Troisième Commission: des experts demandent aux États d’agir plus pour les droits des personnes handicapées, et moins pour réprimer les libertés
La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles a continué aujourd’hui d’examiner la protection et la promotion des droits de l’homme sous tous ses aspects. Elle a ainsi pu discuter notamment des droits des personnes handicapées et des personnes atteintes d’albinisme, domaines dans lesquels les experts de droits de l’homme voudraient voir les États plus actifs, ainsi que des libertés de religion ou de conviction et d’opinion et d’expression, domaines dans lesquels les États ont été invités à se montrer moins répressifs.
Les points centraux du débat de la matinée –interprété en langue des signes- a été la mise en avant des liens entre les droits des personnes handicapées et des personnes atteintes d’albinisme et le Programme de développement durable à l’horizon 2030. À cet égard, la Présidente du Comité des droits des personnes handicapées, mis en place par la Convention relative aux droits des personnes handicapées, Mme Theresia Degener, a rappelé que ladite Convention contenait des indications précieuses pour garantir une mise en œuvre fondée sur les droits de l’homme. De fait, si elle est bien appliquée, la Convention deviendra un puissant outil pour réaliser le Programme 2030, a-t-elle assuré.
« Nous risquons davantage de tomber malade, d’avoir un accident, d’être victimes de violences », a expliqué la Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, Mme Catalina Devandas Aguilar, elle-même handicapée, qui a mis en avant les droits de ces personnes vulnérables en lien avec le droit à la santé. Celle-ci, a-t-elle rappelé, est essentielle au développement durable puisqu’une population en bonne santé étudie davantage, est plus productive et saisit davantage les opportunités. En outre, être handicapé ne signifie pas avoir une « mauvaise santé ». Pour la Rapporteuse spéciale, si l’espérance de vie des personnes handicapées est inférieure à la moyenne, c’est le résultat de « l’inaction des États » qui leur limite davantage qu’aux personnes valides l’accès aux soins de santé généraux, alors même qu’elles en ont davantage besoin. Mme Devandas Aguilar a également insisté sur la nécessité d’obtenir le consentement éclairé des personnes handicapées aux soins qu’on leur propose.
L’Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme, Mme Ikponwosa Ero, avait, elle aussi, consacré cette année son rapport aux effets pour les personnes atteintes d’albinisme de l’engagement principal énoncé dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 consistant à ne laisser personne de côté et à aider en premier lieu les plus défavorisés. Pour Mme Ero, cela suppose que des ressources spécifiques soient allouées dans les budgets nationaux aux victimes de l’albinisme, y compris avec l’aide de la coopération internationale. Étant donnée la prévalence relativement faible de l’albinisme, ces ressources seraient d’un coût abordable pour la plupart des États Membres, alors que le retour sur investissement serait « inestimable pour les droits fondamentaux » des personnes handicapées, a-t-elle plaidé, en dénonçant l’inertie de certains États qui fait que, dans certains pays d’Afrique, la majorité des personnes atteintes d’albinisme décèdent d’un cancer de la peau entre 30 et 40 ans par manque d’accès à de simples crèmes de protection contre le soleil.
Plus que l’inaction des États, ce sont au contraire les nombreuses restrictions que ces derniers imposent à la liberté de religion ou de conviction et à la liberté d’opinion et d’expression qui ont été dénoncées par les Rapporteurs spéciaux mandatés pour étudier ces deux questions, à savoir MM. Ahmed Shaheed et David Kaye.
« Le droit international des droits de l’homme dispose que toute distinction, exclusion ou préférence qui annule ou nuit à la pleine jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales est illégale, à moins que ces distinctions soient faites sur des critères objectifs et raisonnables », a rappelé M. Shaheed. M. Kaye a, quant à lui, dénoncé la répression de l’expression comme une régression de la démocratie et de l’état de droit. « J’exhorte vos dirigeants à parler avec respect pour assurer le rôle crucial de chien de garde du public », a-t-il soutenu, avant d’énumérer certaines des récentes atteintes les plus graves à la liberté d’expression, comme le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi ou l’assassinat, il y a à peine un an, de la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia. Il a aussi dénoncé la répression contre les journalistes des Gouvernements de Turquie ou du Myanmar, ainsi que le comportement du Président des États-Unis, à qui il reproche de présenter les médias comme « des ennemis du peuple ».
Le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression a en outre estimé que la situation sur Internet n’était pas meilleure et s’est inquiété des progrès dans l’utilisation de l’intelligence artificielle. Sachant que cette dernière est développée en général par le secteur privé, il est important que les États comme la société civile en comprennent la nature, du fait des implications qu’aura cette technologie encore très opaque.
La Troisième Commission a enfin entendu l’Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, M. Juan Bohoslavsky. Ce dernier a affirmé que ce sont les femmes qui paient le plus lourd tribut des mesures d’austérité, d’assainissement budgétaire et d’autres réformes économiques et politiques avant de plaider notamment pour une inclusion dans les comptes des États des activités domestiques, essentiellement assurées par les femmes et les filles.
La Troisième Commission poursuivra l’examen de la protection et la promotion des droits de l’homme sous tous ces aspects demain, mardi 23 octobre, à partir de 10 heures. Elle entendra six nouveaux titulaires de mandats de procédures spéciales et commencera ainsi à examiner des situations de pays, à savoir le Myanmar et la République populaire démocratique de Corée.
PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME
Déclaration liminaire
THERESIA DEGENER, Présidente du Comité des droits des personnes handicapées, s’est d’emblée félicitée qu’avec 177 États désormais parties à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, nous soyons « proches d’une ratification universelle » de celle-ci. Elle a toutefois nuancé en rappelant qu’avec 92 États parties, l’état des ratifications du Protocole facultatif –signé et entré en application aux mêmes dates que la Convention- était resté inchangé depuis 2016. Présentant le Comité comme un « partenaire engagé » en matière de sensibilisation sur les droits des personnes en situation de handicap, Mme Degener a appelé les États Membres à doter l’organe de suivi de la Convention des ressources nécessaires à la bonne mise en œuvre de son mandat.
Mme Degener a présenté son exposé en trois volets, relatifs notamment à la promotion continue de la Convention et la coopération avec les partenaires concernés, le processus de renforcement des organes conventionnels sur les droits de l’homme et les travaux récents et en cours du Comité.
Mme Degener a attiré l’attention notamment sur deux points qu’elle a jugés en violation constante des droits de la personne handicapée: le déni de l’accès à la justice de nombre de ces personnes en raison de leur déficience réelle ou perçue, et les droits fondamentaux des femmes et des filles handicapées. Concernant ce dernier point, la Présidente du Comité s’est élevée avec force contre les violations persistantes des droits des femmes et des filles handicapées, notamment en ce qui concerne la santé et le droit en matière de sexualité et de procréation. Cette année, a-t-elle rappelé, son Comité et le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes ont adopté une déclaration commune intitulée « Garantir la santé et les droits sexuels et reproductifs à toutes les femmes, en particulier les femmes handicapées ».
Faisant observer qu’elle était la seule femme au sein d’un Comité composé de 18 membres, Mme Degener a par ailleurs mis en avant la nécessité d’assurer l’équilibre entre les sexes afin d’appeler de manière crédible les États parties à intégrer la perspective du genre en vue de mettre en œuvre les obligations découlant de la Convention.
La Présidente du Comité a également passé en revue les différentes réalisations de ce dernier à l’occasion du dixième anniversaire de l’entrée en vigueur de la Convention et des 10 ans d’activités du Comité. Elle s’est félicitée que « les droits consacrés dans la Convention et de nombreux nouveaux concepts juridiques aient entraîné des changements palpables dans la vie des personnes en situation de handicap ».
