En cours au Siège de l'ONU

8379e séance – après-midi
CS/13550

Conseil de sécurité: près de 14 millions de yéménites menacés par la famine, prévient le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires

Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence a présenté cet après-midi aux membres du Conseil de sécurité, un bilan alarmant de la situation humanitaire au Yémen où près de 14 millions de personnes sont désormais menacées par la famine. 

M. Mark Lowcock a rappelé que si l’an dernier, il avait déjà tiré la sonnette d’alarme, cette fois la situation est pire: il y a 3,5 millions de personnes gravement menacées par la famine, en plus des 8 millions qui bénéficient déjà de l’aide de l’ONU.  Les évaluations actuellement en cours, qui pourraient prendre en compte des critères de préfamine, rajouteraient trois autres millions de personnes à ces chiffres.  « Ce ne seraient plus 11, mais 14 millions » de personnes qui seraient alors concernées, dont femmes, enfants et personnes âgées, a-t-il prévenu.

Or, les combats qui se poursuivent, notamment à Hodeïda, où se situe le plus grand port du pays, empêchent l’acheminement de l’aide humanitaire, s’est alarmé le Coordonnateur des secours d’urgence, avant de déplorer qu’en plus de cette crise, le Gouvernement yéménite a décidé de renforcer les restrictions à l’importation de produits essentiels comme le riz, le sucre, le lait et même le carburant. 

L’aide seule, a-t-il reconnu, ne peut répondre aux besoins de tous les Yéménites.  Il faut d’autres mesures à caractère politiques et économiques.  À ce titre, il s’est réjoui de l’annonce faite par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis de verser une enveloppe de 70 millions de dollars pour payer les salaires de 135 000 enseignants.  « C’est trop peu et trop lent » pour inverser la courbe de la famine, a néanmoins estimé le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires.  Les chiffres du Coordonnateur des secours d’urgence sont « terrifiants », d’autant qu’ils touchent un nombre élevé d’enfants, victimes de malnutrition aigüe, a commenté la délégation du Royaume-Uni, dont le Gouvernement a fait don de 120 millions de dollars pour la lutte contre la malnutrition. 

M. Lowcock a appelé toutes les parties prenantes à faire tout leur possible pour obtenir une cessation des hostilités dans et autour de toutes les infrastructures et installations essentielles pour les importateurs d’aide humanitaire et de produits commerciaux; la protection des fournitures de nourriture et de biens dans tout le pays; une injection plus importante et plus rapide de devises dans l’économie yéménite par le biais de la Banque centrale; et une augmentation des fonds alloués aux opérations humanitaires.  « Les belligérants doivent saisir cette occasion pour s’engager pleinement et ouvertement avec l’Envoyé spécial et mettre fin au conflit », a-t-il ajouté. 

Les membres du Conseil doivent agir « de manière décisive » pour contraindre les houthistes à revenir à la table des négociations, a pressé le représentant du Yémen qui a dit craindre que les réunions du Conseil de sécurité ne s’inscrivent dans une routine consistant à énumérer des chiffres qui sont oubliés dès que la séance est levée.  Il faut engager un processus politique, a ajouté la Fédération de Russie, d’autant que l’histoire du Yémen montre que l’option militaire ne marche pas.  Le conflit ne prendra fin qu’autour de la table des négociations, et « pas sur le champ de bataille », a acquiescé son homologue des États-Unis. 

La représentante de la France a, à son tour, lancé un appel à toutes les parties pour qu’elles s’engagent pleinement avec l’Envoyé spécial puisque « seule une solution politique permettra de mettre fin durablement aux souffrances des Yéménites.  Il faut renforcer le soutien des Nations Unies pour encourager les parties à œuvrer à la désescalade et établir des mesures de confiance pour favoriser les négociations de paix, a encouragé la Chine.  Les membres du Conseil doivent « présenter un front uni » dans leur appel aux parties yéménites, a conseillé le représentant de la Pologne. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

M. MARK LOWCOCK, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a déclaré que son intervention portera essentiellement sur la famine au Yémen.  L’an dernier, a-t-il dit, 107 provinces sur les 333 que compte le Yémen, étaient identifiés comme courant un risque de famine.  Un autre décompte est en cours et le résultat initial devrait être connu à la mi-novembre.  Par ailleurs, le nombre de morts liés à la famine est difficile à comptabiliser, même si les travailleurs humanitaires estiment que ce nombre est à la hausse.  À la fin de l’année dernière, une agence avait estimé qu’environ 130 enfants de moins de 5 ans, mourraient chaque jour d’une maladie liée à la faim, soit environ 50 000 en un an. 

