Conseil de sécurité: l’Envoyé spécial appelle à se saisir de la nouvelle dynamique politique au Burundi pour consolider l’unité et la paix
L’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Burundi a appelé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, les autorités et la classe politique burundaises à saisir l’opportunité de la nouvelle dynamique en cours et à œuvrer ensemble à la création d’un environnement politique, propice à la consolidation de l’unité nationale et à la paix.
M. Michel Kafando avait à l’esprit la promulgation, le 7 juin, de la nouvelle Constitution burundaise et l’annonce officielle faite, le même jour, par le Président Pierre Nkurunziza, de ne pas prétendre à un quatrième mandat en 2020 et d’apporter tout son soutien au prochain président.
Contrairement à ceux qui lui prêtaient l’intention de vouloir façonner la Constitution pour se maintenir au pouvoir jusqu’en 2034, le Président a posé un geste de haute valeur politique et démocratique qui est un bel exemple non seulement pour le pays mais également pour le continent, s’est enorgueilli le représentant du Burundi.
La Constitution et l’annonce du Président saluée aujourd’hui par tous les membres du Conseil de sécurité, sont, s’est félicité l’Envoyé spécial, deux actes majeurs qui nous offrent une opportunité à saisir pour avancer dans le règlement de la situation au Burundi. M. Kafando a indiqué que, mis à part quelques contestations de l’opposition, la situation demeure calme dans le pays.
L’Envoyé spécial a estimé que les visites récentes, dans le cadre de la coopération bilatérale et multilatérale, de plusieurs délégations de haut niveau, traduisent la volonté du Gouvernement d’améliorer ses relations avec la communauté internationale. En la matière, il a espéré que le Burundi et l’Union européenne reprendront bientôt le dialogue en vue de la poursuite rapide de leur coopération financière.
En attendant, les membres du Conseil se sont surtout concentrés sur les élections de 2020 qu’ils ont voulues « libres, justes et transparentes », selon les mots de la représentante de la France, « avec une pleine et égale participation des femmes », ont ajouté ceux des Pays-Bas et de la Suède. Leur homologue des États-Unis n’a pas été le seul à dénoncer les violations continues des droits de l’homme, dont les restrictions « excessives » de l’espace civique et politique, le musellement des médias, les arrestations arbitraires et les peines abusives infligées aux défenseurs des droits de l’homme. Le représentant des Pays-Bas a ajouté à ces fléaux les agissements de la milice imbonerakure et l’infiltration des agents du Service national des renseignements dans les camps de réfugiés en Tanzanie.
La déléguée de la France a formé le vœu qu’un dialogue interburundais inclusif dans l’esprit de rassemblement et de coexistence pacifique instauré par l’Accord de paix et de réconciliation d’Arusha pour le Burundi, puisse s’engager, avec l’appui de la médiation des pays de la Communauté d’Afrique de l’Est, afin de mettre en place les conditions nécessaires à de bonnes élections.
L’impasse politique actuelle ne peut être résolue que par un dialogue « pacifique, ouvert et consensuel », a acquiescé le délégué de l’Éthiopie, insistant sur le caractère « urgent » d’un tel dialogue pour assurer une paix et une stabilité durables et appelant le Conseil de sécurité à explorer de nouvelles idées pour travailler avec le Burundi.
Le Conseil devrait surtout avoir « le courage » de retirer le Burundi de son ordre du jour, a tranché le représentant de ce pays, fustigeant des réunions « en cascade » qui risquent de devenir un facteur de déstabilisation et un frein aux efforts régionaux. La place que le Burundi mérite aujourd’hui ne se trouve pas dans cette salle, mais au niveau des agences des Nations Unies en charge du développement socioéconomique pour booster son relèvement, a-t-il ajouté soutenu par ses homologues de la Chine et de la Fédération de Russie qui a conseillé: « cessons de donner des leçons à un pays souverain », et qui a dénoncé le point de vue « alarmiste » de certains membres du Conseil, « jouant en faveur de l’opposition ».
