Quatrième Commission: les délégations appellent à combler le déficit budgétaire de l'UNRWA et à ne pas politiser son travail humanitaire
La clôture du débat de la Quatrième Commission (questions politiques spéciales et décolonisation) sur les activités de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), a été l’occasion pour de nombreux États Membres d’insister sur la nécessité de trouver des solutions pérennes pour combler le déficit budgétaire qui menace son fonctionnement depuis les coupes drastiques annoncées par les États-Unis, qui étaient son plus important contributeur.
Alors que l’UNRWA a enregistré un déficit de 64 millions de dollars pour 2018, suite à l’annonce que les États-Unis réduisaient à 60 millions de dollars, en 2018, leur contribution qui était auparavant d’environ 360 millions de dollars, la Norvège a prévenu que les mois à venir seront plus difficiles que jamais.
Tout en saluant les efforts budgétaires « douloureux et nécessaires » consentis par l’UNRWA depuis l’annonce américaine, la délégation norvégienne a estimé qu’il incombe désormais aux donateurs à long terme de l’Office de faire tout leur possible pour l’aider à trouver une stabilité financière durable.
« Que ce soit dans son rôle de fournisseur de services, de catalyseur de l’activité économique, ou de stabilisateur régional, il n’y a pas d’alternative à l’activité de l’Office », a notamment souligné la Norvège, se faisant l’écho d’un sentiment largement partagé parmi les délégations qui n’ont eu de cesse d’insister sur la nécessité de permettre à l’UNRWA de continuer l’assistance « essentielle » et « cruciale » aux quelque cinq millions de réfugiés palestiniens qui en dépendent, que ce soit pour leur éducation, leur santé ou pour obtenir des perspectives d’emplois.
En effet, comme l’a souligné la délégation japonaise, même si la communauté internationale est parvenue à colmater les brèches pour l’année 2018, la problématique du financement de l’UNRWA persistera pour les années à venir. Le Japon a donc appelé l’Office à poursuivre ses efforts de réduction des coûts, à élargir sa base de donateurs, notamment via des opérations de financement participatif (crowdfunding), et à mettre encore davantage à contribution le secteur privé.
L’Australie a de son côté encouragé les donateurs à envisager des arrangements financiers pluriannuels pour assurer un certain niveau de prévisibilité à l’Office, tandis que le Brésil a appelé à financer les coûts opérationnels les plus essentiels de l’Office à partir du budget ordinaire des Nations Unies, une proposition qui, a-t-il indiqué, est également celle du Secrétaire général et d’une large majorité d’États Membres. De son côté, la Turquie a annoncé la création prochaine, au sein de la Banque islamique de développement, d’un fonds de dotation pour les réfugiés de Palestine.
En dépit de cette situation financière sans précédent, le Commissaire général de l’UNRWA, M. Pierre Krähenbühl, s’est néanmoins dit néanmoins confiant. En effet, après avoir réussi à lever pas moins de 238 millions de dollars depuis l’annonce américaine en janvier, il a dit espérer pouvoir réduire encore davantage le déficit de 2018 et compter sur l’engagement renouvelé de la communauté internationale en faveur de l’UNRWA en 2019.
Outre les préoccupations d’ordre financier, les débats d’aujourd’hui ont également porté sur le mandat même de l’UNRWA, le Liban, l’un des trois pays qui accueillent un grand nombre de réfugiés palestiniens, ayant notamment accusé ceux qui remettent en cause la pertinence de celui-ci de vouloir faire pression pour forcer leurs intégration et réinstallation dans des pays tiers.
Recadrant le débat, la représentante de l’Indonésie a dénoncé catégoriquement la politisation du travail de l’UNRWA, s’opposant à toute tentative d’utiliser les réfugiés comme un outil de négociation sur l’échiquier politique, tandis que son homologue de la Turquie a souligné la « limpidité » du mandat de l’Office.
Rebondissant sur ce débat, M. Krähenbühl a d’ailleurs réaffirmé la nature exclusivement humanitaire du mandat de l’UNRWA, guidé, a-t-il insisté, par les principes de neutralité et d’indépendance et défini exclusivement, depuis sa création, il y a 70 ans, par les États Membres et l’Assemblée générale.
Autre important pays d’accueil de la communauté palestinienne, la Jordanie a, quant à elle, souligné que la raison d’être de l’Office sera justifiée aussi longtemps qu’il n’existera pas de solution durable à la question des réfugiés palestiniens, avertissant en outre que tout manque en termes d’octroi de service de base dispensés par l’Office risque d’exacerber leurs frustrations et de faire des jeunes une cible facile de l’extrémisme.
