Myanmar: le Secrétaire général et les membres du Conseil prônent la responsabilisation pour la réconciliation face aux violations des droits de l’homme
Au lendemain de la publication du rapport sommaire de la mission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies sur le Myanmar, qui a révélé « des violations flagrantes et abus des droits de l’homme » et invité à enquêter sur la responsabilité des chefs militaires du pays pour les crimes commis dans l’État rakhine, le Secrétaire général de l’ONU a affirmé, cet après-midi au Conseil de sécurité, que la responsabilisation est essentielle pour une véritable réconciliation entre tous les groupes ethniques du Myanmar.
Cette séance, présidée par Lord Tariq Mahmood Ahmad de Wimbledon, Ministre d’État au Commonwealth du Royaume-Uni, a permis d’entendre les témoignages poignants de l’actrice australienne Cate Blanchett en sa qualité d’Ambassadrice de bonne volonté du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), et de M. Tegednework Gettu, Administrateur associé du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).
Lord Ahmad a incité le Conseil de sécurité à « ne plus se contenter de bavardages » et à agir pour mettre fin au « nettoyage ethnique dans l’État rakhine », et à permettre le retour des réfugiés, tandis que le délégué du Koweït a rappelé que le monde attend du Conseil qu’il assume sa responsabilité de régler « une des pires catastrophes du monde actuel ».
« L’une des pires crises humanitaires et des droits de l’homme au monde », a précisé M. António Guterres qui disait s’exprimer aujourd’hui avec un « cœur lourd ». « Cette crise ne peut pas continuer indéfiniment », s’est-il impatienté. Il a estimé que les attaques commises il y a un an par des extrémistes contre les forces de sécurité, qu’il avait condamnées, ne sauraient justifier l’usage disproportionné de la force contre les populations civiles ni les violations flagrantes des droits de l’homme par les forces de sécurité du Myanmar et leurs alliés.
Dans ce contexte, M. Guterres a prôné la responsabilisation, condition essentielle à une véritable réconciliation entre tous les groupes ethniques, et condition préalable à la sécurité et à la stabilité régionales. Le rapport de la mission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies sur le Myanmar, créée par le Conseil des droits de l’homme en mars 2017, a d’ailleurs recommandé que la situation au Myanmar soit renvoyée devant un tribunal pénal international ad hoc ou à la Cour pénale internationale (CPI).
Cette recommandation a trouvé un écho favorable auprès de certains membres du Conseil, notamment les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède. Ce dernier, partisan d’une « action vigoureuse », a souhaité que le Président de la mission d’enquête présente le rapport devant le Conseil de sécurité. Le Ministre britannique a penché pour un mécanisme judiciaire international, arguant que les conditions nécessaires ne sont pas forcément réunies pour la tenue de procès équitables pour juger au Myanmar les auteurs de crimes graves.
M. Guterres a aussi évoqué « différentes options de responsabilisation », se remémorant les paroles d’une Rohingya rencontrée dans un camp de réfugiés au Bangladesh: elle plaidait pour « la justice pour ce que nos sœurs, nos filles, nos mères ont souffert ». Il a prévenu qu’il faudrait une coopération internationale efficace pour que les mécanismes de responsabilisation soient crédibles, transparents, impartiaux et indépendants. Il a regretté à cet égard que le pays ait refusé de coopérer avec les entités et mécanismes de défense des droits de l’homme de l’ONU, malgré les appels répétés des membres du Conseil.
Le délégué du Myanmar a expliqué que les autorités n’ont pas accepté le mandat de la mission d’établissement des faits en raison de sa partialité, avant de questionner la publication « à la hâte » dudit rapport à la veille de la réunion du Conseil de sécurité, alors qu’il doit être soumis au Conseil des droits de l’homme le 18 septembre prochain. Il n’a pas manqué de signaler que son pays avait créé sa propre commission d’enquête sur les violations des droits de l’homme, qui rendra son rapport au Président du pays d’ici à un an.
Outre l’accès humanitaire à l’État rakhine, l’une des questions urgentes est le retour des réfugiés dans cet État, ont relevé la majorité des délégations, ce qui exige « des solutions durables et globales », a souligné M. Gettu du PNUD. Malgré le mémorandum d’accord signé entre le Myanmar, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et le PNUD pour coopérer et établir les conditions d’un retour « volontaire, sûr, digne et durable » des réfugiés rohingya, le Secrétaire général a constaté que les conditions ne sont pas encore réunies pour ce retour. Le Bangladesh a abondé dans ce sens: pour lui, le retour des Rohingya ne pourra débuter que lorsque ceux-ci reprendront suffisamment confiance.
En attendant le rapatriement des réfugiés, le délégué du Bangladesh a rappelé que les Rohingya basés dans son pays ont besoin d’abris, de soins de santé, de moyens de subsistance, et d’options éducatives à moyen et à court termes. Mme Blanchett, qui s’est rendue au Bangladesh en mars dernier, a confirmé ces propos en disant que « rien n’aurait pu la préparer à l’ampleur et à la profondeur des souffrances qu’elle y a vues ». En termes de financement, seulement 33% des opérations d’aide aux réfugiés sont couverts, a-t-elle déploré en plaidant pour un soutien accru.
Si le délégué du Myanmar a jugé que les conditions de retour sont réunies, il a assuré n’avoir pas encore reçu le moindre réfugié malgré ses demandes répétées pour leur retour. Il a également souligné la volonté de son pays de mettre en œuvre les 88 recommandations du rapport de la Commission Annan, tout en accusant l’ARSA (Armée du salut des Rohingya de l’Arakan) d’être la cause de la grave crise humanitaire actuelle et des souffrances des civils de toutes les communautés de l’État rakhine.
