Inquiétudes à la Troisième Commission face à la résurgence du populisme nationaliste et des déclarations racistes ou d’intolérance
La dernière décennie a été le témoin de la résurgence du populisme nationaliste, et les déclarations racistes, xénophobes et intolérantes, jadis confinées à des plateformes extrémistes, sont devenues un courant dominant, avec des conséquences désastreuses pour la jouissance des droits de l’homme, a déploré aujourd’hui, devant la Troisième Commission, la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, Mme E. Tendayi Achiume. Un constat repris par le Président du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale M. Nourredine Amir, qui a averti que l’Histoire a prouvé que rallumer les tensions ethniques pouvait avoir de dangereuses conséquences si elles n’étaient pas gérées de manière appropriée.
La Troisième Commission entamait l’examen de deux questions à son ordre du jour, qu’elle poursuivra mardi : le « droit des peuples à l’autodétermination » et à l’« élimination du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée ». Le premier point a été limité à la présentation par le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, M. Andrew Gilmour, d’un rapport du Secrétaire général. Aucune délégation n’a pris la parole sur ce point.
M. Gilmour a également présenté deux autres rapports du Secrétaire général, traitant respectivement des efforts mondiaux visant à l’élimination totale du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance et des activités mises en œuvre dans le cadre de la Décennie internationale concernant les personnes d’ascendance africaine.
Mme Achiume présentait deux rapports: l’un, centré sur la menace que fait peser le populisme nationaliste sur les principes fondamentaux de la non-discrimination des droits de l’homme et l’égalité, l’autre consacré à la lutte contre la glorification du nazisme, du néonazisme et d’autres pratiques qui contribuent à des formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance associée. Pour elle, l’impact le plus visible du populisme nationaliste sur l’égalité raciale réside dans l’apparente escalade de la violence, des crimes et des discours racistes et xénophobes dans différentes parties du monde. Peut-être moins visible, mais tout aussi troublante, est l’exclusion structurelle que le populisme nationaliste peut accélérer par le biais de lois et de politiques discriminatoires qui semblent neutres à première vue.
À la suite de la Rapporteuse spéciale, de nombreuses délégations, à l’image de l’Afrique du Sud ou de Cuba, se sont inquiétées de la réémergence d’idéologies violentes, qui s’appuient sur la ségrégation raciale, et de la prolifération des discours de haine, qu’elles ont dénoncées surtout dans les pays développés. Le Maroc s’est, quant à lui, préoccupé de la montée du racisme et de l’intolérance religieuse, alors que la Fédération de Russie dénonçait le néonazisme et la glorification de certains crimes de la Seconde Guerre mondiale, notamment dans les pays baltes ou en Ukraine. Plusieurs délégations ont également condamné l’attaque sanglante perpétrée durant le week-end contre une synagogue à Pittsburgh, aux États-Unis, attaque qui semblait illustrer les propos de M. Amir sur les « dangereuses conséquences » d’organisations extrémistes qui promeuvent et incitent à la haine raciale, et notamment à la suprématie raciale.
Comment mieux lutter contre la discrimination raciale? Pour M. Michal Balcerzak, Président du Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine, soutenu par le Mouvement des pays non alignés, les organisations africaines et les pays latino-américains et caraïbes, il faut compléter la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale par de nouvelles mesures, dans la logique de la Déclaration et du Programme d’action de Durban. Ils appellent donc à la mise en place d’un forum permanent des personnes d’ascendance africaine et souhaitent l’adoption d’une déclaration sur la promotion et le plein respect des droits de l’homme des personnes d’ascendance africaine, le Brésil ayant demandé s’il serait possible de mener à bien, en même temps, les deux projets. Si l’Union européenne a fait part de son scepticisme face à ses projets, leurs défenseurs estiment qu’ils viendraient combler les « lacunes » de la Convention de 1966.
La Troisième Commission avait auparavant achevé sa discussion générale sur la protection et la promotion des droits de l’homme. Comme les jours précédents, les délégations ont avant tout déclaré leur engagement en faveur des droits de l’homme et fait part des mesures prises au niveau national. En revanche, plusieurs organisations internationales ont tiré la sonnette d’alarme sur la situation de millions d’individus à travers le monde, victimes de violations diverses de leurs droits.
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a ainsi déploré la disparition de quelque 100 000 personnes, nombre sans précédent mais appelé à croître encore en raison des conflits armés. Le CICR a expliqué avoir lancé un projet qui vise à améliorer la prévention et répondre à ces cas de disparition au niveau mondial.
Pour sa part, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a rappelé qu’il y avait 285 millions de migrants dans le monde, là aussi un nombre en croissance toujours plus forte. L’OIM déplore les nombreuses violations des droits des migrants, en particulier de ceux qui sont en situation irrégulière et donc particulièrement vulnérables. Elle voit toutefois dans l’adoption prochaine du pacte sur les migrations un document qui offre « une occasion unique d’améliorer la gouvernance de la migration dans le monde ». Enfin, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a dénoncé une nouvelle augmentation, pour la troisième année consécutive, du nombre de personnes qui souffrent de la faim dans le monde. Son rapport annuel se concentre, lui aussi, sur le phénomène de la migration qui aggrave les risques d’exposition à la faim.
Demain, mardi 30 octobre, la Troisième Commission poursuivra à partir de 10 heures sa discussion générale sur le droit des peuples à l’autodétermination et sur l’élimination du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée.
PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME
Suite et fin de la discussion générale
Mme PAULOMI TRIPATHI (Inde) a estimé qu’à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, la communauté internationale se devait d’examiner les progrès réalisés, s’agissant de l’évolution du cadre normatif comme de l’efficacité des méthodes adoptées. Pour la représentante, les débats des dernières semaines devant la Troisième Commission conduisent les délégations à se poser la question fondamentale de l’approche la plus efficace pour traiter de la promotion et de la protection des droits de l’homme. Nous considérons qu’une approche basée sur le dialogue, la consultation et la coopération, avec pour principes directeurs la non-sélectivité et la transparence, nous serait plus utile, a-t-elle fait valoir. À cet égard, a-t-elle souligné, le succès de l’Examen périodique universel aide et guide les États Membres à respecter leurs obligations en matière de droits humains, les recommandations qui découlent de ce processus interactif étant mises en œuvre dans le contexte national.
M. ALEJANDRO GONZALEZ BEHMARAS (Cuba) a réitéré la volonté de son pays de coopérer avec tous les organes des Nations Unies œuvrant dans les domaines des droits de l’homme. Cuba est prête au dialogue sur la base d’un respect réciproque de l’égalité souveraine des États. Le représentant s’est élevé contre toutes les tentatives de politisation ou manipulation de ces droits, ce qui « affaiblirait leur rôle ». Il s’est dit convaincu qu’un fonctionnement efficace et objectif des organes des Nations Unies exige une représentation géographique équitable. Il a déploré que les actions des États-Unis aillent à l’encontre du multilatéralisme et des principes des Nations Unies. Il a estimé en outre que le blocus imposé par les États-Unis à l’encontre de Cuba constituait une violation flagrante par les États-Unis des droits de l’homme du peuple cubain.
Mme HAYFA ALI AHMED MATAR (Bahreïn) a affirmé que son pays respecte l’ensemble des droits de l’homme en vertu de sa Constitution et croit en la dignité de tous les hommes sur la base de la justice internationale. L’islam a confirmé cet état de fait depuis quatre siècles, a souligné la représentante, affirmant que le Bahreïn est un pays pionnier en matière de droits de l’homme et notamment des droits de la femme. La femme a tous les droits au sein du Royaume, sans que cela porte atteinte à la charia islamique, a-t-elle affirmé.
Réitérant par ailleurs la nécessité de respecter les droits des travailleurs, la représentante a déclaré qu’au Bahreïn les syndicalistes étaient protégés contre les licenciements. Nous combattons également le trafic des êtres humains et nous assurons que notre pays n’est pas le terrain de telles pratiques, a-t-elle poursuivi, jugeant enfin que le pays est un modèle exemplaire en matière de coexistence entre les religions, ce dont témoigne la création d’un centre national pour le dialogue interreligieux.
