Saisi de deux projets de résolution concurrents, le Conseil de sécurité échoue à se prononcer sur les derniers évènements à Gaza
Alors que la situation se détériore au Moyen-Orient, le Conseil de sécurité s’est vu saisi, cet après-midi, de deux projets de résolution concurrents, qui abordaient sous des angles différents, le conflit entre Israël et la Palestine, et sur lesquels ses membres ne sont pas parvenus à s’accorder.
Dans un premier temps, les États-Unis ont posé leur veto à l’adoption d’un texte proposé par le Koweït par lequel le Conseil de sécurité aurait exigé qu’Israël s’abstienne d’actes tels que le recours excessif, disproportionné et indiscriminé à la force, notamment l’utilisation de balles réelles contre des manifestants civils. Si ce texte avait été adopté, le Conseil aurait aussi exhorté « tous les acteurs » à faire en sorte que les manifestations restent pacifiques, et déploré par ailleurs les tirs de roquette lancés depuis la bande de Gaza contre des zones civiles israéliennes.
Aucune autre délégation ne s’est opposée à ce projet de résolution qui a recueilli l’appui de 10 membres du Conseil, 4 autres s’étant abstenus, à savoir la Guinée équatoriale, les Pays-Bas, la Pologne et le Royaume-Uni.
Si la représentante des États-Unis s’est opposée à la proposition du Koweït, c’est parce qu’elle y a vu une description « extrêmement partiale » de ce qui s’est passé à Gaza et un texte qui rejette de surcroît toute la responsabilité sur Israël. Elle a dénoncé l’absence de toute référence au « groupe terroriste Hamas ». « C’est ce type de résolution qui sape la crédibilité de l’ONU pour résoudre le conflit israélo-palestinien », a-t-elle mis en garde.
« Le vote d’aujourd’hui est décevant, mais pas surprenant », a commenté l’Observateur permanent de l’État de Palestine, évoquant la « position intransigeante » d’un des membres du Conseil. Saluant ceux qui ont voté pour, il a déclaré: « Vous avez rejeté la loi du plus fort et souligné que personne ne peut se dérober à la loi ». Le représentant d’Israël a, de son côté, vu dans le veto américain la démonstration que les règles sont en train de changer au sein du Conseil de sécurité, et que la politique du « deux poids deux mesures » contre Israël était terminée. Il s’est vivement insurgé contre l’absence de toute référence au Hamas. « Ne connaissez-vous donc pas l’orthographe du mot Hamas? » s’est énervé le délégué, pointant notamment la France.
Justement, la délégation française a expliqué qu’elle aurait souhaité que le projet de résolution établisse clairement la responsabilité du Hamas et qu’il condamne explicitement les tirs de roquette contre Israël. Selon lui, il aurait été possible d’engager la discussion autour de ce texte.
La représentante des États-Unis a en revanche été la seule à lever la main pour voter, quelques minutes plus tard, en faveur de son propre projet de texte qui contenait des injonctions dirigées vers « les organisations terroristes telles que le Hamas » et proposait au Conseil de condamner les tirs de roquettes aveugles effectués par des militants palestiniens basés à Gaza en direction de villages israéliens, le 29 mai 2018, « l’attaque la plus grave lancée à partir de Gaza depuis 2014 ».
Onze membres se sont abstenus, tandis que la Bolivie, le Koweït et la Russie se sont opposés à l’adoption de ce texte critiqué à plusieurs reprises pour son manque d’équilibre, et en raison du fait qu’il n’a pas fait l’objet de négociations.
La France, a affirmé son représentant, était prête à soutenir plusieurs paragraphes du texte proposé par les États-Unis, notamment ceux condamnant les actes du Hamas. Le délégué a toutefois fait observer que la responsabilité du Conseil de sécurité est de répondre à la crise de Gaza dans sa globalité, « ce qui n’est pas fait dans ce texte ».
Le Koweït a dénoncé un texte qui ferme les yeux sur les massacres de dizaines de manifestants pacifiques et qui, « dans son esprit et sa lettre, encourage la Puissance occupante à poursuivre les exactions contre des populations ».
