Deux responsables de l’ONU déplorent, devant le Conseil de sécurité, la non-application de la trêve de trente jours qu’il avait demandée en Syrie
Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Mark Lowcock, et le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Jeffrey Feltman, ont affirmé, ce matin, devant le Conseil de sécurité, que la résolution 2401 (2018), votée samedi dernier, qui demande une cessation sans délai des hostilités d’au moins 30 jours consécutifs en Syrie pour acheminer de l’aide humanitaire, en particulier dans la Ghouta orientale, n’est pas appliquée.
Ces derniers jours dans la Ghouta orientale ont été marqués par davantage « de bombardements, de combats, de morts et destructions », a déploré M. Lowcock. Lors de cette séance, certaines délégations ont dénoncé la proposition de la Fédération de Russie d’une pause de cinq heures par jour –« ce n’est pas ce que le Conseil a voté », selon le représentant du Royaume-Uni-, tandis que la délégation russe a lancé aux pays occidentaux: « Que faites-vous pour appliquer cette résolution? Avez-vous levé le petit doigt? »
Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, qui présentait le dernier rapport* du Secrétaire général sur la situation humanitaire en Syrie, a indiqué que l’ONU était prête à acheminer un convoi de 45 camions avec de l’aide pour 90 000 personnes à Douma, dans la Ghouta orientale, et à appuyer des évacuations médicales. Mais il n’y a pas de cessez-le-feu en Syrie, a-t-il déploré.
« Le bref répit demandé à l’unanimité par ce Conseil ne s’est pas matérialisé », a déclaré le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques. « Comme le Secrétaire général l’a dit la semaine dernière, les résolutions du Conseil n’ont de sens que si elles sont effectivement mises en œuvre », a observé M. Feltman.
Selon M. Lowcock, il n’y a donc pas eu d’évacuations médicales dans la Ghouta orientale et aucune amélioration de la situation humanitaire n’a été constatée. Le Coordonnateur des secours d’urgence a indiqué qu’au moins 30 civils, dont des femmes et des enfants, auraient été tués depuis le 26 février dans la Ghouta orientale. Le Coordonnateur des secours d’urgence a conclu son exposé avec cette question adressée aux membres du Conseil: « Quand la résolution sera-t-elle appliquée? »
Le délégué de la Suède, pays porte-plume de la résolution avec le Koweït, a, lui aussi, réclamé la pleine mise en œuvre du texte, en appelant le Conseil « à tirer parti de l’esprit de coopération qui a permis l’adoption du texte ». De son côté, le délégué de la France a souhaité la création d’un mécanisme de surveillance, indispensable pour assurer le suivi de la mise en œuvre de la résolution précitée.
Relevant que les trois principaux groupes d’opposition présents dans la Ghouta orientale se sont engagés à respecter la trêve, les délégations du Royaume-Uni et des États-Unis ont exhorté le Gouvernement syrien à en faire de même. Ces délégations, au même titre que la France et les Pays-Bas, ont dénoncé la proposition russe d’établir un couloir humanitaire et de déclarer une pause de cinq heures dans la Ghouta orientale.
C’est une décision « cynique » qui va à l’encontre de la résolution adoptée, a accusé la déléguée des États-Unis, ajoutant que le régime n’a cure des souffrances endurées par les 400 000 habitants de la Ghouta orientale. Son homologue des Pays-Bas a, lui, dit craindre que l’idée d’un couloir humanitaire soit utilisée pour des transferts forcés de population.
« Mais nous savons ce que la Russie va dire, que des terroristes se dissimulent dans la Ghouta orientale », a anticipé la représentante des États-Unis, qui y a vu là une « marque de mépris » à l’égard du Conseil. De son côté, M. Feltman a pris note de la proposition russe, tout en rappelant « respectueusement » que la résolution demande une livraison continue de l’aide humanitaire pour une période d’au moins 30 jours consécutifs.
Le représentant de la Fédération de Russie a défendu cette pause de cinq heures, ajoutant que son pays faisait tout pour qu’elle soit efficace. Toute pause pour qu’elle soit durable doit être précédée d’un accord entre les parties, a-t-il dit, en appelant à une séparation définitive des groupes de l’opposition et des terroristes, « cible légitime ». Il a accusé les pays occidentaux, « champions de l’humanisme », de laisser penser que la mise en œuvre de la résolution ne dépend que de la Russie.