Le représentant du Burundi n’a pas manqué l’occasion de demander la levée des sanctions, arguant d’une situation « calme, stable et entièrement sous contrôle » qui ne saurait constituer une menace à la paix et à la sécurité internationales. Il a affirmé que le dialogue, comme moyen de trouver des solutions pacifiques aux différends politiques, est devenu une « culture » dans son pays. C’est dans ce cadre, a-t-il souligné, que quelque 20 partis politiques ont adopté, le 3 août dernier, une feuille de route en vue des élections.
S’agissant des droits de l’homme, le représentant, qui a insisté sur le retour de plus de 206 000 réfugiés, entre 2016 et 2018, a dit attendre la notification officielle du Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’homme sur la nomination de trois experts. Il a aussi assuré que son pays reste ouvert à des discussions constructives sur le mémorandum d’entente relatif au Bureau du Haut-Commissariat. L’Envoyé spécial a en effet appelé les autorités burundaises à tenir ces discussions et à accepter « enfin » de signer l’accord de siège afin de permettre à son propre bureau, à Bujumbura, de fonctionner dans les meilleures conditions.
LA SITUATION AU BURUNDI
Déclarations
M. MICHEL KAFANDO, Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Burundi, a indiqué que le 7 juin, à l’issue du référendum constitutionnel du 17 mai 2018, le Chef de l’État du Burundi, M. Pierre Nkurunziza, a promulgué la nouvelle Constitution adoptée par le peuple burundais à plus de 73%. Le même jour, a ajouté M. Kafando, il a annoncé officiellement la fin de son mandat pour 2020 et son engagement à apporter tout son soutien au président qui sera élu. Ce sont là, s’est-il félicité, deux actes majeurs dont nous devons souligner l’importance et qui nous offrent une opportunité à saisir pour avancer dans le règlement de la situation burundaise.
Il a appelé le Gouvernement et la classe politique burundais à saisir l’opportunité de cette nouvelle dynamique et à œuvrer ensemble à la création d’un nouvel environnement politique, propice à la consolidation de l’unité nationale et de la paix. Il a ensuite salué l’atelier d’échange des leaders politiques tenu le 3 août à Kayanza et qui a abouti à l’adoption d’une feuille de route consensuelle pour les élections de 2020.
L’Envoyé spécial a ensuite passé en revue les différentes visites qu’il a effectuées dans la région depuis son dernier briefing, le 24 mai. Il a dit avoir remis au Médiateur, le Président ougandais, M. Yoweri Museveni, un mémorandum portant sur des propositions concrètes que certains garants de l’Accord d’Arusha devraient entreprendre en vue de réaffirmer l’importance capitale de cet Accord « historique » qui constitue le socle de la paix dans cette partie du continent. Il a aussi annoncé qu’il envisage un déplacement au Burundi début octobre.
M. Kafando a poursuivi son intervention en indiquant que, mis à part quelques contestations de l’opposition, la situation demeure calme. Il a aussi salué les efforts déployés par le Burundi et la Tanzanie, avec l’appui du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), qui ont permis depuis septembre 2017 le rapatriement volontaire de quelque 35 000 réfugiés burundais et a souhaité que ceux-ci se poursuivent.
L’Envoyé spécial a aussi fait le point sur la coopération bilatérale et multilatérale, précisant que plusieurs délégations de haut niveau ont visité le pays ces derniers temps. Il a aussi indiqué qu’aujourd’hui doit se tenir à Bujumbura, le forum des femmes pour la paix et la sécurité. Il a estimé que ces visites traduisent la volonté du Gouvernement d’améliorer ses relations avec la communauté internationale et a espéré que le Burundi et l’Union européenne reprendront bientôt le dialogue en vue de la poursuite rapide de leur coopération financière. Il a par ailleurs appelé les autorités burundaises à finaliser la discussion sur le Mémorandum d’entente avec le Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’homme au Burundi et à accepter « enfin » de signer l’accord de siège afin de permettre à son propre bureau à Bujumbura de fonctionner dans les meilleures conditions.
