Conseil de sécurité: La Fédération de Russie présente les résultats du sommet de Téhéran sur la Syrie et se heurte à une vague de critiques
La Fédération de Russie a demandé, aujourd’hui, la convocation d’une réunion du Conseil de sécurité pour faire part des résultats du sommet qui s’est tenu le 7 septembre à Téhéran entre les garants du processus d’Astana – la Russie, l’Iran et la Turquie. Le sommet, qui a réfléchi aux moyens de réduire la violence en Syrie, notamment à Edleb, a été « constructif », a affirmé la Fédération de Russie. Une position aux antipodes de celles des pays occidentaux, les États-Unis estimant que ce processus est un « échec » et promettant des « conséquences sérieuses » pour toute offensive militaire à Edleb.
La Fédération de Russie a indiqué d’emblée que le sommet de Téhéran a été un « jalon important dans le relèvement de la Syrie ». Lancé en janvier 2017, le processus d’Astana a donné lieu à l’Accord du même nom, signé le 4 mai 2017, entre les trois garants sur la création de quatre zones de désescalade, à savoir la Ghouta orientale, Deraa, Homs et à Edleb. Les trois premières zones ont été reprises par l’armée syrienne cette année.
Signalant la présence massive de combattants terroristes à Edleb, la Fédération de Russie a indiqué que les trois garants du processus d’Astana sont prêts à poursuivre des efforts énergiques pour éradiquer le terrorisme en Syrie, mettre fin aux souffrances des civils et initier un processus politique. La Fédération de Russie a fait la distinction entre les terroristes et les groupes armés disposés à s’engager dans un processus politique.
Le signal envoyé par le sommet de Téhéran doit être entendu, « maintenant que nous voyons des menaces de frappes contre des installations gouvernementales à cause de l’emploi supposé d’armes chimiques », a ajouté la Fédération de Russie qui a argué que la Syrie n’aurait aucune raison de les utiliser, car cela ouvrirait la voie aux frappes de représailles de la « troïka occidentale ». L’Iran a fustigé « ces inventions » pour justifier le recours à la force contre la Syrie.
La Turquie, un des trois garants, s’est quelque peu démarquée et a mis en garde contre une opération militaire d’envergure à Edleb, craignant une catastrophe humanitaire. « Une opération militaire ferait le jeu des terroristes », a-t-elle prévenu. Seul un cessez-le-feu viable permettra la création d’un environnement propice à la lutte contre le terrorisme, a asséné la Turquie.
Ces propos ont été salués par le Royaume-Uni qui a invité le Conseil à se rallier autour du plan de la Turquie, tandis que les États-Unis ont prévenu: « Nous ne laisserons pas l’Iran, derrière la façade du processus d’Astana, saboter l’avenir du peuple syrien ». La France a fustigé l’absence d’engagement ferme de la Fédération de Russie et de l’Iran à préserver la désescalade « dont ils se sont portés garants ». Elle a aussi prévenu qu’elle ne tolèrera aucun nouvel usage d’armes chimiques, et est prête, avec ses proches partenaires, « à réagir en cas d’attaque chimique », a-t-il dit, appuyée par son homologue des États-Unis. La Chine a émis le vœu que les discussions sur la création d’un comité constitutionnel, lancées par l’Envoyé spécial, M. Staffan de Mistura, constituera une première étape du processus politique.
Le Conseil de sécurité a commencé la séance en observant une minute de silence à la mémoire des victimes des attaques terroristes perpétrés le 11 septembre 2001 à New York, à Washington et à Philadelphie.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Déclarations
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a rappelé que le Président Vladimir Putin avait été le premier dirigeant à appeler le Président américain, le 11 septembre 2001. Le troisième sommet des garants du processus d’Astana, à savoir la Fédération de Russie, l’Iran et la Turquie, a poursuivi le représentant, a été constructif. Tenu le 7 septembre dernier, il a été un jalon important dans le relèvement de la Syrie. Les trois garants, a-t-il affirmé, sont prêts à poursuivre des efforts énergiques pour éradiquer le terrorisme en Syrie, mettre fin aux souffrances des civils et initier un processus politique. Les trois garants se sont également engagés à garantir la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie, a déclaré le délégué russe.
