En cours au Siège de l'ONU

Soixante-treizième session,
21e & 22e séances – matin & après-midi
AG/SHC/4237

Effets sur les droits de l'homme de la lutte contre le terrorisme ou des sanctions unilatérales et droit au développement au menu de la Troisième Commission

Poursuivant son examen de la protection et la promotion des droits de l’homme sous tous ses aspects, la Troisième Commission s’est penchée aujourd’hui sur toute une palette de ces droits, abordés sous des angles variés: leur protection dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, les effets négatifs qu’exercent les mesures coercitives unilatérales, l’indépendance des juges et des avocats, le droit au développement et la promotion d’un ordre international démocratique et équitable.

Face aux menaces que font peser sur les droits de l’homme tant les sanctions unilatérales que la lutte contre le terrorisme, deux Rapporteurs spéciaux ont appelé à une meilleure protection.  Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, Mme Fionnuala Ní Aoláin a fait remarquer que, si la plus grande partie des pertes en vies humaines dues au terrorisme était concentrée sur un très petit nombre de pays, on avait pu observer depuis les attaques du 11 septembre 2001 un profond changement de réglementation dans de très nombreux États.

Or, les mesures prises ont eu un effet négatif pour la protection des droits de l’homme, en ce qu’elles ont souvent rendu ineffectives les protections constitutionnelles et juridiques des systèmes nationaux de nombreux pays.  En effet, les mécanismes internationaux de lutte contre le terrorisme, qui étaient jusqu’alors prévus dans des traités internationaux librement consentis par les États parties, ont été largement remplacés par des mesures imposées à tous, issues de résolutions du Conseil de sécurité.  Or, ces dernières contiennent des dispositions détaillées sur les mesures de lutte à prendre par chaque État Membre, mais souvent une simple référence générique aux droits de l’homme.  Pour Mme Ní Aoláin, le Conseil de sécurité pourrait parfaitement détailler aussi les mesures de protection des droits humains à prendre.  « Je ne pense pas que les droits de l’homme soient une simple question rhétorique: il y des obligations très concrètes pour lesquelles les États se sont engagés », a-t-elle affirmé.

Ses propos ont fait écho à ceux du Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, M. Idriss Jazairy, alors que tous les États objets de telles mesures en ont dénoncé l’illégalité.  Estimant que l’on assiste à l’extension d’un consensus international sur la nécessité d’une protection minimale des droits de l’homme en cas de sanctions, M. Jazairy a souhaité qu’il se retrouve dans le projet de déclaration relative à la légalité des mesures coercitives unilatérales.  Il a aussi fait observer que les sanctions unilatérales affectent en premier lieu des pays du Sud et distinguent souvent mal les dirigeants visés de la population dans son ensemble, avec des conséquences négatives pour les composantes les plus vulnérables de celle-ci et pour la réalisation des objectifs de développement durable.

Les pays du Sud étaient également au cœur des discussions relatives au droit au développement.  Objet des recherches du Rapporteur spécial sur le droit au développement, M. Saad Alfarargi, la coopération Sud-Sud a été considérée comme un élément devenu essentiel de l’architecture internationale de coopération pour un développement durable, ainsi qu’un complément important de la coopération Nord-Sud.  Pour M. Alfarargi, le cadre conceptuel de la coopération Sud-Sud -qui n’est pas nouvelle mais s’est considérablement développée ces dernières années- intègre de nombreux principes contenus dans le droit au développement, comme la souveraineté nationale, l’équité, le bénéfice mutuel, l’intégration ou la participation.  Le Rapporteur spécial a donc défendu une coopération Sud-Sud dont les résultats seraient évalués et contrôlés à la lumière des instruments des droits de l’homme.

Le Président-Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement, M. Zamir Akram, a en revanche regretté qu’aucun consensus n’ait pu être atteint concernant les ébauches de critères du droit au développement, qui devraient permettre une mise en œuvre cohérente dudit droit.  Alors que le Conseil des droits de l’homme a donné pour mandat à son Groupe de travail d’entamer des discussions en vue d’une ébauche d’instrument juridiquement contraignant sur le droit au développement à travers un processus collaboratif d’engagement, l’Union européenne a rappelé son opposition à un tel instrument contraignant, que réclame en revanche l’Afrique du Sud.

Deux autres experts sont venus s’exprimer aujourd’hui devant la Troisième Commission.  M. Livingstone Sewanyana, Expert indépendant sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable, a estimé que le droit de participer à la chose publique était essentiel à un ordre international démocratique et équitable, ce qui vaut sur le plan local mais aussi dans les instances internationales telles que l’ONU et le Fonds monétaire international (FMI).  Le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, M. Diego García-Sayán, a quant à lui insisté sur le rôle essentiel que jouent les ordres des avocats dans toute société démocratique, pour assurer l’exercice libre et indépendant de la profession d’avocat et garantir l’accès à la justice et la protection des droits de l’homme.  Il s’est dit inquiet des atteintes à cette indépendance et des pressions exercées, sous des formes anciennes ou d’autres, nouvelles et plus subtiles.

La Troisième Commission a par ailleurs poursuivi son débat général sur la promotion et la protection des droits de l’homme sous tous ces aspects.  La plupart des intervenants ont assuré de leur engagement en faveur des droits de l’homme, décrivant les mesures prises par leur pays.  L’observateur du Saint-Siège a, pour sa part, dénoncé une tendance croissante à une approche idéologique cherchant, selon lui, à créer une hiérarchie des droits de l’homme, en relativisant la dignité humaine, en attribuant plus de valeur et même de droits aux forts et aux sains, tout en écartant les faibles.

Demain, jeudi 18 Octobre, la Troisième Commission poursuivra à partir de 10 heures l’examen de la protection et la promotion des droits de l’homme sous tous ses aspects.  Elle doit notamment entendre cinq Présidents de Comité ou Experts.

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

Déclaration liminaire

Mme FIONNUALA NÍ AOLÁIN, Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a souligné que, même si le terrorisme est un phénomène mondial, un nombre limité de pays en subissent l’essentiel des conséquences en termes de pertes de vies humaines, de blessures physiques et de traumatismes, de destruction d’infrastructures, de déplacements internes et de dégâts causés à la vie sociale et culturelle.  L’an dernier, cette violence s’est statistiquement concentrée sur cinq pays: l’Afghanistan, l’Iraq, le Nigéria, la Syrie et le Pakistan, a-t-elle rappelé, notant toutefois que son mandat tient également compte du coût individuel, familial et communautaire du terrorisme.  Lors de ses rencontres avec des victimes du terrorisme en France et en Belgique, elle a ainsi pu mesurer l’horreur vécue par de nombreux jeunes qui assistaient à un concert dans la salle parisienne du Bataclan et de personnes victimes de l’attentat perpétré à l’aéroport international de Bruxelles.

La Rapporteuse spéciale a précisé que son rapport mettait, cette année, l’accent sur les effets de 17 ans de résolutions thématiques du Conseil de sécurité sur la lutte antiterroriste et la promotion des droits de l’homme.  Elle a dit observer un profond changement de réglementation au cours de la décennie qui a suivi l’attentat du 11 septembre 2001, les traités sur la lutte contre le terrorisme ayant cédé la place à des résolutions dressant les obligations légales imposées aux États en matière de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent.  Cette tendance a, selon elle, eu un effet globalement négatif pour la protection des droits de l’homme dans la mesure où elle a rendu ineffectives les protections constitutionnelles et juridiques des systèmes nationaux de nombreux pays.  À ses yeux, les résolutions du Conseil ont notamment obligé les États à mettre en œuvre des régimes de sanctions et des mesures antiterroristes aux dépens de la protection des droits et des libertés fondamentales.

Face à ces changements de réglementation, souvent introduits à la suite de processus expéditifs et dénués de transparence, Mme Ní Aoláin a fait un certain nombre de recommandations.  Observant que les résolutions du Conseil de sécurité ne font souvent qu’une référence générique aux droits de l’homme, elle estime que, puisque les obligations faites aux États en matière de lutte contre le terrorisme sont explicitées en détail, les mesures de protection des droits humains peuvent l’être également.  De même, elle considère que les mesures antiterroristes prises par des instances supranationales, comme le Conseil de sécurité, ne doivent pas empiéter sur les dispositions des constitutions et procédures nationales en matière de protection des droits de l’homme. 

