En cours au Siège de l'ONU

8372e séance – matin
CS/13540

Le Conseil de sécurité se penche sur le rôle des ressources naturelles comme facteurs de conflits

Pour la première fois depuis 2013, le Conseil de sécurité a consacré, ce matin, une séance au rôle des ressources naturelles dans le déclenchement et la perpétuation des conflits, ou plus précisément au rôle joué, « aux dépens des citoyens locaux », par la « monopolisation » du contrôle, de l’exploitation et de l’accès à ces ressources « par des intérêts étrangers, des sociétés multinationales, des acteurs de premier plan et des groupes armés », selon les termes de la note de cadrage qu’a faite circuler la présidence bolivienne du Conseil auprès des autres membres.

« Les études menées par l’ONU montrent que plus de 40% des conflits armés internes de ces 60 dernières années ont été liés aux ressources naturelles.  Les impacts croissants des changements climatiques étant une évidence dans toutes les régions du monde, les risques ne feront que croître », a mis en garde le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres.  « Depuis 1990, 75% des guerres civiles en Afrique ont été partiellement financées par les revenus provenant de ressources naturelles », a-t-il encore relevé.

Dans de nombreux cas, a estimé le représentant de la Bolivie, l’exploitation ou l’accès au pétrole, au gaz, à l’eau, aux minerais ou autres ressources naturelles se transforme en « objectifs stratégiques » pour les parties au conflit ou les groupes armés et autres organisations criminelles.  Or, « derrière ces parties se trouvent souvent des entreprises multinationales ou des intérêts étrangers », a-t-il accusé.

À titre d’exemple, le représentant a cité le coup d’État contre l’Iran en 1953, intenté contre un « gouvernement démocratiquement élu qui exerçait son droit souverain de nationaliser son pétrole » par un groupe « anglo-étatsunien ».  Il a également dénoncé l’invasion de l’Iraq en 2003, « dont l’objectif était de contrôler ses ressources pétrolières », l’invasion du Koweït en 1990 ou encore le conflit en Libye, des accusations reprises à son compte par la Fédération de Russie.

Évoquant la situation sur le continent latino-américain, le délégué bolivien a affirmé que les entreprises multinationales ou les États désireux de faire main basse sur les ressources naturelles des pays de la région n’hésitent pas à financer des mouvements séparatistes, des groupes armés ou les oppositions, de façon à provoquer des « changements de régime » et mettre en place des gouvernements plus soucieux de protéger leurs intérêts.

Un point de vue que n’a pas partagé son homologue des États-Unis, qui a jugé « malheureux » que la séance d’aujourd’hui ne prenne pas en compte la question de la mauvaise gestion des ressources naturelles sur le plan national.  Dans certains pays qui ont un sous-sol riche, les revenus d’exploitation de ces richesses ne profitent pas aux populations, a-t-il argué, en nommant le Venezuela, où les revenus pétroliers et issus d’autres ressources naturelles iraient « directement dans la poche de Maduro et de ses amis ».

En République islamique Iran, a poursuivi le représentant américain, les revenus pétroliers ne profiteraient pas davantage à la population, servant au contraire à financer des activités extérieures ou à concevoir des missiles, a martelé le représentant.  C’est d’ailleurs pour cette raison que les États-Unis œuvrent à la réduction des exportations pétrolières en provenance de Téhéran, a-t-il avancé, en invoquant également le cas du Soudan du Sud, pour disqualifier l’argument selon lequel des intérêts étrangers ou des multinationales seraient responsables de la gabegie.

Tel n’a pas été l’avis de la délégation russe, qui a mis en cause les « bombes à retardement du colonialisme » posées par les « anciennes puissances » et les « forces agressives d’origine étrangère ».  Il a brandi le principe de souveraineté des États sur leurs propres ressources naturelles, une souveraineté, a renchéri la Chine, qui s’étend à l’exploitation, à la commercialisation et à la gestion mêmes de ces ressources. 