Nous avons parlé d’Edleb, où des combattants terroristes, appartenant à des organisations hors la loi, visées comme telles par le Conseil de sécurité, sont massés, a-t-il poursuivi, en réaffirmant l’engagement des trois garants à mettre fin aux activités terroristes. Indiquant que la possibilité d’un dialogue existe et qu’elle doit être exploitée, il a demandé aux groupes armés de cesser leurs tirs contre des villes syriennes, en particulier dans le nord-ouest de la province de Hama. Le délégué a voulu faire la distinction entre les groupes armés disposés à s’engager dans un processus politique et les groupes terroristes. Ceux qui ont de l’influence sur les groupes armés doivent l’exercer, a-t-il déclaré, rejetant, en revanche, comme impossible toute coexistence avec les terroristes. Nous ne tolèrerons pas leurs agissements, ces groupes étant la ramification d’Al-Qaida contre lequel le monde se bat depuis le 11 septembre 2001, a tranché le représentant.
Il a espéré que le signal envoyé par le sommet de Téhéran sera entendu, « maintenant que nous entendons les menaces de frappes contre des installations gouvernementales à cause de l’emploi supposé d’armes chimiques ». La Syrie, a souligné le représentant, n’a aucune raison d’utiliser de telles armes. Elle n’en a pas et elle est tout à fait consciente qu’un recours à ces armes ouvrirait la voie aux frappes de représailles de la « troïka occidentale ». Les allégations ne sont que des provocations des adversaires de Damas qui espèrent obtenir l’aide de leurs « protecteurs occidentaux ».
Le délégué a pris note des consultations qui doivent bientôt avoir lieu à Genève sur, entre autres, la création d’un comité constitutionnel représentant tous les Syriens. Il a attiré l’attention sur l’efficacité du format d’Astana et la capacité de ses trois garants de trouver des compromis. Le prochain sommet aura lieu en Fédération de Russie, a-t-il conclu.
M. KAREL J.G. VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a parlé des risques d’escalade rapide impliquant les acteurs régionaux et internationaux, de la responsabilité des garants d’Astana et de la nécessité d’un cessez-le-feu complet, et de l’urgence de protéger les civils lors de la lutte contre le terrorisme. Les risques d’escalade rapide impliquant les acteurs régionaux et internationaux n’ont jamais été aussi grands. Les conséquences potentielles sont terribles. C’est la raison pour laquelle il est urgent d’accorder une attention effective à la diplomatie avec l’objectif de se rapprocher d’une solution non militaire. La solution politique est la seule option pour terminer ce conflit de manière durable, conformément à la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité.
Le représentant a ajouté que sa délégation était déçue des résultats du sommet de Téhéran. C’est la responsabilité des garants d’Astana de faire respecter les accords de cessez-le-feu et de désescalade qu’ils ont précédemment agréés et pour protéger les civils. Ils ont réitéré leur engagement de trouver une solution négociée en Syrie mais en pratique deux des trois garants se préparent plutôt à une offensive militaire à grande échelle à Edleb.
Si la Fédération de Russie et la République islamique d’Iran sont sérieuses concernant une solution non militaire, elles devraient arrêter les préparatifs militaires autour d’Edleb et arrêter immédiatement les attaques aériennes. C’est important que la zone de désescalade soit respectée. « Nous partageons les inquiétudes turques concernant l’escalade de la violence et d’une imminente catastrophe humanitaire à Edleb. »
Pour ce qui est de la protection des civils, M. van Oosterom a déclaré que toutes les parties devraient faire preuve de retenue, accorder la priorité à la protection des civils et permettre un accès humanitaire sans entrave. Les civils ne sont pas les seuls à pouvoir quitter la ville. « Nous sommes sceptiques au concept de couloirs ou de routes d’évacuation protégés. Les parties doivent respecter le droit international humanitaire en Syrie et en particulier à Edleb. »
Toute mesure contre le terrorisme doit se conformer aux obligations du droit international en particulier des droits de l’homme, du droit des réfugiés et du droit international humanitaire. Combattre le terrorisme n’est pas une excuse pour attaquer sans distinction ou proportionnalité. Les dernières contestations de la population civile à Edleb contre la violence et l’extrémisme montrent que la ville n’est pas un « foyer du terrorisme ».