Alors que la Chine et la Fédération de Russie ont invité le Conseil à se garder d’exercer des pressions sur les acteurs de cette crise, les États-Unis ont prédit que le Myanmar n’aura pas de gouvernement responsable et démocratique, respectueux des droits des minorités, tant qu’il ne sera pas contraint de rendre des comptes.
LA SITUATION AU MYANMAR
Déclarations
Le Secrétaire général de l’ONU, M. ANTÓNIO GUTERRES, a dit s’exprimer aujourd’hui avec un « cœur lourd », sur la question urgente des réfugiés qui a commencé il y a un an dans l’État rakhine, au Myanmar, et qui est devenue « l’une des pires crises humanitaires et des droits de l’homme au monde ». Il a rappelé avoir visité, le mois dernier, le camp des réfugiés de Cox’s Bazar au Bangladesh, et y avoir entendu des histoires de persécution et de souffrance horribles. Il a parlé d’un père qui a éclaté en sanglot en lui racontant comment son fils avait été abattu devant lui. Sa mère a été brutalement assassinée et sa maison détruite par le feu. Il s’était réfugié dans une mosquée avant d’être découvert et agressé par des soldats qui ont aussi brûlé le Coran.
Le Secrétaire général a rappelé avoir immédiatement condamné les attaques d’extrémistes contre les forces de sécurité il y a un an. Il a ajouté que ces attaques ne sauraient justifier l’usage disproportionné de la force contre les populations civiles ni les violations flagrantes des droits de l’homme commises par les forces de sécurité du Myanmar et leurs alliés. Il a rappelé avoir entrepris des actions pour promouvoir une politique d’engagement et d’action unifiée pour encourager les actions positives du Gouvernement, aider à désamorcer les tensions entre les communautés et instaurer la confiance. C’est dans cette optique qu’il a nommé, en avril dernier, son Envoyée spéciale pour le Myanmar, Mme Christine Schraner Burgener. Cette dernière entreprend en ce moment un vaste processus de consultation, notamment avec le Gouvernement et l’armée, ainsi qu’avec la société civile et les groupes de femmes.
En juin dernier, a noté M. Guterres, les autorités du Myanmar ont finalisé un mémorandum d’accord avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) afin d’établir un cadre de coopération pour créer les conditions d’un retour volontaire, sûr, digne et durable des réfugiés qui se trouvent actuellement au Bangladesh. Le mémorandum d’accord vise également à aider à créer des moyens de subsistance améliorés et résilients pour toutes les communautés vivant dans l’État rakhine. Il a souligné que tout cela nécessite un investissement massif, non seulement dans la reconstruction et le développement de toutes les communautés de l’une des régions les plus pauvres du Myanmar, mais aussi dans la réconciliation et le respect des droits de l’homme. « Je ne vois pas encore l’engagement nécessaire pour que cet investissement ait lieu », s’est-il impatienté en constatant que les conditions ne sont pas encore réunies pour que les réfugiés rohingya retournent dans leur lieu d’origine ou de choix de manière sûre, volontaire, dans la dignité et de manière durable.
Le Secrétaire général a demandé aux membres du Conseil de sécurité de se joindre à lui pour exhorter les autorités du Myanmar à coopérer avec l’ONU et à assurer un accès immédiat, sans entrave et efficace à leurs agences et partenaires. « Nous devons également continuer à faire pression pour la libération des journalistes arrêtés pour avoir dénoncé cette tragédie humaine », a-t-il plaidé. Il a souligné que l’accès au terrain est essentiel pour répondre aux besoins énormes et pour apaiser les craintes des réfugiés qui souhaiteraient rentrer chez eux. Il a indiqué que les Rohingya qui sont restés à Rakhine continuent de faire face à la marginalisation et à la discrimination. Beaucoup ont été coupés de l’aide humanitaire vitale. Ainsi, quelque 130 000 Rohingya restent enfermés dans des camps avec de sévères restrictions à leur liberté de mouvement. Ils ont un accès extrêmement limité à la santé, à l’éducation et à d’autres services essentiels, ainsi qu’à des moyens de subsistance.
Pour le Secrétaire général, il n’y a aucune excuse pour retarder la recherche de solutions dignes qui permettront aux gens de retourner dans leurs régions d’origine dans la sécurité et la dignité, conformément aux normes internationales et aux droits de l’homme. L’ONU pour sa part reste prête à contribuer à l’élaboration d’un tel plan. Il a insisté sur le caractère essentiel de la réinstallation volontaire, de la liberté de mouvement, de la fin de la ségrégation et de la discrimination, du développement inclusif, du rétablissement de l’état de droit et de la sécurité publique.
M. Guterres a déclaré qu’il incombe en définitive aux dirigeants du Myanmar de faire preuve d’une plus grande détermination à défendre les principes d’égalité et de non-discrimination, à lutter contre l’incitation à la haine raciale et la violence. Il a salué la grande générosité des autorités du Bangladesh et des communautés d’accueil des réfugiés, insistant pour que la réponse à la crise soit globale, et rappelant que l’appel humanitaire international pour la crise des Rohingya reste largement sous-financé à hauteur seulement de 33%. Il a dit sa reconnaissance à la Banque mondiale et à son Président, M. Jim Yong Kim, pour avoir mobilisé près d’un demi-milliard de dollars en subventions pour les réfugiés rohingya et les communautés d’accueil. Il s’est également félicité de la subvention approuvée par la Banque asiatique de développement.