Enfin, M. Kafando a demandé au Conseil de sécurité de réitérer son appel à tous les protagonistes de la crise burundaise pour qu’ils participent de bonne foi aux dialogues qu’il cherche à organiser avec le Médiateur et le Facilitateur dans les jours à venir.
Mme ANNE GUEGUEN (France) a déclaré que les tensions électorales de 2015 avaient profondément meurtri le Burundi et créé un climat de défiance entre les acteurs politiques qui subsiste jusqu’à aujourd’hui. L’impasse politique qui persiste et la situation des droits de l’homme au Burundi restent sources de profonde préoccupation pour la France. Face à l’absence d’un réel dialogue politique inclusif et à la fermeture de l’espace politique, les fractions les plus radicales de l’opposition sont tentées par la lutte armée.
De leur côté, les miliciens imbonerakure jouent un rôle de plus en plus important dans les actions d’intimidation et de répression de toute voix discordante. Le risque que la situation se dégrade ne peut être exclu comme le montre le meurtre de trois militaires le week-end dernier près de Bujumbura, victimes d’une embuscade. Le statu quo n’est pas tenable à long terme. Cette situation est porteuse d’instabilité pour toute la région. Les rapports faisant état d’affrontements sur le territoire congolais alimentés par des groupes armés burundais en sont l’illustration.
Mme Gueguen a lancé un appel aux autorités burundaises à travailler à achever la pacification du pays et à assurer la sécurité des citoyens burundais contre toute forme de violence, d’où qu’elle vienne, à lutter contre l’impunité, y compris dans les rangs des forces de sécurité, à accepter d’engager sans conditions dans un dialogue inclusif avec toutes les composantes de la société burundaise en particulier avec ceux qui ne partagent pas leurs convictions politiques, à restaurer le respect les libertés fondamentales notamment la liberté d’opinion et de médias. L’Accord d’Arusha offre le cadre approprié pour mener cette réconciliation. Il doit être préservé à tout prix.
L’annonce par le Président Pierre Nkurunziza qu’il ne se présenterait pas aux élections de 2020 est un développement positif. La France forme le vœu qu’un dialogue interburundais inclusif dans l’esprit de rassemblement et de coexistence pacifique instauré par l’Accord de paix et de réconciliation d’Arusha pour le Burundi, puisse s’engager, avec l’appui de la médiation des pays de la Communauté des États d’Afrique de l’Est, afin de mettre en place les conditions nécessaires pour des élections libres, justes et transparentes en 2020, a ajouté la déléguée.
Elle a exhorté les parties burundaises à saisir la main tendue et à renouer des relations apaisées avec les partenaires internationaux. La signature de l’accord de siège avec le bureau de l’Envoyé spécial et avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme seraient des gestes forts tout comme la reprise de la collaboration avec l’équipe d’experts du Haut-Commissaire aux droits de l'homme en application de la résolution votée par le Burundi lui-même au Conseil des droits de l’homme.
M. JOB OBIANG ESONO MBENGONO (Guinée équatoriale) a constaté que la situation au Burundi est largement stable et a salué la bonne volonté manifestée par le Président Pierre Nkurunziza qui a annoncé la fin de son mandat pour 2020. Il a appelé la communauté internationale à examiner la situation au Burundi de « manière objective » et de façon à assurer la stabilité et le développement du pays. Il a aussi rappelé les contributions du Burundi au maintien de la paix de l’ONU.Pour le représentant, la situation au Burundi est une question de politique intérieure qui doit être réglée par le dialogue. Aussi s’est-il félicité de la tenue du dialogue interburundais et a espéré qu’il débouchera sur la normalisation. Il a appelé à des mesures de renforcement de la confiance, insistant pour que le Médiateur s’implique davantage.Le délégué a aussi exhorté les autorités burundaises à améliorer leurs relations avec la communauté internationale et à tenir les élections en 2020 pour assurer la stabilisation du pays.
