En cours au Siège de l'ONU

8186e séance – après-midi
CS/13219

Syrie: réuni d’urgence pour examiner la situation dans la Ghouta orientale, le Conseil de sécurité est divisé sur la demande de cessation des hostilités

Réuni d’urgence à la demande de la Fédération de Russie, le Conseil de sécurité a, aujourd’hui, affiché ses divergences quant à une cessation des hostilités en Syrie, et notamment dans la Ghouta orientale, « exemple vivant de catastrophe humanitaire qui se déroule sous nos yeux », selon les mots du Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Mark Lowcock.

« Tout le monde sait que près de 400 000 personnes y sont assiégées depuis plus de quatre ans.  Tout le monde sait que des milliers d’enfants y souffrent de malnutrition aiguë, une situation que nous n’avons pas connue ailleurs en Syrie depuis le début du conflit.  Tout le monde sait que plus de 700 personnes ont besoin d’une évacuation médicale d’urgence vers des hôpitaux situés à Damas, à quelques kilomètres de là à peine », a déclaré M. Lowcock, qui s’exprimait depuis Genève par visioconférence.

À Genève, où précisément le Bureau de l’Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, M. Staffan de Mistura, a été inondé de milliers d’appels à l’aide lancés par des civils piégés dans la Ghouta orientale à l’aide d’applications de messagerie instantanée, a relaté M. Lowcock. 

« Ce dont nous avons besoin, c’est d’une cessation durable des hostilités, qui permette la livraison immédiate, sûre, sans entrave et soutenue de l’aide et des services humanitaires, ainsi que l’évacuation des malades et des blessés graves », a exhorté le haut fonctionnaire, en rappelant aux membres du Conseil le caractère « contraignant » de leurs obligations juridiques en vertu du droit international humanitaire.

Les demandes formulées par le Secrétaire général adjoint sont reflétées dans un projet de résolution que les délégations de la Suède et du Koweït ont fait circuler auprès des autres membres du Conseil, et dont l’adoption a été demandée dans les plus brefs délais par certains d’entre eux, voire dès aujourd’hui par le Royaume-Uni et les États-Unis.

Leur homologue de la Fédération de Russie ne l’a pas entendu de cette oreille, rappelant qu’il n’y avait « pas d’accord » sur ce texte, avant de juger regrettable le principe d’une mise aux voix « symbolique » en l’absence de garanties sur la mise en œuvre et la viabilité d’une telle cessation des hostilités.

Comme l’ont rappelé aujourd’hui plusieurs membres du Conseil, le texte à l’étude, auquel la délégation russe a dit vouloir apporter des amendements, déciderait d’une cessation des hostilités dans toute la Syrie pour une période initiale de 30 jours consécutifs, afin de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire et l’évacuation sanitaire des personnes gravement malades et des blessés.

Pour la République arabe syrienne, les efforts se rapportant à ce projet de résolution sont « biaisés », « puisque notre avis n’a même pas été recueilli », a-t-il assuré.  « Y aurait-il eu un projet de résolution demandant l’acheminement de l’aide humanitaire à l’opposition armée modérée », si des terroristes se servaient du bois de Boulogne ou de Central Park comme de bases pour mener leurs attaques contre Paris et Manhattan? a ironisé le représentant syrien.

Ce ne sont pas des terroristes, mais des civils qui se retrouvent dans les salles d’urgence « de fortune » des hôpitaux de la Ghouta orientale, a rétorqué sa collègue des États-Unis, en dénonçant la « barbarie » du « régime de Bashar Al-Assad ».  « C’est exactement ce que nous avons vu se passer à Alep en 2016 et à Hama et Homs avant cela », a-t-elle tonné, convaincue que Damas veut « soumettre » tous ses adversaires grâce aux bombardements et aux sièges.

Au contraire, pour le délégué russe, les leçons tirées de la situation à Alep amènent à penser que l’objectif recherché aujourd’hui est de provoquer un « scandale » et de mettre la pression sur Damas tout en jetant l’« opprobre » sur Moscou.  Il a prévenu des répercussions d’une telle approche sur le processus d’Astana, portant sur la création de quatre zones de « désescalade » dans le pays, et dont la Fédération de Russie est l’un des trois garants, avec la Turquie et la République islamique d’Iran.

