Soudan du Sud: malgré l’Accord de décembre dernier, « un cessez-le-feu n’est pas envisageable actuellement », affirme au Conseil de sécurité M. Lacroix
Venu, cet après-midi, informer le Conseil de sécurité de la situation au Soudan du Sud, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Jean-Pierre Lacroix, a indiqué que, malgré l’Accord sur la cessation des hostilités signé le 21 décembre 2017, un cessez-le-feu n’était « pas envisageable pour l’instant ». Il a aussi averti le Conseil qu’en cas d’inaction de sa part, il ne pourrait s’en prendre qu’à lui-même si la crise dégénère encore plus.
Le Gouvernement comme l’opposition ont continué à privilégier la confrontation armée, le contrôle des territoires et le déplacement forcé des populations, a déclaré le Secrétaire général adjoint, qui a affirmé qu’au moment même où se tenait la réunion du Conseil, l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) et l’APLS dans l’opposition se battaient pour le contrôle de routes d’approvisionnement entre Bentiu et Leer. « Organiser des élections dans cet environnement politique, sécuritaire et humanitaire est irréaliste et serait contre-productif », a-t-il ajouté.
Pourtant, c’est dans quelques jours, du 17 au 21 mai, que doit se tenir à Addis-Abeba, en Éthiopie, la troisième phase du Forum de haut niveau pour la revitalisation organisé sous l’égide de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD). C’est sous les auspices de l’organisation sous-régionale qu’avait été signé, à l’issue de la première phase, l’Accord du 21 décembre, jamais respecté.
C’est donc « un moment critique pour la paix », a estimé M. Lacroix, qui a déploré que les parties s’attellent à se répartir des quotas ministériels au sein de tout futur gouvernement provisoire modifié alors que les modalités d’un cessez-le-feu permanent et des arrangements transitionnels de sécurité restent évasifs, y compris en ce qui concerne la capitale, Djouba. Il s’est en revanche félicité de la tenue d’une réunion visant la réunification des factions du Mouvement populaire de libération du Soudan (MPLS), estimant que cette éventualité serait « cruciale pour le processus de paix ».
Ce sont ces divergences que l’IGAD s’emploie à résoudre. Son Envoyé spécial pour le Soudan du Sud, M. Ismail Wais, a expliqué que, depuis le 10 avril, le Conseil des ministres de l’organisation avait travaillé avec les parties sud-soudanaises et toutes les parties prenantes pour recueillir les diverses positions avant une séance de délibération prévue avant la réunion du Forum.
M. Lacroix a par ailleurs présenté des perspectives humanitaires sombres. L’ONU prévoit une aggravation de l’insécurité alimentaire entre les mois de mai et juillet, période de la saison sèche, laquelle risque d’être « la pire que le pays ait connue », alors même que près de 4,3 millions de Sud-Soudanais sont déplacés: 1,7 million dans le pays et 2,5 millions à l’étranger. Dans ce contexte, les acteurs humanitaires continuent d’être la cible des belligérants. Depuis 2013, 100 travailleurs humanitaires ont été tués alors que de nombreux autres ont été la cible d’attaques ou d’enlèvements. « Cela est inacceptable dans un contexte où ces humanitaires mènent une course contre la montre pour sauver des vies », a jugé M. Lacroix.
La Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) a du reste dépêché une mission d’enquête rapide des droits de l’homme pour enquêter sur les allégations de ciblage des civils par des forces alliées à l’APLS et par des bandes de jeunes dans la région de Leer. En outre, les violences sexuelles restent de mise et l’équipe d’enquête de la Mission a documenté certains cas de violence sexuelle. Ces informations, a noté M. Lacroix, ne viennent que confirmer ce qui est déjà connu du conflit au Soudan du Sud quant aux atrocités dont sont victimes les femmes et les filles.
Dans ce contexte, une représentante du Centre pour la paix, la gouvernance et la justice inclusives, Mme Jackline Nasiwan, a insisté, sur l’adoption d’une approche respectueuse des femmes dans les opérations de maintien de la paix, tout en demandant au Conseil d’appuyer le rôle de premier plan de la société civile, dont les représentants sont souvent menacés ou interpellés.
