En cours au Siège de l'ONU

8337e séance – matin
CS/13479

Conseil de sécurité: les signes prometteurs de sortie de l’impasse politique en Guinée-Bissau devront être confirmés par le succès des élections de novembre

Le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Guinée-Bissau et Chef du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (BINUGBIS), M. José Viegas Filho, a affiché un certain optimisme ce matin, lors de la réunion du Conseil de sécurité sur la situation dans le pays.  Le Premier Ministre « de consensus », M. Aristides Gomes, a confirmé un nouvel élan, tout en appelant à établir un diagnostic pour comprendre les crises politiques des 20 dernières années.

La situation politique et sécuritaire dans le pays est tout d’abord restée relativement calme, a constaté le Chef du BINUGBIS qui a pris ses fonctions en mai dernier.  Sur le plan politique, des avancées positives intervenues depuis avril semblent indiquer une possibilité de sortie de l’impasse dans laquelle se trouvait le pays jusqu’à présent, et laissent entrevoir des perspectives encourageantes pour l’application des Accords de Conakry.

M. Viegas Filho a noté que les autorités et les acteurs politiques avaient mis l’accent sur les préparatifs des élections législatives qui doivent avoir lieu le 18 novembre.  « C’est un premier pas important vers la mise en œuvre des Accords de Conakry », a estimé la représentante de la France qui a également salué le rôle central qu’ont joué la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et le groupe des cinq partenaires internationaux pour sortir de l’impasse politique. 

Parmi les autres récents développements, les intervenants ont salué la nomination, par le Président José Maria Vaz, du Premier Ministre de consensus, sous les pressions de la CEDEAO, ce qui a permis de constituer un gouvernement inclusif et de convoquer à nouveau l’Assemblée nationale en séance plénière.  Le Président du Comité de sanctions du Conseil de sécurité pour la Guinée-Bissau -le Comité 2048 (2012)-, M. Anatolio Ndong Mba, a toutefois émis des réserves, car, même si l’ordre constitutionnel n’a pas encore été menacé, il existe une ambiguïté entre le Premier Ministre et le Président quant à la portée de leurs rôles et de leur autorité. 

Le Président de la configuration Guinée-Bissau de la Commission de consolidation de la paix (CCP), M. Mauro Viera, a également identifié des défis de taille où les différences d’approche doivent être résolues le plus rapidement possible.  Tout d’abord, la gestion du temps limité pour organiser l’élection de novembre conformément à la Constitution.  Ensuite, la mise à jour de la liste électorale, alors que la date du scrutin approche.  Le Président de la CCP a également cité le manque de coordination entre les entités gouvernementales et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) sur les préparatifs logistiques de l’élection.

Enfin, M. Viera a attiré l’attention sur la question financière, sachant que les promesses de contribution faites par les bailleurs de fonds ne seront visiblement pas honorées avant septembre 2018, ce qui pose la question du financement des opérations d’enregistrement des électeurs. Le Représentant spécial reste, lui, optimiste qu’à ce stade le financement du processus électoral est assuré, à condition que les annonces de contribution des partenaires internationaux soient honorées.  Il a remercié au passage la CEDEAO pour sa contribution de 500 000 dollars.

La plupart des membres du Conseil ont insisté sur l’importance du soutien financier et technique à apporter au pays pour le succès des élections.  Ils ont exprimé leurs craintes quant aux retards accusés dans les préparatifs électoraux, notamment pour la finalisation de l’enregistrement des électeurs et la livraison du matériel d’identification biométrique.

Alors que les principales dispositions des Accords de Conakry ont effectivement été mises en œuvre, la table ronde nationale pour l’adoption d’un futur pacte de stabilité n’a pas encore été organisée, a aussi remarqué le Représentant spécial, tout en annonçant que cela devrait se faire d’ici à octobre, aux dires du Gouvernement.  Celui-ci entend associer les partis politiques et la société civile aux consultations sur ce pacte.  Le Président devrait également promulguer une loi fixant un quota minimum de 36% de femmes sur les listes électorales.

Mme Elisa Tavares Pinto, de ECOWAS WPS Network, qui participait à cette séance par visioconférence en tant que représentante de la société civile, a salué cette nouvelle loi, en rappelant que les femmes du pays avaient toujours été à l’avant-garde des revendications.  Lors des élections de 2014, son réseau de 200 observateurs -en majorité des femmes- avait permis de documenter le processus électoral, a-t-elle fait valoir.