Alors que la Bolivie préconisait un renforcement des régimes de sanctions contre la chaîne complète des parties impliquées dans les conflits, y compris les « facilitateurs commerciaux » et les « financiers », la France a, quant à elle, défendu l’idée de recourir davantage aux experts pour mettre à jour les réseaux d’intermédiaires locaux et internationaux, et aux multinationales pour qu’elles s’engagent à adopter une attitude responsable, conformément aux préconisations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).  Cela supposerait une reformulation des mandats des organes subsidiaires du Conseil de sécurité, a souligné le représentant.

Prenant la parole au nom de la Guinée équatoriale et de l’Éthiopie, la Côte d’Ivoire a, pour sa part, appelé le Conseil de sécurité à se mobiliser davantage dans la lutte contre l’exploitation illégale et le trafic des ressources naturelles en s’attaquant aux flux financiers découlant des trafics incriminés, qui pourraient atteindre 50 milliards de dollars par an, soit le double de l’aide publique au développement (APD), voire davantage.

Plusieurs membres du Conseil, dont la Pologne, se sont toutefois félicités de l’existence du Système de certification des diamants bruts du Processus de Kimberley, de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives, et des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. 

Le Royaume-Uni a également cité en exemples le Guide de l’OCDE sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque et le Partenariat européen pour des minerais responsables, autant de mécanismes auxquels son pays restera partie, « même après le Brexit », a assuré la représentante.

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Causes profondes des conflits – le rôle des ressources naturelles (S/2018/901)

Déclarations

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a déclaré que l’exploitation des ressources naturelles, ou la concurrence pour leur exploitation, peut déclencher des conflits violents.  « Prévenir, gérer et résoudre de tels conflits est l’un des défis majeurs et croissants de notre époque.  Les études menées par l’ONU montrent que plus de 40% des conflits armés internes de ces 60 dernières années ont été liés aux ressources naturelles.  Les impacts croissants des changements climatiques étant évidents dans toutes les régions, les risques ne feront que croître », a mis en garde le Chef de l’Organisation. 

D’autres tendances mondiales telles que la croissance démographique, la consommation croissante et la détérioration de l’environnement exercent également des pressions importantes sur la disponibilité de nombreuses ressources naturelles, a-t-il poursuivi.  Parmi celles-ci, le pétrole, le gaz, les minéraux, l’eau et la terre. 

La distribution inéquitable des ressources naturelles, la corruption et une mauvaise gestion peuvent conduire à un conflit, en particulier dans les pays dotés d’institutions plus faibles.  Ces pressions peuvent également exacerber les divisions ethniques ou religieuses existantes au sein des sociétés et au-delà des frontières.  « Depuis 1990, 75% des guerres civiles en Afrique ont été partiellement financées par les revenus provenant de ressources naturelles », a souligné le Secrétaire général.  L’extraction illégale de minéraux, de bois d’œuvre, de charbon de bois et d’espèces sauvages a alimenté la violence dans un certain nombre de régions. 

En République démocratique du Congo (RDC), ce phénomène a généré près d’un milliard de dollars de revenus pour les rebelles et les organisations criminelles, s’est alarmé M. Guterres.  De même, en République centrafricaine, l’exploitation illicite de minéraux par de nombreux groupes armés et milices a contribué à maintenir et à prolonger le conflit en cours. 

« Il faut faire davantage pour réglementer la provenance, la vente et le commerce des minéraux grâce à des accords de coopération associant la société civile, les gouvernements et les organisations régionales », a-t-il recommandé.  Le Processus de Kimberley, qui a réussi à réduire le commerce des diamants de guerre, en est un exemple positif.  Grâce à des pratiques d’extraction, de production et de commerce équitable certifiées, axées sur l’aide aux communautés locales, l’« anarchie » peut être contrée et des avantages tangibles apportés aux populations touchées par le conflit.  Il convient également de souligner que le partage de ressources naturelles a toujours été un « catalyseur » de la coopération entre États, communautés et peuples, a observé le Secrétaire général.  Les avantages mutuels, a-t-il dit, sont généralement une incitation au dialogue pacifique durable, qui peut à son tour ouvrir la voie à une coopération et une compréhension dans d’autres domaines. 