Le représentant de la Bolivie a souligné pour sa part que la cause profonde et structurelle de la situation actuelle du peuple palestinien est l’occupation israélienne. Celui de la Fédération de Russie a fait observer que la proposition américaine revoit la base juridique internationale du règlement du conflit, regrettant en outre un texte qui ne mentionne pas la reprise des pourparlers entre les parties, et ne fait pas non plus cas de l’initiative de la Ligue des États arabes, et encore moins des efforts du Quatuor.
Le délégué du Royaume-Uni, qui s’est abstenu sur les deux projets de résolution, a aussi regretté que la proposition américaine ne fasse pas suffisamment mention de la responsabilité d’Israël, estimant par ailleurs que l’appel, dans le texte koweitien, à la création d’un mécanisme pour la protection des civils aurait suscité des espoirs « irréalistes ».
Le représentant de la France a déploré ce « lourd silence du Conseil qui est de plus en plus assourdissant ». Un silence, a-t-il affirmé, qui n’est ni acceptable, ni compréhensible. « Si ce Conseil abdique aujourd’hui ses responsabilités, qui donc les assumera? » a demandé le délégué qui s’est dit convaincu de la possibilité de bâtir de manière « patiente et pragmatique » le consensus sur la question.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT, Y COMPRIS LA QUESTION PALESTINIENNE
Déclarations
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït) a expliqué que sa délégation avait organisé un certain nombre de réunions depuis deux semaines sur le texte que sa délégation propose aujourd’hui au Conseil de sécurité. Il a dit que les amendements proposés par toutes les parties ont été dûment pris en compte. Il a aussi expliqué que le projet de résolution insiste sur la nécessité, pour la communauté internationale, de prendre des mesures supplémentaires pour protéger les civils, et de faire en sorte que les auteurs de violations de droits de l’homme soient tenus pour responsables de leurs actes. En outre, a-t-il ajouté, ce texte incite le Secrétariat de l’ONU à faire des propositions pour la mise en place d’un mécanisme international de protection des populations palestiniennes.
Mme NIKKI R. HALEY (États-Unis) a tout d’abord affirmé que le Koweït n’avait pas pris en compte toutes les propositions de modification du texte soumis, pointant notamment l’absence de toute référence au Hamas. Elle a vu dans la proposition du Koweït une description « extrêmement partiale » de ce qui s’est passé à Gaza et a annoncé qu’elle y opposerait son veto si nécessaire.
À ses yeux, « le groupe terroriste Hamas » est le premier responsable des conditions déplorables qui sévissent à Gaza. Elle a notamment accusé ce groupe de détourner l’aide humanitaire pour construire des missiles au lieu d’écoles, et d’attaquer les points d’accès de l’aide humanitaire. Le Hamas, a-t-elle poursuivi, a tiré au moins 70 roquettes rien que cette semaine vers des communautés israéliennes, et a par ailleurs infiltré ses militants parmi des manifestants pacifiques. Et le Hamas refuse en outre de coopérer avec l’Autorité palestinienne, a-t-elle ajouté.
La représentante a aussi dénoncé le fait que le projet koweitien rejette toute la responsabilité sur Israël et ne fasse que perpétuer la partialité à l’égard de cet État. « C’est ce type de résolution qui sape la crédibilité de l’ONU pour résoudre le conflit israélo-palestinien. »
Il existe toutefois une alternative, a-t-elle poursuivi. À ceux qui peuvent reconnaître que le Hamas joue un rôle important dans les troubles récents à Gaza, les États-Unis ont proposé un contre-projet qui condamne notamment les tirs aveugles de roquettes vers des communautés israéliennes, a-t-elle expliqué. Elle a précisé que, avec ce texte, les États-Unis donnent au Conseil de sécurité l’occasion de condamner un groupe terroriste au lieu d’un État qui agit en légitime défense. La situation à Gaza est véritablement tragique, mais il faut regarder la réalité dans les yeux, a enchaîné la représentante. « Le Hamas n’aide pas son peuple mais utilise ses ressources pour mener une guerre contre Israël. » La déléguée a conclu en exhortant à voter contre le texte proposé par le Koweït.