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a souhaité que les élections prévues en 2020 au Burundi seraient transparentes, libres, crédibles et ouvertes. Elles devraient voir la participation de toutes les parties prenantes y compris des femmes. La situation humanitaire et les violations des droits de l’homme au Burundi constituent une préoccupation pour la communauté internationale.
Il est nécessaire de renforcer les efforts collectifs pour le retour et la réinsertion au Burundi des réfugiés. Il faut, en revanche, que les auteurs des violations des droits de l’homme soient tenus responsables de leurs actes.
Mme LISE GREGOIRE-VAN HAAREN (Pays-Bas) s’est dite inquiète de la situation politique et sécuritaire au Burundi. Saluant la décision du Président Nkurunziza de quitter le pouvoir à la fin de son mandat actuel en 2020, elle a espéré que cette décision contribuera à ouvrir l’espace politique et démocratique pour préparer des élections libres, transparentes et inclusives. Les Pays-Bas appellent donc le Gouvernement burundais à profiter de cette dynamique pour créer les conditions favorables à des élections crédibles en 2020, « avec une pleine et égale participation des femmes ». La représentante a averti que tant que le dialogue interburundais restera au point mort, les violations des droits de l’homme continueront.
Elle a fait état de sources crédibles qui signalent des assassinats, des arrestations arbitraires et des enlèvements pour des motifs politiques, le mois dernier. Elle s’est aussi inquiétée de la dégradation de la situation des réfugiés burundais, de l’implication de la milice imbonerakure et de l’infiltration des agents du Service national des renseignements dans les camps de réfugiés en Tanzanie. Elle a appelé le Gouvernement burundais à reprendre sa coopération avec le Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’homme et à collaborer pleinement avec la Commission d’enquête et les trois experts mandatés par le Conseil des droits de l’homme. Elle a appelé à la finalisation des discussions du dialogue interburundais sur les modalités du retour des opposants en exil et de la feuille de route pour le processus électoral. Elle a appelé la Communauté d’Afrique de l’Est à tenir d’urgence la prochaine session du dialogue.
S’il a salué la relative amélioration de la situation sécuritaire au Burundi après l’organisation, le 17 mai 2018, du référendum constitutionnel, M. LEON H. KACOU ADOM (Côte d’Ivoire) a toutefois déploré, sur le plan politique, la persistance de l’impasse dans laquelle se trouve le processus politique burundais, plus de huit mois après la dernière session du dialogue politique interburundais qui s’est tenue en Ouganda sous l’égide de la Communauté d'Afrique de l'Est (CAE). C’est la raison pour laquelle il a invité les parties prenantes à la reprise du dialogue politique inclusif, et les autorités burundaises, à prendre les mesures de confiance nécessaires à la décrispation du climat sociopolitique sur la base de l’Accord d’Arusha. Le représentant a pris note de la décision du Président Nkurunziza de ne pas briguer un nouveau mandat en 2020. Par ailleurs, sur le plan humanitaire, il s’est dit préoccupé par la situation des milliers de réfugiés en attente de meilleures perspectives pour un retour définitif. Il a donc encouragé les autorités burundaises à œuvrer à l’amélioration de la situation économique du pays et à la création de conditions propices au retour des réfugiés, en coopération avec les institutions financières internationales et les partenaires bilatéraux.
Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) a estimé que la déclaration du Président Pierre Nkurunziza, le 7 juin 2018, dans laquelle il a annoncé son intention de ne pas se présenter à l’élection présidentielle de 2020, était un geste positif vers le règlement de l’impasse politique dans le pays. Cette impasse politique ne peut être que résolue que par un dialogue pacifique, ouvert et consensuel. À cet égard, l’absence de progrès dans la médiation menée par la Communauté d’Afrique de l’Est est un sujet de préoccupation. En conséquence, la relance d’un dialogue véritable et inclusif sous les auspices de la Communauté d’Afrique de l’Est avec l’appui de l’Union africaine et des Nations Unies sur la base de l’esprit de l’Accord de paix et de réconciliation d’Arusha pour le Burundi et de la Constitution du Burundi est très urgente pour assurer la paix et une stabilité durable.