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a regretté que la réunion de Téhéran n’ait pas permis d’obtenir un engagement ferme de la Russie et de l’Iran à préserver la désescalade dont ils se sont portés garants. « Notre priorité commune reste la lutte contre le terrorisme, mais cette lutte ne peut justifier des attaques indiscriminées contre des civils », a-t-il souligné. « Nous savons combien une offensive d’ampleur à Edleb aurait des conséquences désastreuses sur le pays et la région, en termes humanitaires, sécuritaires et politiques », a averti le représentant. La France, a-t-il prévenu, ne tolèrera aucun nouvel usage d’armes chimiques, et est prête, avec ses proches partenaires, « à réagir en cas d’attaque chimique ».
Préserver le cessez-le-feu et protéger les civils, y compris les personnels humanitaires, doivent être la première priorité des acteurs présents sur le terrain, a poursuivi M. Delattre. « Il faut pour cela que la Russie s’engage. » La France, a-t-il assuré, ne ménage pas ses efforts. Selon lui, les garants doivent obtenir un délai permettant de trouver un accord. M. Delattre a rappelé que la seule issue crédible au conflit syrien est une solution négociée et acceptable par tous. Il a proposé la feuille de route suivante: un engagement résolu des parties à un cessez-le-feu pour épargner la population civile d’Edleb; la poursuite du processus politique avec pour première étape un appui collectif au lancement des travaux du Comité constitutionnel syrien; et le rassemblement des membres du Conseil de sécurité autour d’un agenda politique constructif à l’Assemblée générale.
M. MA ZHAOXU (Chine) a commencé par adresser ses plus profondes condoléances aux victimes des attentats du 11 septembre 2001, affirmant que la communauté internationale est unie contre le terrorisme. Il a ensuite salué la tenue du sommet tripartite, le 7 septembre dernier, et a félicité les trois pays du processus d’Astana « qui s’efforcent de trouver une solution politique pour la Syrie ». Le représentant a aussi mentionné le rôle positif de l’Envoyé spécial, M. Staffan de Mistura. Il a appelé toutes les parties à respecter les principes de la Charte des Nations Unies et les autres normes internationales, et à éviter de menacer de recourir à la force ou d’y recourir. Les parties doivent prendre toutes les mesures pour épargner les civils, a insisté le représentant avant de demander à la communauté internationale d’appuyer le processus d’Astana et les Nations Unies « qui restent le principal médiateur dans ce conflit ». Il a espéré que la discussion sur la création d’un comité constitutionnel, lancé par l’Envoyé spécial, constituera une première étape du processus politique.
M. OLOF SKOOG (Suède) s’est dit très préoccupé par l’escalade de la violence à Edleb en raison des agissements de la Syrie et de la Fédération de Russie. Toutes les parties doivent se conformer au droit international et protéger les civils, a—t-il dit, en rappelant que trois millions de civils vivent à Edleb.
Dans ce contexte, il a souligné l’importance pour les garants d’Astana d’intensifier leurs efforts en vue de mettre en œuvre l’accord de désescalade qu’ils ont conclu, de protéger les civils, de garantir un accès humanitaire et de prévenir une escalade militaire. « Ils doivent agir dès à présent pour éviter une catastrophe humanitaire colossale en cas d’offensive militaire de grande envergure à Edleb », a déclaré M. Skoog. « Cela est loin d’être hypothétique puisque nous avons vu que toutes les zones de désescalade se sont transformées en zones d’escalade depuis l’année dernière. »
Enfin, il a invité le Conseil à œuvrer pour une solution pacifique à Edleb, conformément au droit international.
Il a semblé à M. GBOLIÉ DESIRÉ WULFRAN IPO (Côte d’Ivoire), que la rencontre de Téhéran n’a pas apporté de réponses rassurantes quant aux inquiétudes sur le sort d’Edleb, notamment la protection des civils et les répercussions humanitaires du conflit, « les garants du Processus d’Astana ayant seulement insisté sur la nécessité de combattre le terrorisme et le droit de Damas de récupérer l’intégralité de son territoire ». Les nombreux appels lancés par le Conseil de sécurité et la communauté internationale n’ont pu empêcher la récente escalade de la violence, qui a entraîné le déplacement de plus de 30 000 personnes, a regretté le représentant. Convaincue qu’il est encore temps de donner une chance à la paix, la Côte d’Ivoire exhorte toutes les parties prenantes à un cessez-le-feu immédiat et à privilégier la voie des négociations, a conclu le représentant.
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a présenté ses condoléances au peuple américain et aux familles des victimes du 11 Septembre, et s’est engagé à poursuivre les efforts du Koweït pour neutraliser Daech en Syrie.