De son côté, M. Ndong Mba a souligné que l’objectif des sanctions n’est pas de punir, de faire pression ou de changer de leadership, mais de soutenir la stabilité dans le pays et des changements positifs dans la sous-région.  Ce processus doit rester dissocié du processus électoral, et, comme l’a indiqué le représentant du Royaume-Uni, il n’y a pas lieu de revoir ces sanctions avant l’été 2019, soit après les scrutin électoral.

M. Ndong Mba a également souligné que des réformes majeures doivent être entreprises dans les secteurs de la sécurité et de la justice, ce qui l’a amené à dire que le Conseil devrait continuer à suivre la situation de près, car les Accords de Conakry ne sont pas encore entièrement mis en œuvre.

LA SITUATION EN GUINÉE-BISSAU (S/2018/771)

Déclarations

M.JOSE VIEGAS FILHO, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Guinée-Bissau et Chef du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (BINUGBIS), qui a présenté les activités récentes du Bureau, a expliqué que depuis son entrée en fonction le 28 mai, la situation politique et sécuritaire dans le pays est restée relativement calme.  Les autorités et les acteurs politiques ont mis l’accent sur les préparatifs des élections législatives qui doivent avoir lieu le 18 novembre.  Il a fait usage de ses bons offices auprès des partenaires nationaux et internationaux pour appuyer la mise en œuvre complète de l’Accord de Conakry de 2016, avec une attention particulière pour les préparatifs des élections législatives.  À titre prioritaire, il s’est attaché à associer les acteurs nationaux au processus électoral; et il communique régulièrement avec le Président et le Premier Ministre pour souligner l’importance du respect du cadre légal existant et du calendrier électoral. 

Sur le plan régional, M. Filho s’est rendu à Lomé en juin pour y rencontrer les Présidents de la Guinée et du Togo, en leurs qualités respectives de médiateur pour la Guinée-Bissau de la CEDEAO et de Président de l’autorité des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO, pour évoquer les questions relatives au soutien technique et financier du processus électoral.  Le sommet des chefs d’États de la CEDEAO, qui a eu lieu en juillet, a notamment permis de débloquer des fonds à cette fin. 

Le Chef du Bureau a dit avoir, dans ses déplacements à l’étranger, mis l’accent sur l’importance de soutenir financièrement le processus en cours et a lancé un appel pour que la Guinée-Bissau reçoive le soutien technique et financier nécessaire.  En juillet, la CEDEAO a débattu de la situation en Guinée-Bissau et le Sommet a demandé que le scrutin législatif se tienne le 18 novembre comme prévu.  Il a indiqué avoir également permis de débloquer des fonds à cette fin.

Alors que les dispositions cruciales de l’Accord de Conakry ont effectivement été mises en œuvre, la table ronde nationale pour l’adoption du pacte de stabilité n’a pas encore été organisée, a-t-il poursuivi.  Le Gouvernement entend associer les partis politiques et la société civile aux consultations sur ce pacte et faire en sorte qu’il soit adopté en octobre, avant le début des campagnes électorales, a précisé M. Filho.  À court terme, le Chef du Bureau a l’intention de maintenir la pression pour que la société civile soit associée au processus et de faire en sorte que des élections crédibles aient lieu dans les temps.  À plus long terme, il s’agira de soutenir la phase des réformes à adopter.

Pour ce qui est des préparatifs des élections, il a identifié certains obstacles, notamment le retard accusé dans l’arrivée du matériel d’identification biométrique.  Cependant, il est heureux de pouvoir indiquer que le déficit budgétaire pour les élections a « peut-être été comblé » grâce aux annonces de contributions de plusieurs partenaires internationaux.  Il les a exhortés à honorer dans les temps les engagements qu’ils ont pris et a salué la contribution de 500 000 dollars de la CEDEAO.  Le BINUGBIS continuera d’apporter le soutien nécessaire au Gouvernement pour garantir un environnement pacifique pour l’intégralité du processus électoral, a ajouté M. Filho.

