8206e séance – matin
CS/13252

L’Envoyé spécial déplore devant le Conseil de sécurité la poursuite d’une « logique de guerre » en Syrie

L’Envoyé spécial pour la Syrie, M. Staffan de Mistura, a indiqué, ce matin, devant le Conseil de sécurité, que la logique de la guerre l’emportait toujours en Syrie et que la résolution 2401 (2018) demandant une cessation des hostilités d’au moins 30 jours consécutifs pour acheminer de l’aide humanitaire, en particulier dans l’enclave assiégée de la Ghouta orientale, n’était pas appliquée. 

M. de Mistura a néanmoins déclaré ne pas avoir perdu l’espoir de voir une « Syrie unie et démocratique renaître un jour de ses cendres », tandis que le délégué syrien a affirmé que son pays recherchait une solution politique mais « qu’il fallait d’abord lutter efficacement contre le terrorisme ».  Les représentants de la Côte d’Ivoire, du Kazakhstan, de la Guinée équatoriale, du Pérou et de la Bolivie se sont également exprimés. 

S’exprimant par visioconférence depuis Bruxelles, l’Envoyé spécial a tout d’abord insisté sur la situation dans la Ghouta orientale, qui est divisée en trois poches.  S’agissant de la première poche, à Douma, un cessez-le-feu a été établi à la suite de pourparlers entre des responsables russes, le Gouvernement syrien et Jeïch el-Islam, a-t-il dit. 

Il a indiqué que la situation dans les deux autres poches de la Ghouta orientale, dominées par Feïlaq el-Rahman et Ahrar el-Cham, était en revanche très fragile, les pourparlers pour un cessez-le-feu n’ayant en effet pas abouti.  Le Gouvernement syrien poursuit son offensive contre ces poches de la Ghouta orientale, avec notamment des frappes aériennes, a-t-il dit. 

Qualifiant d’insoutenable la situation humanitaire à Douma, où un cessez-le-feu a pourtant été établi, M. de Mistura a invité les membres du Conseil à imaginer la situation dans les deux autres poches de la Ghouta orientale.  « C’est l’enfer sur terre. »

L’Envoyé spécial a demandé que les civils qui souhaitent quitter la Ghouta orientale puissent le faire et que ceux qui souhaitent y rester reçoivent la protection nécessaire.  S’il a mentionné certains progrès, tels que l’arrivée d’un convoi humanitaire à Douma le 15 mars, M. de Mistura les a jugés bien trop limités. 

Le représentant syrien a, lui, annoncé l’ouverture d’un nouveau couloir humanitaire dans la ville, reprise hier, de Hamouriyé, dans la Ghouta orientale, qui a permis à quelque 40 000 civils d’être évacués.  Il a accusé les groupes terroristes de recevoir des instructions de l’extérieur et d’essayer d’empêcher les civils d’utiliser les couloirs humanitaires.

« Mon gouvernement a autorisé hier l’entrée d’un convoi humanitaire de l’ONU et ses partenaires et autorisera d’autres convois de ce type si les conditions de sécurité le permettent », a assuré le représentant syrien. 

L’Envoyé spécial a ensuite affirmé qu’il y avait une escalade de la violence dans d’autres parties de la Syrie, telles qu’à Afrin ou encore à Edleb, où les frappes se poursuivent.  « Nous n’assistons pas à la désescalade annoncée, mais bel et bien à une escalade, a-t-il dit, avant de demander la pleine application de la résolution 2401 (2018). »

« Cette résolution ne peut être appliquée à la carte », a déclaré l’Envoyé spécial, appuyé par les délégués du Pérou et de la Côte d’Ivoire qui ont demandé sa mise en œuvre « immédiate ».  « Assez d’excuses, assez de retards », s’est impatienté le représentant péruvien. 

L’Envoyé spécial a tenu à rappeler que la lutte contre les groupes terroristes identifiés comme tels par le Conseil de sécurité ne pouvait pas supplanter les obligations du droit international humanitaire. 

Selon la résolution précitée, la cessation des hostilités vise toutes les opérations militaires, à l’exception de celles dirigées contre Daech, Al-Qaida et le Front el-Nosra, ainsi que « tous les autres individus, groupes, entreprises et entités qui leur sont associés ».

« Nous ne pouvons permettre que Daech, Al-Qaida, le Front el-Nosra ou d’autres groupes terroristes prennent le contrôle de la Syrie », a argué le délégué de la Guinée équatoriale, qui a reconnu qu’il était difficile de consolider le processus politique en Syrie sans éradiquer le terrorisme. 

Sur le plan politique, M. de Mistura a évoqué les discussions en cours pour la formation d’un comité constitutionnel à Genève et la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015), en s’appuyant sur l’élan généré récemment par la réunion du Congrès du dialogue national syrien à Sotchi. 

Il a mentionné la récente déclaration des garants d’Astana –la Fédération de Russie, la République islamique d’Iran et la Turquie-, par laquelle ils ont pris note de la création d’un comité constitutionnel.  « Je dois être franc, alors que deux semaines se sont écoulées depuis le Congrès de Sotchi, nous n’avons pas encore reçu une liste des candidats en vue de composer ce comité. »

M. de Mistura a également proposé d’accueillir à Genève un secrétariat permanent chargé de la question des détenus et des personnes disparues en Syrie, évoquée, il y a un an à Astana.  Les autorités syriennes ont encore beaucoup à faire pour mettre en œuvre la déclaration finale adoptée à Sotchi, a-t-il conclu. 

La délégation de la Bolivie a, elle, insisté sur les résultats obtenus à Sotchi, rappelant que la composition du comité constitutionnel devra être tranchée dans le cadre des négociations de Genève.  « La Bolivie est convaincue que, sur la base de ces résultats, il sera possible de relancer le processus politique. »

Le délégué du Kazakhstan, s’il a dit ne pas attendre « de miracles, politiques ou internationaux », a dit miser sur le « pragmatisme » et estimé que la neuvième réunion d’Astana, prévue en mai, offrirait une nouvelle occasion de mettre fin à la guerre. 

Le représentant a exhorté les garants du processus d’Astana à conclure un accord final.  « Même les conflits les plus graves s’achèvent par des négociations », a-t-il conclu. 

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