« Mais vous les humanistes, où étiez-vous quand l’aviation américaine a rasé Raqqa? » a lancé le délégué russe, en ironisant sur les conséquences moins dévastatrices qu’auraient « les bombes démocratiques ». « On ne fait qu’exiger des choses de la Russie, qui est pourtant le seul pays à mettre en œuvre la résolution », a-t-il conclu, en accusant les pays occidentaux de « vouloir écraser le régime d’Assad, comme vous l’appelez ».
Une position partagée par son homologue de la République arabe syrienne, qui a imputé la détérioration de la situation dans la Ghouta orientale aux agissements de groupes terroristes, qui auraient selon lui tiré 2 180 roquettes en direction de Damas jusqu’à présent. Ironisant sur les membres du Conseil qui versent des « larmes de crocodile », le représentant a déclaré que la principale responsabilité de la cessation des hostilités incombe aux pays exerçant une influence sur les groupes terroristes.
Si la résolution prévoit que la cessation des hostilités ne s’applique pas aux opérations militaires dirigées contre Daech, Al-Qaida et le Front el-Nosra, M. Feltman a rappelé que les efforts antiterroristes ne l’emportent pas sur les obligations en vertu du droit international. « L’étendue des attaques militaires aveugles contre la Ghouta orientale ne peut se justifier au prétexte de s’en prendre aux combattants du Front el-Nosra », a-t-il affirmé.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Rapport du Secrétaire général sur l’application des résolutions 2139 (2014), 2165 (2014), 2191 (2014), 2258 (2015), 2332 (2016) et 2393 (2017) du Conseil de sécurité (S/2018/138)
Déclarations
M. MARK LOWCOCK, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a répondu à des questions sur la résolution 2405 (2018) adoptée samedi. Il a indiqué que l’ONU est prête à acheminer une aide humanitaire dans 10 zones assiégées et localités difficiles d’accès, y compris un convoi de 45 camions avec de l’aide pour 90 000 personnes à Douma dans la Ghouta orientale.
L’ONU est prête, en outre, à appuyer des évacuations médicales dans la Ghouta orientale et coopère très étroitement avec ses partenaires à cette fin, a-t-il dit.
Il a ensuite déclaré que la résolution 2401 (2018) n’est pas appliquée et qu’il n’y a pas de cessez-le-feu en Syrie. L’ONU n’a pas reçu l’autorisation de se rendre dans la Ghouta orientale ainsi que les lettres nécessaires autorisant ces convois, a-t-il dit. M. Lowcock a déclaré qu’il n’y a pas d’évacuations médicales dans la Ghouta orientale, qu’aucun civil n’a quitté ce quartier et qu’il n’y a aucune amélioration de la situation humanitaire depuis l’adoption de la résolution.
Ces derniers jours ont été marqués par davantage « de bombardements, de combats, de morts, de destructions, de femmes et d’enfants amputés », a-t-il déploré. « Encore la faim et la misère. Encore et toujours la même chose », a-t-il lancé.
Il a indiqué qu’au moins 30 civils, dont des femmes et des enfants, auraient été tués depuis le 26 février dans la Ghouta orientale. Des bombes, lancées depuis la Ghouta orientale, continueraient de viser Damas, a-t-il dit. « Plus de 580 personnes auraient été tuées depuis le 18 février en raison de frappes aériennes et au sol dans la Ghouta orientale, plus de 1 000 personnes ayant été blessées », a-t-il dit. Dans le même temps, les centaines de bombes lancées contre Damas auraient fait 15 morts et plus de 200 blessés.
Le Secrétaire général adjoint a fait le point sur la situation dans d’autres parties du pays. À Edleb, les combats continuent, et depuis décembre, 385 000 personnes ont été déplacées, a-t-il dit. Il a mentionné les informations faisant état de victimes civiles en raison des opérations militaires à Afrin.