« En tant qu’ambassadeurs et en tant qu’êtres humains, je crois que nous nous trouvons aujourd’hui face à un “test” », a de son côté estimé la Suède, porte-plume, aux côtés du Koweït, du projet de résolution débattu.  « Prenons garde, a-t-il dit, que la tragédie syrienne ne soit pas également le tombeau des Nations Unies », a tranché quant à lui le représentant de la France, en balayant lui aussi l’argument de la lutte antiterroriste brandi par la Syrie et la Russie.

En 2017, 175 000 personnes ont bénéficié chaque mois d’une aide humanitaire, mais au cours des trois derniers mois, à peine 22 000, sachant que les niveaux d’accès de l’aide l’an dernier étaient déjà inférieurs de 40% à ceux de 2016, s’est alarmé M. Lowcock, qui est aussi le Coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU.

« Lorsqu’une génération entière est dépouillée de son avenir, lorsque les attaques contre les hôpitaux sont devenues la nouvelle norme, lorsque des sièges de villes et de quartiers entiers sont devenus une réalité durable pour des centaines de milliers de personnes, la communauté internationale doit prendre des mesures urgentes et concrètes », a lancé le Secrétaire général adjoint.

« Combien de temps allons-nous rester inactifs avant que celle-ci ne puisse parler d’une seule voix et dire: Assez! » a martelé le Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères du Koweït, M. Sabah Khalid Al Hamad Al Sabah, qui présidait la séance.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

M. MARK LOWCOCK, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a déclaré qu’au cours des trois derniers jours, le Bureau de l’Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie à Genève avait reçu des milliers d’appels à l’aide émanant de civils piégés dans la Ghouta orientale sur des applications de messagerie instantanée. 

Il a lu celui d’un travailleur humanitaire dans la région: « Au cours des deux derniers mois, les opérations militaires se sont transformées en un processus de ciblage systématique des civils.  La plupart des raids aériens prennent intentionnellement pour cibles les bâtiments résidentiels civils.  Des familles entières ont péri sous les décombres.  Aujourd’hui, alors que les combats s’intensifient, je vous demande, en tant que père qui attend maintenant la naissance de mon premier enfant, et en tant qu’humanitaire essayant de préserver ce qui reste de la vie, d’agir pour mettre fin aux opérations systématiques contre les civils et ouvrir les voies de l’aide humanitaire. »

« Vous êtes tous conscients, en tant qu’États Membres, que vos obligations en vertu du droit international humanitaire sont bel et bien ça: des obligations contraignantes », a-t-il déclaré aux membres du Conseil.  Les efforts de lutte antiterroriste ne peuvent se substituer à l’obligation de respecter et de protéger les civils.  Ils ne justifient pas leur mise à mort et la destruction de villes et de quartiers entiers, a lancé le haut fonctionnaire.

Au cours des 24 dernières heures, de nombreux tirs d’artillerie et bombardements aériens se seraient poursuivis contre plusieurs communautés de la Ghouta orientale, causant la mort d’au moins 50 personnes et en blessant au moins 200.  Selon certaines sources, le nombre total de victimes depuis le 19 février est proche de 300 personnes, a précisé le Secrétaire général adjoint. 

Vingt-trois attaques contre des infrastructures civiles essentielles ont été signalées depuis cette date.  Au moins sept établissements de santé auraient été touchés le 21 février.  Le seul centre de soins de santé primaires de la ville de Modira aurait été mis hors service par des frappes aériennes et un hôpital de la ville de Douma a subi d’importants dégâts causés par les barils d’explosifs à proximité. 

Toujours à Douma, un centre d’obstétrique a été endommagé.  Un hôpital de la ville de Jisrein aurait été attaqué, provoquant la mort d’une infirmière.  Les deux centres de la ville de Douma et de la ville de Harasta auraient été endommagés par le bombardement.  Enfin, deux centres appartenant aux Casques blancs ont été endommagés par les bombardements dans les villes de Saqba et Jisrein, a ajouté M. Lowcock.

« La Ghouta orientale est un exemple vivant de catastrophe humanitaire entièrement connue, prévisible et évitable qui se déroule sous nos yeux », a-t-il résumé.  « Tout le monde sait que près de 400 000 personnes sont assiégées.  Et qu’elles ont été assiégées depuis plus de quatre ans.  Tout le monde sait que dans la Ghouta orientale, des milliers et des milliers d’enfants sont confrontés à la malnutrition aiguë, une situation que nous n’avons pas connue ailleurs en Syrie depuis le début du conflit.  Tout le monde sait que plus de 700 personnes ont besoin d’une évacuation médicale urgente vers les hôpitaux situés à quelques kilomètres de la ville de Damas », a-t-il plaidé.