Même si les évaluations de cette année ne sont pas encore connues, le Secrétaire général adjoint conseille de reconnaître qu’il y a maintenant « un danger imminent de grande famine au Yémen ».  Je sais, a-t-il dit, que des membres du Conseil vont répondre que cette sonnette d’alarme avait déjà été tirée l’année dernière, sans qu’une famine ne se produise.  « C’est vrai.  Nous avons alerté sur un risque de famine l’année dernière.  Mais ce sont les efforts et les réponses apportés par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires qui ont permis de limiter les dégâts.  Ce que je vous décris aujourd’hui est pire que les autres fois », a martelé M. Lowcock.

Développant son argumentaire, le Coordonnateur des secours d’urgence a déclaré que la situation est différente car aujourd’hui, ce sont 3,5 millions de personnes qui sont gravement menacées par ce risque de famine, en plus des 8 millions qui bénéficient de l’appui des Nations Unies.  « Ça fait un total de 11 millions », a-t-il dit.  Par ailleurs, les évaluations en cours, prenant notamment en compte des facteurs de préfamine pourraient rajouter, trois autres millions de personnes.  « Ce ne serait plus 11, mais 14 millions », a-t-il encore déclaré, soit la moitié de la population yéménite, et en particulier les enfants et les personnes âgées au système immunitaire fragilisé. 

Or, a-t-il alerté, les combats se poursuivent à Hodeïda, matérialisés notamment par des attaques aériennes et des combats intenses.  Ces combats ont bloqué la distribution de silos de grains capables de nourrir 3,7 millions de personnes; fait fuir 570 000 personnes, fermé la route allant du port d’Hodeïda à Sanaa, la capitale et perturbé le commerce.  Des entrepôts pleins d’aide humanitaire sont occupés depuis plus de deux mois.  Sans une cessation des hostilités, principalement autour d’Hodeïda, les secours d’urgence seront tout simplement submergés, a prévenu le Coordonnateur, ajoutant que pour tous, le moment est venu de bien comprendre ces mises en garde. 

Concernant l’aspect économique de la crise, le Secrétaire général adjoint a déclaré que depuis 2015, le produit national brut a baissé de 50%, détruisant 600 000 emplois.  Des centaines de milliers de fonctionnaires ne reçoivent plus leurs salaires, tandis que plus d’un million et demi de familles ne reçoivent plus d’aide sociale.  Plus de 80% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.  Les agences humanitaires mènent la plus grande opération au monde: quelque 200 organisations travaillent dans le cadre du Plan de réponse humanitaire des Nations Unies et offrent une aide à tous les 333 districts cette année.  Quelque 8 millions de personnes reçoivent une assistance vitale ce mois-ci. 

Parce que l’aide ne peut répondre aux besoins de tous les Yéménites, le Coordonnateur des secours d’urgence a appelé à une injection substantielle de devises et à la reprise des paiements des retraités, des enseignants et des professionnels de la santé.  Aujourd’hui, a-t-il annoncé, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont annoncé une enveloppe de 70 millions de dollars pour payer 135 000 enseignants dans le pays.  Toutefois, a dit craindre M. Lowcock, « c’est trop peu et trop lent » pour inverser la courbe de la famine.  Paradoxalement, s’est-il étonné, le Gouvernement du Yémen s’apprête à renforcer les restrictions sur l’importation de produits essentiels.  Désormais pour importer du riz, du sucre, du lait, de l’huile et les produits dérivés du pétrole, il faut avoir une ligne de crédit à la Banque centrale du Yémen.  Mais seule une poignée de ces lignes a été approuvée depuis le mois de juin, la plupart, ces derniers jours. 

Les restrictions actuelles ont déjà des effets alarmants, et leur prorogation serait une sentence de mort pour un nombre incalculable de civils, et surtout les femmes et les enfants. 

