment venu », le délégué des États-Unis a prévenu que l’ampleur de la crise serait « inouïe » si le Président Assad décidait de rompre le cessez-le-feu. « Nous devons nous préparer au pire en cas d’échec politique », a prévenu la délégation américaine.
Pour ne pas en arriver là et pour éviter que la situation humanitaire ne s’aggrave davantage, ces mêmes délégations ont réclamé des garanties sur le processus politique. Elles doivent se matérialiser non seulement par la durabilité de l’accord concernant Edleb, mais aussi par la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015) et par la mise en route du comité constitutionnel. C’est ce qu’ont soutenu également les délégations du Koweït, de l’Éthiopie et de la Côte d’Ivoire.
Au lieu de « poser des conditions » ou de faire des « critiques », il faut contribuer et soutenir le processus politique, a rétorqué le représentant russe. « Il est certes essentiel que le comité constitutionnel débute ses travaux, mais encore faut-il qu’il soit accepté de toutes les parties. » On ne peut pas imposer à Damas des échéances artificielles ou des solutions qui viennent de l’étranger, a-t-il exigé.
En soutenant le processus de négociation intersyrien, la communauté internationale contribuera à une solution pour résoudre la crise humanitaire, a résumé le Kazakhstan.
Le représentant syrien a demandé de ne pas confondre processus politique et question humanitaire, affirmant que des pays occidentaux cherchent à manipuler le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA). La « vérité » est que l’aide transfrontière est utilisée pour acheminer des armes en Syrie, a-t-il affirmé en accusant les terroristes de prendre des civils comme boucliers humains. Il a rappelé que le Gouvernement syrien avait demandé que les zones libérées soient parmi celles qui bénéficient du plan d’acheminement de l’assistance. « Cela n’est pas pris en compte dans le rapport », a-t-il déploré.
En début de séance, le Conseil de sécurité avait observé une minute de silence à la mémoire des victimes de la fusillade à la synagogue de Pittsburgh survenue le 27 octobre. Plusieurs membres du Conseil ont en outre présenté leurs condoléances à l’Indonésie, à la suite de l’accident d’avion abîmé en mer avec 189 personnes à bord le 29 octobre.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT (S/2018/947)
Déclarations
M. MARK LOWCOCK, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a déclaré que des développements positifs ont été observés ces dernières semaines, avec l’accord de cessez-le-feu sur Edleb. « Il est très important que cela reste le cas, pour les millions de personnes se trouvant à Edleb, car les enjeux sont élevés. »
Il a également indiqué que les Nations Unies et leurs partenaires continuent de fournir une assistance aux populations à travers toute la Syrie. Ainsi, au cours des sept premiers mois de cette année, en moyenne 5,5 millions de personnes ont bénéficié d’une aide de secours. Rien qu’en septembre, 2,5 millions de personnes ont reçu une aide alimentaire, notamment du côté des zones récemment repassées sous contrôle gouvernemental, avec l’appui du Croissant-Rouge arabe syrien. Le Gouvernement syrien a fermement exigé que toute aide destinée aux zones sous son contrôle parte de Damas. Il a également accepté de faciliter l’acheminement des convois. Cependant, dans plusieurs autres régions ayant « changé de mains », les Nations Unies n’ont pas « d’accès durable », a-t-il dit.
M. Lowcock a ensuite rappelé que si la résolution 46/182 de l’Assemblée générale adoptée en 1991 exige que les gouvernements soient consultés pour la coordination de l’aide humanitaire d’urgence, il est tout aussi important que les principes d’indépendance, d’impartialité et de neutralité de l’action humanitaire soient soulignés, en particulier afin de garantir que l’aide soit fournie sur la base des besoins et non pour d’autres considérations. Cette question, qui a été discutée avec le Gouvernement syrien, a conduit à la signature d’un accord sur l’extension des capacités des Nations Unies à évaluer les besoins de la manière la plus large possible, a encore indiqué le Coordonnateur des secours d’urgence.