Selon des informations recueillies par l’ONU, au moins 346 civils ont été tués depuis le début de ce mois et près de 900 personnes ont été blessées, a poursuivi le Coordonnateur des secours d’urgence.  Pendant ce temps, des frappes au sol depuis la Ghouta orientale tuent et blessent des dizaines de civils dans la ville de Damas. 

Plus tôt cette semaine, l’UNICEF a publié une déclaration vierge, une déclaration vide, car l’agence ne trouve plus les mots pour décrire la brutalité de cette guerre.  Le seul message de l’UNICEF était qu’« aucun mot ne rendrait justice aux enfants tués, à leurs mères, à leurs pères et à leurs proches ».

« Cette violence effroyable se produit alors que nous faisons face à des contraintes considérablement accrues sur notre capacité à atteindre les personnes piégées derrière les lignes de conflit », s’est alarmé M. Lowcock.  « Au cours des derniers mois, nous avons eu plus de difficultés à accéder aux personnes se trouvant dans des zones difficiles d’accès et assiégées, notamment par le biais de convois transversaux.  Depuis le 1er décembre, nous déployons depuis trois mois seulement trois convois en ligne atteignant 67 200 personnes.  Seulement 7 200 d’entre elles se trouvaient dans les zones assiégées, soit moins de 2% de la population globale assiégée.  En 2017, en novembre, quelque 53 convois transversaux ont atteint des personnes dans le besoin, soit en moyenne près de cinq convois par mois. » 

Au total, a précisé M. Lowcock, ce sont près de deux millions de personnes qui ont été atteintes au cours des 11 premiers mois de 2017, soit environ 175 000 personnes en moyenne par mois.  « Donc en 2017, 175 000 par mois; au cours des trois derniers mois, 22 000 par mois », a-t-il relevé.  En outre, les niveaux d’accès pour l’aide humanitaire de 2017 étaient eux-mêmes près de 40% inférieurs à nos niveaux d’accès en 2016.

« Lorsqu’une génération entière est dépouillée de son avenir, lorsque les attaques contre les hôpitaux sont devenues la nouvelle norme, lorsque des sièges de villes et de quartiers entiers sont devenus une réalité durable pour des centaines de milliers de personnes, la communauté internationale doit prendre des mesures urgentes et concrètes », a lancé M. Lowcock. 

« Ce dont nous avons besoin, c’est d’une cessation soutenue des hostilités, qui permette la livraison immédiate, sûre, sans entrave et soutenue de l’aide et des services humanitaires, l’évacuation des malades et des blessés graves et l’allégement des souffrances du peuple syrien », a-t-il dit. 

« Vous pouvez toujours sauver des vies dans la Ghouta orientale - et ailleurs en Syrie.  Je vous exhorte à le faire.  Des millions d’enfants, de femmes et d’hommes battus et assiégés dépendent d’une action significative de ce Conseil. »

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a remercié la présidence d’avoir agréé la demande de son pays qui souhaitait la tenue d’une séance publique du Conseil sur la Ghouta orientale.  Il est grand temps de parler franchement ce qui se passe dans la Ghouta orientale, a-t-il dit, en dénonçant la « psychose mondiale » qui s’est emparée des médias s’agissant de la situation dans cette banlieue de Damas.  Il a rappelé que les mêmes discours catastrophistes avaient été de mise pour ce qui concerne Alep.  « Les Casques blancs qui se disent sauveteurs de la population civile coopèrent avec des groupes terroristes et sont à la source d’une désinformation généralisée », a-t-il affirmé en relevant qu’on a le sentiment que l’armée syrienne prend délibérément pour cible des hôpitaux.  « C’est une technique de désinformation bien connue », a-t-il dénoncé.  Dans la Ghouta orientale, il reste des combattants intransigeants, liés à des organisations terroristes telles que le Front el-Nosra, qui trouvent refuge dans des hôpitaux et prennent pour cible Damas quotidiennement, a déclaré le délégué, en déplorant que ces éléments ne soient pas mentionnés dans les médias. 