Des dizaines de milliers de personnes sont déplacées à Afrin, a poursuivi M. Lowcock, avant de rappeler la volonté exprimée par les autorités turques de faciliter l’accès humanitaire. « Nous voudrions voir des convois partir de Damas mais cela n’a pas été agréé par la partie syrienne. »
À Raqqa, les conditions d’un point de vue sécuritaire ne sont pas réunies pour le retour des personnes déplacées, a noté M. Lowcock, en soulignant la nécessité d’accélérer les activités de déminage dans la ville. Il a précisé que les convois de l’ONU ne sont pas autorisés à se déplacer depuis le nord-est vers le reste du pays, a-t-il déploré.
Il a livré une évaluation de la situation dans la ville de Deïr el-Zor qui a été aux mains de Daech pendant trois ans et demi. Plus de 100 000 personnes vivent dans cette ville qui a été détruite à 80%, a-t-il dit, ajoutant que 78 convois d’aide ont été dépêchés depuis la libération de la ville en septembre.
M. Lowcock a déclaré qu’il y a eu, en 2017, une réduction de 40% de l’accès à travers des lignes de front vers des zones assiégées et difficiles d’accès par rapport à 2016. « En moyenne, en 2017, nous avons apporté une aide à 165 000 personnes par mois, ce qui est d’un niveau totalement insuffisant », a-t-il affirmé. « Nous apportions une aide à 50 fois plus de personnes dans des zones difficiles d’accès et assiégées l’année dernière par rapport à cette année. »
La raison principale derrière la réduction du nombre des convois est le refus constant du Gouvernement syrien de donner son aval, a-t-il dit. « Si nous apportons une aide à des millions de personnes dans les zones contrôlées par le Gouvernement, et par le biais des programmes d’aide transfrontaliers, l’accès à travers les lignes de conflit aux millions de personnes vivant dans des zones assiégées et difficiles d’accès s’est totalement effondré. »
« Si la situation ne change pas, nous verrons davantage de personnes mourir de faim et de maladie que dans des bombardements », a averti le Secrétaire général adjoint.
En conclusion, M. Lowcock a rappelé que le peuple syrien veut une protection, l’accès aux articles de première nécessité, la fin des sièges et le respect du droit international, des demandes appuyées par les membres du Conseil avec l’adoption de la résolution 2401 (2018). « Je voudrais conclure mon intervention en vous posant une question: quand la résolution sera-t-elle appliquée? »
M. JEFFREY FELTMAN, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, a rappelé que, dans deux semaines, le conflit syrien entrera dans sa huitième année. « Il n’y a pas de mots pour exprimer notre frustration au sujet de l’échec collectif de la communauté internationale pour mettre fin à ce conflit. Mais cette frustration n’est rien comparée à la souffrance et à la destruction qui accablent sans relâche le peuple syrien », a-t-il déclaré.
« Et nous voici ici de nouveau aujourd’hui parce que le bref répit demandé à l’unanimité par ce Conseil de sécurité dans la résolution 2401 (2018) ne s’est pas matérialisé », a constaté le haut fonctionnaire. Non seulement les frappes aériennes, les tirs d’artillerie et l’offensive au sol se poursuivent, il y a même des informations faisant état d’une autre attaque au chlore, s’est-il alarmé.
Comme le Secrétaire général l’a dit la semaine dernière, les résolutions du Conseil n’ont de sens que si elles sont effectivement mises en œuvre. L’ONU prend note de l’annonce de la Fédération de Russie de déclarer une pause de cinq heures dans la Ghouta orientale. Il a rappelé « respectueusement » à toutes les parties que la résolution 2401 (2018) demande une livraison continue de l’aide humanitaire pour une période d’au moins 30 jours consécutifs.
Le Conseil de sécurité, dans sa résolution, affirme que la cessation des hostilités ne s’applique pas aux opérations militaires dirigées contre Daech, Al-Qaida et le Front el-Nosra, ainsi que « tous les autres individus, groupes, entreprises et entités qui leur sont associés », a relevé M. Feltman.
L’Organisation condamne toutes les violations du droit international par toutes les parties, y compris les tirs d’artillerie effectués depuis la Ghouta orientale contre Damas. Mais l’étendue des attaques militaires aveugles contre la Ghouta orientale, où vivent 400 000 personnes, ne peut se justifier au prétexte de s’en prendre aux combattants de Jabhat el-Nosra, a affirmé le Secrétaire général adjoint. « Les efforts de lutte antiterroriste ne prennent pas le dessus sur les obligations en vertu du droit international humanitaire et des droits de l’homme.
