Après son débat général, le Comité spécial commence ses discussions à huis clos sur la réforme du pilier « paix et sécurité » de l’ONU
Le Comité spécial des opérations de maintien de la paix, qui tient ses travaux jusqu’au 9 mars, a achevé aujourd’hui son débat général de deux jours au cours duquel les délégations ont appelé à l’accélération des réformes au pilier « paix et sécurité » des Nations Unies, compte tenu de la nature changeante des crises, de l’apparition de nouveaux types d’acteurs et de la réduction des ressources disponibles, a précisé le représentant du Mali, dont le pays est l’hôte d’une grande mission de stabilisation avec plus de 14 000 Casques bleus.
Hier, à l’ouverture du débat général, le représentant du Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix prévenait que le maintien de la paix vit un moment critique: « notre structure et notre culture de travail ne cadrent plus avec la réalité des menaces complexes à la paix et la sécurité ». À la lumière de l’expérience de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), le représentant malien a avoué aujourd’hui: « Je trouve difficile pour l’ONU de feindre d’ignorer un environnement fait de terrorisme et de trafics en tout genre dans lequel les soldats de la paix sont déployés ».
Nous savons, a-t-il poursuivi, que la MINUSMA n’évolue plus dans un environnement de maintien de la paix classique et que la réalité est marquée par les attaques asymétriques des groupes terroristes et des narcotrafiquants, y compris des trafiquants d’êtres humains, qui s’en prennent indistinctement aux populations civiles, aux Forces de défense et de sécurité maliennes et aux forces étrangères de la MINUSMA et de la France. Ce constat est un appel à l’action, a estimé le représentant, qui a appelé à l’adaptation des mandats à leur environnement même si comme d’autres, son homologue de Cuba a souligné que les missions de l’ONU n’ont pas vocation à lutter contre le terrorisme.
À ce jour, les Nations Unies comptent 110 000 Casques bleus et policiers dans 15 opérations de maintien de la paix dont 10 en Afrique. Dans ses propositions, le Secrétaire général de l’ONU a jeté les bases d’une réforme approfondie et holistique qui s’attaque aux racines de « notre inefficacité », a estimé le représentant du Rwanda, partisan d’« un changement de mentalités » et des propositions de réforme qui couvrent à juste titre une restructuration à grande échelle pour changer le paradigme des méthodes de travail, lequel peut favoriser une approche « interpiliers » -paix et sécurité, développement et droits de l’homme- répondant à toutes les phases d’un conflit et mettant méthodiquement en synergie le travail d’une région pour sortir d’un conflit armé.
En parlant de région, l’observateur de l’Union africaine a noté que depuis l’adoption des résolutions 2320 (2016) et 2378 (2017) du Conseil de sécurité, les efforts de son organisation pour créer une structure prévisible de partage du coût des opérations de maintien de la paix autorisées par le Conseil, dans le cadre de sa proposition de prendre en charge 25% des coûts d’ici à 2020, ont fait un grand pas avec l’adoption en janvier dernier, du principe d’un Fonds pour la paix qui à ce jour est financé à hauteur de 57% de l’objectif fixé pour 2017.
2018 sera une année décisive, a dit l’observateur qui s’est félicité, une nouvelle fois, du Cadre commun ONU-UA pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité. Il a aussi espéré que l’examen conjoint du mandat de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) ouvrira la voie à des ponctions sur le budget ordinaire de l’ONU.
« Des discussions franches. » C’est ce que le représentant du Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix demandait hier au Comité spécial. Des discussions, précisait-il, qui reconnaissent que les opérations de maintien de la paix sont soumises à une pression considérable, avec des risques énormes dont l’atténuation passe par des mandats clairs et applicables, un engagement politique cohérent, des ressources suffisantes, un bon capital humain et l’assurance du consentement préalable des parties au conflit.
Convoquant son expérience de sixième plus grand contributeur de troupes et de police aux opérations de l’ONU et sa propre expérience nationale, le représentant du Népal a prévenu, comme d’autres avant lui hier, que les opérations de maintien de la paix et les missions politiques ne peuvent pas se substituer aux méthodes endogènes de règlement des conflits. Ce n’est que par un règlement politique pacifiquement négocié que l’on peut prévenir un conflit, en s’attaquant aux racines des tensions et donc en intégrant des stratégies de prévention dans la gouvernance en général et dans le travail lié au développement.