M. HABIB MIKAYILLI (Azerbaïdjan) a fait état des mesures prises par son pays en matière de protection des droits de l’homme, et notamment sur le fait que l’Azerbaïdjan est l’un des 33 États à jour de la remise de leurs rapports aux différents organes de traités de droits de l’homme.
Le représentant a insisté sur le soutien de son pays au mécanisme de l’Examen périodique universel (EPU), « un mécanisme qui examine les droits de l’homme dans tous les pays sur un pied d’égalité ». Il a ainsi fait observer que l’Azerbaïdjan faisait partie des 15 pays qui ont soumis volontairement des rapports à mi-parcours sur la mise en œuvre des recommandations issues de l’EPU.
Mme NICOLA-ANNE SINGH (Singapour) a déclaré que l’engagement de Singapour à la promotion et à la protection des droits de l’homme était le reflet des circonstances uniques de ce petit pays, densément peuplé au profil ethnique et religieux divers. Revenant sur les troubles que le pays avait connus lors de la période ayant suivi son indépendance, la représentante a expliqué que l’objectif du pays concernant les droits de l’homme était de construire une société juste et inclusive. Singapour estime que l’exercice des droits individuels crée des responsabilités équivalentes, et que l’équilibre entre les droits des individus et les droits de la société est un exercice en constante évolution.
Singapour ne veut pas se montrer dogmatique sur la question des droits de l’homme, a insisté la représentante, pour qui les discussions au sein de la Troisième Commission ont démontré qu’il n’existe pas un modèle unique de droits de l’homme applicable à tous. Mme Singh a enfin dénoncé le fait que certains pays se permettent d’imposer leur point de vue à d’autres pays en ce qui concerne les droits de l’homme.
Mme NADYA RIFAAT RASHEED, État de Palestine, a remercié M. Michael Lynk, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Palestine, pour son dévouement à son mandat. Revenant sur le rapport de ce dernier, elle a dénoncé la Puissance occupante, qui continue sa violation constante du droit international en Palestine occupée dans l’impunité la plus totale. « L’occupation illégale et inhumaine d’Israël contrevient à tous les principes du droit international et des droits de l’homme » a dénoncé Mme Rasheed, déplorant les démolitions incessantes de maisons palestiniennes, la confiscation de terres, l’expansion de la colonisation ainsi que le mur, les disparitions forcées de civils palestiniens et les constantes tentatives d’annexion du territoire palestinien par le Gouvernement israélien.
Mme Rasheed a, de plus, dénoncé le caractère raciste, agressif, expansionniste de l’occupation ainsi que son total manque de respect pour les droits des Palestiniens. « La forme la plus vile de cette punition collective est le blocus illégal de la bande de Gaza, où deux millions de Palestiniens sont inhumainement défavorisés, isolés, appauvris et traumatisés depuis une décennie » a-t-elle ajouté.
Enfin, Mme Rasheed a déploré les formes systématiques des politiques et pratiques israéliennes qui constituent une claire violation du droit international, correspondant à des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Elle a dénoncé des violations des droits de l’homme aussi illégales que l’occupation elle-même. Elle a enfin appelé à la fin de la colonisation, de toutes les politiques illégales contre le peuple palestinien ainsi qu’à la restauration de la solution à deux États dans les frontières de 1967.
M. MARWAN ALI NOMAN AL-DOBHANY (Yémen) a passé en revue les différentes institutions mises en place par son gouvernement pour la promotion et la protection des droits de l’homme. Il est, en outre, revenu sur les souffrances endurées par le peuple yéménite, du fait d’une situation politique qui remonte au 21 septembre 2014. Il a mis en cause les milices houthistes, les accusant d’avoir violé tous les droits de l’homme dans son pays. Les civils ont été déplacés, les villes occupées, les mines ont fait 2 millions de victimes, dont au moins 987 morts, a-t-il énuméré. Il a accusé les houthistes d’exploiter la situation économique des civils pour recruter des enfants. Ce sont quelque 20 000 enfants qui sont concernés, a-t-il déploré, soulignant que 1 500 de ces enfants soldats étaient morts dans des combats. Il a en outre dénoncé les agressions des milices houthistes à l’encontre des groupes chargés d’apporter l’aide et l’assistance au peuple du Yémen.
Mme MARINA IVANOVIC (Serbie) a reconnu que la situation des droits n’était idéale dans aucun pays au monde. Il faut pourtant trouver des solutions, notamment pour les personnes vulnérables et les membres de groupes minoritaires, a-t-elle plaidé, indiquant que son pays accordait une grande importance à l’octroi aux minorités du droit de parler leur langue. C’est la raison pour laquelle la Serbie revendique ce droit pour la minorité serbe du Kosovo, afin qu’elle puisse parler en serbe et utiliser l’alphabet cyrillique, a poursuivi Mme Ivanovic. Or la majorité albanaise de la province ne respecte pas les droits de la communauté serbe, a affirmé la représentante. Cette minorité a, au contraire, été la cible de plus de 90 attaques ethniquement motivées, y compris des orthodoxes qui se rendaient dans une église, a-t-elle dénoncé, qui a en outre déploré que très peu de ces incidents aient été condamnés par les autorités du Kosovo. Elle a en outre rappelé l’assassinat d’un homme politique serbe et les mauvais traitements imposés à d’autres personnes d’origine serbe. Tout en appelant en conclusion à un nécessaire dialogue entre Belgrade et Pristina, centré en particulier sur le respect des droits des minorités non albanaises, Mme XXX a tenu à réaffirmer que la Serbie ne reconnaîtrait jamais la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo.
Mme LILIANA STEPHANIE OROPEZA ACOSTA (Bolivie) a souligné le contexte de crise humanitaire et migratoire ainsi que l’intolérance et les inégalités qui marquent la situation dans le monde. Pour la représentante, il y a là un recul en matière de droits de l’homme, notamment en raison d’une répartition inégale des richesses, alors que le monde célèbre le soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
La Bolivie, a poursuivi la représentante, a œuvré pour la promotion de l’égalité du genre. Sa loi électorale appuie la parité et l’alternance, et les femmes ont de plus en plus droit à la propriété terrienne. Beaucoup de progrès ont aussi été réalisés à l’égard de la population LGBTI, avec l’interdiction de toute discrimination. L’identité de genre figure d’ailleurs dans la Constitution de la Bolivie, ainsi que le droit des peuples autochtones.
Mme AGNES COUTOU, Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a mis l’accent sur les personnes disparues, que les conflits armés continuent de multiplier à un rythme qui va croissant. Le CICR recherche ainsi plus de 100 000 personnes dans le monde, plus qu’il n’en a jamais eu à traiter, bien qu’il ne représente qu’une petite partie du problème. Pour le CICR, plusieurs facteurs contribuent à cette « crise des disparus », à commencer par son ampleur et l’impact intergénérationnel que les cas de disparition ont sur les familles, les communautés et les sociétés.
Mme COUTOU a également cité l’internationalisation renouvelée et accrue du problème, avant de formuler trois recommandations pour y remédier. Il faut tout d’abord empêcher les personnes de disparaître, ce qui implique notamment d’enregistrer les personnes privées de liberté. Deuxièmement, l’impartialité doit être une règle d’or pour les disparus et leurs familles. Enfin, il convient de procéder à des échanges de bonnes pratiques en la matière. À cet égard, le CICR a lancé, cette année, un projet sur quatre ans afin d’améliorer la prévention et répondre à ces cas de disparition au niveau mondial.
M. KIERAN GORMAN-BEST, Organisation internationale pour les migrations (OIM), a rappelé qu’il y avait 285 millions de migrants dans le monde, nombre en croissance toujours plus forte. Rappelant que la Déclaration universelle des droits de l’homme reconnaît la dignité et l’égalité en droit de tous les individus, M. Gorman-Best a estimé que cela impliquait que la protection des droits ne dépend pas du lieu où un individu se trouve dans le monde.