M. ALOTAIBI (Koweït) a déclaré qu’il avait présenté ce texte au nom du Groupe des États arabes. Le texte a le soutien de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) dont le dernier sommet s’est tenu à Istanbul le mois dernier, a-t-il précisé. Il a regretté que le projet de résolution n’ait pas été adopté, soulignant le besoin de protection des Palestiniens, « étant donné le massacre dont ils sont l’objet de la part d’Israël ». Pour lui, en échouant à l’adopter, le Conseil de sécurité envoie le message selon lequel la Puissance occupante bénéficie de faveurs de sa part.
Il a ensuite déploré les dizaines de morts au Moyen-Orient, dont des femmes et enfants, et ce, en dépit des résolutions du Conseil de sécurité. Pour le Koweït, l’échec du Conseil à s’acquitter de ses responsabilités et à obliger la Puissance occupante à respecter ses résolutions ne fera qu’alimenter le sentiment de désespoir des Palestiniens. Le délégué a enfin rappelé que l’Émir du Koweït avait demandé, devant ses pairs de l’OCI à Istanbul, pourquoi les Palestiniens devraient continuer de souffrir, pourquoi Israël bénéficie de l’impunité et pourquoi le monde reste muet devant toutes ces pertes en vies humaines.
Mme KAREN PIERCE (Royaume-Uni) a dénoncé les tirs de roquettes lancés depuis Gaza vers Israël, ainsi que l’exploitation de manifestations pacifiques et les tirs à balles réelles. Face à la détérioration de la situation, elle a appelé à une action de l’ONU pour régler d’urgence les problèmes qui opposent les Israéliens et les Palestiniens. Elle a déploré la présentation d’un texte contenant des termes trop vagues, un texte qui ne mentionne pas le Hamas, a-t-elle précisé. Elle a estimé par ailleurs que l’appel à la création d’un mécanisme pour la protection des civils aurait suscité des espoirs « irréalistes ».
La représentante a aussi commenté le texte proposé par les États-Unis. Elle a regretté que celui-ci ne fasse pas suffisamment mention de la responsabilité d’Israël. C’est pour toutes ces raisons que le Royaume-Uni compte s’abstenir lors des votes sur les deux textes, a expliqué la délégation.
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a dit regretter que le Conseil de sécurité n’ait pu s’unir autour d’un texte. « Si ce Conseil abdique aujourd’hui ses responsabilités, qui donc les assumera? » a demandé le délégué en rappelant que les deux derniers mois avaient été marqués par l’escalade de la violence et des dizaines de morts. Il a aussi déploré ce « lourd silence du Conseil qui est de plus en plus assourdissant ». Un silence qui n’est ni acceptable, ni compréhensible. Il n’est pas acceptable pour les populations palestiniennes et Israéliennes qui sont les premières victimes du conflit. Et il n’est pas compréhensible pour le monde qui regarde le Conseil et attend qu’il agisse face à cette question, a-t-il ajouté.
M. Delattre a dit que sa délégation croyait en la possibilité de bâtir de manière patiente et pragmatique le consensus sur la question. Pour lui, le Conseil de sécurité a raté une nouvelle occasion de sortir de son silence car il aurait pu s’engager dans la discussion du projet de résolution présenté par le Koweït. Selon lui, « le texte final n’est certes pas parfait. Nous aurions par exemple souhaité qu’il établisse clairement la responsabilité du Hamas et qu’il condamne explicitement les tirs de roquettes contre Israël ». Mais, a-t-il poursuivi, « les consultations approfondies des deux dernières semaines ont conduit à des améliorations importantes ». Ce texte déplore, par exemple, l’usage disproportionné et indiscriminé de la force, et appelle à ce que le droit à manifester pacifiquement soit respecté. Il répond, au moins en partie, aux préoccupations que nous avons fait valoir, a dit le représentant qui notait notamment la condamnation de tous les actes de violence, contre tous les civils, y compris les actes de terrorisme. Le représentant a terminé en affirmant que la France ne transigerait jamais avec la sécurité d’Israël.