Abondant dans ce sens, la délégation égyptienne a d’ailleurs soutenu que l’absence de l’UNRWA pourrait entraîner une catastrophe humanitaire et placer de nouveaux fardeaux sur les épaules des États d’accueil, en appelant à la « conscience » des États Membres présents. « N’oublions pas que des générations entières sont nées sous le statut de réfugiés », a-t-il lancé, disant ne pas comprendre que l’on puisse chercher à bafouer leurs droits à un accès modeste à l’aide humanitaire en raison du déficit budgétaire de l’UNRWA.
Exerçant son droit de réponse, Israël a estimé que chercher à régler le problème des réfugiés palestiniens en passant par leur droit au retour ne contribuera qu’à perpétuer le conflit et à créer de plus en plus de réfugiés. Arguant que la résolution 194 (1948) sur le droit au retour des réfugiés n’est pas juridiquement contraignante, il a également déploré les faux espoirs que véhicule le texte, notant que ces millions de personnes ne peuvent réellement envisager de retourner sur des terres qu’elles n’ont pas connues.
« Le droit au retour est bien un droit pour les populations et la résolution 194 a son importance », a tranché de son côté l’État de Palestine, pour qui « il n’y a pas de raison qui explique pourquoi ces personnes ne pourraient pas revenir sur leurs terres, dans leurs propriétés, une fois les hostilités terminées ».
La Quatrième Commission poursuivra ses travaux demain, mardi 13 novembre, à 15 heures.
OFFICE DE SECOURS ET DE TRAVAUX DES NATIONS UNIES POUR LES RÉFUGIÉS DE PALESTINE DANS LE PROCHE-ORIENT
Fin du débat général
M. MOUNZER MOUNZER (République arabe syrienne) a souligné que la question des palestiniens, qui concerne plus de cinq millions de personnes, est d’abord une question politique avant d’être humanitaire. Depuis 1945, l’UNRWA est le témoin oculaire des souffrances du peuple palestinien, et de nombreuses décennies se sont écoulées depuis l’adoption de la résolution 194 (1948) de l’Assemblée générale, mais, a-t-il déploré, l’ONU reste incapable de la mettre en œuvre, comme tellement d’autres. Selon le représentant, cette situation permet à Israël de poursuivre les déplacements systématiques des Palestiniens et de bafouer leurs droits élémentaires. La Syrie, quant à elle, n’épargne aucun effort pour protéger les réfugiés palestiniens qui se trouvent sur son territoire, a-t-il affirmé. Cependant, a-t-il signalé, les camps sont infiltrés par des terroristes et les Palestiniens souffrent à cause de leurs exactions.
Israël fait preuve d’arrogance et continue de critiquer l’UNWRA pour son assistance humanitaire, aussi la Syrie insiste sur l’importance de la mise en œuvre du mandat de l’UNRWA et appelle les États à lui assurer un financement prévisible et adéquat. Le représentant a également estimé qu’aucune de ses prérogatives ne doit être transférée au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ou à toute autre agence de l’ONU. Les Nations Unies doivent agir immédiatement pour combler le gouffre budgétaire de l’UNRWA et lui permettre de poursuivre son mandat, conformément à la résolution de 1949
Mme SIMA SAMI I. BAHOUS (Jordanie) a félicité M. Pierre Krähenbühl, le Commissaire général de l’UNRWA, pour son engagement et pour ne pas avoir baissé les bras face à la nouvelle crise financière à laquelle l’Office a été confronté cette année.
La question de l’UNRWA est une priorité pour la Jordanie, « qui accueille le plus grand nombre de réfugiés palestiniens », a expliqué la représentante, qui a souligné que protéger l’UNRWA revient à protéger les droits de plus de cinq millions de personnes, y compris leur droit de regagner leurs foyers et de recevoir des compensations. C’est également, a-t-elle ajouté, le droit à l’éducation de plus de 500 000 enfants palestiniens. Elle a averti que tout manque de service de base dispensé par l’Office risque d’exacerber les frustrations et que les jeunes deviendront alors des cibles faciles de l’extrémisme.
La question de réfugiés palestiniens est une question de statut définitif, a estimé la représentante, et on ne saurait bafouer le droit de ces réfugiés tout simplement parce qu’ils ont pris la nationalité d’un État tiers. La Jordanie a accueilli des réfugiés palestiniens et leur a donné la nationalité pour leur permettre de vivre dans la dignité mais cela ne doit pas les priver de leurs droits, a-t-elle tranché.