À la lumière de la situation sécuritaire calme et les progrès dans le pays, l’engagement entre la communauté internationale et le Gouvernement du Burundi devrait être fondé sur une stratégie réaliste visant à appuyer les institutions fortes et à créer un climat favorable dans lequel les acquis sont consolidés et les différends politiques restants réglés.
Dans ce contexte, le Conseil de sécurité devrait explorer de nouvelles idées pour travailler avec le Burundi notamment alléger les difficultés socioéconomiques ainsi que la situation humanitaire. De son côté, le Gouvernement du Burundi devrait avoir un engagement ouvert avec la communauté internationale en expliquant le plan pour les élections de 2020 ainsi que ses engagements dans l’esprit de l’Accord d’Arusha.
M. JOAKIM VAVERKA (Suède) a rappelé que l’Accord d’Arusha est toujours la fondation de la paix, de la sécurité et de la stabilité du Burundi et de la région, et qu’une solution politique inclusive doit être trouvée à la situation actuelle, par le biais du dialogue. Dans ce contexte, il a dit soutenir pleinement les efforts menés par la Communauté d’Afrique de l’Est pour revitaliser le dialogue interburundais, lequel doit être mené à son terme. En outre, a-t-il ajouté, une feuille de route basée sur le consensus pour des élections libres, justes et inclusives en 2020 est cruciale, élections auxquelles les femmes doivent pouvoir pleinement participer. À cet égard, l’annonce par le Président Nkurunziza de ne pas briguer un autre mandat en 2020 est une étape importante vers un processus politique inclusif. Le représentant s’est dit en conclusion fortement préoccupé du manque constant de progrès s’agissant des violations des droits de l’homme au Burundi, alors que le respect de ces droits est déterminant pour la confiance, le dialogue et la dignité humaine et pour prévenir toute escalade du conflit. C’est pourquoi le fait que le Haut-Commissariat soit autorisé à travailler dans le pays revêt « une si haute importance ».
M. JONATHAN COHEN (États-Unis) a salué la décision du Président Nkurunziza de ne pas se présenter à un quatrième mandat. Le fait de quitter le pouvoir de son propre chef, qui est une étape marquante vers la démocratie, donnera le bon exemple aux autres leaders de la région. Une telle décision réaffirme aussi la promesse que le Président a faite au peuple burundais en 2015. Le représentant a néanmoins appelé le Burundi à améliorer la situation des droits de l’homme, à élargir l’espace civique, à assurer la liberté de la presse et à veiller à la bonne gouvernance pour permettre à tous les Burundais de participer à la marche du pays. Il s’est dit préoccupé par le fait que le Gouvernement du Burundi refuse toujours de reprendre la coopération avec le Bureau du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et de continuer de nier l’accès à la Commission d’enquête mandatée par le Conseil des droits de l’homme. Nous sommes profondément préoccupés, a insisté le représentant, par les violations continues des droits de l’homme, dont les restrictions « excessives » de l’espace civique et politique, le musellement des médias, les arrestations arbitraires et les peines abusives infligées aux défenseurs des droits de l’homme. Le représentant a dit compter sur le Gouvernement burundais pour qu’il prenne des mesures « claires » pour mettre fin à la violence et ouvrir l’espace politique aux membres de l’opposition, aux médias indépendants et à la société civile et pour engager un dialogue inclusif avec toutes les parties prenantes burundaises. Il a aussi exhorté le Gouvernement à faire en sorte que les acteurs politiques de l’opposition, y compris les indépendants, puissent participer pleinement aux futures élections. Il a d’ailleurs encouragé ces derniers à prendre des mesures « concrètes et réalistes » pour se préparer.