Face à toutes ces atrocités, la question des sanctions a de nouveau été abordée. La Présidente du Comité des sanctions concernant le Soudan du Sud, (Comité 2206), Mme Joanna Wronecka, a expliqué que le Groupe d’experts du Comité avait, dans son dernier rapport, recommandé au Conseil de sécurité de veiller à ce que la communauté internationale exerce davantage de pressions sur les parties, déplorant qu’aucun nouveau nom n’ait été ajouté aux six visés depuis juillet 2015. Elle a annoncé qu’elle se rendrait, en juin, au Soudan du Sud ainsi que dans plusieurs pays de la région, afin d’obtenir des informations de première main sur l’application des sanctions.
Outre les sanctions individuelles, la question d’un embargo sur les armes, déjà mentionnée dans le passé sans jamais avoir réuni l’accord des membres du Conseil, a de nouveau été évoquée par le Groupe d’experts. Mais « demander un embargo sur les armes a pour seul objectif de punir le Gouvernement mais ne mettra pas fin à la guerre », s’est opposé le représentant du Soudan du Sud. Selon lui, le Conseil devrait se concentrer sur d’autres moyens utiles d’instaurer une paix durable dans son pays.
Le représentant du Soudan du Sud a également décrié un rapport « dirigé ouvertement contre son gouvernement et ses hauts responsables », lui reprochant d’avoir pour principales sources des membres de l’opposition en exil. Pour lui, un tel rapport « prépare le terrain pour la justification de sanctions internationales dirigées contre ces personnes ». Dans sa présentation, M. Lacroix avait invité le Conseil à dénoncer les allégations que propagent certains dirigeants politiques du Soudan du Sud contre l’ONU et la communauté internationale, notamment en faisant croire que ces dernières tentent de changer le régime en place afin de gagner le soutien populaire.
RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD
Déclarations
M. JEAN-PIERRE LACROIX, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, a précisé que cette réunion se tenait alors que se prépare la prochaine phase des pourparlers de paix au Forum de haut niveau pour la revitalisation d’Addis-Abeba. C’est un moment critique pour la paix, a-t-il estimé. En effet, les parties devant prendre part au Forum de revitalisation sont divisées sur des questions critiques de gouvernance et de sécurité. Elles continuent de discuter sur les quotas ministériels tandis que les modalités d’un cessez-le-feu permanent et des arrangements transitionnels de sécurité, y compris celles portant sur Djouba et les réformes du secteur de la sécurité, restent évasives. Alors que l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) a œuvré à la réduction des dissensions et s’est évertuée à faire avancer les discussions, les divergences sur les positions des parties ont été renforcées par les avis présentés par le Gouvernement et les représentants officiels de l’opposition auprès de la Sous-Secrétaire générale aux opérations de maintien de la paix, Mme Bintou Keita, au cours de sa visite dans le pays.
Le Président Kiir et son gouvernement ont confirmé leur volonté de participer au Forum de haut niveau pour la revitalisation, même si les discussions autour du mandat du Gouvernement provisoire d’union nationale et la préparation des élections vont rester tendues si le Forum pour la revitalisation n’arrive à trouver une solution acceptable, a expliqué M. Lacroix. Il a indiqué qu’une réunion visant la réunification des factions du Mouvement populaire de libération du Soudan (MPLS) avait eu lieu la semaine dernière. Une telle éventualité serait cruciale pour le processus de paix, a-t-il ajouté.
Le Secrétaire général adjoint a annoncé que l’Ambassadeur Francis Deng, membre du Comité d’organisation du dialogue national, lui avait fait savoir que les consultations communautaires étaient achevées et que les prochaines étapes seraient le lancement de la révision constitutionnelle, qui doit incorporer les résultats de consultations et mener aux élections.
Le Conseil des églises du Soudan du Sud estime pour sa part que le dialogue national n’a pas été inclusif, puisque de nombreuses personnes résidant dans des zones sous le contrôle de l’opposition sont de facto exclues de ces consultations, a ensuite expliqué le Secrétaire général adjoint. Pour lui, ces consultations populaires, bien qu’importantes, doivent s’ajouter à d’autres processus politiques et se doivent d’être inclusives. Or, cela ne semble pas être le cas, puisque la majorité des parties de l’opposition les ont boycottées, a noté M. Lacroix.