Revenant sur le sommet du 7 septembre des garants du processus d’Astana, il a appelé les parties concernées à poursuivre le dialogue pour parvenir à un règlement pacifique de la situation à Edleb, et a rappelé que le prix d’une escalade militaire sera payé en premier lieu par les femmes, les enfants et les malades.
Suivant les rapports sur l’évolution de la situation à Edleb, il s’est dit préoccupé par le déplacement de plus de 30 000 personnes d’Edleb au cours des derniers jours. Revenant également sur l’avertissement lancé par le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Mark Lowcock, qui redoute qu’une intervention militaire à Edleb ne conduise à la pire catastrophe humanitaire, il a exhorté les parties à assurer la protection des civils et des sites civils. « Les attaques militaires contre des groupes terroristes ne justifient pas que l’on contrevienne au droit international. »
Le Koweït souscrit au communiqué du Secrétaire général du 29 août dans lequel il a appelé les garants d’Astana à intensifier leurs efforts pour parvenir à un règlement pacifique de la situation à Edleb. « Il s’agit de la quatrième séance du Conseil sur la Syrie en moins d’une semaine », a noté le représentant, qui a espéré que « cette mobilisation » permette d’éviter l’escalade militaire et ses conséquences humanitaires à Edleb.
M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a salué le sommet trilatéral des pays garants du processus d’Astana qui a eu lieu à Téhéran et qui a débouché sur l’adoption d’une déclaration conjointe et une plus grande coopération entre les trois pays -Fédération de Russie, Turquie et République islamique d’Iran- pour régler la crise syrienne. Rappelant que c’est la troisième fois que ces trois pays se réunissent dans le cadre de ce processus, il a souligné qu’ils avaient réitéré leur attachement à l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie. Ce sommet a également démontré le rôle du processus d’Astana dans la coordination des activités internationales dans le contexte du processus de paix syrien, y compris la défense de l’unité politique et de l’intégrité du pays, a poursuivi le représentant.
Abordant la question de la coopération dans la lutte contre les groupes terroristes comme Daech, al-Qaïda ou le Front el-Nosra, il a souligné que la déclaration conjointe appelle à faire la distinction entre terroristes et groupes d’opposition armés participant au cessez-le-feu. Cette déclaration met également l’accent sur le processus politique, la création d’un comité constitutionnel, l’aide humanitaire, le rapatriement des demandeurs d’asile et l’organisation d’une conférence internationale sur les réfugiés et les personnes déplacées.
Le Kazakhstan estime que tout cela contribuera à la formation finale du comité constitutionnel et aura un impact positif sur le processus politique en vue de tenir des élections libres en Syrie. Le représentant a toutefois aussi appelé la communauté internationale à concentrer ses efforts sur le règlement du conflit intrasyriens par des moyens exclusivement pacifiques, à reconstruire le pays et à faire face à la situation humanitaire. Il a également appelé à réfléchir aux conditions du retour des nombreux réfugiés syriens dans leur pays.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a salué l’esprit de coopération entre les garants d’Astana et souligné la nécessité d’éviter une nouvelle escalade de la violence et des souffrances à Edleb. D’après lui, rien ne justifie le massacre de civils. Il a estimé que les garants d’Astana, du fait de leur influence sur le terrain, ont une responsabilité particulière dans le scenario actuel. À cet égard, il a appuyé la proposition de l’Envoyé spécial de « promouvoir une distinction véritable entre la population civile et les terroristes ».
Le Conseil de sécurité, a conclu le représentant, doit adresser un message clair à la communauté internationale pour indiquer qu’il ne tolèrera pas que le droit international et le droit international humanitaire continuent d’être impunément violés.
Après avoir salué la réunion qui s’est tenue à Téhéran, M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) a appelé les parties à mettre en œuvre la résolution 2401 (2018) du Conseil de sécurité. Il a espéré que les accords locaux contribueront à la désescalade de la violence et à l’évacuation des personnes dans le besoin, y compris les personnes appartenant à des groupes armés et leurs familles, tout en permettant le passage de l’aide humanitaire. Les mêmes accords devraient permettre le retour volontaire de la population civile.