Le représentant a accusé certaines délégations qui disent défendre les droits de l’homme de prétendre que la situation à Damas n’est pas aussi grave que celle dans la Ghouta orientale.  « Combien de personnes doivent périr pour qu’une telle situation soit dénoncée? » a-t-il lancé, déplorant « l’hystérie de masse autour de la Ghouta orientale ».  Il a comparé la situation avec la destruction totale de la ville de Raqqa par la coalition qui, a-t-il dit, s’était déroulée sans que personne ne tire la sonnette d’alarme.  La coalition a certes chassé Daech mais les États-Unis ont oublié la population civile de Raqqa, a-t-il poursuivi, ajoutant que les mines y font 50 victimes par jour.

Le délégué russe a déclaré que la population de la Ghouta orientale était utilisée par les terroristes comme bouclier humain.  « Au lieu d’appuyer le processus d’Astana, on continue de tout faire pour le compromettre », a-t-il regretté, en fustigeant par ailleurs les « clubs fermés » qui se créent.  Parmi ces « clubs », il a mentionné le partenariat international de la lutte contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques, qui va à l’encontre des cadres agrées internationaux.  L’ONU devrait renoncer à toute coopération avec ce partenariat qui n’a aucune légitimité et n’est pas appuyé par un nombre suffisant de délégations, a-t-il demandé. 

Mentionnant le projet de résolution du Koweït et de la Suède, le délégué a indiqué qu’il n’y avait pas d’accord sur ce texte.  Ce projet propose un cessez-le-feu pour 30 jours, mais quelles garanties mettrons-nous en place pour faire respecter ce cessez-le-feu? a-t-il demandé.  M. Nebenzia a regretté une mise aux voix « symbolique » de ce texte sans que ces détails n’aient été pris en compte.  Le Conseil, a-t-il souhaité, doit prendre des mesures réalisables, qui ne soient pas démagogiques ni déconnectées de la réalité.  Il a jugé impossible de faire en sorte que des convois humanitaires puissent atteindre les populations dans un délai de 48 heures et au-delà.  Les leçons tirées de la situation à Alep nous font penser que l’objectif, ici, est de provoquer un scandale et de mettre la pression sur la Syrie tout en jetant l’opprobre sur la Russie, a déclaré le délégué russe.  « Je doute que cela puisse contribuer au succès du processus de Genève. »

M. OLOF SKOOG (Suède) a rappelé à toutes les parties de respecter leurs obligations en vertu du droit international, comme les a intimées M. Mark Lowcock, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence avant lui.  La Suède et le Koweït, délégations porte-plume, ont fait circuler un projet de résolution en vue de parvenir à une cessation des hostilités pour une période consécutive de 30 jours afin de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire et l’évacuation sanitaire des personnes gravement malades et des blessés. 

Le représentant a appelé les États Membres, en particulier les garants du processus d’Astana –à savoir la Turquie, la Russie et la République islamique d’Iran– à user de leur influence auprès des parties pour assurer le respect de la cessation des hostilités et des engagements existants, et éviter la catastrophe humanitaire. 

Réagissant aux propos de son collègue russe, il a affirmé que les convois étaient prêts à partir et la trêve humanitaire à être instaurée.  « Je pense que nous sommes face à un test, en tant qu’ambassadeurs et en tant qu’êtres humains. »

M. SABAH KHALID AL HAMAD AL SABAH, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères du Koweït, a déclaré que la Ghouta orientale, où 400 000 personnes vivent « l’enfer sur terre », ne peut pas attendre plus longtemps.  Il a fait état d’un bilan de 1 200 civils tués cette semaine, et la communauté internationale reste « inerte ».  « Combien de temps allons-nous rester inactifs avant qu’elle puisse parler d’une seule voix et dire: Assez! » 

Le Koweït et la Suède, en réponse à un appel lancé par les Nations Unies, ont décidé de présenter un projet de résolution très clair qui demande, à des fins humanitaires, une cessation des hostilités pour une période initiale de 30 jours consécutifs sur tout le territoire syrien. 

Aussi le Chef de la diplomatie koweïtienne a-t-il appelé tous les États Membres à voter en faveur ce projet.  « Si nous ne mettons pas fin à ce bain de sang, cela encouragera les coupables à continuer de commettre des crimes en toute impunité. »

Mme KELLEY A. ECKELS-CURRIE (États-Unis) a indiqué que la situation dans la Ghouta orientale est un « enfer sur terre ».  Elle a mentionné les témoignages de certains habitants de la Ghouta orientale décrivant une situation insupportable.  Les images et les vidéos sont disponibles montrant ces souffrances, a-t-elle dit. 