L’OIM déplore que les migrants soient soumis à de nombreuses violations de leurs droits et que ceux qui sont en situation irrégulière y soient particulièrement vulnérables, notamment du fait qu’en raison même de leur statut, ces derniers osent rarement se plaindre et vivent en situation d’isolement extrême.
Pour M. Gorman-Best, la réalisation de l’objectif 10.7 du Programme de développement durable à l’horizon 2030, relatif à des migrations sûres, ordonnées et régulières, exige des États la facilitation de l’accès à la justice pour tous les migrants, quel que soit leur statut.
Le représentant s’est félicité de l’adoption prochaine du pacte sur la migration, un document qui, pour l’OIM, offre « une occasion unique d’améliorer la gouvernance de la migration dans le monde ». L’OIM aide les États à promouvoir une gouvernance basée sur les droits de l’homme aux niveaux local, régional et international et notamment par un renforcement des capacités dans la création et la mise en œuvre de lois protégeant les droits des migrants, a encore rappelé M. Gorman-Best.
Mme SARAH S. F. A. O. ALZOUMAN (Koweït) a voulu saisir l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de la Déclaration de Vienne pour réitérer la contribution de son pays à la promotion des droits de l’homme dans le monde. Pour elle, la démocratie, la paix et le développement durable sont indivisibles et se renforcent mutuellement. La représentante a affirmé que tous les droits étaient garantis dans son pays et a insisté sur les droits des étrangers vivant au Koweït. « Nous apprécions ces travailleurs et leur contribution au développement du pays et les considérons comme nos partenaires », a-t-elle ajouté.
La représentante, qui a par ailleurs rappelé que son pays avait ratifié la plupart des instruments internationaux de droits de l’homme, a aussi déploré la situation des Rohingya et souligné que son pays encourage le dialogue pour la réconciliation en Syrie.
Mme MARIPAZ MIKUE ONDO ENGONGA (Guinée équatoriale) a déclaré que la plus grande préoccupation des autorités de son pays était d’assurer le bien-être de son peuple. La protection et la promotion des droits de l’homme constituent donc une priorité nationale, à laquelle la Constitution révisée a donné un nouvel élan, a-t-elle souligné, évoquant l’accélération des réformes par le Gouvernement afin d’améliorer les droits économiques et sociaux de la population. La représentante a également fait état de l’établissement d’un défenseur du peuple et d’un poste de Vice-Premier Ministre chargé de la défense des droits humains.
En harmonie avec nos objectifs de développement durable, le Gouvernement a aussi mis en œuvre un plan de développement qui inclut des mesures en faveur de l’urbanisation, du logement, de l’assainissement et de l’accès aux zones rurales, a encore fait valoir Mme Engonga. Ce plan comprend en outre des mesures pour améliorer la santé, notamment pour réduire la mortalité infantile et maternelle. Enfin, la Guinée équatoriale travaille avec le Bureau du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) au renforcement de sa commission nationale des droits de l’homme et du rôle des organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme.
Mme SHEILA GWENETH CAREY (Bahamas) a souligné que son pays accordait la plus haute importance à la promotion et à la protection des droits de l’homme, car c’est le fondement même du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Pour la représentante, les libertés fondamentales se doivent d’être protégées, et elle s’est félicitée que les Bahamas soient le premier petit État insulaire anglophone à rejoindre le Conseil des droits de l’homme. À cet égard, elle a indiqué que son pays comptait partager son expérience et les leçons retenues au niveau régional et, partant, sa perspective unique.
Mme KAREN PIERCE, CMG (Royaume-Uni) a affirmé qu’à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, son pays maintenait son engagement à protéger et promouvoir ces droits dans le monde entier. À cet égard, nous avons la responsabilité de plaider en faveur des droits des plus faibles et des plus vulnérables, a ajouté la représentante. Mme Pierce a également appelé à agir en faveur des journalistes détenus, torturés ou tués parce qu’ils cherchaient la vérité, des personnes victimes de discriminations, quelles que soient leur sexe, leurs convictions ou leur religion, de ceux qui sont jugés pour apostasie, de ceux qui travaillent dans des conditions intolérables, qui ont dû quitter leur pays en raison de conflits ou de menaces, qui défendent les droits des autres et pour les jeunes filles qui sont discriminées dès leur naissance. « Si nous ne voulons pas faire des laissés-pour-compte, assurons-nous d’être libres pour progresser », a-t-elle conclu.
Mme MALEEHA LODHI (Pakistan) a indiqué que le cadre juridique pour la promotion des droits de l’homme était bien présent mais que, malheureusement, « nous avons échoué dans sa mise en œuvre », laquelle représente « le plus grand défi ». Des millions de personnes font face à l’occupation étrangère et aux violations de leurs droits du fait des conflits armés, a ajouté la représentante, qui a cité, à cet égard, l’impunité et le déni par l’Inde du droit à l’autodétermination des peuples du Jammu-et-Cachemire, en violation des résolutions du Conseil de sécurité.
Mme CARLA MUCAVI, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a fait observer que la faim dans le monde était en hausse pour la troisième année consécutive, le nombre des personnes souffrant de malnutrition ayant atteint presque 821 millions d’individus en 2017, contre 804 millions en 2016. Comme l’a souligné la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation, les travailleurs agricoles sont parmi ceux qui vivent le plus dans l’insécurité alimentaire alors qu’ils contribuent de façon majeure à la réalisation du droit à une alimentation adéquate pour tous, a observé la représentante. Les migrations qui font suite à des situations de précarité ou d’exposition aux changements climatiques constituent un facteur aggravant, comme le rappelle le dernier rapport annuel de la FAO, qui se concentre sur le phénomène de la migration, a-t-elle ajouté.
Mme Mucavi s’est par ailleurs félicitée du projet de déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, déjà adopté en septembre par le Conseil des droits de l’homme. Cette déclaration se réfère aux personnes qui, malgré leur contribution à la lutte contre l’insécurité alimentaire, se retrouvent confrontées à la faim, a-t-elle souligné, rappelant que parmi ces personnes, certaines font face à des niveaux sans précédents de vulnérabilité, en particulier les femmes et les autochtones, dont les droits à la terre sont souvent ignorés dans les normes et législations.
Mme Mucavi a donc estimé que protéger et augmenter les droits à la terre des petits producteurs devait constituer une priorité, de même que la reconnaissance du rôle vital joué par les paysans, les bergers, les nomades, les pêcheurs et les autochtones dans le maintien des systèmes alimentaires. Il est essentiel de respecter leurs droits par le biais des déclarations et conventions existantes du système de l’ONU, a-t-elle conclu.
Droit de réponse
Exerçant son droit de réponse, le représentant de l’Égypte a regretté les accusations de l’Union européenne, basées selon lui sur des arguments politisés, propagés par certains groupes connus. « Nous réfutons ces arguments » basés sur le ouï-dire, a déclaré le représentant, qui s’est interrogé sur les véritables motifs du ciblage de son pays. L’Égypte respecte l’état de droit et la liberté d’expression et de presse et cela figure dans la Constitution de 2014. Les activistes et manifestants emprisonnés avaient violé le Code pénal. En outre, la plupart ont été acquittés par la justice, et il existe en outre la procédure du pardon présidentiel. L’Égypte déplore une politique de « deux poids, deux mesures » de l’Union européenne. Son représentant a dénoncé certains de ses États Membres, dont l’Allemagne et le Royaume-Uni, s’agissant de la violation des droits des minorités.
ÉLIMINATION DU RACISME, DE LA DISCRIMINATION RACIALE, DE LA XÉNOPHOBIE ET DE L’INTOLÉRANCE QUI Y EST ASSOCIÉE
Déclaration liminaire
M. ANDREW GILMOUR, Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, a présenté trois rapports du Secrétaire général, touchant pour les deux premiers à la question de l’élimination du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, et le troisième au droit des peuples à l’autodétermination.