Par ailleurs, a-t-il poursuivi, l’ONU n’a pas encore vu de confirmation par le Gouvernement syrien de son engagement à mettre en œuvre la résolution 2401 (2018), cependant que le représentant syrien, après l’adoption de samedi, a déclaré: « Nous assumons la responsabilité en tant qu’État vis-à-vis de nos citoyens, et avons le droit de lutter contre le terrorisme. »
Parallèlement, le Secrétaire général a reçu hier une lettre de la Commission des négociations syriennes au nom de trois groupes d’opposition armés non étatiques et d’organisations de la société civile au sujet de leur engagement à assurer la pleine mise en œuvre de la résolution 2401 (2018), et notamment à exclure de la Ghouta orientale tout élément de Hay’at Tahrir el-Cham, Jabhat el-Nosra et Al-Qaida.
En revanche, a ajouté M. Feltman, l’ONU n’a aucun moyen de vérifier en toute indépendance les allégations selon lesquelles ces trois groupes d’opposition armés auraient créé sur place un centre de coordination avec Jabhat el-Nosra.
Le Secrétaire général adjoint a rappelé en conclusion que la résolution 2401 (2018) demande aux États Membres d’user de leur influence auprès des parties pour en assurer le respect.
M. CARL ORRENIUS SKAU (Suède), intervenant également au nom du Koweït, a précisé que les deux pays sont les porte-plume pour tout ce qui a trait à l’aspect humanitaire des travaux du Conseil de sécurité relatifs à la situation en Syrie.
Il est revenu sur l’adoption de la résolution 2401 (2018), y voyant « une action décisive et significative suite aux appels à l’action de l’ONU, de la communauté internationale et avant tout de la population civile en Syrie ». Il a toutefois souligné que la valeur d’une résolution repose non pas dans son adoption, mais dans sa mise en œuvre. Il a appelé le Conseil à tirer parti de l’esprit de coopération qui a permis l’adoption du texte pour travailler ensemble et assurer sa mise en œuvre.
Pour aller de l’avant, le délégué a appelé au respect des accords de désescalade existants, à commencer dans la Ghouta orientale. Il a appelé les trois garants du processus d’Astana à n’épargner aucun effort à cette fin. Il a noté que les groupes armés de l’opposition seraient prêts à respecter la résolution et à chasser le Front el-Nosra de la Ghouta orientale. Il a invité les États exerçant une influence sur ces groupes à obtenir d’eux un engagement à honorer la cessation des hostilités.
Il a ensuite exhorté les autorités syriennes à immédiatement émettre les lettres de facilitation pour permettre au convoi de l’ONU d’atteindre Douma. Le délégué a aussi appelé à activer de manière urgente les mécanismes de renforcement et de contrôle de la cessation des hostilités, engageant notamment les coprésidents du Groupe international de soutien pour la Syrie à organiser des réunions plus fréquentes, « au minimum à un rythme hebdomadaire ». Il conviendrait également d’utiliser les « centres d’opérations d’Amman », a-t-il ajouté.
La Suède et le Koweït entendent par ailleurs demander une réunion publique du Conseil de sécurité pour examiner le rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre de la résolution qui doit être publié 15 jours après l’adoption dudit texte.
Le délégué a ensuite rappelé que le Conseil de sécurité, dans sa résolution 2401 (2018), exige un cessez-le-feu de 30 jours et a estimé qu’une trêve de cinq heures n’est pas adéquate. Cette résolution ne porte pas sur l’évacuation des civils, mais exige un accès humanitaire aux civils ainsi que des évacuations médicales, a-t-il rappelé. La cessation des hostilités doit être mise en œuvre dans sa totalité et sans délai, a-t-il dit.
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a constaté que depuis l’adoption de la résolution 2401 (2018), l’offensive sur la Ghouta orientale se poursuit. Il a condamné avec force les bombardements aveugles qui touchent les zones habitées et les infrastructures civiles, et s’est inquiété de la dégradation continue de la situation humanitaire.
Constatant qu’aucun convoi des Nations Unies n’a pu rejoindre la Ghouta orientale ni aucune des zones assiégées, il a accusé le régime syrien de maintenir son étau sur les populations civiles et de poursuivre sa politique de destruction. Il a notamment dénoncé le fait que la demande envoyée par les Nations Unies pour autoriser un convoi prioritaire sur Douma, la principale ville de la Ghouta orientale, n’ait reçu aucune réponse à ce jour des autorités syriennes.