En plus des convois partant de Damas, les Nations Unies continuent aussi leurs opérations transfrontières. Depuis la Turquie, environ 1 000 camions transportant des bâches en plastique, des vêtements chauds pour l’hiver, des bottes, des radiateurs et des poêles ont pris la route vers la Syrie. Une aide critique a également été acheminée depuis l’Iraq, en direction du nord-est de la Syrie, en passant par la frontière d’al-Yarubiyah. Au cours des neuf premiers mois de 2018, plus de 750 000 personnes en moyenne ont reçu une aide alimentaire grâce à ces activités transfrontières.
Cependant, des zones de préoccupation persistent en Syrie, a poursuivi M. Lowcock. Ainsi, alors qu’en coopération avec le Croissant-Rouge arabe syrien, une opération partant de Damas devait parvenir à 50 000 personnes et permettre de vacciner 10 000 enfants à Roukban, ville située à la frontière avec la Jordanie, le départ du convoi initialement prévu le 27 octobre a été reporté, en raison d’informations faisant état d’insécurité. Or la population de Roukban n’a pas reçu d’aide depuis janvier de cette année, s’est alarmé M. Lowcock, ajoutant que, selon des rapports alarmants, des enfants continuent de mourir en raison du manque de soin. « Cette situation ne doit pas se poursuivre », a-t-il martelé avant d’ajouter que les Nations Unies sont prêtes à faire repartir le convoi.
Pour cette raison, il appelle toutes les parties à faire en sorte que la sécurité des travailleurs humanitaire soit garantie, dans le contexte où des combats continuent d’avoir lieu et d’affecter les civils le long de l’Euphrate et dans divers lieux de la province de Deïr el-Zor. On rapporte qu’environ7 000 personnes ont été déplacées de Hajin en raison de combats menés contre les dernières enclaves de Daech en Syrie. On affirme aussi que 15 000 personnes sont prisonnières dans les zones encore contrôlées par cette organisation, a-t-il dit.
Concluant son intervention, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires a déclaré chercher le soutien des membres du Conseil de sécurité sur cinq points: la pérennité de l’accord sur Edleb; la prolongation pour un an supplémentaire de la résolution 2165 (2014); l’accès humanitaire à Roukban; l’amélioration des processus d’évaluation des besoins, de collectes de fonds et de preuves sur l’utilisation de ces fonds; et enfin la générosité des donateurs. Sur ce dernier point, il a déclaré que bien que 1,7 milliard de dollars aient déjà été levés, le plan de secours d’urgence de cette année n’est, pour l’heure, financé qu’à moitié.
Saluant le cessez-le-feu d’Edleb, M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) s’est cependant dit préoccupé par le sort des civils à Deïr el-Zor, ainsi que par le problème des mines et des engins explosifs laissés dans la zone de Raqqa par les combattants de Daech. Il a appelé toutes les parties à renforcer la protection des civils durant les opérations militaires contre Daech. Concernant l’accès humanitaire, le délégué a appelé le Gouvernement syrien à coopérer avec les Nations Unies pour que l’aide parvienne à ceux qui en ont le plus besoin, surtout dans les zones qu’il contrôle de nouveau. Invoquant le principe d’impartialité, il s’est aligné sur les conclusions du Sommet d’Istanbul réclamant un accès rapide, sûr et sans entrave de l’aide humanitaire dans les zones difficiles d’accès. S’inquiétant à cet égard de la situation au camp de Roukban, il a rappelé que les souffrances et la crise humanitaire ne se dissiperont qu’avec des progrès sur le plan politique, sur la base de la résolution 2254 (2015).