La Rapporteuse spéciale a, enfin, estimé que tous les États avaient intérêt à veiller à une plus grande transparence et à mesurer les conséquences qu’ont les transcriptions en droit national des résolutions du Conseil de sécurité.  Elle suggère ainsi que lorsque des résolutions de ce type sont adoptées pour des raisons de nécessité impérieuse, les implications sur les droits de l’homme soient évaluées dans le cadre d’une analyse des changements opérés.

Dialogue interactif

Lors d’un échange avec Mme Ní Aoláin, le Royaume-Uni a déclaré que toutes les actions de lutte contre la menace terroriste devaient respecter l’état de droit pour être efficaces à long terme et que l’absence d’état de droit aidait à maintenir les conditions du terrorisme.  Il a demandé comment la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme pouvait aider à promouvoir les droits de l’homme?

La Belgique, au nom de l’Union européenne, a expliqué que l’Union européenne était pleinement engagée dans la lutte contre le terrorisme, et ce, tout en honorant ses engagements de protection des individus.  Elle a insisté sur le fait que ces droits étaient pleinement intégrés et a insisté sur l’importance d’inclure la société civile dans la lutte contre le terrorisme.  L’Union européenne aimerait avoir l’opinion de la Rapporteuse spéciale sur le traitement à réserver aux combattants terroristes étrangers et aux anciens combattants qui rentrent chez eux, notamment comment les États peuvent agir pour protéger les enfants de ces personnes.  Elle a également demandé, puisqu’il n’existe toujours pas de définition convenue du terrorisme, quels étaient les éléments essentiels qui devaient figurer dans une définition du terrorisme qui pourrait être utilisée au niveau national.

L’Irlande a rappelé, à son tour, que la sécurité et les droits de l’homme n’étaient pas en conflit mais au contraire interdépendants.  Les droits de l’homme doivent être le fondement des cadres de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent, et il faut s’assurer que les mesures prises dans ce cadre reflètent ces principes.  Elle a demandé comment l’architecture de lutte contre le terrorisme pouvait faciliter un débat plus inclusif.  Le Mexique a insisté sur la nécessité de permettre l’accès à la société civile et aux défenseurs des droits de l’homme aux discussions sur cette thématique et intégrer la perspective de genre.  Il a demandé quelles étaient les mesures à adopter par les États pour rendre les sanctions plus transparentes et s’il était possible d’approfondir l’incidence des technologies sur cette thématique?

L’Iraq a estimé que les règles du droit international doivent être pleinement respectées et garanties pour tous.  L’Iraq salue la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies, dans laquelle il voit un instrument unique au monde qui encourage les efforts nationaux, régionaux et internationaux.  L’Iraq appelle à renforcer la capacité des États à lutter contre le terrorisme.  Le représentant a ensuite salué l’action spectaculaire menée par les forces de sécurité de son pays, affirmant qu’elles avaient toujours respecté les droits de l’homme dans leur guerre contre le terrorisme.  La protection des civils était la priorité du Gouvernement, qui a d’ailleurs indemnisé les victimes.  Enfin, des enquêtes sont en outre menées lorsqu’il y a suspicion d’atteinte aux droits de l’homme.

La Fédération de Russie s’est déclarée étonnée de l’attention portée par la Rapporteuse spéciale au Conseil de sécurité, estimant que l’examen des mesures prises par le Conseil sur ce problème n’entrait pas dans ses compétences.  Pour elle, la Rapporteuse spéciale est devenue l’« otage de la mode actuelle consistant à critiquer toutes les actions du Conseil de sécurité ».  Elle devrait rejeter cette « démarche néfaste ». 

Réponses

Mme FIONNUALA NÍ AOLÁIN a remercié les délégations pour le soutien apporté à son mandat et l’indépendance de celui-ci.  Elle s’est dite d’accord avec les évaluations présentées par le Royaume-Uni et l’Irlande.  L’Irlande, a-t-elle souligné, est d’ailleurs un exemple de bonnes pratiques à cet égard, notamment pour ce qui tient aux défis rencontrés dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

S’agissant des moyens de promouvoir la protection des droits de l’homme, la Rapporteuse spéciale a dit avoir, au cours de l’année écoulée, mis en place une collaboration avec la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme (DECT).  Il existe, selon elle, une base juridique pour partager davantage d’informations entre la DECT et d’autres acteurs.  Actuellement, l’accès de la société civile à la DECT est limité et la Rapporteuse spéciale a souhaité une plus grande transparence. 

S’agissant des victimes du terrorisme, Mme Ni Aoláin a reconnu que l’un des défis auxquels la communauté internationale est confrontée consiste à les traiter comme des détenteurs de droits et non pas seulement comme un sujet à évoquer en fonction des opportunités.  Il faut garantir de tels droits.  C’est pourquoi la Rapporteuse spéciale a invité les États à se fonder sur les principes de la protection et la promotion des droits de l’homme. 

S’agissant des combattants étrangers, la Rapporteuse spéciale a estimé qu’il y avait là un des éléments les plus positifs du travail du Bureau de l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme, avec une nouvelle approche consistant à donner des conseils pratiques et des orientations sur la manière de gérer les droits des anciens combattants de retour dans leur pays d’origine.  Quant à la question des enfants, ce que « nous voyons est un statu quo » à leur égard, a estimé Mme Ni Aoláin.  Pour elle, le plus urgent aujourd’hui, c’est « leur retour et leur réintégration ». 

Bien que reconnaissant la divergence d’opinion, elle s’est dite « perplexe » face aux déclarations de la Russie sur l’inexistence d’un ensemble de règles convenues en matière des droits de l’homme, « Je ne pense pas que les droits de l’homme soient une simple question rhétorique: il y des obligations très concrètes pour lesquelles les États se sont engagés », a-t-elle réitéré. 

Déclaration liminaire

M. DIEGO GARCÍA-SAYÁN, Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, a présenté son rapport, qui porte sur le rôle essentiel que jouent les ordres des avocats dans toute société démocratique, qui est d’assurer l’exercice libre et indépendant de la profession d’avocat et de garantir l’accès à la justice et la protection des droits de l’homme, en particulier des droits à une procédure régulière et à un procès équitable.  Les normes internationales établissent non seulement la liberté d’association des avocats, mais également l’importance d’avoir des barreaux indépendants et autonomes, a rappelé M. García-Sayán.  Ces associations professionnelles sont appelées à jouer un rôle décisif dans la société, en garantissant l’accès à la justice et à la protection des droits de l’homme.  Pour le Rapporteur spécial, les Principes de base relatifs au rôle du barreau, adoptés en 1990, sont pertinents car ils aident les États à promouvoir, assurer et encadrer de façon appropriée la profession d’avocat.

Le rapport met également en lumière le grave problème de l’ingérence et l’atteinte à l’indépendance de ces associations juridiques professionnelles.  Les menaces peuvent prendre différentes formes, depuis les restrictions jusqu’à l’emprisonnement de leurs membres, en passant par la menace disciplinaire et la dissolution pure et simple du barreau, a expliqué le Rapporteur spécial.  C’est conscient de ces faits qu’il a décidé de consacrer une attention particulière aux critères qui doivent guider l’établissement, la composition et le fonctionnement des barreaux. 

M. García-Sayán a également prié les États de s’assurer que les fonctions et les responsabilités des associations du barreau soient juridiquement protégées pour sauvegarder le principe de l’indépendance et de l’intégrité de cette profession. 

Le rapport se propose de mettre en lumière la contribution décisive de ces associations dans le soutien de l’état de droit, la promotion des droits de l’homme et l’accès à la justice.  Le barreau peut coopérer, par exemple, avec les institutions dans l’organisation et la dispense de services d’assistance juridique aux pauvres et aux personnes vulnérables.  Les associations jouent un rôle dans l’éducation juridique et la formation et contribuent également aux débats publics relatifs à la réforme juridique, la gestion de la justice et la promotion et la protection des droits de l’homme et de l’état de droit.  Le rapport conclut sur les bonnes pratiques et les recommandations visant à assurer l’indépendance et l’efficacité des associations du barreau ainsi que les codes de conduite. 