C’est là où les approches « paix et sécurité » et « développement » se rencontrent et se renforcent mutuellement, a expliqué le représentant qui a, à son tour, salué, comme « un pas dans la bonne direction », les initiatives de réforme du Secrétaire général pour assurer une approche incluant les trois piliers des Nations Unies dans l’exécution des mandats de maintien de la paix.
Le Comité spécial se réunira désormais à huis clos en Comité plénier pour finaliser des recommandations que le représentant du Sénégal a voulues plus accessibles, plus concises et plus utiles à l’amélioration des opérations de maintien de la paix. Le Comité devrait aussi réfléchir à la mise en œuvre des conclusions du « Rapport Cruz » sur la sûreté et la sécurité des Casques bleus qui avertit: si les Nations Unies et les pays contributeurs de troupes et de police ne changent pas leur façon de penser et ne montrent pas la volonté de faire face aux nouveaux défis, ils enverront, consciemment, les troupes vers le danger. Entre 2013 et 2017, 195 Casques bleus ont perdu la vie dans des attaques directes.
DÉBAT GÉNÉRAL (suite)
M. ISSA KONFOUROU (Mali) a déclaré que pour être efficace, l’outil des opérations de maintien de la paix nécessitait un suivi, un accompagnement constant et des adaptations nécessaires en raison d’un environnement en constante évolution. Certes, les soldats des Nations Unies n’ont pas de mandat du Conseil de sécurité pour lutter contre le terrorisme. Cependant, je trouve difficile pour l’ONU de feindre d’ignorer un environnement fait de terrorisme et de trafics en tout genre dans lequel les soldats de la paix sont déployés.
Nous savons que la MINUSMA n’évolue plus dans un environnement de maintien de la paix classique et la réalité du terrain est marquée par des attaques asymétriques perpétrées par des groupes terroristes et de narcotrafiquants, y compris des trafiquants d’êtres humains, qui attaquent indistinctement nos populations civiles, les Forces de défense et de sécurité maliennes et les forces étrangères de la MINUSMA et de la France.
Ce constat est un appel à l’action, a ajouté le représentant, qui vise à adapter le mandat des opérations de maintien de la paix à leur environnement. Je me réjouis ici des recommandations formulées par le général Carlos Alberto dos Santos Cruz, dans son rapport sur l’amélioration de la sûreté et de la sécurité des Casques bleus des Nations Unies, qui indique que si les Nations Unies et les pays contributeurs de troupes et de police ne changent pas de façon de penser, prennent des risques et démontrent leur volonté de faire face aux nouveaux défis, ils enverront consciemment les troupes vers le danger.
Le représentant a repris en disant que donner un mandat adapté à la situation est une chose. Mais doter la MINUSMA de moyens matériels, financiers et humains adéquats en est une autre. Le Gouvernement du Mali souhaite vivement que les capacités opérationnelles de la MINUSMA soient renforcées, de manière à lui permettre de mettre en œuvre pleinement et efficacement son mandat.
Le délégué a aussi appelé à la mise en application diligente du Protocole d’accord entre la MINUSMA et le Gouvernement du Mali sur la coopération et l’appui de la Mission aux forces armées maliennes, en vue de contribuer au rétablissement de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national et de consolider l’état de droit.
Il a également réitéré la nécessité pour l’ONU, particulièrement le Conseil de sécurité et le Secrétariat, d’évoluer dans leur paradigme, en associant plus étroitement les parties concernées par les opérations de maintien de la paix, notamment les pays hôtes et les pays contributeurs de troupes et de contingents de police à la formulation des mandats ainsi qu’à la détermination des moyens de leur mise en œuvre.
M. Konfourou a par ailleurs appelé à approfondir la réflexion sur la meilleure façon de prendre en compte les nouveaux défis qui s’imposent dans le cadre des missions de paix, notamment l’évolution de la nature des crises et l’apparition de nouveaux types d’acteurs impliqués ainsi qu’une tendance à la réduction des ressources à mobiliser. Avant de terminer, le représentant a appuyé l’initiative du Secrétaire général visant à réformer le pilier « paix et sécurité » des Nations Unies ainsi que la politique de tolérance zéro en matière de violences et d’exploitations sexuelles dans les opérations de maintien de la paix. Le Mali, a-t-il précisé, a d’ailleurs signé le Pacte volontaire initié par le Secrétaire général.