M. KAIRAT UMAROV (Kazakhstan) a indiqué avoir voté en faveur du texte koweitien, convaincu de la nécessité de faire cesser les violences contre les civils. Il a rappelé la position de principe de sa délégation de régler les différends sur la base du dialogue. Il a appelé les parties à créer les conditions nécessaires à la reprise du dialogue.
M. MA ZHAOXU (Chine) s’est inquiété des violences commises le long de la « frontière entre Gaza et Israël ». Il a appelé les deux parties, « et en particulière Israël », à faire preuve de retenue. Il a appelé la communauté internationale à agir rapidement pour répondre aux aspirations légitimes des Palestiniens et créer les conditions propices pour la reprise des pourparlers. Partisan du texte koweitien, la Chine continue d’appuyer toutes mesures visant la concrétisation de la solution des deux États notamment par le biais de la stratégie en quatre points de son Président.
Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a indiqué n’avoir pas été en mesure d’appuyer ce texte, déplorant qu’il ne soit pas suffisamment équilibré. Elle a estimé qu’il revient notamment au Hamas de veiller à ce que les manifestations pacifiques ne soient pas détournées, pour ensuite appeler Israël à respecter le droit de manifestation pacifique. Elle a rappelé l’impératif juridique international de ne pas délibérément cibler des civils. La représentante a enfin appelé à un règlement politique du conflit qui permette de déboucher sur la solution des deux États.
M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a déploré le fait que le projet de résolution du Koweït n’ait pas été adopté à cause du vote négatif d’un membre permanent du Conseil de sécurité. « La Bolivie rappelle qu’elle condamne toute attaque visant des installations civiles. » Il a aussi rappelé que la cause profonde et structurelle de la situation actuelle du peuple palestinien est l’occupation israélienne. Le représentant a dit regretter que le Conseil de sécurité soit également devenu « une sorte de territoire occupé » au vu du vote négatif d’un membre permanent.
Il a ensuite rappelé que cela fait plus de 70 ans que le peuple palestinien vit sous occupation et subit les exactions de l’armée d’Israël. Il a ensuite cité des actes répréhensibles dont Israël est responsable, concluant que la seule solution sur le long terme est la solution des deux États, notamment avec un État palestinien libre et délimité par les frontières de 1967, et avec Jérusalem-Est comme capitale.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a indiqué avoir appuyé le texte koweitien, au motif qu’il reflète la position de principe de son Gouvernement sur cette question. Il a appelé à ne pas saper les efforts de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Il a également demandé de ne pas perdre de vue l’objectif final qui doit être le règlement du conflit israélo-palestinien avec pour objectif la concrétisation de la solution de deux États. Le refus du dialogue ne permettra pas d’avancer, a-t-il averti. Il a rappelé que la Russie avait proposé à plusieurs reprises de servir de médiateur: cette offre reste valable, a-t-il précisé.
M. DELATTRE (France) a dit regretter l’abstention de sa délégation au cours du vote du Conseil de sécurité sur le texte présenté par les États-Unis. Sur le plan de la méthode, il a déploré que ce projet de résolution n’ait pas eu à passer par la phase des négociations entre délégations. Sur le fond, M. Delattre a regretté que le libellé ne reflète pas le nécessaire équilibre sur cette question.
Il a dit partager la préoccupation du texte quant à l’activité du Hamas et d’autres groupes armés de la bande de Gaza. La France était prête à soutenir plusieurs paragraphes de ce texte proposé par les États-Unis, notamment ceux condamnant les actes du Hamas, mais il dit que la responsabilité du Conseil de sécurité est de répondre à la crise de Gaza dans sa globalité, ce qui n’est pas fait dans ce texte. M. Delattre a aussi tenu à préciser que la France, ami des Israéliens et des Palestiniens, ne va jamais baisser les bras pour trouver une solution à ce conflit.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a regretté qu’il n’ait pas été possible de dégager un compromis. Il a dit appuyer la condamnation, qui figure dans le texte des États-Unis, d’actes terroristes commis par le Hamas et des tirs de roquettes. « Ma délégation aurait cependant aimé pouvoir examiner davantage ce texte lors de négociations », a-t-il indiqué en expliquant qu’il espérait parvenir à un texte équilibré pouvant être adopté de manière consensuelle. Le représentant a ensuite appelé les parties au conflit à reprendre d’urgence les négociations.