M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a déclaré que la tenue de cette réunion était opportune, dans la mesure où le représentant de la Syrie a déclaré vendredi que son gouvernement reprendrait Edleb « le moment venu »: une offensive pourrait aggraver la crise humanitaire qui sévit dans le pays. L’ampleur de la crise serait « inouïe » si le Président Assad décidait de rompre le cessez-le-feu instauré par l’accord russo-turc, a-t-il prévenu, craignant la plus grande catastrophe humanitaire au monde. « Nous sommes d’accord pour dire que nous devons nous préparer au pire en cas d’échec politique; la communauté internationale devrait être prête à agir si le régime venait à rompre le cessez-le-feu », a mis en garde la délégation américaine. Il s’est ensuite ému des difficultés à apporter de l’aide depuis Damas pour les trois millions d’habitants d’Edleb, qui ne tiennent que grâce à l’aide transfrontalière autorisée par des résolutions du Conseil de sécurité. Encore faut-il que ces résolutions soient appliquées, a fait observer M. Cohen, en rappelant à tous les États Membres concernés la nécessité de s’acquitter de leurs obligations. Par ailleurs, a-t-il ajouté, le régime syrien doit encore démontrer qu’il est favorable à la réintégration des réfugiés, lesquels doivent pouvoir prendre le chemin du retour dans des conditions sûres. « Réfugiés et déplacés doivent pouvoir décider lorsqu’ils souhaitent rentrer dans leurs foyers », a-t-il insisté. Le représentant a, en conclusion, réitéré l’importance de former le comité constitutionnel le plus rapidement possible, en rappelant qu’il ne s’agissait en rien d’une « échéance artificielle » mais d’un « impératif moral ».
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a rappelé les conclusions du Sommet d’Istanbul, à savoir que la situation humanitaire ne sera améliorée qu’avec un cessez-le-feu à long terme, et des élections libres organisées sous supervision onusienne, avec la participation des Syriens de la diaspora. Dans le cadre d’un cessez-le-feu à long terme à Edleb, la protection des civils et des installations médicales doit être une priorité absolue pour les parties prenantes, a-t-il souligné. Déplorant que les conditions ne soient pas encore réunies pour un retour des civils, il a dénoncé les actions du régime syrien entravant leur retour, comme sa stratégie d’ingénierie démographique. « Ne nous laissons pas tromper par la fable du régime: ce n’est pas l’absence de reconstruction qui empêche le retour des réfugiés. C’est l’absence d’avancées crédibles dans le processus politique », a estimé M. Delattre.
Blâmant le régime syrien, qui « continue inlassablement sa stratégie d’instrumentalisation politique » en imposant des obstacles à l’aide humanitaire, M. Delattre a jugé « inadmissible » que le régime bloque les convois interagences et mette en place une stratégie punitive à l’égard de la population, en entravant l’acheminement de l’aide vers les zones « réconciliées ». Il a réclamé que l’ensemble des convois puisse circuler de manière sûre dans tout le pays, notamment jusqu’au camp de Roukban, « où 50 000 personnes vivent dans des conditions cauchemardesques », et dans le nord-est récemment libéré du joug de Daech, où M. Delattre a appelé l’ONU à intensifier ses efforts. Enfin, dans la perspective d’une solution politique durable, il a appelé à la création d’un comité constitutionnel d’ici à la fin de l’année, dans la lignée des appels du Conseil de sécurité de vendredi dernier et des conclusions du Sommet d’Istanbul.
M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a rappelé qu’après huit années d’affrontements, tout le monde est d’accord sur le fait que « les Syriens sont épuisés par la guerre et l’incertitude sur leur avenir ». Malgré la baisse du nombre des offensives militaires, la présence de groupes terroristes dans la province d’Edleb risque de provoquer selon lui un risque d’escalade. Aussi a-t-il rappelé que les parties à l’accord russo-turc doivent s’acquitter de leurs obligations de démilitariser la zone tampon. Par ailleurs, il a attiré l’attention sur la situation dans le camp de Roukban, à la frontière syro-jordanienne, marquée au cours de la période à l’examen par une nouvelle détérioration du sort des quelque 45 000 personnes qui y sont installées. Pour la délégation, le conflit en Syrie ne pourra être résolu par la voie militaire, mais par un processus politique adossé à la résolution 2254 (2018).
Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a dit partager le même point de vue que la France en ce qui concerne le processus politique en Syrie, dans le contexte où les membres du « Small group », dont son pays fait partie, sont actuellement réunis à Londres. Sa délégation souhaite avoir des garanties sur la durabilité de l’accord concernant Edleb, sur la détermination des Gouvernements syrien et russe à continuer d’autoriser les convois humanitaires, et encore sur la réunion du futur comité constitutionnel bien avant la fin de novembre.