Cependant, les réfugiés ont besoin d’un plus grand accès à l’éducation et aux moyens de subsistance pour éviter une plus grande vulnérabilité aux risques de traite, d’exploitation sexuelle et de radicalisation. M. Guterres a ensuite dit ne pouvoir oublier les histoires entendues à Cox’s Bazar. Il a ainsi mentionné cette dame désemparée qui a pointé une mère berçant son jeune bébé, lequel avait été conçu à la suite d’un viol, en disant au Secrétaire général: « Nous avons besoin de sécurité au Myanmar et de citoyenneté. Et nous voulons la justice pour ce que nos sœurs, nos filles, nos mères ont souffert. » Le Secrétaire général a affirmé que la responsabilisation est essentielle pour une véritable réconciliation entre tous les groupes ethniques. Elle constitue une condition préalable à la sécurité et à la stabilité régionales. M. Guterres a regretté à cet égard que le Myanmar ait refusé de coopérer avec les entités et mécanismes de défense des droits de l’homme de l’ONU, malgré les appels répétés des membres du Conseil.
Il a aussi parlé de différentes options de responsabilisation, rappelant la publication, hier, du rapport de la mission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies sur le Myanmar, laquelle fut créée par le Conseil des droits de l’homme. Le rapport a révélé « des violations flagrantes et abus des droits de l’homme » commis par les forces de sécurité et qui constituent « des crimes les plus graves du droit international ». Pour le Secrétaire général, « les conclusions et les recommandations de ce rapport méritent d’être examinées sérieusement par tous les organismes compétents des Nations Unies ». Il a prévenu qu’il faudrait une coopération internationale efficace pour que les mécanismes de responsabilisation soient crédibles, transparents, impartiaux, indépendants et conformes aux obligations du Myanmar en vertu du droit international.
Il a de nouveau rendu hommage à la stature d’homme d’État de l’ancien Secrétaire général, Kofi Annan, pour son rôle au Myanmar et ailleurs, notamment du fait qu’il avait conduit une mission dans l’État rakhine en produisant un rapport circonstancié. Il a rappelé qu’il reste encore beaucoup à faire pour créer les conditions nécessaires à la paix et à la justice dans l’État rakhine, soulignant que toutes les communautés de cet État sont pauvres et ont besoin d’un développement durable et inclusif. Et cela est essentiel pour la réconciliation et la paix. Un an après le début de la crise, le Secrétaire général a estimé que « cette crise ne peut pas continuer indéfiniment ». Il a appelé à préserver l’unité dont le Conseil avait fait preuve en adoptant sa déclaration présidentielle sur le Myanmar.
M. TEGEDNEWORK GETTU, Administrateur associé du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a déclaré qu’il faut répondre aux causes profondes des inégalités et des discriminations qui frappent les Rohingya. « La concurrence pour les terres et ressources dans l’État rakhine, le deuxième plus pauvre du pays, des lois et des institutions discriminatoires, ainsi qu’une méfiance et des tensions intercommunautaires, contribuent à certaines de ces causes profondes », a-t-il expliqué. Créer des conditions viables pour le retour volontaire des réfugiés exige des solutions durables et globales, a poursuivi le haut fonctionnaire, pour qui il est impératif de surmonter les défis au développement et d’éliminer les obstacles à la liberté de mouvement et à l’accès aux services de base. Chaque réfugié doit en outre avoir le choix de décider quand il pourra effectuer son retour de manière informée, a relevé M. Gettu.
Dans ce contexte, le PNUD et le HCR ont œuvré de concert à la création de conditions favorables aux retours dans l’État rakhine, en commençant de mettre en œuvre le Mémorandum d’accord tripartite. « Nous avons renforcé nos capacités sur le terrain, tout en organisant une série de consultations préparatoires avec le Gouvernement du Myanmar à tous les niveaux, y compris avec le Groupe de travail technique formé par les autorités pour soutenir l’application du Mémorandum d’accord. » Toutefois, des procédures simplifiées sont essentielles pour nous permettre d’avoir accès à des zones entières et d’entreprendre des programmes locaux inclusifs. Or, a-t-il observé, « cela reste exceptionnel ».
Outre l’application du Mémorandum d’accord, le PNUD, le HCR et plusieurs autres organismes onusiens dans l’État rakhine ont mis en œuvre une vaste initiative de développement et d’aide humanitaire, avec les principaux donateurs. L’Administrateur a salué le Gouvernement du Bangladesh pour sa généreuse hospitalité et son soutien aux réfugiés rohingya. Mais, comme prévu, la mousson, couplée aux ressources limitées mises à la disposition de l’ONU et de ses partenaires, ont fragilisé les conditions de vie des réfugiés à Cox’s Bazar. Seulement 34% des besoins identifiés dans le plan d’action commun (2018) ont été financés jusqu’à présent. Créer des conditions conduisant à un retour volontaire, sûr, digne et durable au Myanmar est un processus qui nécessite au moins une planification à moyen terme, a-t-il ajouté.
L’Ambassadrice de bonne volonté du Haut-Commissariat pour les réfugiés(HCR), l’actrice CATE BLANCHETT, s’est adressée au Conseil de sécurité non pas comme « experte » mais comme « témoin », quelqu’un qui a vu et qui ne peut plus détourner son regard de la situation des réfugiés rohingya au Bangladesh, a-t-elle expliqué. Pour s’être rendue au Bangladesh en mars dernier, elle a affirmé que « rien n’aurait pu la préparer à l’ampleur et à la profondeur des souffrances qu’elle y a vues », évoquant notamment le cas de Laila et son jeune fils Yusuf, deux des 720 000 réfugiés rohingya apatrides qui ont fui la violence dans l’État rakhine depuis août dernier.