Le rapport s’emploie, en outre, à pointer du doigt quelques exemples d’actes condamnables impliquant des avocats et leurs associations professionnelles ainsi que des dangers qui guettent la profession, a expliqué le Rapporteur spécial.  Il a cité comme exemple le cas de la Turquie où, depuis la proclamation de l’état d’urgence, 34 associations de barreau ont été dissoutes par décret, leurs biens saisis et leurs responsables condamnés à de lourdes peines de prison.  Cette répression doit cesser! a lancé le Rapporteur spécial, qui a également critiqué la politisation du système judiciaire qui affaiblit et contribue à l’inaction de la justice. 

M. García-Sayán a dit avoir été témoin de situations où le pouvoir est concentré entre les mains de l’exécutif ou du législatif, ce qui nuit à l’équilibre et à la séparation des pouvoirs.  Cela porte atteinte, a-t-il dit, aux principes démocratiques et à l’état de droit, et envoie en outre un message tronqué aux citoyens. 

Malgré l’existence d’une batterie d’instruments internationaux qui constituent un outil précieux à même de définir des stratégies et stimuler des développements positifs dans différents pays, le Rapporteur spécial les a jugés « insuffisants » au stade actuel.  Il a donc préconisé une mise à jour de ces instruments, notamment « les Principes de base » de 1985, pour inclure des normes visant à garantir et à protéger l’indépendance du pouvoir judiciaire et des avocats dans le contexte actuel.  Il a fait référence, à cet égard, aux problèmes de la corruption, de la macro-criminalité ou encore de la protection de la vie privée. 

Enfin, M. García-Sayán a appelé les États à prendre des initiatives, ajoutant que le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) pouvaient jouer un rôle moteur dans ce dialogue.

Dialogue interactif

Lors des échanges avec M. García-Sayán, l’Union européenne a expliqué que les associations d’avocats jouaient un rôle fondamental dans toutes les sociétés et que, sans elles, ni état de droit ni droits de l’homme n’étaient garantis.  Rappelant qu’en 2019, le Forum politique de haut niveau examinerait l’objectif 16 du Programme de développement durable à l’horizon 2030, qui porte notamment sur l’accès à la justice pour tous, l’Union européenne a demandé au Rapporteur spécial comment il voyait le rôle des associations d’avocats dans la réalisation du Programme 2030.  De plus, compte tenu du fait que les associations devraient coopérer avec toutes ces institutions pour fournir un service d’aide juridique, quelles sont les pratiques de base concernant la fourniture d’un tel service?

Les Émirats arabes unis ont rappelé que leur Constitution prévoit l’indépendance des magistrats et que de nombreuses lois protègent leur indépendance.  Ils déplorent que le rapport de M. García-Sayán ne reconnaisse pas les nombreuses initiatives en cours dans le pays pour renforcer encore l’indépendance des professions juridiques et ont demandé quel genre de formation devrait être offerte aux magistrats pour garantir l’indépendance de la profession.

Le Maroc a rappelé qu’il avait accueilli, du 14 au 18 octobre, le soixante et unième Congrès de l’Union internationale des magistrats (UIM) et a demandé au Rapporteur spécial sa perception sur les progrès réalisés en la matière dans le cadre du dialogue avec les associations professionnelles, y compris les associations d’avocats.

La Fédération de Russie s’est inquiétée du renforcement des pressions sur les avocats en Ukraine.  Elle a ajouté ne pas comprendre les appels des pays occidentaux qui tentent d’influencer des organes judiciaires avant même la fin du procès. 

La Turquie a affirmé que l’indépendance et la liberté des juges étaient pleinement reconnues par la Constitution.  Elle a regretté que le rapport mentionne des « incidents » survenus lors de l’état d’urgence qui a suivi le « coup d’État terroriste » de 2016.  La Turquie rejette les conclusions du rapport et affirme que sa réaction face au « coup d’État terroriste » était tout à fait conforme à l’état de droit.  En outre, l’état d’urgence alors imposé a été levé le 19 juillet 2018.

Réponses

Dans ses réponses, M. DIEGO GARCÍA-SAYÁN, a réitéré son appel pour une justice indépendante, ce qui concerne aussi bien la magistrature que les ordres des avocats et la société dans son ensemble.  Concernant les bonnes pratiques qui pourraient être renforcées, afin de rendre les services judiciaires plus accessibles, il a encouragé des politiques publiques qui permettraient de renforcer l’éducation et les qualifications.  Les avocats pourraient d’ailleurs y contribuer, en jouant un rôle de promoteur sur des questions de fond, notamment relatives aux droits de l’homme. 

Le Rapporteur spécial s’est dit, en outre, préoccupé par le fait que l’indépendance de la justice soit malmenée et a invité à aborder ce problème au travers de la réalisation des objectifs de développement durable du Programme 2030.  Aux Émirats arabes unis, il a répondu que son rapport faisait aussi état d’évolutions positives intervenues dans certains pays.  Il a en outre estimé que la prochaine réunion à Marrakech de l’Union internationale des magistrats serait l’occasion d’établir une charte internationale, qui ne fera que renforcer ce corps. 

M. García-Sayán a en outre estimé qu’il y avait aujourd’hui dans le monde une sensibilisation plus importante au sein des sociétés en faveur de l’indépendance de la justice.  Cependant, et malgré ces avancées, il a relevé de nouvelles pratiques visant à contrecarrer le travail de la justice, aux côtés d’autres plus anciennes.  Ces nouvelles pratiques sont plus subtiles et visent à amoindrir le contrepoids que représente l’administration judiciaire, a-t-il expliqué.  Il a cité, comme exemples de cette nouvelle menace mondiale, la criminalité et la corruption.  Il a appelé la communauté internationale à lutter de manière coordonnée contre ces phénomènes. 

Enfin, en réponse à la Turquie, le Rapporteur spécial a indiqué qu’il y a eu peut-être des évolutions, ajoutant qu’il souhaiterait « approfondir ce dialogue » et réitérant, à cette fin, sa demande publique d’une invitation à se rendre dans ce pays. 

Déclaration liminaire

M. IDRISS JAZAIRY, Rapporteur spécial sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, a indiqué que son quatrième rapport traitait de l’évolution de régimes de sanctions unilatéraux visant des pays tels que la République arabe syrienne, le Zimbabwe, l’État de Palestine (Gaza), Cuba, la République populaire démocratique de Corée, la Fédération de Russie, le Soudan, le Qatar, la République islamique d’Iran, le Venezuela et le Bélarus.

Parmi les propositions formulées par le Rapporteur spécial figure une demande d’avis de la Cour internationale de Justice sur la légalité des mesures coercitives unilatérales et autres blocus imposés en temps de paix, quand ces actions s’accompagnent de sanctions unilatérales secondaires prises à l’encontre d’États tiers.  M. Jazairy estime, d’autre part, que l’absence de données exhaustives et fiables sur les sanctions unilatérales mises en œuvre constitue un obstacle pour l’évaluation de leur impact en termes de droits humains.  La création d’une base de données complète, officielle et sous administration onusienne constitue, selon lui, un prérequis fondamental.  Un tel outil, d’une grande utilité pour le Conseil de sécurité, mais aussi pour les entreprises engagées dans des transactions internationales et la communauté internationale en général, pourrait être mis en place sans difficulté et sans coût excessif, a-t-il plaidé.