Le Royaume-Uni est également du même avis que les États-Unis lorsque ceux-ci évoquent les préoccupations de l’ONU en ce qui concerne l’évaluation des besoins humanitaires. Il faut des mécanismes indépendants d’évaluation, a plaidé la représentante, rappelant que les États Membres des Nations Unies ont l’obligation de garantir un accès humanitaire en fonction des besoins. Si le Royaume-Uni peut comprendre l’argument sécuritaire soulevé par le Gouvernement syrien concernant la zone de Roukban, à la frontière jordanienne, elle estime aussi que le Conseil de sécurité a besoin d’être informé dans le détail des préoccupations syriennes et russes. La représentante attend d’entendre ces délégations sur ce point.
Le Royaume-Uni est enfin du même avis que M. Lowcock, qui en appelle à la « générosité » des donateurs internationaux. Le Gouvernement du Royaume-Uni s’est montré généreux et a promis 3,4 milliards de dollars d’aide humanitaire, a rappelé Mme Pierce en indiquant qu’une « bonne partie » de cette somme a déjà été versée. Pour autant, sa délégation partage, une fois de plus, le point de vue de la France s’agissant de la question de la reconstruction de la Syrie. Elle ne sera traitée que lorsque la crise sera terminée, a conclu Mme Pierce.
Mme JOANNA WRENCKA (Pologne) a déclaré que, si l’accord russo-turc en date du 17 septembre qui a établi une zone démilitarisée dans la province d’Edleb a permis d’éviter une catastrophe humanitaire, les civils de la région n’en continuent pas moins de se heurter à des besoins considérables, et à des menaces à leur sécurité. C’est la raison pour laquelle la représentante a encouragé toutes les parties à pleinement appliquer l’accord, en particulier l’obligation de préserver le cessez-le-feu pour permettre un accès humanitaire sans entraves dans tout le territoire de la Syrie. La représentante a également souligné la nécessité de protéger les civils et les infrastructures civiles, demandant en outre aux acteurs exerçant une influence sur les parties au conflit, en particulier les garants du processus d’Astana, de prendre toutes les mesures possibles pour faire cesser les hostilités une bonne fois pour toutes sur l’ensemble du territoire syrien.
M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a salué les progrès réalisés à Edleb et appelé à mettre en œuvre immédiatement les accords de Sotchi. Il s’est dit inquiet du sort des civils dans la région de Deïr el-Zor, où les combats ont déplacé plus de 30 000 personnes depuis juillet: il a réclamé à l’ONU de leur venir en aide et demandé à toutes les parties prenantes de respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire, et de protéger les civils et les infrastructures civiles, y compris le personnel humanitaire. Vu le large nombre d’engins explosifs laissés par Daech, il a appelé l’ONU à déminer le secteur pour lancer les opérations humanitaires et donner aux réfugiés une opportunité de retourner chez eux, en particulier à Raqqa. Enfin, il a appelé la communauté internationale à soutenir le processus de négociation intersyrien pour résoudre la crise humanitaire, il a recommandé à toutes les parties prenantes de collaborer avec l’ONU et ses agences, et réclamé une approche holistique qui aille au-delà de la seule aide matérielle. Il s’est réjoui de la tenue du récent Sommet d’Istanbul entre la France, l’Allemagne, la Russie et la Turquie et approuvé les avancées qu’il a permises, notamment la création prochaine d’un comité constitutionnel.
M. GBOLIÉ DESIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a rappelé que l’accord sur Edleb avait permis d’empêcher la confrontation et d’éviter une « catastrophe humanitaire sans précédent ». Pour cette raison, la Côte d’Ivoire appelle toutes les parties à s’inscrire résolument dans sa mise en œuvre. Elle les appelle également à la retenue et à prendre les mesures nécessaires pour garantir un accès sûr, durable et sans entraves de l’assistance humanitaire. La Côte d’Ivoire reste par ailleurs convaincue qu’il n’y aura de solution durable à la crise syrienne que dans le cadre du processus politique fondé sur un dialogue inclusif entre toutes les parties. Le représentant a salué en conséquence les initiatives prises dans le cadre du processus de Genève et d’Astana, a conclu le représentant.