M. GHOLAMALI KHOSHROO (République islamique d’Iran) a relevé que malgré les défis auxquels elles font face, les opérations de maintien de la paix demeurent un « outil vital » de promotion de la paix et la sécurité internationales. Il a tout de même tenu à l’importance du respect des principes du consentement des parties, d’usage de la force qu’en cas de légitime défense et d’impartialité. Il a aussi insisté sur les principes d’égalité souveraine, d’indépendance politique, d’intégrité territoriale de tous les États et de la non-ingérence dans les affaires intérieures des États.
L’Iran soutient l’initiative de réforme du pilier « paix et sécurité » lancée par le Secrétaire général afin de le rendre plus efficace, mais estime qu’il faut qu’elle passe par un processus intergouvernemental pour être examiné en détail. La protection des civils relevant de la responsabilité première des États, les opérations doivent donc, quand elles reçoivent ce mandat, appuyer les efforts du pays hôte. Toute intervention militaire des Nations Unies ou de forces étrangères sous le prétexte de protéger les civils doit être évitée. S’agissant de l’usage de technologies modernes et des renseignements dans les opérations, le délégué a estimé que bien que cela pourrait contribuer à renforcer la sécurité du personnel de l’ONU, les implications juridiques doivent être définies dans un processus intergouvernemental.
Il a aussi insisté sur la discipline des personnels de l’ONU, y compris les soldats de la paix qui doivent se heurter à la tolérance zéro, en cas d’exploitation et d’atteintes sexuelles. Le représentant a aussi souligné que le rôle des arrangements régionaux dans le maintien de la paix doit être défini conformément au Chapitre VIII de la Charte. Ces arrangements ne doivent en aucun cas se substituer au rôle de l’ONU ou la désengager de sa responsabilité première du maintien de la paix et la sécurité internationales. Pour l’Iran, il est également important que les pays contributeurs de troupes participent à la formulation des politiques et à toutes les étapes du processus de prise de décisions sur les opérations. Il est donc important d’établir une coopération triangulaire efficace entre ces pays, le Secrétariat et le Conseil de sécurité.
M. TORE HATTREM (Norvège) a plaidé pour un plus grand nombre de femmes Casques bleus et appuyé le but du Secrétaire général d’avoir 20% de policières au sein des missions de paix. Il a mentionné les priorités de son pays pour les négociations de cette année. Premièrement, nous devons garantir un environnement sûr au personnel déployé, a-t-il dit. « Pour que le personnel puisse s’acquitter de la tâche souvent écrasante de protéger les civils, il doit se sentir lui-même en sécurité. » Il a indiqué que l’engagement des communautés locales est un élément clef pour assurer le succès des missions, avant de souligner l’importance du renseignement. Le personnel des missions doit disposer des instruments nécessaires, a-t-il dit. M. Hattrem a ainsi insisté sur l’importance du travail en cours visant à aboutir à un manuel sur l’utilisation du renseignement dans les opérations de paix. Il a mis l’accent sur la lutte contre la violence sexuelle liée à un conflit et s’est dit encouragé par l’élaboration en cours d’une stratégie de l’ONU sur cette question.
En second lieu, le délégué a appelé à explorer les voies nécessaires pour combler les lacunes capacitaires des missions et invité à tirer les leçons de la rotation utilisée au sein de la MINUSMA s’agissant du transport aérien. Il a invité les États Membres à combler lesdites lacunes et s’est félicité de la transparence accrue autour de la constitution de forces. Le délégué a souligné la nécessité pour les opérations de paix d’être guidées par une stratégie politique, ajoutant que tous les acteurs engagés doivent savoir quel est l’objectif politique poursuivi. Enfin, il a plaidé pour une coopération accrue avec les organisations régionales, dont l’Union africaine, celle-ci étant en effet la mieux positionnée pour conduire des opérations antiterroristes en Afrique.