Le Conseil de sécurité, dans sa résolution adoptée le 24 février, forme pourtant des exigences très précises aux parties, a-t-il poursuivi, rappelant que celles-ci portent sur la cessation des hostilités sans délai afin d’établir une trêve humanitaire pour une durée d’au moins 30 jours. Il a appelé les membres du Conseil à travailler ensemble à la mise en œuvre concrète de la résolution, notamment en obtenant de l’ensemble des parties qu’elles mettent en œuvre la cessation des hostilités exigée par la résolution 2401 (2018).
Le délégué a relevé que les trois principaux groupes d’opposition présents dans la Ghouta orientale avaient écrit au Secrétaire général et au Président du Conseil pour leur signifier qu’ils respecteraient la trêve. Il importe désormais que le régime de Damas manifeste également son engagement dans des termes tout aussi clairs et formalisés par écrit, a-t-il estimé.
S’agissant de la proposition russe de proposer une trêve humanitaire de cinq heures par jour, le représentant a estimé que c’était un premier pas positif mais qui reste cependant insuffisant. Il a souligné que l’exigence des 30 jours consécutifs de cessation des hostilités requis par la résolution 2401 (2018) n’est pas négociable, cet objectif étant le minimum requis pour permettre aux personnels humanitaires de faire leur travail.
M. Delattre a aussi appelé à ouvrir rapidement le point de contrôle de Wafidine pour permettre l’accès des convois prioritaires des Nations Unies et à faire en sorte que les évacuations médicales dans les cas les plus critiques soient rendues possibles, en donnant la priorité aux enfants.
La France souhaite par ailleurs travailler sur la création d’un mécanisme de surveillance, indispensable pour assurer le suivi de la mise en œuvre de la résolution 2401 (2018).
M. JONATHAN GUY ALLEN (Royaume-Uni) a déclaré que l’adoption de la résolution 2401 (2018) était désespérément nécessaire même si elle est intervenue trop tard. L’aide humanitaire doit être acheminée « maintenant, immédiatement », a-t-il dit.
Il a balayé la proposition russe d’une pause de cinq heures, « ce qui n’est pas ce que le Conseil a voté ». Ces quelques heures ne peuvent remplacer 30 jours consécutifs d’une pause humanitaire, a-t-il affirmé, ajoutant que ces cinq heures ne sont pas suffisantes pour un acheminement efficace de l’aide.
Les combats n’ont pas cessé, a-t-il déploré, en accusant le régime de Bashar Al-Assad d’ignorer la résolution. Depuis le vote, aucun convoi n’est arrivé dans la Ghouta orientale, a-t-il dit. « Rien n’a changé et l’horreur continue. »
En conclusion, le délégué a exhorté la République islamique d’Iran et la Fédération de Russie à user de leur influence pour une cessation des hostilités de 30 jours en Syrie.
Mme KELLEY A. ECKELS-CURRIE (États-Unis) a déclaré qu’il y a quatre jours, une demande de cessation des hostilités a été agréée par le Conseil de sécurité, qui s’est exprimé à l’unisson. Dans la foulée, les groupes d’opposition armés non étatiques se sont engagés à respecter les dispositions de ce texte.
« Mais rien n’a changé, les frappes du régime se poursuivent », a constaté à regret la représentante. « Vingt-quatre heures à peine après le vote, nous avons reçu des informations selon lesquelles le régime syrien s’est servi de nouveau d’armes chimiques contre la population civile de la Ghouta orientale », a-t-elle accusé, avant de dire que Damas refusait tout acheminement de l’aide.
Et hier, la Fédération de Russie a annoncé une pause de cinq heures, une décision « cynique » qui va à l’encontre de la résolution adoptée, qui demande une pause humanitaire durable pendant au moins 30 jours consécutifs sur l’ensemble du territoire syrien. Le régime n’a cure des souffrances endurées par 400 000 habitants de cette zone assiégée. « Mais nous savons ce que la Russie va dire, que des terroristes se dissimulent dans la Ghouta orientale », a anticipé la représentante, qui y a vu là une « marque de mépris » à l’égard du Conseil de sécurité, lequel ne doit pas céder à de telles « manipulations ».