Concernant la lutte contre le trafic de drogue et le crime organisé, le Bureau, en coordination avec l’ONUDC, a renforcé son appui aux autorités nationales en envoyant du personnel spécialisé auprès des agences nationales de maintien de l’ordre.  En réponse à une demande du Gouvernement, le Bureau a également fourni une assistance technique au développement d’un plan d’action national de lutte contre ces problèmes.

M. Filho a ensuite salué l’adoption imminente d’une loi qui garantit un quota de femmes de 36% dans les listes électorales ainsi que la nomination de certaines femmes à des postes clefs.  Cette loi doit être promulguée par le Président avant les élections de novembre.

En conclusion, le Chef du Bureau s’est dit optimiste que les élections législatives auront bien lieu comme prévu le 18 novembre.  La consolidation de la situation à long terme dépendra du succès de ces élections législatives et de la façon dont le pays va gérer son processus de réforme, a-t-il averti avant d’exhorter les partenaires internationaux à renforcer leur appui politique, technique et financier à la Guinée-Bissau pour renforcer ses institutions nationales au-delà des échéances électorales.  Il a remercié la Commission de consolidation de la paix pour son engagement en faveur de la Guinée-Bissau.

M. ANATOLIO NDONG MBA, de la Guinée équatoriale, intervenant en sa qualité de Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2048 (2012) concernant la Guinée-Bissau, a décrit sa visite dans ce pays et à Conakry du 25 au 29 juin, la deuxième du genre après celle de juin 2017.  Le but de ce voyage était de rechercher des informations sur les effets des sanctions imposées en vertu de la résolution 2048 (2012).  Des représentants du Secrétariat de l’ONU, ainsi que de la Chine, de la Côte d’Ivoire, de la Fédération de Russie et du Royaume-Uni ont également pris part à cette visite.

Le Président du Comité de sanctions a indiqué que les discussions avec les parties nationales et internationales ont permis de mettre l’accent sur l’importance du dialogue dans le but de sortir de l’impasse politique et de trouver une solution durable.  Il a également souligné l’importance de l’appui international au pays avant les élections législatives, attirant l’attention sur les questions techniques et financières liées à la création d’un environnement politique stable.  Il a souligné que l’objectif des sanctions n’est pas de punir, de faire pression ou de changer de leadership, mais de soutenir la stabilité dans le pays et des changements positifs dans la sous-région.

M. Ndong Mba a en outre déclaré que si la situation en Guinée-Bissau est stable, les incertitudes politiques menacent ce calme.  Même si l’ordre constitutionnel n’a pas encore été menacé, il a attiré l’attention sur l’ambiguïté existant entre le Premier Ministre et le Président quant à la portée de leurs rôles et de leur autorité.  Soulignant que des réformes majeures doivent être entreprises dans les secteurs de la sécurité et de la justice, il a déclaré que le Conseil devrait continuer à suivre la situation de près, car les Accords de Conakry ne sont pas encore entièrement mis en œuvre.  L’armée ne s’est pas ingérée dans la vie politique et, globalement, les droits de l’homme sont respectés, a-t-il ajouté.

Cependant, la criminalité transnationale et les trafics divers suscitent des inquiétudes.  De même, nombreux sont ceux en Guinée Bissau qui demandent que des sanctions soient imposées aux responsables de la crise politique.  Les acteurs politiques et la société civile ont tenu à exprimer leurs points de vue au Comité 2048 au cours de la visite.  Le 16 juillet dernier, le Président du Comité rappelle avoir adressé au Conseil des recommandations axées sur la nécessité de réviser la liste de sanctions, le cas échéant, en tenant compte des circonstances actuelles et des opinions exprimées par les parties prenantes rencontrées lors de sa visite.

M. MAURO VIEIRA, Président de la configuration Guinée-Bissau de la Commission de consolidation de la paix (CCP), a expliqué qu’il s’était rendu dans le pays du 24 au 27 juillet, où il s’est entretenu avec un nombre considérable de parties prenantes, parmi lesquelles le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale, le Premier Ministre et le Président de la Cour suprême.  Sa mission sur place a confirmé qu’il y avait eu des progrès tangibles dans la mise en œuvre des Accords de Conakry et dans le processus de retour à la normale de la vie politique, comparé à la même période un an auparavant.  Il a notamment cité la nomination d’un Premier Ministre de consensus et la formation d’un gouvernement inclusif, l’approbation d’un programme gouvernemental et d’un budget national, ainsi que la réouverture de l’Assemblée nationale.  Toutes les autorités rencontrées sur place ont assuré à M. Vieira qu’elles étaient engagées en faveur du respect de la date du 18 novembre 2018 pour la tenue des élections législatives.  Le Président bissau-guinéen a quant à lui rappelé à M. Vieira que ses priorités étaient le respect de la date fixée pour ce scrutin; la réforme du secteur de la sécurité, notamment avec la création d’un fonds de pension pour les militaires; et la lutte contre le trafic de stupéfiants et la criminalité organisée.