Enfin, Mme Degener a rappelé que la Convention contenait des indications précieuses pour garantir une mise en œuvre fondée sur les droits de l’homme. Si elle est appliquée, elle deviendra un puissant outil pour réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030, a-t-elle conclu.
Dialogue interactif
Lors du dialogue avec Mme Degener, la Suisse a rappelé que la Convention sur les droits des personnes handicapées garantissait le droit de jouir du meilleur état de santé possible. Ce droit, a-t-elle rappelé, constitue une base indispensable à la jouissance d’autres droits et les États sont tenus de le mette en œuvre et d’en évaluer la réalisation à l’aide d’indicateurs. La Suisse a donc demandé quelles étaient les premières mesures à mettre en place pour garantir l’accessibilité de toutes les personnes handicapées au système de soins d’un pays.
L’Union européenne –qui est partie en tant que telle à la Convention, en plus de ses États Membres- a salué les commentaires de la Présidente du Comité sur l’éducation de qualité qui, selon elle, s’inscrit dans la mise en œuvre du Programme 2030. À cet égard, elle a demandé comment intégrer les programmes en faveur des personnes handicapées dans le cadre de la réalisation des objectifs de développement durable. Encourageant par ailleurs les États parties à retirer toutes leurs réserves à l’égard de la Convention, l’Union européenne a demandé comment les droits des personnes handicapées pourraient être intégrés aux travaux des autres organes conventionnels.
Le Royaume-Uni a rappelé son engagement à traiter les droits de toutes les personnes, notamment des personnes handicapées, sur un pied d’égalité. Le Royaume-Uni, qui prend au sérieux les engagements du Programme 2030 visant à ne laisser personne sur le bord du chemin, s’emploie à mettre en œuvre la Convention, notamment en prévoyant la création d’un grand nombre d’emplois pour les personnes handicapées. À cet égard, il aimerait savoir quelles mesures pourraient encourager les États à proposer des emplois décents.
Le Japon, qui accorde une grande importance à l’environnement des personnes handicapées, s’est dit soucieux d’améliorer la participation de celles-ci, notamment dans le domaine de l’éducation. Il a souhaité savoir comment fonctionne l’éducation inclusive, droit fondamental pour assurer l’intégration de ces personnes. À cet égard, l’Australie, qui a dit s’être fermement engagée dans la mise en œuvre de la Convention, tant sur le plan national qu’international, a expliqué avoir lancé, à cette fin, une stratégie en faveur des droits des personnes handicapées qu’elle a jugée très utile pour l’inclusivité de ce groupe dans la société.
Le Mexique a salué l’appel de Mme Degener à relever les nombreux défis auxquels les personnes handicapées sont encore confrontées. Le Mexique, qui a mis en place un groupe de travail interinstitutions chargé de l’application réelle de la Convention, a demandé à connaître les principales mesures prises par le Comité pour améliorer la participation politique des personnes handicapées et la reconnaissance de leur capacité juridique.
Enfin, la Fédération de Russie, tout en se disant reconnaissante à la Présidente du Comité de ses évaluations constructives concernant les droits des personnes handicapées, a répété que les observations de caractère général n’étaient que des avis du Comité, qui ne peuvent imposer de nouvelles obligations aux États. De ce fait, elle juge inopportun de les inclure et les utiliser dans les rapports d’examen.
Réponses
Dans ses réponses, Mme THERESIA DEGENER a rappelé que de nombreuses recommandations avaient déjà été détaillées dans ses travaux sur la question de l’éducation inclusive. À cet égard, un des grands défis consiste à intégrer un système d’éducation accessible à tous les enfants handicapés afin de ne laisser personne sur le bord du chemin. On voit souvent des enfants aveugles, ou avec des déficiences mentales, privés d’accès au système éducatif, a-t-elle déploré, avant d’exhorter les États Membres à appliquer les directives du Comité, qui incluent « de très nombreuses mesures qui peuvent être prises pour surmonter la ségrégation dans l’éducation pour que tous les enfants reçoivent une éducation inclusive ».
Concernant les personnes souffrant de handicaps profonds, Mme Degener a expliqué que le Comité avait réalisé que les discriminations dans le domaine de la santé étaient malheureusement très répandues, ce qui fait que « l’une des premières mesures à prendre est de supprimer les discriminations dans le domaine de la santé ». Il faut notamment que les professionnels de la santé considèrent les personnes handicapées comme des personnes détentrices de droits. Elle a, à ce propos, déploré que les personnes handicapées n’aient toujours pas accès aux soins généraux; une personne handicapée peut avoir de la fièvre ou se casser le bras! a-t-elle rappelé; elle devrait avoir accès dans ce cas aux mêmes types de soins que les autres. De plus, a ajouté la Présidente du Comité, les personnes handicapées ont le droit de refuser un traitement. Elle a regretté que ces dernières soient souvent obligées d’accepter des traitements qu’elles n’aiment pas, surtout dans le domaine de la santé mentale, où elles se voient imposer des traitements alors même que cela est contraire à la Convention.
À l’Union européenne, Mme Degener a répondu que, dans ses observations, le Comité incluait les objectifs du Programme 2030 et mettait notamment en avant les liens entre les articles 32.3 et 11 de la Convention et les objectifs de développement durable. Enfin, en réponse à la Fédération de Russie, elle a expliqué avoir bien conscience que les commentaires généraux n’étaient pas contraignants, mais a ajouté qu’ils avaient un élément d’autorité au titre du droit international: Mme Degener estime donc que la Convention lui donne le mandat juridique pour se prononcer et interpréter certains éléments.
Déclaration liminaire
Pour Mme CATALINA DEVANDAS AGUILAR, Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, être une personne handicapée ne signifie pas avoir une « mauvaise santé », puisque l’on peut mener une vie active, productive, longue et en bonne santé. Certes, « nous avons une espérance de vie inférieure » à la moyenne, a reconnu Mme Devandas Aguilar, elle-même handicapée, mais, a-t-elle expliqué, cela est lié aux lacunes en matière de santé qui résultent de « l’inaction des États ». Et d’énumérer la stigmatisation et la discrimination, le manque d’alphabétisation, les obstacles à l’accès aux soins de santé, sans parler des traitements inadéquats, en plus de la pauvreté et de l’exclusion sociale dans lesquelles vivent les personnes handicapées.
La Rapporteuse spéciale a reconnu l’immensité des défis, mais la réponse est, pour elle, sans équivoque: il faut intégrer les droits et les besoins des personnes handicapées dans les soins de santé. C’est le message de son rapport consacré, cette année, aux problèmes que rencontrent ces personnes dans l’exercice de leur droit de jouir du meilleur état de santé possible. En effet, alors même que les personnes handicapées ont moins accès que les autres aux soins de santé généraux, elles en ont davantage besoin. « Nous risquons davantage de tomber malade, d’avoir un accident, d’être victimes de violences », a expliqué la Rapporteuse spéciale. De même, les personnes handicapées risquent davantage de souffrir de maladies induites ou chroniques, comme le diabète ou l’hypertension artérielle ou les maladies cardiovasculaires ».
Pour y parvenir, Mme Devandas Aguilar a suggéré diverses mesures, telles que la révision des cadres juridique et politique, la promotion de la couverture maladie universelle et l’amélioration de l’accessibilité aux services. Il s’agit également de l’obtention de ressources nécessaires pour financer les mesures correspondantes.