M. E. COURTENAY RATTRAY (Jamaïque) a noté la connexion de plus en plus étroite entre le maintien et la consolidation de la paix et a jugé impératif de comprendre les racines des conflits et d’investir de manière à aider les pays à bâtir leurs institutions afin de renforcer leur résilience et de promouvoir leur capacité de prévention de conflits. Il a estimé que pour consolider les progrès réalisés en Haïti et maintenir un environnement propice au développement durable, la communauté internationale doit demeurer engagée dans un partenariat effectif avec le Gouvernement et le peuple d’Haïti. Il a aussi souligné que le remboursement des pays contributeurs de troupes et de police doit se faire en temps opportun et de manière efficace. Il a souhaité obtenir des informations sur le remboursement des pays qui contribuent aux forces en attente.
Le représentant a salué l’initiative du Secrétaire général visant à établir la parité à l’échelle du système d’ici à 2028, se disant notamment encouragé par la réouverture, au mois de juin, d’un pipeline pour le recrutement de cadres féminins au sein des opération de maintien de la paix. Il a également souhaité que le projet pilote pour l’année 2018, initié par le Département des opérations de maintien de la paix pour mieux former les femmes officiers de police, aura un rayonnement dans toutes les régions, y compris les Caraïbes.
Après avoir rendu hommage aux milliers d’hommes et de femmes qui ont fait le sacrifice ultime « pour transformer des conflits en paix durable », M. Rattray a insisté sur l’importance de la formation des Casques bleus ainsi que sur l’usage efficace de la technologie et des mesures de sûreté professionnelles. Il a également fait savoir qu’en matière de prévention des abus et des atteintes sexuelles, la Jamaïque appuie un élargissement de l’interaction avec la société civile et les parties prenantes clefs aux niveaux national et international.
Mme ANAYANSI RODRÍGUEZ CAMEJO (Cuba) a rappelé que les opérations de maintien de la paix devaient être mises en œuvre conformément aux principes de la Charte, en particulier la non-ingérence dans les affaires intérieures des États, l’indépendance des États et le principe du consentement préalable des parties au conflit. Les opérations sont des mesures temporaires qui devraient permettre à un pays de retrouver le chemin du développement durable, a estimé Mme Rodríguez Camejo. Ces opérations, a-t-elle insisté, n’ont pas vocation à lutter contre le terrorisme. La représentante a appelé à l’amélioration du Mécanisme tripartite entre le Conseil de sécurité, le Secrétariat et les pays contributeurs de troupes dans les phases d’élaboration des mandats et d’adaptation aux nouvelles réalités. Les missions doivent être dotées d’un mandat clair et de ressources nécessaires pour s’acquitter de leurs missions.
Mme DOMA TSHERING (Bhoutan) a indiqué que son pays contribue depuis 2014 aux opérations de maintien de la paix et que 45 Casques bleus bhoutanais sont actuellement déployés dans différentes missions. En outre, le Bhoutan est le premier pays à avoir signé, le 1er décembre 2017, l’Accord sur le niveau « déploiement rapide ». La représentante a plaidé pour l’adoption d’une approche plus inclusive en matière de maintien de la paix. Elle a aussi appelé à renforcer le rôle des femmes, précisant dans la foulée que huit femmes officiers de police bhoutanaises viennent d’achever leur rotation dans les missions de l’ONU.
Mme Tshering a insisté sur l’importance de renforcer les partenariats, notamment dans les domaines du renforcement des capacités des Casques bleus, à commencer par le personnel militaire et policier des pays en développement, ainsi qu’en matière de formation. Des efforts supplémentaires s’imposent aussi pour renforcer la confiance avec les communautés locales, qu’il s’agisse de minimiser l’impact des troupes sur l’environnement ou d’appliquer la politique de tolérance zéro en matière d’exploitation et d’atteintes sexuelles. Elle a précisé qu’à l’avenir les forces et unités de police du Bhoutan auront recours à l’énergie solaire pour subvenir à leurs besoins. Le Bhoutan a également fait une contribution modeste au Fonds d’affectation spéciale en faveur des victimes d'exploitation et d'atteintes sexuelles et a signé le Pacte volontaire sur la prévention de l’exploitation et des atteintes sexuelles.
M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a rendu hommage à tous ceux qui ont fait le sacrifice ultime au service de la paix. Il a salué le « Rapport Cruz » sur la sécurité des soldats de la paix dont le thème relève d’une question de fond qui mérite des discussions stratégiques. Le délégué a aussi salué les recommandations du Secrétaire général, disant attendre les discussions à la Cinquième Commission chargée des questions administratives et budgétaires. Il s’est félicité de la volonté du Secrétaire général de collaborer avec les organisations régionales telles que l’Union africaine (UA) et rappelé que les missions de paix menées par l’UA et autorisées par le Conseil de sécurité ont besoin de fonds substantiels pour être efficaces. Le délégué a rappelé que 118 Casques bleus éthiopiens ont perdu la vie en service de l’ONU.