M. Vieira a toutefois identifié quatre défis de taille où les différences d’approche doivent être résolues le plus rapidement possible.  Tout d’abord, la gestion du temps limité pour organiser l’élection de novembre conformément à la Constitution.  Ensuite, la mise à jour de la liste électorale, alors que la date du scrutin approche.  Le Président de la CCP a également cité le manque de coordination entre les entités gouvernementales et le PNUD sur les préparatifs logistiques de l’élection.  Enfin, il a attiré l’attention sur la question financière, sachant que les promesses de contribution faites par les bailleurs de fonds ne seront visiblement pas honorées avant septembre 2018, ce qui pose la question du financement des opérations d’enregistrement des électeurs.

Avant de conclure, il a insisté sur le point suivant: l’organisation des élections dépend de la volonté des acteurs politiques principaux, ceux-ci devant coopérer entre eux.  Quant au pacte de stabilité, ses interlocuteurs, a-t-il dit, ont souligné l’importance de favoriser la contribution de la société civile et d’autres acteurs.  M. Vieira a aussi souligné l’importance du Fonds pour la consolidation de la paix qui a, au fil des ans, eu une position stratégique pour la Guinée-Bissau.  Le BINUGBIS et l’équipe de pays des Nations Unies mettent actuellement en œuvre des projets financés par un budget de 7 millions de dollars.

Mme ELISA TAVARES PINTO, ECOWAS WPS Network, une organisation de la société civile, s’est exprimée par visioconférence depuis son pays.  Elle a insisté sur la participation des femmes à la vie de la Guinée-Bissau, rappelant que l’histoire du pays laisse voir que les femmes du pays ont toujours été à l’avant-garde des revendications.  Elle a décrit la situation socioéconomique du pays, faite de chômage généralisé, de difficultés pour les jeunes d’aller à l’école et de volonté d’émigration de ces derniers. 

Son organisation prend une part importante dans la promotion de la paix, notamment en optimisant le rôle et les initiatives des femmes dans le contexte de la reconstruction du pays.  Le réseau qu’elle dirige a joué un rôle majeur dans les élections de 2014, a-t-elle indiqué.  Son réseau de 200 observateurs, en majorité des femmes, a permis de documenter le processus électoral par des messages envoyés en temps réel avec les téléphones portables, afin de signaler tout évènement crucial pendant et après le scrutin.

Le rôle des femmes s’est poursuivi après les élections de 2014, notamment par des initiatives de dialogue.  Mme Tavares Pinto s’est félicitée de voir que ce réseau avait ainsi, fait inédit dans le pays, organisé une rencontre entre tous les acteurs politiques, les dirigeants religieux et les universitaires, afin de débattre sur la crise.  Un pacte de stabilité politique et social est même en cours d’élaboration, a annoncé Mme Tavares Pinto qui a dit espérer que ce « nouveau contrat social » sera paraphé par tous les acteurs politiques.  Elle s’est félicitée de la nouvelle loi qui impose un quota minimum de 36% de femmes sur toute liste électorale.  Elle a enfin invité le système des Nations Unies en Guinée Bissau à mettre l’accent sur la stabilité politique et à mobiliser la communauté internationale pour une aide en faveur du pays dans le cadre de la promotion de la parité des sexes. 

M. LEON KACOU ADOM (Côte d’Ivoire) a indiqué que la nomination d’un Premier Ministre de consensus en Guinée-Bissau, la formation d’un gouvernement inclusif, la reprise des activités de l’Assemblée nationale et la fixation de la date des élections législatives au 18 novembre 2018, sont autant d’acquis qui nécessitent d’être consolidés par un soutien appuyé de la communauté internationale et par la volonté politique affirmée des acteurs politiques bissau-guinéens. 