Par exemple, le partage des avantages relatifs aux ressources aquifères a une longue histoire parmi les États riverains du bassin du fleuve Sénégal.  En Amérique du Sud, le lac Titicaca, « le plus grand lac d’eau douce du continent », constitue depuis longtemps une source de coopération entre la Bolivie et le Pérou, a salué le haut fonctionnaire.  « Et […] l’Accord d’Albufeira, adoptée à l’époque où j’étais Premier Ministre du Portugal, continue de promouvoir de bonnes relations entre le Portugal et l’Espagne en matière de gestion de l’eau », a-t-il déclaré. 

En Asie centrale, des progrès sont en cours dans le domaine de la gestion des eaux transfrontalières grâce aux consultations en cours avec les États d’Asie centrale, appuyées par le Centre régional de diplomatie préventive des Nations Unies.  En Iraq, la mission des Nations Unies sur place œuvre à l’élaboration d’un projet relatif aux conflits fonciers afin de promouvoir le renforcement de la confiance intercommunautaire et d’accroître l’inclusivité. 

Enfin, dans le bassin du lac Tchad, la coopération dans le domaine de l’eau a également joué un rôle essentiel en fédérant les pays pour qu’ils s’attaquent aux problèmes plus vastes de la région. 

« Bref, les Nations Unies reconnaissent le potentiel de gestion partagée des ressources naturelles en tant que moyen de prévenir les conflits et de renforcer la coopération régionale pour la paix et le développement durable », a résumé le Secrétaire général. 

Premièrement, l’Organisation cherche à renforcer sa capacité à faire face à la menace croissante de risques sécuritaires liés au climat, dans le cadre notamment d’une nouvelle initiative conjointe associant le Département des affaires politiques, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). 

En outre, l’Organisation a l’intention de maximiser les possibilités de recourir à la médiation sur les ressources naturelles comme outil de prévention des conflits, en coopération avec les États Membres, les partenaires régionaux et les institutions financières internationales, a précisé le Chef de l’Organisation:  « Par exemple, le Groupe de haut niveau sur l’eau, que j’ai convoqué avec le Président du Groupe de la Banque mondiale, a contribué à galvaniser l’action autour de l’hydrodiplomatie. »  

De plus, l’ONU est en train de resserrer davantage encore son partenariat avec les organisations régionales et sous-régionales en vue de renforcer les capacités des acteurs nationaux et locaux en matière de prévention et de résolution des conflits liés aux ressources naturelles.

Par ailleurs, l’Organisation cherche à renforcer la capacité des réseaux et des organisations de femmes à s’engager efficacement dans des processus de dialogue et de médiation autour des ressources naturelles et de l’environnement, y compris dans le contexte d’un climat en mutation.

« Cette initiative, codirigée par ONU-Femmes, le PNUE, le PNUD et le Bureau d’appui à la consolidation de la paix, a déjà aidé des femmes autochtones et afro-colombiennes en Colombie à participer à des processus liés à l’utilisation des ressources naturelles, à la propriété, à la gouvernance et au partage. » 

Le Secrétaire général a annoncé en conclusion qu’à la suite d’une première étude exploratoire menée en 2016 par ONU-Habitat, avoir récemment finalisé une note d’orientation visant à assurer une plus grande convergence stratégique au sein du système des Nations Unies en vue de mieux contribuer à résoudre les problèmes liés aux terres et aux conflits.

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a déclaré que les conflits actuels qui éclatent dans différentes parties du monde montrent qu’au-delà des différends géopolitiques à l’échelle locale ou internationale, c’est presque toujours des questions d’accès, d’exploitation et de contrôle des ressources naturelles économiquement attrayantes qui les sous-tendent.  C’est aussi ce que montre le rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), auquel a fait référence le Secrétaire général, lorsqu’il dit qu’au moins 40% des conflits de ces 60 dernières années avaient pour origine les ressources naturelles. 