S’agissant de la situation financière de l’Office, Mme Sami a rappelé que la Jordanie, l’Égypte et la Suède, en coopération avec d’autres pays, avait accueilli la Conférence de Rome de mars dernier, et convoqué une réunion ministérielle en marge de l’Assemblée générale, en septembre 2018, pour mobiliser l’appui financier à l’Office, permettant ainsi de faire tomber son déficit à 64 millions de dollars pour 2018. L’UNRWA est indispensable et cela aussi longtemps qu’il n’y a pas de solution définitive à la question des réfugiés palestiniens, a conclu la représentante.
M. NASREDDINE NAOUALI (Tunisie) a estimé qu’étant donnée la vulnérabilité particulièrement aigue de Gaza, il revient aux Nations Unies et aux États Membres de renforcer leurs efforts, notamment pour faire face au déficit de financement de l’UNWRA, citant le rôle essentiel que joue l’Office dans la région. Si l’UNWRA n’arrive pas à fournir protection, aide, soin et éduction, a-t-il averti, ce sont 5,4 millions de Palestiniens qui souffriront d’abandon et qui risquent d’être de plus en plus tentés par la radicalisation, en particulier les jeunes dont la frustration augmente.
La Tunisie demande de nouveau à la communauté internationale d’appeler Israël à mettre fin aux activités de colonisation dans les territoires occupés, dont Jérusalem-Est, soulignant que la cessation immédiate de toute activité de colonisation est indispensable pour parvenir à une solution des deux États. Elle appelle aussi à dépolitiser le financement humanitaire pour réduire les risques qui pèsent sur l’UNRWA.
Pour le représentant du Liban, la question des réfugiés de Palestine résume la question de Palestine elle-même: 70 ans de dispersion forcée et de générations de réfugiés palestiniens portant le lourd fardeau du déni de citoyenneté et de patrie, a-t-il regretté
À ceux qui misent sur le facteur du temps « qui pourrait mener à l’extinction de leurs droits », il a souligné que les causes justes ne perdent jamais leur pertinence, même avec le temps. La force de la question de Palestine réside dans la force du droit international, qui est entièrement de son côté, a-t-il tranché.
Le représentant a salué les efforts déployés par l’UNRWA pour assurer les services de base à plus de cinq millions de réfugiés palestiniens dans ses zones d’activités, rappelant dans la foulée que le Liban est l’un des principaux pays à accueillir des réfugiés palestiniens.
« Nous, au Liban, nous sentons directement l’impact des coupes budgétaires de l’UNRWA imposées par les États-Unis », a rappelé le représentant, qui s’est dit d’autant plus surpris par cette décision que les États-Unis ont été de tout temps le plus grand donateur de l’Office. Il a salué la réaction de pays amis qui ont permis à l’UNRWA de faire face à cette la crise financière de cette année, mais a appelé à pérenniser le financement de l’Office pour que la crise de 2018 ne devienne pas annuelle.
Reprenant les propos du Président libanais, Michel Aoun, il a demandé « est-ce que la souffrance des réfugiés de Palestine s’est terminée pour qu’on mette fin au mandat de l’UNRWA, ou s’agit-il plutôt de pressions pour forcer leurs intégration et réinstallation dans des pays tiers? »
M. TORE HATTREM (Norvège) a constaté que la situation des deux millions de Palestiniens qui vivent à Gaza est critique, que l’économie palestinienne est sur le point de s’effondrer, et que des réfugiés palestiniens demeurent déplacés par la crise en Syrie. Vu ce contexte, et en l’absence d’une quelconque solution politique dans le conflit israélo-palestinien, il a jugé l’UNRWA indispensable. Que ce soit dans son rôle de fournisseur de services, de catalyseur de l’activité économique, ou de stabilisateur régional, il n’y a pas d’alternative à l’activité de l’Office a-t-il insisté. Évoquant la difficile situation économique de l’UNRWA, il a prévenu que les mois à venir seront plus difficiles que jamais. « Avec le retrait des États-Unis, nous, en tant que donateurs à long terme de l’UNRWA, devons faire ce que nous pouvons pour l’aider à trouver une stabilité financière durable », a-t-il plaidé. Accueillant avec satisfaction les efforts budgétaires « douloureux et nécessaires » consentis par l’UNRWA, il s’est aussi félicité de l’aide fournie par d’anciens et de nouveaux donateurs pour soutenir ses activités. Il a par ailleurs déploré le manque de consensus « sans précédent » qui a accueilli le dernier rapport du Groupe de travail sur le financement de l’UNRWA.