En ce qui concerne l’application intégrale des Accords de Conakry, la Côte d’Ivoire appelle les différentes parties à mutualiser leurs efforts afin de parvenir à la signature du pacte de stabilité qui demeure une étape importante vers la paix dans le pays.  Il a salué la décision de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) de lever les sanctions prises à l’encontre de certains acteurs politiques de la Guinée-Bissau, à l’issue de la réunion des chefs d’État et de gouvernement le 31 juillet dernier à Lomé, au Togo. 

La Côte d’Ivoire attend aussi de voir des élections législatives libres, pacifiques et crédibles.  M. Kacou Adom s’est également félicité des contributions de la CEDEAO et de l’Union économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), respectivement à hauteur de 2 millions et 1 million de dollars, et qui aideront à combler le déficit financier du projet d’assistance électorale. 

Le représentant a aussi souligné que l’examen de la constitution est la troisième priorité du BINUGBIS, car il permettra d’établir un nouvel ordre politique susceptible de favoriser la consolidation de la paix en Guinée-Bissau.  Il a également invité les autorités du pays à s’engager résolument dans la lutte contre la criminalité transnationale, en sollicitant l’appui de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et du BINUGBIS. 

Il a terminé en avertissant que toute évolution positive et significative en Guinée-Bissau en cette période demeure tributaire de la bonne organisation et du bon déroulement des élections.  Il a aussi annoncé que la Côte d’Ivoire entend soumettre, dans les prochains jours, un projet de déclaration à la presse sur la situation en Guinée-Bissau. 

Mme ANNE GUGUEN (France) a salué les développements positifs intervenus au cours des derniers mois en Guinée-Bissau, notamment la nomination d’un Premier Ministre de consensus.  « C’est un premier pas dans la mise en œuvre des Accords de Conakry », a estimé la représentante qui a également pris note et salué le rôle central qu’ont joué la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et le groupe des cinq partenaires internationaux pour sortir de l’impasse politique.  La Guinée-Bissau doit pouvoir continuer à compter sur un soutien significatif international, a-t-elle demandé. 

La France insiste sur l’impératif de tenir des élections législatives crédibles dans les délais annoncés.  Il s’agit d’un véritable test dans la mise en œuvre des Accords de Conakry.  Par conséquent, la France appelle les autorités de Guinée-Bissau à pleinement s’investir dans les préparatifs de ce processus électoral, et la communauté internationale à lui octroyer l’assistance financière des principaux bailleurs de fonds et une assistance technique du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).

Pour que la consolidation de la paix puisse se concrétiser à moyen terme, Mme Gueguen a souligné la nécessité d’une révision constitutionnelle, un renforcement de la lutte contre le crime organisé, et notamment le trafic de drogue, ainsi que la réforme du secteur de la sécurité.  Elle a apporté le plein soutien de sa délégation au processus de revue stratégique du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (BINUGBIS) « qui doit être guidé par une évaluation libre et objective ».  « Il est encore trop tôt pour dire que la Guinée-Bissau est définitivement sortie de la crise et engagée sur la voie d’une paix durable et les prochains mois le diront », a estimé Mme Gueguen, avant de souligner à nouveau l’importance du rôle d’accompagnement de la communauté internationale durant cette période.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a invité toutes les forces politiques de la Guinée-Bissau à œuvrer de conserve avec le Gouvernement pour aplanir les divergences, et notamment pour assurer la bonne tenue des futures élections législatives.  Le représentant a souligné que ces élections sont cruciales pour l’élaboration de solutions sur la question de la Constitution du pays, afin d’éviter ainsi que ne continuent les troubles politiques que le pays vit depuis quelques temps.

M. Nebenzia a également salué la levée des sanctions que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) avait arrêtées à l’encontre de certains acteurs politiques de la Guinée-Bissau.  Pour la Fédération de Russie, il est clair que l’avenir du pays doit se construire par les acteurs nationaux, sans aucune influence extérieure que ce soit.

Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a affirmé que la mise en œuvre des Accords de Conakry, notamment les six points de leur feuille de route, est la seule voie de sortie de crise de la Guinée-Bissau.  Elle a salué la formation d’un nouveau gouvernement et a souligné la nécessité que les élections de novembre prochain soient libres, justes, crédibles et inclusives. 