Le Coordonnateur des secours d’urgence a donc appelé toutes les parties prenantes à faire tout leur possible pour obtenir une cessation des hostilités dans et autour de toutes les infrastructures et installations essentielles pour les importateurs d’aide humanitaire et de produits commerciaux; la protection des fournitures de nourriture et de biens dans tout le pays et une injection plus importante et plus rapide de devises dans l’économie yéménite par le biais de la Banque centrale et une augmentation des fonds alloués aux opérations humanitaires.  « Les belligérants doivent saisir cette occasion pour s’engager pleinement et ouvertement avec l’Envoyé spécial et mettre fin au conflit ». 

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a salué le fait que l’ONU puisse faire rapidement rapport au Conseil conformément à la résolution 2417 (2018).  Les chiffres cités par le Coordonnateur des secours d’urgence, M. Mark Lowcock, sont terrifiants tout autant que l’ampleur de la crise qui touche des millions de civils, notamment une malnutrition aigüe pour un nombre élevé d’enfants de moins de 5 ans, en particulier dans la province d’Hodeïda.  Elle a mis aussi en exergue la gravité de la situation humanitaire, appelant à davantage de soutien en termes d’assistance.  À cet égard, elle a indiqué que le Royaume-Uni contribuait à hauteur de 120 millions de dollars pour traiter la question de la malnutrition.  Mais cela ne suffit pas, a-t-elle déclaré, en insistant sur l’accès humanitaire. 

Elle a aussi dénoncé le non-paiement des salaires des fonctionnaires publics et la cherté de la vie qui rend les denrées de première nécessité hors de portée des Yéménites.  Les houthistes devraient notamment cesser de s’ingérer dans l’aide humanitaire, a-t-elle dit, en appelant également à épargner les infrastructures civiles.  Il importe que les opérations militaires soient menées dans le respect du principe de proportionnalité.  Seul un règlement pacifique permettra le retour de la stabilité et de la paix, a-t-elle tranché.  Elle a dit attendre d’autres informations concernant les progrès faits dans les mesures de confiance. 

M. BADER ABDULLAH N.  M. ALMUNAYEKH (Koweït) a reconnu que la situation humanitaire au Yémen ne cesse de se détériorer, plaçant plus de 3,5 millions de Yéménites face à un risque de famine.  Cela est essentiellement dû, a-t-il estimé, à des causes économiques, dont le non versement des salaires et la dépréciation du rial.  Le représentant a donc jugé que la communauté internationale a l’obligation de contribuer à inverser cette dépréciation, en soutenant la Banque centrale yéménite et la collecte des impôts dans l’ensemble du territoire pour assurer le versement des salaires.  Il a salué les efforts déployés par l’Arabie saoudite qui vient de déposer une somme de 200 millions de dollars à la Banque centrale du Yémen pour soutenir le rial, cumulant ainsi un total de plus de 3 milliards de dollars.  L’Arabie saoudite a également offert 70 millions de dollars pour le versement des salaires, a retenu le représentant.

L’autre cause de la situation, a-t-il poursuivi, est l’action des milices houthistes qui, contrôlant une partie du pays, empêchent l’acheminement de l’aide humanitaire.  Ils ont bloqué 690 camions et 84 navires chargés de carburant et d’aide humanitaire, a accusé le représentant.  Ils ont également pris le contrôle du port d’Hodeïda, dont des silos de céréales.  Ils ont transformé le port en état-major, a-t-il affirmé, en appelant à des actions contre ce groupe qui a intenté un coup d’État contre un gouvernement légitime et qui lance des attaques à l’arme lourde contre l’Arabie saoudite. 

M. MA ZHAOXU (Chine) a exprimé ses condoléances aux victimes du cyclone qui s’est abattu sur le Yémen.  Compte tenu du conflit et de la situation actuelle à Hodeïda, de la dégradation de la situation humanitaire, de même que les conditions de vie économiques, du rétrécissement des services médicaux et de la famine, qui ont fait de nombreux morts civils, il a invité les parties au conflit à créer un climat propice à l’acheminement de l’aide humanitaire et à garantir la circulation des marchandises pour stabiliser les prix et subvenir aux besoins fondamentaux du peuple yéménite. 

Il a salué par ailleurs les efforts de l’Organisation mondiale de la Santé et du Programme alimentaire mondial (PAM), et d’autres agences, qui s’efforcent d’endiguer l’épidémie du choléra dans le pays.  Il faut renforcer le soutien des Nations Unies pour encourager les parties à œuvrer à une désescalade des hostilités et établir des mesures de confiance pour favoriser les négociations de paix, a-t-il encouragé. 