M. TAREK AHMED MAHFOUZ AHMED MAHFOUZ (Égypte) a insisté sur le fait que la question des réfugiés palestiniens est avant tout une question humanitaire, résultant de l’occupation des territoires palestiniens. Il a demandé que le débat sur le budget de l’UNRWA ne soit pas politisé et a estimé que ce n’est pas non plus le lieu de débattre de questions relevant du droit international. L’absence de l’UNRWA pourrait entraîner une catastrophe humanitaire et de nouveaux fardeaux sur les épaules des États d’accueil, a-t-il souligné, en appelant à la « conscience » des États Membres présents. « N’oublions pas que des générations entières sont nées sous le statut de réfugiés », a-t-il lancé. Comment comprendre qu’on bafoue leurs droits à un accès modeste à une aide en raison du déficit budgétaire de l’UNRWA? Comment les enfants de Gaza pourraient-ils comprendre qu’on leur refuse le droit à l’éducation?
Pour le représentant, contribuer à l’UNWRA c’est contribuer à la stabilité de la région. L’enjeu reste de taille, a-t-il indiqué, soulignant que toute réponse apportée aux lacunes budgétaires de cette année ne signifie pas que le problème sera résolu l’an prochain. Il faut fournir des financements réguliers et prévisibles à l’UNWRA, a-t-il plaidé.
M. MISHARI AL-MUZAYNI (Koweït) a remercié le Commissaire général de l’UNRWA ainsi que tout son personnel pour les efforts déployés dans un contexte difficile en vue d’apporter des services de base essentiels aux réfugiés palestiniens. La position de principe historique du Koweït est d’appuyer l’Office, a précisé le représentant, et d’autant plus en cette phase particulièrement critique où l’Office traverse une crise financière sans précèdent qui risque d’entrainer la fin des services qu’il rend aux plus de cinq millions de réfugiés palestiniens, a-t-il averti.
Évoquant les souffrances qu’endurent les réfugiés palestiniens depuis 70 ans, il a appelé la communauté internationale à faire pression sur Israël pour qu’il se soumette à ses obligations en vertu du droit international et qu’il lève le blocus de Gaza. Il a par ailleurs estimé que l’Initiative de paix arabe répond à toutes les questions relatives au statut définitif des réfugiés palestiniens.
Il a en outre fait savoir que le Koweït avait fourni 50 millions de dollars supplémentaires en 2018 pour combler les lacunes budgétaires de l’Office.
Mme AMÉRICA LOURDES PEREIRA SOTOMAYOR (Équateur) a souligné que l’appui aux réfugiés palestiniens est indispensable pour honorer leur droit au retour. Elle a également indiqué qu’en vertu des différents rapports rédigés à ce jour, « l’existence juridique indispensable » de l’UNRWA prendra fin une fois qu’une solution équitable, reposant sur la reconnaissance des deux États, aura été trouvée. Depuis plus de 70 ans, les réfugiés palestiniens souffrent de la perte de leur foyer, de leurs biens, et l’Office joue un rôle fondamental depuis 1949 pour alléger leur sort en leur portant secours. Ce sont ainsi, a-t-elle poursuivi, 526 000 étudiants pris en charge, plus de 140 centres de santé gérés, l’élimination des déchets, l’assistance alimentaire et la poursuite du fonctionnement des institutions d’éducation et enfin la prestation d’assistance urgente fournie à 1,5 million de réfugiés à Gaza, en Cisjordanie et en Syrie. Elle s’est également préoccupée du fait que l’insécurité alimentaire touche plus de 15% de la population palestinienne en Cisjordanie et à Gaza. Elle a exprimé sa préoccupation face à cette grave crise financière que connaît l’UNRWA du fait du retrait d’un de ces principaux contributeurs. Elle a ensuite averti qu’il y aura bientôt plus de six millions de réfugiés palestiniens, soit un quart de la population totale de réfugiés dans le monde.
M. ROWAN ROBERT ASHBY (Australie) a salué les efforts déployés par l’UNRWA à l’intention des cinq millions de réfugiés palestiniens, soulignant que ceux-ci ont été consentis dans des conditions sécuritaires parfois difficiles, mais surtout dans un cadre budgétaire incertain cette année. Il a d’ailleurs encouragé l’Office à continuer de chercher des donateurs non traditionnels et des sources de financement privées afin de diversifier au maximum sa base et de réduire sa dépendance à leurs bienfaiteurs habituels.
Il a indiqué qu’en vertu de son dernier engagement en date, l’Australie versera 80 millions de dollars australiens sur une base pluriannuelle pour assurer un niveau de prévisibilité à l’Office. Il a encouragé les donateurs à envisager des arrangements financiers similaires.