Le Rapporteur spécial a, d’autre part, estimé que les États Membres devraient entamer des consultations sur un projet de déclaration relatif à la légalité des mesures coercitives unilatérales.  À ses yeux, le consensus international sur les protections minimales des droits de l’homme, qui doit s’appliquer à l’utilisation de mesures restrictives, gagne en ampleur et devrait s’incarner dans cet instrument.  La déclaration qu’il appelle de ses vœux devrait également réitérer la nécessité de recourir à des mécanismes garantissant des procès équitables et la possibilité pour les victimes d’obtenir réparations, afin de prévenir des situations de déni de justice.  Comme il l’avait fait devant le Conseil des droits de l’homme, M. Jazairy a, en outre, proposé la désignation par le Secrétaire général d’un représentant spécial sur les mesures coercitives unilatérales chargé de se faire l’avocat du respect du droit international dans les cas de sanctions unilatérales.

M. Jazairy a conclu son exposé en attirant l’attention des États Membres sur le fait que les sanctions internationales affectent souvent sans discernement les belligérants et la population civile, ce qui est contraire aux dispositions basiques du droit international.  Dans les situations de blocus, par exemple, les civils se retrouvent victimes d’une « punition collective » et devraient, de fait, être considérés comme vivant en zone de guerre, avec la protection que cela implique au regard du droit international humanitaire, a-t-il fait valoir.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Jazairy, la plupart des États soumis à des sanctions unilatérales sont intervenus pour dénoncer ces mesures et leurs conséquences.  Ainsi, le Soudan a parlé d’un effet dévastateur sur la pleine jouissance des droits de l’homme, surtout dans les pays en voie de développement.  Le Soudan a pourtant tout fait pour consolider la coopération avec la communauté internationale afin de lever les sanctions internationales imposées au Soudan depuis le début des années 1990.  En outre, des contacts sont maintenus à tous les niveaux avec l’Administration américaine et le pays apprécie le dialogue en cours, qui a permis de lever les sanctions unilatérales, en tout cas en principe, car cette levée doit encore devenir réalité.  Le Soudan est donc « impatient » que cette approche de dialogue permette d’atteindre l’objectif ultime et est optimiste face à la bonne progression des choses.

La République islamique d’Iran a déploré que les États-Unis pénalisent des nations dans le monde entier pour avoir respecté une résolution du Conseil de sécurité, dont ils sont un membre permanent.  Pour l’Iran, c’est là « un précédent dangereux » que le pays est déterminé à rejeter, afin de défendre ses « droits légitimes ».  L’Iran a fait appel à la Cour internationale de Justice (CIJ) pour préserver les droits de l’homme, « bafoués par les sanctions unilatérales à la suite du retrait de Washington de l’accord sur l’Iran ».  Accusant les États-Unis « d’étouffer tout un pays », il a parlé de « crime de guerre », ajoutant que les sanctions des blocus économiques « avaient tué plus d’enfants que n’importe quelle guerre ».  La République islamique d’Iran demande au Rapporteur spécial de formuler des propositions pour contrer cette tendance dangereuse et l’invite à venir visiter le pays quand il le souhaite.  Il aimerait savoir si des actions coordonnées pourraient être entreprises par l’ensemble des titulaires de mandat.

La République populaire démocratique de Corée a qualifié de crime contre l’humanité les sanctions unilatérales à son encontre, qui durent depuis 70 ans.  En provoquant un quasi-génocide, ces mesures constituent une violation flagrante de la Charte de l’ONU, ne peuvent en aucun cas être justifiées et doivent être levées sans condition.  La République arabe syrienne a souligné les conséquences désastreuses des mesures coercitives unilatérales « illégales » imposées au pays depuis 2011, parlant de punition collective à l’encontre des civils, y compris les groupes vulnérables.  La délégation a demandé aux États qui imposent ces sanctions de respecter leurs obligations au regard de la Charte de l’ONU et des instruments pertinents applicables.

L’État de Palestine a rappelé que le blocus illégal d’Israël sur Gaza punissait plus de deux millions de Palestiniens qui y vivent et avait des incidences socioéconomiques énormes, notamment un taux de chômage de 40% et une large part de la population sous le seuil de pauvreté.  Dans ce contexte, la délégation a voulu savoir quelles mesures concrètes pourraient être prises par la communauté internationale afin de mettre Israël devant ses responsabilités et obliger la Puissance occupante à respecter le droit international.  Israël a rappelé que les mesures imposées à Gaza se font dans le contexte d’attaques terroristes menées contre le territoire israélien et a rappelé que les problèmes n’étaient pas le seul fait d’Israël, l’Autorité palestinienne n’ayant pas souhaité transférer des infrastructures à Gaza.  Dans ce contexte, elle a demandé au Rapporteur spécial comment il était possible de promouvoir le dialogue en traitant avec une organisation terroriste.

Cuba considère de telles mesures unilatérales comme contraires au droit international, à la Charte de l’ONU et aux normes et principes des relations pacifiques entre États.  Les mesures unilatérales ne peuvent être prises qu’en cas de légitime défense et doivent respecter le principe de proportionnalité.  Cuba a dénoncé les États-Unis comme principaux responsables des mesures unilatérales et a rappelé qu’elle proposerait un projet de résolution sur la nécessité de mettre fin au blocus financier et commercial imposé par les États-Unis contre le pays.

Au nom du Mouvement des pays non-alignés, le Venezuela s’est déclaré préoccupés par l’imposition de telles mesures qui « sapent le bien-être des populations concernées ».  À titre national, il encourage le Rapporteur spécial à s’attacher à l’élaboration de la déclaration de l’Assemblée générale sur les mesures coercitives et à mettre en place un registre des mesures coercitives existant à ce jour, afin que chacun puisse voir quelles sont ces mesures ainsi que leurs effets sur les pays concernés.  Le Venezuela souhaite également savoir quelles mesures concrètes ont été prises par les Nations Unies pour aider les pays victimes de ces mesures.

La Fédération de Russie s’est dite intéressée par la proposition de création d’un poste de représentant spécial du Secrétaire général.  Elle considère les sanctions comme des mesures extrêmes destinées à éliminer une menace contre la paix et ne peut admettre que l’on fasse de ces mesures unilatérales des mécanismes de punition ou d’élimination d’un concurrent économique.

Bahreïn, au nom de plusieurs pays, a dénoncé les effets extraterritoriaux des sanctions sur des pays tiers, estimant que cela est contraire au droit international.  Mais Bahreïn a des réserves sur la terminologie adoptée par le Rapporteur spécial et est en désaccord quant à ses conclusions sur le Qatar, qu’il a qualifié d’« incohérentes ».  Pour Bahreïn, il faut faire la distinction entre les atteintes au droit international et les mesures légales de lutte contre le terrorisme.  Les mesures prises par Bahreïn et plusieurs autres États respectent les droits de l’homme et n’ont pas d’incidence sur des tierces parties.  Dans le même sens, les Émirats arabes unis ont réitéré leur ferme condamnation des mesures coercitives qui ne seraient pas imposées par la communauté internationale, mais regrettent, eux aussi, que le Rapporteur spécial n’ait pas fait de distinction entre ces mesures illégales et l’ensemble des mesures légales que les États peuvent prendre.  Ils ont en outre accusé M. Jaiziry de « spéculations » sur les mesures prises par les Émirats arabes unis pour ne pas nuire aux intérêts des citoyens qataris.  Ils ont enfin demandé au Rapporteur spécial quelle différence il faisait entre embargo et blocus.

Le Qatar s’est dit d’accord avec les préoccupations du Rapporteur spécial à l’issue de sa première visite dans le pays.  Les mesures illégales prises contre le Qatar sont très négatives pour des milliers d’hommes, femmes et enfants et violent les droits de l’homme de milliers de citoyens qataris ainsi que des ressortissants étrangers vivant dans le pays.  Le Qatar rappelle également l’avis rendu par la Cour internationale de Justice sur le regroupement des familles séparées du fait de ces mesures et estime que les personnes qui le souhaitent devraient pouvoir entamer des poursuites juridiques contre les Émirats arabes unis.  Le blocus subi par le Qatar est injuste et contraire à la Charte des Nations Unies, aux principes de bon voisinage et représente une menace pour la sécurité dans la région.