M. OLOF SKOOG (Suède) a expliqué que sa délégation avait voté en faveur du texte proposé par le Koweït du fait qu’il appelait, entre autres, à la mise en place d’un mécanisme international de protection des civils, tout en déplorant l’utilisation de la violence. En plus, le projet de résolution condamnait l’utilisation excessive de la force par Israël contre des populations civiles et des tirs de roquette dirigés vers son territoire en provenance de Gaza. « La Suède invite les deux parties à faire preuve de retenue afin d’éviter l’escalade de la violence. » M. Skoog a également souligné que le Koweït avait impliqué toutes les délégations au cours des négociations.
En ce qui concerne le texte des États-Unis, le représentant a dit que sa délégation s’était abstenue au cours du vote parce que le texte, à son avis, ne reflète pas la réalité actuelle de Gaza qui a subi de nombreuses pertes en vies humaines. De plus, ce texte ne prend pas en compte les besoins humanitaires sur le terrain, un point crucial pour les populations palestiniennes, a-t-il ajouté. Le représentant a également noté que ce texte ne contenait pas d’éléments sur la solution définitive au conflit et n’avait pas fait l’objet de négociation. Il a enfin plaidé pour la mise en œuvre du plan en faveur de Gaza proposé par le Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient.
Comme nous l’avons déjà dit, a rappelé M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas), le Conseil doit rester uni et être capable de formuler une réponse commune aux développements de ces dernières semaines. C’est la raison pour laquelle, les Pays-Bas se sont engagés constructivement dans les négociations sur le projet de résolution présenté par le Koweït. La situation actuelle, a prévenu le représentant, montre, une nouvelle fois, des risques d’escalade et d’une violence qui pourrait échapper à tout contrôle. Malheureusement, a-t-il regretté, la résolution ne reflète pas tout à fait les préoccupations des Pays-Bas, s’agissant, en particulier, des besoins des civils israéliens et palestiniens, du rôle négatif des militants palestiniens, surtout à Gaza, et des questions en suspens sur le mécanisme international de protection.
À court terme, le représentant a appelé à une enquête indépendante pour faire la lumière sur les évènements de ces dernières semaines. À moyen terme, il a confirmé son appui au Coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient, jugeant extrêmement important de poursuivre les efforts pour résoudre la crise humanitaire à Gaza et faire baisser les tensions. À long terme, le représentant a confirmé l’engagement fort de son pays en faveur du processus de paix et de la solution des deux États, seul moyen, a-t-il insisté, de parvenir à une solution durable de la crise à Gaza, de répondre aux aspirations des deux parties, de mettre un terme au conflit et de parvenir à une paix juste et durable, qu’attendent et méritent les Israéliens et les Palestiniens.
M. UMAROV (Kazakhstan) a déploré que le Conseil de sécurité n’ait pu afficher un front uni. Il a insisté sur la nécessité de présenter des projets de résolution équilibrés, regrettant que cela n’ait pas été le cas aujourd’hui. Il a souligné l’importance des négociations, déplorant l’absence, dans le texte américain, de toute mention d’un règlement pacifique de la situation.
M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a estimé que la situation actuelle représente un échec tant pour les Israéliens que pour les Palestiniens. Il a appelé Israël à faire preuve de retenue, tout en reconnaissant son droit à la légitime défense. Il s’est préoccupé des tirs de roquette lancés depuis Gaza et a appelé le Hamas à faire preuve de responsabilité et à condamner les actes de violence. Le texte koweïtien, a-t-il estimé, aurait dû contenir une référence explicite au Hamas. En ce qui concerne le projet de résolution des États-Unis, il a regretté le manque de temps accordé à sa délégation pour apporter ses commentaires à un texte « qui prenait une toute autre orientation ». Il aurait été plus judicieux de concilier les positions divergentes et d’adopter une résolution consensuelle, a estimé la délégation.
