« La paix n'est pas trouvée, la paix est construite », souligne le Recteur de l’Université de la paix à la Quatrième Commission
Cet après-midi, la Quatrième Commission s’est penchée sur l’Université pour la paix (UPEACE), un point de son ordre du jour* qui revient tous les trois ans.
Elle a également adopté, par consensus, le projet de résolution sur cette question par lequel l’Assemblée générale demanderait à nouveau au Secrétaire général de créer, sous son patronage, un fonds d’affectation spéciale pour la paix afin de faciliter le versement de contributions volontaires à l’Université. L’Assemblée, par ce texte, prierait de faire davantage appel à l’Université, dans le cadre de l’action qu’il mène en vue de régler les différends et de consolider la paix, pour la formation du personnel, en particulier, du personnel chargé du maintien et de la consolidation de la paix, de manière à renforcer ses capacités dans ce domaine, ainsi que pour la promotion de la Déclaration et du Programme d’action en faveur d’une culture de paix et du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
C’était l’occasion pour le Recteur de l’Université, M. Francisco Rojas-Aravena, de faire le point sur la mission de cette institution, une mission d’autant plus pertinente dans le contexte mondial actuel. Il était accompagné de deux membres de son rectorat, la lauréate du prix Nobel de la paix, Mme Ouided Bouchamaoui, de Tunisie, et le Chancelier de l’Université, M. Enrique Baron, de l’Espagne.
Dans un contexte mondial marqué par une profonde transformation du système international avec la reconfiguration des relations géostratégiques et de la géopolitique mondiale, le recteur a souligné que cette restructuration est caractérisée par des incertitudes. « Un nouvel équilibre dans les relations de pouvoir entre les principaux acteurs reste à trouver » dans la mesure où ces changements ont entraîné une crise du système multilatéral, à la fois aux niveaux mondial et régional, ainsi que l’émergence des visions à fort poids nationaliste ou « populistes » qui s’accompagnent de protectionnisme économique.
Pour M. Rojas-Aravena, seule la coopération permettra de faire face aux risques issus de la mondialisation et de l’interdépendance et, à défaut, il sera impossible d’arrêter ou de limiter l’érosion de la gouvernance démocratique, de l’état de droit et de la démocratie. C’est précisément pour cette raison qu’il est impératif de remettre à l’honneur les espaces multilatéraux pour concevoir, reconstruire et consolider les biens communs de toute l’humanité, a-t-il martelé, soulignant à cet égard le rôle privilégié de l’ONU et de l’UPEACE.
Reprenant une citation du fondateur de l’Université pour la paix, l’ancien Président costaricien Rodrigo Carazo Odio, il a rappelé que « la paix n’est pas trouvée, la paix est construite ». La mission de son Université est précisément « de fournir à l’humanité, une institution internationale d’enseignement supérieur au service de la paix ».
C’est sur une idée de l’ancien Président Carazo Odio, que cette institution académique internationale avait été mise en place par l’ONU en 1980. L’Université pour la paix est basée au Costa Rica et a pour objectif de promouvoir une culture internationale de la paix: elle doit favoriser entre tous les êtres humains un esprit de compréhension, de tolérance et de coexistence pacifique; elle doit encourager la coopération entre les peuples et contribuer à réduire les obstacles et les menaces à la paix et au progrès dans le monde. À ce jour, l’UPEACE a formé plus de 2 200 étudiants, dont 54% sont des femmes, a souligné son recteur, avec fierté.
La délégation du Soudan a d’ailleurs salué ce taux élevé de femmes diplômées de l’Université. Elle a cependant soulevé la question de la répartition des ressources de l’Université entre le Costa Rica et ses deux centres régionaux africains, le premier à Addis-Abeba et l’autre à Kampala, et a invité son recteur à prévoir plus de visites régionales dans ces deux centres.