M. GORGUI CISS (Sénégal) a invité le Conseil de sécurité à élaborer des mandats plus clairs, plus réalistes et plus réalisables qui tiennent compte des environnements opérationnels et de l’évaluation optimale des exigences, notamment en matière de ressources. Il a aussi insisté sur l’engagement précoce du Conseil en faveur d’un règlement politique des conflits, avant le déploiement et pendant la durée des missions. Le Sénégal appelle à la mise en œuvre des recommandations du rapport du Groupe indépendant de haut niveau sur l’étude d’ensemble des opérations de maintien de la paix (HIPPO), ainsi que de celles contenues dans le rapport subséquent du Secrétaire général de l’ONU. Selon le Sénégal, nous devons accorder la plus grande attention à la planification et à la conduite des opérations de la paix ainsi qu’à l’adoption d’une approche holistique et systémique sur la question de la performance des opérations.
Le Sénégal invite, dans le cadre du Mécanisme triangulaire, à continuer de travailler ensemble pour réduire le nombre de victimes parmi les soldats de la paix et, sur ce point, « le Rapport Cruz semble être un jalon important dans la bonne direction ». En matière de formation, le Sénégal dispose d’un centre d’entraînement construit aux normes de l’ONU. Le pays adhère en outre à la politique de tolérance zéro ainsi qu’aux initiatives du Secrétaire général en matière d’exploitation et d’atteintes sexuelles, notamment la création du cercle de dirigeants et le Pacte volontaire sur la prévention et la lutte contre l’exploitation et les atteintes sexuelles.
Pour le Sénégal, la coopération avec les États voisins des zones de conflit ainsi qu’avec les organisations régionales et sous-régionales, en particulier l’Union africaine (UA), est essentielle. Le représentant a réitéré l’importance stratégique des mécanismes de financement prévisibles, durables et flexibles des opérations de l’UA autorisées par le Conseil de sécurité, en vertu de la résolution 2320 (2016) sur la coopération entre l’ONU et l’UA. Le délégué a dit attendre du Comité spécial un rapport plus accessible, plus concis et plus utile à l’amélioration des opérations de maintien de la paix.
M. RAOUL BAZATOHA (Rwanda) a rappelé que son pays connaît trop bien les répercussions des réticences et des mauvaises décisions qui placent la sécurité et les besoins des civils au second plan et la volonté de prévenir un conflit, au troisième. Invitant à tirer les leçons du passé, le représentant a invité le Comité spécial à une réflexion honnête et progressiste pour améliorer les opérations de maintien de la paix. Il faut, a d’emblée estimé le représentant, d’abord changer les mentalités et se montrer proactif, stratégique et novateur, et le changement doit se faire ressentir sur le terrain. Les Casques bleus doivent avoir assez confiance en eux pour se tenir droit dans leurs bottes, psychologiquement et physiquement.
Le Secrétaire général, a poursuivi le représentant, a déjà jeté les bases d’une réforme approfondie et holistique qui s’attaque aux racines de « notre inefficacité ». Les propositions de réforme, a ajouté le représentant, couvrent une restructuration à grande échelle pour changer le paradigme des méthodes de travail. Ces changements peuvent sans doute favoriser une approche « interpiliers » et intersectorielle qui réponde à toutes les phases d’un conflit et met méthodiquement en synergie le travail d’une région pour sortir d’un conflit armé.
Il faut aussi améliorer la performance et la responsabilité de chaque partie prenante, car elle a des attentes à satisfaire, doit également être réalisée. Nous devons apprendre à nos troupes à intérioriser et à rechercher la performance au plus haut niveau tout en leur inculquant la culture de responsabilité. La redevabilité peut cicatriser les plaies des échecs du passé et créer simultanément des chances de succès grâce aux leçons apprises. Les Principes de Kigali, a souligné le représentant, ont permis aux pays contributeurs de troupes et de police, comme le Rwanda, de réfléchir à la performance et à la responsabilité de façon tangible et intelligible. S’agissant du Secrétariat de l’ONU, M. Bazatoha a salué la volonté du Secrétaire général de déléguer son autorité aux hauts responsables et de les rappeler à leurs responsabilités dans des contrats de performance. Les femmes doivent être en première ligne de ces efforts au Siège et à l’extérieur, a estimé le représentant. La participation des femmes est essentielle parce qu’elle est la force qui convertit le changement en progrès réels et substantiels en particulier dans les États fragiles et les sociétés postconflit. L’avenir des Nations Unies, c’est davantage de femmes tout en haut de l’échelle hiérarchique, a insisté le représentant.