Nous insistons, a dit le représentant, pour que toutes les parties, Gouvernement et opposition, rejettent catégoriquement la violence comme instrument politique. Il s’agit là d’une mesure essentielle pour assurer une course politique ouverte, juste, libre et pacifique. Le représentant s’est félicité des efforts de la région pour convoquer le prochain cycle du dialogue interburundais, en septembre. Un appui constant de la région est nécessaire pour parvenir à une solution politique durable qui jette les bases pour des élections inclusives, jutes, libres et pacifiques. Le représentant a souligné le caractère « essentiel » d’un engagement sincère du Gouvernement et de l’opposition pour le succès du dialogue.
M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a rappelé l’importance de respecter l’Accord de paix et de réconciliation d’Arusha pour le Burundi par le Gouvernement de ce pays. Le représentant a appelé à un dialogue direct et constructif entre toutes les parties burundaises. Saluant la déclaration du Président du Burundi de ne pas briguer un quatrième mandat présidentiel, le délégué a espéré que les élections de 2020 verraient la participation de toutes les parties prenantes. Elles devraient aussi être justes, crédibles, transparentes et ouvertes.
En outre, le représentant a mis l’accent sur la responsabilité du Gouvernement d’assurer la sécurité de tous les citoyens burundais. Avant de terminer, il a indiqué que le Conseil de sécurité et la communauté internationale devraient traiter d’urgence les problèmes des réfugiés et a remercié les pays de la région pour leur assistance.
M. LIE CHENG (Chine) a constaté que la situation s’est stabilisée dans le pays. Il a souligné l’importance que revêt le Burundi pour la région et a appelé la communauté internationale à reconnaître les efforts déployés par le Gouvernement pour maintenir la paix et la stabilité.Le représentant a insisté sur le respect de la souveraineté nationale, estimant qu’il faut continuer d’appuyer le processus politique. Il faut aussi renforcer l’appui au développement socioéconomique et reprendre la coopération avec le Burundi. La Chine compte continuer de jouer son rôle pour assurer le développement et la stabilité du Burundi, a promis le représentant.
M. KAMIL KRZYSZTOF MIELUS (Pologne) a pris note de l’adoption de la nouvelle Constitution et des préoccupations face à la compatibilité de certaines de ses dispositions avec l’Accord d’Arusha. Il a salué l’annonce du Président Nkurunziza de ne pas prétendre à un quatrième mandat en 2020, lequel réaffirme ainsi la promesse faite au peuple burundais en 2015. Le délégué s’est toutefois dit préoccupé par la situation politique et la lenteur des progrès dans le dialogue interburundais. Il a estimé que l’annonce du Président devrait être suivie d’étapes concrètes pour réaliser la réconciliation politique. C’est le rôle des autorités d’assurer en 2020 un processus électoral libre, crédible, transparent et vraiment inclusif avec la participation de tous les partis politiques et des femmes.
Le délégué a rappelé l’Accord d’Arusha et ses dispositions qui appellent à un large consensus politique et à une non-concentration du pouvoir entre les mains d’une seule institution, comme instrument principal de la paix et de la stabilité, au Burundi et dans toute la région. Le dialogue interburundais devrait continuer avec la participation active de toutes les parties prenantes car seul un dialogue politique inclusif peut assurer une solution durable et acceptable pour tous. Le représentant a souligné le rôle particulier des dirigeants des pays voisins et des garants de l’Accord d’Arusha. Il s’est aussi attardé sur la situation préoccupante des droits de l’homme, condamnant les violations et les abus quels qu’en soient les auteurs. Il a appelé à cet égard les autorités à restaurer une coopération internationale effective avec les institutions internationales et exhorté le Gouvernement du Burundi à prendre des mesures transparentes pour améliorer la gouvernance et le respect des droits de l’homme, élargir l’espace public et démocratique et assurer la liberté de la presse en vue des élections de 2020.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a salué l’évolution positive de la situation dans le pays depuis la tenue du référendum, à commencer par l’annonce de la déclaration du Président Pierre Nkurunziza, le 7 juin 2018, dans laquelle il a indiqué son intention de ne pas se présenter à l’élection présidentielle de 2020. Il s’est toutefois inquiété de la persistance de la violence, des violations des droits de l’homme et de l’absence de dialogue.