Il ne suffit pas de dire que toutes les parties doivent faire preuve de retenue. « Dans la Ghouta orientale, il n’y a qu’une seule partie qui use d’armes chimiques et largue des barils d’explosifs, c’est le régime d’Assad », a affirmé la déléguée des États-Unis.
M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a demandé de toute urgence une cessation des hostilités. « La proposition russe d’un couloir humanitaire et d’une pause de cinq heures par jour ne peut être une solution de substitution aux 30 jours de pause humanitaire demandés par la résolution 2401 (2018). » Il a jugé que ces cinq heures ne sont pas suffisantes pour une distribution efficace de l’aide dans la Ghouta orientale.
Il a exhorté le Gouvernement syrien à pleinement appliquer la résolution, le Conseil de sécurité perdant de sa crédibilité avec la poursuite des combats. Dans le droit fil de la résolution, il a demandé la levée immédiate des sièges dans les zones peuplées, telles que la Ghouta orientale où plus de 1 000 personnes ont un besoin urgent de soins médicaux.
Rappelant que la résolution autorise des actions ciblées contre des groupes terroristes, le délégué a déclaré que le droit international humanitaire s’applique à toutes les opérations militaires, y compris les actions antiterroristes. Les principes de proportionnalité et de précaution s’appliquent en toutes circonstances, a déclaré le délégué.
Il a ensuite rappelé le caractère volontaire de toute évacuation, disant craindre que la proposition d’un couloir humanitaire ne soit utilisée pour des transferts forcés de population.
Enfin, le représentant des Pays-Bas a demandé la pleine application de la résolution 2254 (2015).
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a rappelé qu’il est nécessaire de suivre de près la mise en œuvre de la résolution, tout autant que l’unité du Conseil de sécurité. Quatre jours après l’adoption de la résolution 2401 (2018), force est de constater que cette résolution n’est pas intégralement mise en œuvre.
Il a rappelé que le texte prévoit une cessation durable des hostilités sur l’ensemble du territoire, et pas seulement dans la Ghouta orientale. Le représentant s’est déclaré favorable aux quatre recommandations formulées par la Suède et le Koweït, avant de se féliciter des efforts déployés par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) pour préparer un convoi de 45 camions qui sera prêt à entrer dans la Ghouta orientale dès que les conditions de sécurité le permettront.
Mme JOANNA WRONECKA (Pologne) a déploré la dégradation de la situation humanitaire en Syrie depuis l’adoption de la résolution 2401 (2018). Elle a demandé l’application intégrale de ce texte, notamment une cessation immédiate des hostilités et des évacuations médicales volontaires.
La déléguée de la Pologne a exhorté les parties à honorer leurs engagements et à faire en sorte que des soins médicaux soient prodigués aux personnes qui en ont le besoin. Elle a souligné l’importance que le Conseil préserve son unité, estimant que la résolution précitée n’est que le début d’un processus.
Enfin, elle a appelé toutes les parties à œuvrer pour une cessation immédiate des hostilités dans toute la Syrie.
M. PEDRO LUIS INCHAUSTE JORDÁN (Bolivie) a déploré la tragique situation que connaît le peuple syrien, qui s’est aggravée depuis deux mois. Il a exhorté les parties à mettre en œuvre la résolution 2401 (2018) dans les meilleurs délais, pour permettre l’entrée de l’aide humanitaire et évacuer les blessés des zones assiégées.
Le représentant a estimé que la seule issue au conflit est un processus politique mené par les Syriens eux-mêmes, sur la base du Communiqué de Genève.
M. BERNARD TANOH-BOUTCHOUÉ (Côte d’Ivoire) a espéré que les propositions issues des pourparlers de Sotchi, comme la création d’un comité chargé de rédiger une nouvelle constitution, feront l’objet d’une attention soutenue de la communauté internationale dans le cadre de la recherche concertée d’une solution durable à la crise en Syrie.
Il a qualifié la situation sur le terrain d’extrêmement préoccupante, notant que la grave crise humanitaire née des combats a conduit à l’adoption de la résolution 2401 (2018). Il a constaté avec regret que l’adoption de cette résolution n’a pu contribuer à ramener le calme sur le terrain et que la trêve proposée a été de courte durée.