Dans de nombreux cas, l’exploitation ou l’accès au pétrole, au gaz, à l’eau, aux minerais ou autres ressources naturelles se transforme en objectifs stratégiques pour les parties au conflit ou les groupes armés et autres organisations criminelles.  Derrière ces parties se trouvent souvent des entreprises multinationales ou des intérêts étrangers. 

À titre d’exemple, le représentant a cité le coup d’État contre l’Iran en 1953, intenté contre un « gouvernement démocratiquement élu qui exerçait son droit souverain de nationaliser son pétrole ».  Derrière ce coup d’État, se trouvait un groupe « anglo-étatsunien ».  Il a également cité l’invasion de l’Iraq en 2003, « dont l’objectif était de contrôler ses ressources pétrolières », l’invasion du Koweït en 1990 ou encore le conflit en Libye. 

Dans d’autres cas, lorsque les politiques souveraines des États sur leurs ressources naturelles affectent les intérêts des entreprises multinationales ou des États qui ont la mainmise sur l’industrie ou la commercialisation de ses ressources, ces entreprises et États n’ont aucune crainte à financer des mouvements séparatistes, des groupes armés ou les oppositions, de façon à provoquer des changements de régime et établir des gouvernements plus enclins à protéger leurs intérêts.  L’histoire récente de plusieurs pays d’Amérique latine est remplie d’exemples, a encore déclaré le représentant. 

Le représentant a ensuite déclaré que du point de vue de son pays, il ne suffit pas uniquement de prendre des sanctions contre ces groupes ou les individus qui les dirigent, mais aussi de renforcer le régime de sanctions, notamment contre la chaîne complète des parties impliquées aux conflits, y compris les « facilitateurs commerciaux » et les « facilitateurs financiers ». 

Le Conseil de sécurité devrait donc reformuler les mandats de ses organes subsidiaires, ses comités des sanctions, afin que leurs experts puissent mener des enquêtes et identifier ces entreprises et autres réseaux criminels.  Il est également important de lutter non seulement contre l’exploitation illégale et l’usurpation des ressources naturelles, mais aussi d’assurer une distribution égale des bénéfices résultant du commerce de ses ressources.  C’est le choix qu’a fait le Gouvernement bolivien.  Depuis qu’il a nationalisé ses ressources naturelles, il a diminué le taux de pauvreté dans le pays.  Elle est passée en 37% en 2005 à 17% en 2017, a-t-il assuré. 

M. GBOLIÉ DESIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire), s’exprimant également au nom de la Guinée équatoriale et de l’Éthiopie, a rappelé que nombre de crises, sur le continent africain se sont muées en affrontements armés pour le contrôle et l’exploitation de ses vastes ressources naturelles tels que l’or, le diamant, le pétrole et le bois, faisant que ces richesses impactent lourdement la paix, la stabilité et le développement des pays concernés.

Il a pointé le déficit de gouvernance et l’inégale répartition des dividendes comme des facteurs clefs du déclenchement, du financement et du prolongement des conflits armés comme l’illustrent actuellement les difficultés à trouver une solution pacifique aux crises en République centrafricaine ou en Libye et, autrefois, au Libéria et en Sierra Leone.  L’Union africaine a d’ailleurs placé cette problématique au cœur de ses préoccupations, a-t-il remarqué.

Pour le représentant, les réponses aux défis posés doivent présenter des stratégies « efficaces » permettant une meilleure gouvernance de l’accès aux ressources naturelles et des mécanismes de contrôle aux niveaux national et international.  À cet égard, il a dénoncé avec force l’implication d’acteurs extérieurs au continent, qui tirent profit de l’exploitation et du commerce illicite de ces ressources: ces « acteurs périphériques » des conflits armés sont en général des groupes armés, des sociétés multinationales, des réseaux financiers internationaux ou des intérêts étrangers, a-t-il indiqué.