Le Secrétaire général adjoint en ensuite affirmé qu’« organiser des élections dans cet environnement politique, sécuritaire et humanitaire est irréaliste et serait contre-productif ». Malgré la signature de l’Accord sur la cessation des hostilités le 21 décembre 2017, le Gouvernement comme l’opposition ont continué à privilégier la confrontation armée, le contrôle des territoires et le déplacement forcé des populations, a-t-il déploré. La cessation des hostilités n’a pas du tout été mise en œuvre et un cessez-le-feu n’est pas envisageable pour l’instant, a affirmé M. Lacroix, selon qui, à l’heure où se déroule cette réunion, l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) et l’APLS dans l’opposition se battent pour le contrôle des routes d’approvisionnement entre Bentiu et Leer.
Depuis la reprise des combats au cours de la troisième semaine du mois d’avril, on compte 1 744 déplacés ayant trouvé refuge dans un centre temporaire de protection près de la base de l’ONU de Leer, a encore expliqué le Secrétaire général adjoint. Les travailleurs humanitaires ont même été obligés de suspendre leurs activités et d’évacuer le secteur. La MINUSS a du reste dépêché une mission d’enquête rapide des droits de l’homme pour enquêter sur les allégations de ciblage des civils par des forces alliées à l’APLS et par des bandes de jeunes. En outre, les violences sexuelles restent de mise et l’équipe d’enquête de la Mission a documenté certains cas de violence sexuelle. Ces informations, a noté M. Lacroix, ne viennent que confirmer ce qui est déjà connu du conflit au Soudan du Sud quant aux atrocités dont sont victimes les femmes et les filles.
La situation humanitaire continue par ailleurs de se détériorer du fait du conflit. Près de 4,3 millions de personnes sont déplacées, y compris 1,7 million dans le pays et 2,5 millions vers l’étranger. L’ONU prévoit que l’insécurité alimentaire devrait s’aggraver entre les mois de mai et juillet, période de la saison sèche, qui risque d’être la pire que le pays ait connue. Dans ce contexte, les humanitaires continuent d’être la cible des belligérants. Depuis 2013 en effet, 100 travailleurs humanitaires ont été tués alors que de nombreux autres ont été la cible d’attaques ou d’enlèvements. « Cela est inacceptable dans un contexte où ces humanitaires mènent une course contre la montre pour sauver des vies », a martelé M. Lacroix.
La MINUSS continue pour sa part ses efforts de protection des civils. Le Secrétaire général adjoint a plaidé pour que la poursuite de la violence au Soudan du Sud ait un « coût tangible » pour ses auteurs. De même, il doit y avoir des conséquences pour les violations flagrantes de l’Accord de cessation des hostilités et les promesses non tenues de protéger les civils.
C’est pourquoi M. Lacroix a encouragé le Conseil de sécurité et l’IGAD à rendre public le rapport sur les violations du cessez-le-feu qu’a rédigé le Mécanisme de surveillance du cessez-le-feu et du suivi de l’application des dispositions transitoires de sécurité. Le Mécanisme, a-t-il rappelé, travaille à vérifier de telles violations mais ses rapports ne sont ni publiés et encore moins sujets de délibérations du Conseil.
Pour M. Lacroix, si le Conseil de sécurité ne prend pas de mesures, il ne pourra que s’en prendre à lui-même si la crise dégénère et si le manque de confiance dans une solution politique à la crise se perpétue. Le Secrétaire général adjoint a également invité le Conseil à dénoncer les allégations que propagent certains dirigeants politiques du Soudan du Sud contre l’ONU et la communauté internationale, notamment en faisant croire que ces dernières tentent de changer le régime en place afin de gagner le soutien populaire. Ces histoires ne servent personne et ne servent qu’à semer les graines de la haine et de la paranoïa dans un pays faisant face à de nombreux défis, et où la violence ciblée est devenue endémique, a—t-il conclu.
M. ISMAIL WAIS, Envoyé spécial pour le Soudan du Sud de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), intervenant par visioconférence depuis Addis-Abeba, a fait le point sur le processus mené par le Forum de haut niveau pour la revitalisation de l’Accord de paix. La première étape du processus, a-t-il rappelé, a débouché sur l’Accord de cessation des hostilités du 21 décembre dernier. Introduite en février dernier, la deuxième phase a eu pour but de travailler sur le rétablissement d’un cessez-le-feu.