Le premier rapport du Secrétaire général porte sur l’Appel mondial à l’action pour l’élimination totale du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance qui y est associée et pour l’application intégrale et le suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Durban , a indiqué M. Gilmour. Il fournit une mise à jour des activités menées dans ce domaine par les États Membres et les organisations non gouvernementales ainsi que par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et les mécanismes de suivi de la Déclaration de Durban. Il encourage les États Membres qui ne l’ont pas encore fait à concevoir des plans d’action nationaux pour lutter contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée.
Le deuxième rapport traite de la mise en œuvre du Programme d’activités relatives à la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine. Il comprend notamment des exemples de profilage appliqué à des personnes d’ascendance africaine et les réponses à un questionnaire adressé aux parties prenantes. Il conclut que la pratique du profilage par les forces de l’ordre va à l’encontre des conventions internationales et n’est pas un instrument efficace. Il demande aux États Membres d’interdire cette pratique.
Enfin, le troisième rapport du Secrétaire général est consacré à la réalisation universelle du Droit des peuples à l’autodétermination. Il rappelle les obligations des États pour promouvoir ce droit conformément à la Charte de l’ONU et rappelle que les organes conventionnels contribuent à la protection de ce droit au travers de leur jurisprudence. Il conclut que la réalisation de ce droit permettra la pleine réalisation des droits de l’homme, a encore précisé M. Gilmour.
Déclaration liminaire
M. MICHAL BALCERZAK, Président du Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine, a dressé un tableau alarmant de la situation de ces personnes, avertissant contre une « discrimination structurelle ». Outre sa profonde préoccupation face aux manifestations croissantes, ouvertes et souvent tolérées de racisme et de xénophobie à l’encontre des personnes d’ascendance africaine partout dans le monde, il s’est dit inquiet de « l’indifférence générale à l’égard des inégalités sociétales, raciales et ethniques, et du manque d’engagement concernant les questions raciales ». Pour M. Balcerzak, cette indifférence à l’égard de la souffrance de personnes d’ethnie ou de race différente et le manque de responsabilité créent le fondement d’une « discrimination raciale structurelle ».
Le rapport annuel du Groupe de travail donne un aperçu des activités de celui-ci et contient un résumé du débat thématique de cette année et les recommandations. En mars de cette année, sa session a été consacrée au « Cadre pour une déclaration sur la promotion et le plein respect des droits de l’homme des personnes d’ascendance africaine », conformément au Programme d’activités relatives à la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, a rappelé M. Balcerzak.
Pour le Président du Groupe de travail, le processus préparatoire de la Déclaration est une occasion d’examiner l’impact des injustices historiques et du racisme structurel sur les personnes d’ascendance africaine et de remédier à leurs conséquences. Il s’agit également d’élaborer des droits qui ne sont pas encore inscrits dans le cadre juridique international et qui sont spécifiques aux expériences des personnes d’ascendance africaine.
Tout en faisant part de la disposition du Groupe de travail à contribuer à l’élaboration de la future déclaration, M. Balcerzak a estimé que celle-ci devrait établir ou réaffirmer des normes internationales relatives aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, individuels et collectifs, des personnes d’ascendance africaine et détailler l’ensemble de leurs droits.
Le Groupe de travail a recommandé que les États respectent le droit des membres des communautés de personnes d’ascendance africaine à participer aux décisions qui les concernent et développent des politiques de tolérance zéro à l’égard du suprémacisme blanc, ainsi que d’autres idéologies extrémistes, discours de haine, et incitation à la haine.
Par ailleurs, durant la période examinée, le Groupe de travail s’est rendu au Guyana et en Espagne. M. Balcerzak a fait part de sa satisfaction face à la volonté affichée par les Gouvernements des deux pays de s’engager à travers le dialogue, la coopération et l’action pour combattre la discrimination raciale.
Lors de sa visite au Guyana, du 2 au 6 octobre 2017, le Groupe de travail a invité le Gouvernement à nommer le plus tôt possible les membres du Comité des droits de l’homme et à lancer les réformes du système judiciaire afin de garantir le droit à un procès équitable sans retard excessif et à veiller à ce que les personnes qui interagissent avec lui pendant sa visite ne fassent pas l’objet de préjugés, de menaces, de harcèlement ou de sanctions.
Lors de sa visite du 19 au 26 février 2018 en Espagne, le Groupe de travail a visité Madrid, Barcelone, Almería et Ceuta. Le Groupe a salué en particulier la présentation au Parlement d’une loi complète sur la discrimination et la création d’une direction générale de l’égalité au sein du Ministère de la présidence. De même, il s’est félicité que le Congrès espagnol ait approuvé un décret-loi élargissant l’accès des migrants sans papiers à la santé, dans les mêmes conditions que les personnes de nationalité espagnole.
Toutefois, le Groupe de travail reste préoccupé par les écarts entre la loi et la pratique en matière de protection des personnes d’ascendance africaine contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie, l’afrophobie et l’intolérance qui y est associée. Il est notamment alarmé par les conditions de vie épouvantables des travailleurs migrants en Espagne, en particulier à Almería. S’il reconnaît les efforts déployés par l’Espagne en ce qui concerne la crise des migrants et les opérations de sauvetage en mer qui ont permis de sauver de nombreuses vies, le Groupe de travail constate aussi la persistance des expulsions et des refoulements collectifs aux frontières de l’Espagne à Ceuta et Melilla, ainsi qu’une différence d’approche en matière d’asile entre le continent et Ceuta et Melilla.
Sur un registre plus global, M. Balcerzak a indiqué que le Groupe de travail s’attelait à élaborer des directives opérationnelles sur l’inclusion des personnes d’ascendance africaine dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030, afin que les processus de programmation nationaux soient inclusifs et traitent des droits fondamentaux des personnes d’ascendance africaine, entre autres.
Enfin, le Président du Groupe de travail a encouragé les États Membres à trouver les moyens de parvenir à un consensus sur les modalités du forum pour les personnes d’ascendance africaine lors de la présente session de l’Assemblée générale, afin que ce forum -qu’il voit comme un mécanisme de consultation important pour entendre les voix des personnes d’ascendance africaine et de toutes les autres parties prenantes- puisse se tenir l’année prochaine.
Dialogue interactif
Lors du dialogue avec M. Michal Balcerzak, le Maroc a déploré les discours haineux qui entravent le développement des personnes d’ascendance africaine et a demandé quelles difficultés avaient été rencontrées dans le processus d’élaboration de la déclaration pour les personnes d’ascendance africaine.
Plusieurs délégations se sont félicitées de voir le rapport mettre l’accent sur le projet de déclaration. Le Brésil, qui est favorable à un tel texte, estime qu’associé à la mise en place d’un forum permanent sur cette question, il constituerait une avancée majeure pour la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, après cinq ans de travaux. Le Brésil aimerait savoir s’il serait possible de mettre en place le forum et la déclaration dans le même temps. Le Mexique a rappelé que les personnes d’ascendance africaine –elles sont plus d’un million au Mexique– avaient contribué et continuaient de contribuer à la société mexicaine. Le Mexique entend aussi poursuivre son travail avec le Groupe de travail et aimerait savoir comment les États pourraient le compléter afin de mieux cerner les contributions de ces populations.
L’Afrique du Sud estime en outre que la création d’un forum permanent sur les personnes d’ascendance africaine, appelé à devenir un instrument consultatif, est essentielle afin que ces personnes puissent se réunir avec les parties prenantes. Pour la délégation, cette question implique aussi d’évoquer les dédommagements pour en finir avec des siècles d’exploitation. Il faut, selon elle, fonder un nouvel ordre économique fondé sur la non-discrimination. À cet égard, elle a demandé au Président du Groupe de travail de s’étendre sur le sujet de la propriété foncière.
L’Union européenne a déclaré être engagée à lutter contre les discriminations et le racisme et a demandé au Rapporteur spécial s’il pouvait faire état de bon exemple de pratiques optimales? Elle a également demandé quelle serait la valeur ajoutée d’une déclaration, étant donné les droits fournis par des textes déjà existants et notamment la Déclaration de Durban?