Le représentant a mis l’accent sur la nécessité de prendre des mesures pour réduire la violence, promouvoir la confiance entre les parties, améliorer la situation humanitaire et lancer des initiatives pour trouver une solution politique et pacifique au conflit syrien en général. Il a demandé aux membres permanents du Conseil de sécurité ayant une influence sur le terrain de s’en servir pour que la lutte contre les groupes terroristes et les groupes armés ne fasse davantage de victimes innocentes.
De plus, le délégué a recommandé de renforcer le processus politique sur la base de la Déclaration finale de Sotchi et de la mise en place du comité constitutionnel.
M. PAWEL RADOMSKI (Pologne) s’est dit très préoccupé par l’escalade de la violence à Edleb, qui est une zone de désescalade établie par les garants du processus d’Astana, où vivent près de trois millions de civils. « Nous sommes profondément alarmés par le fait que les engagements relatifs au cessez-le-feu ne sont pas respectés par les garants d’Astana. Nous sommes déçus par l’absence de conclusions tangibles après la rencontre des garants à Téhéran. »
Le délégué a exhorté les garants d’Astana à intensifier leurs efforts en vue de protéger les civils, avant d’affirmer que toute utilisation de la force, y compris contre des proches de terroristes, ne peut aboutir à des attaques indiscriminées contre les civils. Le délégué a ensuite invité le Conseil à œuvrer pour éviter une tragédie à Edleb. « Nous devons agir maintenant », a-t-il dit, ajoutant qu’une opération militaire majeure entraînerait une nouvelle vague de déplacements forcés.
Enfin, il a rappelé qu’il n’y a pas de solution militaire en Syrie
M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a salué la détermination des garants du processus d’Astana face à la menace djihadiste et leur engagement à continuer de coopérer pour éradiquer tous ceux qui sont désignés comme terroristes par le Conseil de sécurité, tout en œuvrant en faveur d’un processus politique négocié. Il est indispensable de traduire en actes la Déclaration de Téhéran pour éviter de soumettre Edleb à des bombardements intensifs. La population civile, a-t-il insisté, ne doit pas souffrir de la « politique de la terre brûlée ». M. Mba a espéré que les réunions de l’Envoyé spécial avec les représentants des garants du processus d’Astana permettront de débloquer le conflit syrien, à travers notamment la mise en place d’un comité constitutionnel inclusif dirigé par les Syriens.
Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) a exprimé sa solidarité avec le peuple et le Gouvernement américain en cette journée du 11 Septembre.
Elle a souligné l’importance de la réunion des garants du processus d’Astana qui a eu lieu ce week-end et a rappelé que toute escalade militaire à Edleb pourrait aggraver la crise humanitaire sur place. L’Éthiopie exhorte donc les trois pays garants du processus d’Astana « qui se sont attelés à la situation à Edleb », à respecter l’accord de désescalade et à protéger les civils et les sites civils. Il faut aussi veiller à faciliter l’acheminement humanitaire, a-t-elle ajouté. L’Éthiopie salue la distinction qui est faite dans leur déclaration commune, entre terroristes et groupes d’opposition armés.
« Il n’existe pas de solution militaire en Syrie », a affirmé la représentante, avant d’appeler la communauté internationale à soutenir l’initiative de l’Envoyé spécial de l’ONU, M. Staffan de Mistura, pour mettre en place un comité constitutionnel, un premier pas vers un règlement politique en Syrie.
Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a exhorté la Fédération de Russie et la République islamique d’Iran à intensifier leurs efforts en vue de mettre en œuvre l’accord de désescalade qu’ils ont conclu et de protéger les civils à Edleb. Une opération militaire à Edleb serait contreproductive et ferait le jeu des terroristes, a-t-elle dit, en citant les mots du Président turc Recep Tayyip Erdoğan.
Elle a déclaré que la Turquie a bel et bien un projet à Edleb, « pourtant le délégué russe n’en a pas parlé ». Une solution politique est cruciale en Syrie, mais une telle solution est rendue impossible par le lancement d’une offensive militaire d’envergure, a-t-elle poursuivi. « Nous voulons entendre de l’Iran et de la Russie qu’ils ne lanceront pas d’offensive, qu’ils contribueront avec la Turquie s’agissant de la situation à Edleb et œuvreront pour mettre fin à la crise syrienne », a déclaré la déléguée.
Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a salué l’occasion de discuter des perspectives d’une solution pacifique en Syrie. Toutefois, a-t-elle averti, « ne perdons pas de temps avec la désinformation, les distractions et les mensonges que le régime Assad et leurs partenaires russes et iraniens profèrent constamment pour déformer cette discussion ». « Parlons des faits sur le terrain », a intimé Mme Haley, décrivant la situation à Edleb. D’après l’ONU, plus de 30 000 personnes ont déjà été déplacées par les bombardements. « On a beaucoup parlé aujourd’hui. Mais on n’a pas vu d’actions indiquant que la Russie, l’Iran et Assad sont intéressés par une solution politique. On n’a vu que les actions de lâches intéressés par la conquête militaire sanglante d’Edleb. »
D’après Mme Haley, la Russie et l’Iran ont rejeté la demande de la Turquie de décréter un cessez-le-feu à Edleb. Or les États-Unis s’opposent à toute escalade de la violence, a-t-elle insisté. Elle a reproché à ces deux pays d’avoir systématiquement violé les zones de désescalade qu’ils ont créées, la dernière étant à Edleb. Ce n’est pas ainsi que vous convaincrez les États-Unis et d’autres pays de financer les efforts de reconstruction, a martelé la représentante. « La Russie, l’Iran et Assad démolissent Edleb et nous demandent d’appeler ça la paix », a-t-elle ironisé. « Astana a échoué », a-t-elle déclaré. « Nous ne laisserons pas à l’Iran, derrière la façade du Processus d’Astana, s’approprier l’avenir du peuple syrien ». La représentante a réitéré son avertissement s’agissant des armes chimiques en Iraq. « La Russie a le pouvoir d’arrêter la catastrophe qui s’annonce à Edleb ». Si Assad, la Russie et l’Iran continuent sur la voie actuelle, a-t-elle prévenu, les conséquences seront terribles.
Reprenant la parole, le représentant de la Fédération de Russie a répondu aux questions sur les « projets russes pour Edleb ». Nous aussi, a-t-il dit, nous voudrions savoir quels sont les « plans de la coalition pour la Syrie », surtout après les menaces concrètes qui ont été proférées contre plusieurs pays, dont la Fédération de Russie, à cause d’une prétendue utilisation d’armes chimiques. Devant les « avertissements » lancés au cas où son pays s’engageait dans une opération militaire à Edleb », le représentant a précisé qu’il n’a jamais été question « d’opérations militaires » mais bien « d’opérations antiterroristes ». Dans le contexte actuel, a-t-il ajouté, les zones de désescalade ne sont pas éternelles et tôt ou tard, elles seront remplacées pour pouvoir mener des opérations antiterroristes.
Devant les multiples questions posées vendredi dernier et aujourd’hui aux garants du processus d’Astana, le représentant russe a décelé une certaine envie que le processus capote. Le processus se poursuit et il obtiendra des résultats en Syrie, a-t-il rétorqué. « Tout ce qui s’est dit aujourd’hui est une tentative de préserver une enclave terroriste en Syrie pour faire obstacle au rétablissement de l’autorité de l’État syrien sur tout son territoire. » Les garants du processus d’Astana feront tout leur possible pour éviter les victimes civiles, a rassuré le représentant.
M. GHOLAMALI KHOSHROO (République islamique d’Iran) s’est dit satisfait de la contribution du format d’Astana à la paix, la sécurité et la stabilité en Syrie, rappelant que lors du dernier sommet tripartite, les Présidents russe, turc et iranien ont discuté de la manière de parvenir à une paix durable. « Ils ont envoyé un message clair dans leur Déclaration conjointe », a noté le représentant, et ont réaffirmé leur ferme attachement à la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale de la Syrie. « Il s’agit là du droit de chaque État et la Syrie ne fait pas exception », a estimé le représentant. C’est la raison pour laquelle, les garants du processus d’Astana ont rejeté toute tentative de créer une nouvelle réalité sur le terrain sous le prétexte de la lutte contre le terrorisme. « Il faut que ce message clair soit entendu », a insisté le représentant.
Victime lui-même des armes chimiques, l’Iran condamne dans les termes les plus forts tout recours à ces armes par qui que ce soit, partout et à tout moment. L’Iran prévient toutefois toute action motivée par un prétendu usage des armes chimiques par le Gouvernement syrien. Le représentant a argué que la Syrie a dûment détruit toutes ses armes chimiques sous supervision internationale et que l’on assiste aujourd’hui « à une invention pour recourir à la force contre la Syrie ». « Toute tentative ne ferait que compliquer encore la situation », a-t-il mis en garde.