2018 marque le soixantième anniversaire de la participation du Népal aux efforts de maintien de la paix des Nations Unies, a indiqué M. DURGA PRASAD BHATTARAI (Népal). Cette expérience internationale et sa propre expérience nationale ont appris au Népal que les opérations de maintien de la paix et les missions politiques ne peuvent pas se substituer aux méthodes endogènes de règlement des conflits. Ce n’est que par un règlement politique pacifiquement négocié que l’on peut prévenir un conflit, en s’attaquant aux racines des tensions et s’y attaquer suppose l’intégration des stratégies de prévention dans la gouvernance en général et dans le travail lié au développement. C’est là où les approches « paix et développement » se rencontrent et se renforcent mutuellement. Le représentant a donc estimé que les initiatives de réforme du Secrétaire général pour assurer une approche incluant les trois piliers des Nations Unies dans l’exécution des mandats de maintien de la paix sont un pas dans la bonne direction.
Aujourd’hui, le Népal est le sixième plus grand contributeur de troupes et de police avec 5 492 Casques bleus dans 12 opérations et deux missions politiques spéciales. Ce sont les Casques bleus, a tenu à souligner le représentant, qui transforment les mandats du Conseil de sécurité en actes concrets sur le terrain et qui maintiennent en vie l’espoir de paix. Leur capacité de mise en œuvre des mandats est « vitale » et devrait être améliorée par des formations et des directives claires. Le Népal abrite un centre de formation moderne des Casques bleus qui est d’ailleurs devenu un centre régional d’excellence. Reconnaissant la force multiplicatrice que sont les femmes dans la prévention et la résolution des conflits, M. Bhattarai a indiqué que son pays s’emploie à réaliser l’objectif fixé par les Nations Unies d’avoir 15% de femmes dans les opérations de maintien de la paix. À ce jour, 190 Népalaises travaillent dans ces opérations.
Le Népal a dûment signé le Pacte volontaire sur la prévention et la lutte contre l’exploitation et les atteintes sexuelles, après avoir adhéré aux Principes de Kigali sur la protection des civils. Le représentant a conclu en se félicitant du « Rapport Cruz » sur la sécurité des Casques bleus. L’ouverture au Secrétariat et sur le terrain peut relever le moral et l’efficacité des Casques bleus, a-t-il souligné, plaidant pour que les pays contributeurs de troupes accèdent aux postes de direction au Siège et sur le terrain, conformément à leur contribution aux opérations de maintien de la paix.
M. MIRIAN POPKHADZE (Géorgie) a dit que son pays soutient l’approche globale de la sécurité internationale dans laquelle les trois piliers paix et sécurité, droits de l’homme et développement sont interconnectés. Il a déploré les pertes en vies humaines parmi les Casques bleus, saluant aussi le « Rapport Cruz » sur la sécurité des soldats de la paix. La Géorgie, a-t-il dit, est pleinement engagée en faveur de la politique de tolérance zéro en cas d’exploitation et d’atteintes sexuelles et appelle à la poursuite de leurs auteurs.
Le représentant s’est félicité du fait que la Géorgie soit passée du statut de pays hôte d’une opération, au début des années 1990, à celui de pays contributeurs de troupes, notamment dans les Balkans, en Iraq, en Afghanistan ou encore en République centrafricaine (RCA) sous la bannière de la Force de maintien de la paix de l'Union européenne (EUFOR) de juin 2014 à mars 2015.