Il a jugé que de tous les atouts de l’UNRWA, son principal était sa neutralité. Il s’est à cet égard félicité des actions entreprises sur ce plan ces dernières années, et a encouragé l’Office à les poursuivre. Toutefois, il a rappelé que l’avenir des réfugiés palestiniens ne reposait que sur une solution politique, dans le cadre d’une solution des deux États qui coexisteraient pacifiquement.
Étant donné l’importance considérable de l’UNRWA, M. MAURO VIEIRA (Brésil) a considéré que ses difficultés financières concernent l’ensemble de la communauté internationale. En tant que membre de la Commission consultative de l’UNRWA, le Brésil a plaidé pour un financement plus adéquat, prévisible et durable de l’Office. Selon son représentant, ses coûts opérationnels les plus essentiels devraient être financés par le budget ordinaire des Nations Unies, une proposition qui, a-t-il indiqué, est également celle du Secrétaire général et d’une large majorité d’États Membres. Il a espéré que l’Assemblée générale pourra adopter une résolution en la matière.
Mme SHIORI AMIYA (Japon) a estimé que le rôle de l’UNRWA est crucial, non seulement pour les réfugiés eux-mêmes, mais aussi pour maintenir la stabilité au Moyen-Orient. En septembre, a –t-elle ensuite rappelé, le Japon, aux côtés de la Jordanie, de la Suède de la Turquie et de l’Allemagne, ainsi que de l’Union européenne, ont organisé une réunion ministérielle sur la situation financière de l’UNRWA. Cette rencontre s’est soldée par la réduction de son déficit financier à hauteur de 64 millions de dollars, grâce à des apports additionnels des participants. Pour le Japon, cela s’est traduit par une aide totale de 45 millions de dollars en 2018, dont 4,5 millions pour appuyer des projets d’énergie solaire à Gaza. Mais, même si la communauté internationale est parvenue à colmater les brèches pour l’année 2018, a averti le délégué, la problématique du financement de l’UNRWA persiste pour les années à venir. Elle a appelé l’agence à poursuivre ses efforts de réduction des coûts, à élargir sa base de donateurs, notamment via des opérations de financement participatif (crowdfunding), et à mettre encore davantage à contribution le secteur privé.
M. ÖNCÜ KEÇELI (Turquie) a jugé injuste de chercher à entraver les opérations de l’UNRWA, soulignant qu’il permet aux réfugiés palestiniens de jouir de leurs droits fondamentaux et allège leur souffrance. La Turquie, qui fait partie du Groupe de travail sur le financement de l’Office, a augmenté son assistance financière et s’est activée pour trouver des solutions créatives à la crise financière que l’Office a traversée cette année. À cet égard, le représentant a rappelé que la Turquie avait coorganisé une réunion sur cette question pendant la semaine de haut niveau de l’Assemblée générale et qu’elle avait aussi participé à la mise en place d’un comité de directeurs d’un fonds d’affectation spéciale pour les réfugiés palestiniens au sein de la Banque islamique de développement (BID).
À ceux qui cherchent, selon lui, à discréditer l’UNRWA, le représentant a répondu que « le mandat de l’UNRWA est limpide ». Il est important que tous les États Membres soutiennent l’Office pour qu’il puisse s’acquitter de sa tâche jusqu’à ce qu’une solution définitive à la question des réfugiés palestiniens soit trouvée.
M. MAHESH KUMAR (Inde) a indiqué qu’en raison des contraintes financières que connaît l’UNWRA, son pays avait multiplié par 5 ses contributions et fournir 5 millions de dollars en 2019. L’Inde réserve 150 places aux étudiants palestiniens dans ses institutions et offre 100 bourses d’études aux réfugiés palestiniens, soit deux fois plus que dans le passé. L’Inde finance également de nombreuses associations à Ramallah, notamment sur les médias.
Le représentant a ensuite constaté que la plupart des contributions de l’UNWRA proviennent de dons volontaires, ce qui représente une base de financement limitée et très instable. Il a averti que le gouffre financier de l’UNRWA lié à la suspension de 400 millions de dollars en contributions n’est pas durable. Il a salué les efforts déployés pour venir en aide à l’UNRWA mais a jugé nécessaire d’envisager des allocations supplémentaires, encourageant également les États Membres à continuer de financer le budget de l’UNWRA, « la meilleure façon de montrer sa solidarité avec le peuple palestinien ».
Après avoir salué le travail « formidable » fourni par l’UNRWA, M. MOHD AINI ATAN (Malaisie) a dit son inquiétude quant à la dégradation de la situation dans les territoires palestiniens occupés, particulièrement à Jérusalem-Est et dans la bande de Gaza. Il s’est aussi alarmé des impacts de la violence armée sur la sécurité des missions d’éducation et de fourniture de soins de l’UNRWA. Il a fait part de son ferme appui à l’UNRWA, précisant que la Malaisie a fourni une aide financière et en nature au Gouvernement de la Palestine, notamment pour reconstruire des communautés palestiniennes.