Pour sa part, la Chine a apporté de l’aide, notamment des denrées alimentaires et des médicaments.  Il a assuré que son pays s’acquittera de sa responsabilité à ce propos. 

Après avoir dépeint une situation humanitaire qui s’est aggravée depuis la dernière réunion du Conseil sur le Yémen il y a un mois, Mme ANNE GUEGUEN (France) a indiqué qu’il est plus que jamais essentiel de garantir le respect du droit international humanitaire, la protection des civils, l’accès et les acheminements humanitaire et commercial et le redressement de l’économie yéménite.  Pour la France, il ne s’agit là de rien de plus que de mettre en œuvre la Déclaration présidentielle adoptée récemment par le Conseil de sécurité. 

Tout d’abord, a estimé la représentante, il est indispensable de protéger les civils des bombardements comme des tirs d’artillerie, notamment dans une ville aussi densément peuplée que Hodeïda et de permettre aux civils de se déplacer librement et en sécurité.  Les infrastructures civiles doivent être protégées, a ajouté la représentante, avant d’exprimer tout le soutien et l’admiration de la France pour les efforts des acteurs humanitaires sur le terrain, y compris ceux qui travaillent dans les mécanismes de réponse rapide dans les provinces d’Hodeïda et ailleurs au Yémen.

Elle a aussi insisté pour que l’accès humanitaire et commercial soit garanti et que les ports d’Hodeïda et Salif restent ouverts et accueillent au moins autant de denrées essentielles, notamment de nourriture et d’essence, qu’avant le mois de décembre dernier.  Il est tout aussi urgent que le Programme alimentaire mondiale (PAM) puisse accéder aux silos contenant les denrées indispensables à la population, et les acheminer dans la province d’Hodeïda et dans le reste du pays, tout comme le carburant.  L’artère principale entre Hodeïda et Sanaa doit rester accessible et la France appelle les parties à tout mettre en œuvre dans cette perspective. 

Enfin, a conclu la représentante, la France invite à accentuer les efforts pour contenir l’inflation galopante des denrées alimentaires, la chute continue du rial et l’absence de rémunération d’une grande partie des Yéménites.  Elle a ainsi lancé un appel à toutes les parties pour qu’elles s’engagent pleinement avec l’Envoyé spécial afin de relancer le dialogue et faire avancer le processus politique; puisque « seule une solution politique permettra de mettre fin durablement aux souffrances des Yéménites ».

M. KAREL J.  G. VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a déclaré que le nombre de personnes en situation de préfamine au Yémen est de 11 millions, cette crise étant entièrement le fait de l’homme.  Il a exhorté les parties à prendre des mesures concrètes pour y remédier, le Conseil devant assurer le suivi de ces mesures.  Le délégué a exhorté les milices affiliées aux houthistes à abandonner tous les entrepôts humanitaires qu’ils occupent depuis deux mois à Hodeïda.  Le Gouvernement doit remédier de toute urgence aux retards enregistrés dans les importations en raison du décret 75, avant que les importations de biens essentiels ne diminuent encore.  Le représentant a appelé la Coalition à lever les restrictions indues sur les importations commerciales et de demander que le port d’Hodeïda reste ouvert.  Il a insisté sur les nombreuses violations du droit international humanitaire par les parties et exhorté ces dernières à ne pas entraver les déplacements du Groupe d’experts du Comité créé en vertu de la résolution 2140 (2014) du Conseil de sécurité et du Groupe d’éminents experts du Conseil des droits de l’homme.  Enfin, le délégué a demandé une solution politique négociée et exhorté les parties à assumer leurs responsabilités.  Dans le cas contraire, le Conseil devra envisager d’autres mesures, a-t-il estimé.

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a aussi pointé le fait que la situation des civils empire de jour en jour au Yémen à tel point qu’on risque d’assister à la pire famine depuis 100 ans.  Elle a jugé alarmant que près de 4 millions de Yéménites risquent de plonger dans l’insécurité alimentaire d’ici à la fin de l’année si les conditions ne s’améliorent pas.  Le pays pourrait connaître une autre vague d’épidémie du choléra tant le nombre des cas suspectés ne cesse d’augmenter.  Elle s’est attardée sur la situation très alarmante des enfants qui requiert une attention particulière du Conseil car « toutes les 10 minutes un enfant yéménite meurt de causes liées à la guerre et parfaitement évitables, et que des milliers d’autres ont d’ores et déjà été tués ou blessés ». 