À cet égard, la Rapporteuse spéciale a insisté sur la nécessité de garantir l’accès des personnes handicapées aux soins primaires dans le cadre de la couverture maladie universelle. « Trop souvent, ces personnes se voient refuser l’accès aux soins primaires » car « on suppose, à tort », qu’elles ont besoin de services spécialisés. Pire! Que « nos maux n’ont pas de solution » car résultant du handicap.
La réalité est que les soins primaires peuvent répondre à la plupart des besoins des personnes handicapées en matière de santé, a poursuivi Mme Devandas Aguilar. Dans le cas contraire, il s’agit de faire un suivi approprié car la dépendance excessive des personnes handicapées envers des soins spécialisés pose problème: elle peut décourager l’accès aux soins primaires, engendrer des diagnostics et des traitements inutiles, promouvoir la médicalisation de l’invalidité et augmenter le coût des services de santé. La santé est essentielle au développement durable, a insisté la Rapporteuse spéciale: une population en bonne santé étudie davantage, est plus productive et saisit de meilleures opportunités.
Si les personnes handicapées n’ont pas accès aux services médicaux et de réadaptation, elles peuvent ne pas être en mesure d’aller à l’école, de conserver un emploi ou de participer activement au développement de leurs communautés.
Dans de nombreux États, les droits des personnes handicapées sont violés au sein même des services de santé, s’est indignée la Rapporteuse spéciale. Par exemple, le refus d’un consentement libre et éclairé est une pratique étendue et normalisée dans les services de santé mentale. De même, les filles et les femmes handicapées sont constamment victimes de violations graves de leurs droits en matière de sexualité et de procréation, notamment de pratiques telles que la stérilisation et l’avortement forcés.
Il existe également un nombre croissant de traitements et d’interventions dont l’efficacité n’a pas été prouvée ou est pour le moins controversée, a accusé la Rapporteuse spéciale, en référence à des pratiques telles que la psychochirurgie, l’emballage des enfants autistes ou l’allongement des membres d’enfants souffrant de problèmes de croissance.
Un grand nombre de ces interventions sont invasives, douloureuses et irréversibles, a fait observer Mme Devandas Aguilar. Par conséquent, lorsqu’elles sont involontaires ou appliquées à des mineurs, elles devraient être interdites car une santé sans droits de l’homme « n’est pas l’inclusion, c’est l’oppression! » « Oui, à un meilleur accès aux services de santé, mais de qualité qui ne diminuent pas l’exercice de nos droits » a encore plaidé la Rapporteuse spéciale.
Pour Mme Devandas Aguilar, s’il y a un exemple à suivre, c’est l’histoire de l’enfant de Nazca au Pérou, il y 1 300 ans, qui, bien qu’atteint de tuberculose, a pu survivre plusieurs années car bien soigné et valorisé par son environnement. Ceci, a-t-elle expliqué, doit rappeler que « même dans les moments les plus difficiles, l’humanité a réussi à trouver un moyen de soutenir et de respecter la diversité ».
Dialogue interactif
Lors du dialogue avec Mme Catalina Devandas Aguilar, l’Afrique du Sud a rappelé que les personnes handicapées étaient détentrices de droits et non des objets. L’Afrique du Sud considère qu’il faut reconnaître les handicaps comme enrichissant la diversité mais reconnaît que l’accessibilité demeure un énorme défi. À cet égard, elle souhaite avoir des exemples de bonnes pratiques.
L’Espagne a souligné l’importance qu’elle accorde à la défense des droits des personnes handicapées. Se disant consciente qu’elles ont moins accès que les autres aux soins de santé, elle a dit y faire face par le biais de sa stratégie 2018-2020 et de la création d’une couverture sanitaire universelle. Elle a voulu savoir comment les pouvoirs publics pourraient répondre aux besoins des familles des personnes handicapées. En tant que partie à la Convention, l’Union européenne est préoccupée par la prévalence de la discrimination à l’encontre des personnes handicapées, notamment envers les femmes et les filles, et souhaite savoir quels sont les principaux défis que rencontrent ces personnes dans le domaine de la santé. Dans le même sens, le Costa Rica a souhaité savoir quelles mesures pourraient contribuer à la pleine jouissance de leurs droits, s’agissant notamment de la santé. Le Mexique a souhaité connaître les meilleures pratiques de systèmes d’appui à la prise de décisions afin d’obtenir le consentement libre des personnes handicapées.
La Colombie a rappelé qu’elle avait présenté, en 2013, son premier rapport au Comité, défendu en 2016, et qu’elle soumettra des rapports supplémentaires d’ici à 2021.
L’Australie a reconnu qu’en matière de santé, les personnes handicapées avaient des opportunités limitées, liées aux obstacles qu’elles rencontrent pour avoir accès aux services de base. Elle fait toutefois de la mise en œuvre de la Convention une priorité de son action, notamment dans le domaine humanitaire. La Nouvelle-Zélande a expliqué que sa stratégie de santé prévoyait l’accès des personnes handicapées à des services de santé complets et de haute qualité. Elle a demandé quelles mesures pourraient améliorer la prise en compte des violations des droits des personnes handicapées.
Pour le Brésil, les défis énumérés dans le rapport montrent que les services de santé doivent être rendus accessibles et inclusifs pour les personnes handicapées. Il aimerait savoir quel est le coût moyen de telles mesures pour les États. En effet, la Fédération de Russie –dont l’accès à des services de santé de qualité est une priorité de sa politique sociale– a fait observer que tous les États ne disposaient pas de suffisamment de ressources ou de technologies de pointe. Elle a demandé quelles mesures seraient les plus efficaces pour aider ces pays à mettre en œuvre l’article 25 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, qui concerne leur accès à la santé.
La République-Unie de Tanzanie a mis en avant sa Vision 2025, son plan national de développement 2015-2020 et son plan stratégique pour le secteur de la santé comme moyens de réaliser ses engagements à atteindre les normes de santé les plus élevées pour les personnes handicapées, a ainsi reconnu qu’elle avait des progrès à accomplir, notamment pour recruter des interprètes dans la langue des signes et trouver des moyens pour venir en aide aux personnes atteintes d’albinisme. L’Iraq aussi a reconnu que de nombreuses personnes handicapées ne pouvaient jouir de leurs droits dans la société. Pour y remédier, le Gouvernement insiste sur le principe de non-discrimination mais aimerait aussi savoir quels moyens de coopération avec l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) seraient nécessaires pour aider les femmes handicapées à bénéficier de services de santé sans discrimination.
L’Indonésie a affirmé avoir fait progresser sa politique concernant les personnes handicapées afin qu’elle soit davantage axée sur les droits de l’homme et permette de créer un environnement plus inclusif. À cet égard, elle a demandé comment la coopération Sud-Sud et la coopération triangulaire pourraient promouvoir les droits des personnes handicapées dans le domaine de la santé.
Le Bahreïn a dit accorder une grande importance à la question des personnes handicapées et s’employer à accroître leur participation dans la société. Il a ainsi baissé les coûts de 50% pour ces personnes et fait installer des zones spéciales à leur attention dans tout le Royaume.
La République populaire démocratique de Corée a indiqué avoir rejoint la Convention, l’an dernier, et avoir pris des mesures supplémentaires nécessaires à la mise en œuvre de droits des personnes handicapées. Elle a ajouté qu’elle s’opposait aux résolutions du Conseil de sécurité qui la visent car les sanctions ont de nombreuses incidences négatives, notamment en matière de fourniture de médicaments. Elle a souhaité savoir ce que recommande Mm Devandas Aguilar face à ces sanctions qui menacent des vies.