La République islamique d’Iran a rappelé son engagement à lutter contre le racisme sous toutes ses formes et a assuré qu’elle continuerait à le faire, notamment en rejetant les discours de haine et le racisme qui ciblent les personnes d’ascendance africaine. Elle a par ailleurs réitéré son attachement à l’égalité de toutes les personnes et sa volonté d’éliminer toutes les formes de discrimination dans la société, s’appuyant en cela sur la Déclaration de Durban, et son Programme d’action.
Réponses
Dans ses réponses, M. MICHAL BALCERZAK a estimé que la valeur ajoutée d’une déclaration viendrait de ce qu’elle comblerait des lacunes du cadre juridique actuel. Même si nous le saluons et pensons que ce cadre va être grandement amélioré, a-t-il ajouté, la déclaration traite de nouveaux domaines que l’on pourrait qualifier de nouveautés normatives. « Et c’est ce que l’on attend de cette déclaration », a-t-il ajouté. En outre, la déclaration ne devrait pas être envisagée comme un résultat final, mais comme un processus qui refléterait le Programme d’action de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine pour exiger la justice et le développement de ces personnes. La déclaration ne serait pas un instrument juridique supplémentaire mais un moyen d’attirer l’attention sur les droits des personnes d’ascendance africaine, a insisté M. Balcerzak.
Au Brésil, qui demandait quelles étaient les prochaines étapes pour atteindre les objectifs du forum, M. Balcerzak a expliqué que le Groupe de travail était prêt à contribuer à cet exercice. Ce Groupe travaille depuis 10 ans de manière très efficace pour collecter des rapports et recommandations et je crois qu’il s’agit d’un cadre qui pourrait bénéficier à la déclaration, a-t-il encore ajouté.
Quant à la question des réparations et du droit foncier, le Président du Groupe de travail a expliqué que c’était la priorité de son ordre du jour et qu’il avait consacré beaucoup de temps à l’examen de ces questions. Il a de plus expliqué qu’il soutenait le plan d’action en 10 points de la Communauté des Caraïbes et avait appuyé un certain nombre d’efforts dans ce domaine.
Déclaration liminaire
Mme E. TENDAYI ACHIUME, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, a précisé qu’elle présentait non seulement son premier rapport thématique annuel, centré sur la menace que fait peser le populisme nationaliste sur les principes fondamentaux de la non-discrimination des droits de l’homme et l’égalité, mais aussi son rapport sur l’application de la résolution 72/156 de l’Assemblée générale sur la lutte contre la glorification du nazisme, du néonazisme et d’autres pratiques qui contribuent à des formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance qui y est associée.
Le rapport thématique cherche à élucider les menaces du populisme nationaliste pour la jouissance de l’égalité raciale et les obligations des États en matière de droits de l’homme en vue d’éliminer le racisme direct et structurel, a souligné Mme Achiume. L’impact le plus visible du populisme nationaliste sur l’égalité raciale est, selon elle, l’apparente escalade de la violence, des crimes et des discours racistes et xénophobes dans différentes parties du monde. Peut-être moins visible, mais tout aussi troublante, est l’exclusion structurelle que le populisme nationaliste peut accélérer par le biais de lois et de politiques discriminatoires qui semblent neutres à première vue.
À cet égard, a expliqué la Rapporteuse spéciale, le rapport met en lumière le caractère racial de cette exclusion structurelle et explique pourquoi les États doivent prendre des mesures afin de s’acquitter de leurs obligations en vertu du droit international relatif aux droits humains. Notant que la dernière décennie a été le témoin de la résurgence du populisme nationaliste, Mme Achiume a relevé que les politiques racistes, xénophobes et intolérantes, jadis confinées à des plateformes extrémistes, sont devenues un courant dominant, avec des conséquences désastreuses pour la jouissance des droits de l’homme. Des idéologies populistes nationales prônant la supériorité raciale et les pratiques discriminatoires, l’exclusion et l’intolérance ont pris racine plus profondément, attisant souvent un discours de haine, voire des violences meurtrières contre les minorités et les groupes racialisés.
Dans ses variantes les plus dangereuses, le populisme nationaliste déploie une vision monolithique et exclusive de ce qui est qualifié de « peuple ». Il alimente alors la colère sociale et la violence contre tous ceux qui ne sont pas « le peuple », peu importe de savoir si ces groupes bénéficient d’un statut d’élite. Par exemple, a expliqué la Rapporteuse spéciale, les conceptions populistes nationalistes du « peuple » excluent les minorités sexuelles et de genre non conformes, et contribuent à l’augmentation du nombre de crimes et d’incidents motivés par la haine contre des personnes LGBTQI. Les femmes sont également systématiquement exclues de la pleine appartenance au « peuple », tandis que les visions populistes nationalistes d’exclusion sont hautement racialisées, en violation du droit international relatif aux droits humains.
Mme Achiume a précisé que son rapport contenait une série de recommandations concrètes, dont la première est que les États doivent reconnaître qu’ils ne peuvent concilier l’exclusion structurelle inhérente au populisme nationaliste avec le respect de leurs obligations juridiques en matière de droits de la personne en vue de réaliser l’égalité raciale. Les États Membres doivent, à tous les niveaux gouvernementaux, lutter contre la discrimination raciale que provoquent et exacerbent les mobilisations populistes nationalistes, a-t-elle fait valoir, soutenant que la société civile, les médias et les particuliers peuvent jouer un rôle important et efficace dans la lutte contre le racisme et l’expression xénophobe.
La Rapporteuse spéciale a ensuite présenté son rapport sur la glorification du nazisme, du néonazisme et des pratiques connexes, qui relève que le développement de la technologie numérique, y compris Internet et les réseaux sociaux, n’a pas seulement ouvert des perspectives sociétales positives mais aussi contribué à la propagation de mouvements haineux, notamment le néonazisme ou l’idéologie associée, transformant les plateformes numériques en véhicules de haine et d’incitation à la discrimination, à l’intolérance et à la violence raciale, ethnique et religieuse.
Les néonazis et les groupes haineux s’appuient de plus en plus sur Internet et les plateformes de médias sociaux pour recruter de nouveaux membres, ciblant souvent les jeunes à travers leur consommation de nouvelles technologies, a-t-elle observé. Ils utilisent également Internet pour propager des images et des images racistes et diffuser des stéréotypes néfastes sur les musulmans, les juifs, les personnes d’ascendance africaine, les migrants ainsi que les femmes et les lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués.
Pour Mme Achiume, les obligations en matière de droits humains visant à protéger et à garantir l’égalité raciale exigent des États Membres qu’ils combattent les manifestations directes et indirectes du néonazisme ou de l’idéologie intolérante qui y est liée, y compris dans l’espace numérique. Elle a noté à ce propos que de nombreux États et entreprises avaient adopté des mesures positives afin de lutter contre la glorification du nazisme et du néonazisme en ligne. Cependant, davantage doit être fait, a-t-elle plaidé, en exhortant les États à remédier à la discrimination raciale, réduire les écarts racialisés de la société, interdire les discours de haine et empêcher la propagation des idéologies basées sur la supériorité raciale.
Dialogue interactif
Lors du dialogue avec Mme E. Tendayi Achiume, plusieurs délégations, à l’image du Mexique, de la Turquie ou encore de l’Union européenne, ont condamné l’attentat meurtrier perpétré durant le week-end à Pittsburgh aux États-Unis contre une synagogue et ont adressé leurs condoléances à la communauté juive et aux États-Unis.
Par ailleurs, le Mexique, confirmant son appui aux efforts de l’ONU pour promouvoir l’élimination du racisme et de la discrimination raciale, a demandé l’avis de la Rapporteuse spéciale sur les obligations des États lorsque des groupes politiques mènent des actions au titre de l’article 4 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. L’Union européenne a assuré agir au niveau de ses institutions contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, les directives européennes sur la liberté d’expression rappelant par ailleurs que les droits protégés en ligne doivent l’être aussi hors ligne. Elle a souhaité savoir quelle méthodologie Mme Achiume recommande pour que les organisations internationales puissent lutter contre ce fléau et quelles seraient les pratiques optimales permettant de lutter contre les discours de haine.