Le représentant a ensuite lancé un appel en vue du respect de la trêve de 30 jours qui, a-t-il indiqué, permettra non seulement aux acteurs humanitaires de parer aux urgences vitales, mais aussi de créer les conditions d’un retour à la table des négociations.
M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a demandé la pleine application de la résolution 2401 (2018). Comme le Secrétaire général l’a dit la semaine dernière, les résolutions du Conseil n’ont de sens que si elles sont effectivement mises en œuvre, a-t-il affirmé. Il a exhorté les pays ayant de l’influence à en user pour une solution politique en Syrie.
Le délégué a noté que les groupes d’opposition armés non étatiques se sont engagés à respecter les dispositions de ce texte et enjoint les autres parties à en faire de même. « Nous ne pouvons rester indifférents face aux souffrances en Syrie », a-t-il déclaré, en demandant en conclusion une cessation immédiate des hostilités.
M. KANAT TUMYSH (Kazakhstan) a considéré que la priorité est à la mise en œuvre intégrale de la résolution 2401 (2018), en particulier dans la Ghouta orientale, au sud d’Edleb et dans le nord de Khama.
Il a exhorté le Conseil de sécurité à soutenir le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) dans ses efforts pour opérationnaliser la livraison de l’aide humanitaire dans la Ghouta et en évacuer des centaines de blessés.
Le Kazakhstan s’est enfin proposé de fournir une assistance aux négociations aux parties dans le cadre du processus d’Astana, et à tirer parti des avancées sur le terrain pour améliorer la situation humanitaire.
M. WU HAITAO (Chine) a déploré l’escalade récente dans la Ghouta orientale et appelé les parties à appliquer les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Le vote de la résolution 2401 (2018) a montré l’unité du Conseil, a-t-il affirmé, en appelant les parties syriennes à l’appliquer.
Il a noté les « retombées positives » de la réunion du Congrès national syrien, qui a eu lieu à Sotchi, et demandé la reprise des négociations pour une solution politique.
Enfin, le délégué a dénoncé les organisations terroristes qui entravent l’acheminement de l’aide humanitaire et enjoint la communauté internationale à les combattre.
Mme MAHLET HAILU GUADEY (Éthiopie) a regretté que les opérations militaires qui se poursuivent en Syrie entravent l’acheminement de l’aide humanitaire à travers le pays. Elle a demandé la mise en œuvre de la résolution 2401 (2018) par toutes les parties au conflit pour venir en aide aux Syriens qui sont touchés par le conflit depuis huit ans. Il faut faire davantage pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat, a insisté la représentante.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a indiqué que beaucoup de questions factuelles et rhétoriques ont été posées à sa délégation. Il a cité les éléments de la résolution 2401 (2018), avant d’ajouter que toute pause humanitaire pour qu’elle soit durable doit être précédée d’un accord entre les parties. Penser que la situation peut être changée du jour au lendemain est illusoire, a-t-il déclaré.
Il a défendu l’idée d’une pause de cinq heures, ajoutant que la Fédération de Russie faisait tout pour qu’elle soit efficace. Dès le premier jour après le vote de la résolution, les combattants sont passés à l’offensive et ont visé les couloirs humanitaires empêchant toute évacuation médicale. Il faut une séparation définitive des groupes de l’opposition et des terroristes, qui sont des cibles légitimes, a lancé le délégué de la Russie.
« Nous savons que les médias occidentaux sont chauffés à blanc », a-t-il dit. Il a accusé les pays occidentaux, « champions de l’humanisme », de laisser penser que la mise en œuvre de la résolution ne dépend que de la Russie. « Mais vous les humanistes, où étiez-vous quand l’aviation américaine a rasé Raqqa? » a-t-il lancé, en ironisant sur les conséquences moins dévastatrices qu’auraient « les bombes démocratiques ». Il a demandé l’envoi d’une mission d’enquête à Raqqa pour y évaluer la situation.