« Comme vous, j’avais entendu des histoires épouvantables de torture, de femmes brutalement violées, de personnes qui ont perdu des êtres chers devant leurs yeux, d’enfants qui ont vu leurs grands-parents enfermés dans des maisons en flammes », a poursuivi Mme Blanchett. « Je suis une mère, et j’ai vu mes enfants dans les yeux de chaque enfant que j’y ai rencontré. Comment une mère peut-elle supporter de voir son enfant jeté dans les flammes? », s’est-elle indignée, reconnaissant que leurs expériences ne la quitteront jamais plus. « C’est pourquoi je suis immensément reconnaissante au Conseil de sécurité -le principal organe responsable de la paix et la sécurité mondiales- de travailler en unisson pour régler cette crise. »
Mme Blanchett est également reconnaissante au Secrétaire général de donner une voix aux Rohingya depuis plus de 10 ans, et de continuer à faire preuve d’un « leadership exemplaire ». Elle a également rendu hommage à Kofi Annan et à « sa vision claire et pratique » pour venir à bout de cette situation, une vision qui est partagée par le Conseil de sécurité. L’actrice a appelé à la mise en œuvre sans plus tarder de cette vision mais, en attendant, a jugé urgent de déployer davantage d’efforts pour venir en aide aux réfugiés rohingya au Bangladesh et à leurs communautés d’accueil. Rappelant qu’il ne s’agit pas de la première vague de déplacements forcés de Rohingya en 40 ans, elle a néanmoins constaté que l’ampleur de cette dernière vague est telle qu’il y a aujourd’hui plus de Rohingya au Bangladesh qu’au Myanmar.
La réponse du Bangladesh, qui a accueilli plus de 700 000 réfugiés en quelques mois, est « l’un des gestes d’humanité les plus visibles et significatifs de nos jours », a estimé Mme Blanchett, mais les besoins sont énormes et la communauté internationale doit soutenir le Bangladesh dans ses efforts pour venir en aide aux réfugiés rohingya, notamment pour qu’ils puissent faire face à la mousson. En termes de financement, seuls 33% des opérations d’aide aux réfugiés rohingya sont couverts, ce qui correspond à moins de 70 cents par personne et par jour, une situation qui « n’est pas surprenante mais terriblement embarrassante » à ses yeux.
Évoquant les gestes de solidarité des villageois du Bangladesh, elle s’est demandée pourquoi « si des gens aussi pauvres peuvent leur apporter leur assistance, ne sommes-nous pas capables d’en faire de même? ». Dans la foulée, Mme Blanchett a passé en revue une panoplie de besoins à couvrir comme l’accès à l’eau potable et à des infrastructures d’assainissement, à la nourriture et à l’éducation, mais avant tout « à un avenir ». Pour cela, l’actrice a appelé les gouvernements, les agences humanitaires et de développement ainsi que le secteur privé à faire preuve de solidarité et à trouver des moyens innovants pour venir en aide à ces réfugiés et à leurs communautés d’accueil au Bangladesh. Tous ces efforts devraient, selon elle, se focaliser sur l’aide à apporter à l’intérieur du Bangladesh tout en travaillant en parallèle pour parvenir aux conditions propices à leur retour au Myanmar. Elle a en effet pu constater que de nombreux Rohingya réfugiés considèrent toujours le Myanmar comme leur patrie mais ont peur d’y retourner. Sur place, le déni de leur liberté de mouvement, de leur droit de se marier ou encore au travail, à la santé et à l’éducation, en font « l’une des communautés les plus vulnérables au monde ».
Pour qu’ils puissent rentrer chez eux il faut assurer leur sécurité et changer leurs conditions de vie. « Il n’y a pas de demi-solution », a-t-elle estimé en exigeant qu’on leur accorde les moyens de leur appartenance au Myanmar à commencer par la nationalité. « Il ne s’agit pas là d’un privilège mais bien d’un droit, un droit dont nous tous ici jouissons », a lancé Mme Blanchett à la salle, « un droit dont sont privés les Rohingya ». Elle a imploré le Conseil de ne pas perdre de vue cet impératif, et, en attendant, de redoubler d’efforts pour répondre aux besoins pressants des réfugiés qui se trouvent aujourd’hui au Bangladesh.
LORD TARIQ MAHMOOD AHMAD de Wimbledon, Ministre d’État au Commonwealth du Royaume-Uni, a invité le Conseil de sécurité à examiner en détail le rapport de la mission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies sur le Myanmar. Il a souligné que les personnes les plus touchées par cette crise sont en ce moment au Bangladesh, ce pays qui, avec l’ONU et des organisations humanitaires, a sauvé des milliers de vies. En plus d’un soutien spécialisé, y compris pour les victimes de violence sexuelle, Lord Tariq a demandé à la communauté internationale de « mettre la main à la poche ».
La solution à cette crise se trouve au Myanmar, a-t-il déclaré, avant d’insister pour que le Conseil de sécurité veille à ce qu’il n’y ait pas d’impunité pour les faits décrits dans le rapport susdit. Même s’il a salué quelques avancées du Gouvernement du Myanmar dans sa collaboration avec les entités externes, le Royaume-Uni note que ces actions sont limitées par l’armée. Les mesures prises ne sont pas suffisantes et il faut, par exemple, permettre un accès sans entrave et sûr à l’État rakhine, a-t-il plaidé, arguant que des acteurs extérieurs doivent pouvoir vérifier si les conditions sont garanties pour le retour des réfugiés.
Le Ministre britannique a aussi dit ne pas être sûr que les conditions nécessaires à la tenue de procès équitables, pour juger les auteurs de crimes graves, soient réunies au Myanmar. C’est pourquoi le Royaume-Uni penche davantage pour un mécanisme judiciaire international, dans la droite ligne des recommandations du rapport de la mission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies.
Le Ministre d’État a ensuite invité le Conseil de sécurité à poursuivre son aide au Bangladesh qui se retrouve avec des milliers de réfugiés. Le Conseil doit également prendre des mesures pour assurer que justice soit rendue aux Rohingya, notamment en exerçant des pressions sur les hauts gradés de l’armée. Enfin, Lord Tariq a incité le Conseil de sécurité à « ne plus se contenter de bavardages », à agir pour mettre fin au nettoyage ethnique dans l’État rakhine et à permettre le retour des réfugiés. « Agissons pour l’intérêt des Rohingya et de l’humanité », a-t-il conclu.