Mme INA HAGNININGTYAS KRISNAMURTHI (Indonésie) a catégoriquement rejeté la politisation du travail de l’UNRWA, déclarant qu’il ne fallait jamais utiliser les réfugiés en tant qu’outil de négociation sur l’échiquier politique. Elle a estimé que les Nations Unies se doivent d’assurer un financement adéquat et durable pour l’UNRWA, parce qu’après tout, « le problème des réfugiés est un problème mondial ». De plus, le problème des réfugiés palestiniens est un problème que la communauté internationale doit assumer. « C’est notre échec collectif de ne pas avoir su garantir leur droit au retour et à vivre dans la paix et la dignité », a-t-elle lancé.
Soulignant le désespoir des réfugiés palestiniens, avant même que les États-Unis ne décident de réduire leur contribution financière à l’Office, de plus de 300 millions cette année, la représentante a salué la « riposte extraordinaire » de l’UNRWA qui a permis de lever pas moins de 238 millions de dollars dans les six mois suivant la décision américaine. Après avoir condamné la décision américaine, elle a appelé la communauté internationale à jouer son rôle en augmentant sa contribution au budget de l’Office.
M. YAO SHAOJUN (Chine) a constaté que l’UNRWA est actuellement confronté à un défi de nouvelle ampleur et que la communauté internationale dont lui assurer un financement plus prévisible, durable, et stable. Il a indiqué que la Chine attache une importance particulière à l’aide aux Palestiniens et continue de soutenir des projets bilatéraux. Cette année face aux besoins urgents, elle a d’ailleurs ajouté deux millions de dollars supplémentaires à sa contribution.
Le représentant s’est ensuite préoccupé du fait que l’instabilité chronique au Moyen-Orient a détérioré la situation humanitaire des Palestiniens et augmenté les défis à Gaza, ainsi que dans les pays hôtes comme le Liban la Jordanie et la Syrie, confrontés à des difficultés sans précédent. Il est donc urgent d’alléger la pression et d’agir, a-t-il souligné. Il a appelé Israël à lever le blocus de la bande de Gaza pour faciliter l’accès de l’aide humanitaire, pour ensuite faire part de son appui à la solution des deux États.
M. IBRAHIM MODIBBO UMAR (Nigéria) a souhaité un règlement rapide et juste de la question des réfugiés palestiniens. Préoccupé par la situation humanitaire alarmante à Gaza, il a demandé la levée du blocus israélien et la liberté de circulation de tous les Palestiniens. À ses yeux, le règlement de la question palestinienne est lié à celle de la paix au Moyen-Orient, ce qui suppose notamment de mettre fin à la politique de peuplement israélienne. Le Nigéria encourage donc Israël à geler ses activités de peuplement et appelle les dirigeants palestiniens à revenir à la table de négociation.
Mme ASMA AL-HAMMADI (Émirats arabes unis) a appelé les pays donateurs à poursuivre leurs contributions financières pour permettre à l’UNWRA de continuer son travail important. Son pays, a-t-elle souligné, compte parmi les principaux donateurs de l’agence: ainsi en 2017-18 il a versé 173 millions de dollars pour financer l’aide aux Palestiniens. Il a également fourni une contribution supplémentaire pour appuyer les programmes éducatifs et les services de santé, et a versé, en février dernier, 2 millions de dollars pour garantir la livraison des carburants pour faire fonctionner les installations électriques des hôpitaux de Gaza.
M. HUSNI MUSTAFA YAGOUB HUSNI (Soudan) s’est dit conscient de la situation tragique et des souffrances humanitaires du peuple palestinien dans les territoires occupés du fait des actions et exactions israéliennes. Cette situation a été exacerbée par la baisse des contributions au budget de l’UNRWA, s’est-il inquiété, soulignant que le déficit de l’Office met en cause sa capacité d’apporter des services de base, dont l’éducation, aux réfugiés palestiniens. « Priver les enfants palestiniens de l’éducation dispensée par l’Office peut se révéler particulièrement dangereux pour la Puissance occupante parce que ces enfants sont des agents de paix », a souligné le représentant, pour lequel, il n’y a aucune justification possible à vouloir couper les financements de l’éducation.
Il a averti que la « situation sombre du peuple palestinien » le pousse « à se défendre », alors même que le désir de paix dans le monde est croissant. Historiquement, aucun blocus et aucune crise financière n’ont pu mettre un terme au combat d’un peuple, a-t-il souligné, avant d’appeler la communauté internationale à continuer à soutenir l’UNRWA.