Israël a souligné les efforts déployés par son gouvernement pour l’accessibilité et l’inclusivité en faveur des personnes handicapées, soulignant que la discrimination était sanctionnée par la loi.
Les États-Unis ont assuré que la promotion et la protection des droits des personnes, y compris handicapées, étaient pour eux une priorité, dans le cadre d’une démarche d’ensemble. À ce sujet, ils ont voulu savoir quelles seraient les recommandations de la Rapporteuse spéciale pour les États, la société civile et les agences de l’ONU pour que l’on passe de la charité médicale à une démarche fondée sur les droits de l’homme.
Réponses
Face à la question de la capacité juridique, du consentement éclairé et des traitements imposés, Mme CATALINA DEVANDAS AGUILAR a répondu en jugeant fondamentale la pleine reconnaissance des capacités juridiques. Pour elle, il faut que davantage de pays fassent des réformes importantes en la matière, a-t-elle tempêté. Elle a ainsi expliqué que, dans son dernier rapport, elle mentionnait que plus de 30 pays avaient adopté des législations reconnaissant cette capacité légale et que la tendance était en faveur de l’adoption de la Convention. « Cette législation est essentielle pour permettre aux personnes handicapées de jouir du meilleur état de santé possible pour offrir le même degré de consentement que les autres », a-t-elle encore insisté.
S’interrogeant sur l’augmentation du pourcentage de traitements involontaires, la Rapporteuse spéciale a rappelé qu’il fallait appuyer les personnes handicapées et leur donner le choix des traitements à suivre. Il faut leur fournir des réponses respectueuses des droits de l’homme, a-t-elle insisté, d’autant plus que les alternatives sont souvent plus efficaces dans le cadre de crise et d’urgence. Si on ne change pas la manière dont les traitements sont imposés aux personnes handicapées, il sera impossible de respecter le concept de meilleurs services de santé possible pour les handicapés, thème qu’elle entend aborder dans son prochain rapport.
Investir dans le domaine de la santé a un coût et la question des ressources est donc essentielle, a également relevé la Rapporteuse spéciale, qui a insisté sur le rôle de la coopération internationale et notamment celui des Nations Unies et de ses agences, jugé fondamental: « Il faut que l’ONU soit sensibilisée et aide les États à mettre en place la Convention », a-t-elle conclu.
Déclaration liminaire
Mme IKPONWOSA ERO, Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme, a indiqué que depuis la création de ce mandat en 2015, de nombreux cas d’attaques et de stigmatisation à l’égard de cette population avaient été recensés, mais aussi que plusieurs étapes positives avaient aussi été franchies. Parmi celles-ci, elle a cité l’élaboration d’un plan d’action régional sur l’albinisme en Afrique, approuvé par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), qui porte sur la période allant de 2017 à 2021.
Les personnes atteintes d’albinisme font partie des laissés-pour-compte et sont souvent parmi les populations les plus délaissées dans le monde, a déploré l’Experte indépendante, qui a consacré cette année son rapport aux effets, pour les personnes atteintes d’albinisme, de l’engagement principal énoncé dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 consistant à ne laisser personne de côté et à aider les plus défavorisés en premier. En effet, explique Mme Ero dans son rapport, cet impératif s’applique aux personnes atteintes d’albinisme puisque, dans de nombreuses régions du monde, ces dernières font partie des plus pauvres et des plus marginalisées et sont exclues des politiques publiques concernant les secteurs les plus importants comme la santé et l’éducation.
Pour l’Experte indépendante, la plus haute des priorités doit être accordée aux personnes atteintes d’albinisme en Afrique subsaharienne, compte tenu de la nécessité urgente d’éradiquer les pratiques néfastes liées à la sorcellerie. En outre, les pays fortement exposés au soleil devraient traiter le risque de cancer de la peau comme une question de santé publique et hautement prioritaire. Dans certains pays, la majorité des personnes atteintes d’albinisme décèdent d’un cancer de la peau entre 30 et 40 ans, a rappelé Mme Ero.
Parmi les mesures spécifiques à prendre, l’Experte indépendante préconise notamment de veiller à ce qu’elles aient accès à des médicaments essentiels à leurs besoins. En outre, les mesures spécifiques concernant les personnes atteintes d’albinisme dans le cadre de la mise en œuvre des objectifs de développement durable nécessitent une allocation spécifique de fonds dans les budgets nationaux et, dans les pays à faible revenu, un soutien de la coopération internationale, a plaidé Mme Ero. Sans une telle allocation budgétaire spécifique, comme ce fut le cas pour le Kenya, la situation des personnes atteintes d’albinisme restera ignorée, a mis en garde l’Experte indépendante.
À cet égard, Mme Ero a jugé raisonnable de dire que, compte tenu du taux de prévalence relativement faible de l’albinisme, les ressources nécessaires seraient certainement modestes et d’un coût abordable pour la plupart des États Membres, alors que le retour sur investissement serait « inestimable pour les droits fondamentaux » des personnes handicapées. Dès lors, elle a jugé « impératif » d’incorporer les mesures et indicateurs spécifiques relatifs aux personnes atteintes d’albinisme dans les politiques de développement.
De plus, Mme Ero a suggéré la participation des personnes atteintes d’albinisme aux processus nationaux, régionaux et mondiaux dans le cadre de l’examen et du suivi du Programme 2030.
Enfin, et dans l’esprit de l’objectif 17 du Programme 2030 –le partenariat–, l’Experte indépendante a invité les États Membres à « visiter et soutenir » actiononalbinsim.org, la plateforme en ligne du plan d’action régional sur l’albinisme en Afrique, à travers des contributions et des informations à même d’encourager les meilleures initiatives.
Dialogue interactif
Lors du dialogue avec Mme IKPONWOSA ERO, la République-Unie de Tanzanie a salué les efforts déployés en faveur des personnes atteintes d’albinisme en Afrique, notamment dans le cadre de la mise en œuvre des objectifs de développement durable. Elle s’est déclarée consciente du rôle d’une bonne collecte des données afin de garantir le développement socioéconomique de ces personnes. La Namibie a rappelé qu’elle comptait sur son territoire le plus grand nombre de personnes atteintes d’albinisme. Pour ces personnes, le plus grand risque en matière de santé est le cancer de la peau qu’elles développent et l’absence de traitements médicaux. La Namibie, qui s’emploie à répondre aux besoins de ces personnes, en leur accordant notamment un accès facilité aux soins, a souhaité connaître les recommandations de Mme Ero pour améliorer leur vie.
L’Afrique du Sud a jugé regrettable que des violations aient continué à être perpétrées durant l’année écoulée contre les personnes atteintes d’albinisme et a indiqué qu’elle s’employait à répondre à ce problème, visant une population très vulnérable. L’Afrique du Sud est impatiente d’accueillir Mme Ero afin de faire constater les efforts qu’elle a déployés dans ce domaine, et aimerait savoir comment les capacités institutionnelles des États pourraient être renforcées.
Le Japon a dit vouloir travailler avec les autres États Membres pour réduire les discriminations visant les personnes atteintes d’albinisme dans le monde. Il a salué le plan d’action régional mis en œuvre par l’Union africaine et a souhaité savoir comment pourrait être répliquée cette initiative dans d’autres régions. L’Union européenne s’est déclarée préoccupée par le fait que, dans de nombreuses parties du monde, les personnes atteintes d’albinisme sont exclues ou victimes de pauvreté, se retrouvant ainsi à la traîne du développement durable. Elle a demandé à Mme Ero quelles étaient, à sa connaissance, les meilleures pratiques pour garantir leur participation, notamment dans l’élaboration de plans d’action au niveau national.