Mme ANNE GUEGUEN (France) a déclaré que les progrès observés sur le terrain restent très limités et ne sont pas à la hauteur de la gravité des violations des droits de l’homme commis dans l’État rakhine. Elle a appelé les autorités du Myanmar à coopérer avec la mission d’établissement des faits de l’ONU, avant de prendre note de l’établissement par le Myanmar d’une commission d’enquête sur les violations des droits de l’homme. « Pour autant, nous ne disposons à ce stade d’aucune information sur les garanties d’indépendance et d’impartialité de ce mécanisme. » La déléguée a demandé la pleine mise en œuvre des recommandations de la « Commission Annan », la Commission consultative sur l’État rakhine, notamment celles relatives à la question de la citoyenneté et à l’égalité des droits pour toutes les personnes appartenant à la communauté rohingya.
S’agissant de la dimension humanitaire de la crise, la déléguée de la France a exhorté la communauté internationale à augmenter sa contribution au plan de réponse de l’ONU financé aujourd’hui à hauteur de 33%, à prendre des mesures de protection des Rohingya face aux risques sanitaires et sécuritaires dans les camps et à accompagner le Bangladesh, les acteurs humanitaires et les populations locales hôtes. Enfin, le Conseil doit rester pleinement engagé dans ce dossier, a affirmé Mme Gueguen, avant d’estimer que la réponse au drame des Rohingya passe par la lutte contre l’impunité et le traitement des causes profondes de la crise.
« Halabja 1988, Srebrenica 1995, Darfour 2003. La liste des exemples où la violence a triomphé dans l’histoire moderne est longue, trop longue. De manière regrettable, il semblerait qu’un nouveau nom doive être ajouté à cette liste de tragédie: Rakhine 2017 », a déclaré M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède). Il a rappelé qu’hier, la mission d’établissement des faits de l’ONU a présenté des conclusions crédibles sur la gravité des atrocités commises par les forces de sécurité du Myanmar. Partisan d’une « action » vigoureuse en réponse à cette situation, le représentant a souhaité que le Président de la mission d’enquête présente en personne son rapport devant le Conseil de sécurité.
En outre, la Suède a plaidé en faveur d’un renvoi immédiat de la « situation au Myanmar » devant la Cour pénale internationale (CPI). Pour la délégation, il est urgent de répondre à la crise humanitaire qui touche de plein fouet les réfugiés de Cox’s Bazar. Ensuite, un accès sans entrave doit être rétabli pour les organismes humanitaires dans l’État rakhine, a-t-il ajouté. Enfin, le représentant a plaidé pour que soient établies les conditions d’un retour sûr, volontaire et digne des réfugiés.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a plaidé en faveur d’une approche « équilibrée » pour débattre de la situation dans l’État rakhine au Myanmar et pour régler la question des personnes déplacées. Rappelant qu’actuellement 81 des 88 recommandations prévues par l’approche de Kofi Annan avaient été mises en œuvre et que des mesures avaient été appliquées dans l’État rakhine pour y accueillir les réfugiés, le représentant a estimé que la clef du règlement de cette crise réside dans la coopération, le dialogue et la confiance entre le Myanmar et le Bangladesh.
Selon le représentant russe, il est nuisible de retarder le lancement du processus du retour des réfugiés au Myanmar. Il a accusé des forces étrangères de le faire pour exercer des pressions sur le Myanmar. La Fédération de Russie plaide pour une équité dans l’aide apportée à ces deux pays et appelle la communauté internationale à appuyer les accords qui existent déjà, notamment le mémorandum de coopération avec les Nations Unies du 6 juin.
La Russie appelle également à résoudre la crise actuelle de façon bilatérale en premier lieu et de s’attaquer ensemble aux causes profondes de la situation dans l’État rakhine.
M. WU HAITAO (Chine) a parlé d’une évolution positive au Myanmar, citant l’accord entre le Gouvernement et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés pour un retour des réfugiés. Il a aussi rappelé que le pays avait reçu l’Envoyée spéciale du Secrétaire général et avait mis en place une commission d’enquête sur la question de l’État rakhine. La Chine a toujours coopéré avec le Myanmar pour le règlement de la crise, et un haut responsable chinois a récemment obtenu un accord en quatre points avec les autorités du Myanmar à cette fin.
Pour la Chine, la tâche la plus urgente est de traiter du retour des réfugiés. La Chine est prête à fournir son assistance pour assister ceux qui ont fui le conflit, et c’est à ce titre qu’un envoyé du Ministère des affaires étrangères de la Chine a fait plusieurs voyages entre le Myanmar et le Bangladesh.
Le représentant a expliqué que la question de l’État rakhine est difficile, avec des complexités religieuses. Il faut donc l’appréhender avec circonspection. Le Conseil de sécurité doit ainsi se garder d’exercer des pressions sur les acteurs. De même, la communauté internationale doit se concentrer sur l’aide à fournir au Myanmar pour améliorer les conditions socioéconomiques dans le pays et aider à dissiper les tensions entre les divers groupes ethniques du pays.
Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a attiré l’attention sur un rapport du Département d’État basé sur des interviews de 1 024 réfugiés rohingya choisis au hasard dans le camp de Cox’s Bazar, affirmant que ses résultats étaient cohérents avec ceux de la mission d’établissement des faits. Des témoignages de première main ont révélé que la majorité d’entre eux avaient été victimes de violences et que les forces armées et de sécurité « birmanes » en étaient les principaux responsables. Derrière ces chiffres se cachent des « récits d’une brutalité presque incroyable », a déploré Mme Haley. Elle a cité de nombreux témoins qui décrivent des soldats jetant des nourrissons et de jeunes enfants dans des feux et dans des puits de village, ainsi que des femmes et des filles violées en public.