Il appelé au plein respect de l’Accord de paix et de réconciliation d’Arusha pour le Burundi et à respecter l’équilibre établi entre les communautés du pays à l’issue de la guerre civile.
Le représentant a aussi jugé urgent de se saisir de la situation grave des 400 000 réfugiés burundais. Il est également important que le Gouvernement et le Haut-Commissariat aux droits de l’homme finalisent leur mémorandum d’accord.
M. ALEXANDER V. REPKIN (Fédération de Russie) a regretté que le Conseil de sécurité n’ait pu entendre le représentant de la Suisse, Président de la formation Burundi de la Commission de la consolidation de la paix. Il a dénoncé le point de vue « alarmiste » de certains membres du Conseil qui jouent en faveur de l’opposition. Il a au contraire noté une situation « calme » au Burundi où se poursuivent des contacts interparlementaires, où les réfugiés et les responsables de l’opposition reviennent. Le délégué a aussi rappelé le « soutien populaire » au référendum constitutionnel de mai 2018, lequel a été précédé d’une campagne électorale « libre et démocratique ». Prenant note de la décision du Président burundais de ne spas e présenter à l’élection présidentielle de 2020, le représentant a constaté une « bonne » dynamique et a, en conséquence, demandé au Conseil de sécurité de retirer le Burundi de son ordre du jour. Arrêtons de donner des leçons à un pays souverain, s’est-il impatienté.
M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) a salué le bon déroulement du référendum du 17 mai et a souligné que l’Accord de paix et de réconciliation d’Arusha pour le Burundi doit demeurer la pierre angulaire du processus en cours au Burundi. Il a espéré que le climat sera propice à la tenue d’élections pacifiques en 2020. Il a appelé à mettre en œuvre la feuille de route proposée par le facilitateur en vue de poursuivre les efforts d’appui à la médiation menés par la Communauté d’Afrique de l’Est.
De son côté, a-t-il poursuivi, la communauté internationale doit aider le Burundi à renforcer ses capacités, notamment pour faire face aux violations des droits de l’homme. Il a salué le retour volontaire des réfugiés et a encouragé le Gouvernement à poursuivre les efforts déployés à cette fin.
Le délégué a par ailleurs appelé à lever les sanctions imposées aux pays, notant que celles-ci ont des conséquences délétères sur les plus vulnérables et sapent de surcroît la réalisation des objectifs de développement durable.
En réponse au représentant de la Fédération de Russie, M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a dit que, en tant que Président du Conseil de sécurité, le représentant de la Suisse, Président de la formation Burundi de la Commission de la consolidation de la paix (CCP), était en vacances et n’avait pu être présent à la séance du Conseil de sécurité d’aujourd’hui.
Le représentant du Royaume-Uni, intervenant cette fois-ci en sa capacité nationale, a souligné l’importance de respecter l’esprit et la lettre de l’Accord de paix et de réconciliation d’Arusha pour le Burundi. Il a pris note de la déclaration du Président du Burundi de ne pas se présenter à la présidentielle de 2020. Le délégué a néanmoins souligné l’importance du dialogue ouvert au Burundi pour trouver une solution politique durable.
Il s’est dit préoccupé par la situation des droits de l’homme au Burundi et a invité le Gouvernement à défendre les droits de l’homme en signant le mémorandum d’entente avec le Haut-Commissaire aux droits de l’homme pour qu’il puisse travailler dans le pays. Il a exhorté le Gouvernement à accepter le retour des trois experts du Haut-Commissaire aux droits de l’homme au Burundi.