M. ALOTAIBI (Koweït) a expliqué que sa délégation avait voté contre le texte des États-Unis parce que ce projet de résolution ferme les yeux sur les massacres de dizaines de manifestants pacifiques. Il en a conclu que « ce texte, dans son esprit et sa lettre, encourage la Puissance occupante à poursuivre les exactions contre des populations ». Le droit de légitime défense, a-t-il avancé, ne s’applique pas dans le cas d’un « agresseur ». Il a aussi dénoncé le fait que le texte des États-Unis ne mentionne même pas la fin de l’occupation.
M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a expliqué que sa délégation avait voté contre le texte présenté par les États-Unis malgré le fait qu’elle était en accord avec certaines de ses dispositions. Pour lui, ce texte revoit la base juridique internationale du règlement du conflit. Il a rappelé que la délégation des États-Unis avait coutume d’insister sur l’équilibre du Conseil de sécurité sur la question du Moyen-Orient. Or, cette délégation n’a pas elle-même fait preuve d’équilibre dans ce texte, a-t-il estimé. Il a aussi regretté que le texte ne mentionne pas la reprise des pourparlers entre les parties, ne faisant pas non plus cas de l’initiative de la Ligue des États arabes, et encore moins des efforts du Quatuor.
M. RIYAD H. MANSOUR, Observateur permanent de l’État de Palestine, a salué les efforts inlassables du Koweït ainsi que la transparence instaurée au cours du processus, déplorant les efforts déployés par « certains » pour en saper la crédibilité. Il a regretté le veto des États-Unis sur le projet koweïtien, pour ensuite saluer les délégations qui ont voté contre le projet américain. Le vote d’aujourd’hui envoie un message très clair, a-t-il estimé.
Le représentant a averti de l’impact des actions d’Israël sur la vie des Gazaouis, en raison notamment du blocus qui est imposé à la bande de Gaza. Il a appelé Israël à respecter ses obligations découlant du droit international, soulignant notamment l’impératif de protéger le peuple palestinien. Il a appelé à prendre des mesures immédiates pour lever le blocus de Gaza. L’heure est à la retenue, a-t-il souligné. Il a aussi plaidé en faveur de la mise en place d’un mécanisme international de protection du peuple palestinien, estimant d’ailleurs que le vote recueilli par le texte koweïti démontre l’existence de ce droit à la protection du peuple palestinien. « Vous avez rejeté la loi du plus fort et souligné que personne ne peut se dérober à la loi », s’est-il félicité. Il a ensuite qualifié les votes d’aujourd’hui de « décevant, mais pas surprenant », imputant la division du Conseil de sécurité à la position intransigeante d’un de ses membres.
Poursuivant, M. Mansour a rejeté l’idée que la situation en Palestine relève du terrorisme. C’est le droit de vivre d’un peuple entier qui est en jeu, a-t-il souligné, s’inquiétant des propos d’un ministre israélien qui aurait affirmé vouloir anéantir Gaza « une fois pour tous ». Il a déploré que la délégation américaine refuse de se rendre à l’évidence. Le délégué a par ailleurs dit attendre le lancement et les conclusions de l’enquête de la Cour pénale internationale.
S’adressant ensuite en arabe aux Palestiniens, l’Observateur permanent a assuré qu’il ne ménagerait aucun effort pour faire respecter leurs droits inaliénables. Aucune force, si importante soit-elle, n’est plus forte que la détermination du peuple palestinien, a-t-il affirmé. « Et à tous ceux qui accusent les Palestiniens de terrorisme », a-t-il poursuivi le doigt levé en direction de la délégation des États-Unis, il a répondu que des milliers de Palestiniens aspirent à la paix et réclament la fin du terrorisme israélien. Il a d’ailleurs déploré la mort, aujourd’hui même, d’une jeune urgentiste palestinienne de 21 ans, qui a reçu une balle en pleine tête.