M. WU HAITAO (Chine) a rappelé que l’accord conclu entre la Russie et la Turquie pour instaurer un cessez-le-feu et démilitariser la zone d’Edleb tient toujours, même si des années de conflit ont considérablement endommagé les infrastructures civiles, exposant les populations civiles à des difficultés grandissantes à l’approche de l’hiver. Les efforts humanitaires en Syrie doivent être déployés dans le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriales de ce pays, a tenu à rappeler le représentant. Il a ensuite souligné la nécessité de rester mobilisé contre les forces terroristes, qui continuent d’entraver l’acheminement de l’aide humanitaire. La Chine, a-t-il annoncé, vient d’apporter une aide supplémentaire aux populations syriennes, y compris pour les réfugiés se trouvant dans les pays limitrophes, sous la forme de générateurs et de câbles afin d’améliorer l’alimentation en électricité.
Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) s’est réjouie de la conclusion de l’accord sur Edleb et de ses effets positifs sur la situation humanitaire. Pour cette raison, a-t-elle ajouté, il est important que cet accord soit pérenne, et que le Gouvernement syrien continue de faciliter la distribution de l’aide humanitaire aux zones nécessiteuses. Cela dit, l’Éthiopie reste convaincue que la sortie de crise en Syrie ne peut être que politique, dans la ligne de la résolution 2254 (2015). À cet égard, la délégation salue la réunion quadripartite qui s’est tenue vendredi à Istanbul entre la Turquie, la Fédération de Russie, la France et l’Allemagne.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a déclaré que la situation à Edleb est loin d’être rassurante, même si la préservation de l’accord russo-turc jusqu’à présent constitue un pas dans la bonne direction. Le représentant a évoqué le sort de 45 000 personnes qui vivent dans le camp de Roukban dans des conditions précaires et pâtissent de l’insuffisance des soins de santé. S’il s’est félicité du retour de personnes déplacées à Raqqa, M. Meza-Cuadra a exhorté la communauté internationale à déminer le sol, où la présence d’engins explosifs improvisés continue de représenter un grave danger. Sa délégation a également plaidé pour que le retour des réfugiés et personnes déplacées s’effectue dans des conditions sûres et en toute sécurité.
M. KAREL J. G. VAN OOSTEROM (Pays-Bas) s’est inquiété du manque d’accès humanitaire à l’intérieur de la Syrie après presque huit ans de conflit, même dans les zones contrôlées par le régime syrien. Ce dernier refuse depuis le 16 août l’accès aux zones en difficulté aux convois interagences, en particulier aux zones récemment reprises à l’opposition. Le représentant a jugé « intolérable » que des civils soient punis collectivement parce qu’ils vivent dans des zones anciennement aux mains de l’opposition ».
Déplorant la situation à Edleb « où trois millions de Syriens sont coincés entre l’armée syrienne et la frontière turque », M. Oosterom a appelé le Conseil de sécurité à soutenir le couloir humanitaire transfrontalier formé depuis la Turquie. Saluant la baisse de la violence dans ce secteur, il a appelé à un cessez-le-feu durable et au respect du droit international humanitaire. Les Pays-Bas appuient une solution politique négociée entre les parties prenantes syriennes, sur la base de la résolution 2254 (2015) et du Communiqué de Genève (2012), et l’application du principe de responsabilité aux auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Ils désapprouvent les appels « prématurés » à une aide à la reconstruction et au retour des réfugiés, considérant que le pays n’est pas prêt.
M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a partagé les points de vue exprimés par d’autres délégations sur la situation humanitaire catastrophique, la fourniture de l’aide aux zones dans le besoin, la nécessité de reformuler la résolution 2165 (2014) sur l’aide humanitaire en Syrie et d’avancer sur le processus politique, conformément à la résolution 2254 (2015). Du point de vue de la Suède, la situation humanitaire ne sera atténuée que si l’on avance sur le processus politique, a résumé le représentant.
M. VLADIMIR K. SAFRONKOV (Fédération de Russie) a déclaré qu’il faut contribuer à soutenir les processus en cours, au lieu de les « critiquer » ou de « poser des conditions », « ce que franchement nous ne comprenons pas », a-t-il lancé. Les Syriens sont de plus en plus nombreux à rentrer à chez eux depuis la frontière syro-jordanienne, a-t-il constaté avec satisfaction. Nos partenaires turcs font tout leur possible pour démilitariser la zone d’Edleb, mais les organisations terroristes, comme « le Front el-Nosra et les Casques blancs », continuent de se déplacer, parfois en possession d’armes chimiques, a assuré le représentant. Si ces violations se poursuivent, la Russie se réserve le droit de mener des offensives pour éradiquer cette menace, a-t-il mis en garde.