M. ANDREY A. TITOV (Fédération de Russie) a insisté sur la nécessité de financer l’UNRWA à partir du budget des Nations Unies, pointant le retrait du plus grand bailleur de fonds de l’Office. Il a condamné cette décision « regrettable », surtout face aux situations d’urgence comme au Liban ou en Syrie, en particulier dans le camp de Yarmouk. Pendant de nombreuses années, a-t-il constaté, l’UNRWA a pourtant réussi à tenir une ligne stable et sans parti pris et à éviter la politisation de ses efforts dans des conditions très difficiles. Pour sa part, la Russie a déjà débloqué 2 millions de dollars d’ici à 2020 et est un participant actif du Quatuor pour le Moyen-Orient.
Le représentant a par ailleurs souligné que le problème des réfugiés « est tout à fait politique », puisqu’il est question du statut des Palestiniens. Faire comme si de rien n’était n’est pas constructif, a-t-il jugé. En attendant l’obtention d’un statut juste, l’UNWRA est un élément essentiel pour venir en aide aux réfugiés palestiniens.
Rappelant le travail fourni par l’UNRWA à destination des 5,6 millions de réfugiés palestiniens, Mgr BERNARDITO CLEOPAS AUZA, Observateur permanent du Saint-Siège, a notamment souligné que l’Office fournit du travail à 13 000 personnes dans la seule bande de Gaza. Un détail qui a son importance quand on sait que le taux de chômage y est de 43%, a-t-il ajouté. Compte tenu de l’absence de solution à court terme, le représentant a estimé qu’un UNRWA en pleine possession de ses moyens est la meilleure prévention contre l’aggravation de la situation « qui coûterait beaucoup plus cher à la communauté internationale ». Compte tenu de cette réalité et de l’instabilité du Moyen-Orient, il s’est alarmé du déficit de plus de 200 millions de dollars auquel fait face l’UNRWA. À ses yeux, la communauté internationale doit faire montre d’une sensibilité accrue à l’égard des réfugiés et démontrer sa solidarité envers l’UNRWA pour qu’il puisse leur fournir l’aide nécessaire.
Sur la question du statut des réfugiés, le Saint-Siège a dit son inquiétude face aux arguments de ceux qui voudraient limiter ce statut à ceux qui ont fui la Palestine en 1948 et en exclure leurs descendants. Cette décision reviendrait à priver ces derniers d’un État et du droit d’y vivre en paix et en sécurité. Soulignant la grande responsabilité de la communauté internationale face à cette situation, le Saint-Siège a fait part de son soutien sans faille envers la solution des deux États comme seule solution viable. Il a appelé, à ce titre, à surmonter les impasses et à retourner à la table des négociations. En attendant le jour où l’on constatera des avancées tangibles, il a plaidé pour que le mandat actuel de l’UNRWA, prévu pour se terminer en 2020, reçoive le soutien politique approprié pour qu’il puisse poursuivre son travail essentiel envers les populations palestiniennes.
Réagissant aux interventions du débat général, le Commissaire général de l’UNRWA, M. PIERRE KRÄHENBÜHL, a remercié les délégations pour leur ferme appui à l’UNRWA, notamment pour leur reconnaissance du travail et du courage de son personnel. « Votre reconnaissance et votre appui revêtent la plus haute importance pour nous », a déclaré le Commissaire général, avant d’inviter les États Membres à « être fiers » des résultats obtenus cette année suite à la crise financière que l’Office a traversée et quasiment surmontée.
S’agissant du débat sur le mandat de l’Office, il a réaffirmé sa nature exclusivement humanitaire, guidé par les principes de neutralité et d’indépendance. Face aux accusations selon lesquelles l’Office définirait son propre mandat et l’aurait modifié au cours des 70 dernières années, M. Krähenbühl a précisé que l’Office ne peut pas modifier son mandat parce que c’est la responsabilité exclusive des États Membres et de l’Assemblée générale.
Peu importe le nombre de fois que certaines accusations sont réitérées, elles n’en restent pas moins fausses, notamment pour ce qui est du statut héréditaire du statut de réfugié palestinien, a poursuivi le Commissaire général, qui a expliqué qu’à l’instar des autres communautés de réfugiés, le droit international prévoit que les réfugiés et leurs descendants sont considérés comme des réfugiés tant qu’une solution finale n’est pas trouvée à leur statut. D’autres communautés de réfugiés de longue date existent d’ailleurs dans de nombreuses parties du monde, à l’instar de celle des réfugiés palestiniens, a-t-il ajouté.