Même s’il y a des avancées dans le pays, « nous n’y sommes pas encore », a tempéré Mme Van Haaren, ajoutant que le pacte de stabilité qui a été distribué aux acteurs politiques sera la fondation du dialogue national à venir, et partant, de la future constitution.

Pour les Pays-Bas, la participation des femmes à la vie politique est cruciale, à la fois pour la bonne tenue des prochaines élections et pour la vie politique du pays.  Mme Van Haaren a en outre salué le rôle joué par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en Guinée Bissau, notamment par le biais de la Mission de la CEDEAO en Guinée-Bissau, tout en souhaitant que son mandat soit prolongé jusqu’en 2019 au moins afin de faciliter les élections législatives de 2018 et la présidentielle de l’an prochain.

M. JONATHAN R. COHEN (États-Unis) a noté avec satisfaction les progrès politiques réalisés depuis avril en Guinée-Bissau.  Il a encouragé les autorités politiques de la Guinée-Bissau à continuer sur la voie de la pleine mise en œuvre des Accords de Conakry et a appelé la communauté internationale à appuyer les efforts du Gouvernement dans les préparatifs des élections à venir en novembre.  Toutefois, le représentant a estimé que le Conseil de sécurité doit rester vigilant car la situation sur le terrain reste fragile, notamment sur toile de fond de crime organisé et de trafic de drogue.  Sa délégation encourage l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) à poursuivre le renforcement des capacités nationales dans ce domaine. 

« Il ne reste que quelques mois avant des élections qui pourraient consolider les avancées politiques », a noté le représentant, qui a assuré que les États-Unis continueront à œuvrer aux côtés du Gouvernement de la Guinée-Bissau pour que ce processus soit couronné de succès.

M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède) a reconnu que la Guinée-Bissau a connu une série de développements encourageants au cours des derniers mois, dont la nomination d’un Premier Ministre de consensus, la formation d’un gouvernement inclusif et la réouverture de l’Assemblée nationale.  « La récente approbation du nouveau programme du Gouvernement et du budget national est une étape positive », a-t-il ajouté.  Désormais, la feuille de route en six points et les Accords de Conakry doivent être mis en œuvre intégralement.  À cet égard, la délégation a pris note du projet de document-cadre pour le pacte de stabilité qui a été développé par le Gouvernement.  Un soutien international concerté et cohérent aux processus électoraux est désormais nécessaire, a préconisé la Suède, pour qui les bons offices du Représentant spécial seront un atout. 

Mais pour consolider durablement la paix, a souligné le représentant, il sera impératif de se pencher sur les causes profondes de la paix, en se concentrant sur la réforme constitutionnelle, la réconciliation et le dialogue politique, le renforcement de l’état de droit, l’accès à des opportunités économiques pour tous et le respect des droits de l’homme.

Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a salué les signes positifs qui semblent indiquer une sortie de l’impasse politique en Guinée-Bissau, notamment la nomination d’un gouvernement inclusif, la réouverture de l’Assemblée nationale, l’élection du Président de la Commission nationale électorale ainsi que l’annonce d’élections législatives en novembre 2018.  Elle reste cependant préoccupée par les retards accusés dans les préparatifs électoraux, rappelant l’importance de tenir des élections législatives crédibles et de respecter le calendrier électoral pour pouvoir aller de l’avant dans la consolidation de la paix, et pour répondre aux dispositions des Accords de Conakry. 

Par conséquent, la Pologne exhorte les autorités de la Guinée-Bissau à apporter une orientation politique ferme et à assumer la direction du processus électoral tout en évitant les travers du partage de pouvoir post électoral de manière à assurer la stabilité à long terme.

La représentante a également pris note de l’adoption d’une loi qui fixe un quota minimum de 36% de femmes dans les listes électorales et la nomination de certaines à l’Assemblée nationale et dans les gouvernements locaux.  S’agissant du Comité de sanctions 2048 (2012), la Pologne s’aligne sur la position du Président du Comité pour lequel toute délibération sur des sanctions en cours ne devrait pas interférer avec le processus électoral 2018-2019.