Ce ne sont pas des terroristes, mais des civils qui se retrouvent dans les urgences des hôpitaux, a-t-elle dit, en dénonçant la barbarie du régime de Bashar Al-Assad, lequel a utilisé les mêmes tactiques à Alep.  Le régime veut continuer de gazer ces populations et compte sur la Fédération de Russie pour empêcher le Conseil de sécurité d’agir, a-t-elle poursuivi, en dénonçant le cynisme de la Russie. 

Elle a cité le projet de résolution, qui a fait l’objet de négociations depuis trois semaines.  « Nous sommes prêts à voter, ici et maintenant », a-t-elle dit, en louant les consultations étroites menées par la Suède et le Koweït.  « Combien faudra-t-il encore de cruauté pour que le Conseil dise assez et mette un terme à cette situation monstrueuse? » a-t-elle lancé. 

La déléguée des États-Unis a indiqué que la situation dans la Ghouta orientale ne peut pas continuer et exhorté le Conseil à agir.  « Arrêtons les bombardements », a-t-elle conclu. 

M. MA ZHAOXU (Chine) a exprimé la solidarité de son pays avec le peuple syrien.  Il n’y a pas de solution militaire à la crise syrienne, a-t-il dit, en appelant de ses vœux une solution politique.  Les parties syriennes doivent reprendre les discussions, sous la houlette de l’ONU, a encouragé le délégué de la Chine. 

Il a ensuite dénoncé les attaques lancées par les organisations terroristes en Syrie et demandé l’adoption de normes internationales harmonisées contre ces organisations. 

Le Conseil doit favoriser une solution politique et parler d’une même voix, afin de parvenir à des progrès dans cette voie, a conclu le représentant. 

« Ce qui se passe sous nos yeux dans la Ghouta orientale est sans précédent dans l’abomination », a déclaré M. FRANÇOIS DELATTRE (France).  Il a rappelé que plus de 350 civils étaient morts depuis le début de ce mois, notant aussi que le Président de la France avait condamné avec la plus grande force ces bombardements indiscriminés contre les zones habitées et les infrastructures civiles et demandé l’instauration immédiate d’une trêve pour permettre les évacuations médicales et l’accès humanitaire aux populations.

Il a estimé que le régime de Damas et ses alliés, « prétextant la lutte contre les terroristes jihadistes », avaient décidé de s’en prendre à des populations civiles.  Pas un endroit n’est ainsi épargné, a-t-il souligné, notant en particulier que les équipements médicaux et vitaux pour la population sont délibérément ciblés.  Il a jugé « épouvantables » les rapports qui parviennent des ONG et du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.  Alors que plus de 700 personnes ont besoin d’une évacuation médicale d’urgence, ces évacuations sont systématiquement refusées depuis plusieurs mois par le régime de Damas, a-t-il déploré, avant de rappeler que les attaques contre les hôpitaux et les personnels de santé sont constitutives de crimes de guerre dont les responsables devront répondre.

La Russie a demandé cette réunion publique pour que toutes les parties puissent être entendues, a relevé M. Delattre tout en marquant son étonnement: « Mais de quelles parties parle-t-on? »  « De ce régime qui massacre sa propre population?  Des centaines de milliers de civils, des femmes et des enfants qui sont martyrisés, assiégés, bombardés? »  Le représentant a prévenu que ces hommes, ces femmes et ces enfants n’ont plus de voix.  Ils n’ont plus d’espoir, a-t-il lancé.

Il a aussi annoncé que la France entendait examiner les amendements proposés par la Fédération de Russie au projet de résolution conjoint du Koweït et de la Suède, en soulignant le caractère urgent de l’adoption de ce texte au vu de l’urgence absolue sur le terrain.  Car, a-t-il expliqué, la cessation des hostilités n’est pas une concession.  « C’est la réponse minimale aux demandes répétées des Nations unies et des acteurs humanitaires, relayées par les membres de ce Conseil ».

En ce qui concerne le processus politique, M. Delattre a rappelé que la France avait toujours défendu « le primat de la solution négociée sur la solution militaire, et la recherche d’une solution politique qui réponde aux aspirations du peuple syrien, assure une paix durable et endigue le terrorisme ».  Il a ainsi plaidé pour une transition politique dans le cadre de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité afin de mettre fin de manière durable et crédible aux souffrances du peuple syrien. 