Après de longs débats, les parties sont parvenues à un consensus sur la gouvernance et la sécurité, mais il y a encore des questions en souffrance, a expliqué M. Wais, et il a été demandé au Conseil des ministres de l’IGAD de les aider à les régler. Le 26 mars, une session extraordinaire a été organisée à Addis-Abeba. Depuis le 10 avril, le Conseil des ministres de l’organisation régionale a travaillé avec les parties sud-soudanaises et les parties prenantes, la société civile et l’opposition pour recueillir les diverses positions. Estimant qu’il y avait encore des divergences d’opinion importantes, M. Wais a invité les parties à une séance de délibération avant la reprise du Forum à compter du 17 mai prochain.
L’autre aspect qui pourrait saper le processus de paix est la violation systématique de l’accord de cessez-le-feu par certaines des parties, a averti l’Envoyé spécial, pour lequel il faut exiger que les auteurs de violences rendent des comptes, afin de mettre un terme à l’impunité et d’instaurer la confiance entre les parties. Enfin, M. Wais a félicité le Conseil de sécurité de ses efforts inlassables afin de rétablir la paix et la sécurité au Soudan du Sud.
Selon Mme JACKLINE NASIWAN, Centre pour la paix, la gouvernance et la justice inclusives, l’espoir né du référendum de 2011 a été tué dans l’œuf en raison des affrontements dans le pays. Les femmes, en particulier, ont été victimes de graves violations de droits de l’homme, de violences sexuelles et sexistes. Nous sommes mécontents que les dirigeants n’aient pas pu parvenir à un règlement durable de la crise, a déclaré Mme Nasiwan. Nos enfants ont été recrutés, nos communautés et nos foyers ne sont plus sûrs, nous sommes préoccupés par l’avenir alors que la période de transition s’achève et que les combats persistent, a-t-elle résumé.
Après avoir salué les efforts de l’IGAD, du Conseil de sécurité, de la MINUSS, des dirigeants religieux et de la société civile, Mme Nasiwan a proposé la création d’un « mécanisme d’exécution, d’information et de conformité au cessez-le-feu ». Elle a également exhorté l’IGAD et le Conseil à accélérer la justice de transition, à réformer les institutions judiciaires et à renforcer les efforts de démobilisation, de réintégration et de désarmement.
Le mandat limité de l’IGAD hypothèque les perspectives de paix, a estimé Mme Nasiwan. Elle a engagé le Conseil de sécurité à aider les femmes dirigeantes et les groupes de la société civile pendant la période de transition. Pour elle, la MINUSS demeure pertinente au Soudan du Sud, surtout en matière de protection des civils, car des femmes et des enfants sont attaqués par des groupes paramilitaires, violés et torturés. Elle a appelé à un développement rapide de la force de protection régionale à Djouba et dans d’autres régions. Il faut, a-t-elle insisté, mettre en place une approche respectueuse des femmes dans les opérations de maintien de la paix. Outrée par certaines allégations d’exploitation sexuelle de la part de membres de la MINUSS, Mme Nasiwan s’est toutefois félicitée de la politique de tolérance zéro du Secrétaire général. Enfin, elle a demandé au Conseil d’appuyer le rôle de premier plan de la société civile, dont les représentants sont souvent menacés ou interpellés.
Mme JOANNA WRONECKA (Pologne), Présidente du Comité des sanctions concernant le Soudan du Sud (Comité 2206), a fait le point des nouveaux développements depuis le départ de son prédécesseur, le 8 décembre 2017. Elle est revenue sur les recommandations contenues dans le rapport final du Groupe d’experts, qui a été soumis au Conseil de sécurité le 14 mars, puis publié comme document officiel du Conseil le 12 avril. Ce rapport portait sur la situation politique et sécuritaire; les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire; les entraves au travail des missions humanitaires et de maintien de la paix; la fourniture d’armes et la mise en œuvre des mesures de sanction au Soudan du Sud.