La représentante a rappelé que sa délégation, parmi d’autres membres du Conseil, s’efforce de maintenir l’attention du Conseil sur les atrocités commises dans ce pays et de faire porter aux forces armées et de sécurité la responsabilité de leurs actes. Il faut toutefois faire davantage, y compris en ménageant un accès sans entrave de l’ONU à la « Birmanie » pour l’aide humanitaire et l’aide au développement, ainsi qu’en acquittant deux journalistes de Reuters censés comparaître devant un tribunal birman la semaine prochaine. Le difficile passage du pays à la démocratie doit se poursuivre, a déclaré la représentante, en soulignant qu’un gouvernement responsable et démocratique qui respecte les droits des minorités n’adviendra pas tant qu’il ne sera pas contraint de rendre des comptes. Si cela ne suffit pas, a-t-elle ajouté, le Conseil doit agir. « Le monde entier regarde », a-t-elle conclu.
Mme LISE GREGOIRE VAN HAAREN (Pays-Bas) a indiqué que le plus bel hommage qui pourrait être rendu à Kofi Annan, décédé la semaine dernière, serait d’encourager le Myanmar à mettre en œuvre pleinement toutes les recommandations de la Commission Annan. Insistant sur l’importance d’un bon principe de responsabilité, elle a rappelé la violence sexuelle commise contre les femmes Rohingya et insisté sur les « conclusions choquantes » de la mission d’établissement des faits s’agissant de la commission de crimes contre l’humanité. Si des progrès en vue de traduire en justice les auteurs de ces crimes ne sont pas accomplis au niveau national, la communauté internationale devra prendre ses responsabilités, a-t-elle dit. « Dans ce cas, le Conseil devra renvoyer la situation devant la Cour pénale internationale (CPI). »
Prenant note de la volonté affichée par le Gouvernement du Myanmar d’encourager le retour des réfugiés, la déléguée a notamment invité ce dernier à garantir un accès sans restriction de l’ONU dans l’État rakhine et à offrir une voie crédible pour l’obtention de la nationalité pour ces réfugiés, dans les cas prévus par la loi.
Enfin, elle a déclaré que l’approche du Conseil sur ce dossier n’a abouti qu’à des résultats limités. « Le Gouvernement du Myanmar doit œuvrer à l’instauration d’un environnement propice au retour des réfugiés, à une paix durable et au principe de responsabilité. »
« Voilà déjà un an que la violence atteint son summum dans l’État rakhine » déclenchant un exode massif de Rohingya, a constaté M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou). Les membres du Conseil ont pu constater sur le terrain l’ampleur des violences lors de leur récente visite. Or le Pérou déplore l’insuffisance de la réponse à cette crise et cela, nonobstant les efforts du Conseil et du Secrétaire général. Il est impératif de redoubler d’effort pour parvenir au rapatriement sûr et digne de ces réfugiés au Myanmar, a dit le représentant, reconnaissant toutefois qu’il s’agit d’une « population complexe ».
Dans cet esprit, il a salué la création de la commission nationale d’enquête ainsi que la mise en place d’un Bureau de l’Envoyée spéciale du Secrétaire général, « des pas dans la bonne direction » selon lui. Le Pérou souligne en outre la pertinence du legs de la « Commission Annan » sur cette question et appelle à la pleine mise en œuvre de ses recommandations. Cela passe, selon le représentant, par le dialogue, la coopération, des mécanismes de coordination pour garantir le retour des réfugiés et un processus de responsabilisation transparent et indépendant. Le Pérou étudie avec attention le rapport de la mission d’établissement des faits du Conseil des droits de l’homme et demande que l’accès au nord de l’État rakhine soit donné au Haut-Commissaire aux droits de l’homme.
M. DESIRE WULFRAN G. IPO (Côte d’Ivoire) a dit qu’aucun dénouement durable de la crise ne peut être possible sans l’implication du Myanmar. Il a salué l’ouverture des autorités qui coopèrent mieux avec l’ONU, avant de les encourager à œuvrer pour le retour des réfugiés. Il a aussi invité le Gouvernement à faciliter l’accès sûr et sans entrave de l’ONU et de ses partenaires humanitaires à l’État rakhine, tout en saluant le rapprochement entre le Myanmar et le Bangladesh.
La Côte d’Ivoire est d’avis que des actions concrètes doivent être prises, notamment des mesures économiques permettant l’essor économique de l’État rakhine. Le représentant a aussi évoqué la responsabilisation au sujet des crimes dans l’État rakhine, invitant le Gouvernement du Myanmar à prendre des mesures pour que les responsables de violations répondent de leurs actes. Il a terminé en insistant sur le leadership régional nécessaire pour la résolution de cette crise, saluant notamment le rôle de la Chine et du Bangladesh.
Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a plaidé en faveur d’une mise en œuvre intégrale du mémorandum d’accord signé par le Myanmar, le PNUD et le HCR pour encadrer le rapatriement et la réinstallation des réfugiés rohingya dans l’État rakhine. Elle a exhorté le Gouvernement du Myanmar à redoubler d’efforts pour créer les conditions propices au retour sûr, volontaire et digne des réfugiés et des personnes déplacées dans leurs foyers. Préoccupé par les violations graves pointées par le rapport de la mission d’établissement des faits déployée par le Conseil des droits de l’homme, elle a demandé aux autorités du Myanmar de coopérer pleinement avec les experts. La déléguée a estimé, en conclusion, que le meilleur moyen de rendre hommage à l’ancien Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan serait de mettre en œuvre les recommandations de la Commission consultative sur l’État rakhine, qu’il présidait jusqu’à sa mort.