Évoquant le sommet quadripartite tenu le 27 octobre à Istanbul, il a rappelé que cela avait été l’occasion pour les différentes parties de réitérer leur attachement à un règlement politique dans le respect de la souveraineté de la Syrie. Il est maintenant essentiel selon lui de faire démarrer les travaux du comité constitutionnel, mais pour qu’il soit opérationnel, encore faut-il qu’il soit accepté de toutes les parties. Après tant d’années de guerre, le pays devra passer par un processus de réconciliation nationale, et on ne peut pas imposer à Damas des échéances artificielles ou des solutions qui viennent de l’étranger, a-t-il tranché. Quant à ses « collègues » qui continuent de parler du « régime syrien », il leur a rappelé que c’est contraire à tous les documents officiels, qui mentionnent le Gouvernement syrien.
M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a déclaré que son pays reste sur sa position, à savoir que le conflit en Syrie n’a pas d’issue militaire. Il a donc estimé que la violence doit être réduite sur toute l’étendue du territoire syrien, dans le cadre de la résolution 2401 (2018). Le représentant a salué la réunion quadripartite de vendredi dernier entre la Turquie, la Fédération de Russie, la France et l’Allemagne, espérant que cette réunion renforcera le dialogue et permettra de garantir la pérennité du cessez-le-feu, notamment à Edleb. En outre, la Bolivie considère que tous les efforts visant à lutter contre les groupes considérés comme « terroristes » par le Conseil de sécurité doivent également tenir compte de la protection des civils. La délégation appelle donc toutes les parties ayant une influence sur le terrain à rechercher ces deux objectifs.
M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) s’est désolé de voir certains membres du Conseil de sécurité confondre processus politique et question humanitaire, avant de déplorer une supposée attaque aérienne lancée par la coalition à l’aide « de bombes au phosphore blanc ». Il s’est élevé contre les tentatives de certains pays de manipuler le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), imputant la baisse du financement de l’aide fournie dans son pays aux « mesures coercitives » prises par les pays occidentaux à l’encontre de son gouvernement.
Évoquant le rapport présenté par M. Lowcock, le représentant a souligné la nécessité « impérieuse » de modifier le mécanisme de rapport de la situation sur le terrain, estimant que la périodicité de l’examen de ce document devrait être trimestrielle plutôt que mensuelle. Il a accusé les groupes terroristes armés de faire des civils des boucliers humains, en se réfugiant dans des écoles et des hôpitaux, avant de s’élever contre l’indifférence supposée du Secrétariat de l’ONU vis-à-vis des éléments d’information présentés par Damas, qui sont systématiquement ignorés par l’OCHA. La « vérité », a argué le délégué syrien, c’est que son gouvernement a demandé à l’ONU de faire figurer les zones libérées parmi celles qui peuvent bénéficier du plan périodique d’acheminement de l’assistance, mais elles n’ont pas été retenues. « La réponse est à trouver du côté de M. Lowcock », a ironisé M. Ja’afari.
Il a ensuite regretté que les auteurs du rapport, « à la demande de certains pays occidentaux », ne tiennent pas compte du fait que l’aide transfrontalière est utilisée par les groupes terroristes pour acheminer des armes dans son pays. S’agissant des réfugiés, il a assuré qu’ils étaient des millions à prendre le chemin du retour, malgré les tentatives des puissances occidentales de les effrayer pour les dissuader. M. Ja’afari a tenu à rappeler qu’« Edleb est une ville syrienne », et que son gouvernement continuera de combattre les terroristes jusqu’au dernier ou tout transfert d’armes illégal dans son pays.
Reprenant la parole à la fin de la séance, la représentante du Royaume-Uni a déclaré qu’il n’était « pas acceptable de critiquer, dans cette enceinte, les Nations Unies parce qu’elles font leur travail ».