Il a donc appelé, en conséquence, le Conseil de sécurité à prendre les mesures appropriées et à renforcer son rôle dans la lutte contre l’exploitation illégale et le trafic des ressources naturelles en soulignant un autre défi majeur, selon lui, que sont les flux financiers liés à ces commerces illégaux: ceux-ci, a-t-il insisté, pourraient atteindre 50 milliards de dollars par an, soit le double de l’aide publique au développement (APD) et même davantage. 

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a reconnu que les ressources naturelles constituent un outil important de développement, mais que leur pillage est un facteur aggravant de conflit.  Il est important, a-t-il également souligné, de garantir la stabilité des marchés financiers internationaux en vue d’éviter les cycles d’essor et de déclin pour les pays dont l’économie reste tributaire de l’exportation de ressources naturelles. 

Le représentant a estimé que les industries extractives peuvent aussi contribuer au développement local en proposant des emplois décents et en facilitant le transfert de technologies, dans le respect des communautés autochtones.  De telles mesures sont nécessaires pour lutter contre la pauvreté, a souligné M. Meza-Cuadra.  Or, dans de nombreux conflits actuels, l’injustice et la corruption facilitent l’émergence de milices et de groupes armés qui peuvent rapidement exercer un contrôle sur les ressources naturelles locales. 

En raison des liens de ces groupes avec la criminalité organisée, les comités des sanctions du Conseil de sécurité devraient accorder une attention particulière aux réseaux de trafic illicite de ressources naturelles en provenance de pays visés par les mesures.  Le délégué a fait référence à la République démocratique du Congo (RDC), particulièrement riche en ressources naturelles, lesquelles ne servent pas le développement du pays.

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a déclaré souscrire aux observations du Secrétaire général, mais jugé « malheureux » que la séance d’aujourd’hui ne prenne pas en compte la question de la mauvaise gestion des ressources naturelles sur le plan national.  Dans certains pays qui ont un sous-sol riche, les revenus d’exploitation de ces richesses ne profitent pas aux populations; ils n’améliorent pas leur vie, a-t-il constaté en citant le cas du Venezuela.  Le représentant a avancé qu’au Venezuela, les revenus du pétrole et des autres ressources naturelles vont « directement dans la poche de Maduro et de ses amis ». 

En Iran, on voit aussi que les revenus du pétrole ne profitent pas à la population, mais servent à financer des activités extérieures au pays ou à fabriquer des missiles, a poursuivi le représentant.  C’est d’ailleurs pour cette raison que les États-Unis travaillent à réduire les exportations de pétrole de l’Iran, a-t-il ajouté.  Le délégué a encore cité le Soudan du Sud: il a constaté que l’argent du pétrole ne bénéficie pas aux populations.  Dans tous ces exemples, a-t-il expliqué, ce ne sont pas des intérêts étrangers ou des entreprises multinationales qui sont responsables de la mauvaise gestion des ressources naturelles. 

Les États-Unis soutiennent les mécanismes permettant une meilleure gestion des ressources naturelles.  Ils soutiennent par exemple le Processus de Kimberley qui favorise la transparence dans le commerce du diamant, permettant une élimination de tous les conflits financés par le diamant.  Ils sont également d’avis que les Nations Unies et les États doivent faire plus pour affermir le régime de sanctions.  « Car si on travaille tous ensemble, on pourra réduire l’exploitation illégale et la mauvaise gestion des ressources naturelles », a conclu le représentant. 

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a plaidé en faveur d’une évaluation véritable des risques posés par l’exploitation illégale des ressources naturelles, dont les conclusions devraient être communiquées au Conseil de sécurité et à la Commission de la consolidation de la paix (CCP).  Les ressources naturelles sont une notion qui ne recouvre pas seulement les industries extractives, a-t-elle observé, en préférant attirer l’attention sur le Processus de Kimberley et le régime international de certification des diamants.  La déléguée a jugé qu’il est plus profitable de mettre fin à un conflit en démantelant des réseaux de criminalité organisée plutôt que de les laisser prospérer pour réaliser des profits.  Les ressources naturelles, a ajouté Mme Gregoire Van Haaren, sont essentielles à la création d’une société intégrée et plus inclusive où le partage des ressources naturelles profiterait à tous.  Si les gouvernements n’interviennent pas en ce sens, alors le Conseil de sécurité sera tenu d’agir, a-t-elle affirmé, en appelant ce dernier à une bonne évaluation des risques et à prendre les mesures qui s’imposent à chaque fois que nécessaire. 