L’Arabie saoudite a jugé étrange de parler de mesures coercitives unilatérales au sujet de la coalition à l’œuvre au Yémen.  Il est aussi étonnant d’affirmer qu’il y aurait des restrictions à l’assistance humanitaire au peuple yéménite.  Ceux qui empêchent l’arrivée de cette aide sont les « terroristes houthistes » qui saisissent les navires et se livrent à des pillages, a-t-elle affirmé, en dénonçant les conclusions du Rapporteur spécial sur cette question.

Réponses

Dans ses réponses, M. IDRISS JAZAIRY a commencé par rappeler que c’est le Conseil des droits de l’homme qui a décidé de créer ce mandat très délicat.  Il s’est ensuite longuement attardé sur le difficile sujet de la distinction terminologique entre blocus et embargo.  Le terme de blocus, a-t-il expliqué, ne peut s’appliquer dans le cas du Qatar, qui continue de commercer, mais pas avec les autres États du Golfe.  Pour le Qatar, il faut donc parler d’un embargo.  Se disant disponible pour se rendre au Qatar, il a cependant indiqué ne pas vouloir uniquement participer à une « cacophonie d’accusations », car ce n’est pas la solution.  Mais il s’est dit prêt à contribuer à une réduction des tensions, se référant à l’approche adoptée entre le Soudan et les États-Unis et qui a donné ses fruits.  « Je veux contribuer à un processus de dialogue » entre ces pays.  En réponse à l’Arabie saoudite, il a estimé être indépendant et n’agir « ni pour les uns, ni contre les autres ».

Ces mesures sont-elles légales ou illégales? s’est ensuite interrogé le Rapporteur spécial.  Il veut bien se référer à une étude de l’ONU, mais malheureusement, a-t-il déploré, les projets de conclusions n’ont jamais été adoptés.  En revanche, les sanctions imposées par le Conseil de sécurité sont légales d’un point de vue international, a tenu à préciser M. Jazairy.

Le Rapporteur spécial a ensuite regretté que la question de la légalité des sanctions unilatérales ne soit pas une question sur laquelle les États Membres sont très actifs.  Il a jugé la controverse autour de la question de la légalité « plutôt politique que juridique ».  Il a reconnu l’existence d’ambiguïtés des sanctions qui ne sont pas conformes au droit international, suggérant de demander à la Cour internationale de Justice de décider si ces mesures coercitives unilatérales sont légales ou illégales.  La réponse ne relève pas de son mandat, a-t-il insisté.

Sur un autre registre, le Rapporteur spécial a invité le Soudan à trouver des éléments de réponse à sa question dans la Charte des Nations Unies.  Médiation, arbitrage ou encore conciliation sont des mots certes compliqués figurant dans la Charte mais « vous pouvez y avoir recours », a-t-il dit.

M. Jazairy a également suggéré que l’Assemblée générale puisse envisager de nommer un représentant international pour traiter des pires formes de mesures coercitives.

À l’endroit de la République populaire démocratique de Corée, il a expliqué l’existence de deux catégories de sanctions: celles du Conseil de sécurité et qui ne relèvent pas de son mandat et les autres, unilatérales, pour lesquelles « nous devrions pouvoir mettre en place une fenêtre d’accès pour une assistance humanitaire ».  Pour finir, il a indiqué s’agissant de la Palestine, qu’il était important de l’inscrire dans un contexte plus large de la redevabilité.

Déclaration liminaire

M. ZAMIR AKRAM, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement, a expliqué que le Groupe de travail avait été mis en place pour, entre autres, surveiller et examiner les progrès faits en matière de promotion et de mise en œuvre du droit au développement, aux niveaux national et international, pour analyser les obstacles à sa pleine jouissance et offrir des recommandations sur la question.

Au cours des discussions du Groupe de travail avec le Rapporteur spécial sur le droit au développement et les experts sur la mise en œuvre et la réalisation du droit au développement dans le contexte du Programme 2030, de nombreux points ont été abordés, comme les dimensions internationales du droit au développement, les flux financiers illicites, les développements jurisprudentiels devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, les défis de la mise en œuvre du droit au développement et des objectifs de développement durable.

M. Akram a regretté qu’aucun consensus n’ait pu être atteint concernant les ébauches de critères de ce droit au développement, qui devraient permettre de définir des critères exhaustifs et cohérents pour la mise en œuvre de ce droit.  Parmi les recommandations du Groupe de travail, il a été demandé, entre autres, au Haut-Commissaire aux droits de l’homme de prendre les mesures nécessaires pour assurer une allocation des ressources qui soit visible et équilibrée et de porter attention à la mise en œuvre effective et à la visibilité du droit au développement.  Ces recommandations ont été approuvées par le Conseil des droits de l’homme dans sa résolution 39/9, a rappelé M. Akram.

Le Conseil des droits de l’homme a également décidé que le Groupe de travail devrait entamer des discussions pour élaborer une ébauche d’instrument juridiquement contraignant sur le droit au développement à travers un processus collaboratif d’engagement, incluant le contenu et la portée du futur instrument, a expliqué M. Akram.  Le Groupe de travail entame à présent une nouvelle phase centrée sur la négociation de cet instrument juridiquement contraignant du droit au développement, un « travail formidable » par son ampleur, a reconnu le Président-Rapporteur.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Akram, le Venezuela, au nom du Mouvement des pays non alignés, a rappelé que cela fait trois décennies que la communauté internationale a adopté la Déclaration sur le droit au développement.  Pour que l’être humain en soit le principal bénéficiaire, il faut créer les conditions économiques et sociales, notamment dans les pays en développement, a-t-il plaidé.  Ainsi, au cours de la dernière conférence ministérielle du Mouvement des pays non alignés, les participants ont tous convenu de promouvoir l’ensemble des droits de l’homme et particulièrement le droit au développement, afin d’en faire une réalité pour tous.  Cuba a, elle aussi, rappelé que la Déclaration sur le droit au développement datait de plus de 30 ans, pour constater que sa mise en œuvre reste une chimère dans plusieurs parties du monde.  C’est un droit collectif dont nous devrions tous jouir, a souligné la délégation, appelant à son intégration dans les politiques et les actions des organisations internationales.  Pour Cuba, le rapport de M. Akram aurait gagné en intérêt s’il s’était davantage intéressé à la mise en œuvre de ce droit. 

La Fédération de Russie a fait valoir que le développement était une composante importante des droits de l’homme.  Selon elle, l’État doit assumer la responsabilité de la promotion de ce droit.  La Fédération de Russie souhaite savoir ce qui va être fait pour l’adoption de normes en matière de droit au développement. 

La République islamique d’Iran a souligné l’importance du lien entre le droit au développement et le Programme 2030.  Il faut, selon elle, prévoir des normes pour mettre en œuvre ce droit de l’homme essentiel, ce qui permettra de mettre en œuvre les objectifs de développement durable.  L’organisation d’une conférence de haut niveau et la rédaction d’une convention sont des occasions qui devraient être saisies à cette fin, estime l’Iran, qui rappelle en outre que les membres les plus vulnérables de la société sont souvent victimes de sanctions unilatérales qui représentent des crimes contre l’humanité et privent une partie des humains de leur droit au développement.

La Chine a fait valoir que le droit au développement contribuait à la lutte contre la pauvreté.  Elle demande que soient respectés les objectifs et principes de la Charte ainsi que les choix indépendants des pays en matière de développement et plaide pour un ordre économique plus juste et équitable permettant de réexaminer les déséquilibres Nord-Sud en matière de développement.  Les agences de droits de l’homme de l’ONU devraient, selon elle, en faire une priorité en adoptant une approche basée sur l’humain.

Le Pakistan a estimé que le droit au développement servait à autonomiser les peuples et à créer un bon environnement national et international.  Il a salué le travail du Président-Rapporteur du Groupe de travail et affirmé qu’il avait besoin du soutien de la communauté internationale.  Pour le Pakistan, la coopération Sud-Sud est une composante essentielle de la mise en œuvre du Programme 2030, lequel ne sera pas possible si l’on ne réduit pas les impacts des conflits.

Le Maroc a estimé que la coopération devrait être en mesure d’éliminer les obstacles au droit au développement.  Pour le Maroc, un progrès durable exige des politiques de développement nationales efficaces, ainsi que des partenariats forts au niveau international.