M. ALBERT SHINGIRO (Burundi) a estimé que, sur le plan sécuritaire, la situation dans son pays est restée « calme, stable et entièrement sous contrôle » au cours des derniers mois. Un retour à la normalité qui a permis selon lui l’organisation du référendum constitutionnel sans aucun incident majeur, le retour massif des réfugiés et l’accueil de plusieurs conférences aux niveaux régional et continental. Il a ensuite rappelé que lors de la promulgation de la nouvelle constitution, le 7 juin, le Président de la République burundaise avait portée à la connaissance de ses concitoyens que son deuxième mandat prendrait fin en 2020 et qu’il soutiendrait le président élu à sa suite. « Contrairement aux discours de certains qui lui avaient prêté des intentions de vouloir façonner la nouvelle constitution pour lui-même afin de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2034, ce geste de haute valeur politique et démocratique est un bel exemple non seulement pour le Burundi mais également pour le continent », a souligné le représentant.
Selon lui, l’esprit de tolérance, l’assainissement et l’ouverture de l’espace politique burundais se renforcent de plus en plus, comme en témoigneraient le retour et l’intégration de plusieurs milliers de réfugiés ainsi que des leaders politiques qui avaient fui le pays, dont l’ancien Président Sylvestre Ntibantunganya, l’ancienne Présidente Alice Nzomukanda, ainsi que quelques anciens parlementaires. Après s’être félicité du dialogue interburundais, il a tenu à rappeler que le dialogue, comme moyen de trouver des solutions pacifiques aux différends politiques, est devenu une « culture » au Burundi. « Ceux qui nous demandent de promouvoir le dialogue enfoncent un porte ouverte », a affirmé M. Shingiro, en rappelant que le Burundi dispose d’un forum permanent des partis politiques, qui est une excellente plateforme de dialogue. « C’est dans ce cadre que tous les partis politiques se sont réunis au nord du Burundi, le 3 août, pour échanger à bâtons rompus sur les enjeux importants des élections de 2020, une rencontre qui s’est soldée par l’adoption par plus de 20 partis politiques d’une feuille de route en vue des élections libres, inclusives et paisibles en 2020 », a-t-il expliqué.
Pour ce qui est du retour des réfugiés, le délégué a assuré qu’entre 2016 et 2018 plus de 206 000 réfugiés sont retournés volontairement au Burundi. Si ce mouvement de retour volontaire se poursuit à un rythme satisfaisant, il a toutefois tenu à réitérer au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et aux amis de la région d’intervenir auprès de « certains pays d’accueil qui tiennent en otage nos compatriotes en exil en érigeant des obstacles artificiels à leur retour volontaire au pays et de veiller à ce que les camps de réfugiés gardent leur caractère civil ». Passant aux droits de l’homme, M. Shingiro a affirmé que son pays attend la notification officielle du Bureau du Haut-Commissaire sur la nomination de trois experts. « Ce qui se dit d’un soi-disant manque de coopération du Burundi relève de la désinformation et du manque de transparence. Il en est de même pour le mémorandum d’entente sur le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Le Burundi reste ouvert pour la poursuite des discussions dans un esprit constructif », a -t-il ajouté.
Après avoir demandé la levée des sanctions économiques injustes et immorales qui pèsent sur le Burundi depuis les tensions électorales de 2015, le représentant a réitéré son appel au Conseil de sécurité pour qu’il ait « le courage » de retirer son pays de l’ordre du jour. La situation politico-sécuritaire, qui est « calme, stable et entièrement maîtrisée », est loin de constituer une menace à la paix et à la sécurité internationales, a argué le représentant. Aucun argument ne peut justifier le maintien de réunions « intempestives » sur le Burundi, a-t-il tranché. Ces réunions « en cascade », qui ne sont pas motivées par la réalité sur le terrain, pourraient devenir un facteur de déstabilisation et miner les efforts régionaux. Cet « acharnement » contre le Burundi devrait cesser sinon, a prévenu le représentant, l’histoire retiendra que le Burundi a été maintenu à l’agenda du Conseil « injustement » pour satisfaire des intérêts non burundais et non africains. La place que le Burundi mérite aujourd’hui ne se trouve pas dans cette salle, mais au niveau des agences des Nations Unies en charge du développement socioéconomique pour booster son relèvement, a conclu M. Shingiro.