M. DANNY BEN YOSEF DANON (Israël) a dit que la minute de silence que le Conseil de sécurité a eu, mardi dernier, en hommage aux morts de Gaza était en fait un geste de solidarité en faveur des terroristes du Hamas. Il a ainsi expliqué que cette organisation avait confirmé que la plupart des morts venaient de ses rangs. Il a rappelé que le Hamas avait été désigné comme « organisation terroriste » par plusieurs pays. Il a également déploré le fait que le délégué de la Bolivie ait, au cours de ladite séance, cité les noms des morts du Hamas.
M. Danon a ensuite dénoncé le fait que le Conseil des droits de l’homme ait adopté une résolution sur les incidents de Gaza sans même mentionner le Hamas. Et aujourd’hui, le Conseil de sécurité a essayé d’adopter une résolution similaire, a-t-il noté. Il a remercié les États-Unis pour leur position claire, disant à la déléguée américaine qu’elle avait, par son veto, démontré que les règles sont en train de changer au sein du Conseil de sécurité, et que la politique du « deux poids deux mesures » contre Israël était terminée.
Le représentant a déploré le fait que le texte du Koweït mentionne Israël à cinq reprises, sans citer une seule fois le Hamas. Au vu de cette situation, M. Danon a ironisé en demandant aux délégations « si elles ne connaissaient pas l’orthographe du mot Hamas ». Il a demandé notamment aux représentants ayant pris part aux négociations, citant la France, pourquoi ils n’avaient pas cité le Hamas dans ce texte. Le délégué leur a rappelé que l’Union européenne avait inscrit le Hamas sur la lites des organisations terroristes. Il a aussi rappelé que quand Paris avait été attaqué par Daech, la ville avait bénéficié de la solidarité de la communauté internationale. Mais quand c’est le Hamas qui est auteur d’actes de terreur, la même solidarité ne s’applique plus, a-t-il regretté. Selon lui, il n’y a pas de différence entre Daech, Boko Haram et le Hamas. Il s’est aussi dit étonné que le sort des Palestiniens ne préoccupe la communauté internationale et le Conseil de sécurité qu’en rapport avec Israël. Il a mentionné que ce peuple a subi des exactions au Liban, au Koweït ou encore en Syrie, des actes passés sous silence au sein des Nations Unies. En tout état de cause, Israël protégera toujours ses populations, a-t-il affirmé.
Le représentant de la Bolivie a réagi au discours du représentant d’Israël. Il a affirmé que son pays va toujours condamner les actes terroristes, y compris le terrorisme d’État. Il a affirmé que le Gouvernement israélien, et non son peuple, est auteur de tels actes. Il a dit être surpris que le délégué d’Israël ait parlé du sort des Palestiniens se trouvant dans d’autres pays. Il lui demandé pourquoi ces réfugiés n’ont pas le droit de rentrer chez eux depuis 70 ans. Il a aussi dit espérer qu’Israël allait permette aux membres de la Commission d’enquête établie par le Conseil des droits de l’homme d’accéder aux territoires occupés. Le délégué a enfin rappelé que la question fondamentale, dans ce conflit, c’est l’occupation des territoires palestiniens par Israël.
Reprenant lui aussi la parole, le représentant du Koweït a souligné qu’en adhérant à la Charte des Nations Unies, Israël s’était engagé à en respecter l’Article 25 qui porte sur la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité. Or, il a dénoncé le fait que cet État ne respecte pas le droit international. Il a ensuite affirmé que les propos proférés par la délégation israélienne au sujet du Koweït n’avaient aucun fondement.
À son tour, le représentant d’Israël a appelé son homologue de la Bolivie à vérifier les noms qu’il cite, affirmant que ce sont tous des noms du Hamas. Il a appelé la délégation bolivienne à avoir le « courage » de condamner le Hamas au sein même du Conseil de sécurité.
En guise de conclusion, le Président du Conseil de sécurité, le représentant de la Fédération de Russie, a fait observer que le 1er juin marque la célébration de la Journée internationale de protection des enfants. Et comme nous sommes tous de grands enfants, c’est un peu notre fête à nous tous, a-t-il lancé.