Le délégué a rappelé que la Mission d’observation des Nations Unies en Géorgie (MONUG), placée sous le Chapitre VI de la Charte et arrêté prématurément du fait du veto d’un membre permanent du Conseil de sécurité en 2009, est partie contre la volonté du pays hôte et sans avoir accompli le but principal de son mandat. Neuf ans plus tard, aucun remplacement adéquat n’a été effectué. La Mission de surveillance de l’Union européenne (MSUE), qui poursuit sa tâche, n’a pas accès à certaines régions de la Géorgie dont les efforts pour assurer une présence internationale indépendante, neutre et efficace sur le terrain sont restés vains.
M. MOHAMED KHALED KHIARI (Tunisie) a rappelé que son pays a commencé à déployer des contingents dans les opérations de l’ONU dès 1960, notamment au Congo, au Cambodge, en Somalie, en Bosnie-Herzégovine et au Rwanda. La Tunisie travaille au succès des opérations orientées vers les besoins des pays hôtes et salue, à cet égard, les efforts du Secrétaire général visant à renforcer la performance du « pilier paix et sécurité » des Nations Unies. La Tunisie souligne l’importance de la prévention et de la pérennisation de la paix dans le contexte des menaces de plus en plus complexes. Le délégué a ainsi plaidé pour que les dimensions « maintien de l’ordre et état de droit » des mandats des opérations soient reconnues et suffisamment financées. Cela est important pour le renforcement des capacités des pays hôtes en matière de protection des civils. La Tunisie réitère en outre son attachement au rôle des femmes dans les opérations des Nations Unies et soutient les efforts de promotion de l’approche genre pour augmenter le nombre des femmes Casques bleus. La Tunisie compte s’y employer, a promis le représentant, en ne manquant pas de mentionner que son pays a dûment signé le Pacte volontaire sur la prévention et la lutte contre l’exploitation et les atteintes sexuelles.
M. CHEON KYEONGJIN (République de Corée) a constaté que plus de 100 000 Casques bleus sont actuellement déployés dans le monde et que la demande devrait rester élevée. Il a aussi noté la nette augmentation des morts enregistrées ces dernières années. Il a appelé à élaborer des mandats dotés d’une perspective à long terme, tenant compte de la spécificité de telle ou telle situation et visant à appuyer le développement stable et durable des pays hôtes, au lieu de se contenter d’un règlement provisoire des différends. La communication avec les gouvernements hôtes et les communautés locales est essentielle pour assurer un suivi adéquat, a-t-il ajouté.
Le représentant a aussi réclamé des efforts pour améliorer la sûreté et la sécurité des Casques bleus, moyennant notamment la fourniture d’équipements et de technologie adéquats ainsi qu’une formation appropriée. Il a indiqué qu’après la tenue, en novembre, du cours sur la « formation des formateurs » en matière de protection des civils, la République de Corée s’apprête à organiser, en juillet, un cours similaire sur la protection de l’enfance. Le pays participe également à l’élaboration en temps réel d’une technologie de cartographie qui utilise des drones aérosondes tactiques de plus petite taille pour améliorer leur efficacité opérationnelle.
M. Cheon a en outre jugé nécessaire pour l’ONU de renforcer ses partenariats avec les organisations régionales, à commencer par l’Union africaine, ces dernières ayant des avantages comparatifs uniques en matière de connaissance des contextes, de déploiement rapide et de volonté à agir avec robustesse.
Mme NARJES SAIDANE, Organisation internationale de la Francophonie (OIF), a souligné que son organisation s’attelait à renforcer la participation des francophones aux opérations de l’ONU. Elle a insisté sur la prise en compte de la dimension linguistique et des spécificités socioculturelles de chaque théâtre d’opérations. Le premier axe d’intervention de l’OIF est le renforcement du multilinguisme à travers l’usage de français dans les opérations de maintien de la paix. Pour l’Organisation, la prise en compte effective du français dans le recrutement des personnels du maintien de la paix, en particulier dans les opérations se déroulant dans des pays francophones, constitue une question déterminante pour l’acceptation des missions par les populations civiles, l’efficacité de l’action de la communauté internationale de façon globale, la sécurité des personnels, et la performance des opérations de paix en particulier. Depuis 2010, l’OIF s’est associée à la France afin de développer la « Méthode En Avant! » qui vise à enseigner le français de façon spécifique aux forces de défense et de sécurité non francophones amenées à être déployées dans des théâtres d’opérations francophones.