M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a déclaré que la fréquence des réunions sur la question du rôle des ressources naturelles dans les conflits montre que le Conseil semble ne pas porter une grande importance à ce sujet.  Or, on voit bien que la plupart des conflits dans le monde, en particulier ceux qui ont lieu dans les pays en développement n’ont pas de causes politiques, mais souvent des causes économiques.  On voit même qu’en dépit des résolutions des Nations Unies et du Conseil de sécurité en particulier, ces conflits perdurent, a-t-il dit.

Dans ce contexte, le Koweït est d’avis que des améliorations peuvent être apportées sur le plan international, notamment en accordant une plus grande attention au sujet.  Il faut également mettre en œuvre les mécanismes internationaux et régionaux sur la gestion des ressources naturelle, comme le Protocole sur la lutte contre lexploitation illégale des ressources naturelles ou le Processus de Kimberley.  Il faut en outre renforcer le régime de sanctions, a plaidé le représentant. 

Il a également déclaré que les ressources naturelles sont une « bénédiction divine », et, de ce fait, doivent être correctement gérées et destinées au développement et aux populations.  C’est ce que fait le Gouvernement du Koweït, a assuré le représentant. 

Pour M. OLOF SKOOG (Suède), si les ressources naturelles ont un bénéfice potentiel significatif pour les populations concernées, elles peuvent aussi encourager l’instabilité et la violence, comme l’a montré le rapport conjoint de l’ONU et de la Banque mondiale, selon lequel 40 à 60 % des conflits armés inter-États des 60 dernières années ont été déclenchés ou alimentés par la question des ressources.

La mission du Conseil en République démocratique du Congo (RDC) lui a permis de voir à quel point les richesses naturelles de ce pays étaient encore loin de se traduire en prospérité et stabilité pour sa population, a-t-il relevé.  Aussi, le système des Nations Unies a-t-il un rôle important à jouer pour garantir que les ressources naturelles ne seront pas synonymes de fléau, a-t-il jugé.

Pour ce faire, il a appelé à renforcer la gouvernance et les institutions nationales afin de protéger les intérêts nationaux en adoptant un cadre législatif solide.  La mise en œuvre de Programme de développement durable à l’horizon 2030 impose également la création d’institutions redevables, inclusives notamment dans le domaine fiscal.  Il a également insisté sur la nécessité de lutter contre le crime organisé alors que la contrebande d’essence ou les minerais illicites ont fourni d’importantes sources de revenu aux groupes armés et aux organisations terroristes.  Il en a aussi appelé à la responsabilité des entreprises qui doivent s’assurer que leurs activités n’auront pas d’impact négatif.  

Les pays africains montrent actuellement la voie, a-t-il poursuivi, en améliorant les procédures de l’industrie extractive.  La transparence est la clef en ce domaine et les banques ont également des responsabilités, a-t-il estimé en apportant son soutien à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives et à la Classification cadre des Nations Unies pour les ressources naturelles.

Les nombreux défis posés par les ressources naturelles étant sans frontières, ils appellent une réponse nationale, régionale et internationale a-t-il conclu.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a estimé que l’examen de la question à l’ordre du jour, « très importante », ne relève pas du mandat du Conseil de sécurité, mais de celui de la Deuxième Commission, par exemple.  La priorité consiste, selon lui, à aider les États vulnérables à appliquer des modèles viables d’exploitation des ressources naturelles dans le respect de leur souveraineté.  Il a ensuite déploré bon nombre de situations où les ressources naturelles alimenteraient des rivalités au point de déclencher des conflits, souvent provoqués par des forces agressives d’origine étrangères. 