Le Royaume-Uni s’emploie à faire vivre les différentes communautés présentes sur son territoire sur la base du droit partagé. Il a mené, en 2017, un audit sur les disparités raciales afin de mieux comprendre comment les membres de ces communautés étaient traités. Sur ce point, la délégation a voulu savoir comment la communauté internationale pourrait mieux travailler ensemble pour faire reculer le racisme. Convaincue pour sa part que toute personne a le droit à la protection de ses droits humains, indépendamment de sa race, la Belgique a déployé d’importants efforts afin de faire de la lutte, contre toutes les formes de racisme, une priorité aux niveaux national et international. Elle a notamment lancé avec l’Afrique du Sud le Groupe d’amis contre le racisme, afin que les différents États Membres puissent coordonner leurs actions en la matière.
L’Afrique du Sud, qui a remercié la Rapporteuse spéciale d’avoir axé son rapport sur le nationalisme populiste et sur les discours qui nourrissent la haine et la discrimination, a rappelé le colonialisme et l’apartheid qui ont marqué le pays et s’est dit inquiète de la réémergence d’idéologies violentes qui s’appuient sur la ségrégation raciale. Elle s’est toutefois félicitée des tendances mondiales et régionales exposées par Mme Achiume et a indiqué s’employer à lutter contre ce fléau au niveau national. Elle a aussi souhaité en savoir plus sur les mesures politiques permettant d’atténuer les facteurs qui nourrissent le populisme.
Cuba s’est dite préoccupée par la prolifération des discours de haine, surtout dans les pays développés et a demandé quelles mesures pourraient être adoptées dans ces pays afin qu’ils respectent leurs obligations au regard de la Convention. Il a aussi souhaité savoir quelles mesures le Gouvernement des États-Unis pourrait adopter pour résoudre les schémas racistes dans ses institutions, compte tenu notamment du grand nombre d’Afro-Américains tués par les forces de police dans ce pays.
Le Maroc s’est dit préoccupé par la montée du racisme et de l’intolérance religieuse, notamment islamophobe. Vu la nature complexe de ce fléau, il juge nécessaire de recourir à une approche globale intégrant les acteurs-clefs, à savoir les États, les organisations non gouvernementales (ONG) et la société civile. Il a, d’autre part, voulu savoir quelles sont les pratiques optimales et les enseignements tirés par Mme Achiume en matière de lutte sur les propos racistes diffusés sur Internet. Où se limite la liberté d’expression et où commence l’incitation à la haine et à la discrimination raciale?
La République islamique d’Iran a souligné que la discrimination sur la base de la race allait à l’encontre de l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, avant de dénoncer les mesures coercitives et extraterritoriales prises par les États-Unis, qui nuisent aux populations civiles des pays ciblés.
Préoccupée elle aussi par la prolifération du racisme et de la discrimination raciale, la Turquie a, d’autre part, regretté que la Rapporteuse spéciale se soit intéressée à la situation des médias dans le pays sans s’être suffisamment renseignée. Nous avons dû faire face à une situation exceptionnelle liée aux actions de l’organisation terroriste Fethulla Gülen, a-t-elle fait valoir, dénonçant une approche sélective de la part de Mme Achiume. Elle lui a demandé si elle pouvait dire comment elle compte traiter, dans le cadre de son mandat, les groupes qui diffusent des discours de haine.
La Hongrie a rejeté comme sans fondement les accusations portées à son encontre par la Rapporteuse spéciale. Ainsi, le nouveau paquet législatif visant à réduire l’immigration illégale s’inscrit dans le cadre des actions de régulation que doit mener le pays en tant que membre de l’Union européenne. La Hongrie juge également regrettable que seule une dizaine d’ONG aient été consultées par Mme Achiume alors que des milliers d’autres travaillent en Hongrie. La Hongrie garantit le droit d’asile aux personnes arrivant d’un pays où elles sont persécutées ou courent le risque d’être exposées à la persécution.
La Fédération de Russie a estimé que les questions posées par Mme Achiume étaient d’actualité car les technologies de l’information et des communications (TIC) sont utilisées par des forces nationalistes radicales. Elle a déploré à cet égard que les idéologies nazies et néonazies profitent du laisser-faire des autorités de certains pays pour s’adresser à la société. Dans les pays baltes, a-t-elle poursuivi, sont régulièrement organisées des réunions de nostalgiques de la Waffen-SS. En Pologne également, on constate des actes de vandalisme sur des monuments de l’Holocauste et des cimetières. En Ukraine, enfin, les idéologies néonazies se répandent, de même que l’intolérance religieuse. Pour la Fédération de Russie, il faut lutter contre toutes ces formes de racisme et de discrimination raciale. Elle souhaite une réaction de l’Ukraine à cet égard.
La République arabe syrienne a jugé important que des mesures soient prises sous la houlette des Nations Unies pour mettre fin aux discours de haine et à la diffusion d’idéologies racistes et intolérantes. Nous devons travailler main dans la main pour faire reculer le racisme et la discrimination raciale, a plaidé la délégation.
Réponses
Dans ses réponses, Mme E. TENDAYI ACHIUME a, à son tour, présenté ses condoléances à la congrégation victime de l’attaque de Pittsburgh, estimant qu’un tel évènement devrait inciter à redoubler d’efforts « contre le climat actuel qui permet des discours de haine ». C’est, a-t-elle expliqué, un des axes de son travail que de faire le lien entre les discours de haine et de tels incidents.
Pour lutter contre le populisme, Mme Achiume a invité à investir dans la solidarité transnationale: « dans mon rapport sur les néonazis, je rappelle que les idéologies sont parfois transnationales et qu’il faudrait donc que les luttes le soient également », a-t-elle expliqué. Elle a notamment estimé que les États devraient s’engager en faveur de l’égalité entre les races et inclure les minorités comme « des acteurs clefs qui définissent et composent une nation ». C’est pourquoi il faut prendre au sérieux la Décennie des personnes d’ascendance africaine, a-t-elle plaidé, déplorant que « parfois, dans certains contextes, il y ait du déni et de l’aveuglement face à des actes que l’on refuse de qualifier de discrimination ou de racisme ».
Pour Mme Achiume, il existe des stratégies efficaces pour faire avancer la lutte antiraciste et notamment l’approche intersectorielle. Cela revient à dire qu’on ne peut se limiter à ajouter simplement les termes « d’égalité des sexes » sur le papier mais qu’il faut concrètement associer femmes, personnes LGTBI et autres minorités à la prise de décisions. Elle a également mentionné l’approche structurelle, qui revient à se demander ce qu’est la discrimination raciale et comment arriver à l’égalité entre les races au niveau global, mais également l’approche participative, qui revient à inclure les victimes et leur permettre de participer à la prise de décisions.
Quant à la question de la limite à la liberté d’expression, la Rapporteuse spéciale a expliqué que c’était quelque chose qu’elle essayait de traiter notamment dans le cadre de la question des néonazis. Elle a insisté sur le fait que la liberté d’expression et l’égalité entre les races ne devraient pas être perçues comme en conflit.
Déclaration liminaire
M. NOURREDINE AMIR, Président du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, qui s’exprimait devant la Troisième Commission pour la première fois, a expliqué les principales préoccupations de son Comité, dont il a présenté le rapport d’activité, portant sur ses trois dernières sessions.
M. Amir a ainsi déploré la montée du racisme, de la discrimination raciale et de la xénophobie, exprimés dans de nombreux pays sous formes de discours et de crimes haineux, notamment parmi les personnages publics. Ces discours prennent pour cible les migrants, indépendamment de leur statut, mais principalement ceux qui sont illégaux, les réfugiés et les demandeurs d’asile, a-t-il ajouté. Il a, à ce propos, appelé les États parties à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale à prendre des mesures pour contrer ce phénomène.