Sur la base de ces observations, le Groupe d’experts avait fait trois recommandations. La première consiste en un appel à la communauté internationale pour qu’elle exerce plus de pressions sur les parties, « sans quoi la situation risque de se détériorer davantage », et plus particulièrement un embargo sur les armes. La deuxième recommandation est relative à l’impunité qui persiste dans le pays et au besoin pour le Comité de désigner des personnes et des entités supplémentaires. Le Groupe d’experts a souligné qu’il n’existait pas de nouvelle liste de personnes et entités visées par les sanctions depuis l’identification de six personnes en juillet 2015, alors même qu’il avait soumis des cas spécifiques au Comité depuis. Ces cas sont visés par le paragraphe 9 de la résolution 2290 (2016), y compris ceux responsables de la crise humanitaire sans précédent. Rappelant que le Comité avait pris note de ces recommandations, comme il l’avait fait l’année précédente, Mme Wronecka a toutefois indiqué que « finalement », pour donner suite à la troisième recommandation, le Comité a accepté d’envoyer une lettre aux membres de l’IGAD, dans laquelle il réitérait l’obligation qu’ont les États Membres d’appliquer le gel des avoirs visés par la résolution 2206 (2015), et pour demander le gel des comptes en banque de deux individus, M. Marial Chanuong Mangok et M. Gabriel Jok Riak.
Par ailleurs, Mme Wronecka a rappelé que le Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armé, Mme Virginia Gamba, avait, le 11 avril, fait un exposé au Comité sur l’intensification des violations graves à l’égard des enfants au cours de l’année 2017, plus de 1 000 incidents vérifiés par les Nations Unies ayant touchés près de 1 400 enfants au Soudan du Sud. Mme Wronecka a notamment cité les cas de recrutement d’enfants soldats par toutes les parties, un phénomène qu’elle a qualifié « d’endémique ». Elle a expliqué que lors de cette réunion, elle avait fait part aux membres du Comité de son intention de se rendre sur place à la mi-juin, une visite qu’elle avait évoquée auparavant avec le représentant du Soudan du Sud, lequel avait donné son approbation. Comme convenu par les membres du Comité, Mme Wronecka se rendra au Soudan du Sud ainsi qu’en Éthiopie, au Kenya et en Ouganda, pour obtenir des faits de première main sur l’application des mesures de sanction visant le Soudan du Sud. Cette visite, la deuxième de ce type depuis la création du Comité en 2015, devrait en outre permettre de renforcer le dialogue et l’engagement des pays concernés par la mise en œuvre de ce régime de sanctions, a-t-elle poursuivi.
En préparation de cette visite, Mme Wronecka a annoncé que le Comité tiendrait sa première réunion publique le 31 mai avec les pays de la région et tous les États Membres intéressés pour entendre leurs points de vue sur le rapport final du Groupe d’experts et sur l’application du régime de sanctions contre le Soudan du Sud. Elle a également annoncé son intention de tenir, en sus des réunions régulières du Comité, des consultations « informelles informelles » pour les membres intéressés du Comité au siège de la représentation permanente de son pays. Une telle réunion a eu lieu la semaine dernière avec un représentant d’une organisation non gouvernementale engagée au Soudan du Sud, a-t-elle conclu.
M. ALCIDE ILAHIRI DJÉDJÉ (Côte d’Ivoire) a commencé par aborder le processus politique au Soudan du Sud, déplorant le manque d’engagement véritable des parties au conflit dans la recherche d’une solution viable à la crise, et ce, en dépit des appels répétés de la communauté internationale et de initiatives prises par l’IGAD. La Côte d’Ivoire espère que les consultations prévues dans le cadre de la troisième phase du Forum de haut niveau pour la revitalisation de l’accord de paix avec les parties au conflit, sous l’égide de l’IGAD, permettront aux acteurs de concilier leurs différends sur les questions de gouvernance et de sécurité. Elle espère que ce forum, qui doit avoir lieu du 17 au 21 mai à Addis-Abeba, permettra de parvenir à des accords viables, portant sur le partage du pouvoir entre les membres du Gouvernement provisoire d’union nationale, et sur la sécurité.
S’agissant de la sécurité, « qui demeure préoccupante », le représentant a regretté qu’en dépit de la signature par les parties de l’Accord de cessation des hostilités, le 21 décembre 2017, la protection des civils et l’accès humanitaire constituent toujours des défis importants à relever. La Côte d’Ivoire s’inquiète de la poursuite des affrontements dans les États de l’Unité, de Jongleï et de l’Équatoria. Elle est également soucieuse de l’ampleur de la dimension ethnique de ce conflit.