M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a souligné l’importance de préparatifs rapides pour la tenue des élections législatives de novembre 2018 et présidentielle de 2019 en Guinée-Bissau.  Il s’est à cet égard félicité des engagements pris par les partenaires internationaux pour mettre en œuvre les dispositions restantes des Accords de Conakry, dont l’adoption d’un pacte de stabilité et d’un examen constitutionnel.  « Un dialogue national inclusif pour définir les principes directeurs des réformes est indispensable », a souligné le représentant. 

Il a attiré l’attention sur les dangers posés par le trafic de stupéfiants et la criminalité transnationale organisée, dont l’impact sur le pays est multidimensionnel.  Un engagement national est crucial pour mettre en œuvre différents programmes et projets internationaux visant à renforcer les secteurs de la sécurité, de la justice et de l’état de droit.  Aussi la délégation a-t-elle appelé les autorités bissau-guinéennes à continuer de renforcer son cadre institutionnel et sa réponse à ces dangers, en coopération avec le Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (BINUGBIS), l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et INTERPOL.

M. FRANCISCO TENYA (Pérou) a salué les avancées dans la mise en œuvre des Accords de Conakry.  Il a insisté sur le fait que les élections législatives de novembre 2018 doivent être crédibles et justes, notamment avec la participation de tous, y compris les jeunes et les femmes.  Il a invité la communauté internationale à continuer de soutenir ce processus.

Au sujet de la lutte contre la criminalité, le Pérou se dit préoccupé par les activités de malfaiteurs en Guinée-Bissau, y compris les trafiquants de stupéfiants.  À moyen terme, le Pérou insiste sur le renforcement de l’état de droit et sur la réconciliation nationale en Guinée-Bissau, tout en appelant la communauté internationale à poursuivre son appui au pays.

Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) a salué les avancées vers une sortie de crise politique et institutionnelle en Guinée-Bissau et a rendu hommage aux acteurs politiques pour leur engagement en faveur de la pleine mise en œuvre des Accords de Conakry.  L’adoption d’un nouveau programme gouvernemental et du budget de l’État sont autant de pas dans la bonne direction, à ses yeux. 

Cependant, il faut s’attaquer aux causes profondes de la crise alors que sa situation reste fragile, a averti la représentante.  C’est pourquoi elle a appelé les partenaires de la Guinée-Bissau à poursuivre leur soutien et à faire preuve d’unité.  Pour sa délégation, il est essentiel que des élections législatives et présidentielle crédibles aient lieu dans le respect du calendrier électoral et conformément à la Constitution et à la loi électorale.  Il s’agit d’un pas crucial pour la consolidation de la paix et la réconciliation nationale dans le pays, a-t-elle affirmé. 

M. TAREQ M. A. M. ALBANAI (Koweït) a salué les avancées dans le cadre de la mise en œuvre des Accords de Conakry, précisant tout de même que beaucoup reste à faire.  Le Koweït invite les autorités de la Guinée-Bissau à redoubler d’efforts pour que les élections législatives de novembre prochain se tiennent dans de bonnes conditions.  Le représentant a également salué la lutte contre les stupéfiants menée en Guinée-Bissau avec l’assistance de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC). 

Mme VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie) a noté les multiples défis à relever dans le cadre du processus politique et du dialogue inclusif en Guinée-Bissau.  « Il faut encourager un engagement légitime pour parvenir à une solution politique durable », a-t-elle estimé notant que l’un des facteurs structurels de la crise est lié à l’impasse politique dans laquelle se trouve le pays.  Toutefois, il y eu ces derniers mois des avancées positives au titre desquelles la représentante a salué la nomination d’un Premier Ministre de consensus et la formation d’un gouvernement qui a fait preuve de la volonté politique nécessaire pour avancer vers une sortie de crise.  Sur cette voie, le succès du processus électoral en cours est essentiel, et la Bolivie appelle la communauté internationale à le soutenir par des moyens financiers et techniques, notamment pour pouvoir finaliser les listes électorales. 

La représentante a également mis l’accent sur l’importance de la lutte contre les stupéfiants et l’impunité, si l’on veut parvenir à la consolidation de la paix.  Elle a appelé les Nations Unies à soutenir les efforts de la Guinée-Bissau en ce sens, notamment par le biais de formations techniques du personnel national.  La Bolivie est d’avis qu’il faut renforcer le travail du BINUGBIS et l’encourage à apporter une coopération technique dans le domaine de la sécurité. 