Israël a dit partager les préoccupations de l’Experte indépendante en ce qui concerne les attaques visant les personnes atteintes d’albinisme, les trafics d’organes et la discrimination dont souffrent en particulier les femmes et les filles atteinte de cette maladie. Il faut enquêter sur toute allégation et apporter un soutien psychologique et social aux victimes, a plaidé la délégation, avant de demander quelles contributions les États pourraient apporter aux travaux de Mme Ero en 2019.
Réponses
Dans ses réponses, Mme IKPONWOSA ERO a jugé indispensable la coopération internationale. Relevant que, dans certains pays, beaucoup de fonds étaient fournis pour protéger l’environnement, par exemple au Malawi pour protéger les espèces menacées, ce qui est « une très bonne chose ». Elle a néanmoins fait observer qu’elle aurait aimé voir « une fraction de l’argent dépensé pour les animaux dépensée pour les personnes handicapées ». En revanche, elle a cité en exemple le Kenya, qui s’est doté d’un Conseil national des personnes handicapées au sein duquel existe un bureau consacré aux personnes atteintes d’albinisme.
En réponse au Japon, Mme Ero a déclaré qu’elle aimerait voir le plan d’action régional de l’Union africaine répliqué dans d’autres régions et a déploré la réception de rapports faisant état, dans certaines régions, du décès par cancer de la peau de personnes atteintes d’albinisme parce qu’elles n’avaient pas accès à de la crème solaire. Elle a expliqué ne pas demander de nouvelles directives, ajoutant que les législations existaient déjà.
Enfin, aux demandes de bonnes pratiques de l’Union européenne, l’Experte indépendante a répondu que des études avaient été menées, mais que le problème principal restait l’absence de données ventilées. Sans ces dernières, il est très difficile de protéger les personnes concernées, a-t-elle conclu.
Déclaration liminaire
M. AHMED SHAHEED, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, qui présentait un rapport intérimaire consacré aux corrélations entre la liberté de religion ou de conviction et l’extrémisme violent, a rappelé qu’il avait remis, en mars, au Conseil des droits de l’homme un rapport thématique consacré aux relations entre l’État et la religion et leur incidence sur la liberté de religion ou de conviction, ainsi que sur une série de consultations qu’il a menées sur l’islamophobie et l’antisémitisme. Il a déploré que certaines lois, politiques et pratiques gouvernementales qui limitent ou contredisent le droit à la liberté de religion ou de conviction continuent de représenter les plus grands défis à la promotion de ce droit. C’est pour cela, a-t-il expliqué, qu’il trouvait essentiel de se concentrer sur l’impact de l’extrémisme violent et sur la réponse de l’État à ce phénomène dans son rapport à la Troisième Commission.
Mentionnant le fait que, la guerre contre le terrorisme menée depuis le début du siècle avait été marquée par des mesures nationales d’exception, le Rapporteur spécial a déclaré que, de ces dernières, ont découlé une myriade de violations et d’atteintes à des droits fondamentaux, notamment celui de la liberté de religion ou de conviction. Pour répondre aux exigences légitimes de sûreté publique et de sécurité nationale, les gouvernements ont mis en place des régulations plus strictes de la liberté d’expression religieuse et du rôle de la religion dans la sphère publique, a expliqué M. Shaheed. Et d’insister sur la nécessité de se pencher sur les aspects discriminatoires de ces régulations à l’encontre de groupes de personnes de foi particulière, perçus de manière erronée, comme prédisposés au terrorisme ou aux actes de violence.
Le droit international des droits de l’homme stipule que toute distinction, exclusion ou préférence qui annule ou nuit à la pleine jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales est illégale, à moins que ces distinctions soient faites sur des critères objectifs et raisonnables, a rappelé le Rapporteur spécial. En outre, de telles restrictions ne peuvent être mises en œuvre qu’en accord avec le régime de limitations prévues par le droit international. Elles doivent notamment être sujettes à une forme de redevabilité. Seul le respect de ces conditions, a poursuivi M. Shaheed, permet une synergie entre sécurité et droits de l’homme et contribue à réaliser des sociétés résilientes capables de prévenir de manière efficace les violences commises au nom de la religion.
Le Rapporteur spécial a reconnu qu’une telle synergie doit faire face à des défis, liés notamment au manque de définition du concept d’« extrémisme violent » et à la concurrence entre la liberté de religion et d’autres droits de l’homme. Il a, dans ce sens, appelé les États Membres à opérationnaliser les outils développés par le système des Nations Unies pour la promotion de la liberté de religion et la prévention des atrocités de masse, tels que notamment la résolution 16/18 du Conseil des droits de l’homme, qui identifie les mesures pour combattre l’intolérance, les stéréotypes négatifs, la stigmatisation et l’incitation à la violence à l’encontre des personnes basés sur leur religion ou encore le Plan d’action pour la prévention de l’extrémisme violent du Secrétaire General qui encourage, entre autres, à engager les dirigeants religieux à fournir une plateforme pour le dialogue inter et intra religieux.
M. Shaheed a déclaré que les initiatives motivées par une approche sécuritaire de la religion avaient causées une résurgence alarmante de violations des droits de l’homme et notamment des restrictions au droit de liberté de religion ou de conviction. Il a de plus insisté sur le fait que refuser la liberté de religion ou de conviction augmentait le recours à l’extrémisme violent, alors que le respect du pluralisme augmentait les capacités de résilience à la violence des sociétés, avant de mentionner que son prochain rapport porterait sur l’interdépendance entre la liberté de religion et d’autres droits de l’homme.
Dialogue interactif
Lors du dialogue avec M. Ahmed Shaheed, les États-Unis se sont félicités des progrès réalisés en matière de liberté de religion et de conviction dans certains pays comme le Tadjikistan, où une loi a été adoptée en matière de liberté religieuse. Ils sont en revanche atterrés par les informations du rapport selon lesquelles la Chine aurait interné des milliers de musulmans dans le Xianjing. La délégation a demandé au Rapporteur spécial ce que pouvait faire la communauté internationale face à cette situation des droits de l’homme alarmante. Pour l’Australie, la liberté de religion ou de conviction est un droit de l’homme qui doit être respecté dans tous les pays. Elle considère en outre que la liberté de religion et la tolérance sont essentielles pour les sociétés multiculturelles et exhorte tous les États à respecter l’ensemble des droits et libertés des peuples. À cet égard, elle aimerait savoir quelles sont les meilleures pratiques des forces de police en matière de tolérance. Le Canada a souligné que la liberté de religion ou de conviction était une composante essentielle de toute société pacifique et démocratique, et a voulu savoir comment il pouvait contribuer à la consolidation de la paix et comment impliquer les acteurs religieux.
L’Union européenne a souligné que la liberté de religion ou de conviction était essentielle pour garantir des sociétés tolérantes, inclusives et stables. La promotion de cette liberté et la lutte contre la discrimination des personnes ayant des convictions religieuses constituent un pilier de la politique européenne en matière de droits de l’homme. Elle fait tout pour faire progresser ces questions à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières, a-t-elle fait valoir, demandant comment la communauté internationale pourrait inverser la tendance à l’extrémisme violent.