Au plan humanitaire, la Côte d’Ivoire s’inquiète de l’escalade de la violence et des affrontements dans certaines régions, qui ont provoqué le déplacement de milliers de personnes et entravé l’action humanitaire. « Avec plus de quatre millions de personnes réfugiées et déplacées, et plus de sept millions de personnes sous la menace de l’insécurité alimentaire, la situation humanitaire au Soudan du Sud apparaît comme l’une des plus graves au monde », a constaté le représentant. Face à cette situation, il lui semble urgent que la communauté internationale et les organismes humanitaires puissent répondre aux besoins humanitaires et fournir l’assistance aux populations en détresse, et ce, dans un environnement sécurisé. La Côte d’Ivoire réitère son appel aux différentes parties pour qu’elles respectent sans conditions l’Accord du 21 décembre 2017.
Abordant également la question des droits de l’homme, le représentant a encouragé le Gouvernement provisoire d’union nationale sud-soudanais et la Commission de l’Union africaine à accélérer la mise en place de la cour hybride pour le Soudan du Sud, chargée de poursuivre les responsables de crimes.
M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) a déploré la poursuite des affrontements alors que l’Accord de cessation des hostilités a été signé en décembre dernier. Il a salué des avancées positives, comme la réunion de réconciliation des factions du APLS ou l’invitation du Président Kiir au retour de Riek Machar à Djouba. Il a appelé toutes les parties sud-soudanaises à prendre part au Forum de haut niveau pour la revitalisation de l’Accord de paix.
Le représentant a rappelé que plus de la moitié de la population du pays avait besoin d’aide humanitaire et a exhorté la communauté internationale à continuer de coopérer pour assurer l’acheminement de l’aide. Il a déploré les attaques dont sont victimes les acteurs humanitaires au Soudan du Sud, invitant le Gouvernement et l’opposition à permettre un accès sans entrave aux personnes dans le besoin. Il a rappelé qu’au cours d’une récente visite à Djouba, une délégation de l’Union africaine avait demandé la mise sur pied d’un tribunal hybride chargé d’enquêter et de poursuivre les personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité depuis le début du conflit, en décembre 2013.
Mme AMPARO MELE COLIFA (Guinée équatoriale) a estimé que la participation des parties aux consultations censées se dérouler à Addis-Abeba, en Éthiopie, du 10 au 12 mai prochain, serait déterminante pour relancer le dialogue politique lors de la troisième phase du Forum de haut niveau pour la revitalisation de l’accord de paix.
Toutefois, la représentante a exprimé sa consternation face aux multiples violations de l’Accord de paix, des droits de l’homme, du droit international humanitaire et de l’accord sur le statut des forces de la MINUSS. Elle a appelé les parties à prendre des mesures pour honorer l’accord de paix, protéger les civils, faciliter la distributif de l’aide humanitaire à travers le pays et retourner à la table des négociations. À cette fin, Mme Mele Colifa a appelé la communauté internationale à soutenir les initiatives de l’Autorité intergouvernementale pour le développement et de l’Union africaine, notamment pour faire en sorte que la troisième phase du Forum de haut niveau se solde par un succès.
M. AKUEI BONA MALWAL (Soudan du Sud) a reproché au rapport du Groupe d’experts d’être dirigé ouvertement contre son gouvernement et ses hauts responsables. Bien que le groupe ait visité Djouba, il tire essentiellement ses sources et ses informations d’interviews conduites avec les membres de l’opposition à Nairobi et à Kampala, a-t-il affirmé. M. Malwal en a déduit qu’il « prépare le terrain pour la justification de sanctions internationales dirigées contre ces personnes ».
Le représentant a dit s’associer à la position de la Chine consistant à recommander au Groupe d’experts de mener ses activités conformément au mandat des résolutions avec objectivité et justesse. Il s’est indigné de voir que le groupe s’intéresse même aux membres des familles de ceux qui sont victimes de sanctions sur la base d’informations fournies par l’opposition.
Ce rapport regorge d’exemples dirigés contre le Gouvernement, ce qui met en cause la neutralité du Groupe d’experts, a insisté M. Malwal. Il souhaiterait qu’un groupe soit constitué pour présenter des conclusions crédibles au Conseil de sécurité. « Demander un embargo sur les armes a pour seul objectif de punir le Gouvernement mais ne mettra pas fin à la guerre », a-t-il argué. Selon lui, le Conseil devrait se concentrer sur d’autres moyens utiles d’instaurer une paix durable au Soudan du Sud.