En conclusion, le représentant a appelé chacun des membres du Conseil de sécurité au sursaut et au rassemblement.  « Prenons garde, a-t-il dit, que la tragédie syrienne ne soit pas aussi le tombeau des Nations Unies. »

M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou) a dénoncé les bombardements incessants qui causent des centaines de victimes civiles et déploré que les convois d’aide n’arrivent pas jusqu’aux zones difficiles d’accès, comme la Ghouta orientale, malgré les nombreux appels de l’ONU et de plusieurs pays, comme le Pérou, pour obtenir un accès immédiat et sûr à toutes les régions de la Syrie.  Cet « enfer sur terre » mérite notre condamnation la plus énergique, a-t-il martelé. 

Il a souligné les objectifs de cessation immédiate des hostilités pendant 30 jours dans le but de faire passer l’aide, et de mise en place du plan de réponse humanitaire, ainsi que les cinq priorités énoncées par M. Mark Lowcock, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, les considérant comme des mesures indispensables et urgentes.

Le représentant a aussi demandé de faire preuve d’une vraie volonté politique pour renverser la tendance actuelle des événements.  Il a enfin demandé aux membres du Conseil de sécurité, et en particulier à ceux qui peuvent avoir une influence sur le terrain, de montrer au monde qu’ils sont unis et qu’ils connaissent leur devoir d’arriver à un accord, afin de communiquer de manière claire que la priorité est donnée à l’être humain, avant d’autres intérêts. 

« Ce Conseil doit pouvoir être à la hauteur des circonstances et assumer ses délicates mais importantes responsabilités », a-t-il conclu en mettant l’accent sur les souffrances humaines en Syrie.

M. KAREL JAN GUSTAAF VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a condamné toutes les attaques aveugles contre les civils, accusant « le régime » d’avoir transformé la ville en un enfer sur terre où les populations sont piégées, constamment prises pour cible et coupées de toute forme d’aide.  Le Conseil va-t-il rester là les bras ballants et regarder passivement les événements se dérouler?  Qu’est-il advenu des acquis si chèrement payés du droit international humanitaire? s’est demandé le représentant. 

Il a demandé au Conseil de prendre des mesures décisives aujourd’hui car « le monde nous regarde ».  Les Pays-Bas, a-t-il dit, appellent toutes les parties, en particulier « le régime syrien » et ses alliés, à arrêter de cibler les civils, à cesser les attaques contre les hôpitaux et à faciliter immédiatement l’accès humanitaire. 

Le représentant a estimé que le projet de résolution dont est saisi le Conseil comprend des mesures claires et réalisables.  Certains disent, a-t-il reconnu, qu’il n’est pas réaliste mais, a-t-il argué, avec une bonne dose de volonté politique de la part des parties au conflit, la cessation des hostilités peut devenir une réalité, une réalité que nous attendons de toute urgence. 

La cessation des hostilités, s’est expliqué le représentant, permettra l’acheminement de l’aide alimentaire et médicale, et les évacuations.  Les parties au conflit et ceux qui ont de l’influence sur elles ont la lourde responsabilité d’assurer la sécurité des opérations humanitaires et de prévenir le déplacement forcé des civils, a ajouté le représentant. 

M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) s’est dit vivement préoccupé de la situation dans la Ghouta orientale et l’escalade des hostilités dans d’autres régions de la Syrie.  S’il s’est félicité qu’une aide vitale ait pu être acheminée à plus de 7 000 personnes le 14 février dernier, il n’en reste pas moins que cela demeure insuffisant, a reconnu le représentant. 

Il a dit que les membres du Conseil de sécurité se sont récemment engagés dans des discussions constructives sur l’instauration d’une trêve humanitaire de 30 jours dans un premier temps.  « Pour parvenir à la mettre en œuvre, nous aurons besoin de la volonté politique de toutes les parties au conflit », a assuré M. Alemu. 

Le Conseil devrait, « à l’unisson », appuyer l’action humanitaire des Nations Unies et de ses partenaires.  « À cet égard, s’il n’est pas parfait, le projet de résolution à l’étude nous donne une occasion d’agir concrètement. »

« Rien ne justifie des attaques aveugles contre des civils en Syrie », a déclaré Mme JOANNA WRONECKA (Pologne).  Elle a encouragé tous les acteurs à agir pour améliorer la situation sur le terrain et soulager les souffrances des civils.  Quant aux zones de désescalade, qui englobent la Ghouta orientale, leur objectif était de permettre un accès sans entrave de l’aide humanitaire, a-t-elle déclaré. 

Elle a demandé la création de conditions propices à un cessez-le-feu permanant, en soulignant la nécessité de l’unité du Conseil pour parvenir à cet objectif. 