M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) s’est dit désolé de voir que 60% des réfugiés rohingya sont des enfants qui vivent désormais dans des camps, dans des conditions difficiles. Il a salué les avancées positives comme la rencontre entre les ministres du Myanmar et du Bangladesh, ainsi que l’accord signé en juin dernier par le Myanmar avec le PNUD et le HCR pour le rapatriement des rohingya réfugiés. Il a souhaité que les agences onusiennes aient accès à l’État rakhine afin d’y apporter l’assistance nécessaire. Il a également salué la mise en place récente d’une commission d’enquête indépendante au Myanmar, même s’il a jugé que la présence de personnalités d’obédience musulmane aurait permis de la crédibiliser davantage et de construire des ponts entre les communautés.
Pour une solution durable à cette crise, le Kazakhstan estime qu’il faut s’attaquer aux causes profondes qui y ont contribué, notamment la question de la nationalité et la restauration des droits et liberté des Rohingya. La lutte contre la pauvreté et les mesures de développement seraient tout aussi importants, a-t-il estimé.
« Il est évident que des efforts ont été entrepris par le Myanmar pour remédier à la situation dans l’État rakhine après la visite du Conseil », a déclaré Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie). « Plus doit néanmoins être fait s’agissant de la situation humanitaire, des mesures de principe de responsabilité pour les violations alléguées des droits de l’homme et de la mise en œuvre des recommandations de la Commission Annan. » Face à l’ampleur de la crise, elle a exhorté l’ONU et ses partenaires humanitaires à accroître leur aide au Bangladesh, avant de souligner l’importance d’une solution politique remédiant aux causes profondes de la situation actuelle.
La déléguée a ensuite pris note de l’intention du Myanmar d’établir une commission d’enquête indépendante comprenant notamment des personnalités reconnues sur le plan international. « Nous soulignons la nécessité d’accélérer ce processus en vue d’assurer la réconciliation, la paix et la stabilité dans l’État rakhine. »
Enfin, Mme Gaudey a exhorté le Conseil à préserver son unité sur ce dossier et à renforcer sa coopération avec le Myanmar et le Bangladesh.
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a salué les efforts déployés par le Secrétaire général pour défendre les intérêts des Rohingya, et assuré du plein appui de sa délégation à cette population. Un an après les premières violences dans l’État rakhine, un million de réfugiés se trouvent aujourd’hui au Bangladesh dans « le plus grand camp de réfugiés au monde », a-t-il rappelé. Il a noté que le rapport de la mission du Conseil des droits de l’homme vient confirmer les conclusions de nombreuses organisations humanitaires sur le sort de ces réfugiés et les horreurs qu’on leur a faites subir. « Le monde suit la réunion d’aujourd’hui au Conseil et n’attend rien de moins que nous assumions notre responsabilité morale de régler une des pires catastrophes du monde actuel », a-t-il dit en qualifiant cette catastrophe de « nettoyage ethnique ».
Le Koweït a pris note de certaines mesures prises par le Gouvernement du Myanmar depuis la visite sur place du Conseil de sécurité pour faciliter le retour des réfugiés rohingya, mais « ces mesures quoique encourageantes restent limitées ». À cet égard, après avoir réaffirmé la pertinence des recommandations de la « Commission Annan » pour le retour volontaire de ces réfugiés, le représentant a demandé une enquête indépendante et transparente sur les crimes ayant visé les Rohingya; la fermeture des camps de déplacés; des mesures pour lutter contre l’incitation à la haine; un accès sans entrave des organismes internationaux et humanitaires à l’État rakhine; et la lutte contre la discrimination religieuse. Le délégué a enfin appelé au respect de leurs droits de l’homme et libertés fondamentales.
M. AMPARO MELE COLIFA (Guinée équatoriale) a rappelé les visites de terrain -au Bangladesh et au Myanmar- qu’ont effectué une délégation du Conseil de sécurité et l’Envoyée spéciale, saluant l’accueil qui leur a été réservé par les deux pays, tout en exprimant ses préoccupations quant à la situation des réfugiés. Il s’est aussi inquiété des obstacles qui entravent le retour massif de ces réfugiés, qui doit se faire volontairement et dans des bonnes conditions de sécurité. Il a lancé un appel au Gouvernement du Myanmar pour qu’il redouble d’efforts pour créer des conditions propices au retour des réfugiés rohingya et des déplacés.
Le représentant a salué les éclaircissements donnés par le Représentant permanent du Myanmar dans sa lettre du 27 juin adressée au Président du Conseil de sécurité, notamment sur la mise en route du mécanisme du Programme d’assistance humanitaire, de réinstallation et de développement de l’État rakhine; la déclaration du Gouvernement de n’accepter aucune violation des droits de l’homme; ou encore l’engagement du Gouvernement d’appliquer les recommandations de la Commission consultative sur l’État rakhine. Il a plaidé pour que les membres du Conseil et la communauté internationale continuent à jouer un rôle constructif et facilitent les consultations et le dialogue.
Mme VERÓNICA CORDOVA SORIA (Bolivie) a plaidé pour que les actes de violence contre les Rohingya ne restent pas impunis, réclamant des enquêtes et des poursuites judiciaires. Elle a souligné la création, en juin, de la Commission indépendante d’enquête, saisie des violations des droits de l’homme commises depuis août 2017, en saluant les efforts du Gouvernement du Myanmar pour cela. Elle a aussi jugé important que le Gouvernement analyse les causes profondes de cette crise et applique intégralement les recommandations de la Commission consultative sur l’État rakhine, en particulier en ce qui concerne la question de la citoyenneté, le développement durable et le respect des droits de l’homme des Rohingya.