Réponses

Dans ses réponses, M. ZAMIR AKRAM a expliqué que son objectif était de dépasser l’impasse au sein du Groupe de travail et l’absence de la volonté politique des États Membres de surmonter leurs divergences.  Les pays en développement et les pays développés campent sur leurs positions, lesquelles reposent souvent sur des considérations d’ordre idéologique, a-t-il regretté.

Durant ses trois années à la tête du Groupe de travail, je me suis interrogé sur le moyen de faire avancer le travail, en préconisant l’idée de se concentrer sur les instruments internationaux acceptés par consensus, a expliqué M. Akram.  En effet, a-t-il justifié, ce sont ces documents qui nous réunissent tous, « que vous veniez du Nord ou du Sud ».  Il a cité, à cet égard, la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Déclaration de Vienne et plus récemment, le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et ses objectifs de développement durables.  Ce sont, selon lui, des mesures pratiques sur la base desquelles « on peut avancer ».

Le Président-Rapporteur a, en outre, suggéré quelques normes très claires qui « nous permettraient de fixer les règles pour avoir des objectifs encore plus ambitieux à l’avenir », tout en conseillant d’aller lentement mais sûrement vers un consensus plus large.

Enfin, M. Akram a invité l’ensemble des États Membres à faire preuve de volonté politique nécessaire pour parvenir à un système de compromis réciproques.  C’est, à son avis, la façon la plus simple d’avancer, tout en reconnaissant qu’en tant que Président-Rapporteur, il est tenu de respecter les décisions tout en « facilitant un consensus » à l’avenir.

Déclaration liminaire

M. SAAD ALFARARGI, Rapporteur spécial sur le droit au développement, a rappelé qu’en septembre 2017, la résolution 36/9 du Conseil des droits de l’homme l’avait chargé d’organiser des consultations régionales sur la mise en œuvre pratique du droit au développement.  Le but de ces consultations régionales, programmées en 2018 et 2019, est d’identifier les bonnes pratiques en matière de conception, d’application, de contrôle et d’évaluation de politiques de développement durable inclusives et menant à la réalisation des droits humains, a-t-il expliqué.

S’agissant de son rapport, M. Alfarargi a indiqué qu’il visait à introduire une perspective de droit au développement dans le cadre de la coopération triangulaire.  Aujourd’hui, la communauté internationale est confrontée à des défis et crises qui menacent le développement politique, socioéconomique et culturel des générations actuelles et futures.  La coopération Sud-Sud est devenue un élément vital de l’architecture internationale de coopération pour un développement durable, ainsi qu’un complément important de la coopération Nord-Sud.

Les partenariats Sud-Sud, bien qu’ils ne soient pas nouveaux, ont connu une remarquable expansion ces dernières années, s’est félicité M. Alfarargi, qui y a vu le reflet de l’accumulation d’expériences, de ressources et de connaissances dans le Sud.  Pour lui, le cadre conceptuel de la coopération Sud-Sud intègre de nombreux principes contenus dans le droit au développement, tels que la souveraineté nationale, l’équité, le bénéfice mutuel, l’intégration, et la participation.

Toutefois, a ajouté le Rapporteur spécial, alors que la coopération Sud-Sud s’étend et s’institutionnalise, plusieurs défis peuvent en saper les principes, à savoir les relations inégales de pouvoir, le partage inéquitable des ressources ainsi que les difficultés de mise en œuvre de processus inclusifs et participatifs.  

La coopération Sud-Sud n’en est pas moins porteuse de davantage de promesses pour l’avenir, a poursuivi M. Alfarargi, et son impact positif peut être encore renforcé si les États et d’autres acteurs intègrent une perspective de droit au développement dans la conception, le financement, la mise en œuvre et l’évaluation de processus de coopération Sud-Sud.

Pour y parvenir, le Rapporteur spécial préconise une approche holistique qui soit conforme au droit au développement.  Il encourage, en outre, des initiatives qui autonomisent les détenteurs de droit, des processus de coopération basés sur les principes et normes issus des instruments internationaux des droits de l’homme et luttant contre les discriminations et les inégalités.  Il défend également une coopération Sud-Sud dont les résultats seraient évalués et contrôlés à la lumière des instruments des droits de l’homme.  En conclusion, M. Alfarargi a souhaité que son rapport puisse fournir des ressources utiles aux États et autres parties en prévision de la préparation de la Deuxième Conférence des Nations Unies sur la coopération Sud-Sud, qui se tiendra, en mars 2019, à Buenos-Aires.

Dialogue interactif

Lors du dialogue avec M. Alfarargi, les Comores, au nom du Groupe des États d’Afrique, se sont déclarées convaincues que le droit au développement est un droit fondamental dont les bases se trouvent dans tous les instruments internationaux, y compris dans la Charte de l’ONU. Il est lié à tous les droits de l’homme et fait partie des aspirations des peuples dans le monde entier. Il est donc regrettable que l’on ne tienne pas suffisamment compte de son poids dans les droits fondamentaux. Un ordre mondial plus juste devrait permettre une mondialisation au service de tous.

L’Indonésie a estimé qu’il fallait continuer à travailler sur la coopération Sud-Sud dans le cadre du droit au développement. La Déclaration adoptée voilà 30 ans réaffirme ce droit comme l’un des droits fondamentaux, a-t-telle souligné, se disant convaincue que la coopération Sud-Sud avait un rôle fondamental à jouer pour assurer le succès du Programme 2030. Elle a souhaité obtenir plus d’informations sur la meilleure façon de garantir le renforcement de la coopération Sud-Sud, sachant que les États ont des priorités différentes. 

La République islamique d’Iran reconnait le potentiel de la coopération Sud-Sud dans le cadre du Programme 2030.   Cette coopération doit être gérée par les pays du Sud et se fonder sur les principes qui ont toujours présidé à cette coopération, complémentaire de la coopération Nord-Sud. L’Iran rappelle en outre les sanctions unilatérales dont ils sont victimes de la part des États-Unis, et les menaces de les voir s’aggraver encore. Or, de telles mesures ont des effets négatifs sur les Iraniens les plus vulnérables. Il demande donc au Rapporteur spécial de condamner ces menaces qui mettent en danger les droits des Iraniens. 

Le Maroc réalise parfaitement la complexité et la sensibilité des discussions sur le droit au développement. Il se félicite que les discussions au niveau régional aboutissent à l’établissement de lignes directrices, convaincu que ces efforts garantiront le succès du droit au développement et permettront d’éviter les doublons.

L’Union européenne a réitéré son appui au droit au développement fondé sur le caractère indivisible et interdépendant de tous les droits de l’homme. A ses yeux, la responsabilité fondamentale quant à la réalisation du droit au développement tient au devoir des États à l’égard de leurs ressortissants. A cet égard, le Programme 2030 permet d’intégrer les droits de l’homme dans des stratégies de développement durable. Prenant bonne note de l’importance de la coopération Sud-Sud, l’Union européenne a souhaité savoir ce qui pourrait être fait pour intégrer le rôle des femmes dans ce cadre. L’Union européenne n’est en revanche pas favorable à l’élaboration d’un instrument juridiquement contraignant au niveau international, estimant qu’il ne serait pas adapté pour le droit au développement.  Au contraire, l’Afrique du Sud, qui a relevé la contribution du droit au développement au rapprochement des deux Pactes internationaux sur les droits de l’homme et à la mise en œuvre des objectifs de développement durable, est favorable à un tel instrument juridiquement contraignant, afin de garantir que ce droit soit effectivement mis en œuvre. S’agissant des mécanismes nationaux, elle a souhaité savoir quel rôle ils devraient remplir.

Le Soudan s’est dit conscient des défis liés aux crises, lesquels freinent les objectifs de développement durable. Il a demandé au Rapporteur spécial son avis quant à aux meilleures pratiques permettant d’accélérer l’application de ce droit en gardant à l’esprit les écarts technologiques et les fléaux que constituent le terrorisme, la pauvreté et les guerres. 