Presque tous les enfants auraient besoin d’aide puisque, et d’après les estimations, 1 million d’autres enfants risquent de sombrer dans la famine portant le nombre total à 5,2 millions tandis qu’environ 400 000 enfants de moins de 5 ans souffrent d’une malnutrition grave dont 36 000 vont mourir cette année.  La représentante s’est inquiétée de l’escalade des affrontements et des bombardements à Hodeïda et dans ses environs, lesquels risquent de bloquer l’acheminement de l’aide humanitaire et des denrées de première nécessité. 

En raison de la dépréciation rapide du rial yéménite, les prix de ces denrées atteignent un niveau record.  Comment vivre avec moins d’1,90 dollar par jour? a-t-elle demandé, jugeant critique l’ouverture du port et l’accès à toutes les routes conduisant à Hodeïda.  La protection des civils doit être garantie et des mesures, prises pour soutenir le taux de change et protéger l’économie, a-t-elle suggéré, en proposant également au Conseil de « présenter un front uni » dans son appel à toutes les parties pour qu’elles fassent montre de leur engagement en faveur d’un processus politique sous l’égide de l’ONU, sans conditions préalables et dans le but de parvenir à une solution pacifique pour le bien du peuple yéménite. 

M. VASSILY A.  NEBENZIA (Fédération de Russie) a déclaré que la situation au Yémen, « où se déroule la plus grave crise humanitaire du monde », mérite l’attention du Conseil de sécurité, d’autant que la moitié de la population est menacée par la famine.  La communauté internationale doit apporter une aide humanitaire, sans discrimination et quelle que soit le groupe telle ou telle partie du pays.  Les ports et les aéroports doivent rester ouverts pour que l’aide puisse être acheminée.  On ne pourra pas améliorer la situation, en s’appuyant uniquement sur l’aide alimentaire ou humanitaire.  Il faut engager un processus politique, d’autant que l’histoire de ce pays montre que l’option militaire ne marche pas.  La Fédération de Russie appuie donc les efforts de l’Envoyé spécial et est d’avis que la crise au Yémen, comme dans d’autres régions du Moyen-Orient, est liée à l’absence d’une architecture politique globale.  La Fédération de Russie travaille d’ailleurs avec d’autres partenaires, à l’élaboration d’une telle architecture, a conclu son représentant. 

M. TAYE ATSKE SELASSIE AMDE (Éthiopie) a noté, à son tour, que l’accès à la ville et au port d’Hodeïda demeure difficile alors qu’ils sont déterminants.  C’est la pire crise humanitaire que connaît le monde d’aujourd’hui, a-t-il dénoncé, avant de saluer les contributions des Émirats arabes unis pour payer les salaires par le truchement du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).  L’utilisation du port d’ Hodeïda est d’une importance cruciale pour la protection et la survie de la population civile, a-t-il encore souligné, avant d’exhorter la communauté internationale à travailler à une solution politique qui tienne compte des souffrances du peuple yéménite et respecte la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays.  Il a demandé à toutes les parties d’œuvrer de conserve avec l’Envoyé spécial pour relancer le processus de négociations. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a déclaré qu’à l’évidence, le Conseil n’a pas été à la hauteur de ses responsabilités concernant le maintien de la paix et la sécurité internationales et la protection des 22 millions de Yéménites en situation de vulnérabilité.  Il a estimé que, d’ici à la fin de l’année en cours, environ 50 000 enfants de moins de 5 ans mourront de malnutrition et de maladies et estimé qu’une partie de la communauté internationale les a abandonnés, favorisant du même coup l’avancée de l’extrémisme violent qui conduit au terrorisme.  Il a condamné les rebelles houthistes et leurs crimes pour lesquels ils devront être traduits en justice.  Il a condamné, avec la même vigueur, les attaques menées par les membres de la Coalition contre des civils et des infrastructures vitales pour la lutte contre l’épidémie de choléra.  Il a exigé le lancement de l’enquête transparente et crédible demandée par le Conseil pour identifier et juger les responsables du bombardement d’un autobus en août dernier, qui a ravi la vie de dizaines d’enfants.  « L’impunité est inacceptable », a-t-il tancé. 