M. Amir a aussi regretté la résurgence d’organisations extrémistes qui promeuvent et incitent à la haine raciale, et notamment à la suprématie raciale, ainsi que les affrontements ethniques ou ethnoreligieux qui persistent dans certains pays. L’Histoire a prouvé que rallumer les tensions ethniques pouvait avoir de dangereuses conséquences si elles n’étaient pas gérées de manière appropriée, a-t-il mis en garde.
M. Amir s’est également dit attristé de la situation des migrants, dont les flux ont considérablement augmenté, ce qui impose des défis à de nombreux États et suscite des sentiments négatifs vis-à-vis des migrants de la part des populations des pays hôtes, sentiments souvent extériorisés sous forme de xénophobie et de violences racistes. Le Président du Comité a également mentionné le fait que les conséquences de l’esclavage et de la colonisation étaient encore vivaces et profondément ancrées dans certains pays, se matérialisant en discriminations structurelles, stigmatisations et profilage racial.
Le Président du Comité a ensuite expliqué qu’un nouvel État -Singapour- était venu s’ajouter, depuis l’an dernier, à la liste des parties à la Convention, qui compte désormais 179 hautes parties contractantes. Il a appelé à une ratification universelle de celle-ci. Il a cependant déploré que plus de 49 États parties aient des rapports en retard depuis plus de 10 ans, et 18 d’entre eux plus de 5 ans. Il a aussi rappelé le rôle des communications et a encouragé les États à accepter ces procédures, qui permettent de prendre des mesures additionnelles en faveur des victimes de discrimination raciale.
En conclusion, M. Amir a abordé la question des ressources, dont dépend la capacité du Comité à gérer les demandes des parties. Il a encouragé les États Membres à doter le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme des ressources nécessaires au soutien des organes de traités.
Dialogue interactif
Lors du dialogue avec M. Nourredine Amir, le Venezuela, au nom du Mouvement des pays non alignés, a rappelé que 2018 marquait le centenaire de la naissance de Nelson Mandela, dont l’héritage « était toujours une source d’inspiration du fait de son courage ». Il a rappelé que le Mouvement des pays non alignés avait exprimé sa condamnation à l’égard de toutes les discriminations raciales qui, « toutes, sont des violations des droits de l’homme », ainsi que des obstacles à l’égalité. Il a aussi rappelé l’engagement du Mouvement en faveur de la Déclaration de Vienne ainsi que de celle de Durban. Le Mouvement respecte la souveraineté des États mais est préoccupé par les pratiques inhumaines de certains États face à la migration, ainsi que par les violations des droits de l’homme basées sur des idéologies racistes suprématistes. Il a appelé notamment que soient trouvées des réponses à la question des familles migrantes séparées de leurs enfants et a souhaité que le futur pacte sur la migration apportera un changement.
L’Espagne s’est déclarée préoccupée par la tendance à la prolifération des actes racistes à l’échelle mondiale, laquelle est exacerbée par des flux migratoires continus. Soulignant qu’aucun pays n’est exempt de ce problème, et que la Convention est donc plus pertinente que jamais, elle a noté que le Comité avait toujours su réagir pour venir en aide aux États pour qu’ils respectent leurs engagements. À cet égard, elle a voulu savoir comment renforcer le rôle de l’éducation pour prévenir tout type de discrimination.
Le Brésil a estimé qu’il était crucial de garder à l’esprit l’importance des normes en matière de lutte contre le racisme et la discrimination raciale. Il a souhaité avoir l’avis de M. Amir sur l’élaboration d’une déclaration sur les droits des personnes d’ascendance africaine.
L’Union européenne a indiqué qu’à l’approche des 50 ans de la Convention, elle entendait réaffirmer sa condamnation de toutes formes de racisme et de discrimination raciale. Soulignant l’importance de progrès supplémentaires en vue de la ratification universelle de cette Convention, elle a demandé à M. Amir d’évaluer le mécanisme d’alerte rapide et de préciser comment le Comité compte renforcer le processus. Elle a, d’autre part, encouragé tous les organes conventionnels à proposer davantage de procédures simplifiées, et a voulu savoir comment le Comité entendait faire pour harmoniser ses pratiques avec celles des autres organes.
La Belgique a fait valoir que l’universalisation de la Convention était cruciale pour les efforts de prévention et de lutte contre le racisme et la discrimination raciale. Se félicitant par ailleurs que le Comité permette aux États de passer par la procédure simplifiée, elle a regretté que celle-ci ne soit proposée qu’aux pays n’ayant pas soumis de rapport depuis cinq ans. C’est là un mauvais message, a-t-elle commenté.
La Slovénie a estimé que la Convention a permis aux États de sauvegarder les droits des personnes dans le monde et a appelé à œuvrer pour sa ratification universelle. Elle a demandé à M. Amir comment il entendait traiter les défis présents et nouveaux. Elle a aussi voulu savoir s’il parvient à obtenir suffisamment de rapports, y compris par le biais de la procédure simplifiée.
La Lettonie a rappelé qu’en août le Comité contre la discrimination raciale avait examiné son rapport. Ces dialogues avec le Comité donnent un nouvel élan et de nouvelles idées, estime la Lettonie, qui a toutefois émis quelques critiques à l’endroit de cet organe conventionnel, observant que les informations qui apparaissent dans son rapport sont parfois incomplètes et non mises à jour. Pour mieux utiliser la liste de questions et les ressources de collecte, il faudrait, selon elle, que les experts aient assez de temps pour éplucher les données les plus récentes. Elle a suggéré pour cela que le Comité accepte des réponses écrites, ce qui permettrait de gagner du temps.
Le Japon, dont le rapport a été examiné au mois d’octobre, a assuré traiter de la même manière toutes les personnes au regard du droit et déployer tous les efforts pour que chaque individu puisse s’épanouir sans discrimination. Évoquant d’autre part les travaux du Comité, il a estimé qu’il devait procéder à tous les examens sur la base des informations fournies par l’État partie, les institutions des Nations Unies et la société civile.
Les États-Unis ont mis l’accent sur la description faite de la situation grave en Chine, notamment au regard des mesures de discrimination prises dans le Xianjing où des milliers de personnes seraient forcées à renoncer à leur religion. Les autorités chinoises sont convaincues qu’elles peuvent effacer des religions et mettre fin à l’ethnicité, a accusé la délégation, notant que des hommes sont mis en prison parce qu’ils ont des barbes, refusent de regarder la télévision d’État, pratiquent le ramadan ou ont des pratiques funéraires traditionnelles. Dénonçant par ailleurs les pratiques chinoises à l’encontre des langues des minorités et les placements en centres de rééducation, la délégation a jugé ces mesures disproportionnées et demandé au Comité de suivre la situation.
Le Mexique a dit avoir interdit la discrimination par le biais d’une clause antidiscriminatoire à l’article premier de sa Constitution. Le pays dispose en outre d’une loi fédérale et de 31 lois locales contre ce fléau. Évoquant le mécanisme d’alerte précoce, il a demandé à M. Amir de présenter l’expérience du Comité sur son fonctionnement. Il a par ailleurs demandé quels sont les obstacles qui empêchent la mise en œuvre de la Déclaration de Durban.
La Chine a répondu aux États-Unis en notant que des cas de discriminations raciales sont dénoncées régulièrement sur le territoire américain. Elle a aussi relevé que les peines de prison pour les hommes afro-américains sont 19,1 fois plus élevées que pour les prisonniers blancs. En ce qui concerne les homicides, les taux d’inculpation contre les Afro-Américains sont aussi beaucoup plus élevés que contre des individus blancs. Selon le FBI, a poursuivi la délégation, 6 100 cas de violence raciale ont été enregistrés l’an dernier aux États-Unis, ce qui est un record. Dans le même temps, les suprémacistes blancs sont très actifs et le Gouvernement reste silencieux, tout en faisant des commentaires discriminatoires à l’encontre de pays étrangers et en voie de développement. Dans ce contexte, la Chine demande à la communauté internationale de dénoncer les pratiques discriminatoires des États-Unis.