Les Pays-Bas ont rappelé le caractère complémentaire de la promotion des droits de l’homme et de la sécurité nationale, affirmant s’employer à protéger la liberté de religion ou de conviction en diffusant des messages de tolérance et de coexistence pacifique à tous les niveaux de la société. La délégation a voulu connaître les possibilités des États sur ce sujet. Le Royaume-Uni a rappelé qu’il s’était engagé à créer une société où chacun peut exprimer son opinion et pratiquer sa religion, et consacré des sommes importantes à appuyer le droit à la liberté religieuse dans des pays comme le Myanmar et le Soudan. La Norvège a rappelé qu’elle a mis à disposition 10 millions de dollars pour soutenir des programmes dans le domaine de la liberté de religion ou de conviction.
Pour la République tchèque, la sécurité nationale ne permet pas de limiter la liberté de religion ou de conviction. Elle a demandé au Rapporteur spécial ce qu’il recommande pour prévenir les actes contre le genre et impliquer les communautés pour lutter contre l’extrémisme violent. De même, l’Irlande a condamné toute restriction des droits fondamentaux au nom de la sécurité nationale, et voudrait savoir comment les États peuvent encourager le rôle de la société civile en matière de liberté de religion ou de conviction.
Le Danemark s’est dit préoccupé par le nombre croissant des personnes persécutées pour des raisons religieuses. Il préconise une approche large fondée sur les droits de l’homme, notamment sur les Principes de Vienne. Pour le Danemark, l’égalité des sexes est également une clef importante à la réalisation de liberté de religion.
La Roumanie a condamné toutes les formes de discrimination sur la base de leur liberté religieuse. Il faut, selon elle, prendre des mesures de prévention comme le dialogue interconfessionnel et la promotion du multiculturalisme. Rappelant que 18 religions sont reconnues dans le pays et qu’une loi de 2006 reconnaît la neutralité de l’État sur ces activités, elle a demandé quelles actions devraient être prises pour lutter contre l’extrémisme violent. La Pologne a relevé que les États qui protègent la liberté de religion facilitaient mieux la cohésion sociale et a invité les États à lancer un dialogue entre les croyances, en lien avec les instances religieuses et la société civile. Elle aimerait savoir quelles sont les mesures de base pour promouvoir la cohésion sociale et le dialogue entre les croyances pour prévenir une radicalisation des sociétés. La Grèce, qui estime que le pluralisme était un terreau fertile pour le dialogue entre religions, reste engagée à tous les niveaux pour lutter contre les discours de haine et promouvoir le dialogue interconfessionnel.
La Hongrie a rappelé qu’elle avait une grande expérience en matière de tolérance religieuse et estimé qu’il fallait s’attaquer « aux causes de l’extrémisme violent, qui menace la culture, le patrimoine et la stabilité culturelle de toute une région ». Mais comment les États peuvent-ils motiver la société civile pour travailler dans ce sens, a-t-elle demandé.
Le Bahreïn a souligné que la tolérance faisait partie du patrimoine du pays et rappelé qu’il avait adopté une déclaration universelle pour la liberté d’expression et de religion. De plus, il a créé un programme éducatif international pour chercheurs dans ce même domaine.
La Fédération de Russie a estimé que le Rapporteur spécial s’était beaucoup écarté de son mandat dans son analyse du phénomène d’extrémisme violent. Nous ne sommes pas d’accord pour accorder à la liberté de religion un caractère absolu, a souligné la délégation, notant que les limitations devaient être prescrites par la loi, nécessaires et proportionnelles. La Fédération de Russie s’en est ensuite prise à certains États laïcs qui considèrent qu’ils peuvent s’ingérer dans les affaires d’autres États et poursuivre des religions qui prédisposeraient, selon eux, à l’extrémisme violent.
La Chine a souligné que la liberté religieuse des citoyens chinois était prévue par sa Constitution, mais a précisé qu’elle interdisait d’utiliser la religion afin de perpétrer des activités illégales. En réponse aux remarques des États-Unis sur la situation dans le Xinjiang, elle a déclaré que des actes terroristes avaient mis à mal certaines communautés, qu’on forçait certaines personnes à participer à des activités terroristes. Afin de lutter contre l’extrémisme violent et le terrorisme, le Gouvernement chinois met l’action sur la prévention. Grâce à ces efforts aucun acte terroriste n’a été mené au cours des 21 derniers mois dans le Xinjiang.
Réponses
Dans ses réponses, M. AHMED SHAHEED a expliqué comment gérer les cas les plus difficiles, suggérant de garantir la transparence ainsi que de documenter les violences lorsqu’elles surviennent. Cette approche ne doit pas être adoptée uniquement à des fins de sensibilisation, mais aussi pour des poursuites et des dédommagements. Il a insisté, dans ce contexte, sur la transparence et sur la documentation de l’ensemble des violences.
S’agissant de son mandat, le Rapporteur spécial a indiqué que les violations des droits sur la liberté de religion ou de conviction étaient liées au conflit et que la répression ne faisait qu’alimenter les violences. Par conséquent, il est important d’examiner la répercussion des politiques sur les communautés. S’agissant des outils utilisés, il a évoqué le Plan d’action du Secrétaire général, dans lequel il voit un point de départ. M. Shaheed a également cité le Plan d’action de Rabat sur l’interdiction de l’appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence, adopté en 2012, et dont l’article 20 fournit des indications très claires quant à la pénalisation par un État des discours haineux.
Quant à l’engagement avec les communautés religieuses, le Rapporteur spécial a cité l’expérience menée au Soudan, l’année dernière, lors d’un débat lancé en collaboration avec le Canada et les États-Unis. En tant qu’expert, M. Shaheed a jugé important l’inclusion d’un large éventail d’acteurs qui permettra également aux femmes d’en faire partie, et pas uniquement des dirigeants traditionnels. Il a jugé négative toute approche exclusivement sécuritaire et a préconisé une approche plus holistique et une sensibilisation des États, pour qu’ils n’ignorent pas les tensions qui apparaissent jusqu’à ce qu’elles deviennent de vrais défis.
Évoquant enfin le Processus d’Istanbul, M. Shaheed est revenu sur les six réunions, qui ont permis selon lui de dégager les structures et démarches qui fonctionnent. Pour finir, il s’est dit encouragé par l’engagement des États à cet égard, qualifiant cette démarche de « pas important » à même de créer des synergies et la collaboration pour relever tous ses défis.
Déclaration liminaire
M. DAVID KAYE, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, a présenté son rapport en reconnaissant que cette année avait été difficile pour la liberté d’expression dans le monde, qui est dans une situation « désastreuse ». Il a constaté qu’à l’heure de son intervention, la communauté internationale, y compris les Nations Unies, n’avait pas réfléchi à la manière de traiter la disparition et le meurtre présumé du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.
Le Rapporteur spécial a rappelé plusieurs exemples des plus graves atteintes commises récemment à la liberté d’opinion et d’expression, comme l’assassinat, il y a à peine un an, de la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia, tuée par l’explosion d’une voiture piégée devant son domicile. Le Comité pour la protection des journalistes estime que 44 journalistes au moins ont été tués cette seule année, a poursuivi M. Kaye, qui a déploré que le Président des États-Unis attaque les médias comme des ennemis du peuple, que des centaines de journalistes et de militants restent emprisonnés en Turquie ou encore que le Myanmar ait condamné deux journalistes à la prison pour avoir couvert des massacres commis contre des musulmans rohinghya et d’autres minorités dans l’État rakhine. Il a également fait état de répression à l’égard de journalistes au Bélarus, au Nicaragua, au Tadjikistan, en Iran, au Cambodge, aux Émirats arabes unis, en Égypte et en Chine.