Le représentant s’est aussi alarmé d’une éventuelle escalade de la violence dans la ville et le port d’Hodeïda qui risque de restreindre encore l’accès à la nourriture, aux médicaments et au carburant.  Un seul navire, s’est-il lamenté, est arrivé au port depuis novembre 2017.  Il s’est aussi inquiété des conséquences négatives de l’application du décret 75 sur les importations de biens essentiels et considéré que le Gouvernement devrait revenir sur ces mesures.  Il a mis l’accent sur la nécessité d’un cessez-le-feu humanitaire et sur les négociations interyéménites     

M. OLOF SKOOG (Suède) a mentionné quelques chiffres « saisissants » de la crise yéménite.  Si cette situation économique perdure, ce sont 5,6 millions de personnes de plus qui seront en insécurité alimentaire dans les prochains mois, portant le nombre de personnes en situation de préfamine à 14 millions, a-t-il prévenu.  « Cela veut dire qu’il y a 14 millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui s’endorment chaque soir l’estomac vide. » Le délégué a déclaré que la crise économique est la conséquence directe du conflit, ce lien étant le plus visible à Hodeïda où les affrontements font non seulement des victimes civiles mais entravent aussi les opérations humanitaires et les exportations.  Le représentant a plaidé pour un cessez-le-feu durable, un accès humanitaire sans entrave, y compris en maintenant ouverts les ports d’Hodeïda et de Salif, et un respect en toutes circonstances du droit international humanitaire.  Seule une solution politique négociée pourra mettre fin à cette guerre « vaine », a conclu le représentant. 

M. NARCISO SIPACO RIBALA (Guinée équatoriale) a déclaré que compte tenu des données économiques, la communauté internationale doit tout faire pour soutenir le rial, qui a perdu plus de la moitié de sa valeur depuis le début du conflit.  Le représentant a soutenu les propositions de l’Envoyé spécial, qui a mis sur la table un plan de secours économique incluant la Banque mondiale, les donateurs étrangers, ceux de la région et les institutions onusiennes.  Alors que le Yémen est également confronté à l’une des pires cas de choléra, la Guinée équatoriale apprécie la campagne de vaccination mise en place par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a conclu le représentant.

M. DIDAR TEMENOV (Kazakhstan) a résolument appuyé l’appel des Nations Unies à toutes les parties pour qu’elles épargnent les civils, facilitent la liberté de circulation et protègent les hôpitaux, cliniques et établissements scolaires, conformément au droit international humanitaire et aux droits de l’homme.  Il a salué à cet égard les efforts coordonnés des parties prenantes, en particulier les agences onusiennes, les ONG et les pays du Golfe, pour fournir une assistance humanitaire à la population d’Hodeïda.  Il a également fait sien l’appel de l’ONU à toutes les parties pour qu’elles respectent le droit international humanitaire et s’abstiennent d’utiliser des engins explosifs dans les zones habitées.  Toutes les parties au conflit devraient aussi faciliter la poursuite et l’expansion des importations commerciales dans tous les ports, notamment en remédiant aux retards liés au décret 75 du Gouvernement et à d’autres restrictions.  Il a exhorté toutes les parties à une désescalade immédiate de la violence, à la fin de l’offensive contre Hodeïda et à un cessez-le-feu sans conditions.  Il les a aussi exhortées à répondre aux questions complexes grâce à un règlement politique inclusif. 

M. GBOLIÉ DESIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire) a déclaré qu’il était particulièrement préoccupé par la poursuite des combats au Yémen notamment autour du port d’Hodeïda, principale porte d’entrée d’environ 90% de l’aide humanitaire et 70% des importations du pays.  Les affrontements pour le contrôle de ce port stratégique entravent l’acheminement de l’aide humanitaire et provoquent la flambée des prix des produits de première nécessité, a ajouté le représentant. 

Face à la grave détérioration de la situation humanitaire au Yémen, la Côte d’Ivoire appelle toutes les parties à la cessation immédiate des hostilités, a lancé M. Ipo.  Il a affirmé « qu’il n’y a pas d’autre solution alternative qu’un règlement politique de la crise au Yémen ».  Il a exhorté les belligérants à reprendre les négociations dans le cadre du plan de paix de l’Envoyé spécial des Nations Unies.  Il a aussi appelé les mêmes belligérants à lever toutes les entraves à l’acheminement de l’aide humanitaire aux populations en détresse. 