Le Brésil a pris bonne note des activités du Rapporteur spécial et s’est dit honoré de s’acquitter de ses responsabilités en contribuant au développement des pays du Sud. Dans ce contexte, il aimerait connaitre les meilleures pratiques de coopération qui pourraient aider à promouvoir le droit au développement dans le cadre du Programme 2030.

Cuba, qui prend bonne note de l’analyse du Rapporteur spécial sur le lien entre la coopération Sud-Sud et le droit au développement, estime que la coopération Sud-Sud est devenue un élément fondamental de la coopération mondiale et contribue à la mise en œuvre du programme 2030. Il faut néanmoins aussi tenir compte de la coopération Nord-Sud et de la coopération triangulaire. Cuba estime aussi que la persistance d’un ordre international antidémocratique, inégal et égoïste a une incidence négative sur le droit au développement, de même que les mesures coercitives unilatérales comme le blocus imposé par les Etats-Unis à Cuba, qui prive toute une population de la jouissance du droit au développement.

L’Égypte a jugé nécessaire de créer un environnement international propice qui permette de tirer un meilleur profit des retombées de la mondialisation. Il est regrettable que trop souvent l’on ignore le droit au développement parmi les droits et libertés fondamentales, a-t-elle souligné. S’agissant de la coopération Sud-Sud, elle a souhaité savoir comment être sûr qu’elle est complémentaire de la coopération Nord-Sud. 

Réponses

Répondant aux délégations, M. SAAD ALFARARGI s’est félicité que son rapport ait été bien accepté et a vu un bon signe dans le fait qu’il suscite de nombreuses discussions.  Le Rapporteur spécial a expliqué qu’en s’attelant à la thématique Sud-Sud, son objectif était de donner à cette coopération la place qu’elle mérite. Cela dit, la coopération Sud-Sud ne peut en aucun cas « se substituer » à la coopération Nord-Sud, elle en est complémentaire et l’accompagne, a-t-il insisté, car sinon, cela ne fonctionnerait pas. Quant à la démarche adoptée, elle a reposé sur la recherche des meilleurs pratiques au niveau de la coopération régionale en envisageant une réunion à l’échelle internationale pour rassembler les différents groupes et obtenir un résultat global. Il a indiqué son intention d’essayer d’aider les différents groupes à travailler dans le cadre d’une véritable coopération, malgré « l’atmosphère internationale qui n’est pas très encourageante ».

M. Alfarargi a indiqué être « encore au début de ce voyage ». De nombreuses difficultés existent mais, après avoir « entendu » les États Membres, il s’est dit encouragé à poursuivre car il se « sent soutenu » dans son travail.  S’agissant de l’Iran, il reconnaît que le « déni du droit au développement » est un grand problème, mais, a-t-il précisé, le Rapporteur n’est pas équipé, ni qualifié pour « traiter cette situation ». S’agissant des autres questions, il a indiqué en avoir pris « bonnes notes » et qu’il compte envoyer les réponses ultérieurement.

Déclaration liminaire

M. LIVINGSTONE SEWANYANA, Expert indépendant sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable, a abordé la question des formes et de la pratique de la démocratie, objet de son premier rapport.  Pour l’Expert indépendant, il est nécessaire d’examiner les pratiques de gouvernance à travers le monde afin d’identifier les obstacles à la croissance de la démocratie et au développement équitable.

Le droit de participer à la chose publique est essentiel à un ordre international démocratique et équitable, a poursuivi M. Sewanyana.  Cela s’applique aux affaires locales mais s’étend également aux instances internationales telles que l’ONU et le Fonds monétaire international (FMI).  Toutes les parties prenantes doivent partager le contrôle des initiatives de développement, des décisions et des ressources qui les concernent.

S’agissant du fléau de la corruption, l’Expert indépendant a souligné l’importance des partenariats public-privé, la mise en œuvre des droits des travailleurs et de la protection de l’environnement et l’engagement des entreprises à respecter ces droits.  Il a rappelé les dangers auxquels font face les militants anti-corruption et les autres défenseurs des droits dans le domaine de la bonne gouvernance, mettant en avant l’importance d’analyser le lien qui existe entre la répression de ces activités et les inégalités.

M. Sewanyana a également soulevé la problématique de l’émergence de forums de gouvernance mondiale.  Le G7, le Forum économique mondial et le Forum social mondial jouent ainsi un rôle dans la définition du cadre et de la fonction de l’ordre international.  À ce titre, il est utile d’étudier leurs mandats et leurs pratiques et de formuler des recommandations visant à renforcer leur contribution à la gouvernance démocratique et au respect des droits de l’homme.

S’agissant des problèmes économiques mondiaux, l’Expert indépendant a reconnu qu’ils touchaient de manière disproportionnée les personnes en situation économique vulnérable, telles que les femmes, les personnes handicapées et les personnes âgées.  Les mesures d’austérité et les approches classiques en matière d’investissements internationaux se sont révélées insuffisantes, a-t-il relevé.

M. Sewanyana a exprimé sa volonté d’étudier comment la communauté internationale pourrait mieux relever ces défis et promouvoir un ordre mondial plus démocratique et plus équitable.  De plus, il a l’intention d’examiner le lien entre la jeunesse, la vulnérabilité, la violence et les opportunités.  Il a appelé en conclusion à une meilleure représentation des jeunes dans tous les espaces et forums.

Dialogue interactif

Lors de la discussion avec M. Sewanyana, le Venezuela, au nom du Mouvement des pays non alignés, a estimé que la communauté internationale devrait soutenir la promotion et la consolidation de la démocratie et de tous les droits de l’homme, conformément aux objectifs et principes de la Charte de l’ONU.  Il s’est aussi prononcé pour une réduction des écarts entre les pays développés et en développement, jugeant qu’elle permettrait de garantir une pleine mise en œuvre du droit au développement.  Il a par ailleurs lancé un appel en faveur de la démocratisation du système de gouvernance international afin que soient apportées des réponses aux besoins des peuples sur la base de la coopération internationale. 

Cuba s’est dite convaincue que toute personne a le droit de voir se concrétiser un ordre mondial dans lequel la Déclaration universelle des droits de l’homme serait pleinement mise en œuvre.  Pour Cuba, le droit au développement et les droits de l’homme sont interdépendants.  Cuba présentera un projet de résolution sur l’ordre international démocratique et équitable.  Le représentant a par ailleurs demandé à l’Expert indépendant ce que l’on pouvait dire de la politique des États-Unis, qui se sont retirés de plusieurs traités internationaux comme l’Accord de Paris sur le climat. 

Réponse

M. LIVINGSTONE SEWANYANA a répondu en estimant que son mandat constituait une « merveilleuse occasion de créer un nouvel ordre démocratique et équitable ».  Si beaucoup de barrières existent pour la création de ce nouvel ordre, les droits n’ont pas de frontières, que l’on soit du Sud ou du Nord, a-t-il souligné.  Il a ajouté qu’au cours de la présentation de son action au Conseil des droits de l’homme, il avait demandé aux États Membres d’organiser des rencontres afin que puissent être examinés les défis liés au mandat.  Beaucoup de problèmes créent l’impasse dans laquelle nous sommes aujourd’hui, a estimé l’Expert indépendant, qui a noté que certains États utilisaient les notions de démocratie lorsque cela leur convient.  Pour y remédier, il a préconisé un partenariat fort entre le Nord et le Sud.  Estimant que la Charte des Nations Unies était une excellente base pour la réalisation de la paix, de la sécurité et de la démocratie dans le monde, il a assuré vouloir travailler avec autant de parties prenantes que possible et s’est engagé à appuyer les États Membres dans leurs efforts.

Suite de la discussion générale

M. Nirmal Raj Kafle (Népal) a assuré que son pays était pleinement engagé en faveur de la protection et la promotion des droits de l’homme.  À cette fin, le Népal a adopté toute une série de mesures visant à les mettre en conformité avec ses obligations nationales et internationales.  La Constitution a ainsi créé la Commission nationale des droits de l’homme, qui garantit la mise en œuvre réelle de ces droits, a souligné le représentant.  La Constitution garantit également les droits de chaque personne, groupe et communauté en prenant en compte leurs spécificités et origines géographiques.  De même, le système judiciaire népalais est indépendant, impartial et a rendu des décisions importantes en faveur des droits fondamentaux.