Enfin, la représentante de la Pologne a appuyé le projet de texte des délégations de la Suède et du Koweït et souhaité son adoption dans les plus brefs délais. 

« C’est l’enfer sur terre », a déclaré M. STEPHEN HICKEY (Royaume-Uni), en reprenant à son compte l’expression utilisée hier par le Secrétaire général pour parler de la situation dans la Ghouta orientale.  « Nous devons au peuple de cette enclave de mettre fin aux hostilités », a-t-il dit, applaudissant le travail remarquable fourni par les acteurs humanitaires et les Casques blancs, qui opèrent dans des conditions déplorables. 

Après avoir accusé le régime de Bashar Al-Assad d’être responsable de ce siège, le représentant a regretté que le Conseil de sécurité n’ait pas assumé ses responsabilités.  Il a relevé la contradiction selon laquelle l’escalade des violences se produit dans une des zones dites de « désescalade » dont la Fédération de Russie est supposée être l’un des garants. 

La délégation britannique s’est félicitée, en conclusion, du projet de résolution présenté par le Koweït et la Suède et dont il a espéré qu’il pourrait être adopté ultérieurement aujourd’hui. 

M. ANATOLIO NDONG MBA (Guinée équatoriale) a estimé que l’évolution de la situation humanitaire et l’état dans lequel se trouve la population de la Ghouta orientale exigeaient une action particulièrement urgente.  Avec l’augmentation importante du nombre de victimes et de dégâts matériels aux infrastructures, la communauté internationale, a-t-il précisé, est obligée de prendre d’urgence des mesures pour éviter que des vies humaines supplémentaires soient perdues. 

Faire cesser les hostilités est impératif pour garantir un accès sûr des équipes d’assistance, répartir l’aide humanitaire et évacuer les blessés et les malades, a-t-il plaidé.

M. Ndong Mba a lancé un appel à toutes les parties pour qu’elles prennent les mesures nécessaires à la réduction de la violence, appelant aussi à donner les garanties attendues pour les zones de désescalade, dont la Ghouta orientale fait partie. 

Il a prôné un dialogue franc, direct et inclusif, qui est à son avis la seule voie de sortie possible pour résoudre la crise syrienne.  Au Conseil de sécurité, il a demandé de redoubler d’efforts pour que les adversaires reviennent à la table des négociations. 

M. SACHA SERGIO LLORENTTY SOLÍZ (Bolivie) a rappelé que 500 000 personnes ont perdu la vie depuis le conflit en Syrie.  Il a regretté que le nombre de personnes ayant besoin d’une aide d’urgence ne cesse de croître, a-t-il dit, avant de demander l’acheminement de l’aide humanitaire à Raqqa.  Il a plaidé pour une revitalisation du processus de Genève, en s’appuyant sur les résultats tangibles atteints à Sotchi et à Astana.

Le délégué a exhorté les parties à respecter les zones de désescalade et à protéger les civils.  Il a dit son désaccord avec l’application d’une approche de deux poids, deux mesures sur la situation humanitaire en Syrie.  « Nous ne permettrons pas que le Conseil soit instrumentalisé et devienne une caisse de résonance de discours bien connus », a-t-il dit.  « Ma délégation ne comprend pas que le Conseil n’ait pas pu se prononcer sur les six attaques perpétrées contre l’ambassade de Russie à Damas », a poursuivi le délégué.

Il a rejeté la politisation de la question humanitaire en Syrie, avant d’espérer que les appels lancés au Conseil de sécurité trouvent un écho.  Dans le même temps, si le projet de résolution du Koweït et de la Suède était mis aux voix, en sachant qu’il ne sera pas adopté, alors l’objectif n’est pas humanitaire, mais politique, a-t-il dit.

Il a félicité la Fédération de Russie pour avoir présenté un libellé amendé du projet pour poursuivre les négociations, en soulignant la nécessité de l’unité du Conseil.  Il a lancé un appel aux membres du Conseil, en particulier la Suède et le Koweït, pour qu’ils changent de cap.  « Nous pouvons être unis et nous acquitter de nos responsabilités », a-t-il conclu.

M. BERNARD TANOH-BOUTCHOUE (Côte d’Ivoire) a fait part de sa préoccupation devant la dégradation de la situation humanitaire en Syrie du fait de la recrudescence des combats sur le terrain, notamment dans la Ghouta orientale où l’on déplore, depuis lundi, la mort de 40 civils et 150 blessés, de même que la destruction de nombreux hôpitaux et écoles. 