Il faut aussi, a-t-elle ajouté, que le Gouvernement œuvre au retour digne et volontaire des réfugiés et déplacés de l’État rakhine, saluant à cet égard la création d’un comité ministériel. La représentante a en outre salué la coordination entre le Gouvernement, le Bureau du HCR et le PNUD, dans la mise en œuvre du Mémorandum d’accord conclu le 6 juin, ainsi que la coordination entre les agences humanitaires qui œuvrent dans l’État rakhine. Elle a souligné l’accord donné par le Gouvernement pour l’ouverture d’un bureau de l’Envoyée spéciale du Secrétaire général dans la vile de Nay Pyi Taw. Le Gouvernement, a-t-elle ajouté, doit aborder urgemment la situation des réfugiés, notamment pour les mères qui ont accouché dans les camps au Bangladesh. Elle a appelé la communauté internationale à appuyer les efforts de ce pays qui accueille depuis un an autant de réfugiés.
M. HAU DO SUAN (Myanmar) a souligné la volonté de son pays de mettre en œuvre les recommandations contenues dans le rapport de la « Commission Annan ». Mais, peu après la remise de ce rapport, le 25 août 2017, l’Armée de salut des Rohingya de l’Arakan (ARSA) a mené plusieurs attaques meurtrières dans le nord de l’État rakhine, sachant que les forces de sécurité du Myanmar y répondraient vigoureusement. « Ces évènements ont été planifiés et exécutés avec l’appui d’organisations terroristes étrangères. »
La grave crise humanitaire actuelle et les souffrances des civils de toutes les communautés de l’État rakhine sont le fait de l’ARSA, dans le but de saper les efforts du Gouvernement visant à mettre en œuvre les recommandations de la Commission Annan et de trouver une solution durable à la crise, a-t-il avancé. Il a ensuite mentionné les trois documents signés avec le Bangladesh entre novembre 2017 et janvier 2018 pour faciliter le retour des personnes ayant fui pour le Bangladesh après les attaques de l’ARSA en octobre 2016 et en août 2017. « Au 23 août 2018, nous avons pu vérifier les informations relatives à 3952 personnes sur la liste des 8032 personnes soumise par le Bangladesh en février. Mais nous n’avons pas encore reçu le moindre réfugié malgré nos demandes répétées pour leur retour », a-t-il dit, en appelant le Bangladesh à s’acquitter de ses obligations.
Abordant le mémorandum d’accord signé avec le PNUD et le HCR, le délégué a indiqué que les responsables de l’ONU se sont vus accorder un accès à 23 villages, sélectionnés dans le cadre de la première phase du programme de réinstallation. Le Myanmar a mis en œuvre ou est en train de mettre en œuvre 81 des 88 recommandations avancées par la Commission Annan, a-t-il dit, en affirmant son attachement pour le travail du Conseil consultatif de M. Surakiart Sathirathai. Il a indiqué en outre que son pays souhaite une relation constructive avec l’Envoyée spéciale du Secrétaire général.
« Mon Gouvernement ne tolère aucune violation des droits de l’homme », a-t-il déclaré, en mentionnant la mise en place d’une commission d’enquête. Cette Commission, qui comprend deux éminents diplomates, Mme Rosario Manalo et M. Kenzo Oshima, est chargée d’enquêter sur les allégations de violations commises à la suite des attaques terroristes précitées de l’ARSA, en vue d’œuvrer à la recherche des responsabilités et à la réconciliation. Il a précisé que cette commission devrait remettre ses conclusions au Président du pays d’ici à un an. Le Myanmar protégera toutes les personnes coopérant avec la Commission, en particulier les victimes et témoins, a-t-il assuré, en soulignant l’indépendance de cet organe. Le délégué a en outre rappelé que son pays n’a pas accepté le mandat de la mission d’établissement des faits en raison de sa partialité. Il a par ailleurs questionné la publication à la hâte de son rapport avant cette réunion du Conseil alors que ledit rapport aurait dû être soumis au Conseil des droits de l’homme le 18 septembre prochain.
Enfin, le délégué a rappelé que la responsabilité première du règlement de la crise incombe au Myanmar et demandé un soutien constructif et positif de la communauté internationale.
M. MASUD BIN MOMEN (Bangladesh) a rappelé que le rapport rendu public hier par la mission d’établissement des faits du Conseil des droits de l’homme conclut à l’intention « génocidaire » des perpétrateurs d’actes de violence contre les Rohingya. Dès le début de cette crise humanitaire, son pays a dû investir des ressources et une énergie considérable dans une réponse aux besoins, notamment dans les camps de Cox’s Bazar. Mais en attendant leur rapatriement volontaire dans l’État rakhine, les Rohingya basés au Bangladesh ont besoin d’abris, de soins de santé, de moyens de subsistance et d’options éducatives, à moyen et à court termes, a souligné le représentant. Son gouvernement, a-t-il dit, a conclu des accords et des arrangements avec celui du Myanmar pour identifier certains des défis opérationnels et techniques qui se posent à la mise en œuvre des dispositions convenues. M. Momen a dit que la mise en place d’infrastructures de transit côté bangladais est en cours. Mais il est clair que le retour des Rohingya ne pourra débuter qu’à condition que ceux-ci reprennent suffisamment confiance pour envisager le chemin du retour, a souligné le délégué, pour qui un environnement propice est nécessaire.
Selon lui, les autorités du Myanmar doivent réfléchir à des mesures de confiance sur le terrain, parmi lesquelles il a mentionné la nécessité de ménager un accès pour le PNUD et le HCR à tous les villages et établissements humains dans l’État rakhine. Pour M. Momen, il est également indispensable d’ouvrir un accès sûr et sans entrave pour les Rohingya se trouvant le long de la frontière entre le Bangladesh et le Myanmar et la fourniture d’une aide humanitaire à ces populations. Par ailleurs, il a recommandé que les camps de personnes déplacées dans l’État rakhine soient démantelés d’une manière qui permette aux populations sur place de retourner volontairement dans leurs foyers ou dans d’autres destinations de leur choix, avec les droits et les libertés qui vont de pair. Enfin, a préconisé le représentant, il faut promouvoir la réconciliation et la confiance parmi les communautés dans l’État rakhine, et mettre fin aux discours de haine et d’incitation à la violence.