Réponses
Dans ses réponses, M. NOURREDINE AMIR a rappelé que son Comité était une entité impartiale qui a pour vocation d’aider les États, « tous les États », et qui intervient entre l’État partie et la Convention. « Nous avons la responsabilité d’être les outils des États pour les aider à améliorer leurs propres outils juridiques afin d’agrandir le cercle des libertés de la démocratie », a-t-il ajouté. À propos de l’homogénéisation des méthodes de travail des organes de traités, M. Amir a estimé qu’elle impliquait davantage de réunions et donc plus d’assistance financière. Il a appelé les États à allouer des ressources supplémentaires pour continuer cet effort.
Discussion générale
Au nom du Groupe des 77 et la Chine, M. EMAD SAMIR MORCOS MATTAR (Égypte) s’est dit préoccupé par le retour alarmant du fléau du racisme dans nos sociétés. Des formes nouvelles d’injustice persistent partout: les préjugés et la haine continuent d’accabler nos sociétés, a-t-il souligné, exprimant l’inquiétude du Groupe face à l’augmentation des actes d’incitation à la haine et à l’utilisation du profilage racial contre les personnes d’ascendance africaine. Le représentant a aussi condamné la mauvaise utilisation des technologies de l’information et de la communication et d’Internet, devenu un refuge pour certains groupes idéologiques.
Soulignant le rôle crucial que doit jouer l’éducation pour prévenir la diffusion de discours de haine, le représentant a jugé important de se concentrer sur la destruction des stéréotypes et d’augmenter la prise de conscience dans les différentes cultures et religions. Dans ce contexte, il a réaffirmé le soutien du Groupe à la Convention et à la Déclaration de Durban ainsi qu’à son Programme d’action. La réactivation du fonds spécial pour la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine devrait être prioritaire, a-t-il encore estimé, avant d’appuyer la mise en place d’un forum des personnes d’ascendance africaine, appelé à devenir un instrument consultatif.
Mme FATIMA ALFEINE (Comores), au nom du Groupe des États d’Afrique, s’est déclarée préoccupée par la résurgence du populisme nationaliste et du phénomène de menaces graves a l’égalité dans le monde et a condamné toutes les formes de mouvements populistes nationalistes qui menacent la non-discrimination dans la jouissance des droits fondamentaux.
Le Groupe des États d’Afrique déplore un échec de la lutte contre le racisme, notamment au vu des discours haineux répandus par les autorités publiques à tous les niveaux, « un facteur qui permet au racisme de se perpétuer ». La résurgence de ce fléau doit inciter les États Membres à élaborer des normes supplémentaires à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale pour combler ses lacunes. Pour le Groupe des États d’Afrique, la Déclaration et le Programme d’action de Durban restent le cadre international de lutte contre le racisme. Il appelle donc à son application effective et entière.
Au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), M. RUBÉN ARMANDO ESCALANTE HASBÚN (El Salvador) a fait valoir que la participation de tous est essentielle pour parvenir à la réalisation des objectifs de développement durable à l’horizon 2030. Cela passera par le respect des droits de l’homme de chacun. Or, pour beaucoup d’êtres humains, la capacité de jouir des droits humains dépend de leur nationalité ou de leur statut migratoire, a fait observer le représentant.
La CELAC entend réaliser un suivi solide de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine afin d’assurer la pleine réalisation des droits de ces personnes. La CELAC appuie également la création d’un forum des personnes d’ascendance africaine, qui doit devenir un mécanisme consultatif du Conseil des droits de l’homme. Elle est préoccupée par le fait que le racisme a toujours un impact fort sur la jouissance des droits civils et politiques mais aussi économiques, sociaux et culturels. Jugeant essentiel d’apporter une attention particulière aux personnes d’ascendance africaine, notamment aux plus vulnérables d’entre elles, la CELAC estime aussi qu’il est nécessaire d’adopter parfois des mesures de discrimination positive pour accélérer l’inclusion sociale, combler les différences en matière d’emploi ou permettre un accès à la justice pour ces personnes.
M. NEVILLE MELVIN GERTZE (Namibie), au nom de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), a expliqué que la région avait connu avec le régime d’apartheid la forme la plus violente de discrimination raciale. Rappelant que 2018 marquait le centenaire de la naissance de Nelson Mandela, « qui a consacré toute sa vie à la lutte pour la dignité humaine », le représentant a estimé qu’il était temps de passer des discours rhétoriques à l’action concrète.
La SADC est convaincue par l’esprit de la Déclaration de Durban, qui exige l’élaboration de normes complémentaires à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Ces normes complémentaires offriraient une protection maximale et prévoiraient des réparations pour les victimes ainsi que des garanties contre l’impunité pour les auteurs de ces actes, a-t-il encore ajouté.
Le représentant a ainsi exhorté tous les États Membres à la ratification de la Convention, ainsi qu’à renoncer aux réserves à l’article 4 de la Convention, qui concerne les mesures positives à prendre par les États. La SADC soutient également la création d’une instance permanente pour les personnes d’ascendance africaine et un instrument contraignant en vue d’assurer la mise en œuvre du Programme action de Durban et fournir ainsi une plateforme pour garantir l’égalité des Afrodescendants.
Au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), M. GLENTIS THOMAS (Antigua et Barbuda) s’est déclaré outré que des millions de personnes soient encore victimes de racisme ou de xénophobie dans le monde. À cet égard, la CARICOM se félicite de l’accent mis sur le problème lié au profilage racial que subissent les personnes d’ascendance africaine, une pratique contraire au droit international. Il faut aider les forces de l’ordre à s’écarter de ce type de pratiques discriminatoires, a plaidé le représentant.
Par ailleurs, la CARICOM s’est engagée à mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030, ce qui implique, selon elle, que les personnes d’ascendance africaine soient associées à ce processus. De fait, la CARICOM propose que tout effort soit déployé afin que les minorités puissent bénéficier d’un soutien adéquat dans tous les programmes de développement, y compris les objectifs de développement durable. La CARICOM est également inquiète face à la résurgence des groupes haineux et des défenseurs d’idéologies extrémistes qui prospèrent grâce à leurs discours racistes. Nous respectons les droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique mais nous jugeons essentiel que les États garantissent que le racisme ne prenne pas racine dans les sociétés, a-t-il souligné.
Estimant enfin que l’Arche du retour installée à l’entrée du Siège de l’ONU à New York illustre notre volonté collective de lutter contre le racisme, le représentant a souligné que ce monument était aussi un rappel de notre sombre passé. En conclusion, il a appelé à la mise en œuvre complète de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et de la Déclaration de Durban.
Mme DORTHE WACKER, Union européenne, a déclaré que l’engagement de l’Union européenne à combattre le racisme, la xénophobie et toutes les formes de discrimination et d’intolérance était basé sur les obligations du Traité de l’Union européenne, ainsi que sur le cadre légal de l’Union, qui a été développé pour combattre les discriminations, la xénophobie et les crimes haineux. La représentante a mentionné certaines des directives européennes prises en ce sens, entre autres, celle sur l’égalité raciale ainsi que celle sur l’égalité dans l’emploi. Elle a aussi rappelé que l’Union s’était dotée d’une législation qui oblige les États membres à incriminer l’incitation publique à la violence ou à la haine contre des groupes de personnes ou des membres de groupes définis en référence à leur race, couleur, religion, ascendance, origine nationale ou ethnique.
Toutefois, l’Union européenne a déjà, à maintes reprises, exprimé son scepticisme face à la prolifération d’instruments juridiques et de normes complémentaires à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, telles qu’une possible déclaration sur les droits des Afrodescendants. Elle n’y voit pas le meilleur moyen pour combattre les discriminations.
La représentante a, en revanche, exhorté les États parties à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale à se tenir à jour de leurs obligations de rapport et à accepter les procédures de communication. Elle a également appelé « la vingtaine » d’États Membres des Nations Unies non encore parties à la Convention à le devenir au plus vite. Elle a aussi invité les États parties à accepter l’amendement à son article 8, qui permettrait un meilleur financement de son Comité à partir du budget régulier de l’ONU. Elle a enfin appelé à la mise en œuvre effective de la Convention sur le plan national par les États parties.