M. Kaye a constaté que la situation est à peu près aussi mauvaise dans l’espace numérique. Les gouvernements du monde entier continuent de bloquer l’accès au réseau, du Cameroun au Cachemire, tandis que d’autres filtrent les sites qui offrent à leurs citoyens des opportunités de contestation et d’informations précises, a expliqué le Rapporteur spécial, notant que plusieurs gouvernements ont profité de la place laissée par les médias sociaux pour se livrer à de la propagande et à de l’ingérence dans les élections à l’étranger. Des acteurs étatiques et non étatiques ont en outre tenté de renforcer leurs messages de haine et d’incitation à la violence et à la discrimination, en s’attachant par exemple à la violence contre les réfugiés en Allemagne et en Italie et au nettoyage ethnique au Myanmar, a souligné M. Kaye.
Pour le Rapporteur spécial, la répression de l’expression est une répression de la démocratie et de l’état de droit. C’est la répression de l’innovation, de l’exploration de soi et de la connexion, a-t-il dit, avant d’appeler les États à prendre des mesures pour inverser la tendance. « J’exhorte vos dirigeants à parler avec respect pour assurer le rôle crucial de chien de garde du public. Je vous exhorte à appliquer concrètement les importantes mesures normatives que le Conseil des droits de l’homme a adoptées plus tôt ce mois-ci dans sa résolution sur la sécurité des journalistes. L’ONU ne peut pas continuer avec des engagements de haut niveau et des mises en œuvre limitées », a soutenu M. Kaye.
Le Rapporteur spécial a indiqué que cette introduction sur l’état de la liberté d’expression était complémentaire avec le thème de son rapport, consacré cette année au rôle de l’intelligence artificielle dans la jouissance de la liberté d’opinion et d’expression. Les deux sont connectées, a-t-il assuré. Il est, selon lui, essentiel qu’en ces temps de répression mondiale de la liberté d’opinion et d’expression, nous jetions les bases normatives pour les technologies conçues pour maintenir le respect des libertés fondamentales. À cet égard, il a dit avoir examiné la manière dont les gouvernements cherchent à réglementer les sociétés Internet et demandé instamment un certain nombre de mesures visant à garantir qu’elles ne portent pas atteinte à la liberté d’expression. « J’ai également détaillé la manière dont les entreprises gèrent l’expression et les préoccupations que la gouvernance soulève pour la liberté d’opinion et d’expression », a-t-il précisé, soulignant l’importance des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, adoptés par le Conseil des droits de l’homme en tant qu’approches de base que toutes les sociétés Internet devraient adopter.
S’agissant des technologies qui composent l’intelligence artificielle, M. Kaye a relevé que son rapport note que les algorithmes et les applications d’intelligence artificielle se retrouvent dans tous les coins d’Internet, sur les appareils numériques et dans les systèmes techniques, dans les moteurs de recherche, les plateformes de médias sociaux, les applications de messagerie et les mécanismes d’information publique. Ils impliquent ainsi l’affichage et la personnalisation de contenu, la modération et la suppression de contenu, le profilage, la publicité et le ciblage.
Le rapport aborde également les droits de l’homme en cause. Pour M. Kaye, l’intersection de la technologie et du contenu soulève de nouvelles questions sur les types de coercition ou d’incitation, qui peuvent être considérés comme une atteinte au droit de se faire une opinion. De surcroît, les utilisateurs n’ont pas accès aux règles du jeu en matière de plateformes et de sites Web axés sur l’intelligence artificielle. De fait, le manque de clarté sur l’étendue et la portée de l’intelligence artificielle et des applications algorithmiques en ligne empêche les individus de comprendre quelles informations sont diffusées, restreintes ou ciblées.
Le rapport évoque également l’intelligence artificielle et le droit à la vie privée, les obligations de non-discrimination ainsi qu’un droit au recours effectif.
Enfin, M. Kaye a affiché sa détermination à explorer davantage les questions liées à la domination technologique des outils de communication et sa volonté d’explorer la manière dont les entreprises de médias sociaux impliquent la société civile locale et d’autres acteurs sur les marchés où elles sont dominantes.
Dialogue interactif
Lors du dialogue avec M. David Kaye, les États-Unis ont fait état d’énormes pressions sur la liberté d’expression, en ligne et hors ligne, avant d’affirmer leur soutien aux travaux importants pour faire connaître la vérité menés par ces professionnels que sont les journalistes. À propos de la disparition du journaliste Jamal Khashoggi, les États-Unis prennent note des affirmations de l’Arabie saoudite et attendent des éclaircissements, tout en souhaitant que la dépouille du défunt soit remise à sa famille.
L’Union européenne a estimé que l’évolution des technologies créait des différences dans l’application de la liberté d’expression, en ligne et hors ligne, et du droit à la vie privée. Rappelant que 17 journalistes ont déjà été tués cette année, elle a demandé que ceux qui sont responsables soient traduits en justice. Dans ce contexte, elle a demandé de quelles façons les États peuvent encourager les acteurs du secteur de l’information à relever tous ces défis.
La Suisse a relevé que, face au volume écrasant des contenus publiés en ligne, l’intelligence artificielle permettait de filtrer les contenus illégaux ou inconvenants. Toutefois, cette sélection automatisée mène parfois à la suppression de contenus licites, a-t-elle relevé, demandant comment cette tension entre contenu illégal et liberté d’expression pourrait être dépassée. L’Autriche a souhaité savoir quelles mesures spéciales les États doivent prendre pour mieux comprendre les conséquences de technologies modernes sur les droits de l’homme. Le Royaume-Uni a souligné l’importance de la collecte et de l’utilisation des données. Il a souhaité savoir quelles recommandations ferait le Rapporteur spécial pour s’assurer que chaque consentement est raisonnablement informé.
La France a dit accorder la plus grande importance à la liberté d’expression et d’opinion qui rend possible l’exercice d’autres droits. Dans ce contexte, les innovations technologiques, notamment l’intelligence artificielle, représentent une opportunité formidable mais comportent aussi des risques. La France aimerait connaître les recommandations du Rapporteur spécial sur les moyens d’échange plus étroit entre les États, les entreprises et la société civile sur ce sujet.
L’Estonie a estimé que l’intelligence artificielle faisait partie de l’environnement technologique et pouvait contribuer au partage plus rapide des idées en lien avec la liberté d’expression. Elle s’est dite préoccupée par les tendances négatives croissantes de la propagande et le renforcement de la prudence du public. Elle a souhaité savoir comment les technologies de l’information peuvent permettre de lutter contre la discrimination. Estimant, elle aussi, que l’intelligence artificielle était une composante essentielle du paysage de l’information et pouvait être utilisée aussi bien pour renforcer les droits de l’homme que pour les saper à travers la diffusion de contenus haineux en ligne, l’Afrique du Sud a demandé l’avis du Rapporteur spécial sur la manière idéale de lutter contre les violations en l’absence de droit international régissant le cyberespace.
Le Mexique a estimé qu’il fallait garantir un cadre réglementaire pour l’utilisation de l’intelligence artificielle afin de garantir le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, à commencer par la liberté d’expression. Il a souhaité obtenir le point de vue de M. Kaye sur les moyens d’une politique homogène de réglementation de l’intelligence artificielle au sein des Nations Unies.