Pour le Commissaire général, l’UNRWA est l’illustration de deux phénomènes: tout d’abord le fait qu’une communauté de réfugiés peut recevoir un appui réel et viable, mais aussi le fait que l’existence même de l’Office est un rappel de « l’échec extraordinaire » de la communauté internationale à trouver une solution à ce conflit.
Les Accords d’Oslo avaient prévu une phase transitoire de sortie pour l’UNRWA, à condition qu’il y ait une paix juste et durable au préalable, a rappelé M. Krähenbühl. Plus personnellement, le Commissaire a été frappé par la tentation de pointer des agents humanitaires alors que le règlement des conflits passe par des solutions politiques. « L’Office ne souhaite pas perdurer à tout jamais », a souligné le Commissaire général, avant de demander aux parties concernées de s’attaquer aux causes profondes du conflit avec plus de détermination. Il a également réfuté le terme de « soi-disant réfugiés », martelant qu’il s’agit bien d’hommes et de femmes dont le statut n’a pas été réglé.
Pour terminer, M. Krähenbühl a remercié les États Membres pour leur générosité et leur soutien au cours de cette année, le qualifiant de « succès remarquable en termes de mobilisation collective ».
Droits de réponse
Le représentant d’Israël a indiqué que l’ONU a appelé à créer deux États mais que les Palestiniens s’y sont refusés. On pointe toujours Israël, en disant que tout est de sa faute, mais ce rituel devrait être révisé: c’est au monde arabe de faire preuve de responsabilité en ce qui concerne les Palestiniens, a-t-il affirmé. Il a notamment appelé les États arabes à faire preuve de plus de volontarisme pour régler le problème au lieu d’essayer de l’envenimer. De son avis, l’approche traditionnelle qui cherche à régler le problème en passant par le droit au retour des réfugiés est une erreur qui ne contribue qu’à perpétuer le conflit et à créer de plus en plus de réfugiés. Il a dénoncé le manque de bonne volonté de la part de la Palestine.
La résolution 194 sur le droit au retour des réfugiés n’est pas juridiquement contraignante et ne donne pas droit au retour des réfugiés, a poursuivi le représentant, indiquant que le texte avait été rejeté par les pays arabes car il sous-entendait la reconnaissance d’Israël. Il a également déploré les faux espoirs que véhicule le texte, notant que ces millions de personnes ne peuvent réellement envisager de retourner sur des terres qu’elles n’ont pas connues. Les Palestiniens n’ont jamais fait le moindre effort pour changer d’objectif: ils exigent un droit au retour des réfugiés au sein d’Israël donc, en fait, ils appellent à la création d’un État dans Israël. Le rapatriement est une préférence mais ce n’est pas un droit, a-t-il souligné.
L’observateur de l’État de Palestine a indiqué qu’en 1948, des centaines de milliers de Palestiniens ont été poussés hors de leurs domiciles et de leur territoire et ont dû fuir devant les milices juives. Il n’y a pas de raison qui expliquent pourquoi ces personnes ne pourraient pas revenir sur leurs terres, dans leurs propriétés une fois les hostilités terminées, a-t-il souligné, avant d’accuser Israël de ne pas vouloir de population arabe sur ses terres. Israël, a-t-il dénoncé, veut les terres sans les peuples. C’est une purge ethnique documentée, car on a refusé délibérément le retour des réfugiés palestiniens immatriculés dans leurs villages. Le droit au retour est bien un droit pour les populations et la résolution 194 a son importance, a-t-il affirmé.
Reprenant la parole, le représentant d’Israël a dit avoir « entendu les exigences doubles de la Palestine: un droit au retour et un État ». Israël, a-t-il souligné, a accepté la solution des deux États et estime qu’il faut trouver une solution à la crise des réfugiés dans le cadre de l’État futur qui sera établi. « Il ne peut pas y avoir un droit au retour et un État palestinien dans le même temps », a estimé le représentant.
Il a également mis l’accent sur la discorde qui existe entre le leadership palestinien de Gaza et de Ramallah. C’est à cause de cette discorde que l’État palestinien n’a pas encore vu le jour, a estimé le représentant. « Les deux parties se détestent plus qu’elles détestent Israël », a-t-il poursuivi, expliquant qu’Israël n’a pas de vis-à-vis qui puisse parler au nom de tous les Palestiniens. D’ailleurs, le Président palestinien ne peut pas se rendre à Gaza, a-t-il commenté. Pour sa délégation, il est hors de question que 5,4 millions de réfugiés palestiniens reviennent, car ce serait la fin de l’État israélien.