Sur le plan international, le Népal est partie à 24 conventions et protocoles en matière de droits de l’homme, a encore précisé le représentant.  En tant que membre du Conseil des droits de l’homme pour la période 2018-2020, le Népal continuera à œuvrer pour la protection des droits et libertés fondamentales, a-t-il conclu.

M. FRANCISCO ALBERTO GONZALEZ (Colombie) a indiqué que la protection et la promotion des droits de l’homme sont, pour la Colombie, des questions liées à la consolidation de la paix, au même titre que le renforcement des institutions démocratiques et l’état de droit.  Pour le représentant, il convient de renforcer les garanties en matière de droits de l’homme pour assurer la protection de tous les citoyens mais aussi pour prévenir les conflits et ne pas revenir en arrière.

La Colombie, a poursuivi M. Gonzalez, respecte ses obligations au regard des traités internationaux et mécanismes ayant trait aux droits de l’homme.  À cet égard, elle présente différents rapports périodiques montrant les résultats enregistrés ainsi que les défis qui restent à surmonter.  Le représentant a enfin rappelé l’attachement de la Colombie au mécanisme de l’Examen périodique universel, dans lequel le pays voit une occasion de progresser.  La Colombie continuera de travailler au renforcement de cette procédure. 

M. BOKWALA (République démocratique du Congo) a indiqué que la promotion et la protection des droits de l’homme devraient constituer la pierre angulaire de l’arsenal juridique de chaque État Membre.  La République démocratique du Congo est, quant à elle, partie à nombreux instruments aux niveaux régional et international.  Le représentant a mentionné plusieurs réformes entreprises par son pays dans le domaine de la justice, dans le cadre d’une vaste campagne contre l’impunité menée en parallèle avec la restauration de la paix et de la sécurité dans l’ensemble du pays.

La République démocratique du Congo, a poursuivi M. Bokwala, a mis sur pied des mécanismes de protection des droits de l’homme.  Le représentant s’est félicité que son pays ait été retiré, en 2017, de la liste des pays utilisant les enfants dans les forces armées.  Enfin, il a indiqué que son gouvernement encourageait toute communication constructive avec tous les partenaires et s’engageait à mettre tout en œuvre pour relever, ensemble, les défis liés aux questions des droits de l’homme.

Mme ZEBIB GEBREKIDAN (Érythrée) a estimé que, les droits de l’homme étant universels et interdépendants, leur politisation et leur sélectivité contribuent « plus à la confrontation qu’à leur promotion ».  L’Érythrée accorde une grande importance à la procédure de l’Examen périodique universel, dans laquelle elle voit un mécanisme efficace pour la question des droits de l’homme.  L’Érythrée est prête pour le troisième cycle d’examen dans ce cadre.  La représentante a en outre salué les récents développements positifs dans la Corne de l’Afrique, y voyant un levier pour la paix et le progrès des peuples de la région.

M. VILIAMI VA’INGA TŌNĒ (Tonga) a affirmé que la promotion et la protection des droits de l’homme sans discrimination et de manière universelle et indivisible constituaient la référence morale guidant son pays, conformément aux principes et objectifs de la Charte de l’ONU.  Les Tonga reconnaissent la valeur intégrale de l’accès à la justice dans la réalisation des droits de l’homme et le poids des expériences négatives de la discrimination sur certains groupes.  Le représentant a par ailleurs remercié les agences et mécanismes des Nations Unies qui contribuent à protéger les droits de l’homme en renforçant les capacités des États.  Il a également reconnu que le droit au développement ne pouvait être atteint par une seule nation et a appelé l’ensemble des pays à agir en concertation.  Il a enfin assuré que son pays était très heureux de recourir à l’Examen périodique universel pour faire rapport de ses obligations en matière de droits de l’homme.

M. MHER MARGARYAN (Arménie) a rappelé que son pays avait connu un grand changement de son système politique à la suite d’une révolution pacifique.  Il s’agit, s’est-il félicité, d’un tournant dans l’histoire de l’Arménie.  Les femmes et les jeunes ont pu participer à la vie civique et sentent qu’ils peuvent désormais contribuer à la vie publique et politique.  Le représentant s’est également réjoui de la présence d’une société civile dynamique.  L’Arménie s’est engagée à entamer une nouvelle génération de réformes avec la lutte contre la corruption en tête de ses priorités, a encore affirmé M. Margaryan.

Mme MARTHA AMA AKYAA POBEE (Ghana) a estimé que la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dépendaient de la mise en œuvre, au niveau national, des instruments des Nations Unies.  À cet égard, elle a noté que le système des organes conventionnels a un potentiel énorme pour assurer de la progression des droits des plus vulnérables et la mise en œuvre des objectifs de développement durable.  La représentante s’est par ailleurs déclarée préoccupée par le problème des retards dans le traitement des communications adressées aux organes de traités et par la non-présentation de rapports périodiques nationaux à ceux-ci.  Seulement 34 des 197 États Membres ont honoré leurs obligations dans ce sens, soit 17%, a-t-elle relevé, chiffrant à 578 le nombre de rapports non remis à temps.  Elle s’est cependant déclarée heureuse de constater que le Bureau de la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme avait pris les mesures adéquates pour aider les États Membres à relever les défis liés à des ressources insuffisantes ou à un manque de capacités.

M. NAZIFULLAH SALARZAI (Afghanistan) a indiqué que les droits de l’homme étaient au cœur de la Constitution de son pays, qui s’engage à la pleine réalisation de ces droits malgré des difficultés d’envergure en matière de sécurité.  Le cadre pour la paix et la stabilité définit la voie pour les réformes dans tous les secteurs en Afghanistan.  La Commission nationale des droits de l’homme a joué un rôle clef dans l’exercice de la liberté d’expression et des médias, a estimé le représentant.  S’agissant des enfants, il a indiqué qu’un nouveau cadre pénal incriminait toute violence à leur égard.  Pour finir, il a mis en exergue l’action de son pays en faveur de l’autonomisation de la femme.

Pour M. DZINADZA (Togo), la protection des droits de l’homme nécessite une démarche collective, inclusive et volontariste pour permettre aux États Membres et à tous les acteurs de s’abstenir de tout comportement et pratiques qui pourraient nuire gravement aux mécanismes établis à cet effet.  À cette fin, le Togo entend s’associer à toutes les voix qui ont souligné le danger d’une politisation des questions de droits de l’homme et invite à privilégier la concertation et le dialogue visant à promouvoir une meilleure protection et une jouissance effective de ces droits.

Mgr TOMASZ GRYSA, Saint-Siège, a mis en avant le droit à la dignité et insisté sur la nécessité de renouveler « nos engagements » et non de se limiter à des discours.  Il a rappelé que, lors de son allocution de début d’année devant le corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège, le pape François avait souligné certaines tendances qui, au nom même de la promotion des droits de l’homme, portent en réalité atteinte à la jouissance des droits consacrés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Pour Mgr Grysa, cette tendance laisse présager « le risque que, au nom même des droits de l’homme, nous assistions à la montée des formes modernes de colonisation idéologique par les plus forts et les plus riches, au détriment des plus pauvres et des plus vulnérables ».  À cet égard, le Saint-Siège reste préoccupé par l’interprétation de plus en plus étroite du droit à la vie, tant au niveau des États qu’au niveau des organes de traités et d’autres mécanismes de défense des droits de l’homme.  Cette tendance est particulièrement apparente dans les discours sur les droits de l’homme qui refusent de reconnaître la valeur inhérente et la dignité de la vie humaine à chaque étape.  Cette approche idéologique cherche à créer une hiérarchie des droits de l’homme, en relativisant la dignité humaine, en attribuant plus de valeur et même de droits aux forts et aux sains, tout en écartant les faibles.  Une telle idéologie, malheureusement présente dans diverses parties du système des droits de l’homme des Nations Unies, conduit à de graves inégalités et injustices, a conclu Mgr Grysa.

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