Les trois Présidents, a poursuivi le représentant, ont également réaffirmé leur détermination à continuer de coopérer « pour éliminer tous les terroristes », à savoir Daech, le Front el-Nosra et tout autre individu ou groupe qui participe à des actions associées à Al-Qaida ou à Daech et « qui sont désignés comme des groupes terroristes par le Conseil de sécurité ». Le représentant s’est toutefois dit conscient de l’importance qu’il y a à préserver les civils. C’est pourquoi les trois Présidents ont réaffirmé leur détermination à les protéger. « Pour le Président Rouhani, la lutte contre le terrorisme à Edleb fait intégralement partie de la mission de restaurer la paix et la stabilité en Syrie, mais cela doit se faire sans victimes civiles. »
Le sommet de Téhéran a également réitéré que toute solution au conflit syrien passe par un processus politique négocié. À ce titre, les garants du processus d’Astana encouragent la coopération en vue de créer un comité constitutionnel mais aussi pour préparer un retour sûr des réfugiés et personnes déplacées en Syrie. « C’est pourquoi l’organisation d’une conférence internationale sur cette question est importante. » Se tournant vers la délégation américaine, le représentant a rappelé que c’est la Syrie elle-même qui a demandé à son pays de soutenir sa lutte contre le terrorisme. Les interventions militaires américaines en Syrie sont quant à elles illégales.
M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Turquie) a déclaré que l’établissement d’une zone de désescalade à Edleb a permis de réduire drastiquement la violence. Lors du sommet de Téhéran, le Président turc a souligné la nécessité de préserver cette zone et appelé à un cessez-le-feu immédiat et complet à Edleb. Le délégué a précisé qu’un tel cessez-le-feu doit s’appliquer à toutes les attaques aériennes et terrestres, dans la mesure « où il ne saurait y avoir de hiérarchie arbitraire dans la mort ». « Nos appels pour un cessez-le-feu incluent toutes les opérations militaires et la Turquie continuera d’œuvrer sur cette base. » Il a mis en garde contre une opération militaire d’envergure qui entraînerait une catastrophe humanitaire et une vague massive de déplacements forcés vers l’Europe et la Turquie, pays qui accueille déjà près de 3,5 millions de réfugiés. Rappelant que le régime syrien cherche à légitimer ses opérations par des motifs de lutte contre le terrorisme, il a indiqué que dans un environnement aussi complexe qu’à Edleb, les méthodes antiterroristes ne produiront pas les résultats désirés. « Une opération militaire ferait le jeu des terroristes. »
Seul un cessez-le-feu viable permettra la création d’un environnement propice à la lutte contre le terrorisme, a-t-il dit, ajoutant que c’est la voie dans laquelle son pays s’est engagé. « Pour que nos efforts soient fructueux, des garanties doivent être données aux civils et aux groupes d’opposition modérés, selon lesquelles ils ne seront pas pris pour cible une fois qu’ils se seront dissociés des terroristes. » Il s’agit là de l’objectif sous-jacent de l’appel au cessez-le-feu lancé par le Président turc. Le délégué a précisé que, dans le droit fil du mémorandum d’Astana, la Turquie a établi 12 postes d’observation dans la zone de désescalade d’Edleb, qui ont permis de prévenir des violations et de créer les conditions pour dissocier les terroristes des groupes d’opposition modérés. « Il ne saurait y avoir de victoire militaire en Syrie », a-t-il déclaré, en appelant à une solution politique négociée.
Enfin, il a rappelé ce que le Président turc a déclaré aujourd’hui dans un article du Wall Street Journal: « Edleb est la dernière sortie avant le péage. Si la communauté internationale, y compris l’Europe et les États-Unis, n’agissent pas maintenant, c’est le monde entier, et non pas seulement les civils syriens innocents, qui en paiera le prix. »
La représentante du Royaume-Uni a également repris la parole pour souligner que son pays n’entend pas détourner l’attention du processus d’Astana. Elle a d’ailleurs invité le Conseil à se rallier autour du plan de la Turquie. Les habitants d’Edleb vont inévitablement souffrir si l’assaut militaire a lieu, a-t-elle prévenu, en appelant au respect des principes de distinction et de proportionnalité. Le Conseil, a-t-elle estimé, doit discuter cette semaine des moyens de faire obstacle à une offensive militaire d’envergure à Edleb.