Le deuxième axe de la Francophonie est un accompagnement politique et technique de la montée en puissance des capacités francophones du maintien de la paix. Cela se traduit par un soutien au développement de partenariats afin de renforcer l’opérationnalisation des capacités francophones, ainsi que par l’organisation régulière de concertations francophones consacrées aux enjeux des opérations de paix. Enfin, le troisième axe vise l’amélioration des capacités de participation des pays francophones aux opérations de paix, à travers le soutien à de nombreux programmes de formation des personnels militaires, policiers et civils. C’est dans cette optique que s’inscrivent le stage de formation de formateurs militaires francophones, prévu du 19 février au 2 mars 2018, organisé par la France en coopération avec l’OIF, et l’initiative conjointe de l’OIF, du Sénégal et de l’Union africaine pour le Cours régional francophone pour les femmes en commandement de la police et qui aura lieu à Dakar du 8 au 14 mai prochain.
L’OIF partage en outre la détermination du Conseil de sécurité et du Secrétariat des Nations Unies à augmenter la participation des femmes aux opérations de maintien de la paix. L’OIF œuvre également à la mobilisation d’une expertise francophone adaptée aux exigences des mandats de terrain, notamment dans des domaines aussi variés que les élections, la justice, la lutte contre l’impunité et la protection des droits de l’homme. Enfin, l’OIF s’investit en faveur de l’appropriation par les États francophones des sujets liés aux opérations à travers l’Observatoire Boutros-Ghali du maintien de la paix qui est destiné à renforcer le dialogue triangulaire entre les États francophones contributeurs, le Conseil de sécurité et le Secrétariat des Nations Unies.
M. SALEM M. M. MATUG, observateur de l’Union africaine, a rappelé que l’Afrique a en ce moment sur son sol 100 000 Casques bleus africains et onusiens et du personnel civil international déployés dans 10 missions, avec un coût annuel de plus de 7,5 milliards de dollars. Les opérations de soutien à la paix sont aujourd’hui une part vitale du paysage sécuritaire africain. Les conflits sont devenus plus complexes avec des causes multidimensionnelles, a poursuivi l’observateur. Pendant la dernière décennie, il y a eu quelques changements significatifs dans les tactiques de combat et les stratégies des groupes armés ainsi que dans l’équilibre international du pouvoir, lesquels ont des conséquences graves pour le maintien de la paix. L’Union africaine assume sa responsabilité politique de faire face à ces défis et continue de renforcer son partenariat stratégique avec les Nations Unies.
Le Président de la Commission de l’Union africaine et le Secrétaire général de l’ONU ont d’ailleurs convoqué la toute première Conférence ONU-UA et signé le Cadre commun ONU-Union africaine pour un partenariat renforcé en matière de paix et de sécurité qui vient d’être suivi par un accord sur une meilleure coordination entre l’Agenda 2063 de l’Union africaine et le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies. Quand il s’agit de répondre aux défis de la paix et de la sécurité, a fait observer l’orateur, l’Union africaine a montré un formidable avantage dont l’optimisation dépend des capacités et des ressources adéquates et prévisibles.
La Commission de l’Union africaine fournit un appui politique, technique et de planification aux opérations autorisées par son Conseil de paix et de sécurité et menées par les communautés économiques régionales. L’observateur a parlé de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) qui doit désormais accomplir des tâches et opérations supplémentaires sans les ressources nécessaires au moment même où l’Union africaine s’attache à combler le fossé de 20% dans les allocations de l’Union européenne et à ajuster les taux aux normes de l’ONU. Malheureusement, les ressources qu’il faut n’ont pu être mobilisées. La Commission espère que la révision conjointe UA-ONU ouvrira la voie à des ponctions sur le budget ordinaire de l’ONU pour financer l’AMISOM.
L’observateur a noté que depuis l’adoption des résolutions 2320 (2016) et 2378 (2017) du Conseil de sécurité, les efforts de l’Union africaine pour créer une structure prévisible de partage du coût des opérations de maintien de la paix autorisées par le Conseil, dans le cadre de sa proposition de prendre en charge 25% des coûts d’ici à 2020, ont sauté un grand pas avec l’adoption en janvier dernier, du principe d’un Fonds pour la paix qui à ce jour est financé à hauteur de 57% de l’objectif fixé pour 2017. 2018 sera une année décisive, a conclu l’observateur, en disant attendre avec impatience des progrès dans la mise en œuvre des résolutions 2320 et 2378.