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a encouragé toutes les parties au conflit au Yémen à s’abstenir de prendre pour cible des civils, des infrastructures civiles et le personnel humanitaire.  Mon pays est l’un des principaux contributeurs à l’assistance humanitaire au Yémen, a rappelé le représentant, qui a souligné l’importance de traiter les causes profondes du conflit.  « Il n’y a pas d’autre solution qu’une solution politique », a-t-il estimé, avant d’ajouter que le conflit ne prendrait fin qu’autour de la table des négociations, « pas sur le champ de bataille ». 

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a affirmé que la communauté internationale et le Conseil avaient été maintes fois mis en garde et qu’en conséquence, « nous ne saurions prétendre que nous ne savions pas » ce qui se passe au Yémen.  Il a exprimé sa profonde inquiétude face à la situation humanitaire délicate après les bombardements aériens et les affrontements armés autour d’Hodeïda, qui rendent la route, qui relie cette ville à la capitale Sanaa, pratiquement impraticable.  D’autre part, l’épidémie de choléra a coûté la vie à 2 500 personnes et depuis le début du conflit, le nombre de personnes mortes ou blessées dépasse les 16 000, chiffre « effarant », qui ne fait qu’augmenter. 

La guerre, la maladie et la faim ne sont pas les seuls défis auxquels le Yémen se heurte puisque le dernier cyclone a fait aussi des victimes et jeté sur les routes d’autres familles.  Plus de 70% des importations et de l’assistance humanitaire passent par le port d’Hodeïda, a-t-il tenu à rappeler, alertant sur le risque que le nombre de personnes menacées de faim passe de 8 à 13 millions.  Il a en conséquence appelé les parties au conflit à favoriser un processus pacifique du règlement du conflit, et ce, sans condition et dans le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Yémen.  Il a appuyé le processus de paix et de dialogue social et a invité les parties à se rallier à ce processus. 

M. AHMED AWAD AHMED BINMUBARAK (Yémen) a déclaré que le Conseil de sécurité doit continuer d’apporter son soutien à son pays, auquel aucun autre ne peut imposer sa volonté.  Il a critiqué la délégation des houthistes, qui a choisi de ne pas se rendre à Genève, alors que « nous sommes prêts à dialoguer avec l’Envoyé spécial et à prendre part à toute consultation de nature à conduire à la fin de la crise au Yémen ».  Il a mis sur le compte de l’« idéologie extrémiste de l’Iran » la détérioration de la situation humanitaire.  Les milices houthistes, a-t-il accusé, « torturent, tuent, déplacent » les populations civiles, notamment dans la ville de Taïz.  Le nombre de mines terrestres est de deux millions, a-t-il alerté, avant de faire état de 20 000 enfants-soldats, dont 316 tués et 564 mutilés.  Les milices auteurs de ces crimes s’en prennent aux acteurs humanitaires, ils revendent au marché noir les articles acquis illégalement, a accusé le représentant.  Selon lui, les houthistes seraient entrés par effraction dans les locaux du Programme alimentaire mondial (PAM) à Hodeïda et se seraient emparés de 4 000 tonnes d’aide humanitaire.  Human Rights Watch a fait en outre état d’attaques perpétrées par les houthistes contre les civils, victimes d’enlèvements et de violations des droits de l’homme multiples.  « Les milices houthistes aiment torturer, violer les détenus », forçant leurs familles à payer des rançons pour les remettre en liberté, a encore affirmé le délégué.

Le Yémen connaît une situation difficile sur le plan économique à cause de la guerre et c’est la raison pour laquelle le Gouvernement a pris des mesures pour répondre aux besoins des importateurs de produits de base, avec la mise en place de prix fixes.  Nous avons également injecté 100 millions de dollars à la Banque centrale pour qu’elle réponde aux besoins des petits commerçants, a poursuivi le représentant, qui a précisé que l’industrie pétrolière avait été priée de ne pas laisser l’inflation s’installer.  L’organisation d’un atelier avec des chefs d’entreprise yéménites a été en outre annoncée pour garantir l’entrée dans le pays d’articles de première nécessité.  Le délégué a saisi cette occasion pour demander à tous les bailleurs de fonds d’honorer leurs engagements en vertu du Plan de réponse humanitaire pour 2018.  Nous craignons que les réunions du Conseil de sécurité ne s’inscrivent dans une routine consistant à énumérer des chiffres qui sont oubliés dès que la séance est levée, a avoué le représentant, avant de prier cet organe d’agir de manière décisive pour contraindre les houthistes à revenir à la table des négociations.

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