La Fédération de Russie a critiqué le Rapporteur spécial, estimant qu’il avait une nouvelle fois oublié les limites de son mandat, qui est d’assurer un suivi sur la liberté d’expression et d’aider les États à résoudre leurs problèmes. Le rapport ne répond pas à ces attentes, a-t-elle déploré, avant de dénoncer une campagne agressive menée par certains pays à l’égard des médias d’autres pays qui ne leur conviennent pas. La Chine a rappelé que la liberté d’expression était consacrée par la Constitution et que les citoyens du pays avaient accès aux informations nationales et internationales. La Chine garantit la liberté d’expression mais protège aussi la sécurité nationale et l’intérêt du public, a fait valoir la délégation, en affirmant défendre l’idée de principes généraux pour la gouvernance d’Internet. Cuba a estimé qu’en matière de relation entre les droits de l’homme et la liberté d’expression, il faudrait davantage évaluer les mécanismes internationaux pour que les États-Unis répondent à la violation de ces droits via leurs systèmes d’espionnage.
La Turquie a rappelé que la liberté d’expression était garantie par sa Constitution, de même que le droit à la vie privée. De plus, la législation nationale turque sur les médias est conforme aux conventions européennes et aux autres textes auxquels la Turquie est partie. Observant que de nombreuses démocraties sont confrontées au terrorisme, elle a exhorté les États à trouver un bon équilibre entre le maintien de l’ordre public et la liberté d’expression.
La République islamique d’Iran a estimé que certains États alimentaient la désinformation et a jugé regrettable que l’on abuse ainsi des plateformes et Internet. L’Iran veut un environnement ouvert et dynamique pour l’ensemble de ses citoyens. Le Tadjikistan a indiqué qu’un journaliste emprisonné avait été libéré de prison, la justice ayant abandonné les charges contre lui. Sa peine a été commuée en travail d’intérêt général.
L’Ukraine a attiré l’attention des délégations sur le fait que la République de Crimée et le Donbass sont occupés par la Fédération de Russie. De nombreux rapports du Haut-Commissariat invitent la Russie à ne pas criminaliser la liberté d’expression et à permettre des vues divergentes, y compris en Crimée. À cet égard, l’Ukraine a dénoncé les actes illégaux de la Fédération de Russie contre une agence de presse ukrainienne accusée de s’être opposée à l’occupation russe.
Réponses
Dans ses réponses M. DAVID KAYE, s’est penché en particulier sur deux points. Le premier concerne les meilleures pratiques notamment dans le contexte d’échange entre les gouvernements, afin de faire face à l’intelligence artificielle. Le deuxième point est relatif à l’éducation, notamment comment préparer les populations sur le plan technologique.
Le Rapporteur spécial a jugé essentiel pour les États et la société civile d’avoir des échanges. En effet, a-t-il souligné, l’intelligence artificielle est développée en général par le secteur privé. Il est donc important que les États comprennent véritablement la nature de cette évolution technologique. Cela est également valable pour la société civile car une inclinaison à l’opacité se répercutera, selon lui, de manière discriminatoire sur les populations. Pour M. Kaye, chaque acteur concerné doit s’asseoir « autour de la table » pour traiter des questions relatives aussi bien à la technologie, la discrimination ou la prévention.
Le Rapporteur spécial s’est arrêté à cet égard sur trois aspects spécifiques. Il s’agit d’abord de faire en sorte que ceux qui développent ces outils soient le plus transparent possible, en raison de l’opacité des technologies pour les utilisateurs. Dans le cas contraire, a-t-il prévenu, celles-ci vont saper le droit à l’expression et à l’opinion. Ensuite, a-t-il poursuivi, il est très difficile de voir quelles sont les activités délétères, car au-delà de la transparence, il est essentiel que les personnes puissent faire appel quand elles constatent des activités négatives. Il s’est enfin penché sur la question des suppressions des contenus. Là encore, a-t-il conclu, la transparence et les recours sont essentiels.
Déclaration liminaire
M. JUAN PABLO BOHOSLAVSKY, Expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, qui présentait son cinquième rapport annuel, a voulu apporter un message fort, « pas souvent entendu »: les femmes paient le plus lourd tribut des mesures d’austérité, d’assainissement budgétaire et d’autres réformes économiques et politiques.
Au lieu de promouvoir les droits fondamentaux des femmes, ces mesures viennent renforcer les structures d’inégalités existantes et enraciner davantage la discrimination à leur égard, a déploré M. Bohoslavsky. C’est pourquoi son rapport traite, cette année, de l’impact des réformes économiques sur les droits fondamentaux des femmes.
Pour illustrer ces conséquences l’Expert indépendant a cité, parmi un vaste éventail d’exemples, la répartition des coûts sociaux des systèmes de protection sociale, qui a eu un impact sur le droit des femmes à la sécurité sociale à bien des égards, y compris sur la réduction des diverses prestations de chômage, sociales, familiales et de maternité et d’aide aux personnes âgées et aux personnes dépendantes.
En ce qui concerne le droit au travail, les exemples incluent le salaire minimum, qui est réduit dans le cadre de mesures d’austérité dans certains cas, ou bien cesse d’être ajusté pour tenir compte de l’inflation et du coût de la vie réel, entraînant une réduction de sa valeur réelle au fil du temps.
Selon « ONU-Femmes », le nombre de femmes employées dans le secteur informel non agricole représente 80% des emplois en Asie du Sud, 74% en Afrique subsaharienne et 54% en Amérique latine et dans les Caraïbes, a rappelé M. Bohoslavsky. De même, selon la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), l’intégration des femmes dans le marché du travail est largement considérée comme le développement le plus important du siècle dernier. Or, a rappelé l’Expert indépendant, les inégalités demeurent la norme à l’égard des femmes. Parmi les autres mesures ayant des effets négatifs, il a cité la privatisation des infrastructures et des services de l’eau, ou encore, la suppression des subventions agricoles qui se répercute sur le prix des aliments de base.
L’un des résultats des réformes économiques et de la hausse des prix des denrées alimentaires et des carburants a été l’augmentation des acquisitions de terres à grande échelle, a aussi rappelé M. Bohoslavsky. C’est là un phénomène particulièrement important, a-t-il estimé, en ce sens que les femmes constituent la majorité des petits exploitants dans le monde. Selon Oxfam, les petits exploitants, notamment les femmes, sont confrontés à l’exclusion et produisent également entre 20 et 30% moins que leurs homologues hommes.
M. Bohoslavsky a jugé impératif que les États parties prennent des mesures pour rétablir progressivement les droits à l’égard des femmes. Ces mesures doivent être concrètes et ciblées, a-t-il insisté, avant de rappeler quatre recommandations principales contenues dans son rapport.
Premièrement, les États devraient créer un environnement macroéconomique favorable à l’égalité des sexes. Deuxièmement, ils devraient envisager des politiques alternatives qui évitent, ou à tout le moins, minimisent les effets néfastes potentiels sur l’égalité des sexes et les droits de l’homme dans la conception et la mise en œuvre des politiques de réforme économique. Troisièmement, les institutions financières internationales devraient veiller à ce que les programmes de prêts ne soient convenus qu’après des évaluations de l’impact sur les droits de l’homme, avec une prise en compte claire des dimensions de genre.
Enfin, et c’est le plus important à ses yeux, l’Expert indépendant a exhorté les États à s’efforcer de rendre visible la réalité de la valeur économique et la contribution des soins et travaux domestiques non rémunérés, à reconnaître qu’il s’agit là d’un travail précieux, qui contribue de manière effective à l’économie et à l’inclure dans les comptes nationaux.
Aucune délégation n’a demandé la parole à l’issue de l’intervention de l’Expert indépendant.