Réagissant à cette intervention, le recteur de l’UPEACE a expliqué que le Programme pour l’Afrique est plus important que jamais et que le Bureau d’Addis-Abeba est, en effet, très utile pour examiner les situations de conflit sur le continent. Il a indiqué que la principale activité de l’Université, outre les séminaires et le suivi d’étudiants thésards, est de délivrer une maîtrise en droits de l’homme pour les membres de la police de l’Ouganda. Sur l’aspect financier, le recteur a regretté certaines coupes budgétaires mais il s’est engagé à poursuivre ses visites dans les centres régionaux, à condition d’en avoir les moyens.
M. Rojas-Aravena a ensuite rebondi sur cet échange pour encourager les pays africains à allouer deux bourses par pays, de manière à créer « une masse critique d’étudiants africains » à l’UPEACE.
Dans le même contexte, le représentant du Costa Rica, qui a également présenté la résolution, a salué la création de nouvelles alliances régionales comme le Programme pour l’Afrique, qui vise à développer les capacités des universités africaines en matière de paix, genre, gestion des conflits, gouvernance, sécurité et développement.
Pour le recteur d’UPEACE, « former et éduquer à la réalisation d’une paix durable consiste à promouvoir le multilatéralisme, le partage des responsabilités, la compréhension mutuelle, l’égalité des sexes et l’inclusion ». Il a également mis l’accent sur l’importance des actions préventives qui doivent être fondées sur une meilleure connaissance et reconnaissance des causes profondes des conflits afin d’ouvrir des espaces de négociation.
C’est précisément ce qu’a fait l’Université au cours des trois dernières années, par une série d’activités menées en collaboration avec plusieurs agences des Nations Unies, dans des domaines importants liés au multilatéralisme mondial. Parmi celles-ci figure le Programme « Femmes et désarmement », mis en œuvre au Moyen-Orient, en Afrique, en Asie du Sud-Est et en Amérique latine, en collaboration avec le Bureau des affaires de désarmement, a indiqué le recteur. De même, en ce qui concerne le renforcement de l’état de droit et la protection des droits de l’homme, l’Université a offert un programme de maîtrise en droit international des droits de l’homme au Honduras, qui a été suivi par 100 participants (juges, procureurs et défenseurs des droits de l’homme). Cette activité a été développée conjointement avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la Direction du développement et de la coopération (DDC) et l’Union européenne. Avec l’Institut interrégional pour la recherche des Nations Unies sur la criminalité et la justice (UNICRI), basé à Turin, elle a finalisé la première édition de la maîtrise de droit en criminalité transnationale et justice, la deuxième édition étant en cours.
Par ailleurs, UPEACE a été reconnue par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Gouvernement du Costa Rica, avec le sceau « Intégration vivante ». Cette distinction lui a été accordée pour le travail humanitaire réalisé dans le cadre de l’exécution du programme « de transfert et de protection », qui fournit un abri temporaire aux citoyens à risque dans le Triangle du Nord (Guatemala-Honduras-El Salvador).
L’éducation pour une culture de la paix et de la non-violence est un investissement essentiel, a poursuivi le recteur, avant de rappeler les six départements de l’Université - droit international, environnement et développement, études de la paix et des conflits, études régionales, enseignement à distance, et programme de doctorat. Il a ensuite passé en revue la partie des programmes qui traite des objectifs de développement durable comme l’éducation et l’environnement. Enfin, il a souligné l’importance des accords d’alliance avec des partenaires, y compris universitaires, et avec les donateurs.
L’appui des États Membres permettra à l’Université pour la paix d’obtenir des résultats encore meilleurs en matière de formation de nouvelles générations d’agents de la paix. « Avec votre soutien, nous aurons une Université pour la paix plus active, dynamique et renforcée, mieux à même de contribuer à la réalisation d’une paix durable. Si nous voulons la paix, nous devons travailler pour la paix! » a-t-il conclu.
* La Commission était saisie du rapport du Secrétaire général sur la question (A/73/313)