Ce qui se passe aujourd’hui rappelle la situation à Alep, où une hystérie antirusse s’est emparée des pays occidentaux, a déclaré le délégué. « On ne fait qu’exiger des choses de la Russie, qui est pourtant le seul pays à mettre en œuvre la résolution », a-t-il poursuivi. « Mais qu’avez-vous fait pour l’appliquer? Avez-vous levé le petit doigt? Avez-vous usé de votre influence auprès de ceux que vous dites être des éléments modérés? »
Le délégué a accusé les pays occidentaux de « vouloir écraser le régime, comme vous l’appelez ». « Avez-vous conscience de l’absurdité de vos accusations sur l’emploi d’armes chimiques par Damas? » Il a déclaré que les groupes terroristes ont toutes les raisons de faire croire que Damas les utilise. « Cessez vos jeux! » Il a par ailleurs demandé l’adoption d’une résolution qui prévoirait notamment l’envoi d’une mission d’enquête à Raqqa.
En conclusion, le délégué s’est dit convaincu de l’importance d’une solution politique et enjoint tous les pays à joindre les efforts de la Russie pour y parvenir.
M. MANSOUR AYYAD SH. A. ALOTAIBI (Koweït), dont le pays s’est associé à la déclaration prononcée par la Suède, a regretté le manque de mise en œuvre de la résolution 2401 (2018), notamment dans la Ghouta orientale, une situation à laquelle il faut remédier dans les meilleurs délais.
Il a appelé toutes les parties en Syrie à honorer leurs engagements en vertu de la résolution, affirmant qu’en sa qualité de porte-plume, le Koweït continuerait d’assurer un suivi de la mise en œuvre.
M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a déclaré que, hier matin, « nous avons adressé une lettre au Secrétaire général et au Conseil de sécurité en vue de réagir au dernier rapport en date sur la situation humanitaire dans mon pays, lequel rapport contient des lacunes considérables et s’appuie sur des “sources d’informations instrumentalisées à des fins politiques” ». Le Gouvernement syrien, a-t-il souligné, est pleinement engagé en faveur du droit international humanitaire. Il a en revanche accusé la coalition internationale d’avoir « détruit » la ville de Raqqa, demandant le démantèlement de cette coalition « illégitime ».
M. Ja’afari a souligné que son gouvernement estime que la détérioration de la situation dans la Ghouta orientale est due aux agissements de groupes terroristes, qui auraient selon lui tiré 2 180 roquettes en direction de Damas jusqu’à présent. Les auteurs du rapport continuent de nier le fait que la population de la Ghouta sert de bouclier humain aux groupes terroristes en question, a accusé le représentant, qui a dénoncé aussi l’absence de la moindre mention faite aux milliers de civils kidnappés.
Le régime saoudien, a poursuivi le représentent, a fourni une aide aux groupes terroristes en février, « preuve s’il en est que l’on peut y avoir accès ». À l’en croire, le Gouvernement syrien a pris toutes les mesures nécessaires pour protéger ses citoyens en créant un couloir humanitaire afin de leur permettre de quitter la Ghouta orientale, quelques heures à peine après l’adoption de la résolution 2401 (2018), et « se faire soigner aux frais du Gouvernement syrien, et non pas d’OCHA (Bureau de la Coordination des Affaires humanitaires ».
Mais il semble qu’une nouvelle tendance soit à l’œuvre à l’ONU: qu’une lettre signée d’un terroriste soit admise comme document officiel, a ironisé le délégué syrien. Pour lui, le principal objectif de la résolution 2401 (2018) n’est pas de parvenir à une cessation des hostilités, mais d’instrumentaliser le Conseil de sécurité pour empêcher la Syrie de faire des progrès militaires contre les terroristes qui prennent pour cible Damas.
Comment expliquer alors la réticence de certains membres à exclure du champ de la résolution des groupes comme Daech? M. Ja’afari s’en est aussi pris à la campagne mensongère du New York Times selon laquelle il y aurait une coordination entre la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et la Syrie, une information qu’il a qualifiée de « puérile ».
En revanche, a-t-il dit, il y a 20 jours, quatre camions turcs contenant du chlore sont entrés à Edleb et deux se sont arrêtés dans cette ville tandis qu’un autre a poursuivi sa route.
Pour la délégation syrienne, la principale responsabilité de la cessation des hostilités incombe aux pays exerçant une influence sur les groupes terroristes qui poursuivent leurs opérations militaires en Syrie. Il a ironisé en conclusion sur les membres du Conseil qui versent des « larmes de crocodile ».