Dénonçant les « bombes à retardement du colonialisme », le représentant a montré du doigt les « anciennes puissances », qui continuent d’exploiter les pays concernés par le biais de multinationales, en cherchant à faire main basse sur les richesses locales.  Il a ensuite mentionné la Libye, « maintenue artificiellement en état de morcellement », et qui est devenue la « place d’armes d’acteurs étrangers » qui se disputent les ressources locales. 

Le représentant russe a aussi regretté la situation en Iraq, provoquée selon lui par l’« invasion », et dont les hydrocarbures sont exploités à son détriment.  En République démocratique du Congo (RDC), a poursuivi le délégué, l’exploitation illicite des ressources naturelles par des « formations militaires étrangères » entrave le développement du pays, tandis qu’en Somalie, les revenus issus du pétrole et des minerais sont une source de préoccupation. 

Enfin, en Amérique latine, les problèmes sont le plus souvent liés à l’ingérence étrangère, « parfois une ingérence armée », a rappelé le représentant, qui a insisté en conclusion sur le principe de souveraineté de l’État d’accueil sur ses propres ressources naturelles.

M. MA ZHAOXU (Chine) a déclaré que la question des conflits ne peut se résoudre que dans le cadre d’un développement durable des pays.  Mais pour y parvenir, a-t-il précisé, la communauté internationale doit respecter la souveraineté des États sur leurs ressources naturelles, une souveraineté qui s’exerce sur l’exploitation, la commercialisation et la gestion de ces ressources.  Le représentant a ajouté qu’il appartient aux pays en développement de veiller à une bonne gouvernance de ces ressources et de faire en sorte que celles-ci soient tournées vers le développement et profitent véritablement aux populations.  Les entreprises multinationales doivent de leur côté respecter les pays hôtes, a-t-il aussi recommandé.  La Chine, qui est très attachée à la question du développement, pense par ailleurs que les sanctions des Nations Unies ne sont pas une fin en soi, si elles ne visent pas le développement et le bien-être des populations, a conclu le représentant. 

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a constaté avec la plus grande préoccupation que l’accès aux ressources naturelles et leur contrôle sont devenus des facteurs conflits à travers le monde.  Le respect du droit international devrait être une source d’inspiration et un point de départ pour réfléchir au rôle que le Conseil de sécurité pourrait jouer pour neutraliser ce phénomène, a-t-elle analysé, en citant les comités des sanctions et les groupes d’experts qui leur sont associés.  « Nous avons à notre disposition une variété d’instruments internationaux, au sein du système des Nations Unies et de ce Conseil en particulier », a noté la représentante, qui a estimé qu’il fallait tenir compte simultanément des volets relatifs au développement, au commerce, à la sécurité et à la diplomatie.  Par ailleurs, s’il incombe en premier lieu aux gouvernements concernés d’assurer le contrôle de leurs propres ressources naturelles, l’engagement du secteur privé reste absolument essentiel, a observé Mme Wronecka.  Elle s’est félicitée à cet égard de l’existence du Système de certification des diamants bruts du Processus de Kimberley, de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives, et des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, autant d’« exemples de normes globales et de pratiques optimales pour prévenir les abus ». 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a estimé qu’il convenait de combiner l’action de court terme et le travail à long terme pour éviter que l’exploitation des ressources naturelles ne concourt à déclencher, amplifier ou pérenniser des conflits meurtriers.

Ce qui signifie, en termes de prévention, veiller à mieux identifier les situations de fragilité, encourager le partage des analyses et diagnostics et développer des mécanismes d’alerte précoce.  À cet égard, le représentant a invité le Secrétaire général à intégrer la dimension « ressources naturelles » dans ses rapports et à se doter de l’expertise requise à cet effet.