M. LIE CHENG (Chine) a salué une situation globalement calme en Guinée-Bissau, même si le pays fait face à des difficultés économiques.  C’est pourquoi la Chine invite la communauté internationale à apporter sa contribution au développement de la Guinée-Bissau.  Il a rappelé que la Chine a toujours soutenu les pays africains pour les aider à trouver des solutions africaines à leurs problèmes.  La Chine entend donc œuvrer de concert avec les acteurs locaux et régionaux, telle que la CEDEAO, afin de renforcer le dialogue politique en Guinée-Bissau.

M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) s’est félicité de la tenue d’élections législatives en Guinée-Bissau en novembre 2018.  Il s’agit d’un pas crucial à ses yeux pour la mise en œuvre des Accords de Conakry.  Le pacte de stabilité, une fois adopté, permettra ensuite d’engager les réformes à long terme qui sont nécessaires à la consolidation d’une paix durable, a poursuivi le représentant, ajoutant que la participation des femmes à ces processus sera essentielle.  S’agissant des sanctions, il a estimé que les sanctions ciblées auront les conséquences voulues.  Sa délégation reste favorable à un examen de ces sanctions à l’été 2019, après le scrutin électoral.

M. ARISTIDES GOMES, Premier Ministre de la Guinée-Bissau, a commencé par rappeler que le Conseil de sécurité s’était, il y a six mois, interrogé sur ce qui pourrait advenir dans son pays, compte tenu des nombreuses contradictions internes et de la persistance de l’impasse politique qui paraissait insurmontable.  Selon lui, toutefois, un nouvel espoir est né en Guinée-Bissau, à la suite de la signature de l’Accord de Lomé du 14 avril 2018, sous l’impulsion de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), organisation sous-régionale grâce à laquelle la crise politique qui sévissait depuis 2014 aurait trouvé « un dénouement heureux », permettant la nomination d’un Premier Ministre « de consensus ».

Le Gouvernement inclusif que j’ai l’honneur de diriger a pris ses fonctions le 26 avril 2018, a poursuivi M. Gomes, en expliquant que l’une de ses préoccupations majeures a été de privilégier le dialogue dans toutes les décisions majeures et de rompre avec les agissements « unilatéraux » susceptibles d’avoir une incidence sur les élections législatives prévues le 18 novembre, c’est-à-dire dans moins de trois mois.  « Certes, la réalisation des élections constitue un préalable incontournable à la stabilisation politique de la Guinée-Bissau.  Toutefois, il n’en demeure pas moins que le pays connaît des crises politiques depuis plus de 20 ans », a fait observer le Chef du Gouvernement.  « Autrement dit, il est légitime de s’interroger sur les vraies sources d’instabilité politique », a-t-il analysé, en espérant parvenir à un diagnostic susceptible d’apporter des éléments de réponse.

Le Premier Ministre a notamment pointé du doigt une Constitution « insuffisamment claire et non harmonieuse », ce qui rend encore plus difficile la gouvernance politique, en particulier s’agissant de la répartition des pouvoirs entre les « deux têtes » de l’exécutif, à savoir le Premier Ministre et le Président de la République.  Convaincu par ailleurs que les Bissau-Guinéens doivent s’entendre entre eux avant les élections, M. Gomes a proposé au Parlement l’adoption d’un pacte de stabilité au mois d’août.  S’agissant des élections à venir, il a plaidé pour un recensement électoral fiable, condition sine qua non pour réussir.  « Face aux délais de livraison des kits d’enregistrement biométriques que nous avons commandés à l’étranger, nous avons fait appel à des pays amis pour nous fournir, à titre temporaire, une partie de l’arsenal informatique destiné à l’enregistrement des électeurs », a expliqué le Chef du Gouvernement.  Il a ensuite sollicité l’aide des partenaires au développement pour combler le fossé actuel en matière de financement des élections législatives.  « Je voudrais conclure en affirmant que la situation actuelle en Guinée-Bissau n’est pas irrémédiable », a-t-il ajouté, en assurant qu’il se trouvait sur une trajectoire de « refondation des institutions républicaines ».

« Au moment où je vous parle, aucun des fonds promis par la communauté internationale pour l’organisation des élections de novembre prochain n’a été reçu par mon Gouvernement », a dit M. Gomes.  « Le Gouvernement bissau-guinéen se débrouille donc avec le peu de moyen disponible. »

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