Face à cette escalade, la Côte d’Ivoire en appelle au sens de la responsabilité des parties en présence, afin de faire cesser le drame de la Ghouta orientale. 

Le pays réitère également sa conviction et sa position de principe selon laquelle la réponse à la crise en Syrie ne saurait être militaire, mais plutôt passer par le dialogue et un processus politique ouverts, comme le prévoit la feuille de route de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité. 

Le pays soutient en outre le projet de résolution initié par le Koweït et la Suède et visant l’arrêt des hostilités pour une période de 30 jours en vue d’un accès humanitaire immédiat aux populations assiégées. 

M. DIDAR TEMENOV (Kazakhstan) a exhorté toutes les parties sur le terrain et en dehors du pays à prévenir toute violence supplémentaire et à permettre aux organisations humanitaires de prêter assistance aux populations en détresse.  « Nous avons vraiment besoin d’une cessation des hostilités à travers toute la Syrie pour l’ensemble des opérations militaires », a-t-il déclaré, en jugeant crucial que les membres du Conseil de sécurité tombent d’accord sur le projet de résolution relatif à la cessation des hostilités de la Syrie. 

Le Kazakhstan a déclaré qu’il soutenait les cinq requêtes identifiées par le Coordonnateur des secours d’urgence lors de sa mission en Syrie le 11 janvier 2018. 

Il a annoncé en conclusion que les ministres des affaires étrangères des pays garants du processus d’Astana –Fédération de Russie, Turquie et République islamique d’Iran– doivent se réunir à Astana en mars prochain pour s’entretenir de toutes les questions liées au développement sur le terrain.

M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a dit son opposition à la demande du Président du Conseil de sécurité qu’il limite son intervention à cinq minutes.  Le délégué de la Fédération de Russie a pris la parole pour faire part de son incompréhension devant une telle demande.  Le Président a dit qu’il n’avait pas pris de décision, en encourageant simplement le délégué syrien à respecter la note 507.  Le délégué syrien a dit qu’il ne connaissait pas cette note et trouvait injuste cette limitation à cinq minutes.

« Je prends la parole devant vous, alors que des centaines de roquettes s’abattent sur Damas », a-t-il dit, en déplorant la mort de deux enfants.  Il a accusé le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Mark Lowcock, de n’avoir pas entendu l’opinion du Gouvernement syrien, avant de fustiger certains membres du Conseil pour leur partialité.

Il a rappelé que les groupes terroristes, présentés comme modérés, utilisaient des hôpitaux et écoles comme centres militaires et la population comme un bouclier.  Certains acteurs, la France, les États-Unis et le Royaume-Uni, voudraient dénier le droit du peuple syrien de définir son avenir constitutionnel, a-t-il dit.  Quant au projet de résolution, il a indiqué que les efforts s’y rapportant sont biaisés, puisque l’avis de la Syrie n’a même pas été recueilli, a-t-il poursuivi.

Il a invité à imaginer des terroristes utilisant le bois de Boulogne ou Central Park pour mener des attaques contre Paris et Manhattan.  « Y aurait-il eu un projet de résolution demandant l’acheminement de l’aide humanitaire à l’opposition armée modérée? » a-t-il ironisé.  Le délégué a dénoncé les agissements des groupes terroristes, avant de dénoncer la « crise morale et professionnelle de l’ONU ».  Certains hauts fonctionnaires de l’ONU déforment des faits et des chiffres et s’appuient sur des informations peu fiables pour nourrir leur rapport, a-t-il regretté.

Le délégué a déclaré que son gouvernement envoyait des lettres à la Présidence et au Secrétariat pour faire état des tirs lancés contre Damas.  Or, le Secrétariat continue d’oublier les souffrances des huit millions d’habitants de Damas, a-t-il dit.  « Nous savons tous que des groupes terroristes contrôlent l’aide humanitaire qui entre dans la Ghouta orientale. »  Il a déploré que cela ait échappé au « radar de M. Lowcock », ainsi que le terrorisme insensé dans la Ghouta orientale. 

L’ONU ignore également les destructions causées par la coalition internationale dirigée par les États-Unis.  « Il est vrai que les États-Unis ont utilisé les mêmes techniques au Viet Nam. » 

Enfin, le délégué a promis que son gouvernement ne plierait pas devant les terroristes et ceux qui veulent la division de la Syrie.

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