Sur le traitement des crises, a-t-il poursuivi, la prédation des ressources naturelles et l’économie de rente qui en découle incitent de nombreux acteurs au statu quo, a-t-il souligné en citant l’exemple de la Libye, de la République démocratique du Congo (RDC) ou de la République centrafricaine minées par les activités prédatrices de groupes armés.  Car l’économie de guerre est aussi une économie de rente, a-t-il insisté, notant par ailleurs que les difficultés d’accès à l’énergie et aux ressources naturelles sont également un facteur d’augmentation des violences sexuelles à l’encontre des femmes chargées de la corvée d’eau par exemple.

Les sanctions constituent une réponse, comme en RDC et en République centrafricaine, mais il faut faire davantage avec l’aide d’experts spécialisés, a suggéré le représentant: ceux-ci doivent être encouragés à mettre à jour les réseaux d’intermédiaires locaux et internationaux et les entreprises multinationales à adopter une attitude responsable, comme l’a recommandé l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Certains mécanismes de suivi et de certification comme le Processus de Kimberley pour les diamants ont également apporté une contribution précieuse en la matière.  Mais ces efforts doivent être poursuivis dans les situations de post-conflit, a poursuivi le représentant estimant que sur ce point, la réforme des secteurs de sécurité est cruciale.  Les opérations de maintien de la paix peuvent également aider les pays hôtes à renforcer l’état de droit et à exercer leur souveraineté dans ce domaine, a-t-il conclu, en saluant le rôle « important » que joue la Commission de consolidation de la paix (CCP) pour rassembler toutes les composantes du système des Nations Unies et les institutions internationales.

Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a déclaré observer que les atouts naturels qui devraient encourager la croissance et le développement dans les pays sont détournés à d’autres fins.  En Iraq et en Libye, le pétrole sert à financer les activités des terroristes.  En Angola, en République démocratique du Congo (RDC) ou au Libéria, le diamant sert ou a servi à financer les activités des groupes armés.  Les pertes occasionnées par ces détournements sont estimées à environ 50 milliards de dollars américains par an, dépassant même le montant annuel de l’aide publique au développement (APD), a déploré la représentante.

Dans ce contexte, le Royaume-Uni est d’avis que le régime de sanctions peut en effet être un moyen de lutter contre ces détournements, comme on l’a vu avec les sanctions imposées sur le commerce de diamants, de bois, de charbons ou l’interdiction du commerce du pétrole avec Daech. 

En tant que membre fondateur du Processus de Kimberley, le Royaume-Uni estime que ce mécanisme a fait ses preuves, tout comme les principes édictés par le Guide de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque et le Partenariat européen pour des minerais responsables.  Même après le Brexit, le Royaume-Uni restera attaché à ces mécanismes, a assuré la représentante. 

M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a remarqué que l’abondance ou le manque de ressources naturelles telles que l’eau, la nourriture ou l’énergie et les minerais ont exercé une forte ponction sur les populations et prolongé les tensions: ceci non seulement le fait de gouvernements mais aussi de sociétés étrangères et multinationales du secteur extractif, aux riches exploitants et aux groupes armés ou milices dont les agissements ont de graves conséquences humanitaires.

Or, le manque croissant de ressources conjugué aux changements climatiques risque de devenir un problème plus aigu encore en attisant les tensions et les conflits dans les décennies à venir, lorsque la population atteindra neuf milliards en 2050.  Aussi, a-t-il estimé que l’exploitation des ressources naturelles devait s’accompagner d’un renforcement accru des capacités nationales pour contribuer au développement de l’économie en général.  Il a proposé son pays en exemple, qui attire les investisseurs étrangers sur la base de bénéfices mutuels et diversifie l’économie de façon à répondre aux besoins de la population. 

Selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a-t-il souligné, plus de 40% des conflits internes des 60 dernières années sont liés à l’exploitation des ressources naturelles.  Il a plaidé en faveur du respect de la souveraineté des États sur leurs ressources, estimant que la dégradation de l’environnement et l’exploitation illégale des ressources naturelles imposent à la communauté internationale de rechercher une approche globale et coordonnée.  Il faut générer de nouvelles initiatives, a poursuivi le représentant, en suggérant un système de gestion collective des ressources naturelles et le renforcement de la coordination entre les agences spécialisées et le système de l’ONU.

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